DE LA ROCHE A SON MODELE NUMERIQUE PAR APPROCHE

publicité
Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014
DE LA ROCHE A SON MODELE NUMERIQUE PAR APPROCHE
PARTICULAIRE : CONCEPTUALISATION ET APPLICATIONS
FROM THE ROCK TO ITS PARTICULATE
CONCEPTUALISATION AND APPLICATIONS
NUMERICAL
MODEL:
Mariane PETER-BORIE1, Sylvie GENTIER1, Arnold BLAISONNEAU1, Théophile
GUILLON1, Xavier RACHEZ1
1 BRGM, Orléans, France
RÉSUMÉ — Dans les domaines de la géothermie, du stockage géologique du CO 2
ou encore de l’exploitation de gaz dans des réservoirs non conventionnels, les
sollicitations hydro-thermiques peuvent être à l’origine d’un endommagement et/ou
d’une fissuration des roches. Il s’initialise à l’échelle des grains (échelle micro) et se
répercute sur les propriétés macroscopiques des roches (échelle macro). L’approche
particulaire micro-macro (méthode aux éléments discrets) est particulièrement
adaptée mais une des difficultés de ces modèles réside dans la calibration des
propriétés à l’échelle des particules pour retrouver les propriétés « macros ». Dans
ce papier, une conceptualisation est proposée pour la construction de modèles
numériques de roches grenues (granites et grès). Elle repose sur une description fine
de la composition minérale et de la texture de ces roches (granulométrie). Un de ces
modèles de roche est utilisé pour étudier l’impact du forage sur le proche puits et
l’effet de l’injection d’un fluide plus froid que le milieu naturel. A partir de
l’assemblage de différents modèles numériques de roches incluant une fissuration
locale, les propriétés mécaniques équivalentes d’une zone de faille sont estimées.
Ces derniers modèles ouvrent des perspectives pour l’étude d’objets géologiques
complexes.
ABSTRACT — In the fields of geothermal, CO2 geological storage, and gas
exploitation in unconventional reservoirs, hydrothermal loading can be at the origin of
damage and/or cracking in rocks. It is initiated at the scale of grains (micro level) and
affects the macroscopic properties of rocks (macro level). The particulate micromacro approach (discrete element method) is particularly well suited but one of the
difficulties of these models is in the calibration of the properties at the level of
particles to recover the "macro" properties. In this paper, a conceptualization is
proposed for the building of numerical models of granular rocks (granites and
sandstones). It is based on a detailed description of the mineral composition and
texture of these rocks (grain size). One of these models of rock is used to investigate
the impact of drilling on the near well and the effect of colder fluid injection than the
rock mass. From the assembling of different numerical rock models including local
cracking, equivalent mechanical properties of a fault zone are estimated. These latter
models open perspectives for the study of complex geological objects.
Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014
1. Introduction
Dans les domaines de la géothermie, du stockage géologique du CO2 ou encore
d’exploitation de gaz dans des réservoirs non conventionnels, les sollicitations hydrothermiques peuvent être à l’origine d’une fissuration des roches. Cette dernière
s’initialise à l’échelle des grains (échelle micro) et se répercute sur les propriétés
macroscopiques des roches (échelle macro). Même en simplifiant la physique en jeu,
le modèle mathématique résultant est complexe et doit être résolu numériquement.
Parmi les méthodes numériques existantes, une approche particulaire micro-macro
(méthode aux éléments discrets) est particulièrement adaptée. La difficulté de ces
modèles de particules réside dans la calibration des propriétés à l’échelle des
particules pour retrouver les propriétés « macros ». Ce papier propose une méthode
de conceptualisation des roches dans l’objectif d’optimiser la calibration des
propriétés dites « micros ». Après une description du code utilisé (PFC ©Itasca), une
attention particulière est portée à la modélisation de la roche. Deux exemples
d’applications sont ensuite donnés en illustration ; ils concernent :
l’étude de la dégradation potentielle du puits à l’origine d’un phénomène de venue de
sable (sanding) induite par le forage du puits et aggravée par une sollicitation
thermique (cas de l’exploitation géothermique du grès du Trias à Melleray);
l’estimation de propriétés équivalentes d’un milieu pétrographique complexe pour
effectuer un changement d’échelle (cas des zones de failles plurimétriques des
granites du système géothermique stimulé de Soultz-sous-Forêts).
2. Méthode aux éléments discrets (DEM)
Les modèles de particules liées sont réalisées avec le code PFC (©Itasca, 2008)
dont le principe est la modélisation du mouvement et de l'interaction de particules
circulaires en utilisant la méthode des éléments discrets (DEM ; Cundall, 1971).
Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014
Figure 1. Comportement des grains, des parallel-bonds (Potyondy et Cundall, 2004)
et des modèles des joints lisses (Itasca, 2008)
Le modèle est composé de particules distinctes qui se déplacent indépendamment
les unes des autres, et qui interagissent seulement aux contacts ou interfaces entre
elles (figure 1). Dans l’étude présentée ici, les particules sont initialement liées par un
contact Parallel Bond (PB, figure 1, Potyondy et Cundall, 2004). Le comportement
macroscopique du modèle est régi par la densité de l’arrangement des particules,
leur distribution granulométrique, et les propriétés des particules et des contacts
(Potyondy et Cundall, 2004). Des discontinuités peuvent être intégrées dans ces
modèles : un modèle de joint lisse (Smooth Joints Model – SJM ; figure 1, Itasca,
2008) est appliqué au contact entre les particules superposées aux discontinuités. Il
permet le glissement de deux particules parallèlement à la discontinuité.
3. Construction du modèle de roche numérique
Modéliser une roche grenue avec un modèle de particules liées nécessite en premier
une description de ses caractéristiques pétrographiques.
Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014
Figure 2. Principe de la construction d’un modèle numérique de particules liées.
Deux types de roches grenues sont considérées ici : les roches plutoniques (type
granite), montrant un assemblage de cristaux en grains en contact par des joints de
grains ; et les roches sédimentaires détritiques terrigènes (type grès), formées de
débris issus de l’érosion d’autres roches et apparaissant sous forme de grains liés
entre eux par un processus de cimentation. L’analyse de lames minces permet de
décrire la texture de la roche à travers notamment, la nature minéralogique des
grains qui la composent et leurs proportions, la granulométrie des grains, la porosité,
et, dans le cas des roches sédimentaires, le type et la proportion des cimentations.
Lors de la conceptualisation de la roche, la texture de la roche doit être confrontée à
la physique du problème à résoudre. Selon le phénomène physique associé à la
sollicitation imposée et l’échelle d’étude concernée, cela va conduire à la
construction de modèles de particules liées pour lesquels soit chaque particule est
associée à un grain de la roche, soit chaque particule modélise un volume de roche
homogénéisée (figure 2) ou volume élémentaire représentatif (VER)
3.1.
Modèles à l’échelle d’un volume de roche homogénéisée
Les modèles de particules liées composées de particules qui modélisent un volume
de roche homogénéisée ont fait l’objet d’une étude par Potyondy et Cundall (2004)
dont le contenu est brièvement rappelé ici. Ces auteurs présentent une analyse des
micropropriétés (à l’échelle des particules) et macro-propriétés (à l’échelle de
l’échantillon du modèle de particules liées) et ils proposent une application au granite
du lac du Bonnet (Canada). Dans ce type de modèle, la particule numérique est
associée à un échantillon de roche et possède ainsi des propriétés mécaniques et
thermo-mécaniques homogénéisées qui permettent de reproduire le comportement
«macroscopique» de la roche. La granulométrie des particules est différente de celle
de la roche : Potyondy et Cundall (2004) préconisent l’utilisation d’une granulométrie
caractérisée par un rapport des rayons extrêmes des particules égal à 1,6 associée à
une compacité de 84% pour un assemblage optimal des particules.
Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014
3.2.
Modèles à l’échelle des grains de la roche
La construction d’un modèle de particules liées à l’échelle des grains proposée ici
intègre les caractéristiques texturales des roches. La composition minéralogique de
la roche est directement répercutée sur le nombre de familles de particules et leurs
caractéristiques : chaque nature de grain (quartz, feldspath, etc.) est associée à une
famille de particules dont les proportions et la granulométrie sont identiques à celles
observées dans la roche.
Figure 3. Evolution de la largeur du contact entre les particules : des roches
sédimentaires (en fonction de l’induration) aux roches plutoniques.
Figure 4. Caractéristiques volumétriques (densité) de la roche et traduction dans le
modèle de particules liées.
Les joints de grains des roches plutoniques sont modélisés par les contacts PB.
Dans le cas des roches sédimentaires, nous proposons de modéliser non seulement
les cimentations grain à grain mais aussi les cimentations par un minéral secondaire
par des contacts PB. Le degré d’induration de la roche, qui est d’autant plus élevé
que les processus de cimentation des grains par précipitations de minéraux
secondaires ou par compaction a été important lors de la diagénèse, est alors traduit
par la largeur du PB (figure 3) : plus le degré d’induration de la roche est élevé, plus
la largeur du PB est élevée. L’induration est mise en relation avec l’étendue de la
surface en contacts entre les grains ou du recouvrement par un minéral secondaire
estimée au mieux à partir d’une évaluation sur lames minces. Les caractéristiques
géométriques du modèle de particules liées définies, les propriétés physiques,
mécaniques et thermo-mécaniques des particules et des PB sont attribuées selon les
Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014
correspondances roches-modèles de particules liées établies et le rôle dans le
comportement de la roche : tandis que les particules sont principalement associées
aux caractéristiques volumétriques (la densité) et aux propriétés élastiques de la
roche, les contacts sont associés à la rupture. La densité des particules liées de
l’échantillon de roche numérique est en moyenne celle de la densité de la roche. De
fait, les particules intègrent l’ensemble des constituants de la roche qui influent sur
les propriétés volumiques de la roche : chaque particule contient le grain qu’elle
représente, mais aussi une part du ciment potentiel et du vide poral (figure 4).
Le calage numérique des propriétés mécaniques, thermiques et thermo-mécaniques
des modèles de particules liées est précédé par un précalage. Il a pour objectif de
rechercher une solution préalable qui permet l’estimation de propriétés des grains et
ciments constituant la roche selon deux critères : 1) intégration des propriétés de
chacune des phases minérales en appliquant les théories des milieux effectifs
(Berryman, 1995). Cependant, le problème étant en général non-linéaire et
anisotrope, l’application de ces théories reste complexe et ne permet de le résoudre
complètement ; 2) cohérence des propriétés de chacune des phases considérées
avec les propriétés des minéraux qui les constituent. Le calage numérique final des
micro-propriétés est ensuite réalisé de façon itérative en modélisant des essais
mécaniques (compression simple, triaxiale) sur un échantillon de modèle de
particules liées jusqu’à obtenir des résultats d’essais similaires à ceux obtenus sur
les véritables échantillons de roche en laboratoire. Le volume de l’échantillon
numérique utilisé pour les essais est suffisant pour permettre une représentation
statistique correcte des différentes familles de particules du modèle de roche (VER).
4. Exemples d’applications
4.1.
Endommagement du puits de l’exploitation géothermale d’un grès du Trias
La modélisation présentée est extraite de l’étude de la dégradation de grès triasiques
identifiés comme des niveaux injecteurs pour l’exploitation géothermique du réservoir
argilo-gréseux du Trias à Melleray (France ; Peter-Borie et Blaisonneau, 2012). Deux
types de sollicitations ont été étudiés : la première mécanique, générée par le
déconfinement associé au forage et la seconde thermique, liée à l’injection d’un
fluide plus froid que la roche hôte aux premières heures de la mise en exploitation du
puits. Le faciès de grès étudié ici est composé majoritairement de quartz (99%) sous
forme de grains de 0,1 10-3 m à 0,3 10-3 m de rayons, cimentés soit directement
entre eux (10%), soit par un ciment argileux (30%) ou dolomitique (60%). Deux
modèles de particules liées ont été créés : l’un à l’échelle des grains (tableau 1) et le
second à l’échelle d’un volume de grès homogénéisé (figure 5a et b) ; dans ce
dernier modèle la granulométrie des particules s’étale entre 1000 µm à 1600 µm,
chaque particule représente en moyenne 6 grains de la roche. Ces deux modèles ont
des propriétés macroscopiques équivalentes.
Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014
Propriétés "micro"
Particules
monominérales
de quartz
Contacts cimentés
graindoloargile
grain
mite
Résistance à la
traction (MPa)
Module
d’Young
(GPa)
60
Propriétés "macro"
Module d’Young
(GPa)
Cohésion (MPa)
Angle de frottement
(°)
Modèle numérique du grès
25
19
20
Résistance à la
compress. simple
(MPa)
66
60
30
49
Cohésion (MPa)
19
90
68
74
Angle de frottement (°)
43
38,5
30,8
33,1 Module d’Young (GPa)
38
Tableau 1 : Propriétés micro- et macroscopiques du modèle de particules liées à
l’échelle des grains du grès triasique de Melleray (les propriétés microscopiques des
contacts sont les moyennes des propriétés des contacts quartz-quartz qui
représentent 98% des contacts ; Peter-Borie et Blaisonneau, 2012).
Figure 5. Modèles numériques de grès à l’échelle du grain (a) et à l’échelle d’un
volume de grès homogénéisé (b). Localisation des ruptures dans le modèle de
particules liées à l’échelle du grain lors du forage et de la sollicitation thermique (c).
Les modélisations ont comporté deux phases principales : (i) le déconfinement dû au
forage du puits, (ii) la sollicitation thermique de quelques heures. Elles concernent un
volume de roche (température 80°C) autour du puits d’injection de 18 cm de
diamètre, à 1500 m de profondeur (contraintes : ’V=24 MPa, ’H=13 MPa,
’h=7 MPa ; température de réinjection 35°C), selon une section choisie horizontale
et centrée sur le puits. Le modèle particulaire (54 cm x 54 cm) est inclus dans un
modèle continu FLAC2D (2 m x 2 m) qui permet de repousser les conditions aux
limites suffisamment loin du puits et du modèle particulaire où le phénomène est
étudié (Shiu et al., 2011). Afin de diminuer le temps de calcul, la réponse thermique
transitoire est réalisée par un calcul analytique qui résout l’équation de la
température en fonction de la distance au puits.
Le forage du puits, est à l’origine d’un léger endommagement dans la zone du
proche puits dans le cas du modèle de particules liées à l’échelle du grain : une
quarantaine de ruptures est observée dans la zone de breakout (axe de la contrainte
Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014
horizontale minimale h ; figure 5c) et concernent quasi exclusivement les liaisons de
type ciment dolomitique. Dans le modèle de particules liées à l’échelle d’un volume
de grès homogénéisé, la modélisation du forage ne se traduit par aucune rupture, ce
qui peut être lié au fait que 1) les contacts interparticulaires du modèle homogénéisé
sont plus résistants que les contacts de type ciment dolomitique ; 2) la granulométrie
plus grossière du modèle homogénéisé ne permet pas de faire apparaitre les
ruptures observées très près du puits pour le modèle de grès à l’échelle des grains.
La simulation du refroidissement par le fluide géothermal (35°C) de la roche réservoir
(initialement à 80°C) est effectuée sur la première heure et demie d’exploitation. La
simulation de la sollicitation thermomécanique sur le modèle de particules liées à
l’échelle du grain permet de mettre en évidence l’apparition d’une fissuration qui se
propage selon la direction de la contrainte maximale (H ; figure 5c).
4.2.
Modélisation du comportement mécanique équivalent d’une zone de faille
L’exemple proposé vise in fine l’étude des effets d’une stimulation hydraulique d’une
zone de faille. La dimension plurimétrique de ces objets géologiques ne permet pas
la mise en place d’essais expérimentaux qui permettraient de caractériser son
comportement mécanique. Afin de pallier ce manque de données, nous proposons
d’appliquer les modèles de particules liées en prenant en compte toute la complexité
pétrographique et structurale d’une zone de faille afin d’estimer des propriétés
mécaniques équivalentes. A partir du modèle conceptuel pétrographique de la zone
de faille dans les granites sur le site de Soultz-sous-Forêts proposé par Genter et al.
(2000), un échantillon de zone de failles est construit (hauteur : 1,5m). Il est composé
de deux modèles de particules liées distincts, qui intègrent à l’échelle du grain un
granite hydrothermalisé, et une veine de quartz (tableau 2). Le granite cataclasé est
modélisé par l’association d’une fracturation intense au modèle de granite
hydrothermalisé (figure 6a). La fracturation est modélisée par des SJM caractérisés
par une cohésion de 5 MPa et un angle de frottement de 30°. La réalisation d’essais
numériques (uniaxial et triaxial) a permis l’estimation de propriétés mécaniques
équivalentes. La figure 6b et le tableau 3 résument les propriétés macroscopiques
des modèles numériques des faciès de roche et les celles du modèle équivalent. La
roche équivalente a des propriétés mécaniques globalement plus faibles : la
résistance à la compression simple et la cohésion de la zone de faille sont plus de
deux fois inférieures à celles des faciès pris séparément. La raideur normale de la
discontinuité équivalente est égale à 8,2 MPa/mm, et est cohérente avec des valeurs
de la littérature : en général, les valeurs des raideurs normales des discontinuités
vont du MPa/mm à quelques dizaines de MPa/mm (Bandis et al., 1983).
Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014
Figure 6. a. Modèle conceptuel d’une zone de faille dans le granite de Soultz
(d’après Genter et al., 2000, modifié), traduction dans le modèle numérique. b.
Courbes illustrant les résultats des essais uniaxial et triaxiaux sur la zone de faille.
Particules monominérales de quartz
Module d’Young
65
(GPa)
Rayon minimal (m)
1,5 10-3
Rayon maximal (m)
3,5 10-3
Contacts joints de grains
Résistance à la traction (MPa)
Module d’Young (GPa)
Cohésion (MPa)
Angle de frottement (°)
110
65
257
40
Tableau 2 : Propriétés micro du modèle de veine de quartz à l’échelle des grains.
Modèle de roche numérique
Module d’Young (Gpa)
Coefficient de Poisson
Résistance à la compression simple (MPa)
Cohésion (MPa)
Angle de frottement (°)
Granite
hydrothermalisé
33,4
0,23
128
33,5
39,2
Veine de
quartz
57,3
0,08
188
47,6
40,1
Roche
équivalente
12,2
0,06
59
18
37
Tableau 3 : Propriétés macro des modèles de granite hydrothermalisé et de veine de
quartz à l’échelle des grains et de l’échantillon de zone de faille.
5. Discussion
Les différents modèles numériques de roche étudiés (grès quartzique, granite
hydrothermalisé, veine de quartz) ont été construits sur la base de la texture de la
roche (échelle des grains correspondant à des phases minérales pour l’essentiel)
constituant le niveau micro de la modélisation. A ce niveau de discrétisation, il est
intéressant de comparer les propriétés « macros» des deux roches mono-minérales
constituées du même élément initial (particules associées aux grains élémentaires de
quartz dans les deux cas) de propriétés équivalentes (60 GPa). Elles différent par
Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014
leur granulométrie (rapport de 10 en moyenne) et par les propriétés des contacts
entre les grains de la roche. L’assemblage représentant une veine de quartz est
dans sa structure plus résistant (188 MPa en compression simple) qu’un assemblage
des mêmes éléments de base de granulométrie inférieure (nombres de contacts plus
grand) et de propriétés plus diverses (66 MPa en compression simple soit trois fois
plus faible) et correspondant à un ciment et non à une cristallisation (joints de grain).
En restant à ce niveau de discrétisation, la construction d’un modèle numérique de
zone de failles par juxtaposition de modèles numériques de faciès élémentaires a
conduit à une estimation des propriétés mécaniques équivalentes pour l’objet global.
Il ressort de cette étude que la résistance équivalente est principalement gouvernée
par le granite cataclasé assimilé à un granite hydrothermalisé fracturé qui constitue le
« maillon faible » de l’assemblage. La résistance équivalente va donc être aussi
dépendante de la densité de fracturation et des propriétés de ces fractures. Au-delà
des propriétés équivalentes macros, il est intéressant d’observer l’influence des
hétérogénéités sur les ruptures observées à l’échelle de l’échantillon reconstitué.
Le niveau de discrétisation de la roche dans le modèle numérique peut être réduit en
considérant des particules dans le modèle numérique représentant déjà un volume
de roche « homogénéisée », c’est-à-dire à une granulométrie supérieure à celle des
grains de la roche elle-même. L’homogénéisation des grains du grès quartzique (une
particule équivalente à environ 6 éléments de la roche) nécessite d’attribuer des
propriétés mécaniques aux particules plus proches de celle de la roche intacte que
des éléments de quartz eux –mêmes. Ceci conduit à obtenir des propriétés macros
équivalentes (module d’Young et Rc) pour les deux niveaux de discrétisation.
Cependant, les ruptures observées lors du forage du puits sont masquées dans le
modèle « homogénéisé ». Cela pose la question soit au niveau de l’homogénéisation
par rapport à un phénomène très local (problème d’échelle) soit à une difficulté
d’homogénéiser les propriétés des contacts pour garder tout au moins une
probabilité de rupture équivalente.
6. Conclusion et perspectives
La description fine pétrographique et texturale d’une roche permet l’élaboration d’un
modèle conceptuel de particules élémentaires traduisant l’origine et l’histoire de la
roche étudiée (minéraux constitutifs, cristallisation versus diagénèse, altération,
fracturation…). Sur la base de tels modèles, des phénomènes physiques rencontrés
classiquement en ingénierie du sous-sol profond au niveau des puits, notamment
mécaniques et thermomécaniques, peuvent être étudiés et confrontés aux
observations faites in situ. Ils peuvent également aider à l’interprétation des données
de forage (diagraphies et imageries).
Au-delà de la construction de modèle numérique de roche homogène proche de la
texture et de la composition initiale d’une roche, la construction d’un modèle
numérique d’une zone de faille hétérogène peut être réalisée par juxtaposition des
différents faciès possédant chacun leur homogénéité et en superposant localement
un réseau discret de fractures. Cette approche par brique élémentaire ouvre de
nombreuses perspectives pour l’étude des objets géologiques hétérogènes et plus
Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014
particulièrement à des échelles non échantillonnables et testables en laboratoire. Par
contre, cela pose le problème de la définition d’une méthodologie pour échantillonner
et définir les propriétés à l’échelle de la discrétisation élémentaire.
Si la conceptualisation du modèle est relativement directe à l’échelle de la texture de
la roche, la conceptualisation à des échelles plus petites, tout en apparaissant à
première vue plus simple (particules de propriétés homogènes et granulométrie
homogène) doit être bien évaluée en fonction des phénomènes physiques étudiés.
Cependant, cette approche ouvre des perspectives pour la modélisation de massifs
rocheux à l’échelle de sites spécifiques.
Remerciements
Les travaux présentés ont été menés dans le cadre des projets Gefrac3Mod et
Clastiq-2 financés par l’ADEME, du projet européen GEISER et des projets de
développement CAPTAIN et NUMROCH financés par le BRGM. Les auteurs
remercient Itasca France pour son expertise et le soutien technique apporté à ces
modélisations.
Références bibliographiques
Bandis S.C., Lumsden A.C. & Barton N.R., (1983) Fundamentals of Rock Joint Deformation. Int. J. Rock
Mech. Min. Sei. & Geomech. Abstr. Vol. 20, N°6, pp. 249-268
Berryman J. G. (1995) Mixture theories for rock properties, American Geophysical Union Handbook
of Physical Constants, edited by T. J. Ahrens (AGU, New York, 1995), pp. 205-228.
Cundall PA. (1971) A computer model for simulating progressive largescale movements in blocky rock
systems. In: Proceedings of the Symposium of International Society of Rock Mechanics, vol. 1,
Nancy: France; 1971. Paper No. II-8.
Itasca Consulting Group, Inc. (2008) PFC2D (Particle Flow Code in 2 Dimensions), Version 4.0, Theory
and background, Minneapolis, Minessota: ICG.
Genter A., Traineau H., Ledésert B., Bourgine B., et Gentier S. (2000) Over 10 years of geological
investigations within the HDR Soultz project, France. Proceedings, World Geothermal Congress
2000, Kyushu-Tohoku, Japan, May 28 - June 10.
Peter-Borie M., Blaisonneau A. (2012) Effets thermomécaniques potentiels dans le proche puits de
l’injection dans les grès du Trias: application au cas de Melleray (Loiret), rapport BRGM/RP-61363FR, 143 p.
Potyondy, D.O. et Cundall, P.A. (2004) A Bonded-Particle Model for Rock. International Journal of
Rock Mechanics & Mining Sciences 41(8), 1329-1364.
Shiu W.J., F. Dedecker, X. Rachez, M. Peter-Borie, 2011, Discrete modeling of near-well thermomechanical behavior during CO2 injection, Proceedings of the 2nd International FLAC/DEM
Symposium, February 14th-16th, 2011, Melbourne, Australia, 8p.
Téléchargement