Cet ouvrage est paru à l’origine sa numérisation Cette édition les Editions aux Editions a été réalisée avec le soutien numérique a été spécialement Larousse en 2001 ; du CNL. recomposée Larousse dans le cadre d’une collaboration BnF pour la bibliothèque numérique Gallica. par avec la *Titre : *Dictionnaire de la musique ([Nouvelle éd.]) / Larousse ; sous la direction de Marc Vignal *Auteur : *Larousse *Éditeur : *Larousse (Paris) *Date d'édition : *2005 *Contributeur : *Vignal, Marc (1933-....). Directeur de publication *Sujet : *Musique -- Dictionnaires *Type : *monographie imprimée *Langue : * Français *Format : *1 vol. (923 p.-160 p. de pl.) : ill. en noir et en coul., couv. et jaquette ill. en coul. ; 29 cm *Format : *application/pdf *Droits : *domaine public *Identifiant : * ark:/12148/bpt6k1200510r </ark:/12148/bpt6k1200510r> *Identifiant : *ISBN 2035055458 *Source : *Larousse, 2012-129497 *Relation : * http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb40090332s *Provenance : *bnf.fr Le texte affiché comporte un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance obtenu pour ce document est de 100 %. downloadModeText.vue.download 1 sur 1085 Cet ouvrage est paru à l’origine aux Editions Larousse en 2001 ; sa numérisation a été réalisée avec le soutien du CNL. Cette édition numérique a été spécialement recomposée par les Editions Larousse dans le cadre d’une collaboration avec la BnF pour la bibliothèque numérique Gallica. downloadModeText.vue.download 2 sur 1085 downloadModeText.vue.download 3 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE Responsable éditoriale Dominique Wahiche Édition Marie-Claude Khodakov Lecture-Correction Service de lecture-correction Larousse-Bordas/HER Iconographie Viviane Seroussi Mise en page des hors-texte Katy Lhaïk Mise en page du corpus Dominique Chapon Fabrication Nicolas Perrier Réalisation de la présente édition Gilbert Labrune © Larousse/HER 1999 pour la précédente édition. © Larousse/VUEF 2001 pour la présente édition. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, du texte et/ou de la nomenclature contenus dans le présent ouvrage, et qui sont la propriété de l’Éditeur est strictement interdite. Distributeur exclusif au Canada : Messageries ADP, 1751 Richardson, Montréal (Québec). ISBN 2-03-511 354 7 downloadModeText.vue.download 4 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE Préface Le Dictionnaire de la musique présente des informations et des analyses sur la musique et les musiciens de tous les temps à travers environ 5 000 articles classés par ordre alphabétique. Il s’agit d’une refonte et d’une actualisation du Larousse de la musique paru pour la première fois en 1982 en deux volumes et plusieurs fois réimprimé depuis sous une forme abrégée, éditée sous le titre Dictionnaire de la musique en un volume. Le domaine de ce Dictionnaire de la musique s’étend, en ce qui concerne l’Occident, des origines à l’époque contemporaine. Les expressions « savantes », en particulier pour l’art occidental, ont tout naturellement fait l’objet de notices, mais les expressions des arts dits « populaires » ou « traditionnels » n’ont pas été délaissées pour autant. Par ailleurs, une place non négligeable a été réservée à la musique contemporaine et aux nouvelles technologies, envisagées jusque dans leurs manifestations les plus récentes, et, ici encore, d’un point de vue international. Ainsi défini dans le temps et dans l’espace, le Dictionnaire de la musique est organisé selon plusieurs rubriques. Compositeurs. Comme dans tous les dictionnaires traditionnels, figurent ici des articles consacrés aux compositeurs connus par leur nom, de Pérotin et Guillaume de Machaut à Brian Ferneyhough et à Pascal Dusapin en passant par Dufay, Lassus, Monteverdi, Mozart et Berlioz, pour n’en citer qu’un par siècle. Les articles fournissent des informations sur la carrière du compositeur, sur son style et ses oeuvres, et précisent sa place dans l’histoire de la musique. Chaque notice et l’importance qu’on lui a accordée a nécessairement fait l’objet d’un choix, discutable comme tous les choix. Disons, d’une part, que, pour la dimension des articles, une place plus importante a été attribuée, sauf exception, aux grands artistes à la célébrité incontestée ; et, d’autre part, que, pour la présence ou non dans le Dictionnaire de la musique de compositeurs d’importance très secondaire, voire négligeable, préférence a souvent été donnée à ceux dont on a toute chance d’entendre parler à cause de leur place dans le sillage d’un « grand ». Ainsi, Neukomm figure dans notre dictionnaire en tant qu’élève de Haydn (également à cause du rôle important qu’il joua dans l’introduction au Brésil de la musique classique européenne). On n’a pas omis non plus les compositeurs connus par une seule oeuvre, même si c’est pratiquement aux effets du hasard qu’ils ont dû de survivre (Addinsell, Ketelbey). Historiens, musicologues et critiques. Il a paru également nécessaire de faire connaître au lecteur les grandes personnalités qui ont écrit sur la musique, que ce soit comme historiens (Adler, Burney), comme critiques ou comme musicologues, spécialistes ou non d’un compositeur ou d’une époque (Deutsch, Einstein, Landon, Mongrédien, Pincherle, Spitta, Thayer), étant entendu que très rares sont ceux qui se sont limités à l’une ou l’autre de ces activités. Éditeurs, facteurs d’instruments. Bénéficient aussi d’articles spéciaux des personnalités ayant oeuvré pour que des partitions musicales puissent être exécutées, par exemple comme éditeurs (Artaria, Breitkopf, Durand), ou encore comme facteurs d’instruments (Amati, Broadwood, Érard, Stradivari). Écoles et tendances. Artistes et oeuvres sont replacés dans leur cadre historique ou esthétique grâce à des articles de synthèse, souvent très développés, consacrés notamment à des grandes périodes (baroque, romantisme), à des tendances esthétiques (expressionnisme, minimalisme, Vienne [école de]), à des cénacles (groupe des Six), voire à des mécènes (Esterházy). D’autres notices traitent des rapports entre la musique et les différents moyens d’expression (ballet [musique de], film [musique de]). downloadModeText.vue.download 5 sur 1085 Formes et genres. Des articles de synthèse, eux aussi souvent très développés, concernent l’évolution dans le temps et selon les pays des formes et des genres (cantate, concerto, fugue, opéra, quatuor à cordes, sonate, symphonie) ainsi que des catégories (musique de chambre). Technique, métier et nouvelles technologies. D’autres notices encore, à caractère parfois plus technique, tentent de mieux cerner les éléments proprement dits du métier de musicien, qu’il s’agisse des instruments dont celui-ci dispose (clavecin, orchestre, orgue, piano, violon, voix) et de leur technique de jeu (interprétation), d’éléments de vocabulaire, de langage ou de pensée (atonalité, contrepoint, croche, dodécaphonique [musique], électroacoustique [musique], harmonie, intervalle, rythme, timbre) ou encore de moyens liés aux nouvelles technologies (composition musicale assistée par ordinateur, compresseur/expanseur/limiteur, échantillonneur, informatique musicale). Institutions. La vie musicale se déroule grâce à divers supports institutionnels qui, eux aussi, font l’objet d’articles, qu’il s’agisse de salles de spectacle ou d’Opéras (Bolchoï, Carnegie Hall, Covent Garden), d’entreprises de concerts (Concert spirituel, Domaine musical), d’orchestres et de formations instrumentales ou vocales (Cleveland [Orchestre de], Ensemble InterContemporain, Paris [Orchestre de]), de festivals (Ars Musica, Berlin [Festival de], Festival de musique ancienne d’Utrecht) ou bien d’associations, d’établissements artistiques ou administratifs plus ou moins spécialisés (Cité de la musique, I.R.C.A.M., ProQuartet). Auteurs. Une vaste équipe de près de 90 personnalités, choisies parmi les plus autorisées du monde universitaire, de la musicologie et de la critique, a participé à la réalisation de cette entreprise. Cette équipe a eu pour dessein de fournir une information objective et sûre, tenant compte des recherches les plus récentes. Il est bien évident qu’une totale liberté d’appréciation et d’interprétation a été laissée à chacun des spécialistes. downloadModeText.vue.download 6 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE Collaborateurs Josette Aubry Mari-Danielle Audbourg-Popin Maria-Madalena de Azeredo Perdigão † Pierre Balscheff Pierre-Emile Barbier Philippe Beaussant Marie-Claire Beltrando-Patier Dominique Bosseur Jean-Yves Bosseur † André Boucourechliev † Jacques Bourgeois Camille Bourniquel Agnès de Boysson † Nanie Bridgman Hélène Bruce Remy Campos Roland de Candé Gilles Cantagrel Costin Cazaban Jean-Claude Ch. Chabrier † Jacques Chailley Janine Chatignion Michel Chion Nathalie Combase Gérard Condé Pascal Contet † Alain Daniélou Roger Delage Pierre Dumoulin Jean Dupart Sylviane Falcinelli Henri-Claude Fantapié Joël-Marie Fauquet Alain Féron Madeleine Gagnard Jean Gallois André Gauthier Yann Geslin Philippe Godefroi † Antoine Goléa Hélène Hachard Dominique Hausfater † Colette Herzog Pascal Huynh Dominique Jameux † Gustave Kars René Koering Jean-François Labie François Lafon Jérôme de La Gorce Frédéric de La Grandville Henry-Louis de La Grange † Paul-Gilbert Langevin Marie-Claire Le Moigne-Mussat André Lischke Emmanuelle Loubet Jean-Jacques Maltret Roland Mancini Guy Maneveau Gérard Mannoni Patrick Marcland Harry Margaritis Marcel Marnat Jean-Christophe Marti Christian Meyer Denis Morrier Michel Noiray Anna Penesco Mihnea Penesco Alain Périer † Michel M. Philippot Hélène Pierrakos Alain Poirier Frédéric Robert Jacques Rouchouse Jean-Jacques Rouveroux Jean Roy Marie-Louise Sasia † Pierre Schaeffer Jérôme Spycket Ivanka Stoianova Patrick Szersnovicz Akira Tamba Maurice Tassart Roger Tellart Jean Terrayre Robert Trocoire Pierre Vidal Marc Vignal Marcel Weiss Charles Whitfield † Stéphane Wolff downloadModeText.vue.download 7 sur 1085 A A. 1. Lettre par laquelle fut désignée la note la dans la notation musicale du Moyen Âge. Elle indique toujours le la dans les pays de langue anglaise ou de langue allemande, où les syllabes de Gui d’Arezzo ne sont pas adoptées. Voici, dans trois langues, l’appellation des altérations de cette note : français anglais allemand la dièse A sharp Ais la double dièse A double sharp Aisis la bémol A flat As la double bémol A double flat Asas 2. Abréviation d’alto (altus). AARON ou ARON (Pietro), théoricien italien de la musique (Florence v. 1489 Venise 1545). Frère de l’ordre de Malte, il vécut à Imola, où il fut maître de chapelle, puis à Rimini, Venise, Padoue, Bergame, avant de s’établir définitivement à Venise. Ses écrits - en particulier Thoscanello de la musica (1523) et Lucidario in musica (1545) - témoignent d’une sensibilité étonnamment moderne dans le domaine de l’harmonie. En pleine époque polyphonique, Aaron critiqua la règle de composition par voix successives et traita des accords en pensant la musique « verticalement » et en s’intéressant aux dissonances. Il se pencha aussi sur le tempérament des instruments à clavier. Pour une meilleure compréhension et une plus vaste diffusion de ses traités, il rédigea ceux-ci non en latin, comme il était d’usage, mais en italien. A. B. A. Forme musicale en trois sections, où la troisième est une répétition plus ou moins variée de la première, la deuxième faisant contraste. ABAT-SON. Ensemble de lames en bois recouvertes de plomb ou d’ardoises, se trouvant à l’inté- rieur des baies des clochers, et dont l’inclinaison renvoie le son des cloches vers le sol. A BATTUTA. Expression italienne signifiant « en mesure », « avec la mesure », et indiquant qu’après un passage joué librement (« ad libitum »), par exemple une cadence ou un récitatif, on doit revenir à une « battue » (à une observation de la mesure) stricte et régulière. ( ! BATTUTA.) ABBADO (Claudio), pianiste et chef d’orchestre italien (Milan 1933). Il est issu d’une famille de musiciens. Son père était violoniste, son frère Marcello (Milan 1926) est pianiste et compositeur. Claudio Abbado a fait ses études au conservatoire de Milan, mais a aussi été l’élève de Hans Swarowsky à Vienne, pour la direction d’orchestre. Il a été directeur de l’orchestre symphonique de la Scala de Milan et chef principal de l’Orchestre symphonique de Londres. Son répertoire est très vaste et la musique contemporaine y tient une place importante. Ses interprétations de Brahms, Tchaïkovski et Mahler, de Rossini et Verdi sont particulièrement renommées. Il a dirigé de 1986 à 1990 l’Opéra de Vienne, et fondé dans cette ville, en 1986, l’Orchestre des jeunes Gustav Mahler. En 1989, il a succédé à Karajan à la tête de la Philharmonie de Berlin. En 1995, son contrat a été prolongé jusqu’en l’an 2002. ABBATINI (Antonio Maria), compositeur italien (Città di Castello, province de Pérouse, v. 1609 - id. 1677). Il fut maître de chapelle de plusieurs églises de Rome. Ses nombreuses pièces de musique sacrée sont d’une écriture complexe, virtuose, à plusieurs choeurs. En collaboration avec Marco Marazzoli, il écrivit un ouvrage lyrique, Dal Male il bene (créé à Rome en 1654), que l’on peut considérer comme l’un des premiers opéras-comiques. Les récitatifs annonçant le futur recitativo secco, l’importance des finales d’actes ouvrent l’avenir. Abbatini collabora aussi à plusieurs ouvrages théoriques. ABBEY, famille de facteurs d’orgues d’origine anglaise, établie en France. Ses membres - John (1785-1859), son fils John Albert (1843-1930) et son petit-fils John Mary (1886-1931) - exercèrent leur métier un siècle durant, ils construisirent quelque cinq cents instruments, en France et à l’étranger. De facture romantique, puis symphonique, ceux-ci sont réalisés avec grand soin ; les Abbey ont été les premiers à adopter la machine pneumatique de Barker. L’orgue de la cathédrale de Châlons-sur-Marne est considéré comme le chef-d’oeuvre de John Albert Abbey. ABBIATE (Louis), compositeur monégasque (Monaco 1866 - Vence 1933). Il se forma aux conservatoires de Turin et de Paris, étudiant en particulier dans ce dernier établissement le violoncelle avec Franchomme. Il fut violoncelle solo à l’Opéra de Monte-Carlo, à la Salle Favart à Paris et à la Scala de Milan sous la direction de Toscanini, et, en 1911, prit downloadModeText.vue.download 8 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 2 la direction d’une classe de violoncelle au conservatoire de Saint-Pétersbourg où il resta jusqu’en 1920. Il fut ensuite directeur de l’Académie de musique de Monaco. Ses instruments de prédilection étaient le piano et le violoncelle. Sa production abondante, d’un lyrisme généreux, comprend notamment : huit sonates pour piano (no 3, op. 34 Élégiaque ; no 4, op. 47 Quasi sonatine ; no 5, op. 64 1914 ; no 7, op. 74 De profondis ; no 8, op. 79 Liturgique) ; deux sonates pour violoncelle et piano, op. 12 (1890) et op. 39 (1920), deux quatuors à cordes, un concerto pour violoncelle qui subit un échec aux Concerts Lamoureux en 1898, une symphonie en ré majeur ; le poème symphonique pour violon et orchestre la Voix du luthier de Crémone et, pour piano et orchestre, le Concerto italien op. 96 (Prague, 1922) ainsi que la fantaisie Monaecensis op. 110 (1925), en forme de thème varié. ABEL (Karl Friedrich), gambiste, claveciniste et compositeur allemand (Köthen, Saxe, 1723 Londres 1787). Élève de Johann Sebastian Bach à l’école Saint-Thomas à Leipzig, il entra au service de la cour de Dresde, puis partit à Londres, où, de 1765 à 1781, il fut l’associé de Johann Christian Bach pour l’organisation de concerts d’abonnement (concerts Bach-Abel). Abel fut le dernier grand virtuose de la viole de gambe. Comme compositeur, il écrivit, dans le style de l’école de Mannheim, des symphonies, des concertos, une symphonie concertante ainsi que de très nombreuses sonates, dont une trentaine pour la viole de gambe. ABÉLARD ou ABAILARD (Pierre), philosophe, poète et musicien français (Le Pallet, près de Nantes, 1079 - abbaye de Saint-Marcel, près de Chalon-sur-Saône, 1142). Il doit sa renommée à ses amours célèbres avec Héloïse. Ses chants d’amour sont perdus, mais il a laissé des hymnes, six planctus notés en neumes et conservés à la bibliothèque Vaticane. ABELL (John), compositeur, chanteur (falsettiste) et luthiste anglais (?, Aberdeenshire, 1650 - Cambridge 1724). Protégé par Charles II, il fit partie de la Chapelle royale d’Angleterre (1679-1688). Chassé au moment de la révolution de 1688, il séjourna notamment en Allemagne (1698-99). Il a composé des airs pour voix et luth, et publié des recueils de chants de divers auteurs, en plusieurs langues. ABENDMUSIK (all. : « musique du soir »). Ce terme désigna, aux XVIIe et XVIIIe siècles, des exécutions en concert de musique sacrée, ou inspirée par le sacré, qui se déroulaient régulièrement à la Marienkirche de Lübeck. Établie par les talentueux organistes successivement titulaires dans cette église (notamment Franz Tunder), la tradition des Abendmusiken s’était maintenue grâce au soutien pécuniaire des riches bourgeois venus à Lübeck traiter leurs affaires en Bourse ; les concerts eurent d’ailleurs lieu à l’origine le jeudi soir, jour des cotations en Bourse, avant d’être fixés au dimanche. À partir de 1673, l’institution prit une importance grandissante, en particulier en période liturgique d’avent, sous l’impulsion de Buxtehude, qui, pour elle, composa plus de deux cents pièces instrumen- tales et vocales. En vue de la réalisation de ces dernières, des ecclésiastiques, des médecins confectionnaient des livrets sur des thèmes tirés de l’Ancien Testament. Les Abendmusiken, qui se poursuivirent jusque vers 1810, annoncèrent l’exécution des oratorios dans les églises. ABENDROTH (Hermann), chef d’orchestre allemand (Francfort-sur-le-Main 1883 - Iéna 1956). Élève de Ludwig Thuille (théorie) et de Felix Mottl (direction d’orchestre), il commença sa carrière à Munich et à Lübeck, et, de 1914 à 1934, dirigea le conservatoire de Cologne ainsi que les concerts du Gürzenich dans cette ville. En 1934, il succéda à Bruno Walter à la tête du Gewandhaus de Leipzig, poste qu’il conserva jusqu’en 1945. Il fut ensuite directeur du Théâtre national de Weimar (1945-1949) et chef de l’orchestre de la radio de Leipzig (19491956). De 1953 à 1956, il dirigea également l’orchestre symphonique de la radio de Berlin-Est. Il a admirablement servi la grande tradition symphonique allemande de Haydn à Bruckner et à Brahms. ABERT (Anna Amalia), musicologue allemande (Halle 1906 - Kiel 1996). Fille de Hermann Abert, elle s’est spécialement consacrée aux problèmes de l’opéra, et en particulier à Gluck. ABERT (Hermann), musicologue allemand (Stuttgart 1871 - id. 1927). Professeur à l’université de Leipzig (1920) puis de Berlin (1923), il a publié une version refondue et élargie de la biographie de Mozart par Otto Jahn. Il s’agit en réalité d’un ouvrage par beaucoup d’aspects tout nouveau, pouvant être considéré comme le plus important paru sur ce compositeur au XXe siècle (Mozart, 1919-1921). ABRAHAM (Paul), compositeur hongrois (Apatin 1892 - Hambourg 1960). Il a tenté de moderniser l’opérette de tradition hongaro-viennoise en y introduisant des éléments de jazz. Victoria et son hussard (1930), Fleur de Hawaii (1931) et le Bal du Savoy (1932) ont connu une certaine popularité. ABRÉGÉ. Élément essentiel de la mécanique de l’orgue, l’abrégé est un dispositif de transmission intermédiaire entre les claviers et les soupapes des sommiers. Son but premier est d’espacer en largeur les commandes issues en disposition serrée des touches des claviers, de façon à tenir compte de l’écartement des soupapes dû à la largeur des tuyaux. Il consiste en une série de rouleaux ou de barres mobiles autour de leur axe, fixés à une table verticale. Les rouleaux sont reliés à l’une de leurs extrémités aux touches des claviers ; à l’autre, aux soupapes, par l’intermédiaire de vergettes. Grâce à l’abrégé, le facteur d’orgues peut distribuer les commandes de l’exécutant à des tuyaux disposés en des emplacements éloignés des claviers, et dans un ordre différent de celui des notes. On désigne également par « abrégé » une pièce de la mécanique des carillons, intermédiaire entre les touches et les battants de cloches. ABRÉVIATION. Depuis le XVIIe siècle au moins, le nombre de signes que requiert la moindre notation musicale complète a poussé les notateurs à simplifier chaque fois que possible leur graphisme au moyen d’abréviations diverses. Certaines, non codifiables, sont de simples suggestions graphiques que copistes ou imprimeurs développent ensuite ; il en est d’autres qui sont au contraire passées dans l’usage au point de faire partie de la notation codifiée ellemême. On relève surtout parmi elles : - des signes de répétition, très nombreux, parmi lesquels certains, comme l’arpeggio, ont en musique ancienne une forme graphique qu’on ne doit pas confondre avec des graphismes actuels analogues de sens différent ; - des indications de mouvements réguliers (batteries de notes répétées, glissandi, gammes chromatiques, etc.) ; - des signes d’octaviation ou de redoublement d’octaves au moyen du chiffre 8 ou de ses dérivés (8a ou 8va = octava) ; - les signes de nuance, normalement écrits en abrégé (piano = p, crescendo = cresc., etc.) ; - les signes d’agrément (trilles, grupetti, etc.) qui donnent lieu, surtout au XVIIIe siècle, à toute une séméiographie raffinée et complexe, souvent variable d’un auteur à l’autre ; - diverses conventions permettant d’économiser le nombre d’altérations écrites (non-répétition des altérations avant la barre de mesure, armatures, etc.) ; - diverses indications sommaires d’orchestration dont le développement est laissé aux soins du copiste (ex. sur une downloadModeText.vue.download 9 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 3 portée de flûte on lira col violini, « avec les violons »). Ce genre d’indications, peu prisé aujourd’hui, était au contraire très usuel dans les partitions anciennes, souvent réduites au rôle de simple schéma ; - le remplacement des accords par des chiffres conventionnels placés sur ou sous la basse, et qu’il appartient au lecteur de développer ; ce système, dit basse chiffrée, a été très courant du XVIIe au milieu du XVIIIe siècle ; il n’est plus guère employé aujourd’hui que dans les brouillons de compositeurs et les exercices scolaires ; - les appels à l’improvisation de l’interprète, auquel le compositeur se borne à fournir un schéma de départ (cadenza, a piacere, etc.). On notera que l’italien étant devenu en quelque sorte la langue officielle de la musique du XVIIe au milieu du XIXe siècle, au moins, la plupart des abréviations à partir d’expressions verbales se réfèrent à cette langue. ABSIL (Jean), compositeur belge (Peruwelz, Hainaut, 1893 - Bruxelles 1974). Après avoir été élève au conservatoire de Bruxelles, il y devint professeur en 1931. Cofondateur de la Revue internationale de musique à Bruxelles, il a publié des livres didactiques. Son oeuvre de compositeur, dans une écriture polytonale mais respectueuse des grandes formes traditionnelles, comprend des oeuvres instrumentales (musique pour piano, musique de chambre, 5 symphonies, 1 poème symphonique, 1 symphonie concertante, 1 concerto pour piano), de la musique vocale (mélodies et choeurs), de la musique de théâtre (opéras et comédie lyrique). ACADÉMIE. Ce nom, qui avait été celui de l’école de Platon, fut repris au milieu du XVe siècle, à Florence, par une société d’humanistes réunis à la cour de Laurent de Médicis, puis par d’autres groupes semblables, à Florence même, à Naples, à Rome, à Bologne où quatre académies devaient demeurer jusqu’au XVIIIe siècle. Leur rôle dans l’évolution de la littérature et des arts fut capital. La plus célèbre fut la Camerata du comte Bardi, à Florence ; de ses travaux de réflexion, des expériences qui s’y déroulèrent naquit l’opéra. En France, le premier des creusets de cette sorte fut l’Académie de poésie et de musique fondée en 1570 par A. de Baïf et Th. de Courville, où se forgèrent les principes de la musique mesurée à l’antique. Par la suite, le terme d’académie évolua et prit différents sens. Il put désigner, notamment en France, des institutions officielles suscitées par les gouvernements : l’Académie française, l’Académie des sciences, mais aussi l’Académie des beaux-arts, ainsi baptisée lors du remaniement, en 1816, d’un organisme fondé en 1795 ; elle compte six sections, dont celle de musique, formée de sept membres. Ce terme s’appliqua aussi à des théâtres d’opéra et de concert. Le privilège de l’Académie royale de musique fut créé en 1669 et attribué à Perrin. Lully en prit possession en 1672. L’Opéra de Paris, dont l’appellation officielle est encore « Académie nationale de musique et de danse », est le descendant direct de l’Académie royale qui, par l’intermédiaire d’une école de chant dramatique, est également à l’origine du Conservatoire. D’autres académies furent créées en province vers 1650 et demeurèrent jusqu’en 1789. Dans les pays germaniques, le mot fut choisi principalement pour désigner des sociétés organisatrices de concerts, voire ces concerts eux-mêmes (« académies » données par Mozart à Vienne). En Angle- terre, une Academy of Ancient Music fut fondée à Londres, en 1710. Son but était de faire revivre le répertoire de madrigaux du XVIe siècle, ainsi que les oeuvres de maîtres antérieurs ; une telle initiative est tout à fait exceptionnelle pour l’époque. Le titre d’Academy of Ancient Music a été repris récemment par une des formations anglaises les plus appréciées dans l’interprétation de la musique ancienne ; elle est animée par Christopher Hogwood. Enfin, certaines académies ayant patronné, au XVIIIe siècle, des écoles de musique pour enfants, le terme en est venu à désigner des établissements d’enseignement, et plus spécialement, à partir du XIXe siècle, d’enseignement supérieur (Berlin, Londres, ou l’Académie de SainteCécile à Rome). ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE. Nom porté lors de sa fondation par ce qui était en fait l’Opéra de Paris. Le privilège en fut accordé le 26 juin 1669 par Louis XIV à l’abbé Perrin (v. 1620 - 1675), poète et librettiste, et au compositeur Robert Cambert (v. 1627 - 1677). Ils donnèrent des « académies d’opéra », mais, malgré le succès de leur Pomone (1671), l’entreprise fit faillite (Perrin se retrouva en prison pour dettes) et le privilège fut racheté par Lully en mars 1672. ACADEMY OF SAINT MARTIN IN THE FIELDS. Ensemble fondé en 1959 par Neville Marriner pour donner des concerts de midi dans l’église londonienne dont il porte le nom. Au cours des années, son activité s’est considérablement développée, et il est devenu l’un des orchestres de chambre les plus réputés du monde. Son répertoire va de la musique baroque italienne aux oeuvres les plus modernes. En 1975, Marriner en transmit la direction à Iona Brown, qui en resta néanmoins premier violon. À cette même date, l’Academy s’est adjoint un choeur dirigé par Laszlo Heltay. A CAPPELLA ou A CAPELLA. Cette locution désignait à l’origine les compositions polyphoniques religieuses exécutées dans les églises « comme à la chapelle ». L’expression était liée à un style d’écriture bien défini, généralement de rythme binaire alla breve ( , employé autrefois notamment dans la messe et le motet. Par extension, on en est venu, à partir du XIXe siècle, à appeler ainsi toute musique vocale privée d’un soutien instrumental. ACCARDO (Salvatore), violoniste italien (Turin 1941). Diplômé du conservatoire San Pietro a Majella de Naples (1954), Accardo a fréquenté l’Académie d’été de Sienne (19541959) et remporté plusieurs concours internationaux, notamment le concours Paganini de Gênes (1958), avant d’entreprendre une carrière de soliste. Il a été le premier violon de l’ensemble I Musici (1968-1971), et a fondé, en 1970, un festival de musique de chambre à Naples. C’est un musicien à la technique exceptionnelle et au style rigoureux. Nommé en 1994 chef permanent de l’orchestre du San Carlo de Naples, il a enregistré l’intégrale des concertos de Paganini. ACCELERANDO (ital. : « en accélérant »). Indication prescrivant une accélération progressive du mouvement à un moment donné de l’exécution musicale. ACCENT. Signe musical indiquant l’intensification conférée à un son, afin d’obtenir un relief rythmique ou expressif particulier par rapport aux autres sons d’une ligne mélodique. L’accent est indiqué au moment même de l’effet à obtenir, le signe correspondant étant placé au-dessus ou au-dessous de la note, selon le sens de la hampe. Plusieurs signes peuvent marquer l’accent : signifie que la note doit être particulièrement soutenue, intense ; signifie une attaque forte suivie d’un decrescendo ; ou , une attaque vibrante et décidée, sans aucune atténuation ; sf (sforzando), une attaque renforcée ; fp, une attaque forte suivie d’un piano subit. ACCENTUS. Dans la pratique liturgique romaine, c’est le chant du célébrant, auquel répondent le choeur ou les solistes à l’unisson, appelés concentus. Dans le chant grégorien, l’accentus est presque continuellement une récitation sur une seule note, avec une downloadModeText.vue.download 10 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 4 ponctuation à certains endroits, un accent aigu étant placé au-dessus de la voyelle accentuée. Par opposition, le concentus désigne aussi un type de chant mélismatique utilisé pour les alleluias et les graduels. ACCIACATURA (ital. acciacare : « écraser », « piler »). Agrément, appoggiature brève particulière aux instruments à clavier. La petite note barrée et la note réelle sont frappées simultanément, la première étant relâchée tout de suite. L’acciacatura est généralement un demi-ton en dessous de la note qui suit. L’effet produit est celui d’un écrasement, d’une dissonance qui était frappante pour les oreilles du XVIIIe siècle. D. Scarlatti en a fait grand usage dans ses Essercizi per gravicembalo. Dans la musique française pour clavier de la même époque, acciacatura a pour synonyme « pincé étouffé ». ACCIDENT. Signe de notation qui indique qu’une note doit être altérée (élevée ou abaissée), car elle est étrangère à la tonalité indiquée par l’armure de la clef. Ces signes d’altération sont : le dièse et le double dièse, le bémol et le double bémol, le bécarre et le double bécarre. L’accident est placé devant la première des notes qu’il altère et, de nos jours, le pouvoir d’un tel signe reste en vigueur pour la durée d’une mesure. Dans la musique ancienne, l’accident ne concernait que la note devant laquelle il était placé mais, avant la seconde moitié du XVIe siècle, les altérations n’étaient pas souvent indiquées ; les interprètes les ajoutaient automatiquement lors de l’exécution. ACCOLADE. Signe réunissant plusieurs portées qui doivent être jouées simultanément. Cet ensemble s’appelle également système. ACCOMPAGNEMENT. Ensemble des éléments vocaux et instrumentaux qui, subordonnés à la partie principale, lui donnent son relief, sa puissance expressive, sa vitalité rythmique, la signification de son déroulement, enfin son contenu harmonique. Il peut être exclusivement ou tout à la fois rythmique et harmonique, avoir ou non un déroulement musical propre, n’être qu’un cadre dans lequel la partie principale se meut librement, ou encore un soutien expressif assez développé pour lui permettre d’acquérir une place prédominante ; il peut être constitué de simples accords ou ponctuations soutenant le « chant » instrumental ou vocal ; il peut être également le prélude et le prolongement de ce chant (lieder de Schubert, Schumann). L’accompagnement peut être soit noté, soit improvisé. Il est improvisé, par exemple, dans la chanson populaire, la chanson de variétés, et l’était autrefois dans la musique savante où la basse chiffrée était réalisée à vue par l’interprète (orgue, clavecin, etc.). ACCORD. 1. Ensemble de sons entendus simultanément et pouvant donner lieu à une perception globale identifiable comme telle. À défaut d’une identification de ce genre, on n’a plus un accord, mais un agrégat (ou une agrégation) : par exemple un ensemble de sons formé des notes do, mi, sol, quelles qu’en soient les dispositions ou répétitions, est un accord du fait que l’on ne perçoit pas isolément chaque do, mi ou sol, mais la sonorité globale que ces notes forment ensemble, et que l’on identifie en une perception globale d’« accord parfait ». En revanche, un ensemble do, fa dièse, la bémol, ré bémol, ne se rattachant à aucune sonorité d’ensemble identifiable comme telle, n’est pas un accord, mais un agrégat. Les accords avaient été classés au XVIIIe siècle selon la conception de l’époque en consonants (accord parfait avec ses renversements, accord de quinte diminuée) et dissonants (accords de sep- tième, et plus tard de neuvième). L’évolution de la notion de consonance a rendu cette classification caduque, mais elle n’en est pas moins restée en usage jusqu’à nos jours dans de nombreux traités. Le nombre des accords possibles est considérable. Jusqu’au XXe siècle, ils dérivaient tous des accords naturels, qui reproduisent, parfois avec une légère approximation acceptée par la « tolérance », un fragment plus ou moins étendu du tableau des harmoniques. Les accords analogiques transportent les précédents sur les divers degrés de la gamme en modifiant leurs intervalles en fonction de cette gamme. Dans les accords altérés, une ou plusieurs notes sont mélodiquement déplacées sous l’effet de l’attraction. Dans les accords de notes étrangères, l’accord proprement dit se voit modifié ou perturbé par l’intrusion de « notes étrangères », qui cependant n’en affectent pas la perception ; les principaux sont : les accords appoggiaturés (ou accords d’appoggiatures), dans lesquels une ou plusieurs notes sont déplacées au degré voisin, diatonique ou chromatique, formant une « appoggiature » qui fait attendre son retour ou « résolution » sur la « note réelle » de l’accord (l’accord célèbre dit « de Tristan » est un accord d’appoggiature) ; les accords de broderies, dans lesquels un ou plusieurs sons, parfois même tous, résultent d’un glissement au degré voisin des sons correspondants de l’accord précédent, auquel on revient ensuite. On note encore des accords d’extension, dans lesquels à l’accord proprement dit s’ajoutent des notes accessoires qui se fondent avec lui pour en enrichir la sonorité (l’un des plus fréquents est l’accord parfait à sixte ajoutée). La musique moderne fabrique en outre des accords artificiels ne se rattachant pas aux modèles ci-dessus ; on cite : les accords par étagements d’intervalles (accords de quartes dans la Kammersymphonie de Schönberg, de quintes dans Daphnis et Chloé de Ravel, de tierces chez Darius Milhaud) ; l’accord de la gamme par tons entiers, très répandu dans le debussysme, peut s’y rattacher, mais peut aussi être considéré comme un accord de treizième naturel amputé de sa quinte juste ; l’accord mystique de Scriabine (do, fa dièse, si bémol, mi, la, ré) ; les accords par superposition formés, souvent de manière polytonale, par la superposition de deux accords indépendants (procédé très fréquent chez Stravinski à partir du Sacre) ; les accords par consolidation de notes étrangères lorsque celles-ci cessent de faire attendre la résolution pour être considérées comme notes réelles (par exemple, l’accord à double appoggiature chromatique familier à Ravel). Les accords naturels sont formés des notes correspondant aux sons 1 à x du tableau des harmoniques, l’emplacement de x sur ce tableau déterminant la nature de l’accord : ils prennent le nom de l’intervalle formé avec la fondamentale ou son octave par la dernière note impaire utilisée dans le tableau : c’est ainsi qu’on dit accord de quinte, de septième, de neuvième naturelle ; par exception, on ne dit pas habituellement accord de tierce naturelle, mais accord parfait majeur (harmoniques 1 à 5). On peut y ajouter l’accord de onzième et peut-être de treizième augmentée ; l’accord par tons entiers peut, on l’a dit, se rattacher à ce dernier, étant constitué des harmoniques 1 à 13, avec suppression de la quinte juste. Les accords analogiques prennent le nom de l’accord naturel correspondant, accompagné de qualificatifs qui en précisent la nature (ex. : accord parfait mineur pour l’analogique à tierce mineure de l’accord parfait majeur, accord de septième majeure pour l’analogique de 1er degré en majeur, de septième diminuée pour l’analogique de 7e degré du mineur harmonique, etc.). Il en est de même de la plupart des autres accords (ex. : accord à quinte altérée, accord avec sixte ajoutée, le mot « parfait » restant souvent sous-entendu). En outre, certains accords, employés dans un contexte tonal défini, peuvent prendre un nom de fonction se référant au degré sur lequel ils downloadModeText.vue.download 11 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 5 se placent (ex. : accord de septième de dominante, de septième de sensible, etc.). Il est inadmissible d’employer la nomenclature de fonction en raison de la sonorité lorsqu’elle n’est pas justifiée comme telle ; par exemple, on ne peut appeler septième de dominante une septième naturelle ne jouant pas le rôle de dominante. Les accords sont dits à l’état fondamental quand leur note de basse est la fondamentale de l’accord naturel correspondant ou l’une de ses octaves. Quand la note de basse de l’accord est une autre note de l’accord, celui-ci est dit renversé ou à l’état de renversement (expression d’ailleurs fautive qui remonte à une erreur de Rameau en 1732). La manière dont sont réparties au-dessus de la note de basse les autres notes de l’accord, répétées ou non, en détermine la position ; l’état d’un accord est un élément important de son analyse ; par contre, sa position est, sauf cas particuliers, considérée comme sans influence sur cette analyse. Les accords dont le modèle naturel aborde au moins l’harmonique 5 sans dépasser l’harmonique 11 présentent la particularité de pouvoir échelonner leurs notes par tierces, ce qui a fait dire, en une époque où l’on n’envisageait pas d’autres accords que ceux entrant dans cette catégorie, que l’étagement par tierces pouvait être pris comme définition de la notion d’accord elle-même. On reconnaît aujourd’hui la fausseté de cette assertion, bonne tout au plus à fournir en certains cas un auxiliaire mnémotechnique de caractère pédagogique assez rudimentaire. 2. Action d’« accorder » un instrument, c’est-à-dire d’en régler les parties sonores de manière qu’elles soient conformes au diapason choisi et aux intervalles en usage : « Procéder à l’accord d’un piano. » ACCORDÉON (all. Akkordeon, monika, Klavier-harmonika, monika ; angl. accordion ; a manticino, fisarmonica ; HandharZiehharit. armonico russe Bayan). TECHNIQUE. Instrument portatif à vent, à anches métalliques libres accordées à hauteur tempérée et fixées sur des plaquettes en aluminium. Celles-ci sont soudées sur des sommiers en bois à l’aide de cire d’abeille. Chaque sommier compte autant d’alvéoles que de plaquettes. Une plaquette correspond à une note et contient deux anches libres de dimension identique, produisant le même son sur les accordéons chromatiques. Le nombre de sommiers dépendra de la tessiture de l’accordéon et du nombre de voix qu’il comprend. Il existe des accordéons à une, deux, trois, quatre ou cinq voix. Les variétés de pression et d’attaque du soufflet donnent à l’accordéon une dynamique et une expressivité particulièrement riches. Il existe deux types d’accordéons, communément désignés « chromatique » (même son en tirant ou en poussant) et « diatonique » (un son en tirant, un autre en poussant). Présent dans la plupart des musiques traditionnelles des régions françaises, le diatonique colore aussi le riche folklore des musiques du monde. Grâce à la passion de virtuoses et à un répertoire important, il a pu préserver son patrimoine traditionnel et atteindre depuis plusieurs années un statut ethnologique considérable. L’accordéon chromatique peut comporter, au clavier main droite, jusqu’à cinq rangées de boutons qui donnent toutes les notes de la gamme chromatique. Le clavier main gauche comporte deux systèmes dits basses standard et/ou basses chromatiques. Le système de basses standard (80 ou 120 basses) est utilisé principalement dans le répertoire traditionnel. Il présente deux rangées de basses, et quatre de « basses composées » fournissant des accords préfabriqués parfaits majeurs, mineurs, de septième de dominante et de septième diminuée. Le système des basses chromatiques est utilisé dans le répertoire concertant. Il présente deux rangées de basses (identiques au système de basses standard, tessiture : mi 0 à ré 1) et quatre rangées de boutons (une seule note par bouton) disposées chromatiquement comme sur le clavier droit. Les possibilités polyphoniques des deux claviers permettent d’exécuter des pièces complexes à plusieurs voix, d’écriture tonale ou non. Grâce à l’utilisation de registres, la tessiture de l’accordéon est égale à celle d’un piano de concert. Le développement de modes de jeux inédits (souffles, effets de percussion, résultantes de sons, glissandi) en fait un instrument de plus en plus apprécié par les compositeurs. L’accordéon est doté d’une registration sophistiquée : 15 registres différents à droite et 6 à gauche pour les modèles professionnels de concert, ainsi qu’un report judicieux de 7 principaux registres placés en haut de l’accordéon près du menton (d’où l’appellation « mentonnière »). Ces registres découlent d’un principe de combinaisons élaborées à partir de quatre possibilités de base de type organologique : registre 4ʹ (tessiture mi 3 à do dièse 6), registres 8ʹ« caisse » et 8ʹ « hors caisse » (mi 1 à sol 6), registre 16ʹ (mi 0 à sol 5). La tessiture de base (8ʹ) du clavier gauche s’étend de mi 0 à do dièse 5. Certains modèles sont dotés d’un registre suraigu (4ʹ), mi 3 à do dièse 6. Un système de déclenchement (déclencheur) permet une alternance entre le système des basses standard et celui des basses chromatiques. Depuis 1991, une standardisation internationale est effectuée afin de définir les normes de l’accordéon du XXIe siècle. HISTOIRE ET RÉPERTOIRE. L’introduction en Europe du sheng chinois, rapporté par le père Amiot vers 1777, donnera libre cours aux inventions diverses basées sur l’anche libre, principe déjà utilisé 2 700 ans avant Jésus-Christ. Breveté en 1829 à Vienne (Autriche) par Cyrill Demian (1772-1847), l’« Accordion » découle de ces recherches et n’est qu’une petite boîte formant seulement quelques accords. Dès son entrée en France vers 1830, les facteurs d’accordéon (Fourneaux, Kaneguissert, Masspacher, Reisner) améliorent le système de Demian, placent le système harmonique (accords) à la main gauche et le système mélodique à la main droite. Maniable, petit et facile à pratiquer, il devient très vite à la mode dans les salons de l’aristocratie française. Destiné surtout aux jeunes filles de bonne famille, c’est un bel objet d’art orné d’une marqueterie richement décorée (galuchat, nacre, écaille de tortue, cuivre, bois rares). Autour de 1860, de grandes fabriques, principalement allemandes et italiennes, produisent un nombre considérable d’accordéons. Délaissé par la haute bourgeoisie, l’instrument se popularise et devient l’apanage des émigrants qui l’emportent au bout du monde. Vers 1900, en France, dans les bals, l’accordéon remplace la musette (cornemuse améliorée). L’accordéoniste et compositeur Émile Vacher (1883-1969) est, avec Michel Péguri, le précurseur du style appelé « musette ». Depuis cette époque, l’accordéon est considéré comme l’instrument des bals, des danses endiablées et de la chanson réaliste. Sa facture évolue, le clavier droit développe une tessiture intéressante et l’accompagnement des basses précomposées du clavier gauche permet de riches modulations. Il est adulé dans les années 30, et son répertoire, dépassant la simple danse, devient musique à part entière grâce aux talents de Gus Viseur, Tony Muréna ou Jo Privat. Remisé dans les années 60, mais jamais totalement éteint, il revient en force en France dans les années 80, tous genres musicaux confondus : chanson, classique, contemporain, jazz, rock, traditionnel. Universel dans l’âme, l’accordéon suscite aussi depuis sa naissance l’intérêt des compositeurs classiques, heureux de découvrir un instrument polyphonique aux riches possibilités sonores. Si Alban Berg, Serge Prokofiev, Petr Ilitch Tchaïkovski, Paul Hindemith ou Dimitri Chostakovitch lui donnent droit de cité, c’est surtout grâce aux écoles allemandes, canadiennes, des pays de l’Est et scandinaves (en particulier finlandaise) que l’accordéon s’anoblit en quelque sorte. En 1927, la première partition importante pour accordéon solo, Sieben neue Spielmusiken, émane du compositeur allemand Hugo Hermann. Parmi plusieurs interprètes de sa génération, le downloadModeText.vue.download 12 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 6 soliste danois Møgens Ellegaard (19351995) contribuera dès 1957 au rayonnement de l’accordéon dans le milieu classique contemporain et collaborera avec de nombreux compositeurs dont Jindrich Feld, Per Nørgård, Arne Nordheim, Ole Schmidt. La reconnaissance de l’accordéon et la fondation de nouvelles classes dans les conservatoires nationaux supérieurs de ces pays lui confèrent un statut hautement respecté et facilite son intégration dans le milieu classique. En France, depuis l’instauration en 1986 d’un certificat d’aptitude et d’un diplôme d’État, l’accordéon est présent dans bon nombre d’écoles nationales de musique et de conservatoires régionaux. La collaboration étroite entre compositeurs et interprètes de tous pays donne naissance à un répertoire de concert grandissant dans la plupart des grands festivals de musique d’aujourd’hui et dans les lieux habituels de diffusion. Les principaux auteurs de ces partitions (concerti, formation de chambre ou soli) sont Claude Ballif, Luciano Berio, Thierry Blondeau, Harrison Birthwistle, Bernard Cavanna, Jean-Pierre Drouet, Jean Françaix, Bruno Giner, Vinko Globokar, Sofia Gubaïdulina, Toshio Hosokawa, Klaus Huber, Mauricio Kagel, Magnus Lindberg, Jacques Rebotier, R. Murray-Schäfer, Isang Yun. ACCORDER. Assurer la justesse d’un instrument à son variable (piano, violon, harpe), selon le système du tempérament égal. Dans un orchestre, tous les instruments doivent être accordés au même diapason donné (le la = 440 Hz, par ex.). Pour accorder le piano, l’accordeur se sert d’un accordoir, clé spéciale pour ajuster les cordes. ACCOUPLEMENT. À l’orgue ou au clavecin, l’accouplement est un dispositif qui permet d’associer deux claviers, de telle sorte qu’en jouant sur l’un, on actionne en même temps l’autre, en faisant entendre simultanément les sonorités propres à chacun. Sur un orgue à plus de deux claviers, plusieurs accouplements offrent à l’exécutant les diverses combinaisons de réunion des claviers entre eux. Au XIXe siècle, on a également réalisé des accouplements d’un clavier à l’autre, voire d’un clavier sur lui-même, à l’octave aiguë ou à l’octave grave, de façon à augmenter la puissance sonore des instruments. Le pédalier peut, lui aussi, être accouplé à chacun des claviers ; l’accouplement porte alors le nom de tirasse. Le dispositif d’accouplement est réalisé soit mécaniquement, soit pneumatiquement, soit électriquement. La commande se fait en tirant un clavier pour en enclencher la mécanique (clavecins et orgues jusqu’au XVIIIe s.), ou en appelant cette combinaison par l’intermédiaire d’une pédale ou d’un bouton. ACCROCHE NOTE. Ensemble français de musique contemporaine fondé en 1981. Basé sur une structure relativement classique (soprano, clarinette et percussion), Accroche Note se définit par la souplesse de son effectif, qui va du solo à l’orchestre de chambre. Il s’est imposé aussi dans le monde des festivals consacrés à la musique d’aujourd’hui, tels les festivals Musica de Strasbourg, Manca de Nice, Nova Musica de São Paulo, Almeida de Londres, Voix nouvelles de Royaumont, par son esprit d’ouverture, par la spontanéité et la vivacité de ses interprétations. L’ensemble a signé de nombreuses créations de Donatoni, Radulescu, Dusapin, Manoury, Ferneyhough, Monnet, Pesson, Dillon et réalise des disques chez Montaigne, Accord « Una corda », Erato. ACHRON (Joseph), violoniste et compositeur américain d’origine lituanienne (Losdseje, Pologne, 1886 - Hollywood 1943). Il fit partie du groupe qui fonda en 1908 à Saint-Pétersbourg la Société pour la musique populaire juive, dont la plupart des membres étaient amis ou élèves de Rimski-Korsakov. De 1916 à 1918, il servit dans l’armée russe. En 1925, il émigra aux États-Unis et, en 1934, s’installa à Hollywood, où il composa des musiques de film et poursuivit sa carrière de violoniste. En 1939, son 3e Concerto pour violon opus 72 fut créé par Heifetz. Écrite « à la mémoire de mon père », la célèbre Mélodie hébraïque opus 33 pour violon et orchestre (1911), d’après un thème hassidique, fut largement popularisée par Heifetz également. Il se fit également un nom comme musicologue et était considéré par Schönberg comme « l’un des compositeurs modernes les plus sous-estimés ». ACKERMANN (Otto), chef d’orchestre suisse d’origine roumaine (Bucarest 1909 - Berne 1960). De 1920 à 1925, il étudie le piano et la direction de choeurs au Conservatoire de Bucarest. Entre 1926 et 1928, il étudie à la Hochschule für Musik de Berlin la direction d’orchestre, avec Georges Szell notamment. Sa carrière est surtout consacrée à l’art lyrique, où il illustre parfaitement la tradition germanique. C’est ainsi qu’il gravit tous les échelons des maisons d’opéra : de 1928 à 1932, il est répétiteur puis chef de ballet à l’Opéra de Düsseldorf, avant de devenir premier chef d’orchestre de l’Opéra de Brno jusqu’en 1935. Il travaille ensuite à l’Opéra de Berne (193547), au théâtre An der Wien (1947-53) et à l’Opéra de Cologne (1953-58). Dans le domaine symphonique, il est invité à diriger le Philharmonia Orchestra. À la tête de cet orchestre, et avec Elisabeth Schwarzkopf, il enregistre de nombreuses opérettes viennoises. Il participe également aux festivals de Bayreuth et de Salzbourg. En 1958, il est nommé directeur musical de l’Opéra de Zurich, poste qu’il n’occupe qu’une seule saison, avant sa disparition prématurée. ACKTÉ (Aino), soprano finlandaise (Helsinki 1876 - Nummela 1944). Elle reçoit ses premiers cours de chant de sa mère, la soprano Emmy Ackté, qui lui enseigne surtout le répertoire français. C’est donc tout naturellement qu’elle va compléter sa formation à Paris (1894), avant de débuter à l’Opéra de cette ville en 1897. Elle y chante jusqu’en 1903 les grands rôles de Gounod (Juliette dans Roméo et Juliette, Marguerite dans Faust) et de Bizet (Micaëla dans Carmen), mais aussi Elsa dans Lohengrin. C’est largement grâce à elle qu’en 1900 la Philharmonie d’Helsinki, dirigée par Kajanus, se produit à Paris dans le cadre de l’Exposition universelle. Elle est ensuite engagée au Metropolitan Opera de New York (19051907), puis au Covent Garden de Londres, où elle assure en 1910, sous la direction de Beecham, la création anglaise du rôletitre de Salomé de Richard Strauss (qu’elle avait déjà chanté à Leipzig, en 1907). Elle vit ensuite surtout en Finlande, où, en 1911, avec le pianiste et impresario Edvard Fazer, elle est à l’origine de la création de l’Opéra national finlandais, dont elle assume la direction pour la saison 1938-1939. En 1912, elle lance le festival d’opéra de Savonlinna. Sibelius compose pour elle Luonnotar (opus 70), qu’elle crée en 1913. Elle confectionne le livret de l’opéra Juha d’Aare Merikanto (1922), et laisse deux ouvrages autobiographiques (1925 et 1935). ACOUSMATIQUE. Se dit de la situation d’écoute où l’on entend un son sans voir les causes dont il provient. Ce mot grec désignait autrefois les disciples de Pythagore, qui écoutaient leur maître enseigner derrière une tenture. Pierre Schaeffer, inventeur de la musique concrète, a eu l’idée d’exhumer ce mot pour caractériser la situation d’écoute généralisée par la radio, le disque, le hautparleur. Dans son Traité des objets musicaux (1966), il a analysé les conséquences de cette situation sur la psychologie de l’écoute. Après lui, le compositeur François Bayle a imaginé de récupérer le terme d’acousmatique pour désigner ce qu’on appelle plus communément musique électroacoustique. « Musique acousmatique », « concert acousmatique » sont pour lui des termes mieux appropriés à l’esthétique et aux conditions d’écoute et de fabrication downloadModeText.vue.download 13 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 7 de cette musique « invisible », née du haut-parleur et où le son enregistré est délié de sa cause initiale. ACOUSTIQUE. Étude physique des sons, portant sur leurs caractéristiques intrinsèques, leur émission, leur mode de propagation et de perception. On désigne aussi par acoustique l’ensemble des propriétés qu’a un lieu, ouvert ou clos, de propager et de transmettre les sons : c’est l’acoustique d’une salle. La science de l’acoustique touche notamment à l’analyse physique des sons, à l’organologie, à l’acoustique architecturale, aux phénomènes de la phonation et de l’audition, et se diversifie aujourd’hui en des domaines spécialisés comme ceux de l’électroacoustique ou de la psycho-acoustique. Les Anciens avaient une connaissance empirique extrêmement poussée de l’acoustique, comme en témoignent les propriétés exceptionnelles de leurs théâtres. C’est essentiellement cette même connaissance qui a présidé à la mise au point des instruments de musique et, dans une certaine mesure, à l’orchestration musicale. De Stradivarius, on peut dire qu’il fut acousticien autant qu’ébéniste de génie. L’orchestration de Berlioz tient compte des conditions acoustiques d’exécution de chaque oeuvre. Le Requiem, en particulier, est étroitement lié à l’acoustique de l’église des Invalides. Les compositions pour orgue de Vierne dépendent, dans leur écriture même, de l’acoustique de Notre-Dame de Paris, aussi étroitement que celles de Bach le font d’églises allemandes dotées d’instruments beaucoup moins importants dans des acoustiques moins réverbérées, permettant donc une polyphonie plus intelligible dans sa complexité et un jeu plus rapide. Un interprète doit savoir modifier le tempo de son exécution en fonction de l’acoustique du lieu où il joue, de façon que le tempo perçu par les auditeurs dans ces conditions acoustiques corresponde au tempo psychologique de l’oeuvre. En tant que science, l’acoustique apparaît seulement dans les temps modernes. Ayant à saisir un objet fugitif, immatériel et se modifiant dans le temps, l’acoustique n’a pu se développer scientifiquement et aboutir à une théorisation qu’avec l’invention des moyens de fixer et de reproduire, puis d’analyser, de mesurer et d’engendrer par synthèse des phénomènes sonores. ADAGIETTO (ital. : « petit adagio »). Ce terme indique un mouvement un peu moins lent qu’adagio, et surtout un caractère plus léger. La Cinquième Symphonie de Mahler possède comme quatrième mouvement un « célèbre » adagietto pour cordes et harpe. ADAGIO. Mot italien signifiant à la fois « à l’aise » et « lentement ». Le mouvement ainsi indiqué se situe entre le largo et l’andante. Le terme revêt une valeur expressive, impliquant un ton sérieux, profond et soutenu ; il est souvent accompagné d’une qualification telle que cantabile, sostenuto, appassionato, etc. Apparu pour la première fois au début du XVIIe siècle, l’adagio indiquait souvent un élargissement du tempo à la fin d’un mouvement, d’une ouverture par exemple. Cette invitation à prendre son temps, à devenir plus solennel paraît avoir été plus importante que l’implication d’un tempo bien précis, car, pour certains compositeurs d’autrefois, Purcell et J.-S. Bach entre autres, adagio pouvait indiquer un mouvement plus lent que largo, voire plus grave. Le mouvement lent d’une symphonie ou d’une sonate classique est souvent intitulé « adagio ». ADAM (Adolphe Charles), compositeur français (Paris 1803 - id. 1856). D’origine alsacienne, il entra en 1817 au Conservatoire de Paris, où il étudia avec une certaine désinvolture jusqu’au jour où Boieldieu, ayant remarqué sa verve mélodique, le prit dans sa classe. Il obtint bientôt le deuxième grand prix de Rome. Il écrivit d’abord des pièces pour piano, pour chant, et aborda le théâtre lyrique avec une comédie de Scribe : le Baiser au porteur. Il se révéla par la suite comme un compositeur fécond (53 ouvrages lyriques et des ballets), aimant plaire, écrivant avec facilité, clarté, simplicité. D’autre part, il réorchestra à la demande de Louis-Philippe, pour d’importantes reprises, des oeuvres comme Richard Coeur de Lion de Grétry - ce qui lui valut une vive critique de Wagner - ou le Déserteur de Monsigny. En 1847, il fonda le Théâtre National, dans l’intention d’y accueillir les compositeurs délaissés par les deux scènes lyriques officielles de Paris. Malgré son succès, cet organisme sombra dès février 1848, au lendemain de la révolution, pour des raisons pécuniaires. Reçu à l’Institut en 1844, Adam succéda à son père comme professeur de piano au Conservatoire en 1849. Parmi ses oeuvres lyriques, certaines ont été longtemps populaires : le Chalet (1834), le Toréador ou l’Accord parfait (1849), le Sourd ou l’Auberge pleine (1853). D’autres le sont encore et figurent au répertoire en France et en Allemagne : le Postillon de Longjumeau (1836), Si j’étais roi (1852). Le ballet romantique Giselle (1841) est régulièrement joué par toutes les grandes compagnies. Adam est également l’auteur de messes et de pièces religieuses diverses, dont le célèbre noël Minuit, chrétiens. ADAM (Theo), baryton-basse allemand (Dresde 1926). En 1949, il débute à l’Opéra de cette ville dans le rôle du prince Ottokar du Freischütz de Weber. En 1952, il commence une carrière à Bayreuth dans le petit rôle d’Hermann Ortel, l’un des « maîtres chanteurs ». Devenu par la suite un très grand spécialiste de Wagner, il est le plus célèbre Wotan (la Tétralogie) de sa génération. Le rôle de Pizarro (Fidelio) et celui de Wozzeck comptent parmi ses grands succès. T. Adam se consacre également à l’oratorio et au lied. Il a chanté à partir de 1968 au Metropolitan Opera de New York et a créé en 1981 à Salzbourg Baal de Friedrich Cerha. ADAM DE GIVENCHI, trouvère du groupe d’Arras (v. 1220 - v. 1270). D’abord simple clerc de l’évêché, il devint chapelain et reçut le titre de messire. On lui attribue huit pièces, parmi lesquelles deux descorts et plusieurs jeux partis composés en compagnie de Jehan Bretel et Guillaume Le Vinier. ADAM DE LA HALLE ou ADAM LE BOSSU, trouvère du groupe d’Arras (Arras v. 1240 - probablement Naples v. 1287). Après des études à l’université de Paris où il obtint sans doute son grade de maître ès arts, il retourna en Artois, retrouva sa femme Marie et entra au service de Robert d’Artois (1271). En 1283, il accompagna son maître à Naples. Ce fut à la cour de Charles d’Anjou, roi de Sicile, que l’on créa sa fameuse pastourelle, le Jeu de Robin et Marion (1285). Avec son autre drame, le Jeu de la feuillée, Robin et Marion est l’exemple unique d’un théâtre lyrique profane, au milieu des mystères, des miracles et des drames liturgiques du XIIIe siècle. Il s’agit de théâtre parlé avec intermèdes musicaux : sur 780 vers, 72 seulement sont notés musicalement ; on compte peu de chants (6 mélodies complètes). La nouveauté du genre, fondé sur la pastourelle à refrain, consiste dans le fait que la musique fait partie intégrante de l’intrigue, même si elle y tient peu de place. Cette oeuvre est souvent qualifiée de « premier opéra-comique français « ; ses personnages sont extrêmement réalistes. Adam de la Halle est le plus célèbre des trouvères. Il ne se contenta pas d’écrire des drames lyriques. Son oeuvre comprend également quelque 35 chansons à 1 voix, 14 rondeaux à 3 voix dans le style du conduit, 1 rondeau-virelai et 1 ballade, plusieurs motets et 16 jeux partis. Parmi ses motets, quelques-uns sont entés, c’està-dire qu’ils comportent l’introduction, à la partie supérieure, d’un refrain de sa composition, tiré de ses rondeaux. downloadModeText.vue.download 14 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 8 OEUVRES. - oeuvres complètes de la Halle éditées ker (Paris, 1872) ; Halle, rondeaux à 3 du trouvère Adam par E. de CoussemaJ. Chailley, Adam de la voix (Paris, 1942). ADAM DE SAINT-VICTOR, poète et musicien français d’origine bretonne (†1177 ou 1192). Il fut moine de l’abbaye parisienne de Saint-Victor et un des principaux auteurs de séquences du XIIIe siècle ; il les porta à leur plus grande perfection, en s’éloignant des modèles anciens, par l’adoption d’une structure strophique et l’abandon de l’alléluia, auquel il substitua une mélodie libre s’apparentant souvent au patrimoine populaire. On lui attribue plus de cent vingt compositions de ce type, dont quelques-unes parmi les plus belles furent traduites en langue vulgaire et devinrent célèbres. Leur utilisation fut supprimée par le concile de Trente. ADAMS (John), compositeur américain (Worcester, Massachusetts, 1947). Il étudie d’abord la clarinette avec son père et fait ensuite des études de composition au Harvard College (Master of Arts, 1971). Son éducation, dans l’esprit de l’avantgarde néo-sérielle européenne, ne lui convient pas tout à fait : il ne trouvera sa voie qu’après son installation à San Francisco (1971), où il dirige le département de composition du conservatoire entre 1971 et 1981. Sur la côte ouest, il découvre la musique de Cage, dont il assume l’héritage à sa manière, ainsi que l’école répétitive (Riley, Glass). Adams écrit une musique volontairement primitive plutôt que minimaliste. Ses références à l’harmonie classique sont fréquentes, mais il cultive dans ses oeuvres des dérapages voulus qui augmentent leur impact (Shaker Loops pour instruments à cordes, 1979). Il exploite le contraste entre l’aspect conservateur du matériau et une absence totale de volonté de style (Harmonielehre pour orchestre, 1985), entre l’omniprésence de la référence et une liberté qui ne peut s’exercer, pour avoir un effet sûr, que dans le cadre d’un langage préalablement codifié (la Chamber Symphony de 1992 témoigne, dans ce contexte, d’un travail intéressant sur le rythme). Il s’agit au fond, plutôt que d’inconséquence, du plaisir éphémère de briser des faux interdits. Cette attitude complaisante est accentuée par la sonorité crue, mélodramatique, de son orchestre (Grand Pianola Music pour deux sopranos, deux pianos et ensemble, 1981-1982). De même, dans les opéras Nixon in China (1987) et The Death of Klinghoffer (1991), où il collabore avec le metteur en scène Peter Sellars, Adams s’intéresse à des su- jets d’actualité qui lui servent en quelque sorte d’alibi. On lui doit aussi Phrygian Gates (1977) et Eros Piano (1989) pour piano, Light over Water pour cuivres et synthétiseur (1983), Short Ride in a Fast Machine pour orchestre (1986), Fearful Symmetries pour orchestre (1988), I was looking at the Ceiling and then I saw the Sky (1995). ADAM VON FULDA, compositeur et théoricien allemand (Fulda v. 1440 - Wittenberg 1505). Il entra au service de Frédéric le Sage de Saxe (1490), puis enseigna la musique à l’université de Wittenberg (1502). Son traité De musica fut publié dans Scriptores ecclesiatici de musica sacra potissimum de Gerbert (1784). Auteur d’oeuvres religieuses, il mourut de la peste. ADAPTATION. Travail au moyen duquel un auteur, prenant pour point de départ une oeuvre, la transforme en une autre oeuvre, proche par certains traits mais différente dans sa forme, dans son instrumentation ou dans sa construction. En musique, la réduction d’une page symphonique en une page pour piano est une adaptation. Un livret d’opéra peut être l’adaptation d’une pièce de théâtre. De même, un texte profane peut, sur une même musique, remplacer un texte religieux. Dans la composition des livrets, l’auteur respecte parfois le texte original, se contentant d’effectuer des coupures : ce fut l’attitude de C. Debussy à l’égard de Pelléas et Mélisande de Maeterlinck, et celle de R. Strauss à l’égard de la traduction allemande de Salomé de O. Wilde. ADDINSELL (Richard), compositeur anglais (Londres 1904 - id. 1977). Auteur de chansons, de musiques de scène et de films, il est surtout connu pour son Concerto de Varsovie pour piano et orchestre, écrit pour le film Dangerous Moonlight (1941). ADIEUX. Concert, récital ou représentation d’opéra voyant un interprète célèbre, le plus souvent un chanteur, se produire pour la der- nière fois en public. En tant que telle, une soirée d’adieux peut avoir été annoncée d’avance ou non, et certaines ont ensuite été démenties par la réalité (réapparition de l’artiste concerné, suivie ou non de nouveaux adieux). Jadis, les théâtres de province appelaient « adieux » la dernière soirée de leur saison annuelle : y étaient alors réentendus les artistes et les extraits d’oeuvres plébiscités par le public. Renata Tebaldi, par exemple, a fait ses adieux lors d’un récital à New York le 16 février 1976. ADLER (Guido), musicologue autrichien (Eibenschütz, Moravie, 1855 - Vienne 1941). Élève de Bruckner et de Dessoff au conservatoire de Vienne, il se destina néanmoins au droit avant de s’orienter vers la musique, et plus spécialement son histoire. En 1884, il fonda avec Chrysander et Spitta la revue Vierteljahrsschrift für Musikwissenschaft, et en 1885 fut nommé professeur de musicologie à l’université allemande de Prague. Succédant à Hanslick, il enseigna à l’université de Vienne (1898-1927) et en fonda l’Institut de musicologie (Musikwissenschaftliches Institut), qui devint un modèle pour de nombreux pays. Dès leur fondation, il fut l’éditeur des Denkmäler der Tonkunst in Österreich (1894-1938), vaste entreprise d’édition de la musique autrichienne du passé - toujours poursuivie aujourd’hui -, dont il assuma lui-même plusieurs volumes, et de leur revue musicologique d’accompagnement Studien zur Musikwissenschaft (1913-1938). Il attacha surtout son nom à la critique stylistique : en témoigne son ouvrage Der Stil in der Musik (1911). On lui doit aussi Methode der Musikgeschichte (1919), un livre sur son ami Gustav Mahler (1916) et Wollen und Wirken (autobiographie, 1935). En 1924, il édita Handbuch der Musikgeschichte, dont il avait rédigé lui-même les chapitres Périodes de l’histoire de la musique, l’École classique viennoise et Généralités sur l’époque moderne. Il organisa les célébrations des centenaires de la mort de Haydn et de Beethoven (en 1909 et en 1927), et après ces dernières participa activement à la fondation de la Société internationale de musicologie, dont il devint président d’honneur. À l’occupation de l’Autriche (1938), il dut cesser toute activité. ADLGASSER ou ADELGASSER (Anton Cajetan), organiste et compositeur allemand (Innzell, Bavière 1729 - Salzbourg 1777). Il fut, dès son enfance, chanteur à Salzbourg, où il étudia la musique avec Eberlin, dont il devint plus tard le gendre. Il passa toute sa vie dans cette ville comme organiste à la Cour. De son vivant, il fut déclaré le meilleur de tous les organistes et clavecinistes. Étant entré en rapport avec Mozart, alors âgé de dix ans, et avec Michael Haydn, il écrivit avec eux le drame Die Schuldigkeit des ersten und fürnehmsten Gebotes (1767). On connaît de lui plus de vingt opéras et oratorios, des symphonies, de la musique religieuse et instrumentale. AD LIBITUM (lat. : « à volonté »). Comme les expressions a piacere, senza tempo, a capriccio, ad libitum est employé pour indiquer à l’interprète qu’une certaine liberté lui est permise dans le mouvement d’un passage, dans une cadence downloadModeText.vue.download 15 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 9 ou lors d’une pause (point d’orgue). Dans la musique des XVIIe et XVIIIe siècles, ad libitum indiquait la possibilité de remplacer un instrument par un autre (ex. : la flûte par le violon). Un autre sens possible est une liberté offerte à l’exécutant pour l’interprétation d’une partie vocale ou instrumentale. Le contraire d’ad libitum est obbligato (« obligé »). ADORNO (Theodor Wiesengrund), philosophe, musicologue et critique allemand (Francfort-sur-le-Main 1903 Viège, Suisse, 1969). Il étudia la musicologie à l’université de Vienne, et travailla la composition avec Alban Berg. Critique musical à l’Anbruch, il en devint le rédacteur en chef (19281931). Nommé maître de conférences à Francfort-sur-le-Main (1931), Adorno dut s’exiler deux ans plus tard, et, après un bref passage à Paris, s’installa aux ÉtatsUnis. De retour en Allemagne en 1949, il fut titulaire de deux chaires de philosophie et de sociologie à l’université de Francfort et, dès lors, occupa une place éminente tant sur le plan philosophique et politique que sur le plan musical. Préoccupé avant tout de l’art actuel, et de son devenir au sein de la société, l’auteur de la Philosophie de la nouvelle musique apparaît comme le créateur d’une nouvelle critique musicale qui se caractérise par une dialectique rigoureuse, héritée de Hegel. Sans négliger pour autant la psychologie du créateur et l’aspect concret des oeuvres, Adorno réserve une part importante à la sociologie. Il ne se contente pas de superposer les considérations théoriques, techniques, esthétiques et sociologiques, mais les articule entre elles et, par une analyse pénétrante à plusieurs niveaux, parvient à une connaissance globale qui, non seulement ne laisse rien échapper, mais encore ouvre à la pensée tant musicale que philosophique de larges et neuves perspectives. PRINCIPAUX ÉCRITS : Versuch über Wagner (Francfort, 193738. Trad. française : Essai sur Wagner, Paris, 1966) ; Philosophie der Neuen Musik (Tübingen, 1949. Trad. française : Philosophie de la nouvelle musique, Paris, 1962) ; Mahler (Francfort, 1960. Trad. française : Mahler, une physionomie musicale, Paris, 1976) ; Einleitung in die Musiksoziologie (Francfort, 1962) ; Quasi una Fantasia, Musikalische Schriften II (Francfort, 1963. Trad. française partielle : Vers une musique informelle dans la Musique et ses problèmes contemporains, Paris, 1963) ; Moments musicaux (Francfort, 1964) ; Impromptus (Francfort, 1968) ; Alban Berg, der Meister des kleinsten Übergangs (Vienne, 1968). AÉROPHONE. Ce terme s’applique à tout instrument dont le son est produit par la vibration d’une colonne d’air à l’intérieur d’un tube. Pour le hautbois et le basson par exemple, ce sont les anches doubles qui mettent l’air en vibration. L’élément vibrateur d’un tuyau d’orgue ou de la flûte est l’orifice latéral du tube. Dans le classement des instruments établi par Hornbostel et C. Sachs (1914), les différentes familles sont réparties selon l’élément physique se trouvant à l’origine du son. Aux côtés des aérophones, on distingue les membranophones, les cordophones et les idéophones. AFFEKTENLEHRE (all. pour « doctrine des passions »). Théorie esthétique du XVIIIe siècle, particulièrement associée aux noms de Quantz et de Carl Philip Emanuel Bach et selon laquelle la musique devait servir à exprimer les passions et les émotions, à chaque passion ou émotion correspondant une « figure » musicale particulière. S’y ajoutait notamment la question de savoir, d’une part, si un morceau donné devait se limiter à un seul Affekt (position conservatrice) ou s’il pouvait en opposer plusieurs (démarche typique de Carl Philip Emanuel Bach), et, d’autre part, si la musique instrumentale, en l’absence de paroles, pouvait exprimer, et même « dire » quelque chose de précis. ( ! EMPFINDSAMKEIT.) AFFETTO. Terme italien souvent utilisé par G.Caccini (Nuove musiche, 1602, préface) et les musiciens de l’époque baroque ; il possédait un double sens : 1. Un état d’âme. 2. Les embellissements vocaux parfois inspirés par un affetto exprimé dans le texte poétique. Il y a eu certainement confusion entre effetto (effet) et affetto, et le sens des deux mots est assez proche ici. L’affetto est un élément essentiel dans la musique de toute l’époque baroque, et Muovere l’affetto dell’animo représentait le but même de la musique. On trouve de nombreux exemples de jeux de mots donnant libre cours à l’utilisation des affetti en musique, par exemple entre amar (aimer), amaramente (amèrement) et Amarilli (nom de la femme aimée) : « Cruda Amarilli, che col nome ancora d’amar, ahi lasso. Amaramente insegni... » (B. Guarini). Le terme allemand correspondant est Affekt, et, au XVIIIe siècle, se développa l’Affektenlehre, associée en particulier à la musique de Carl Philip Emanuel Bach et selon laquelle une oeuvre devait « exprimer » une émotion bien précise. AFFETTUOSO (ital. : « affectueux »). Ce terme, surtout utilisé à l’époque baroque et qui a pour équivalent l’expression con affetto, indique l’expression d’un sen- timent tendre (ex. : andante affettuoso). AFRIQUE NOIRE (MUSIQUE D’). Malgré la diversité des ethnies et des caractères socioculturels, des traits communs suffisamment importants incitent à élaborer une étude globale de la musique des nombreux peuples d’Afrique noire. Qu’ils appartiennent aux groupes bantou (Afrique sud-équatoriale), nilotique (région du Haut-Nil et du lac Victoria), « soudanais » (nord de l’Équateur : Sénégal, Guinée, Côte-d’Ivoire, Nigeria, etc.), ou qu’ils soient issus de tribus nomades ou semi-nomades (Pygmées, bergers peuls, Bochimans), les Noirs d’Afrique ont des comportements musicaux comparables et des conceptions voisines du rôle de la musique. Les Africains ne se recommandent pas de systèmes musicaux théoriques, mais leurs traditions sont suffisamment fortes pour avoir survécu à l’islamisation et à la christianisation. Leurs musiques sont conçues comme des expressions collectives dont les professionnels n’ont pas le monopole, comme des systèmes de communication globaux qu’ils ne songent pas à expliquer par l’analyse. Dans la plupart des langues africaines, la hauteur relative des sons est signifiante, de sorte que les instruments peuvent non seulement accentuer la « musique » du discours, mais en imiter les rythmes et les « tons ». Le « langage » d’un tambour d’aisselle, d’une cithare-mvet, d’un arc-en-bouche ou d’une vièle haoussa n’est pas un code : c’est une langue usuelle, directement intelligible. Chaque instrument reflète la culture et la personnalité du musicien qui en joue et qui en est généralement le luthier. Loin de chercher le timbre pur et clair par des raffinements de facture, on s’ingéniera à brouiller le son, à l’enrichir de bruits qui accentueront sa singularité : pièces métalliques vibrant avec les cordes des luths ou les lames des sanzas, mirlitons adaptés aux caisses et aux résonateurs en calebasse, sonnailles fixées aux poignets des musiciens ou au pourtour des tambours. Les voix, elles-mêmes, sont rarement claires et pures, surtout chez les professionnels : oreilles bouchées, nez bouché, vibration de la langue, mirlitons sont des artifices fréquemment utilisés pour transformer la voix. La musique africaine fait souvent appel à une polyphonie simple, consciente, mais sans règle à priori : tierces parallèles (ou quintes dans les régions orientales), imitation canonique rudimentaire, ostinato. Il est peu probable que cette polyphonie, qui apparaît surtout dans les régions de forêts très éloignées du littoral, ait été introduite downloadModeText.vue.download 16 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 10 par les colons et les missionnaires européens. Elle fortifie plutôt l’hypothèse de traditions polyphoniques primitives, qui pourraient avoir précédé, dans différentes civilisations, le développement d’une musique savante monodique. Ce que nous appelons « avènement de la polyphonie » n’a sans doute été que la notation et l’adaptation systématique à la musique savante occidentale de vieilles pratiques populaires, considérées antérieurement comme impures. La polyphonie africaine ne ressortit pas à une technique comparable à notre contrepoint. Elle est naturelle et s’explique en considérant que, statistiquement, la différence (hétérophonie) est plus probable que la similitude (homophonie). La polyrythmie très fréquente peut s’expliquer de la même manière. Les tambours sont différents et l’ensemble indissociable que forme chacun, dans la conception africaine avec les muscles du tambourinaire, reflète nécessairement une personnalité singulière. Bien que tout le monde ou presque soit musicien en Afrique, il existe une caste de musiciens professionnels : les griots. Philosophes, conteurs, sorciers, historiens, ménestrels, ils sont de toutes les fêtes, rendent d’innombrables services, flattent et conseillent les riches et les puissants, dont ils savent exploiter les ressources à leur profit. En Afrique, on ne se réfère pas à une échelle fondamentale fixée par la théorie. Les instruments d’une même famille sont accordés les uns sur les autres, selon des règles traditionnelles qui varient d’une région à l’autre et parfois, dans une même région, d’une famille d’instruments à l’autre. Au milieu de la diversité des accords et, par conséquent, des échelles usuelles, on observe souvent des gammes pentatoniques du type do, ré, fa, sol, la, ou des gammes diatoniques fondées sur la série des harmoniques (y compris les harmoniques 7, 11, 13), par imitation des sons naturels de la trompe en défense d’éléphant (sur laquelle les plus habiles parviennent à donner les harmoniques 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12). D’autres gammes diatoniques sont de type « pythagoricien » (cycle des quintes justes) et peuvent ressembler au « phrygien » (octave ré-ré) ou à l’« hypolydien » (octave fa-fa) des Grecs. Certains xylophones malinkés (Afrique occidentale) donnent cinq ou sept intervalles à peu près égaux dans l’octave, offrant une curieuse analogie avec une gamme équiheptatonique des pays thaï et khmer, et avec la gamme équipentatonique indonésienne slendro... Aucune tradition musicale en Afrique noire ne paraît avoir fait usage d’intervalles inférieurs au demi-ton. Notre découverte de la musique africaine se heurte généralement à deux difficultés. D’une part, l’exploitation commerciale d’un primitivisme folklorique met l’accent sur les étrangetés coutumières, nous cachant l’essentiel d’une culture très riche. D’autre part, le sentimentalisme des intellectuels africains et des ethnologues sacralise l’art nègre traditionnel, au point de condamner toute évolution normale. La transformation de la société africaine, la régression des langues et des cultures autochtones, la diffusion croissante de la musique légère occidentale et de musiques commerciales africaines sont autant de facteurs de dissolution d’une civilisation musicale fertile ; mais, heureusement, des écrivains et des musicologues africains s’efforcent aujourd’hui de la protéger et de la développer. Beaucoup d’Africains pensent que leur musique pourrait survivre hors de l’ancien cadre social, échappant ainsi à une sorte d’apartheid culturel qui l’a trop longtemps isolée. AGAZZARI (Agostino), compositeur italien (Sienne 1578 - id. v. 1640). Il fut musicien à la cour de Matthias, gouverneur de l’Autriche, puis, dès son retour en Italie, s’affirma comme un des premiers partisans de la basse continue, et un de ses premiers théoriciens ; son traité Del Sonare sopra il basso con tutti li stromenti fut publié à Sienne en 1607. Après un séjour à Rome où il occupa diverses fonctions, il revint à Sienne, vers 1630, pour diriger la musique de la cathédrale. Parmi ses oeuvres, citons des messes, motets, psaumes, madrigaux et une pastorale, Eumelio (1606). AGINCOURT (François d’), compositeur et organiste français (Rouen 1684 - id. 1758). Élève de Boyvin à Rouen, il complète ses études auprès de Lebègue à Paris, où il est nommé organiste de Sainte-Madeleineen-la-Cité (1701). En 1706, il retourne à Rouen pour succéder à son maître comme organiste à la cathédrale Saint-Jean, tout en étant titulaire des orgues de SaintOuen et, à partir de 1714, l’un des quatre organistes de la chapelle royale de Versailles. Influencé par Lebègue et surtout par François Couperin et la musique italienne, il a publié en 1733 un Livre de pièces de clavecin comptant quatre « ordres » ou suites. Ses 46 pièces d’orgue, regroupées en six suites et constituant autant de brefs interludes pour le Magnificat, sont restées manuscrites de son temps. Ses quelques airs à voix seule et basse continue apparaissent dans les recueils de Ballard, édités en 1713 et 1716. AGNUS DEI (lat. : « agneau de Dieu »). Triple invocation faisant allusion à la métaphore employée par saint Jean-Baptiste pour désigner Jésus dans l’Évangile selon saint Jean (reprise par l’Apocalypse). Insérée au début du VIIIe siècle dans l’ordinaire de la messe par le pape Sergius Ier, elle répétait d’abord trois fois miserere nobis ; la dernière invocation fut remplacée au Xe siècle par dona nobis pacem pour préparer le baiser de paix, puis cette dernière phrase fut comprise comme une demande de délivrance des guerres, et l’est restée spécialement dans les messes avec orchestre des XVIIIe et XIXe siècles, où elle s’accompagne souvent d’un figuralisme guerrier (trompettes, etc.). Aux messes des morts, l’invocation devient dona ei(s) requiem (sempiternam) [« donnez-lui (leur) le repos » - on ajoute la 3e fois « éternel »]. L’Agnus Dei était d’abord chanté a clero et populo (« par le clergé et le peuple »), puis il est passé au chant de la chorale au même titre que les quatre autres pièces chantées de l’ordinaire dont il forme ainsi le no 5 et dernier ; il fait partie à ce titre de la messe polyphonique normale, qu’il clôt à partir du XVe siècle. Au XVIe siècle, il n’est pas rare de le voir écrit à cinq voix quand le reste de la messe est écrit à quatre. Toutefois, les messes de Requiem ayant pris l’habitude de traiter polyphoniquement le propre aussi bien que l’ordinaire, il n’en est plus, sauf exception, la pièce terminale. AGOGIQUE. H. Riemann, en 1884, employa le premier ce terme pour désigner les légères fluctuations de mouvement, s’écartant du strict mouvement métronomique d’ensemble, qui peuvent parcourir l’exécution d’une oeuvre, laissant une certaine marge d’interprétation et d’expression. C’est l’agogique qui permet le rubato. AGOSTINI (Paolo), compositeur et organiste italien (Vallerano v. 1583 - Rome 1629). Il épousa la fille de son maître, B. Nanini. Organiste à Santa Maria in Trastevere et dans plusieurs autres églises romaines, il prit en 1626 la suite d’Ugolini à la chapelle Vaticane de Saint-Pierre de Rome. Une partie seulement de son abondante musique religieuse (psaumes, magnificat, messes) a été conservée. Il fut maître dans l’art du contrepoint. AGRÉGAT ou AGRÉGATION. Superposition de sons ne présentant aucune cohérence qui permette de les rattacher à un accord ou à ses renversements, dans le cadre de l’harmonie classique. AGRÉMENT. Note ou groupe de notes employés surtout dans la musique française vocale et instrumentale des XVIIe et XVIIIe siècles pour orner une phrase mélodique. Le mot même évoque leur raison d’être : charmer, toucher, enchanter, être downloadModeText.vue.download 17 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 11 agréable à l’oreille. Les luthistes français utilisèrent les agréments pour orner leurs pièces, mais aussi pour prolonger la courte durée du son du luth ; les clavecinistes reprirent ce procédé d’écriture. Les agréments étaient indiqués par des signes bien connus des interprètes, mais dont le mode d’exécution pouvait varier selon les compositeurs, et qui, surtout, laissaient à l’instrumentiste une certaine liberté d’exécution liée à sa volonté d’expression. Une notation trop précise eût tendu à détruire cette liberté et cette souplesse caractéristique de la musique française, qui font toute la différence entre l’agrément et l’ornement habituel. Voici une liste des principaux agréments avec le terme musical courant auquel ils correspondent : le port de voix (appoggiature longue), le tremblement ou cadence (trille), le pincé (mordant), le doublé ou tour de gosier (grupetto), le coulé, l’aspiration (sorte de point d’orgue), l’arpègement dans la musique de clavecin, de luth ou d’orgue. On trouve une explication détaillée des différents agréments dans les tables d’ornements des clavecinistes français (Chambonnières, L. Marchand, et surtout F. Couperin, notamment dans son Art de toucher le clavecin, 1717). Quant aux ornements vocaux, essentiellement les mêmes d’ailleurs, on peut consulter à leur sujet les Remarques sur l’art de bien chanter, et particulièrement pour ce qui regarde le chant français (1668) de Bénigne de Bacilly. Les diminutions, chères aux compositeurs d’airs de cour, peuvent également entrer dans le cadre des agréments. AGRICOLA (Alexander), compositeur qui serait originaire du nord de l’Allemagne (v. 1446 Valladolid, Espagne, 1506). Il fut au service du duc Galeazzo Maria Sforza à Milan (1471-1474), du duc de Mantoue (1474), puis chantre de Laurent le Magnifique à la cathédrale de Florence. Regagnant les pays du Nord, il passa par la cour de France avant d’entrer au service de Philippe le Beau à Bruxelles (1500). Suivant la cour en Espagne, il y mourut de la peste. Agricola n’a guère subi l’influence de l’Italie. Il faut dire que, lors de son séjour dans ce pays, il côtoya des Italiens sans doute, mais aussi, à Florence, Obrecht, Isaac et surtout Josquin Des Prés, dont il se montra l’émule. Un esprit novateur et indépendant se révèle à travers ses 9 messes, ses 2 credos isolés, ses quelque 25 motets et ses 82 chansons. AGRICOLA (Johann Friedrich), compositeur et organiste allemand (Dobitschen, près d’Altenburg, 1720 - Berlin 1774). Élève de Bach (dont il fut l’un des nécrologues) à Leipzig et de Quantz à Berlin, il succéda en 1759 à C. H. Graun à la tête de la chapelle royale de cette ville et composa surtout des lieder et de la musique religieuse. AGRICOLA (Martin Sore, dit Martin), compositeur et théoricien allemand (Schwiebus, Silésie, 1486 ? - Magdebourg 1556). Fils de paysans, autodidacte en musique selon ses propres dires, Agricola se fixa à Magdebourg vers 1519-20, y fut nommé cantor de l’école municipale vers 1527 et le resta jusqu’à sa mort. Par ses compositions, il a contribué à la formation du répertoire liturgique protestant. Les quelques pages qui ont échappé à la destruction de Magdebourg (1632) permettent de le rattacher à l’école de Josquin Des Prés. Il joua un rôle pédagogique important en rédigeant des ouvrages qui servirent ensuite de base à l’enseignement musical dans les écoles protestantes : traités de chant choral à l’usage des jeunes enfants, écrits théoriques dans lesquels, en particulier, il proposa des équivalents en langue allemande pour des termes latins employés exclusivement jusqu’alors. AGUADO Y GARCÍA (Dionisio), guitariste et compositeur espagnol (Madrid 1784 - id. 1849). Contemporain et ami de Sor, après des débuts très précoces et une carrière en Espagne, il vécut à Paris (1825-1838), où il obtint de grands succès et fit l’admiration de Rossini, Bellini et Paganini. Il écrivit de nombreuses pièces diverses pour guitare, et un manuel, Metodo de guitarro (1825), encore utilisé de nos jours. AGUIAR (Alexandre de), compositeur portugais († Talavera 1600). Poète et instrumentiste, il fut ménestrel à la cour du roi Sébastien et du cardinal Henri de Portugal. Il reçut le surnom d’Orphée à la cour de Philippe II d’Es- pagne, où il jouit d’une grande réputation. Ses Lamentations de Jérémie ont été chantées pendant de longues années à Lisbonne à l’occasion de la semaine sainte. AGUIARI ou AGUJARI (Lucrezia, dite La Bastardella ou La Bastardina), soprano italienne (Ferrare 1743 - Parme 1783). Sa brève carrière fut éclatante. Elle déchaîna l’enthousiasme en ltalie, puis à Londres, et se retira de la scène en 1780. Sa voix très souple, au timbre agréable, atteignait dans l’aigu des sommets vertigineux. En 1770, à Parme, elle suscita l’admiration de Mozart en exécutant devant lui un exercice en vocalises s’étendant de l’ut3 à l’ut6. AGUILERA DE HEREDIA (Sebastián), organiste et compositeur espagnol (v. 1560-1570 - Saragosse 1627). Il fut organiste à Huesca, puis à Saragosse (1603). Disciple de Peralta, mais influencé par l’art de Cabezón, il est le meilleur représentant de la musique de l’Aragon. Il a laissé des pièces pour orgue, des psaumes et un magnificat (Canticum Beatissimae Virginis..., 1618). AHLE (Johann Rudolf), compositeur, organiste et théoricien allemand (Mühlhausen, Thuringe, 1625 - id. 1673). Il fut cantor à l’église Saint-André d’Erfurt, puis, dès 1654, revint dans sa ville natale pour y être organiste et bourgmestre. Il publia divers recueils de compositions, destinées aux instruments et aux voix, de caractère presque exclusivement religieux, et deux traités. Son influence sur la musique protestante fut considérable au XVIIIe siècle. Son fils, Johann Georg (16511706), devait prendre sa suite dans le domaine de la musique religieuse. AHO (Kalevi), compositeur finlandais (Forssa 1949). Élève de E. Rautavaara à l’académie Sibelius et de Boris Blacher à Berlin, il s’imposa avec sa Symphonie no 1 (1969), influencée par Chostakovitch, et son Quatuor à cordes no 2 (1970), et termina sa Symphonie no 2 (1970) avant même d’obtenir son diplôme de composition (1971, année de son Quatuor à cordes no 3). Les années 70 furent dominées par la sympho- nie - la violente et massive Cinquième est de 1975-1976, la « moderniste » Sixième de 1979-1980 - et la musique de chambre. La Septième Symphonie, dite Symphonie des Insectes, ne suivit qu’en 1988. Elle est issue de l’opéra Vie des insectes (1985-1987), d’après la pièce de Karel et Josef Capek. La très vaste Huitième (1993) est pour orgue et orchestre, et la Neuvième (1993-1994), plus légère, pour trombone et orchestre. Ses trois Concertos - pour violon (1981), pour violoncelle (1983-1984) et pour piano (1988-1989) - sont de conception nettement symphonique. On lui doit aussi la Clé, monologue dramatique pour chanteur soliste et orchestre de chambre (1978-1979). Il a enseigné la musicologie à l’université d’Helsinki, puis la composition à l’académie Sibelius de 1988 à 1993. Depuis cette date, une bourse de quinze ans de son gouvernement lui permet de se consacrer entièrement à la composition. AICHINGER (Gregor), compositeur allemand (Ratisbonne 1564 - Augsbourg 1628). Il doit à des études universitaires à Ingolstadt ses relations avec la famille des Fugger qui lui confia dès 1584 la charge de l’orgue de leur fondation à Saint-Ulrich downloadModeText.vue.download 18 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 12 d’Augsbourg. Un voyage en Italie (Venise, Rome, de 1584 à 1587) lui permet de suivre l’enseignement de G. Gabrieli. Au retour d’un pèlerinage à Rome, où il revêt l’habit ecclésiastique (1600), il reprend sa charge d’organiste et de vicaire à la cathédrale d’Augsbourg. De 1603 à 1609, il publie un grand nombre de recueils de musique spirituelle, dont les Ghirlanda di Canzonette spirituali (Augsbourg, 1603), les Sacrae dei laudes (Dillingen, 1609) et les Teutsche Gesenglein aus dem Psalter (Dillingen, 1609). Ses Cantiones ecclesiasticae (Dillingen, 1607) marquent l’introduction en Allemagne de la pratique de la basse continue, tandis que son oeuvre, essentiellement vocale, est dominée par une recherche d’expression influencée par le nouveau style dramatique italien. AIMARD (Pierre-Laurent), pianiste français (Lyon 1957). Élève d’Yvonna Loriod au Conservatoire de Paris, puis de Maria Curcio à Londres, il reçoit en 1973 le premier prix du Concours international Olivier Messiaen, inaugurant ainsi une carrière largement dévolue à la création contemporaine. En 1976, il remporte un 2e prix au Concours international de Genève et il entre à l’Ensemble InterContemporain, où il restera jusqu’en 1995. Profondément intéressé par la musique de son temps, il instaure avec plusieurs grands compositeurs de ce siècle (Ligeti, Stockhausen, Boulez, Messiaen, Benjamin, Stroppa, etc.) des relations fortes et suivies, présentant et défendant leurs oeuvres lors de concerts commentés où il mêle le répertoire du passé et celui du présent. AIMERIC DE PÉGUILHAN, troubadour français (Toulouse v. 1170 - Italie v. 1220). Successivement au service de nombreux princes, il voyagea beaucoup en Espagne et en Italie, et serait mort hérétique. Il a laissé une cinquantaine de pièces, dont six sont notées. AIR. 1. Élément gazeux faisant vibrer les cordes vocales et alimentant le souffle dans le chant, ainsi que dans le fonctionnement de l’orgue par l’intermédiaire des soufflets des tuyaux et des différents instruments à vent. 2. Mélodie dont on se souvient facilement, qu’on retient, sur laquelle on peut adapter des paroles différentes des paroles originales ; dans le sens de ligne générale d’une mélodie, l’usage du mot est devenu populaire. 3. Genre musical : le mot « air » est entré dans le vocabulaire musical français en 1571 avec la publication du Livre d’A. Le Roy ( ! AIR DE COUR) ; l’origine en est la chanson au luth du XVIe siècle, qui devient l’air de cour, puis la chanson ou l’air à boire ; il se développe intensément au XVIIe siècle avec le ballet de cour. Vers 1650, ce sera le tour de l’air en rondeau et plus encore de l’air sérieux, avec, en général, un second couplet en diminu- tion, appelé le double et souvent très orné. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, en France, mais aussi en Italie, l’air est souvent suivi d’un qualificatif, selon la forme ou le sentiment exprimé : air tendre, air gai, air en rondeau, air à variations, air de concert, etc. Dans le théâtre lyrique de cette époque, l’air est généralement précédé d’un récitatif, mais utilise plusieurs formes, soit anciennes, soit nouvelles comme l’aria col da capo venant d’Italie. L’oeuvre de Lully peut servir d’illustration. Au XIXe siècle, on évite cette forme d’air à reprise, qui interrompt l’action : l’air est en deux sections, mais celles-ci sont totalement différentes. Avec Wagner, l’air et le récitatif perdent leur individualité ; l’action se déroule sur une musique continue. Après Wagner, cette tendance s’étend, et, à la suite de Pelléas et Mélisande de Debussy, elle devient générale. « Air » est également utilisé, dans la musique instrumentale, comme titre de pièces à caractère mélodique ou dont la forme est proche de la musique vocale ; cet emploi est, bien sûr, particulièrement fréquent dans la musique française. Parfois, cependant, des pièces de toute évidence inspirées par la forme de l’air n’en portent pas le titre (Adagio du Concerto en « sol » de Ravel). AIR À BOIRE. Petite forme vocale célébrant le vin, dont l’origine remonte aux Grecs, à Rome, au Moyen Âge avec les trouvères. De source populaire, elle passe dans la chanson savante et paraît dans les recueils d’airs accompagnés au luth et dans les oeuvres de Lully, Couperin, Campra, etc., où le genre devient beaucoup plus raffiné. Au XVIIIe siècle, il est un sujet d’inspiration pour les chansonniers. Plus tard, Berlioz (la Damnation de Faust), Saint-Saëns, Gounod, Ravel (Don Quichotte à Dulcinée) ne dédaignent pas cette forme d’air, autonome ou encastrée dans une oeuvre complète. AIR DE CONCERT. Page indépendante pour soliste vocal et orchestre. Le genre fut surtout pratiqué à l’époque classique sur des textes en italien. Mozart en composa un grand nombre, de Va, dal furor portata K.21 pour ténor (1765) à Per questa bella mano K.612 pour basse (1791), la plupart étant cependant pour soprano, comme Ah, lo previdi !.. Ah t’invola K.272 (1777), destiné à Josepha Dusek, ou encore Alcandro, lo confesso... Non so, d’onde viene K.294 (1778), pour Aloysia Weber. On peut citer également Berenice, che fai ? Hob. XXIVa.10 de Haydn (1795), pour Brigida Banti, Ah perfido ! opus 65 de Beethoven (1796), pour Josepha Dusek, et le curieux Infelice opus 94 de Mendelssohn (1834, rév. 1843). AIR DE COUR. Ce genre spécifiquement français existait soit dans une version polyphonique à 4 ou à 5 voix, soit pour une voix seule (généralement le superius), les autres voix de la chanson polyphonique étant souvent simplifiées pour être jouées en accompagnement (réduites en tablature) par un instrument tel que le luth. La coupe de l’air de cour était strophique ; les textes, souvent signés de grands poètes du XVIIe siècle (Th. de Viau, Saint-Amant, Tristan l’Hermite, Malherbe), étaient fondés sur le thème de l’amour languissant. La ligne vocale, parfois sous l’influence de la musique mesurée à l’antique, épousait la longueur des vers, et la mélodie était composée sur le texte de la première strophe. Les autres strophes devaient se chanter sur la même mélodie : on attendait du chanteur qu’il les ornât à son goût, ce qu’il faisait parfois de manière abusive. Le genre fut illustré entre 1571, date de la publication du Livre d’airs de cour mis sur le luth par A. Le Roy, et 1650 environ, d’abord par Guédron (qui l’appelle aussi « récit »), G. Bataille et plus particulièrement A. Boësset, éminent mélodiste. La grande liberté rythmique des origines devint petit à petit prisonnière de la barre de mesure. L’air de cour influença le développement de la monodie a voce sola en Italie et celui de la technique vocale ; ensuite l’air de cour du « vieux Boësset » et de ses collègues profita à son tour de la science des Italiens et amena une réforme du chant en France (Nyert) ; avec M. Lambert et la génération suivante, il devint l’air sérieux dont les célèbres doubles étaient souvent d’une extrême virtuosité. La basse continue, tardivement introduite en France, remplaça la tablature ; l’air de cour fut désormais exclusivement monodique et contribua directement et de manière déterminante à la formation de l’opéra français avec Lully. AIR DE SUBSTITUTION (angl. Insertion Aria ; all. Einlagearie). Air écrit par un compositeur pour en remplacer un autre lors de la représentation d’un opéra d’un autre compositeur ou plus rarement de lui-même, compte tenu notamment de conditions locales différentes ou d’un changement de distribution. downloadModeText.vue.download 19 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 13 Cette pratique fut courante dans l’opéra italien jusqu’au début du XIXe siècle. Haydn en composa plusieurs pour les opéras représentés à Eszterhaza, par exemple en 1786 Sono Alcina e sono ancora Hob. XXIVb.9 pour la scène 5 de l’acte I de l’Isola d’Alcina de Gazzaniga, ou en 1790 la Moglie quando è buona Hob. XXIVb.18 pour la scène 10 de l’acte I de Giannina e Bernardone de Cimarosa. En 1783, pour une représentation viennoise d’Il curioso indiscreto d’Anfossi, Mozart composa pour la soprano Aloysia Lange (née Weber) Vorrei spiegarvi, oh Dio K.418 et No, che non sei capace K.419, et pour le ténor Johann Valentin Adamberger (créateur en 1782 du rôle de Belmonte dans l’Enlèvement au sérail) Per pietà, non ricercate K.420. En 1789, il destina à Luisa Villeneuve (créatrice en 1790 du rôle de Dorabella dans Così fan tutte) Alma grande e nobil core K.578 (pour I due baroni di Rocca Azzura de Cimarosa) ainsi que Chi sa, chi sa, qual sia K.582 et Vado, ma dove ? oh Dei K.583 (pour Il burbero di buon cuore de Martin y Soler). Pour la version viennoise de Don Giovanni (1788), Mozart remplaça l’air d’Ottavio Il mio tesoro par Dalla sua pace. De nos jours, on chante habituellement les deux. AIR SÉRIEUX. Il s’agit du prolongement de l’air de cour qui prit cette nouvelle appellation avec la génération de M. Lambert (1610-1696), le maître du genre, de S. Le Camus (16101677) et de Du Buisson († 1710). La forme de ces airs, toujours strophique, eut tendance à se limiter à deux couplets, la mélodie étant composée sur le premier ; le second couplet (le double) devait se chanter sur la base de cette mélodie, mais avec l’introduction d’une ornementation qui atteignait souvent une extrême virtuosité, dont on doit souligner toutefois que le but était essentiellement expressif ; avec l’apparition de ces difficultés vocales, l’art du chant progressa rapidement en France (Bacilly). Dans les nombreux recueils publiés chez Ballard au XVIIe siècle sous le titre conjoint d’Airs sérieux et à boire, l’air sérieux fut illustré par Lorenzani, Charpentier, Couperin, Campra, etc. Après 1720, avec le développement de l’opéra et le déclin de la maison Ballard, l’air sérieux disparut peu à peu. AIX-EN-PROVENCE (festival d’). Organisé par la ville d’Aix-en-Provence avec le concours de la Société du casino d’Aix-Thermal et de divers organismes et collectivités publics, le « festival international d’art lyrique et de musique d’Aixen-Provence », le plus célèbre festival de France, naquit du désir de l’imprésario Gabriel Dussurget de créer et d’animer une grande manifestation musicale dans le Midi. Séduit par le calme et les richesses artistiques d’Aix-en-Provence, G. Dussurget jeta son dévolu sur cette cité et reçut immédiatement l’appui de plusieurs personnalités locales. Il fut décidé de consacrer ce nouveau festival essentiellement à Mozart. Le 23 juillet 1948, eut lieu la manifestation inaugurale, un concert Mozart donné par l’orchestre des cadets du Conservatoire de Paris, sous la direction de Hans Rosbaud. Le 28 juillet, ce fut le premier spectacle d’opéra, Così fan tutte, donné par la compagnie Marisa Morel et dirigé par Hans Rosbaud, dans la cour de l’Archevêché, que le peintre Cassandre devait aménager par la suite en théâtre et qui devait devenir le lieu privilégié des spectacles lyriques aixois. Les talents conjugués de H. Rosbaud et de l’organisateur et découvreur de talents G. Dussurget donnèrent en peu d’années au festival sa brillante image de marque. Aix-en-Provence put mériter le nom de « Salzbourg français » en se distinguant par une caractéristique très importante : faute de moyens financiers, Aix présente à son public, en particulier dans le domaine du chant, non des vedettes consacrées, mais de jeunes artistes de talent, le plus souvent de futures grandes vedettes. À partir du Don Juan de 1949, et durant quelque vingt années, Aix fit entendre souvent, à de nombreuses reprises, de grands chanteurs, encore inconnus ou peu connus : Renato Capecchi, Léopold Simoneau, Graziella Sciutti, Ernst Haefliger, Leonie Rysanek, Rolando Panerai, Teresa Stich-Randall, Nicolaï Gedda, Teresa Berganza, Luigi Alva, Fritz Wunderlich, Pilar Lorengar, Christiane Eda-Pierre, Gabriel Bacquier, Jane Berbié, Gundula Janowitz, Josephine Veasey, sans parler de nombreux autres artistes tels que le chef d’orchestre Carlo Maria Giulini. En dehors des oeuvres de Mozart, qui demeurèrent alors le coeur du répertoire aixois, eurent lieu des représentations mémorables : Orfeo et le Couronnement de Poppée de Monteverdi, Didon et Énée de Purcell, et, de même, Platée de Rameau (avec Michel Sénéchal), Orphée et Iphigénie en Tauride de Gluck, Il Mondo della luna de Haydn, le Mariage secret de Cimarosa, le Barbier de Séville de Rossini, Falstaff de Verdi, Ariane à Naxos de Richard Strauss, Pelléas et Mélisande de Debussy. Cette liste est loin d’être limitative, et il convient de mentionner aussi les créations de Lavinia de Barraud (1961), les Malheurs d’Orphée de Milhaud (1962), Beatris de Planissolas de Jacques Charpentier (1971). Sur plusieurs plans, le festival d’Aix traça alors des voies nouvelles qui devaient avoir une influence profonde sur la vie lyrique française, innovations qui consistèrent dans l’élargissement du répertoire, le retour aux opéras classique et baroque, la restauration des versions originales d’opéras étrangers, enfin l’appel à des peintres connus qui n’étaient pas forcément décorateurs (Cassandre, Wakhevitch, Lalique, Ganeau, Malclès, Clayette, Derain, Balthus) et, pour la mise en scène, à des hommes de théâtre qui n’avaient pas ou n’avaient guère encore abordé le domaine du lyrique (Meyer, Sorano, Cocteau, etc.). Pour en terminer avec cette ère, précisons que les opéras étaient loin de constituer le seul attrait du festival. L’intérêt des récitals n’était pas moindre et, dans les nombreux concerts, la musique moderne et contemporaine fut à l’honneur. Maintes créations ou premières auditions en France s’y déroulèrent, allant d’Auric, Sauguet, Dutilleux, Rivier et Bondon à Guézec, Jolas et Koering en passant par Webern, Petrassi, Henze, Xenakis et Nono. Après une période moins éclatante, Bernard Lefort fut nommé directeur du festival en avril 1973. L’avènement du répertoire préromantique et romantique italien (Cherubini, Rossini, Donizetti, Verdi), l’appel à une nouvelle génération de metteurs en scène (Jorge Lavelli, dont la Traviata en 1976 et Alcina en 1978 ont fait date ; Jean-Pierre Vincent, JeanClaude Auvray, Jean-Louis Thamin), l’utilisation de la place des Quatre-Dauphins pour certains petits ouvrages (Pergolèse, Cimarosa, etc.) caractérisent cette nouvelle époque du festival où les concerts vocaux et instrumentaux demeurent extrêmement brillants. Des spectacles comme Così fan tutte de Mozart (1977), mis en scène par Jean Mercure, et surtout Alcina de Haendel, mis en scène par Lavelli, avec un plateau de chanteurs d’une qualité exceptionnelle, montrent que le changement s’effectue dans une certaine continuité. Mais c’est une ère très différente qui s’est ouverte avec la direction de Louis Erlo (1982-1996). En 1992, l’association qui gérait le festival a cédé la place, à la demande de l’État, à une société d’économie mixte. Nommé en 1995 alors qu’il était déjà directeur du Châtelet et de l’Orchestre de Paris, le successeur de Louis Erlo, Stéphane Lissner, prendra ses fonctions en 1998. ALAIN (Jehan), compositeur français (Saint-Germain-en-Laye 1911 - Saumur 1940). Fils du compositeur et organiste Albert Alain, frère de Marie-Claire et d’Olivier Alain, Jehan Alain appartient à une famille vouée totalement à la musique. À six ans, il improvisait déjà sur l’harmonium. À onze ans, il accompagnait les offices au grand orgue de Saint-Germain-en-Laye. Entré en 1928 au Conservatoire de Paris, Alain y fut l’élève de Ducasse, Dukas, Dupré. Il remporta en 1933 les premiers prix d’harmonie et de fugue, et, en 1939, d’orgue. Avant de quitter le Conservatoire, il était déjà connu comme composidownloadModeText.vue.download 20 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 14 teur. Ses Litanies furent créées le 17 février 1938 à l’église de la Trinité, en même temps que la Nativité du Seigneur de Messiaen. Mobilisé en 1939, Alain prit part à la bataille des Flandres, puis à la défense de Saumur où il mourut héroïquement. Son oeuvre se compose essentiellement de musique orchestrale, de musique instrumentale (pièces pour piano et, surtout, nombreuses pièces pour orgue), d’un Requiem (1938), d’une Messe brève (1938) et de la Prière pour nous autres charnels (1939), partition composée sur un texte de Péguy et orchestrée par Dutilleux. ALAIN (Marie-Claire), organiste française (Saint-Germain-en-Laye 1926). Fille d’Albert Alain, soeur de Jehan et d’Olivier Alain, elle fit ses études auprès de son père et au Conservatoire de Paris, où elle obtint le premier prix d’orgue dans la classe de Marcel Dupré en 1950. Elle connut vite la célébrité grâce à ses concerts et à de très nombreux disques, dont deux intégrales de l’oeuvre de J.-S. Bach. Son répertoire, étendu, ne connaît pas d’exclusive. On lui doit des harmonisations de noëls et de chansons populaires françaises. ALAIN (Olivier), compositeur, organiste et musicologue français (Saint-Germainen-Laye 1918). Fils d’Albert Alain, frère de Jehan et de Marie-Claire Alain. Élève d’Aubin et de Messiaen au Conservatoire de Paris, il a été directeur du conservatoire de SaintGermain-en-Laye de 1950 à 1964 ; puis, inspecteur de la musique au ministère de la Culture, il a continué à s’attacher aux problèmes de l’enseignement. Il a composé un Chant funèbre (1950), des pièces d’orgue, des motets, et écrit plusieurs ouvrages, dont l’Harmonie (Paris, 1965) et Bach (Paris, 1970). Ses recherches sur J.-S. Bach l’ont conduit à découvrir, dans une bibliothèque privée, à Strasbourg, quatorze Canons inédits, dont la première audition a été donnée dans cette ville en 1974. ALARD (Jean-Delphin), violoniste et compositeur français (Bayonne 1815 Paris 1888). Il fut professeur au Conservatoire de Paris de 1843 à 1875 (Sarasate fut l’un de ses élèves) et premier soliste à la chapelle impériale de Napoléon III à partir de 1858. Il a écrit des concertos, des fantaisies, des études, de la musique de chambre et une méthode pour le violon (l’École du violon, Paris, 1844). ALBÉNIZ (Isaac), pianiste et compositeur espagnol (Camprodón, Catalogne, 1860 - Cambo-les-Bains, Pyrénées-Atlantiques, 1909). Exceptionnellement précoce, il commence l’étude du piano à trois ans et joue en public l’année suivante. Au cours de plusieurs tournées de concerts en Espagne, il s’impose à la fois comme virtuose et comme improvisateur. Une fugue d’un an (1872-73) le conduit en Amérique du Sud et aux États-Unis, où il retourne en 1874. Sa vie y est difficile ; Albéniz est victime d’une crise de fièvre jaune. Grâce à une bourse, il se rend à Bruxelles où il est l’élève de Brassin. Il rencontre Liszt en 1880, puis donne des concerts en Amérique du Sud, à Cuba et en Espagne, où il écrit des zarzuelas (1882) avant de se marier et de se fixer à Barcelone, puis à Madrid (1885). Ses premières oeuvres, très influencées par Schumann, Mendelssohn et Liszt, s’effacent alors derrière les différentes pièces de la Suite espagnole, par lesquelles il fonde l’école espagnole en s’inspirant des rythmes et des thèmes populaires. Installé à Londres (1890-1893), Albéniz tente sa chance dans l’art lyrique, où il connaît un certain succès. Il se fixe en 1894 à Paris, où il rencontre les franckistes ainsi que Dukas, Debussy et Fauré, et devient professeur de piano à la Schola cantorum. Sa véritable carrière commence avec La Vega (1897) et les Chants d’Espagne. Déçu par l’accueil de son pays natal, il se considère désormais comme un exilé, et les quatre cahiers d’Iberia, son chef-d’oeuvre, sont l’écho de cette déception. Il meurt au Pays basque du mal de Bright à l’âge de 49 ans. Une fois dégagé de l’académisme de salon et de l’hispanisme de zarzuela qui ont marqué ses premières oeuvres, Albéniz fait figure de pionnier dans la renaissance de la musique espagnole au début du siècle. Tempérament généreux et d’une inspira- tion inépuisable, il a trouvé sa suprême expression dans la musique de clavier et il en a porté l’écriture à un degré de perfection insurpassé, synthèse de la virtuosité transcendante et d’une fidélité rigoureuse aux formes traditionnelles. C’est cependant dans la couleur et la sonorité que cette oeuvre, d’esprit rhapsodique, révèle ses traits les plus originaux : à ses lignes mélodiques généralement simples s’oppose une harmonie profuse et complexe, souvent inspirée des modes antiques empruntés au flamenco et systématiquement pimentée par des acciacatures savoureuses. Par ailleurs, le souci des sonorités a suggéré des innovations dans la technique pianistique (doigtés inhabituels, position des mains, attaque du clavier) dont se réclament la plupart des compositeurs contemporains, de Messiaen à Stockhausen. Les théories de Pedrell (Pour notre musique, 1891), suivant lesquelles la musique d’une nation doit être fondée sur les éléments populaires, ont trouvé en Albéniz leur plus parfaite illustration. C’est assez curieusement vers l’Andalousie mauresque que le Catalan Albéniz a, du reste, préféré tourner ses regards, révélant ainsi le génie de sa province natale à l’Andalou Manuel de Falla. ALBERT (Magister Albertus Pariensis), compositeur français († Paris v. 1180). Chantre à Notre-Dame de Paris, il composa la première pièce à trois voix connue, écrite dans le style du conduit. Il s’agit d’un Benedicamus Domino contenu dans le Codex Calixtinus de Saint-Jacques-deCompostelle (1140). ALBERT (Eugen d’), pianiste et compositeur allemand d’origine française (Glasgow, Grande-Bretagne, 1864 - Riga, Lettonie, 1932). Il fit ses études à la National Training School de Londres et fut plus tard l’élève de Liszt à Weimar. Pianiste exceptionnel, l’un des plus célèbres de son époque, il fut également chef d’orchestre et fut nommé, en 1907, directeur de la Hochschule für Musik à Berlin. Dès le début du siècle, il se consacra surtout à la composition. Son oeuvre abondante mêle l’écriture contrapuntique allemande à de nombreuses autres influences ; dans ses opéras, il se révèle vériste à la manière italienne, avec des effets appuyés, mais il cultive aussi le wagnérisme dans l’emploi du leitmotiv et la manière d’utiliser la mélodie continue. Il écrivit de la musique symphonique et instrumentale, des choeurs, des lieder et une vingtaine d’opéras, dont seuls Die toten Augen (1916) et surtout Tiefland (1903) ont échappé à l’oubli. ALBERT (Heinrich), compositeur allemand (Lobenstein, Thuringe, 1604 - Königsberg 1651). Élève de son cousin H. Schütz, il devint organiste à la cathédrale de Königsberg en 1630. Il composa pour la scène deux ouvrages (Cleomedes, 1635, dont il ne reste que deux airs, et Prussiarchus oder Sorbuisa, 1645, perdu), ouvrages qui suivirent de près le premier opéra allemand (Daphne de Schütz, 1627) et comptent donc parmi les plus anciens du genre. Mais c’est surtout dans le lied avec basse continue qu’Albert exerça une influence considérable. Par ses huit recueils d’Arien oder Melodien à une ou plusieurs voix d’inspiration religieuse ou profane, où il pratique la monodie à la manière italienne, il s’impose, avec son cadet A. Krieger, comme le père du lied allemand. Excellent poète, il mettait en musique le plus souvent ses propres textes ou ceux de son ami Simon Dach. downloadModeText.vue.download 21 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 15 ALBERTI (Domenico), compositeur italien (Venise v. 1710 - Rome v. 1740). Élève de Lotti, il fut claveciniste et chanteur. En 1737, il fit partie de l’ambassade de Venise à Rome et donna des concerts dans cette ville. Il a laissé son nom au procédé « basse d’Alberti », consistant à jouer décomposé en arpèges l’accord destiné à la main gauche au clavier. Alberti a composé des opéras (Endimione, Galatea, Olimpiade), des motets, des cantates et des sonates pour le clavecin qui parurent à Londres chez J. Walsh. ALBIN (Roger), violoncelliste, chef d’orchestre et compositeur français (Beausoleil, Alpes-Maritimes, 1920). Après des études musicales à Monte-Carlo, aux conservatoires de Nice et de Paris, il a fait, à partir de 1935, une remarquable carrière de violoncelliste, tant comme concertiste que comme violoncelle solo de grandes formations tels la Société des concerts du Conservatoire ou l’orchestre de l’Opéra de Paris. Il a aussi longtemps pratiqué la direction d’orchestre, et a été chef de l’orchestre symphonique de la radio de Strasbourg (1966). Ayant également, de 1945 à 1948, étudié la composition avec Busser et Milhaud, l’analyse et l’estéthique avec Messiaen, il a écrit des oeuvres instrumentales et symphoniques. ALBINONI (Tomaso), compositeur italien (Venise 1671 - id. 1751). Peut-être élève de Legrenzi, il étudia le chant, le violon et le contrepoint. Appartenant à une famille aisée, il resta toute sa vie, comme son compatriote Benedetto Marcello, un « amateur » (Il dilettante veneto), ce qui signifie qu’il n’eut jamais besoin de composer pour vivre. À part quelques brefs voyages, il passa toute son existence à Venise. Son premier opéra, Zenobia, fut représenté en 1694, et, en 1703, il se rendit probablement à Florence, où l’on donnait La Griselda. En 1722, il organisa les fêtes musicales en l’honneur du mariage du prince électeur Albert de Bavière avec la fille de l’empereur Joseph Ier, et, en 1724, il rencontra Métastase, dont il mit en musique, l’année suivante, la Didone abbandonata. Mais, de ses quelque 50 opéras, dont le dernier date de 1741, n’ont survécu entièrement que Zenobia (1694), Engelberta (1709) et la Statiza (1726), ainsi que l’intermède bouffe Vespetta e Pimpinone (1708). Ses oeuvres instrumentales le placent en revanche au premier rang des compositeurs vénitiens de son temps, à côté d’Antonio Vivaldi et de Benedetto Marcello. Tout au long de cette production, dont une partie seulement fut éditée de son vivant, sonates et concertos alternent, parfois au sein d’un même opus, et il en va de même des ouvrages adoptant la coupe de l’ancienne sonate d’église (lent-vif-lent-vif) ou du concerto moderne (vif-lent-vif). De même, des pages d’écriture polyphonique alternent avec d’autres où se manifeste une nette volonté novatrice (rythmes originaux, harmonies audacieuses). Bach, qui appréciait fort Albinoni, édifia deux fugues pour orgue à partir de thèmes de lui. Quant au célèbre Adagio d’Albinoni, c’est un pastiche réalisé au XXe siècle mais qui fut néanmoins pour beaucoup dans la redécouverte du compositeur depuis 1950. ALBONI (Marietta), contralto italien (Castello 1823 - Ville-d’Avray 1894). Elle débuta à Bologne en 1842 dans Saffo de Pacini, où elle fit d’emblée une impression considérable. À Londres, en 1847, dans le rôle d’Arsace de Sémiramis (Rossini), elle s’affirma comme l’une des plus grandes cantatrices du XIXe siècle. Elle avait un timbre d’une beauté exceptionnelle, une technique et un style exemplaires. Mais sa corpulence lui valut le surnom d’« éléphant ayant avalé un rossignol ». ALBORADA (esp. : « aubade »). Mélodie populaire de la Galice pour instruments seuls, de rythme très libre, mais martelé par un accompagnement uniforme. Des compositeurs tels que Rimski-Korsakov (Capriccio espagnol) et Ravel (Alborada del gracioso) l’ont introduite dans la musique savante. Par ce même terme, on désigne aussi un concert vocal simple, ou avec accompagnement instrumental, donné peu avant l’aube à l’occasion de festivités populaires, ou une composition que l’on doit chanter au lever du jour. ALBRECHTSBERGER (Johann Georg), compositeur, organiste et théoricien autrichien (Klosterneuburg 1736 - Vienne 1809). Organiste dans sa jeunesse à Melk, Raab (Györ, en Hongrie) et Maria Taferl, organiste de la Cour en 1772 et maître de chapelle à la cathédrale Saint-Étienne de Vienne en 1793, il fut ami de Mozart et de Haydn et donna, en 1794-95, des leçons de contrepoint à Beethoven, un de ses nombreux élèves. En 1798, il devint, avec Haydn et Salieri, membre honoraire de l’Académie royale de musique de Suède. Il a laissé une importante production de musique religieuse (dont 26 messes), d’orgue (fugues) et de musique instrumentale profane (quatuors, musique de chambre diverse, fugues pour cordes, concertos, 4 symphonies), ainsi que des ouvrages théoriques, très célèbres en leur temps, dont surtout Anweisung zur Komposition (1790 ; traduction française Méthode élémentaire de composition, Paris, 1814) et Kurzgefasste Methode, den Generalbass zu erlernen (méthode rapide de basse continue, 1792). Un contemporain le qualifia de « fugue ambulante », mais il fut à son époque le seul Viennois à écrire une fugue sur les lettres du nom de Bach. ALBRIGHT (William), compositeur américain (Gary Indiana, 1944). Élève de G. Schuller, puis de Ross Lee Finney, il a travaillé à Paris avec Olivier Messiaen et Max Deutsch. Professeur à l’université de Michigan, il est excellent pianiste et organiste. Les influences qu’il admet sont multiples, de la musique populaire au jazz, de l’écriture traditionnelle aux moyens les plus modernes d’expression. Ses oeuvres récentes utilisent même des éléments visuels, par exemple Beulahland Bag avec récitant, quatuor de jazz, bande et diapositives. On lui doit également des pages orchestrales (MasculineFeminine, Alliance, 1967-1970), Bacchanale (1981), de la musique de chambre (Caroms, 1966 ; Salvos, 1964 ; ou Foils, 1963-64), des pièces pour piano et pour orgue (Juba, 1965 ; Choral-Partita in an old Style ; Pneuma, 1966, et Organbook, 1967). ALDER (Cosmas), compositeur suisse (Baden v. 1497 - Berne 1550). Il fut enfant de choeur, puis cantor à la cathédrale de Berne. Il est l’un des seuls compositeurs polyphonistes de la Suisse réformée au XVIe siècle. Son oeuvre comprend principalement des motets latins (dont Inclytus antistes, écrit à l’occasion de la mort de Zwingli) ou allemands, et 57 Hymni sacri à 3 et 5 voix (Berne, 1553). ALDROVANDINI (Giuseppe Antonio Vincenzo), compositeur italien (Bologne v. 1673 - id. 1707). Élève de G. A. Perti, il fut membre, puis président de l’Accademia filarmonica et maître de chapelle honoraire du duc de Mantoue. Il composa notamment une vingtaine d’opéras (dont 11 connus), de la musique sacrée, 5 oratorios, des concertos, des sonates et des Cantate à voce sola (1701). Par son style, il appartient à l’école de Bologne. ALÉA, MUSIQUE ALÉATOIRE. La musique aléatoire est une musique présentant un certain degré d’indétermination pouvant affecter soit sa structure globale, soit un ou plusieurs de ses paramètres, sinon tous, une musique où les techniques des jeux de hasard sont considérées comme un processus compositionnel, une musique bâtie sur la logique mathématique de la loi des grands nombres, de la théorie des probabilités, etc. L’univers du système sériel, avec sa rigidité, ses contraintes, ses contradictions, est un univers où, d’une part, les relations ne sont plus définies une fois pour toutes, mais au contraire portées à un downloadModeText.vue.download 22 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 16 degré suprême de relativité et où, d’autre part, la surdétermination a pour conséquence l’imprévisibilité (d’où les surprises de Polyphonie X de Boulez). Or, précisément, la musique aléatoire se présente, en Europe, comme une libération de l’emprise sérielle, mais aussi comme son aboutissement logique : de l’affirmation d’un univers relatif, on passe aisément à l’idée d’une oeuvre mobile, ouverte. À cela s’ajoute la nécessité d’améliorer le rendement formel de la combinatoire sérielle, de renouveler la perception globale, d’appréhender un niveau plus subtil de différenciations. C’est dans cette perspective que s’inscrivent, en 1957, deux oeuvres marquant un tournant décisif de l’histoire de la musique au XXe siècle, Klavierstück XI (1957) de Stockhausen et la 3e Sonate pour piano de Boulez, toutes deux créées à Darmstadt, le temple même du sérialisme. Dans Klavierstück XI, Stockhausen propose une organisation mobile de dixneuf séquences de contenu déterminé (hauteur, rythme) dans un ordre choisi arbitrairement par l’interprète, et affectées des indications (tempo, dynamique, mode de jeu) notées à la fin de la séquence précédente. Dès lors que le regard de l’interprète tombe pour la troisième fois sur une séquence, l’oeuvre est achevée. Dans sa 3e Sonate, Boulez, poussant à bout les problèmes de forme qui lui sont chers, offre à l’interprète une possibilité de choix portant sur l’ordre des formants (à l’exception de Constellation, pivot central), l’ordre de certaines structures, l’élimination volontaire d’autres : un choix de parcours différents, tous néanmoins écrits, prévus, c’est-à-dire assumés par le compositeur. Ainsi se trouvent posés une poétique de l’indétermination et le statut même de l’oeuvre ouverte. L’article Aléa, publié par Boulez dans la Nouvelle Revue française (no 59, 1er nov. 1957) et repris dans son livre Relevés d’apprenti (1966), reflète les discussions passionnées qui s’instaurèrent alors et se veut réflexion sur la problématique de la nouvelle démarche créatrice. L’obsession formelle de Boulez y rejoint une certaine mystique du rôle du compositeur. L’acte compositionnel est défini par Boulez comme un choix constant, avec sa part d’irrationnel (la divine « surprise »), à l’intérieur de certains réseaux de probabilités, mais dont la finalité, ultime ruse du compositeur, est d’absorber le hasard. D’où une hiérarchie des hasards et la condamnation d’une démarche uniquement fondée sur la faiblesse ou la facilité, vil renoncement et simple transfert des responsabilités. « Un parcours problématique, fonction du temps, [...] ayant toutefois une logique de développement » serait une manière de concilier le « fini » de l’oeuvre occidentale, fermée, et la « chance » de l’oeuvre orientale, ouverte. Il est clair que dans les exemples cités plus haut, l’oeuvre se présente comme un champ de relations mobiles, une combinatoire de circuits ou, disons, une ville que l’on peut explorer en empruntant divers parcours pour se rendre d’un point Y à un point Z sans que son unicité en soit altérée. Cela revient à souligner qu’il n’y a pas une seule, mais x bonnes solutions prévues, en tout cas assumées par le compositeur. C’est ce que Pousseur appelle la « plasticité des éléments », ajoutant que « toute création artistique n’est que manipulation et combinaison d’éléments préalables ». Ainsi l’idée, chère au monde occidental, de l’oeuvre-objet - produit fini et intangible, porteur d’un message lié à une relation privilégiée du signifiant et du signifié - est ici battue en brèche. Ajoutons que ce nouveau type d’oeuvre réintègre le choix en instaurant une dialectique nouvelle entre l’oeuvre et son interprète, interprète dont elle revalorise le rôle, puisque l’auteur lui offre son oeuvre à achever au terme d’un dialogue (cf. Stockhausen demandant à son interprète de s’imprégner de sa musique pour mieux réussir dans cette tâche). Les problèmes d’exécution sont plus secondaires et plus élémentaires qu’il n’y pourrait paraître, car ils ne font que relever d’une nouvelle convention graphique ou gestuelle. Cette capacité de choix comme l’engagement et la qualité de réaction fondamentale des deux chefs d’orchestre sont testés dans Available Forms II (1962) d’Earle Brown, la forme naissant des réactions réciproques et spontanées, qui sont le vrai sujet d’étude. Cette revalorisation s’appuie, chez Christian Wolff, sur l’idée que le concert est un organisme vivant, une tranche de vie ou sa représentation. Wolff cherche à faire de l’acte musical une activité fondée sur l’échange, la coopération (cf. aussi Boulez : 2e Livre de Structures pour 2 pianos [1961]), à la fois moyen d’articulation et seules sources de musique susceptibles, en outre, de transformer les rapports entre les individus. Le public peut d’ailleurs intervenir (comme dans Votre Faust, 1967, de Pousseur) et influer sur le déroulement et le dénouement de la pièce (cf. aussi Kyldex de Pierre Henry, Hambourg, 1973). Cage, au contraire, semble avoir comme démarche de court-circuiter à tous les niveaux les aspects intellectuels des choix (conditionnés par notre mémoire culturelle) par l’intégration de tout événement sonore extérieur, par la consultation (à partir de 1951) du I Ching, livre ancien d’oracles chinois, et par l’utilisation de procédés de tirage au sort. C’est une tout autre orientation. La part réservée à l’interprète peut varier considérablement en fonction du degré d’indétermination de l’oeuvre, qui concerne la forme, les hauteurs, les durées, les timbres, les dynamiques, isolément ou non, être circonscrite à des moments précis ou s’élargir à la dimension de l’oeuvre entière. Le mouvement aléatoire devient général et caractérise la création musicale autour des années 1960-1965. Citons Berio (les Sequenza, Circles, Epifanie), de Pablo (Movil I, Modulos 1.5), Pousseur (Mobile, Votre Faust, Scambi), Stockhausen (Zyklus, Momente et, allant plus loin, Stop 65, Prozession, Plus Minus, Kurzwellen, Ylem, Aus den sieben Tagen), Kagel, Bussotti (5 Pièces pour piano pour David Tudor, la Passion selon Sade), Amy, Haubenstock-Ramati, etc. Dans son cycle Archipels, Boucourechliev propose à chaque interprète une série de structures plus ou moins déterminées, présentées avec des paramètres séparés et dispersés sur l’unique grande feuille de la partition comme autant d’îles ou d’archipels, la notation adoptée allant de l’écriture traditionnelle ou stimulus graphique. L’exécutant met en oeuvre les structures qu’il désire en puisant dans les propositions du compositeur, et les organise suivant sa propre nécessité musicale. C’est un excellent exemple d’oeuvre ouverte minutieusement élaborée. Il serait certes aisé de dire que l’histoire de la musique offre à l’aléatoire des précédents. La non-détermination de certains paramètres de la musique du Moyen Âge explique les problèmes que son interprétation, aujourd’hui, pose à tous les niveaux. Et Corelli ne confiait-il pas aux violonistes des andantes en forme de canevas, pour leur permettre d’y briller en brodant ? Quant à Veracini, en 1725, il propose, dans la préface de ses Suites, de choisir un certain nombre de pièces ad libitum dont l’agencement constituera une autre oeuvre parfaite... En réalité, les techniques nouvelles de création en littérature - Joyce (pour Brown), Mallarmé et son Livre (pour Boulez) - ou dans les arts plastiques - Pollock et surtout Calder, chez qui Brown trouva, outre la mobilité, la précision de l’organisation - servirent de catalyseurs. Ce n’est donc pas fortuitement qu’Earle Brown intitule en 1951 l’une de ses oeuvres Calder Piece, puisqu’un mobile du sculpteur y sert de « chef d’orchestre », déterminant par son mouvement le comportement des trois percussionnistes, qui peuvent d’ailleurs entretenir ledit mouvement. En relation étroite avec l’évolution artistique générale, le mouvement aléatoire américain est nettement antérieur à l’européen, mais son influence sur ce dernier n’a été réellement déterminante qu’à partir du séminaire assuré à Darmstadt, en 1958, par Cage sur « la composition comme processus », bien qu’une première tournée européenne l’eût conduit en 1954 à Paris, Milan, Londres et Donaueschingen où il inaugura ses oeuvres superposables. Ce downloadModeText.vue.download 23 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 17 qui intéresse Cage, c’est l’indétermination au niveau de l’acte compositionnel, c’est le hasard comme processus de création et, de Music of Changes à Empty Words, le I Ching lui permet de pousser plus loin son expérimentation. Ce hasard peut d’ailleurs prendre plusieurs formes : détermination des notes dans l’espace de la feuille-partition en fonction des imperfections du papier (Concert for piano and orchestra, Music for piano), calques transparents (comportant lignes, points, cercles) superposables à volonté (Variations I-IV, 19581963 ; Variations VI, 1966), qui laissent à l’interprète la responsabilité et la liberté d’effectuer lui-même les opérations nécessaires à la production des événements dans le temps et l’espace, examen de cartes astronomiques anciennes (Atlas eclipticalis, 1962 ; Études australes, 1976). Cage inaugure en 1964 son idée, généralisée par la suite, de superposition d’oeuvres distinctes avec 31 57.9 864 et 34 46.776 pour piano préparé. Avec cette pluralisation des techniques de hasard, il abandonne de son propre aveu toute prétention à la structure (il se situe hors du temps) et intensifie le sentiment d’espace : ainsi ses oeuvres ne sont plus des objets délimités, mais des processus sans commencement ni fin qui peuvent se combiner en des oeuvres-en-devenir. Toutefois, Cage ne cherche pas à produire du hasard mais avant tout, comme Christian Wolff, à laisser vivre les sons, c’est-à-dire aussi le silence (défini comme des événements sonores non voulus), d’où une série d’oeuvres indéterminées quant à l’instrumentation et au nombre des exécutants. Ainsi se traduit une attitude esthétique nouvelle : l’indifférence quant à la valeur culturelle ou non du matériau dans un souci d’objectivisme, dans le sens d’une écoute du quotidien. Mais, surtout, cette attitude est teintée de philosophie orientale : l’initiation de Cage au bouddhisme zen, en 1947, lui a sans doute appris l’acceptation, ou mieux, l’indifférence à l’égard de l’événement d’où qu’il vienne. On retrouve chez Feldman, dans sa musique between categories, cette écoute du temps et de l’événement (rare) qui invite à la découverte d’un sentiment plus oriental de la durée. On comprend fort bien, dès lors, que la notation traditionnelle sur portée soit inadéquate : pour donner des directions d’exécution, suggérer un climat ou un espace de transfert du visuel au sonore, on assiste à la recherche d’une écriture plus souple, plus plastique, qui aboutit à l’élaboration d’un système de notation propre à chaque compositeur, d’où la nécessité d’une notice explicative parfois plus longue que la partition elle-même. Prenons quelques exemples significatifs. Quand il propose, pour December 52, un simple ensemble de traits verticaux et horizontaux plus ou moins épais qui doivent stimuler, à partir de libres conventions, la créativité de ses interprètes, Brown fait songer à Mondrian et à Leck (cf. aussi Folio 52-53). Dès 1950, avec Projection I et Marginal Intersection (1951), Feldman se sert d’un ensemble de carrés et de rectangles répartis sur trois registres : la hauteur dans chaque registre, les dynamiques, l’expression restent à préciser, la durée étant à peu près indiquée par la longueur des rectangles, tandis que, dans Atlantis (1959), la grille indique le nombre de sons à jouer pour chaque instrument dans le laps de temps choisi pour exécuter l’unité de temps que représente le module. Cathy Berberian choisit la bande dessinée pour Stripsody, C. Wolff des quasi-idéogrammes dans Edges ; Ligeti joue, dans Volumina pour orgue, avec l’épaisseur et la sinuosité des traits indiquant en gros la densité des clusters, leurs changements de hauteur, tandis que Bussotti adopte systématiquement, dans les 5 Pièces pour piano pour David Tudor, le principe de la « page blanche ». Dans cette direction, l’aléatoire peut déboucher sur le happening, dont l’exemple est Fluxus, un groupe plutôt qu’un mouvement, né à New York en 1961 sur la base d’idées émises dans la publication An Anthology, éditée par La Monte Young et Mac Low. Faut-il parler d’une démission du compositeur ? Boulez n’a pas caché qu’il rejetait Klavierstück XI de Stockhausen au nom d’un excès de liberté accordé à l’interprète, et parce qu’il veut éviter la perte totale du sens global de la forme ; il restera toujours sur une certaine réserve. Or, nous avons vu que les multiples visages d’une oeuvre pouvaient être assumés par le compositeur, sinon contrôlés, et étaient une sorte de garant du renouvellement compositionnel, de sa jeunesse (même si tout interprète est conditionné). L’accueil de l’événement fortuit comme partie inté- grante de l’oeuvre, c’est-à-dire l’attitude de Cage, relève d’un autre état d’esprit, d’une autre attitude devant l’art et la vie, et, de fait, elle dérange par ses implications socioéconomiques et parce qu’elle est une manière de dérision. Au nom de la logique, Xenakis récuse en bloc ces précédentes formes de musique aléatoire et jusqu’à leur appellation, le hasard étant pour lui une chose rare, constructible jusqu’à un certain point, mais jamais susceptible d’improvisation. L’aléatoire ressort des mathématiques ; son calcul, la stochastique, « garantit d’abord dans un domaine de définition précis les bévues à ne pas commettre, et ensuite fournit un moyen puissant de raisonnement et d’enrichissement des processus sonores ». Le compositeur peut alors dépasser les contradictions de la sérialité, ses combinaisons élémentaires, sa polyphonie de lignes, pour contrôler la densité et la répartition des sons sur tout le spectre sonore, leur distribution de manière aussi affinée que possible et leurs transformations graduelles (de continuité à discontinuité, d’ordre à désordre, d’immobilité à mouvement). C’est également à la logique mathématique que Xenakis rattache ses musiques « stratégiques » fondées sur la technique du jeu (Stratégie, Duel, Linaia-Agon). Pour Barbaud, la démarche est identique : soumettre l’apparition des événements sonores à un calcul, canaliser le hasard des organigrammes. L’ordinateur est ainsi l’indispensable outil de travail ; bien plus, grâce au couplage avec convertisseur numérique-analogique, il devient un instrument. ALEGRÍAS (esp. : « allégresses »). Danse espagnole à 3/4, rapide, joyeuse et brillante, comme son nom l’indique. C’est l’une des danses les plus anciennes et les plus originales de la musique flamenco. ALEMBERT (Jean Le Rond d’), mathématicien et philosophe français (Paris 1717 - id. 1783). La musique fut l’une des principales préoccupations de ce représentant de la philosophie des lumières. En 1752 parurent ses Éléments de musique théorique et pratique, suivant les principes de M. Rameau, où il reprit les principes du musicien concernant l’harmonie et la composition. Ardent défenseur de Rameau, d’abord contre les lullystes, puis contre la troupe italienne des Bouffons, il intervint activement dans la vie musicale et théâtrale de son temps. ALESSANDRESCU (Alfred), pianiste et compositeur roumain (Bucarest 1893 id. 1959). Ses études se déroulèrent au conservatoire de Bucarest, puis à la Schola cantorum de Paris. Il fit une brillante carrière de pianiste et de chef d’orchestre. Même quand s’y décèlent la présence du folklore roumain et l’influence d’Enesco, ses oeuvres ne se dégagent pas toujours nettement des modèles de son maître Vincent d’Indy, de Wagner, Debussy, Dukas et R. Strauss. Il composa de la musique orchestrale et instrumentale, ainsi que des mélodies sur des textes de poètes français, ou d’expression française, et roumains. ALESSANDRO (Raffaele d’), compositeur suisse (Saint-Gall 1911 - Lausanne 1959). Il fit des études à Zurich, puis à Paris auprès de Nadia Boulanger, Roes, Marcel Dupré. D’abord organiste et pianiste admiré par Lipatti, il se consacra ensuite entièrement à la composition. Son oeuvre, d’une syntaxe et d’une esthétique tradidownloadModeText.vue.download 24 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 18 tionnelles, néoromantiques, comprend des oeuvres orchestrales (symphonies, concertos pour divers instruments, etc.), de la musique de chambre, des pages pour piano, dont six pièces pour la main gauche, de la musique vocale et un ballet. ALEXANDROV (Anatole), compositeur russe (Moscou 1888 - id. 1982). Encouragé par Taneev, il entra en 1910 au Conservatoire de Moscou après de solides études de littérature et d’histoire, y étudia le piano et la composition et reçut une médaille d’or pour son premier opéra, les Deux Mondes. Nommé professeur de com- position dans le même établissement en 1923, il y est resté pendant plus d’un demisiècle, comptant parmi ses élèves Bounine, Moltchanov, Gadjiev, etc. Il a écrit de la musique vocale (près de 150 romances, un millier de chansons enfantines), de nombreux opéras d’un style nettement folklorisant (Bela, 1945 ; le Gaucher, 1974), de la musique pour orchestre et de la musique de chambre. ALFANO (Franco), compositeur italien (Posilipo 1876 - San Remo 1954). Auteur d’opéras dont le plus célèbre fut Risurezzione (Turin 1904), d’après Tolstoï, de ballets dont Napoli (1901), monté aux Folies-Bergère, et Vesuvius (1938), ainsi que de trois symphonies (1909, 1932, 1934), il termina la dernière scène du Turandot de Puccini d’après les esquisses laissées par ce dernier. AL FINE. Expression italienne indiquant que lors de la reprise de la première partie d’un morceau, il faut la jouer « jusqu’à la fin ». ALFVÉN (Hugo), compositeur suédois (Stockholm 1872 - Falun 1960). Il étudia le violon au conservatoire de Stockholm (1887-1891) avant de se tourner vers la composition et de travailler avec Johan Lindegren. Ses oeuvres, que l’on peut considérer comme postromantiques, sont souvent inspirées par le folklore suédois. Citons 5 symphonies et Midsommarvaka (la Nuit de la Saint-Jean, 1904), qui, sous le titre de Rhapsodie suédoise, connut naguère une certaine popularité. ALGAZI (Léon), compositeur et musicologue français (Epure¸sti, Roumanie, 1890 - Paris 1971). Il compléta à Paris, auprès de Gédalge et de Koechlin, la formation musicale qu’il avait reçue à Vienne. Nommé en 1936 maître de chapelle à la Grande Synagogue de Paris, il s’est attaché à restaurer les anciens modes du chant hébraïque. Mais il souhaita également que la musique juive demeurât un art vivant et organisa à Paris, en 1957, un Congrès international de musique juive. Son oeuvre compte surtout des chants liturgiques. ALGORITHMIQUE (musique). Forme nouvelle de composition musicale, faisant appel à un appareil mathématique complexe dont les calculs, générateurs de l’oeuvre, ne peuvent être effectués qu’à l’aide de machines comme l’ordinateur. Ces algorithmes, ou procédés de calcul, ont fait leur apparition dans la composition durant les années 50, lorsque, sous l’influence du postsérialisme, les musiciens ont voulu maîtriser entièrement par l’intellect les processus de la création artistique et prévoir les probabilités de développement des idées génératrices d’une oeuvre, le programme se substituant alors aux thèmes et aux séries. En fait, on refusait le mot « exécré » d’inspiration. Le principal artisan et défenseur de la musique algorithmique est le compositeur P. Barbaud, lequel a d’ailleurs utilisé l’appareil mathématique à d’autres applications dans le domaine musical, par exemple à des études d’analyse musicologique. ALKAN (Charles Valentin Morhange, dit), compositeur et pianiste français (Paris 1813 - id. 1888). Premier prix de piano au Conservatoire de Paris à onze ans, prix de Rome en 1834, il acquit dans les années 1820 une réputation enviable de virtuose, mais Liszt et surtout Chopin détournèrent l’attention du public. Il se produisit alors dans de la musique de chambre tout en se consacrant à l’enseignement, et, vers 1848, se retira de la vie musicale parisienne pour n’y réapparaître sporadiquement qu’à partir de 1873. On l’a appelé le « Berlioz du piano », mais son style est plus retenu que celui de son aîné de dix ans. Sa musique est parfois aussi difficile que celle de Liszt, mais moins avancée sur le plan harmonique. Il a consacré à son instrument, outre quelques pages de musique de chambre et des transcriptions, une centaine de pièces, parmi lesquelles des caprices, fantaisies, impromptus, menuets et autres préludes, ainsi que la grande sonate op. 33 dite les Quatre Âges de la vie, parue en 1847. Des douze Études dans les tons mineurs op. 39, les no 4 à 7 forment une sorte de Symphonie pour piano seul. ALLA BREVE (ital. : « à la brève »). À l’époque de la Renaissance, l’unité de battue de la mesure, le tactus, était la semi-brève (la ronde actuelle) ; alla breve indiquait un changement non du rythme de la battue, mais de son unité de base, le tactus tombant dès lors sur la brève (valeur : deux rondes ou deux semi-brèves). Le signe de mesure C était remplacé par (« C barré »). La pulsation restant la même, mais l’intervalle entre deux battues correspondant à une unité de durée musicale double, alla breve voulait dire que la musique se jouait ou se chantait soudain deux fois plus vite. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, ce principe resta en vigueur, mais la valeur du tactus devint respectivement la noire et la blanche. Dans les tragédies lyriques du style de Lully, pour retrouver les rythmes « naturels » du langage déclamé, il est fait grand usage de changements de mesure, et en particulier du passage de C à , ce dernier étant souvent représenté simplement par le chiffre 2, l’unité de temps étant la blanche (deux blanches par mesure), par opposition à 4/4 (tempo ordinario à quatre noires par mesure). La battue à 2/2 donne en principe un résultat plus allant que celle à 4/4. Certaines pages classiques dont les éditions traditionnelles indiquent 4/4 ont été en réalité conçues par leur auteur à 2/2 (premiers mouvements des quatuors à cordes en ut majeur opus 64 no 1 et en mi bémol majeur opus 64 no 6 de Haydn, 1790). ALLARD (Maurice), basson français (Sin-le-Noble, Nord, 1923). Premier prix de basson au Conservatoire de Paris (1940), premier soliste à l’orchestre des Concerts Lamoureux (1942), puis à l’orchestre de l’Opéra de Paris (1949), Maurice Allard a remporté, en 1949, le premier prix au Concours de Genève. Professeur au Conservatoire de Paris depuis 1957, interprète de toute la littérature de son instrument, y compris des oeuvres contemporaines, il dirige une collection éditant des exercices pour le basson. ALLARGANDO (ital. : « en élargissant »). Terme demandant à l’interprète un élargissement, donc un ralentissement progressif du mouvement initial. ALLDIS (John), chef de choeur anglais (Londres 1929). Après des études au Collège royal de Cambridge, il a établi sa renommée comme chef de choeur et chef d’orchestre spécialisé dans le domaine du chant choral, avant de fonder, en 1962, sa propre formation. Celle-ci s’est très vite rendue célèbre par ses interprétations de musique contemporaine, quoique son activité s’étende également au répertoire classique et romantique, aussi bien dans la musique sacrée que dans l’opéra. Chef du choeur de l’Orchestre philharmonique de Londres de 1969 à 1982, Alldis a été de 1979 à 1983 downloadModeText.vue.download 25 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 19 directeur musical du Groupe vocal de France. ALLEGRETTO. Terme italien, diminutif d’allegro, indiquant un mouvement moins rapide. Le mot peut être suivi d’un qualificatif précisant le caractère du morceau, par exemple : giocoso (« joyeux »). ALLEGRI (Gregorio), compositeur italien (Rome 1582 -id. 1652). Chantre à Saint-Louis-des-Français à Rome, il devint prêtre et fut maître de chapelle à la cathédrale de Fermo (16071621), où il commença sa carrière de compositeur d’oeuvres sacrées, puis il fut nommé chantre de la chapelle pontificale (1629). Son nom est surtout attaché au célèbre Miserere pour neuf voix en deux choeurs, longtemps chanté pendant la semaine sainte à la chapelle Sixtine. L’oeuvre suscita un tel engouement que le pape menaça d’excommunication quiconque sortirait une partition de la chapelle ou la copierait. Mais Mozart, ayant assisté à l’office, transcrivit l’oeuvre de mémoire, après l’avoir entendue, semble-t-il, une seule fois. ALLEGRO (ital. : « gai, rapide »). 1. On rencontre ce terme dès le XVIIe siècle ; pendant un certain temps, il garda un sens expressif plus qu’il ne désigna un mouvement bien précis. Depuis le XVIIIe siècle, il indique un mouvement se situant généralement en dessous du presto. Mais, souvent, un autre terme vient préciser le caractère du morceau. On trouve par exemple : allegro con brio, ma non troppo, moderato, molto, appassionato, etc. 2. « Allegro » désigne aussi le premier mouvement de la sonate, de la symphonie ou du concerto classiques. ALLELUIA. Expression hébraïque signifiant « louez (hallelu) Dieu (Yah[veh]) », qui figure notamment en exorde des Psaumes CXIII et CXVIII, dits pour cette raison « le grand Hallel ». Celui-ci, dit le Talmud, devait être chanté dix-huit fois par an, et notamment pendant le repas pascal. Le mot hébreu est passé sans traduction dans la version grecque des Septante (283 av. J.-C.) et de là dans l’usage latin, où il a été compris comme une exclamation de joie. D’où son emploi privilégié au temps pascal, reflet de l’usage hébraïque, et, au contraire, son exclusion des offices de deuil ou des temps de pénitence. Mais en outre, à l’exemple du Livre de Tobie (XIII, 22, alleluia cantabitur), il a été employé substantivement, en latin comme en grec (Apocalypse, XIX), avec le sens de « chant de louange joyeux ». D’où ses deux acceptions distinctes, comme exclamation complétive et comme genre liturgique. 1.Comme exclamation de joie, l’alleluia est employé en s’insérant au début, au milieu ou à la fin de textes dont il reste indépendant. Cette addition, surtout en finale, est pratiquée au temps pascal de manière systématique, et parfois doublée ou triplée ; par exemple, Ite missa est - Deo gratias devient Ite missa est, alleluia, alleluia - Deo gratias, alleluia, alleluia. Le mot alleluia s’insère alors dans le texte chanté sans en modifier la nature. Il est donc indifféremment syllabique ou mélismatique selon le contexte où il s’insère. On notera que le mot hébreu est accentué sur la finale ; le grec et le latin transportent l’un et l’autre l’accent sur la pénultième (allelúia), d’où, avec le contre-accent latin, állelúia ; ce qui serait peut-être, selon Gustave Cohen, l’origine du refrain aoi inséré de façon mystérieuse dans la Chanson de Roland ; selon une thèse présentée en 1955, par l’auteur de cet article, le aoi issu de l’alleluia pénultième aurait pu former doublet avec l’nterjection de joie eia, fréquente dans la lyrique latine médiévale, qui serait cette fois dérivée de l’accentuation hébraïque initiale (alléluiá). 2. En tant que morceau autonome, l’alleluia semble avoir été d’abord l’un des principaux supports du chant responsorial ( ! ALTERNANCE), fournissant un refrain facile à faire répéter à l’assistance. Conservé dans le chant antiphonique, non seulement il s’y ajoute à l’antienne pour en souligner le caractère joyeux, surtout en temps pascal, mais il va parfois jusqu’à la supplanter, le mot alleluia répété syllabiquement autant de fois que nécessaire remplaçant sur la même mélodie le texte entier de l’antienne ordinaire : ce sont les antiennes alléluiatiques, qui n’ont pas été conservées de nos jours. De là peut-être le caractère populaire que semble avoir pris l’alleluia au Ve siècle, époque où le poète Sidoine Apollinaire décrit à Lyon « les mariniers adressant au Christ des chants cadencés, tandis que l’alleluia leur répond de la rive ». Ce caractère est conservé dans la chanson populaire, comme dans certains tropes tardifs qui s’y apparentent (O filii et filiae). 3. L’introduction de l’alleluia dans la messe, où il deviendra un genre musical d’une importance particulière, a été attribuée à saint Ambroise au IVe siècle. D’abord réservé au jour de Pâques, pour faire suite au graduel qui suit lui-même la lecture de l’épître, il s’est ensuite étendu à l’ensemble de l’année liturgique, à l’exception des offices des défunts, d’où il a été retiré par le 4e concile de Tolède, et des époques de pénitence (avent, carême), où il a été interdit par le pape Alexandre II au XIe siècle, de sorte que les fêtes souvent populaires qui marquaient volontiers les derniers jours précédant l’entrée dans ces périodes (cf. Carnaval, qui signifie « adieu à la viande ») ont parfois pris le nom d’« adieu à l’alleluia ». Dans les plus anciens offices, où il apparaît généralisé (bénévent), l’alleluia se chante partout sur une formule musicale unique ; on en trouve une dizaine à peine dans l’office milanais ; par la suite, il devient l’un des genres de composi- tion liturgique les plus riches et les plus abondants, même s’il existe fréquemment des alleluias refaits sur des modèles antérieurs. Alors que la liturgie hébraïque ne traite jamais l’alleluia de manière mélismatique, l’alleluia de la messe va devenir par excellence le type de la mélodie vocalisée : il utilise, en effet, largement des formules mélismatiques, les neumes dont le nom (gr. pneuma, « souffle ») évoque la large envolée et justifie l’appellation de jubilus qui leur a parfois été donnée. Dans cette dernière acception, l’alleluia, tout comme l’introït, l’offertoire et la communion primitives, dérive directement du chant de psaume encadré par son antienne ; le refrain alleluia tient alors lieu d’antienne, le psaume se voit réduit à un ou deux versets, et même parfois remplacé par un autre texte d’origine biblique ; mais, contrairement à l’introït, et peutêtre en raison de son caractère jubilatoire, la cantillation du verset se voit transmuée elle aussi en chant vocalisé, tandis que le refrain alleluia prend dans ses vocalises une ampleur dont saint Augustin a laissé un commentaire célèbre : « Celui qui jubile ne prononce pas de paroles, mais il exprime sa joie par des sons inarticulés. Dans les transports de son allégresse, ce qui peut se comprendre ne lui suffit plus, mais il se laisse aller à une sorte de cri de bonheur sans mélange de paroles. » L’exécution de l’alleluia, en raison de son développement, a donné lieu à une alternance particulière, que l’on peut présenter comme suit : -chantre soliste : alleluia (sans le mélisme sur le a final) ; -choeur : reprise alleluia prolongée par le développement mélismatique ; -soliste ou petit choeur : verset, arrêté peu avant les derniers mots du texte (astérisque dans les éditions modernes) ; P -choeur : achèvement du verset, qui comporte souvent lui-même un développement mélismatique sur la dernière syllabe. Reprise intégrale de l’alleluia avec son mélisme. Si l’on tient compte du fait que de nombreux alleluias, surtout tardifs (car on en composa jusqu’au XIIIe s.) reprennent dans leur mélisme final de verset tout ou partie du jubilus alléluiatique initial, on observe que le jeu d’alternance présenté ci-dessus introduit, peut-être fortuitement, une véritable structure formelle à downloadModeText.vue.download 26 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 20 refrain aAB. cB. AB, dont l’influence se retrouvera dans la constitution des formes poético-musicales (rondeau, virelai, ballade), génératrices à leur tour des formes musicales pures plus étendues que développera amplement la musique classique à venir. ALLEMANDE. Danse d’origine allemande, de tempo modéré, de rythme binaire, qui apparaît au début du XVIe siècle (Danceries de C. Gervaise). En Angleterre, on la rencontre sous les appellations alman ou almayne dans des titres qui comportent souvent aussi ce qui est probablement une dédicace (Dowland : Sir John Smith’s Almayne). L’allemanda se développe également en Italie. À partir du XVIIe siècle, l’allemande remplace la pavane et trouve sa place au début de la suite classique. Sa forme est généralement en deux parties avec reprises, sa mesure est toujours binaire et elle commence par une anacrouse. Le schéma tonal en est le suivant : tonique/dominante dominante/tonique. C’est dans cette forme que J.-S. Bach fait souvent appel à l’allemande dans ses Suites et Partitas, où il utilise surtout le style français très contrapuntique et formel. Au XIXe siècle, l’expression « à l’allemande » devient synonyme de « danse allemande », c’est-à-dire d’un rythme à 3/4 ou 3/2 ; l’allemande se rapproche alors du Ländler ou de la valse (Beethoven, Schubert). ALL’OTTAVA (ital. : « à l’octave »). Procédé qui permet d’écrire des notes situées au-dessus ou au-dessous de la portée, sans employer de lignes supplémentaires ; il est désigné dans les partitions par l’abréviation 8va. Cette abréviation est inscrite au-dessous des notes lorsqu’on doit descendre d’une octave, au-dessus si l’on doit exécuter les notes à l’octave supé- rieure. On peut également placer une ligne en pointillés en dessous (notes correspondantes jouées à l’octave inférieure) ou audessus (à l’octave supérieure) de la portée. ALMEIDA (Antonio de), chef d’orchestre français, né de parents portugais et américain (Paris 1928). Il commence ses études musicales en Argentine avec Ginastera, obtient une bourse pour étudier la physique à l’Institut de technologie du Massachusetts, mais choisit la voie de la musique. Il travaille aux États-Unis auprès de Hindemith (1949), Koussevitski (1949-50) et George Szell (1953) et, après une période consacrée à l’enseignement, aborde la carrière de chef d’orchestre. Directeur de l’orchestre de la radio portugaise de 1956 à 1960, il poursuit ensuite une carrière internationale. Il a été directeur de la musique de la ville de Nice et est depuis 1993 directeur musical de l’Orchestre symphonique de Moscou, fondé en 1989. Antonio de Almeida se livre aussi à des travaux de musicologie. Il a travaillé à une édition complète des symphonies de Boccherini (Vienne, 1969 et suiv.) et à un catalogue thématique des oeuvres d’Offenbach. ALMEIDA (Francisco Antonio de), compositeur et organiste portugais (1re moitié du XVIIIe s.). Sa vie reste mal connue. Il fut l’un des premiers boursiers envoyés par le roi Jean V à Rome, où il séjourna de 1722 à 1726 environ, et il fut peut-être l’élève d’Alessandro Scarlatti. Plusieurs de ses oratorios y furent exécutés. De retour à Lisbonne, il fut maître de chapelle à la Cour jusqu’en 1752. Ses oeuvres religieuses comme ses opéras marquent l’abandon, au Portugal, des influences espagnole et flamande au bénéfice du style italien. La Pazienza di Socrate (1733) fut le premier opéra portugais écrit à la manière italienne. Le seul des ouvrages lyriques d’Almeida à avoir été conservé entièrement, La Spinalba o vero il Vecchio Muto (1739), a connu à notre époque des représentations qui ont soulevé un intérêt certain. ALMURO (André), compositeur français (Paris 1927). Producteur d’émissions radiophoniques, spécialisé dans l’utilisation des moyens électroacoustiques, passionné par la poésie et le surréalisme, il a composé dans son studio personnel un grand nombre de pièces pour bande magnétique (Ambitus, Va-et-vient, Phonolithe, Mantra, etc.) et d’« opéras » électroacoustiques où il recherche un climat cérémoniel de magie et d’incantation, avec ou sans le support d’un texte. ALPAERTS (Flor), compositeur belge (Anvers 1876 - id. 1954). Il fit ses études avec Jan Blockx au conservatoire d’Anvers, où il devint ensuite professeur de théorie, contrepoint et fugue (1903), puis directeur (1933-1941). Il supervisa l’édition des oeuvres de Peter Benoît. En tant que compositeur, il peut être considéré, avec son poème symphonique Pallieter, comme l’un des premiers impressionnistes belges, quoique l’influence de Paul Gilson et de Richard Strauss l’ait conduit à une expression qui doit encore beaucoup au postromantisme. Alpaerts a composé des oeuvres pour orchestre (poèmes symphoniques, pièces concertantes, musiques de scène), de la musique de chambre, des mélodies et un opéra, Shylock. ALPHONSE X LE SAGE (Alfonso el Sabio), roi de Castille et de León, empereur germanique, législateur, guerrier, mathématicien, astronome, historien, poète et compositeur espagnol (Tolède 1221 Séville 1284). Imprégné de culture islamique, il redonna de l’éclat à l’université de Salamanque, où fut introduit l’enseignement de la polyphonie. Il s’y entoura des poètes et des musiciens les plus brillants de son temps chrétiens, arabes, juifs -, ainsi que de baladins mauresques. En collaboration avec ceux-ci, il écrivit plus de 400 cantigas, presque toutes consacrées à la louange de la Vierge. Il mourut, dit-on, du chagrin d’avoir à lutter contre son fils Sanche, qui s’était emparé du trône en 1282. Pièces destinées au répertoire des fêtes liturgiques et des célébrations populaires, Las Cantigas de Santa María réalisent une synthèse magistrale de l’art des troubadours et des trouvères, s’inspirant notamment des Miracles de Gautier de Coincy, des liturgies et des déchants populaires de l’époque wisigothique, des hymnes d’origine orientale et de certaines danses médiévales. Écrites en dialecte galicien, elles reprennent le schéma des virelais, des rondeaux et des laudes. Elles ont une importance capitale pour l’histoire de la musique, car elles sont conservées avec une notation. ALPHORN ou ALPENHORN. Nom allemand du « cor des Alpes », instrument folklorique en usage dans les montagnes de Suisse et des pays voisins. De perce conique, taillé dans du bois naturel, l’alphorn a l’aspect d’une énorme pipe, pouvant atteindre plusieurs mètres, et produit des sons amples d’une portée considérable. C’est lui qui sonne le fameux Ranz des vaches, évoqué par Beethoven dans la Symphonie pastorale et par Rossini dans Guillaume Tell. AL SEGNO (ital. : « au signe »). Cette indication précise qu’une section doit être répétée à partir de l’endroit marqué par le signe -S -, et non en son début, comme dans un da capo ordinaire. Le terme Da capo al segno indique que le signe se trouve au début de la section. ALSINA (Carlos Roqué), compositeur argentin (Buenos Aires 1941). Il a débuté comme pianiste avant de se tourner vers la composition. Artist-inResidence de la Fondation Ford à Berlin (1964-1966), il a travaillé avec Luciano Berio en 1965, passé deux ans à l’université de Buffalo, et s’est fixé ensuite à Berlin (1968), puis à Paris (1973). Cofondateur, en 1969, du New Phonic Art, groupe spécialisé dans l’improvisation et le « libre jeu d’ensemble », il s’est souvent orienté vers le théâtre musical, par exemple dans downloadModeText.vue.download 27 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 21 Oratorio 1964 pour 3 solistes, 4 acteurs et 3 groupes instrumentaux (1963-64, inachevé), la scène musicale Text (1965-66, inachevé), Text II pour soprano et 5 ins- truments (1966), Consecuenza pour trombone solo (1966). Sa première oeuvre, Trois Pièces pour chant et piano sur des textes de Shakespeare, date de 1956. Dans les années 70, il s’est imposé avec Überwindung pour 4 solistes et orchestre (Donaueschingen, 1970), Schichten pour orchestre de chambre (Royan, 1971), Omnipotenz pour orchestre de chambre (Royan, 1972), Approach pour 2 solistes et grand orchestre (Berlin, 1973). Ont suivi notamment Étude pour zarb (1973), le ballet Fusion pour 2 pianos, 2 percussionnistes et instruments annexes joués par les danseurs (Royan, 1974), le spectacle musical Encore (1976), Stücke pour grand orchestre (Royan, 1977), Harmonies pour solistes, récitant, choeur de femmes et orchestre (Paris, 1979), la Muraille (Avignon, 1981), Hinterland (créé au G. R. M. en 1982), Prima Sinfonia pour flûte, soprano, violoncelle et orchestre (1983), Concerto pour piano et orchestre (1985), Suite indirecte pour orchestre (Metz, 1989), Symphonie no 2 (1991). ALTÉRATION. 1. Modification de la hauteur d’un son par l’adjonction d’un signe qui le hausse ou le baisse toujours à partir de son état « naturel ». Dans la musique occidentale classique, où l’unité d’intervalle est le demi-ton, les altérations usuelles sont le dièse qui hausse la note d’un demi-ton, et le bémol qui la baisse d’un demi-ton ; il existe des altérations doubles (double dièse , double bémol ), dont l’effet est de hausser ou baisser la note de deux demi-tons, c’est-à-dire, dans la pratique, d’un ton, mais sans que cet intervalle d’un ton puisse harmoniquement être analysé comme tel, les deux demi-tons étant rarement de même nature. Le bécarre n’est pas un signe d’altération au sens propre, mais un signe d’annulation qui interrompt l’effet d’une altération antérieure pour remettre la note dans son état naturel. Dans certaines musiques orientales, et parfois dans la musique occidentale, lorsque le quart de ton intervient, le demi-dièse et le demibémol peuvent être employés. Enfin, les humanistes du XVIe siècle avaient quelque temps prôné, en vue d’un « chromatisme » imité des Grecs, différentes hauteurs de dièse , , , représentant respectivement un, deux ou trois quarts de ton. Les altérations peuvent être constitutives ou passagères, selon qu’elles appartiennent ou non à la gamme de la tonalité en cours. Les altérations constitutives de la tonalité initiale d’un morceau, écrites une fois pour toutes au début de ce morceau, forment l’armature (ou armure) et demeurent valables tant qu’elles figurent à la clef, même si la tonalité change. À ces altérations d’armature s’opposent les altérations accidentelles, qui sont, elles, écrites en cours de texte et ne restent valables que la durée d’une mesure, ou moins encore si plus loin, dans la même mesure, elles sont annulées par un bécarre ou une autre altération. Le sens actuel des altérations, tel qu’il vient d’être exposé, ne s’est fixé, progressivement, qu’au cours du XVIIIe siècle. Lire une partition antérieure selon les conventions du solfège actuel exposerait donc à de graves erreurs. 2. On appelle altération d’un accord la modification de hauteur d’un ou plusieurs de ses sons, considérés sur le plan harmonique par rapport à la composition normale de l’accord ( ! ACCORD). 3. On appelle altération d’un intervalle son extension ou son resserrement au-delà de son état juste, majeur ou mineur. ALTERNANCE. L’alternance, soit entre un soliste et un groupe, soit entre deux groupes, égaux ou non, appartient à tous les modes d’expression de la musique, les plus frustes comme les plus élaborés. En particulier, son rôle est fondamental dans le développement de la musique liturgique chrétienne, source de toute notre musique classique. Le noyau primitif semble y avoir résidé dans une lecture psalmodiée des textes saints, coupée par de brèves réponses des fidèles. Ce mode d’alternance fut sans doute supplanté, à la fin du IVe siècle (saint Ambroise à Milan), par un autre type dit antiphonie (qui a donné le mot antienne) entre deux demi-choeurs égaux. La polyphonie introduisit l’alternance entre les parties polyphoniques et les passages laissés en plain-chant strict ; par exemple, dans la Messe de Machaut, la polyphonie ne concerne qu’un Kyrie sur deux. Au XVIIe siècle, apparut une alternance choeur-orgue, dans laquelle l’un des partenaires prenait les versets pairs, l’autre les versets impairs. Les messes des organistes de l’époque sont presque toutes conçues ainsi ; on ne devrait jamais les exécuter comme une « suite » (ce qu’elles ne sont pas), mais toujours avec l’alternance de plain-chant qui les justifie et pour laquelle elles ont été faites. Il en est de même des faux-bourdons, conçus exclusivement pour alterner avec le plain-chant du choeur. L’alternance est particulièrement frappante dans le chant des Passions, où se répondent récitant, Christ et choeur ou « turba ». On retrouve le principe d’alternance dans le double choeur, en honneur au XVIe siècle (Gabrieli à Venise), et, plus tard, dans l’opposition entre petit et grand choeur que préfère le XVIIe siècle, notamment en France. Le principe de l’alternance est à l’origine des nuances, qui furent d’abord par paliers ou en écho avant l’apparition tardive du crescendo et du diminuendo, et aussi, à partir du XVIIe siècle, à la source de l’esthétique du concerto grosso (alternance d’un petit groupe instrumental avec l’ensemble ou ripieno), qui devait en se transformant donner naissance au concerto de soliste. Sous des formes moins évidentes, l’alternance a conservé une importance fondamentale. Après Schönberg, qui inventa même des signes spéciaux, N (Nebenstimme) ou H (Hauptstimme) prolongés d’un trait, pour mieux préciser l’alternance dans un ensemble des parties dominantes et des parties laissées à l’arrière-plan, nombreuses sont encore les pièces qui tirent de ce principe un élément important de leur structure (ex. : Dutilleux, symphonie no 2, dite le Double). ALTERNATIVO. Section contrastée jouant en gros le même rôle que le trio central dans un menuet, un même morceau pouvant en contenir une seule ou plusieurs. On trouve cette indication dans le quatuor à cordes en mi bémol majeur opus 76 no 6 de Haydn (1797), et assez souvent chez Schumann. ALTMANN (Wilhelm), musicologue allemand (Adelnau, Silésie, 1862 - Hildesheim 1951). Directeur du département musical de la Bibliothèque royale de Prusse à Berlin de 1915 à 1927, il a édité de nombreux catalogues musicaux ainsi que des oeuvres classiques, et s’est consacré spécialement au quatuor à cordes. ALTNIKOL (Johann Christoph), organiste et compositeur allemand (Berna, Silésie, 1719 - Naumburg, près de Kassel, 1759). Tout d’abord organiste à Breslau, il étudia ensuite la théologie à Leipzig, où il fut l’élève de J.-S. Bach, de 1744 à 1748. En 1749, il épousa Élisabeth, fille de Bach, et écrivit, sous la dictée, le dernier choral de son beau-père, Vor deinen Thron tret’ ich. Il fut plus tard organiste à Niederwiesa, puis à Naumburg. Altnikol a copié de nombreuses oeuvres de Bach, et ce dernier appréciait ses compositions ; mais de celles-ci nous ne possédons que quelques pièces pour clavier et quelques oeuvres religieuses. ALTO. 1. instrument à cordes. De même que le violon, l’alto est issu de la famille des violes de bras. On trouve la trace de downloadModeText.vue.download 28 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 22 cette origine (viola da braccio) dans les appellations italienne (viola) et allemande (Bratsche) de l’alto. L’alto est comme un violon fidèlement agrandi ; la forme et les matériaux en sont parfaitement identiques. L’alto mesure en moyenne 67 cm de long ; son archet est plus court et plus lourd que celui du violon. Ses quatre cordes sont accordées une quinte plus bas que celles du violon : ce qui fait que ses trois cordes les plus aiguës sont accordées sur les mêmes notes que les trois cordes les plus graves du violon. L’alto se tient de la même façon que le violon. Sa musique est écrite en clé d’ut 3e ligne. Sa technique est sensiblement la même que celle du violon, avec un mécanisme un peu moins agile, en raison de l’écart plus grand entre les doigts et du poids de l’archet. Jusqu’au XIXe siècle, l’alto fait souvent figure de parent pauvre du violon ; il est généralement joué par des violonistes médiocres, et c’est pourquoi on évite de lui confier des parties importantes. Bach, pourtant, aime à tenir la partie d’alto dans des exécutions, et, au XVIIIe siècle, quelques compositeurs s’intéressent déjà à l’instrument : Telemann, Bodin de Boismortier, Carl Stamitz, Michael Haydn, Dittersdorf, Cambini, Campagnoli. Mais c’est surtout Mozart qui enrichit la littérature pour alto avec des duos pour violon et alto et la symphonie concertante pour violon et alto (KV 364). Au XIXe siècle, de grands solistes, comme Paganini (violoniste, mais aussi altiste), achèvent de donner à l’alto sa vraie place. Outre les oeuvres de Spohr, Joachim et Vieux temps, citons Harold en Italie de Berlioz, « symphonie avec alto principal », écrite à la demande de Paganini. Schumann compose ses Märchenbilder op. 113 pour alto, et Brahms est l’auteur de deux sonates op. 120. Au XXe siècle, nombre de compositeurs écrivent pour l’alto : Reger, Koechlin, Bartók (1 concerto pour alto), Hindemith, altiste lui-même (1 concerto ; 5 sonates pour alto et piano), Milhaud (2 concertos ; 2 sonates), Enesco, Ropartz, Kodály, Walton, Britten, Copland, Martinºu. Plus près de nous, citons encore Bancquart (Écorces I pour violon et alto) et Berio (Sequenza VI pour alto solo). Parmi les ouvrages pédagogiques, nous mentionnerons ceux de Bruni, Woldemar, Joseph Vimeux, Dancla, Th. Laforge, Maurice Vieux, Léon Pascal, M.-T. Chailley, C. Lequien, E. Ginot et G. Massias. 2. instrument à vent de la famille des cuivres, occupant dans le groupe des saxhorns la place intermédiaire entre le grand bugle et le baryton. Construit en mi bémol, il sonne à l’octave inférieure du petit bugle, et sa morphologie est celle du baryton et de la basse, pavillon dirigé vers le haut. Il est très apprécié dans les formations d’amateurs pour sa tessiture moyenne et sa facilité d’émission. ALTO. Terme général indiquant la voix qui se situe entre la voix supérieure et le ténor, par exemple dans la chanson polyphonique des XVIe et XVIIe siècles. Cette partie, chantée le plus souvent par une voix élevée d’homme, soit en voix naturelle, soit en voix de fausset (contre-ténor), se notait en clef d’ut 3e ligne. Contratenor altus, traduit en italien, a donné également par contraction, contralto, la voix de femme la plus grave. AMATI, famille de luthiers italiens, établie à Crémone. Andrea (Crémone v. 1505 -id. v. Fondateur de l’école de Crémone lui qui, vers 1555, construisit véritables violons, issus de la 1578). ; c’est les premiers viole de bras. Antonio, fils d’Andrea (Crémone v. 1555 -id. 1640). Girolamo, frère d’Antonio (Crémone 1556 -id. 1630). Nicola, fils de Girolamo (Crémone 1596 -1684). Il fut le plus célèbre des Amati. Ses violons sont de dimensions très diverses ; les plus petits ont des formes gracieuses et une sonorité limpide ; mais les plus caractéristiques de son art sont peut-être les plus grands, à la sonorité puissante et expressive. Girolamo II, fils de Nicola (Crémone 1649 -1740). De réputation moindre, il conçut des instruments plutôt plats et d’assez petite taille. AMBITUS (lat. : « pourtour », notamment celui d’une maison, déterminant la propriété). Dans le vocabulaire du plain-chant, ce terme signifie, dans chaque mode, l’espace sonore utilisable autour de la finale tonique. C’est l’un des éléments de l’identification modale et, notamment, de la distinction entre modes authentes (gr. authentes, « qui domine ») et modes plagaux (gr. plagios, « situé de [chaque] côté ») : les authentes ont tout leur ambitus audessus de la finale tonique (sauf tolérance d’un degré de dépassement ornemental au grave), tandis que les plagaux répartissent leur ambitus de part et d’autre de cette finale. Du plain-chant, le mot s’est généralisé au sens d’étendue d’une mélodie, d’une voix ou d’un instrument, entre sa note la plus grave et sa note la plus élevée. Il ne faut pas confondre l’ambitus avec la tessiture, terme qui contient une notion de hauteur absolue : un soprano et une basse peuvent avoir même ambitus (par ex. une douzième) sans avoir pour autant même tessiture. De plus, la tessiture se réfère plus particulièrement au « bon registre » dans lequel un chanteur se sent à l’aise, tandis que l’ambitus désigne la totalité des notes qu’il peut atteindre. Une note peut donc être dans l’ambitus d’un chanteur sans être dans sa tessiture, alors qu’une note de la tessiture est obligatoirement dans l’ambitus. AMBROISE (saint) [Ambrosius Aurelianis], Père de l’Église, théologien et moraliste (Trèves 333 ou 340 - Milan 397). Évêque de Milan (374), il joua un rôle important dans la lutte contre l’arianisme, et aussi, selon la tradition, dans le développement de la liturgie occidentale en y introduisant de nombreuses pratiques musicales, pour la plupart empruntées à l’usage oriental, entre autres le chant de l’alleluia, des antiennes et le chant antiphonique ( ! ALTERNANCE). Il passe pour avoir composé lui-même des hymnes, et a donné son nom au chant ambrosien, considéré comme l’un des ancêtres du chant grégorien. AMBROS (August Wilhelm), musicologue et historien de la musique autrichien (Vysoké Myto, Bohême, 1816 Vienne 1876). Juriste à Prague et à Vienne, il publia à partir de 1862 une histoire de la musique qui, à sa mort, n’en était qu’au 4e volume et au début du XVIIe siècle, et qui fut ensuite poursuivie par d’autres. Comme compositeur, on lui doit notamment l’opéra tchèque Bratislav et Jitka. AMBROSIEN (chant). Chant liturgique en usage à Milan jusqu’à une période très récente, et qui diffère par de nombreux détails du chant grégorien, tout en se référant aux mêmes types. En se couvrant de l’autorité de l’évêque saint Ambroise († 397), il se situe deux siècles avant saint Grégoire († 604), éponyme du chant grégorien. Le rôle de ce dernier n’ayant été au mieux que celui d’un législateur a posteriori, on ne peut en tirer argument pour l’antériorité du rite milanais. Cette antériorité n’en est pas moins généralement admise, mais non sans nuances ni contestations ; les réticences portent surtout sur l’aspect composite du répertoire et sur le degré de fidélité de sa transmission. Le répertoire des hymnes est sans doute celui dont l’ancienneté et la continuité semblent le mieux assurées, de même que celui des « petites antiennes » non ornées et le mode de psalmodie, plus simple que la grégorienne ; le Gloria ambrosien semble bien, lui aussi, remonter au IVe siècle. MalheudownloadModeText.vue.download 29 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 23 reusement, aucun témoin écrit conservé du répertoire ambrosien ne semble avoir été rédigé avant le XIe siècle. Quelle que soit la marge d’incertitude sur les détails, le chant ambrosien reste, avec les quelques témoignages subsistant des rites prégrégoriens tels que le « vieux-romain » ou ceux des papes Léon Ier le Grand (440-461) ou Gélase Ier (492-496), l’un des plus importants éléments dans notre connaissance des origines du chant liturgique. Le Te Deum, qui remonte vraisemblablement au début du Ve siècle, porte parfois le titre d’« hymne ambrosienne », mais l’attribution à saint Ambroise n’est que l’une des cinq attributions anciennes, et non la plus vraisemblable. ÂME. 1. Petite pièce cylindrique en sapin, qui, dans les instruments à archet, est placée entre la table et le fond, sous le pied droit du chevalet ; l’âme renforce la table du côté droit, transmet les vibrations de la table au fond, et joue un rôle essentiel pour le timbre. 2. Sur la clarinette, petit orifice situé près de l’embouchure. AMEN. Mot hébreu à valeur adverbiale ou exclamative possédant des sens multiples : affirmation (Amen, dico vobis, « en vérité, je vous le dis », est une formule souvent employée par Jésus dans les Évangiles), conclusion, souhait, adhésion à ce qui vient d’être dit, acclamation, etc. Utilisé fréquemment dans la liturgie juive, le mot est passé tel quel dans la plupart des liturgies chrétiennes, tant latine que grecque ou slave, où il se prononce amin. Le psautier latin primitif traduisait Fiat, ce qui a entraîné l’Ainsi soit-il français, abandonné depuis le concile Vatican II. Musicalement, l’amen s’incorpore liturgiquement au texte qu’il conclut, à moins qu’il ne forme lui-même une réponse autonome ; ses formules mélodiques propres sont en ce cas généralement assez simples. En revanche, dès le XIVe siècle (fin du Gloria et du Credo dans la Messe de Machaut), les musiciens l’ont considéré comme matière de choix pour des développements vocalisés pouvant atteindre une très grande ampleur. À partir du XVIIIe siècle, dans le même esprit, il devient par tradition la conclusion brillante, souvent fuguée, de maints morceaux de messe ou d’oratorio ; d’où les sarcasmes dont l’abreuve Berlioz dans la Damnation de Faust (« Pour l’amen une fugue... »), où il en a rédigé une parodie. Un amen en faux-bourdon dit Amen de Dresde, en usage dans la cathédrale de cette ville, a fourni à Mendelssohn l’un des thèmes de sa symphonie Réformation (1830), repris par Wagner comme l’un des motifs essentiels de Parsifal (1882). Messiaen a illustré à sa manière les différentes acceptions de ce mot dans ses Visions de l’amen pour piano (1943). AMIOT (Jean Joseph Marie), jésuite et missionnaire français (Toulon 1718 Pékin 1793). En 1779, il publia une étude de la musique chinoise, sixième des quinze volumes de son ouvrage sur la culture chinoise : Mémoires concernant l’histoire, les sciences, les arts... des Chinois. AMON (Blasius), compositeur autrichien (v. 1558 - Vienne 1590). Enfant de choeur à la chapelle de l’archiduc Ferdinand à Innsbruck, il fut envoyé par celui-ci à Venise pour y faire des études musicales (1574-1577). Il devint ensuite frère franciscain à Vienne. Il composa de la musique religieuse (messes, motets), adoptant, le premier dans les pays germaniques, la pratique vénitienne des doubles choeurs (cori spezzati). AMOYAL (Pierre), violoniste français (Paris 1949). Titulaire à l’âge de douze ans d’un 1er Prix au Conservatoire de Paris, il étudie ensuite aux États-Unis auprès de Jasha Heifetz, avec qui il donne ses premiers concerts de musique de chambre. En 1971 commence sa carrière internationale. Il interprète les grands concertos romantiques et modernes, sous la direction de sir Georg Solti, Seiji Ozawa, Pierre Boulez, Eliahu Inbal, Lorin Maazel, etc. En 1977, il est nommé professeur au Conservatoire de Paris et en 1986 à celui de Lausanne. Parmi les violonistes de sa génération, il est l’un de ceux qui ont su trouver un équilibre harmonieux entre l’enseignement (masterclasses de violon solo et de musique de chambre) et la carrière de virtuose. Il possède l’un des plus célèbres stradivarius du monde, le Kochansky, qui date de 1717. AMY (Gilbert), compositeur et chef d’orchestre français (Paris 1936). Il est né d’un père anglais pour moitié et d’une mère bourguignonne, et fut, dans son enfance, attiré par l’architecture (il s’y intéresse toujours). Ses premiers contacts avec la musique furent décevants : il apprit le piano sans entrain. Vint l’année 1948 : « J’ai eu alors ma nuit de Noël claudélienne, mon père m’emmena au concert à Paris. C’est alors que la musique m’a vraiment impressionné. » Il copia Berlioz, Schubert, Schumann, et se mit à composer. Plus tard, il fut fasciné par Bartók, Stravinski, le groupe des Six, la polytonalité, les dissonances. À dix-huit ans, il découvrit la philosophie et approfondit ses choix. Il entra au Conservatoire de Paris et fut orienté par Michel Fano vers Olivier Messiaen, avec lequel il travailla deux ans. Il compta aussi parmi ses professeurs Darius Milhaud. Les cours d’analyse de Messiaen l’aidèrent à « rencontrer » Mozart, Chopin, Debussy. En 1957, sa Cantate brève pour soprano, flûte, marimba et vibraphone fut créée à Donaueschingen. La même année, Amy montra sa Sonate pour piano à Boulez et étudia avec celui-ci la direction d’orchestre. C’était l’époque brûlante du Domaine musical. Après s’être « senti dans un climat de solitude totale au Conservatoire », il fut « soudain jeté dans la vie ». Il écrivit alors Mouvements pour 17 instruments (1958). À Darmstadt (1959-1961), il découvrit Stockhausen et rencontra Maderna, Nono, Pousseur. Il composa Inventions (1959-1961) et développa un style personnel fait de rigueur et de raffinement, de lyrisme contenu et d’abstraction avec Épigrammes (1961), Cahiers d’épigrammes (1964) pour piano et Diaphonies pour orchestre de chambre (1962). À ces partitions relativement austères en succédèrent d’autres où s’épanouit plus librement son tempérament de poète : Triade pour orchestre (1963-64 ; création, Royan, 1966), la première version de Strophe pour soprano dramatique et orchestre (1964-1966), Trajectoires pour violon et orchestre (1966 ; création, Royan, 1968) et Chant pour orchestre (1967-1969). De cette époque date aussi Cycle pour percussions (1966). En 1967, succédant à Pierre Boulez, il prit la direction des concerts du Domaine musical, qu’il devait conserver jusqu’à leur disparition en 1973. En 1970 fut créé à Royan Cette étoile enseigne à s’incliner (le titre est celui d’un tableau de Klee) pour choeur d’hommes, 2 pianos, bande magnétique et divers instruments, oeuvre incantatoire comptant parmi ses plus significatives. Lui succédèrent notamment Récitatif, air et variation pour 12 voix mixtes (Royan, 1971), Refrains pour orchestre (Paris, 1972), D’un désastre obscur pour voix et clarinette (1971), à la mémoire de Jean-Pierre Guézec, D’un espace déployé pour orchestre et 2 chefs (1972 ; création à l’Orchestre de Paris, 1973), grande réussite s’il en fut, Sonata pian’e forte pour 2 voix et ensemble de chambre (1974), Seven Sites pour 14 solistes (Metz, 1975), Après... d’un désastre obscur (Châteauvallon, 1976), Échos XIII pour 13 instruments (1976), Stretto pour orchestre (Metz, 1977), une version réorchestrée de Strophe (1977 ; création, Paris, 1978), Trois Études pour flûte seule (Grenoble, 1979), Chin’anim Cha’ananim pour voix et petit ensemble (1979) et Une saison en enfer d’après Rimbaud pour piano, percussions, chant et bande magnétique réalisée autour du texte parlé à trois voix (enfant, femme, homme). Cette partition, une de ses plus ambitieuses, résulta d’une commande du groupe de recherche downloadModeText.vue.download 30 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 24 musicale de l’I. N. A. et fut créée à Paris en 1980. Suivirent Quasi una toccata pour orgue (1981), Quasi scherzando pour violoncelle (1981), Messe pour quatuor vocal, choeur d’enfants ad libitum, choeur mixte et orchestre (1983), la Variation ajoutée pour 17 instrumentistes et bande (1984), Orchestrahl pour orchestre (1985), Choros pour soli, choeur et orchestre (Lyon, 1989), Quatuor à cordes no 1 (1992), Inventions pour orgue (1993-1995), Trois Scènes pour grand orchestre (1994-1995), Brèves (quatuor à cordes no 2) [1995]. D’abord conseiller musical, à l’O. R. T. F. (1973), Amy a été, de 1976 à 1981, directeur du Nouvel Orchestre philharmonique de Radio-France. Il a obtenu le grand prix musical de la S. A. C. E. M. en 1972 et le grand prix national de la musique en 1979. En 1984, il a succédé à Pierre Cochereau à la tête du Conservatoire national supérieur de musique de Lyon. ANACROUSE. Note ou groupe de notes dépourvues d’accentuation, commençant une phrase musicale ou une composition, et précédant immédiatement le premier temps fort. ANALYSE (gr. analusis : « décomposition »). L’analyse consiste à étudier une oeuvre pour en définir la forme, la tonalité, la structure, le rythme, l’harmonie, l’orchestration, la thématique, la mélodie, la dynamique, etc. Au XXe siècle, l’analyse doit tenir compte des influences musicales primitives et extraeuropéennes, et non plus être fondée uniquement sur des données de forme et d’harmonie tonale, comme au XIXe siècle. Avec la musique sérielle, l’analyse devient un exercice beaucoup plus intellectuel que musical. « Le premier devoir de l’analyse musicale est de montrer les fonctions des différentes sections ; le côté thématique est secondaire » (A. Webern). Il y a actuellement trois classes d’analyse au Conservatoire de Paris. ANAPESTE. Pied ou unité rythmique de la poésie grecque et latine, formé de l’union de deux syllabes brèves et d’une longue, et indiqué par les signes -. L’origine du quatrième mode rythmique ), aux XIIe et XIIIe siècles, est en fait anapestique, la noire étant considérée alors comme une autre valeur brève. ANCERL (Karel), chef d’orchestre tchèque (Tucapy, sud de la Tchécoslovaquie, 1908 - Toronto, Canada, 1973). Né dans un milieu paysan, il étudia la composition au conservatoire de Prague avec A. Hába, et la direction d’orchestre, notamment, avec V. Talich et H. Scherchen, dont il fut l’assistant. À partir de 1931, il dirigea à l’Opéra de Prague et, à partir de 1933, à la radio de cette ville. Il entama alors une carrière internationale. Après un long séjour dans les camps de concentration durant la guerre, il reprit ses activités à l’Opéra de Prague et à la direction de la Philharmonie tchèque. Contraint à l’exil après le « Printemps de Prague », dont il fut l’un des artisans, il se réfugia aux États-Unis et devint directeur de l’Orchestre symphonique de Toronto. Il demeure célèbre pour les interprétations de ses compatriotes Dvořák, Smetana, Janáček, Martinºu, mais aussi pour celles de Bartók, Stravinski et Prokofiev. ANCHE. Languette fine et élastique en bois (roseau) ou en métal (laiton), qui est introduite dans l’embouchure des instruments à vent. (Cette languette peut encore être en argent [Chine, Japon] ou en paille [Soudan, Égypte].) L’anche entre en vibration grâce au souffle du joueur ou à l’air d’un soufflet, et communique cette vibration à la colonne d’air contenue dans le tube de l’instrument. Il y a trois sortes d’anches : l’anche simple, qui ne comporte qu’une seule languette (ex. : clarinette, saxophone) ; l’anche double, qui comporte deux languettes superposées (ex. : hautbois, basson) ; et l’anche libre, qui vibre en avant et en arrière à l’entrée d’une ouverture qu’elle ferme momentanément au passage de l’air (ex. : tuyaux d’orgue). À l’orgue, toute une famille de jeux est dite « jeux d’anches » ou « jeux à anche ». Le son est émis par une languette (dont la longueur est ajustable pour l’accordage au moyen d’une tige, la rasette) battant sur une gouttière métallique, l’anche proprement dite. Le tuyau sert de résonateur aux vibrations émises par la languette ; son diamètre, sa forme et sa longueur déterminent le timbre et la puissance du son. Les grands tuyaux coniques donnent le plus grand éclat : ce sont les jeux du type trompette ou du type chalumeau (s’ils sont de taille étroite). Les tuyaux à corps raccourci et à résonateur fournissent à la famille des anches les jeux de régale, de ranquette, de douçaine, de clarinette et, principalement, de cromorne et de voix humaine. ANCHIETA (Juan de), compositeur espagnol (Azpeitia, province de Guipúzcoa, 1462 - id. 1523). Chantre à la chapelle d’Isabelle de Castille et de Ferdinand d’Aragon (1489), maître de musique du prince don Juan (1495), puis abbé à Arbos (1499), il retourna, en 1504, à Azpeitia, où il fut recteur jusqu’à sa mort. Parallèlement, il exerça une charge de maître de musique à la cour de Charles V (1519). Considéré comme l’un des fondateurs de l’école polyphonique espagnole, Anchieta n’a retenu de l’art des Flamands que ce qui était nécessaire à un expressionnisme dramatique caractéristique du style national. Il a souvent construit ses oeuvres religieuses sur des thèmes profanes ; ainsi sa messe Eia Judios s’inspire-t-elle d’une chanson populaire évoquant les persécutions contre les juifs. Il a laissé des messes, plusieurs motets et des chansons polyphoniques profanes. ANDA (Geza), pianiste suisse d’origine hongroise (Budapest 1921 - Zurich 1976). Il fit ses études de piano dans son pays natal auprès de E. von Dohnanyi et débuta à Budapest sous la baguette de W. Mengelberg. Il prit la nationalité helvétique en 1942 et vécut dès lors en Suisse. Parallèlement à sa carrière de virtuose, il fut titulaire d’une classe de perfectionnement pianistique à Lucerne, poste où il succéda à Edwin Fischer. Pianiste au jeu maîtrisé, au style très pur, Anda est resté célèbre pour ses interprétations de Mozart, Brahms et Bartók. ANDANTE (ital. : « en allant », « en marchant »). Ce terme, apparu vers la fin du XVIIe siècle, désigna longtemps un tempo modéré, se situant entre l’adagio et l’allegro. Ce n’est qu’à l’époque romantique que son sens se modifia et qu’il indiqua un mouvement plus lent, se rapprochant de celui de l’adagio. N’étant pas très précis, le mot andante est souvent qualifié : par exemple, andante-allegro, andante ma adagio, andante sostenuto, andante cantabile. Le terme est parfois utilisé comme titre de morceau (Schumann : Andante et variations pour deux claviers op. 46), ou, souvent, comme titre de mouvement, par exemple dans une symphonie. ANDANTINO. Diminutif d’andante. Longtemps imprécis, ce terme indique en principe, aujourd’hui, un mouvement un peu plus rapide que l’andante. Il indique également le caractère d’une pièce moins développée qu’un andante ; il est à l’andante ce que la sonatine est à la sonate. ANDERSON (Marian), contralto américain (Philadelphie 1902). Au cours de sa longue carrière de concertiste, qui débuta en 1925, elle connut, aux États-Unis, quelques revers, dus au fait qu’elle était de race noire, mais aussi de nombreux triomphes (il lui arriva de chanter en plein air devant 75 000 personnes). En Europe, où elle fit des tournées après 1930, se produisant notamment au festival downloadModeText.vue.download 31 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 25 de Salzbourg à partir de 1935, elle acquit une immense popularité. En 1955, Marian Anderson fut la première chanteuse noire à paraître sur la scène du Metropolitan de New York (Ulrica dans Un bal masqué). Elle se retira en 1965. Toscanini admirait beaucoup cette forte personnalité, aux interprétations parfois déroutantes, mais toujours marquantes, qui fit carrière essentiellement dans le lied et l’oratorio, ajoutant aussi, à la fin de ses récitals, des negro spirituals. ANDRÉ, famille d’éditeurs et compositeurs allemands. 1. Johann (Offenbach, près de Francfort, 1741 - id. 1799). Il cultiva avec succès le singspiel, écrivit une trentaine d’oeuvres dans cette forme et jouit de l’admiration et de la collaboration de Goethe. Son style subit l’influence de l’école de Berlin (Graun, G. A. Benda). Il écrivit également des ballets, de la musique de scène et de nombreux lieder. En 1774, il fonda une maison d’édition, encore en activité aujourd’hui. 2. Johann Anton (Offenbach 1775 - id. 1842), fils du précédent. Il continua l’activité de son père dans l’édition, publiant, entre autres et pour la première fois, beaucoup d’oeuvres de Mozart, dont en 1800, Constance lui vendit en bloc les manuscrits plutôt qu’à Breitkopfu Härtel. Il écrivit deux opéras, des lieder, de la musique religieuse, de la musique symphonique et de la musique de chambre. ANDRÉ (Maurice), trompettiste français (Alès 1933). Il travailla dans la mine dès l’âge de 14 ans et fit ses premières armes dans la musique au sein des harmonies locales. Puis il étudia au Conservatoire de Paris, obtenant dès la première année le premier prix d’honneur au cornet et, l’année suivante, le premier prix de trompette. Il remporta les concours de Genève (1955) et Munich (1963). Trompette solo à l’orchestre des Concerts Lamoureux et à l’Opéra-Comique, il entreprit une carrière de concertiste qui lui valut rapidement un renom mondial. Doué d’une aisance et d’une technique prodigieuses, il domine complètement les difficultés que présente la musique baroque, qui constitue l’essentiel de son répertoire ; mais il interprète avec autant de bonheur les oeuvres contemporaines, aborde parfois le jazz et la musique légère. Professeur au Conservatoire de Paris de 1967 à 1978, il a formé une brillante jeune génération de trompettistes français parmi lesquels son fils Lionel, son petit-fils Nicolas, Bernard Soustrot et Guy Touvron. ANDRIESSEN, famille de musiciens néerlandais. Willem, compositeur et organiste (Haarlem 1887 - Amsterdam 1964). Il dirigea le conservatoire d’Amsterdam de 1937 à 1953 et fut organiste à la cathédrale d’Utrecht. Hendrik, frère du précédent, compositeur, organiste et pédagogue (Haarlem 1892 -id. 1981). Il a été directeur du conservatoire d’Utrecht, puis de La Haye (1949), et a enseigné l’histoire de la musique à Nimègue, de 1952 à 1962. Sa production religieuse, à partir de la Missa in honorem Ss. Cordis (1917), a tenté de retrouver la simplicité médiévale, et les références sérielles ont été fréquentes chez lui à partir de 1950. On lui doit beaucoup de musique religieuse et de nombreuses pièces d’orgue, Variations et fugue sur un thème de Johann Kuhnau pour orchestre (1935), un concerto pour orgue (1950), cinq symphonies (1930, 1937, 1946, 1954 et 1962) et les opéras Philomela, d’après Ovide (1948, créé au festival de Hollande 1950), et De Spiegel Van Venetie (1964). Jurriaan, fils du précédent, compositeur, pianiste et chef d’orchestre (Haarlem 1925). Élève de son père à Utrecht, il a étudié aussi à Paris (1947) et aux États-Unis (1949-1951), écrivant là sa Berkshire Symphonies (1949), dont le mouvement lent est une série de variations sur un thème de la Suite lyrique d’Alban Berg. De tempérament éclectique, il s’est intéressé au jazz (Concerto Rotterdam, 1967) et a écrit beaucoup de musiques de film et de scène. Sa 8e symphonie, La Celebrazione, date de 1977. Citons encore le monodrame radiophonique Calchas (1959), d’après Tchekhov, et les ballets Das Goldfischglas (1952), De Canapé (1953) et Time Spirit (1970). Louis, frère du précédent, compositeur (Utrecht 1939). Élève de son père et de K. Van Baaren, puis de Luciano Berio à Milan et à Berlin (1964-65), il a subi également les influences de Stockhausen et de Cage. Il a été en 1969 l’un des auteurs de l’opéra collectif Reconstruction, donné au festival de Hollande 1970, et enseigne depuis 1974 au conservatoire de La Haye. Parmi ses oeuvres, Hoketus pour 2 groupes d’instruments (1976-77), le « triptyque politique » sur des textes controversés comprenant Il Duce, d’après Mussolini (1973), Il Principe, d’après Machiavel (1973-74) et De Staat pour quatre voix de femmes et ensemble instrumental d’après la République de Platon (1973-1976), Symfonie voor losse snaren (symphonie pour cordes à vide) pour 5 violons, 2 altos, 3 violoncelles et 2 contrebasses solistes (1978), Mausoleum pour orchestre (1979), De Tijd pour ensemble (1981), les opéras Passion selon saint Matthieu, Orpheus et George Sand, créés en 1976, 1978 et 1980, De Snelheid (1981), Danses pour soprano et orchestre de chambre (1991), Hout (1991). ANDRIEU (Jean-François d’), compositeur et organiste français (Paris 1682 - id. 1738). Neveu de Pierre d’Andrieu, virtuose précoce, il est nommé organiste à SaintMerri dès 1704, poste auquel s’ajouteront ceux d’organiste de la Chapelle royale (1721) et de Saint-Barthélemy (1733). On lui doit un Livre de sonates à violon seul, trois Livres de pièces de clavecin, un Livre de sonates en trio, quelques Airs sérieux ou à boire et un recueil instrumental, les Caractères de la guerre, ou suite de symphonies ajoutées à l’opéra. Pour l’orgue, il écrivit un Premier Livre de pièces d’orgue (1739), où se maintenait la grande tradition liturgique de Lebègue, et un Livre de noëls, dans lequel il reprenait les oeuvres de son oncle en ajoutant quelques noëls de sa composition, pages brillantes, aimables et pittoresques. Comme pédagogue, enfin, d’Andrieu a laissé un précieux volume de Principes de l’accompagnement du clavecin (Paris, 1718). ANDRIEU (Pierre d’), compositeur et organiste français ([ ?] 1660 - Paris 1733). Il écrivit des Airs sérieux, publiés dans les recueils de Ballard, et composa des Noëls à variations pour orgue, réédités par son neveu Jean-François, a qui on en attribue souvent la paternité. ANERIO (Felice), compositeur italien (Rome v. 1560 - id. 1614). Il succéda en 1594 à Palestrina comme compositeur du choeur pontifical et en 1611 réforma avec Francesco Soriano le graduel romain. Contrairement à lui, son frère Giovanni Francesco (Rome v. 1567 - Graz 1630) composa aussi bien dans la prima que dans la seconda pratica et fut le premier compositeur romain à utiliser des instruments obligés (dans son Teatro armonico spirituale de 1619). ANERIO (Giovanni Francesco), compositeur italien, frère du précédent (Rome v. 1567 - Graz 1630). Maître de chapelle du roi de Pologne en 1606, puis à la cathédrale de Vérone, il regagna Rome pour enseigner au Collège romain. Ordonné prêtre en 1616, il fut maître de chapelle à Santa Maria dei Monti de 1613 à 1620. C’est un compositeur intéressant, dont l’oeuvre importante (principalement religieuse) comprend souvent des titres assez pittoresques, tels que Ghirlanda di sacre rose et Il dialogo pastorale al presepio (« le dialogue pastoral auprès de la crèche »). Il contribua à l’élaboration de la forme qui devint l’oratorio. downloadModeText.vue.download 32 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 26 ANET (Jean-Baptiste), violoniste et compositeur français ([ ?] 1661 - Lunéville 1755). Il fut l’élève de Corelli et débuta à Paris comme virtuose dans le cercle italien de Saint-André-des-Arcs, que présidait l’abbé Mathieu. C’est Anet qui, en se produisant à la cour et au Concert spirituel, révéla à la France l’élégance du violon dans le répertoire profane et donna à cet instrument ses lettres de noblesse. Avec Leclair, il imposa le genre de la sonate ; son premier Livre de sonates parut en 1724. Nommé au service de l’ex-roi de Pologne Stanislas Leszczy’nski, il se fixa à Lunéville en 1736. Anet fut un compositeur fécond et l’un des plus grands violonistes de son temps. ANFOSSI (Pasquale), compositeur italien (Taggia, près de Naples, 1727 - Rome 1797). Il étudia d’abord le violon, puis la composition et l’harmonie avec N. Piccinni. Ses premiers opéras ne connurent pas un très grand succès, mais avec L’Incognita perseguitata (Rome, 1773) vint la célébrité. Bientôt, cependant, il éprouva l’inconstance du public et partit à travers l’Europe. En 1792, il fut nommé maître de chapelle à Saint-Jean-de-Latran et se consacra à la musique d’église. Mozart s’intéressa à l’oeuvre d’Anfossi, composant des airs à insérer dans certains des 76 opéras qu’écrivit ce musicien. ANFUSO (Nella), soprano italienne (Alia, près de Palerme, 1942). Elle suit une double formation, littéraire et musicale, à l’université et au Conservatoire de Florence. Docteur ès lettres, elle étudie le chant à l’académie SainteCécile de Rome tout en poursuivant des recherches sur l’interprétation vocale au XVIIe siècle. Ces travaux historiques se révèlent décisifs pour l’originalité de son style interprétatif. Son but est de « retrouver l’unicité de la poésie et de la musique » qui, selon elle, caractérise avant tout les oeuvres de Caccini et de Monteverdi. En 1971, elle débute au Palazzio Vecchio de Florence et se produit régulièrement depuis en récital dans toute l’Europe. Douée d’une tessiture de trois octaves, elle chante les madrigaux pétrarquisants de Marchetto, les oeuvres de Rossi, mais aussi Vivaldi. Professeur de littérature dramatique et poétique au Conservatoire Boccherini de Lucca, paléographe des Archives d’État, elle organise des séminaires pour des étudiants du monde entier, malgré les vigoureuses polémiques suscitées par son style. Depuis 1989, elle a élargi son répertoire aux romances de Bellini, Catalani et Paganini. ANGELICI (Martha), soprano française (Cargese 1907 - Ajaccio 1973). Bien que sa vocation ait été marquée par ses origines corses, c’est à Bruxelles qu’elle reçoit sa formation à partir de 1928. Apprenant les rôles du répertoire italien, elle chante la Bohème à Marseille en 1936. L’année suivante elle débute à Paris, avant de suivre la troupe de l’Opéra-Comique au Brésil, lors de la tournée de 1939. Elle sera membre de cette troupe jusqu’en 1953, dans une période où de nombreuses créations s’ajoutent aux productions du répertoire. De 1953 à 1960, elle chante à l’Opéra de Paris. Ses triomphes dans le rôle de Micaëla amènent Karajan à l’engager dans Carmen à la Scala de Milan. Ses récitals furent également fameux, qu’elle concluait le plus souvent par des chants populaires de son île natale. ANGELIS (Nazzareno de), basse italienne (Aquila, près de Rome, 1881 Rome 1962). Enfant, il fit partie de la Capella Giulia, puis de la chapelle Sixtine. Il débuta à Aquila dans Linda di Chamounix de Donizetti (1903) et devint rapidement célèbre. Il se produisit beaucoup aux États-Unis et en Amérique du Sud, mais sa carrière est essentiellement liée à la Scala de Milan, où il chanta de 1907 (débuts dans La Gioconda de Ponchielli) à 1933. Sa voix était d’une beauté et d’une puissance exceptionnelles, sa technique accomplie et sa présence scénique impressionnante. Donnant aux personnages qu’il incarnait une dimension hors du commun, il a marqué, en particulier, les rôles de Moïse dans l’opéra de Rossini et de Mefistofele dans l’opéra de Boito, qu’il chanta 987 fois. Il se consacra aussi beaucoup aux oeuvres de Wagner. ANGERER (Paul), compositeur et altiste autrichien (Vienne 1927). Il a étudié le violon avec Franz Bruckbauer et F. Reidinger et la composition avec A. Uhl, à Vienne. Altiste dans l’Orchestre symphonique de Vienne, il a été de 1971 à 1986 directeur musical de l’orchestre de chambre de Pforzheim. Le style polyphonique de ses oeuvres rappelle Hindemith. Auteur de musique d’orchestre, le plus fréquemment écrite pour orchestre de chambre, il utilise des procédés anciens comme l’organum et le faux-bourdon. ANGERMULLER (Rudolph), musicologue allemand (Bielefeld 1940). Il a étudié à Mayence, Münster et Salzbourg (langue et civilisation françaises, histoire, musicologie). Assistant à l’Institut de musicologie de l’université de Salzbourg de 1967 à 1972, il est depuis cette dernière date bibliothécaire de l’Internationale Stiftung Mozarteum et codirecteur de la Neue Mozart Ausgabe. Sa thèse Antonio Salieri : sein Leben und seine weltliche Werke est parue en 1971. Il a publié également Sigismund Neukomm : Werkverzeichnis - Autobiographie - Beziehung zu seinen Zeitgenossen (1977), W. A. Mozarts musikalische Umwelt in Paris (1777-78) : eine Dokumentation (1982), ainsi que de nombreux articles. ANGIOLINI (Gasparo), danseur, chorégraphe et compositeur italien (Florence 1731 - Milan 1803). Arrivé à Vienne en 1754, il succéda en 1758 à son maître Franz Hilverding au poste de maître de ballet de la cour. Il connut son plus grand triomphe le 17 octobre 1761 avec la création au Burgtheater de Don Juan ou le Festin de pierre (musique de Gluck), le premier grand ballet d’action, dont il assura l’argument et la chorégraphie et dansa le rôle-titre. L’année suivante (5 octobre 1762), il assura la chorégraphie d’Orfeo ed Euridice. En 1765, il succéda à Hilverding à Saint-Pétersbourg, puis revint à Vienne en 1774 comme successeur de Noverre. Il séjourna à nouveau à Saint-Pétersbourg de 1776 à 1779 et termina sa carrière en Italie. ANGLAISE. Terme désignant aux XVIIe et XVIIIe siècles diverses danses anglaises diffusées en Europe, telles que la contredanse (country dance) ou encore le hornpipe. Il est curieux de noter que l’anglaise fut connue en Allemagne sous le nom de « française », et que J.-S. Bach introduisit une anglaise dans sa troisième Suite française en si mineur. Le tempo de l’anglaise est généralement assez vif avec une mesure binaire. ANGLEBERT (Jean Henri d’), compositeur, claveciniste et organiste français (Paris 1628 - id. 1691). Élève et successeur de Champion de Chambonnières, il occupa quelques postes d’organiste avant d’être nommé en 1662 dans l’ordinaire de la chambre du Roy pour le clavecin, charge plus tard confiée à François Couperin. Il abandonna ce poste à son tout jeune fils Jean-Baptiste Henri en 1674, date après laquelle on ne lui connaît plus d’activité. En 1689, il fit paraître un livre de Pièces de clavecin, regroupant 60 pièces en quatre ordres ; le livre est complété par un tableau des agréments, des Principes de l’accompagnement, Cinq Fugues pour l’orgue sur un même sujet et un Quatuor sur le Kyrie. À côté de quelques transcriptions de Lully, on y trouve le témoignage de l’un des maîtres du pre- mier âge de l’école française de clavecin. Ses deux fils, Jean-Baptiste Henri (Paris 1661 - id. 1735) et Jean Henri (Paris 1667 id. 1747), furent tous deux clavecinistes. downloadModeText.vue.download 33 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 27 ANGLÉS (Mgr Higinio), musicologue espagnol (Maspujols, prov. de Tarragone, 1888 - Rome 1969). Il fit des études de philosophie et de théologie à Tarragone, de musique à Barcelone (orgue, harmonie, composition) et de musicologie, d’abord à Barcelone avec F. Pedrell, puis à Fribourg avec W. Gürlitt et à Göttingen avec F. Ludwig. Après la guerre civile, durant laquelle il s’exila à Munich, il dirigea l’Institut espagnol de musicologie, à Barcelone, à partir de 1943, et fut président de l’Institut pontifical de musique sacrée de Rome, à partir de 1947. Spécialiste du Moyen Âge et de la Renaissance, véritable fondateur de l’école de musicologie espagnole, Anglés a laissé un grand nombre d’ouvrages et d’articles fondamentaux sur la musique de son pays et édité les oeuvres de Cabanillés, Morales, Alphonse X le Sage et Juan Pujol. Il a réalisé un catalogue musical de l’Espagne du XIIe au XVIIe siècle. ANHALT (Istvan), compositeur canadien d’origine hongroise (Budapest 1919). Il fait ses études en Hongrie avec Kodály et en France avec Nadia Boulanger et L. Fourestier. Il s’installe au Canada en 1949. Son style, fondé à l’origine sur le néoclassicisme, assimile, à partir de 1959, la musique électronique et les techniques modernes, unissant Varèse et Stockhausen aux musiques indienne, javanaise et africaine. Parmi ses oeuvres, citons 2 symphonies, Cento pour choeur à 12 voix et bande magnétique (1967), Welche Töne ? pour orchestre (1989). ANIMANDO (ital. : « en animant »). Terme indiquant que le tempo devient plus allant. ANIMATO (ital. : « animé »). Terme employé pour qualifier un tempo donné, exemple : andante animato. ANIMUCCIA (Giovanni), compositeur italien (Florence v. 1514 - Rome 1571). Il reçut sa formation dans l’entourage de Francesco Corteccia, puis entra au service du cardinal Ascanio Sforza à Rome. En 1555, il succéda à Palestrina comme maître de la chapelle Giulia. Avec un talent qui le rend digne de son grand prédécesseur, il écrivit surtout des madrigaux, de la musique religieuse (messes, magnificat), et, pour les réunions de son ami saint Philippe Neri, deux livres de Laudi spirituali (1563-1570) qui préfigurent l’oratorio et, par leur style déclamatoire, la monodie accompagnée. ANNIBALE (Il Padovano), compositeur italien (Padoue 1527 - Graz, Autriche, 1575). Premier organiste à Saint-Marc de Venise de 1552 à 1565, il s’établit à Graz, où il fut organiste, puis maître de chapelle de l’archiduc Charles d’Autriche. Il composa des madrigaux, des motets, une messe et des pièces pour orgue, édités chez Gardano à Venise. Ses ricercari et toccate furent parmi les premiers du genre. ANSERMET (Ernest), chef d’orchestre suisse (Vevey 1883 - Genève 1969). Il étudia parallèlement les mathématiques et la musique à Lausanne, puis à Paris, et fut nommé professeur de mathématiques à Lausanne (1906). Mais, après avoir travaillé la direction d’orchestre auprès de Mottl et Nikisch en Allemagne, il revint à la musique, en 1912, comme chef d’orchestre au casino de Montreux, où il devint l’ami de Ramuz et de Stravinski. Directeur musical des Ballets russes de Diaghilev de 1915 à 1923, il fonda en 1918 l’orchestre de la Suisse romande, dont il resta le directeur jusqu’en 1966. Chef au style plein d’acuité et de raffinement, Ansermet demeure particulièrement célèbre pour ses interprétations de Stravinski, Debussy et Ravel. Il a exposé sa conception de la musique dans un livre, les Fondements de la musique dans la conscience humaine (Neuchâtel, 1961), où il avoue sa fidélité exclusive au système tonal. Il composa quelques oeuvres et orchestra les Six Épigraphes antiques et deux des Ariettes oubliées de Debussy. ANTEGNATI, famille de facteurs d’orgues italiens établis à Brescia, dont l’activité est connue de 1480 environ jusqu’à la moitié du XVIIe siècle. Des sept générations successives d’Antegnati, l’organier le plus célèbre est Costanzo (Brescia 1549 - id. 1624), qui fut aussi organiste de la cathédrale de Brescia, compositeur et théoricien. Auteur de motets, messes et madrigaux, il a rédigé un traité, L’Arte organica (1608), où il donne notamment la liste et les caractéristiques de tous les instruments construits par la famille, ainsi que des indications sur l’accord et la registration. L’orgue des Antegnati est un instrument à un clavier et à pédalier rudimentaire ; il est riche en flûtes et principaux et en jeux de mutation aigus constituant un ripieno* par rangs séparés. Parmi les très nombreux instruments qu’ils établirent dans toute l’Italie du Nord, les principaux sont ceux de la cathédrale de Brescia (Bartolomeo Antegnati, 1481), de Sainte-Marie-des-Grâces à Brescia (Gian Giacomo Antegnati, 1533) et de la cathédrale de Milan (id., 1552). ANTES (John), compositeur américain (Frederick, Pennsylvanie, 1740 - Bristol, Angleterre, 1811). Membre de la communauté morave de Pennsylvanie, il partit pour l’Europe en 1764, devint pasteur en 1769, et s’embarqua la même année comme missionnaire pour Le Caire, où il devait rester jusqu’en 1781. De 1783 à sa mort, il vécut en Angleterre, continuant à s’intéresser non seulement à la musique, mais aussi à la mécanique et à la facture d’instruments. On lui doit des oeuvres sacrées préservées uniquement en Amérique, pour la plupart dans les archives de Bethlehem et de Winston-Salem (ont subsisté 25 pièces vocales concertantes et 13 mélodies de cantiques). Il fut aussi le premier Américain de naissance à avoir écrit de la musique de chambre (quatuors à cordes, trois trios à cordes op. 3 composés au Caire et parus chez John Bland comme étant de Giovanni A-T-S Dilettante americano). Dans un des carnets tenus par Haydn à Londres en 1791-92, on trouve cette notice le concernant : « Mr. Antis, évêque (sic) et petit compositeur. » ANTHEIL (George), compositeur améri- cain d’origine polonaise (Trenton, New Jersey, 1900 - New York 1959). Il fait ses études au Curtis Institute de Philadelphie, puis à New York avec Ernest Bloch. Après un bref séjour à Berlin où il présente sa Première Symphonie, il s’installe à Paris, s’intéresse au mouvement dada et compose son Ballet mécanique, « musique ultraviolette où l’idée est d’atteindre le plus abstrait de l’abstrait « : dix pianos y sont utilisés, ainsi que des trompes d’auto, enclumes, scies circulaires, etc. Cette tentative empirique d’extension de l’univers sonore n’est pas sans annoncer celles de Feldman et Cage. À la même époque, Antheil incorpore le jazz à ses ouvrages symphoniques ou lyriques. De retour aux États-Unis (1933), il renonce à l’avant-garde et revient à une esthétique néoromantique qui marque tous ses ouvrages ultérieurs. Fixé à Hollywood, il travaille dès lors dans les genres les plus divers, y compris la musique de film. ANTHEM (du grec latinisé, antiphona). Terme anglais désignant une composition chorale sur un texte sacré en langue anglaise, en usage dans l’Église anglicane. Au XVIe siècle, il existe deux types d’anthems, le full-anthem, qui peut être soit a cappella, soit accompagné à l’orgue, et le verse-anthem, qui se place entre les parties chorales, chanté par une voix soliste accompagnée à l’orgue ou aux instruments à archet. Avec Blow, Purcell et Pelham Humphrey, le verse-anthem se développe ; les anthems de Haendel atteignent des proportions grandioses au siècle suivant (par exemple : Zadok, the Priest). downloadModeText.vue.download 34 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 28 On continue à composer des anthems au XIXe siècle ; de nos jours, avec ou sans accompagnement, le genre inspire encore les compositeurs. ANTICIPATION. Procédé musical consistant en l’émission d’une note qui est étrangère à l’harmonie et qui appartient à l’accord suivant. Cette anticipation crée une dissonance, parfois chargée d’un grand pouvoir expressif, comme chez Monteverdi. Exemple : J. S. Bach, choral Ermunt’re dich, mein schwachen Geist. ANTIENNE (grec latinisé, antiphona : « voix en réponse »). Chant destiné primitivement à encadrer la psalmodie, c’est-à-dire la récitation modulée des psaumes. Le fait que cette récitation était pratiquée en « antiphonie » - par demi-choeurs alternés ( ! ALTERNANCE) - a donné naissance à ce terme impropre, car l’antienne ne semble jamais avoir été chantée ellemême en antiphonie. Les antiennes sont parmi les éléments les plus anciens de la liturgie. Les antiennes primitives, ambrosiennes, puis grégoriennes, étaient simples, syllabiques et courtes, souvent calquées sur un timbre stéréotypé et adapté au ton de la psalmodie ; beaucoup portent la trace d’un pentatonisme archaïque très accusé. Plus tard, les antiennes se développèrent, devinrent de plus en plus longues et relativement mélismatiques ; certaines antiennes tardives (Salve Regina) sont de véritables compositions, développées et isolées de leur contexte d’encadrement. Les introïts sont d’anciennes antiennes dont le psaume a été raccourci ; d’autres pièces (offertoire, communion) sont d’anciennes antiennes dont le psaume a ultérieurement disparu. ANTIPHONAIRE. Au sens ancien strict, ce terme désignait le livre liturgique contenant les antiennes (liber antiphonarius) pour l’office et celles pour la messe (introït, offertoire, communion). Ces pièces étaient chantées par le choeur, en alternance avec les répons, contenus dans un autre livre, le cantatorium, réservé aux solistes et plus tard appelé le graduel (liber gradualis) [trait, graduel, alleluia]. Plus tard, les répons furent insérés dans l’antiphonaire. ANTONIOU (Theodor), compositeur grec naturalisé américain (Athènes 1935). De 1945 à 1958, il étudie le violon, le chant et, avec M. Kalomiris, au conservatoire d’Athènes, la composition. Il travaille de 1958 à 1961 avec Y. Papaioannou, de 1961 à 1965 avec G. Bialas à Munich et, de 1964 à 1966, au studio de musique électronique de la radio bavaroise. En 1969, il obtient une chaire de composition à l’université de San Francisco. Malgré ses passages dans les studios d’électroacoustique, Antoniou compose avec des moyens traditionnels. Sa production comprend des oeuvres pour choeur, pour voix et instruments (Meli, pour chant et orchestre, 1963 ; Épilogue, pour mezzo-soprano, hautbois, guitare, cor, piano, contrebasse et percussion, 1963 ; Kontakion, pour solistes, choeur mixte et cordes, 1965 ; Klytemnestra, pour une actrice, ballet et orchestre, etc.), pour divers ensembles instrumentaux et pour orchestre, ces dernières oeuvres incluant des musiques de scène, de film et de la musique radiophonique. ANTUNES (Jorge), compositeur brésilien (Rio de Janeiro 1942). Il fait ses études à l’université du Brésil (master de violon et de composition) et passe son doctorat à Paris (Sorbonne, 1977). Il enseigne à l’université de Brasilia, dont il dirige aussi le département de musique. Pionnier de l’électroacoustique dans son pays, il fonde, à Rio de Janeiro, un centre de recherches « chromo-musicales » (1962), avant de travailler au studio de l’Institut Torcuato di Tella à Buenos Aires ainsi que dans différents studios européens, notamment à Utrecht et à Paris (GRM). On lui doit en particulier Catastrophe ultra-violette (1974), Simfonia das Directas (1984), la série des Meninos pour jeune violoniste et bande (1986-87). Il a fondé un groupe de musique expérimentale, le GeMUnB, et publié un livre sur la notation dans la musique contemporaine (1988). APERGHIS (Georges), compositeur grec (Athènes 1945). Venu à Paris en 1963, il y entreprend des études musicales et y suit des cours de direction d’orchestre (avec Pierre Dervaux) et de percussion. En 1967, sont créés Antistixis pour trois quatuors à cordes et Anakroussis I. Suivent notamment Symplexis pour orchestre symphonique et vingt-deux solistes de jazz et Kryptogramma pour percussions (1970). Frappé par Sur scène de Kagel, il s’oriente de plus en plus vers le théâtre musical : « Ce que je veux ? Répartir des scènes dans l’espace, accomplir un travail critique : il ne faut donc pas une pièce déjà existante ou des situations déjà imaginées par quelqu’un. » Le festival d’Avignon révèle en 1971 l’originalité d’Aperghis avec la Tragique Histoire du nécromancier Hieronimo et de son miroir pour voix de femme chantée, voix de femme parlée, luth et violoncelle. Puis sont créés Oraison funèbre (pour 2 barytons, une actrice et 10 instruments, Paris, 1972), Hommage à Jules Verne (Royan, 1972), Concerto grosso (pour chanteurs-acteurs, instruments et bande, Paris, 1972), les opéras Pandemonium (pour 4 voix de femmes, 4 barytons, 4 acteurs et 7 instrumentistes, Avignon, 1973), Jacques le Fataliste d’après Diderot (Lyon 1974) et Histoires de Loups (pour 5 voix de femmes, voix d’hommes et 9 musiciens, Avignon 1976), Je vous dis que je suis mort (Paris, 1979), Liebestod (Metz, 1982), oeuvres nourries d’autres disciplines artistiques. Les préoccupations sociales d’Aperghis apparaissent notamment dans la Bouteille à la mer (1976). Depuis 1976, le compositeur est animateur de l’A. T. E. M. (Atelier théâtre et musique) de Bagnolet. De l’action menée par l’A. T. E. M. avec les habitants de Bagnolet, sont nés divers spectacles, dont la Pièce perdue (1979). Le festival de La Rochelle de 1980 a vu la création de Quatre Récitations pour violoncelle seul. Citons encore l’Adieu pour orchestre (Paris, 1988), l’opéra Jojo (Strasbourg, 1990). A PIACERE (ital. : « à volonté », « à plaisir »). Terme indiquant qu’une certaine liberté dans le mouvement est laissée à l’initiative de l’interprète. Syn. : ad libitum. APOSTEL (Hans Erich), compositeur autrichien d’origine allemande (Karlsruhe 1901 - Vienne 1972). Il fit ses études au conservatoire Munz à Karlsruhe, puis travailla à Vienne avec Schönberg (1921) et Berg (1925). Il fut chef d’orchestre au Landestheater de Karlsruhe, puis professeur de piano et de composition à Vienne, et lecteur aux Éditions Universal. Il écrivit de la musique d’orchestre, des oeuvres pour piano, deux quatuors à cordes, des lieder sur des poèmes de Rilke, Hölderlin, Stefan George, et un Requiem. Appartenant à la seconde école de Vienne, ses oeuvres relèvent de la technique sérielle, qu’Apostel utilisa avec beaucoup de maîtrise et un rien d’académisme. APPASSIONATO (ital. : « passionné »). Terme indiquant dans une partition un style soutenu, tendu, avec de l’élan, de l’ardeur, de la passion. Employé surtout par les compositeurs de l’époque romantique, ce mot la caractérise d’ailleurs parfaitement. downloadModeText.vue.download 35 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 29 APPENZELLER (Benedictus), compositeur flamand (1re moitié du XVIe s.). De 1539 environ à 1551, il fut, à Bruxelles, maître des enfants de choeur de la chapelle de la reine Marie de Hongrie. Peut-être a-t-il été l’élève de Josquin Des Prés dont, en tout cas, il célébra la mort dans une déploration. Parmi ses oeuvres, jadis attribuées à Benedictus Ducis, citons une messe, des psaumes, des répons, des motets, des chansons, dont 22 furent publiées dans le recueil Chansons a quattre parties (Anvers, 1542). APPIA (Adolphe), metteur en scène suisse (Genève 1862 - Nyon 1928). Après des études à Vevey, Genève, Zurich, Leipzig, Paris et Dresde, il fut amené par sa passion wagnérienne à étudier la mise en scène dans des essais : la Tétralogie (1892), la Mise en scène du drame wagnérien (1895), Die Musik und die Inszenierung (1899). Après cette première période inspirée par le néoromantisme et le symbolisme, l’influence de la « rythmique » de Jaques-Dalcroze devint visible dans ses travaux ultérieurs : l’OEuvre d’art vivant (1921), la Mise en scène et son avenir (1923). C’est seulement à partir de cette époque qu’il mit lui-même en scène les drames wagnériens : Tristan et Isolde à Milan (1923), l’Or du Rhin et la Walkyrie à Bâle (1925). Il atteignit alors à l’abstraction avec des éléments scéniques constitués uniquement par des escaliers, des paliers, des tentures, des piliers et des éclairages. Appia fut le premier théoricien de la mise en scène moderne. Parmi bien d’autres, Wieland Wagner lui a été particulièrement redevable, et son influence est encore très perceptible de nos jours. APPLETON (Jon H.), compositeur américain (Los Angeles 1939). Il a fondé, en 1967, au Dartmouth College de Hanover (New Hampshire), un studio de musique électronique qui est devenu sous sa direction l’un des centres les plus ouverts et les plus actifs de cette technique aux États-Unis. Il y a mis au point, notamment, avec les ingénieurs Alonso et Jones, des systèmes informatiques de synthèse sonore (Synclavier) et d’enseignement musical, dont l’originalité tient dans leur facilité de manipulation, laquelle les rend accessibles au plus grand nombre. Dans son éclectique production musicale, où voisinent oeuvres chorales, travaux d’application et expériences audiovisuelles, domine cependant la musique électroacoustique. Il fut l’un des premiers Américains à utiliser les sons concrets pour des musiques très vivantes de « collage » ou d’évocation (Chef-d’oeuvre, 1967 ; Times Square Times Ten, 1969), avant de s’intéresser au synthétiseur comme source sonore exclusive (Stereopticon, 1972) et aux sons créés par ordinateur (Kungsgatan 8, 1971). APPOGGIATURE (ital. appoggiare : « appuyer »). Il s’agit d’une note étrangère à l’harmonie de l’accord avec lequel elle est entendue. La dissonance ainsi produite peut être plus ou moins prononcée. L’appoggiature, ou note appuyée, se trouve à une distance d’un demi-ton ou d’un ton (supérieur ou inférieur) de la note réelle de l’accord sur laquelle elle est résolue. L’appoggiature peut être longue (employée surtout à des fins expressives dans les morceaux plus tendres, moins dans les mouvements rapides) ou brève. Au XVIIe et au XVIIIe siècle, le bon goût en décidait la longueur. Cet ornement pouvait être : - soit indiqué par une petite note, comme chez L. Marchand, - soit sous-entendu, afin d’éviter une écriture défectueuse, comme dans les cadences de récitatifs. Par exemple, Haendel, cantate Della guerra amorosa, Exécutée avec une certaine liberté, le plus souvent sur le temps, l’appoggiature devait prendre une partie de la valeur de la note réelle. Elle en prenait la moitié dans une mesure binaire, les deux tiers dans une mesure ternaire et, lorsqu’elle précédait une note prolongée par une liaison, elle prenait toute la valeur de la première note réelle. Par exemple : Les compositeurs romantiques l’employaient généralement en notes normales. Par exemple : Wagner, Tristan et Isolde, Parfois, ils en supprimaient la résolution, c’est-à-dire la note réelle. Par exemple : Mahler, Ich bin der Welt abhanden gekommen (Rückert Lieder), Barrée, la petite note de l’appoggiature était très brève et exécutée avant le temps. ( ! ACCIACATURA.) APPUI. Dans la terminologie de la technique vocale, ce terme désigne soit la région abdominale, soit la région thoracique où se manifeste la tension musculaire pendant le chant. APPUYER. Renforcer un son, l’accentuer à un moment donné, indiqué par l’abréviation sf. (sforzando) ou par l’un des signes suivants : -, v, . AQUIN (Louis-Claude d’), organiste et compositeur français (Paris 1694 - id. 1772). Enfant précocement doué, issu d’une modeste famille d’intellectuels et d’artistes dont François Rabelais en personne -, il est le filleul d’Élisabeth Jacquet de la Guerre, claveciniste et compositeur, à qui il devra peut-être son initiation musicale. Dès l’âge de six ans, il joue du clavecin devant Louis XIV et la Cour. Devançant l’enseignement de ses maîtres, il s’impose très tôt comme organiste et comme compositeur. En 1727, il triomphe devant Rameau dans le concours pour le poste d’organiste à Saint-Paul, puis, quatre ans plus tard, il succède à Marchand aux Cordeliers. En 1739, c’est la consécration officielle, avec sa nomination, sans concours, au poste d’organiste de la chapelle royale, où il remplace d’Andrieu. Fêté par le public, il demeure simple et bon, farouchement indépendant et passablement bohème. Improvisateur stupéfiant, il répond au goût du jour sans y sacrifier. Au contraire, il s’efforce de maintenir l’orgue dans la grande tradition, en train de se perdre. Rameau lui-même le reconnaîtra : « On change de goût à tout moment. Il n’y a que M. d’Aquin qui ait eu le courage de résister à ce torrent ; il a toujours conservé à l’orgue les majestés et les grâces qui lui conviennent. » Les documents sont hélas ! trop peu nombreux pour étayer ce jugement : négligent et imprévoyant, il n’a que très peu publié de ses multiples compositions, en grande partie perdues ou restées manuscrites (Te Deum, Leçons de Ténèbres, Messes, Miserere, Cantates, etc.), tout comme ont été perdues les oeuvres manuscrites de Calvière, que sa veuve lui avait confiées pour les faire éditer. À part une cantatille, la Rose (1762), son oeuvre connue se résume à deux livres : Premier Livre de pièces de clavecin (1735) et Nouveau Livre de noëls pour l’orgue et le clavecin, dont la plupart peuvent s’exécuter sur les violons, flûtes, hautbois, etc. Les pièces descriptives pour le clavecin (le Coucou) s’inscrivent dans la lignée de celles de Couperin et de Rameau. Quant aux noëls pour orgue, ce sont de brillantes variations sur de populaires thèmes de chants traditionnels de Noël, genre très prisé à downloadModeText.vue.download 36 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 30 l’époque et dont d’Aquin fut incontestablement le maître. ARABE (musique). Musique modale, monodique, de transmission orale ou codée. Les termes de « musique arabe « ou « musique orientale « ont longtemps désigné les musiques conçues ou interprétées au sein de l’islām arabo-irano-turc, sans dif- férencier les spécificités nationales ou locales ou les hybridations exotiques. Si l’on se réfère aux structures modales maqām (modes arabo-irano-turcs), est arabe une musique mettant en jeu des structures : intervalles, genres tétracordes, formules mélodico-rythmiques, modes traditionnels développés au sein de l’islām araboirano-turc et dont la forme, improvisée ou composée, les thèmes, les particularités, le rythme, etc., relèvent plus précisément de traditions arabes ou assimilées. On y utilise, entre autres, des intervalles spécifiques que les musicologues mesurent en quarts de ton ou en commas. Si l’on se réfère aux rythmes, la musique arabe (de même que les musiques iranienne, turque, etc.) peut faire appel à une multitude de rythmes binaires ou boiteux dont les cellules juxtaposent, en application de codes précis, des temps denses (dum) et des temps clairs (tak), selon le point d’impact sur l’instrument de percussion. Si l’on se réfère à un critère ethnique, on considère comme arabe toute musique perpétuée ou créée dans un pays arabe, à l’exception des compositions ou interprétations délibérément occidentales. Si l’on se réfère à la langue, on remarque que de nombreuses chansons arabes du XXe siècle, composées sur un livret arabe classique ou contemporain, sont habillées d’orchestrations ou d’harmonisations occidentales et néanmoins considérées comme arabes. DES ORIGINES AU VIIE SIÈCLE. À l’origine, la musique « bédouine » de la période antéislamique (jāhilīya) est essentiellement vocale, de tradition orale, et utilise la psalmodie (tartīl), la récitation modulée (inchād), la poésie (chi`r) scandée par des percussions ou la mélopée du caravanier (hudā’). Outre le tambourin (daff), les instruments accompagnateurs sont le hautbois (mizmar, zamr), la vièle monocorde (rabāba) ou des luths archaïques (mizhar, muwattar, kirān, puis tunbūr et tanbūra). Des joutes et tournois poétiques ont lieu à La Mecque autour de la Pierre noire (Ka`ba). Au XXe siècle, on peut avoir une idée de ce que fut cette musique archaïque en découvrant les manifestations traditionnelles des Bédouins, nomades et villageois, les fêtes collectives de la péninsule et du golfe arabiques (sawt et fjirī, etc.), les joutes scandées du Liban (zajal), qui minimisent le rôle des instruments. Dès le VIe siècle, s’amorce au MoyenOrient une confluence artistique entre les traditions bédouines et les cultures byzantine et perse sassanide, autour des principautés de Hīra et de Ghassān. Au VIIe siècle, l’essor de l’islām va catalyser cette confluence et établir ses fondements techniques avec le rythme (īqā`), le chant élaboré (ghinā`) et le luth à manche court (`ūd). Ces trois éléments définissent une musique « méta-hellénique », monodique, improvisée sur un code modal, dont les intervalles, les genres tétracordes, les modes et les mélodies sont conçus sur le `ud avant d’être confiés à la voix du chanteur qui véhicule les mots, la poésie et l’émoi (tarab) en fonction de l’état d’âme (rūh) de l’assemblée. APOGÉE `ABBĀSSIDE (VIIIE-XIIIE S.). Sous les califes omeyyades, les musiques de Médine, La Mecque et Damas restent tributaires de préjugés « sémitiques » et confessionnels ; jugées comme un art ludique, elles sont plus volontiers confiées à des esclaves, à des étrangers (Persans ou Noirs), à des minoritaires non musulmans ou à des « entraîneuses » (qayna, qiyāna). Du VIIIe au XIIIe siècle, le mécénat des califes `abbāssides d’Iraq accentue les influences helléniques et persanes et marque les âges d’or de la musique au sein de l’islām, en dehors de tout préjugé racial ou religieux, d’où la prolifération des manuscrits et l’hégémonie des savants et artistes : Zalzāl, Ibrāhīm Mawsilī (VIIIe s.), Ishāq Mawsilī, Ziryāb, Kindī (IXe s.), Munajjim, Isfahānī, Fārābī (Xe s.), Ibn-Sīnā, dit Avicenne (XIe s.), Safiy al-Dīn (XIIIe s.), oeAbd al-Qadir Ibn-Ghaibī al Hāfiz al Maraqī (XIVe s.), etc., conduisant à une musique de haute technique conçue sur des `ūd à cinq rangs couvrant plus de deux octaves, admettant le démanché et les nuances dynamiques et décrivant les genres et modes selon un système commatique. Improvisée au sein des cénacles savants ou à la cour, cette musique raffinée a parfois utilisé des notations alphabétiques. Au XXe siècle, les intervalles commatiques sont encore utilisés en Turquie, par l’école de luth de Bagdad et dans des églises d’Orient (Grèce, Syrie, Iraq, etc.). Ils donnent une idée de ce que fut la technique à l’apogée du XIIIe siècle. EXPANSION ANDALOUSE (IXE S.). Au IXe siècle, une rivalité entre deux solistes de Bagdad, Ishāq Mawsilī et Ziryāb, provoque le départ de Ziryāb pour le Maghreb et l’Espagne musulmane, où il est accueilli à Cordoue par le calife omeyyade. Ziryāb, muni d’un `ūd à cinq rangs et créateur d’une école rationnelle de musique, aurait ainsi favorisé l’essor de la musique arabo-andalouse, illustrée par vingtquatre « suites » (nawba). Au XXe siècle, cette musique survit au Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie). Elle a conservé des aspects archaïques et ne module pas, restant dans un mode unique durant le déroulement de la « suite ». Afin de pallier les imprécisions dues aux périodes coloniales, il importe de bien restaurer son esprit et sa technique avant de la diffuser. Également amorcée à Bagdad et développée en Andalousie au IXe siècle, une réforme de la prosodie conduit à une nouvelle forme poétique, le muwachchah, qui, supplantant l’ancienne qasīda, est encore considéré au XXe siècle comme le symbole du classicisme arabe musico-poétique, sous forme de longues suites modulantes appelées fasil ou wasla, et présentant de nombreuses variantes locales. RÉCESSION (XIVE-XIXE S.). La prise de Bagdad par les Mongols (1258) et celle de Constantinople par les Turcs (1453) modifient l’équilibre de l’islām arabo-irano-turc. L’élitisme musical passe du mécénat des califes `abbāssides à celui des empereurs ottomans, et les meilleurs artistes sont consacrés à Istanbul. La musique des « provinces arabes » devient un art récessif de colonisés, d’où la régression des formes savantes ou instrumentales et le regain des formes populaires ou vocales, qui se différencient mieux de l’art ottoman. RÉVEIL DU XIXE SIÈCLE. Au XIXe siècle, la musique ottomane est florissante et la situation des pays arabes limitrophes de la Turquie reste acceptable. L’Iraq maintient la tradition confluentielle arabo-irano-turque à Bagdad et à Mossoul, avec le genre dit maqām al-`irāqī, poème chanté par un soliste, le maqāmtchī, accompagné par un quatuor spécifique, le tchalghī, comportant une cithare-tympanon (santūr), une vièle (jawza), un tambour-calice (tabla) et un tambour de basque (daff ou reqq). Ce maqām va être rénové par Rahmallah Chiltag, Ahmad Zaydān et Molla Othmān Mawsilī, avant d’être repris par les grands chanteurs iraqiens du XXe siècle : Rachīd Kundarjī, Muhammad Qubbānjī et Yusuf `Omar. Mais la résurgence de la tradition `abbāsside élitaire du `ūd ne se fera qu’en 1936 avec Cherif Muhieddin et son école de luth de Bagdad. En Syrie, Alep perpétue le muwachchah, et Damas la notion de classicisme. Au milieu du XIXe siècle, Michel Muchāqa propose une réforme de la théorie et de la pratique du `ūd et Abū-Khalīl Qabbānī rénove le style des chants profanes. Ils annoncent les grands artistes du XXe siècle : le « prince du luth » `Omar Naqichbendī et le chanteur Sabāh Fākhrī. En Égypte et au Maghreb, la musique s’est appauvrie. À la fin du XIXe siècle, un musicien du Caire, Abdū al-Hammūlī, a l’idée d’emprunter à Istanbul de nouveaux modes (maqām) et à Alep son art du muwachchah. De toutes parts jaillit l’idée downloadModeText.vue.download 37 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 31 de retourner aux âges d’or et d’analyser les musiques arabes pour mieux les confronter aux musiques européennes. C’est le réveil du nationalisme arabe. MÉDIAS DU XXE SIÈCLE. Au début du XXe siècle, l’effondrement de l’Empire ottoman facilite le réveil du nationalisme arabe et une renaissance (nahda) littéraire et musicale très active en Égypte. Cette renaissance s’attache au renouveau folklorique (Sayyīd Darwīch) et classique (Congrès de musique arabe, Le Caire, 1932). Deux talents vocaux exceptionnels (Umm Kulthūm et Muhammad Abd al-Wahhāb) vont régner sur un demi-siècle de chanson arabe et enchanter les foules. La qualification des artistes égyptiens les incite rapidement à dominer les médias arabophones (cylindre, disque, film, radio, télévision, cassettes), imposant leur style et leurs productions. Mais cette suprématie finit par se changer en monopole du divertissement, étayé par des oeuvres commerciales ou démagogiques abusant du mélodrame et des effets faciles. À ce jour, les masses arabes sont dominées par les « variétés » égyptiennes, effet encore accentué par les télévisions qui ont imposé au sein des familles le visage des vedettes élues, les mélodies et les formules stéréotypées. Après 1950, le Liban amorce une renaissance folklorique concrétisée par des opérettes - destinées aux festivals de Baalbek et confiées principalement à la plume des frères Rahbānī ou à la voix tendre de la chanteuse Fayrouz -, colportant une musique hybride promouvant modes orientaux, orchestrations occidentales et danses populaires arabes (surtout la dabka). De réels talents, comme ceux du chanteur Wadi` al-Safī ou du joueur de buzuq Matar Muhammad, doivent se frayer un chemin ardu entre les monopoles du Caire et de Baalbek. FOLKLORES CONTEMPORAINS. Actuellement, en rapport avec la tendance mondiale, tous les pays arabes s’efforcent de ranimer leurs patrimoines populaires. Ces traditions, mieux différenciées d’une région à l’autre que les traditions savantes, sont toujours vivantes et pratiquées au village à l’occasion des festivités. Elles reflètent aussi les survivances de certains patrimoines antéislamiques ou minoritaires (araméens, kurdes, coptes, berbères, etc.). Elles reposent néanmoins sur les mêmes structures modales que les musiques savantes, moyennant réduction de l’ambitus à une octave ou à un pentacorde. Ces manifestations populaires sortent désormais des campagnes et atteignent les théâtres nationaux, les lieux de villégiature, les festivals locaux ou internationaux ; d’où leur prise en charge par les administrations et une tendance à la normalisation, doublée de mises en scène, d’orchestrations et de chorégraphies spectaculaires qui soignent l’effet au détriment de l’authenticité. RÉSURGENCE DU RÉCITAL INSTRUMENTAL. La suprématie des chansons de variétés véhiculées par les médias a accentué la domination de la musique vocale et des orchestres pléthoriques ont étouffé le quatuor traditionnel (takht) et les instruments millénaires. Le luth court (`ūd), le luth long (tanbūra, buzuq), la citharetympanon (santūr), la cithare-psaltérion (qānūn), la flûte oblique (nāy) et leurs solistes ont été réduits aux rôles d’accompagnateurs. Les solos instrumentaux improvisés (taqsīm) sont devenus de brefs intermèdes. Cependant, à Bagdad, entre 1936 et 1948, se concrétise une résurgence de la pratique élitaire du `ūd, selon l’éthique de la période `abbāsside, avec l’école de luth de Bagdad, fondée et dirigée par Cherif Muhieddin. Cette institution ranime les intervalles commatiques, les nuances dynamiques, le démanché et les doigtés savants sur des `ūd à six rangs couvrant trois octaves. Elle va former les plus grands luthistes du monde arabe contemporain : Jamīl Bachīr (le plus subtil poète du luth), Salmān Chukur, Munīr Bachīr (le pionnier de la musique arabe en Occident), Jamīl Ghānim, Alī Imām... La délicatesse de leur jeu en récital oriental solo et la complexité de leurs modulations les rendent d’abord inaccessibles aux foules soumises à la chanson ou habituées à la pratique banale du `ūd usuel. Mais, à partir de 1970, le taqsīm arabe prend place dans le nouveau courant d’intérêt porté par l’Occident aux instruments orientaux. Et la consécration des grands solistes arabes par les médias occidentaux suscite un regain d’intérêt dans leurs pays d’origine pour la musique instrumentale. ARABESQUE. Nom donné à des pièces pour piano par certains compositeurs, tels que Schumann (op. 18) et Debussy (pour deux oeuvres de jeunesse). L’idée d’ornement, de ciselure est sans doute à l’origine du choix de ce titre, qui évoque, au sens propre, des entrelacements de feuillages et de figures de fantaisie que l’on trouve dans l’art arabe. ARAUJO (Pedro), compositeur portugais († Braga 1684). Il fut maître de chapelle et professeur au séminaire de Braga, de 1663 à 1668. À une époque où la musique d’orgue connaissait au Portugal un grand développement, Araujo se plaçait, par la qualité de ses oeuvres, à la tête d’une école de musiciens située dans le nord du pays et caractérisée par l’assimilation du style des organistes espagnols. ARBEAU (Thoinot, anagramme de Jehan Tabourot), théoricien français (Dijon 1519 - Langres 1595). Prêtre, chanoine de Langres, il est l’auteur d’un très important ouvrage : Orchésographie et traité en forme de dialogue par lequel toutes personnes peuvent apprendre et pratiquer l’honneste exercice des dances (1588). C’est le plus ancien traité concernant la danse et contenant la notation des musiques et des mouvements des diverses danses pratiquées à l’époque, les basses danses particulièrement. On y trouve des indications précises sur le jeu des instruments et l’accompagnement polyphonique, ainsi que des illustrations représentant les différentes phases d’exécution des danses. ARCADELT ou ARCHADELT, ARCADET, HARCHADELT (Jacques), compositeur franco-flamand (v. 1514-1568). Parti vraisemblablement très jeune en Italie, il est signalé à Florence vers 1530, puis en 1532, à l’issue d’un séjour lyonnais. Nommé en 1540 maître de la chapelle Sixtine, il se voit également attribuer le titre de chanoine de Liège. En 1546-47, il passe une année en France, puis rentre à Rome jusqu’en 1551, date à laquelle il devient maître de chapelle du cardinal de Lorraine ; il appartient à la chapelle royale de 1554 à 1562. La publication de son Premier Livre de madrigaux (Gardane, Venise, 1539), réédité quarante fois jusqu’en 1654, le place d’emblée parmi les grands madrigalistes de la première époque. Il est un de ceux qui donnent au genre sa forme définitive, dégagée de la frottola, et publie, entre 1539 et 1544, 250 madrigaux à 3 et à 4 voix, dont le célèbre Il Bianco e Dolce Cigno. Lorsque les luthistes mettent en tablature les premiers madrigaux, ils s’adressent aux musiciens ultramontains : un recueil entier, celui des Vindella, est alors consacré à Arcadelt, qui assumera bien souvent par la suite des paternités douteuses. S’il sait trouver le ton juste, fait de charme, de douceur et de mélancolie, qui convient au madrigal, Arcadelt ne renie pas pour autant ses origines, tantôt employant le style de la chanson française, tantôt cultivant celle-ci pour elle-même ; il joue même un rôle de précurseur en publiant à Paris, dès 1547, ce qui peut être considéré comme les premières chansons en forme d’air. ARCHET. Baguette, généralement en bois de Pernambouc, sur laquelle est tendue une mèche en crins de cheval, que l’on enduit de colophane. Il permet de mettre en vibration les cordes des instruments à cordes frottées, comme le violon, le violoncelle, la viole. L’extrémité inférieure de l’archet, le downloadModeText.vue.download 38 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 32 « talon », comporte une hausse mobile qui permet de régler la tension de la mèche, grâce à une vis à écrou actionnée par un bouton. Pendant des siècles, la baguette eut un profil convexe, en arc, d’où le mot « archet ». La facture de l’archet a évolué progressivement, mais, depuis toujours, les meilleurs « archetiers » sont français. ARCHILEI (Vittoria, dite LA ROMANINA), cantatrice italienne (Rome 1550-Florence apr. 1618). Un des premiers grands noms de l’histoire du chant soliste, elle épousa Antonio Archilei, lui-même compositeur et luthiste. Appelée à Florence par les Médicis pour les noces d’Éléonore avec Vincenzo di Gonzaga, elle commenca une carrière glorieuse. Appartenant à la Camerata de Bardi, elle créa notamment la plupart des opéras de Peri et de Caccini. On peut constater, en lisant la préface de l’Euridice de Peri, que celui-ci l’avait en très haute estime. ARCHILUTH. Terme désignant un groupe d’instruments à cordes pincées issus du luth : le théorbe, le luth théorbé et le chitarrone. Inventés en Italie vers la fin du XVIe siècle, les archiluths répondaient au désir des luthistes chanteurs de posséder des cordes graves supplémentaires, afin de mieux soutenir la voix. L’instrument tra- ditionnel à 6 cordes était conservé, mais il venait s’y ajouter des cordes graves (6 à 8), dites « sympathiques », montées hors manche. Ces cordes sonnaient à vide et étaient accordées dans la tonalité du morceau à interpréter. Parmi ces archiluths, seul le théorbe paraît avoir connu une vogue en France ; on y avait recours notamment pour jouer les basses continues. « Il ne faut pas s’étonner si plusieurs le préferrent au clavessin... » (S. de Brossard, Dictionnaire de la musique, 1703.) ARC MUSICAL. Instrument à corde, joué en Afrique, en Amérique du Sud, en Inde et en Océanie. Il se compose d’une corde tendue sur un bâton flexible, et pincée par le doigt ou par un bâtonnet de bois ou de bambou. La caisse de résonance est soit la bouche du joueur, lorsqu’il tient l’instrument serré entre les dents, soit une calebasse attachée à la corde ou au manche et en contact avec le buste de l’exécutant. L’arc musical peut aussi comporter des grelots. Par sa forme, il serait un ancêtre de la harpe. Il remonterait même au paléolithique, puisqu’on en trouve une représentation sur une gravure de la grotte des Trois-Frères, en Ariège, datant de l’époque magdalénienne (15 000 ans env. av. J.-C.). ARCO. Dans une partition, après un passage joué par les instruments à cordes sans l’aide de l’archet, c’est-à-dire pizzicato, le terme arco indique que l’instrumentiste doit reprendre son archet. ARCUEIL (école d’). En réaction contre la tendance agressive du groupe des Six, l’école d’Arcueil fut imaginée en 1924 par Maxime Jacob qui, associé à trois musiciens de ses amis, Henry Cliquet-Pleyel, Roger Désormière et Henri Sauguet, la plaça sous le patronage d’Erik Satie, lequel habitait précisément Arcueil. Ce groupe déclarait vouloir revenir à la simplicité, à la mélodie, à la pureté harmonique de Bach, tout en admettant les rythmes et les sonorités du jazz, voire l’esthétique du café-concert. Mais cette école d’Arcueil ne fut rien d’autre qu’une idée. Elle n’eut jamais de réalité juridique, de professeurs ou d’élèves, et se contenta d’attirer l’atten- tion du public sur quatre musiciens, qui, groupés autour de Satie, conservèrent chacun leur personnalité. La vie sépara vite ses membres : Satie mourut en 1925 ; Jacob, particulièrement doué, rentra dans les ordres ; Cliquet-Pleyel s’orienta vers la musique légère et la musique de film ; Désormière abandonna très vite la création pour se consacrer uniquement à la direction d’orchestre. Seul, Sauguet poursuivit une heureuse et longue carrière de compositeur, fidèle au conseil de Satie : « Marchez seuls. Faites le contraire de moi. N’écoutez personne ! ». ARENSKI (Antoni Stepanovitch), compositeur russe (Novgorod 1861 - Terioki, Finlande, 1906). Élève de Rimski-Korsakov au conservatoire de Saint-Pétersbourg, Arenski fut nommé professeur d’harmonie et de contrepoint au conservatoire de Moscou (1882). On lui doit, à ce titre, un Traité d’harmonie (1891) et un ouvrage sur les Formes musicales (1893-94). Par la suite, il succéda à Balakirev à la tête de la chapelle impériale (1895-1901). Fortement influencé par Tchaïkovski, Arenski semble n’avoir pas « donné toute la mesure de son très grand talent » (M.-R. Hofmann), et, malgré une nature généreuse et sensible qui se complaît dans les tonalités du mineur, ses oeuvres sont souvent d’inégale valeur. OEUVRES PRINCIPALES. Musique instrumentale : 2 symphonies ; 1 quatuor à cordes (dédié à Tchaïkovski) ; une centaine de pièces pour piano, dont 3 suites pour 2 pianos ; Nuit d’Égypte, ballet (1900). OEuvres lyriques et vocales : 3 opéras : Un songe sur la Volga (1892), Raphael (1894) ; Nal et Damayanti (1904) ; 1 cantate : la Fontaine de Bakhtchissarai (d’après Pouchkine). ARGENTA (Ataulfo), pianiste et chef d’orchestre espagnol (Castro Urdiales, Santander, 1913 - Los Molinos, Madrid, 1958). Après des études au conservatoire de Madrid, puis à Liège et à Berlin, il enseigna le piano au conservatoire de Kassel. Appuyé par Carl Schuricht, il s’orienta ensuite vers la direction d’orchestre et fonda l’Orchestre de chambre de Madrid. En 1947, il fut chargé de la direction de l’Orchestre national d’Espagne. Spécialiste des grands romantiques de la musique allemande, mais aussi des compositeurs espagnols, Ataulfo Argenta sut imposer un art à la fois sensible, dépouillé et empreint d’une fierté tout espagnole. ARGERICH (Martha), pianiste argentine (Buenos Aires 1941). Élève de V. Scaramuzza, Friedrich Gulda, Madeleine Lipatti et Nikita Magaloff, elle a obtenu, en 1965, le 1er prix au concours Chopin de Varsovie et a très vite acquis une réputation mondiale. La puissance de son jeu la fait admirer dans Prokofiev ou Bartók, mais sa nature impulsive et son humeur profondément romantique la rendent particulièrement proche de Schumann, Chopin et Liszt, dont elle est une interprète inspirée. ARGUMENT. Résumé de l’intrigue d’un opéra ou d’une oeuvre musicale dramatique. Au XVIIe siècle, en Italie, et notamment à Venise, on appelait « argomento » le résumé des événements survenus avant le début de l’ouvrage, de l’action proprement dite. ARIA. Équivalent italien d’air, mais dont le sens est moins vaste que celui du mot français ; il désigne plutôt une forme assez précise : une mélodie vocale ou instrumentale, monodique ou accompagnée. Au XVe siècle, on chantait des vers sur des mélodies connues (poesia per musica). Cette habitude prit son ampleur au siècle suivant, et ces mélodies recevaient souvent le titre d’une région (ex., la Romanesca). Des formes polyphoniques existaient aussi, des petites pièces telles que la villanella, la frottola, la canzona, pièces homorythmiques où la voix supérieure dominait. Bientôt, avec le mouvement humaniste des académies, l’aria monodique se développa, devint une sorte de récit (recitar cantando) soutenu par une basse continue. À la tête de ce mouvement, nous trouvons G. Caccini, avec son recueil Nuove Musiche (1601). downloadModeText.vue.download 39 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 33 Au XVIIe siècle, « aria » désignait essentiellement un style mélodique qui se distingua vite de celui du récitatif, il fut l’élément le plus important d’un genre nouveau : l’opéra, où le bel canto dominait la scène. Plusieurs formes d’aria coexistaient : l’aria strophique, l’aria en deux sections (AB) et l’aria col da capo (ABA’) qui devint vite la forme la plus utilisée durant toute l’époque baroque ; on la trouve également dans la cantate et la musique religieuse. Dans cette forme fermée qui coupait net toute action dramatique, le chanteur devait orner la reprise (A’) selon son goût et les possibilités de sa technique vocale, principe qui entraîna parfois certains abus. L’aria était généralement précédée d’un récitatif exigeant un style plus déclamatoire. En général, l’aria commençait par une ritournelle instrumentale, et, comme en France, elle adoptait un tour et portait un titre différent selon les sentiments à exprimer : aria cantabile, di bravura, da caccia, di guerra, del sonno (du sommeil). En Allemagne, J.-S. Bach surtout utilisa l’aria en la traitant dans un style concertant, avec une grande variété d’instruments obligés. Au XVIIIe siècle, afin d’éviter le da capo qui interrompt l’action, on employa parfois la cavatine de forme A B (Mozart : Cosi fan tutte, cavatine. Tradito, schernito). Au XIXe siècle, et pour la raison citée plus haut, on préféra souvent la cavatine à l’aria. Verdi, puis Wagner abandonnèrent cette forme fermée. Récit et aria devinrent une sorte d’arioso perpétuel, une « mélodie infinie », sans conclusion. Debussy ne composa aucune forme close, mais, au XXe siècle, avec les tendances néoclassiques, R. Strauss, Stravinski, Hindemith retrouvèrent l’aria traditionnelle et l’adaptèrent à la sensibilité contemporaine. Berg, dans Wozzeck, employa cette forme et l’intégra dans des pièces instrumentales ; dans Lulu, il l’utilisa de manière très classique, comme l’a fait plus récemment Henze (Nachstücke und Arien, 1977). ARIETTE. Pièce vocale de forme strophique, de style léger, d’allure dansante, semblable à l’aria, mais de dimensions moindres. Dans son Dictionnaire de 1703, S. de Brossard écrit : « Une ariette a ordinairement deux reprises, ou bien elle se recommence da capo, comme un rondeau. » On trouve souvent cette forme dans la cantate française (Bernier, Monteclair) et dans les opéras de Rameau ; elle fut introduite ensuite dans les opéras italiens de Bononcini et dans les opéras-comiques français de Monsigny et Grétry. ARIOSO. Pièce vocale de structure intermédiaire entre l’air, auquel appartient l’expression lyrique, et le récitatif, qui conserve le rythme de la parole. En 1703, S. de Brossard écrit : « Arioso veut dire d’un même mouvement que si l’on chantait un air. » C’est une forme plus développée, plus mesurée de récitatif, qui, tendant vers un plus grand lyrisme d’expression, se souvient des caractéristiques de l’air. Souvent, par exemple à un moment pathétique vers la fin d’un récitatif, la basse continue devient plus animée, voire mesurée, et le récit se transforme en arioso (J.-S. Bach : cantate BWV 82, fin du récitatif « Mein Gott ! Wann kommt das schöne : Nun ! »). L’arioso peut être un morceau mesuré indépendant, sans être pour autant un air (J.-S. Bach : cantate BWV 56, arioso « Mein Wandel auf der Welt »). L’arioso est typique du style de l’école de Monteverdi, de Cavalli. ARIOSTI (Attilio), compositeur italien (Bologne 1666 - ? v. 1729). Moine et courtisan, doué aussi bien pour l’orgue que pour le clavecin, le violoncelle et la viole d’amour, il séjourna à Mantoue, à Berlin - où sa présence fit scandale (il était moine et catholique) et où il composa les premiers opéras italiens donnés dans cette ville -, à Vienne - d’où il retourna en Italie comme agent de l’empereur Joseph Ier - et à Londres - où il joua de la viole d’amour durant les entractes d’Amadigi di Gaula de Haendel et dédia Six Lessons pour viole d’amour à George Ier. ARISTOTE, philosophe grec (Stagire 384 ou 383 - Chalcis 322 av. J.-C.). Élève de Platon, précepteur d’Alexandre le Grand, ce penseur, dont l’oeuvre est une somme des connaissances de son époque, voit dans la musique une imitation des états psychiques et, lui reconnaissant une valeur éthique, estime très important le rôle qu’elle joue dans l’éducation du citoyen. S’il a maintes fois écrit sur la musique, Aristote ne lui a pas consacré d’ouvrage particulier. Toutefois, ses connaissances sont précises. Redevenues vivantes au XIIIe siècle, ses idées ont considérablement influencé l’évolution de la musique occidentale. ARISTOXÈNE DE TARENTE, philosophe grec (354 av. J.-C. - ?). Sa pensée est celle d’un conciliateur qui voudrait harmoniser les conceptions pythagoriciennes et la théorie aristotélicienne. Élève d’Aristote, il est surtout connu comme théoricien de la musique. Dans ses ouvrages, Éléments de l’harmonie et Éléments de la rythmique, il donne des bases scientifiques à la rythmique, défend la théorie du tempérament égal, et rejette les calculs purement mathématiques des pythagoriciens au profit d’une appréciation qualitative et psychologique du son. Considéré comme l’un des plus grands théoriciens de l’Antiquité, il exerça une influence jusqu’à la fin du Moyen Âge. ARMA (Paul, pseudonyme d’lmre Weisshaus), compositeur français d’origine hongroise (Budapest 1905 - Paris 1987). Il fait ses études musicales à l’Académie Franz-Liszt de Budapest, notamment avec Bartók. En 1933, il s’établit à Paris. Il étudie les folklores de nombreux pays, tout particulièrement ceux de la Hongrie et de la France, et leur fait une large place dans son oeuvre. Il écrit des pièces pour piano, de la musique de chambre, de la musique d’orchestre, des oeuvres vocales et, plus récemment, de la musique pour bande magnétique. ARMATURE ou ARMURE. Terme désignant la ou les altérations constitutives d’une tonalité, écrites immédiatement après la clef, affectant toutes les notes de même nom, quelle que soit leur octave, et dont l’effet se prolonge pendant toute la durée du morceau. Les dièses et les bémols constitutifs du ton majeur ou mineur sont écrits dans un ordre établi. ARNAULT DE ZWOLLE (Henri), organiste, théoricien, ingénieur, astronome et médecin néerlandais, probablement d’origine française. (Zwolle ? - Paris 1466). Il exerça la médecine au service du duc de Bourgogne, Philippe le Bon, puis des rois de France, Charles VII et Louis XI. C’est en soignant ses malades qu’il succomba de la peste. Il composa, en latin, plusieurs traités, illustrés de figures, sur les instruments à clavier (orgue, clavicorde, clavicymbalum) et les instruments à cordes (harpe, luth). Ces traités, édités depuis, forment le premier grand document d’organologie connu et constituent une source inestimable sur les instruments de musique du XVe siècle. ARNAUT DANIEL, gentilhomme et troubadour originaire de Ribérac (Dordogne) [seconde moitié du XVIIe siècle]. Jongleur, il voyagea aux côtés de Richard Coeur de Lion et acquit une grande notoriété par la richesse de son inspiration mélodique et sa façon, très personnelle selon Dante, de « ciseler » la langue d’oc. Pétrarque aussi l’apprécia beaucoup et le désigna comme le premier entre tous et le grand « maître d’amour « ; il nous a laissé 18 pièces poétiques, dont 2 seulement sont notées. downloadModeText.vue.download 40 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 34 ARNAUT DE MAREUIL, troubadour de la région de Mareuil, dans le nord de la Dordogne (fin du XIIe s. - début du XIIIe s.). D’abord clerc, puis jongleur, il fut protégé par le vicomte de Béziers, Roger II, avant de l’être par Guillaume VIII de Montpellier. On lui a attribué une quarantaine de chansons, mais il semble que 26 seulement soient authentiques, dont 6 notées ; il cultiva également le genre courtois appelé « salut d’amour », épître en vers d’une qualité poétique remarquable. ARNE, famille de musiciens anglais. Thomas Augustine (Londres 1710 - id. 1778). Avec W. Boyce, il est le plus important compositeur anglais de son époque, et son oeuvre fait date dans l’histoire de l’opéra de son pays. Travaillant le jour chez un notaire, il s’exerçait la nuit sur une épinette introduite en cachette dans sa chambre, car son père ne voulait pas qu’il devînt musicien. Il triompha néanmoins de la volonté paternelle et, pour son premier opéra, choisit un texte d’Addison pour écrire une Rosamond. Il composa ensuite des opéras, des masques et de la musique d’église. Pour les représentations des pièces de Shakespeare au Dury Lane, il composa de nouvelles mélodies pleines de charme, par exemple, pour As you like it, Under the Greenwood Tree et Blow, blow thou Winter Wind. Sa chanson la plus célèbre reste Where the Bee sucks (dans The Tempest) ; réunis, ses airs remplissent 20 recueils. T. A. Arne naquit au moment où Haendel s’établissait en Angleterre. Jusqu’à nos jours, sa musique, fraîche, spontanée et originale, a souffert du voisinage écrasant de son aîné. Pourtant, c’est lui, et non Haendel (à l’exception de Semele, 1743), qui continua la tradition de l’opéra anglais après Purcell. Citons Thomas and Sally (1733) et Alfred (1740) dont un passage du final, le Rule, Britannia !, est resté l’une des mélodies patriotiques les mieux connues en Angleterre. T. A. Arne ne négligea pas la musique instrumentale, écrivant des sonates pour le clavecin, des ouvertures et des concertos pour orgue. Il faut mentionner également ses deux oratorios, Abel (1744) et Judith (1761). Michael, fils du précédent (Londres 1740 id. 1786). Il composa de la musique théâtrale, se ruina pour essayer de découvrir la pierre philosophale, puis revint à la composition. Pendant quelques années, il dirigea les oratorios de carême à Londres. ARNOLD (Malcolm), compositeur et trompettiste anglais (Northampton 1921). Il étudia avec Gordon Jacob au Collège royal de musique de Londres et fut premier trompettiste de l’Orchestre philharmonique de Londres (1942-1944 et 19461948). Maître de dans des oeuvres cinq ouvertures. huit symphonies, l’orchestration, il excelle brillantes, telles que ses Il a également composé des concertos pour di- vers instruments, le ballet Hommage to the Queen, un masque, les opéras The Dancing Master (1951) et The Open Window (1956), et des musiques de film, dont celle du Pont sur la rivière Kwaï. ARNOLD (Samuel), compositeur, organiste et éditeur anglais (Londres 1740 id. 1802). Auteur d’une cinquantaine d’opéras et pastiches et de neuf oratorios, docteur d’Oxford en 1773, organiste de la chapelle royale en 1783 et de la cathédrale de Westminster en 1793, il édita de 1787 à 1797 de nombreuses oeuvres de Haendel. Il fonda en 1787 le Glee Club et en 1790 la Society of Musical Graduates, où Haydn fut admis en 1791 après avoir été fait docteur d’Oxford. ARNOLD DE LANTINS, compositeur belge, originaire de Liège (XVe s.), peutêtre apparenté à Hugo de Lantins. Ce musicien, qui se rattache à l’école franco-flamande, séjourna vraisemblablement à Venise (deux chansons, Se ne prenez de moi pitié et Quand je mire vo doulce portraiture, sont datées de cette ville, mars 1428) avant de devenir chantre à la chapelle pontificale d’Eugène IV en 1431. Ses audaces comme ses hésitations caractérisent cette époque de transition. Il fut un des premiers à écrire une messe unitaire (Missa verbum incarnatum) et affectionna la chanson à 2 voix avec contratenor instrumental, manifestant dans ce genre une grande facilité d’improvisateur et une sensibilité nouvelle. ARNOLD VON BRUCK, compositeur flamand, d’origine suisse (Bruges 1490 Linz, Autriche, 1554). Ce musicien, qui devint premier maître de chapelle de l’empereur Ferdinand I, est l’un des compositeurs les plus importants du XVIe siècle par la manière de déclamer un texte en musique et par le style harmonique, proches de Josquin Des Prés. On connaît de lui 22 motets (de 2 à 6 voix), des hymnes et des lieder (de 3 à 6 voix), ainsi que des pièces écrites sur des chorals luthériens et des chansons profanes. Son oeuvre a été rééditée in O. Kade, Auserwählte Tonwerke ... des 15. und 16. Jahrhunderts (Leipzig, 1882). ARNOULD (Sophie), soprano française (Paris 1740 - id. 1802). Elle débuta en 1757. Dotée d’une voix plus belle que puissante, grande actrice, très recherchée dans les salons, elle créa en 1774 le rôle d’Euridyce dans l’Orphée de Gluck et le rôle-titre de son Iphigénie en Aulide. Elle se retira en 1788 et laissa des Souvenirs ainsi qu’une abondante correspondance. ARPÈGE (littéralement : « comme le jeu de la harpe »). Exécution successive des notes d’un accord, généralement de la note la plus grave à la note la plus aiguë, parfois inversement. Un accord arpégé est tout le contraire d’un accord plaqué, où les notes sont entendues ensemble. Dans l’accord arpégé, elles peuvent être lâchées immédiatement, comme par exemple dans la basse d’Alberti au XVIIIe siècle, ou alors tenues pour devenir un accord complet. Par exemple, François Couperin, les Vieux Seigneurs. L’accompagnement d’une mélodie est souvent fondé sur l’arpègement de l’accord. Par exemple, Chopin, Valse, opus posthume. ARPEGGIONE. Instrument à archet dérivé de la viole de gambe, à mi-chemin entre le violoncelle (par sa forme) et de la guitare (par ses six cordes), mis au point en 1823 par le luthier viennois Johann Georg Staufer et appelé également guitare-violoncelle ou encore guitare-archet. En 1824, sans doute sur commande de Staufer, Schubert écrivit pour arpeggione et piano une sonate (D.821) qu’aujourd’hui on joue en général au violoncelle. ARRANGEMENT. Transcription d’une oeuvre musicale pour un ou plusieurs instruments différents de ceux pour lesquels elle avait été primitive- ment écrite. L’adaptation d’une oeuvre symphonique pour un orchestre harmonique est un arrangement, de même que la transcription d’un solo de clarinette pour le violon en est un autre. Les réductions pour piano de pages symphoniques ou d’opéras sont également des arrangements. ARRAU (Claudio), pianiste américain d’origine chilienne (Chillan 1903 Mürzzuschlag, Autriche, 1991). Enfant prodige, il se produisit en public à cinq ans. Il fit ses études au conservatoire downloadModeText.vue.download 41 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 35 de Santiago, puis à Berlin où il travailla de 1913 à 1918 avec un élève de Liszt, Martin Krause. Nommé professeur au conservatoire de Berlin dès 1925, il se fixa dans cette ville pour de longues années, tout en commençant une longue et prestigieuse carrière de concertiste. Arrau allie une technique éblouissante et souple à un style d’une beauté souveraine. Ses interprétations sont sérieuses, profondes, mûrement construites. Bach, Beethoven, Schumann, Liszt et Brahms sont ses compositeurs de prédilection. ARRIAGADA (Jorge), compositeur chilien (Santiago du Chili 1943). Élève de Max Deutsch à Paris, il s’installe dans cette ville et y fonde, en 1970, le Studio de musique expérimentale du centre américain (S.M.E.C.A.), aujourd’hui disparu, qu’il anime jusqu’en 1975 avec le concours de son compatriote Ivan Pequeño. Ce studio modeste, mais actif, a accueilli de nombreux compositeurs boursiers de toutes nationalités et organisé des manifestations. Après plusieurs oeuvres sérielles, Arriagada a composé, au S.M.E.C.A. ou dans d’autres studios, un certain nombre d’oeuvres électroacoustiques, colorées et solides, qui se souviennent fréquemment de la musique traditionnelle de son pays, reprise de façon directe ou transposée, ou encore évoquée par l’utilisation d’instruments typiquement sud-américains : Quatre Moments musicaux (1970), Chili 70 (1970), Indio (1972), Arenas y màs alla (1974), Concierto Barocco (1975). ARRIAGA Y BALZOLA (Juan Crisóstomo de), compositeur espagnol (Bilbao 1806 - Paris 1826). Exceptionnellement précoce, il composa à onze ans un Octuor et, un an plus tard, une Ouverture pour orchestre. À treize ans, il écrivit un opéra, les Esclaves heureux, qui obtint un succès considérable à Bilbao. En 1822, il vint à Paris travailler avec Baillot (violon) et Fétis (harmonie et contrepoint), et fut répétiteur au Conservatoire à dix-huit ans. C’est alors qu’il écrivit ses oeuvres les plus importantes. Le surmenage qu’il s’imposait eut raison de sa santé fragile, et il mourut de tuberculose dix jours avant son vingtième anniversaire. En dépit des influences - notamment celle de Mozart - que son écriture révèle, l’expression d’Arriaga est parfaitement originale par sa couleur espagnole et par la vie intense qu’il sut conférer à des partitions de musique pure : quatuors, symphonie. Son aptitude à vaincre toutes les difficultés techniques lui permit de réaliser, au cours de sa brève existence, une oeuvre à la fois solide et inspirée. ARRIEU (Claude), femme compositeur française (Paris 1903 - id. 1990). Elle a fait ses études classiques à Paris, puis ses études musicales au Conservatoire, dans les classes de Dukas, RogerDucasse, G. Caussade et N. Gallon, et a obtenu un premier prix de composition en 1932. Jusqu’en 1946, elle a occupé des fonctions à la Radiodiffusion nationale (metteur en ondes, chef adjoint du service des illustrations musicales). En 1949, la première attribution du prix Italia de musique a été décernée, à Venise, à son oeuvre Frédéric général. Bien qu’elle ait été l’un des premiers compositeurs à participer aux recherches de P. Schaeffer, Claude Arrieu écrit une musique sans audaces, claire, élégante, d’un ton personnel, d’une très belle facture. Elle a composé pour le théâtre (Noé, texte d’A. Obey ; la Princesse de Babylone, texte de P. Dominique d’après Voltaire ; Cymbeline, d’après Shakespeare, Un clavier pour un autre, texte de J. Tardieu), pour l’orchestre (ballets, concertos pour divers instruments), pour le piano et pour des formations de chambre. Elle a écrit aussi des oeuvres vocales telles que la Cantate des sept poèmes d’amour en guerre (poème d’Eluard, 1946), des mélodies, des pièces chorales, de la musique de film et des oeuvres radiophoniques, dont la Coquille à planètes (texte de P. Schaeffer). ARRIGO (Girolamo), compositeur italien (Palerme 1930). Dans sa ville natale, il étudie le cor, puis la composition avec Turi Belfiore. Il vient travailler à Paris avec Max Deutsch (1954-1958) et retient l’attention des auditeurs de son trio à cordes. Tre Occasioni obtient le prix de la Biennale de Paris en 1965. Plusieurs autres de ses oeuvres sont données en France : à Paris, Thumos ; à Avignon, l’opéra Orden (livret de Pierre Bourgeade, 1969) ; à Paris encore, son deuxième opéra, Addio Garibaldi (1972). Ces derniers titres, auxquels il faut ajouter Cantate pour Urbinek (1969) ou encore Solarium pour orchestre (1976), cernent un paysage et une angoisse qui sont caractéristiques d’Arrigo. Comme plusieurs Italiens (ses aînés Nono et Dallapiccola), le compositeur est obsédé par la liberté, dont il fait chanter la voix en prenant appui sur des textes beaux et denses. Son Addio Garibaldi est tout empli de Verdi, autre amoureux de la liberté. Une couleur italienne est d’ailleurs toujours perceptible, dominante même chez Arrigo. Son style vocal est souvent proche de celui des madrigalistes et, pour ses Épigrammes, pour ses 3 Madrigaux, il fait appel à des sonnets de Michel-Ange. Des poètes modernes tels que Montale l’attirent aussi. Des « sons cris », des « sons lamentos » apparaissent dans des oeuvres vocales comme Episodi (monodrame sur des textes de poètes grecs anciens, 1963). Une prédilection pour les combinaisons instrumentales, peu habituelles, se fait jour dans la Cantate pour Urbinek (6 joueurs d’harmonica) et Addio Garibaldi (24 flûtes à bec). Ces deux dernières oeuvres, avec Orden, sont sans doute les plus originales, par leur thème comme par le témoignage de l’artiste qui regarde son temps, le vit, le retransmet. Actuellement directeur du Teatro Massimo de Palerme, Arrigo demeure un passionné, farouchement indépendant et même solitaire. « Je suis musicien, dit-il, par ma condition... Je n’ai qu’une possibilité : écrire de la musique. » ARS ANTIQUA. Terme appliqué à la musique allant des débuts de la polyphonie (fin du IXe s.) à 1320 environ, mais en particulier à celle du XIIe et du XIIIe siècle. L’Ars antiqua atteignit son apogée sous les règnes de Philippe Auguste et de Saint Louis. Cet art a cinq formes principales : 1.L’organum. Il est d’abord écrit à deux voix évoluant de façon parallèle : une voix chante la teneur (ou vox principalis), qui est une mélodie grégorienne, et l’autre donne la même mélodie à la quarte supérieure ou à la quinte inférieure ; c’est l’organum parallèle. Au début du XIIIe siècle, Pérotin compose des organa à 4 voix, beaucoup plus élaborés. 2.Le déchant. C’est une écriture essentiellement syllabique (note contre note), formée de la voix principale avec, au-dessus, la voix organale qui évolue par mouvement contraire avec des consonances d’unisson ou d’octave, de quarte ou de quinte. Cette technique, pratiquée vers les XIe et XIIe siècles, est employée également au XIVe siècle et une grande part d’improvisation est laissée aux « déchanteurs ». 3.Le motet. Il commence à se développer, pendant la seconde moitié du XIIIe siècle, aux dépens de l’organum. La forme est généralement à 3 voix : - la première voix, ou teneur, est écrite en valeurs longues sur un texte liturgique ou profane ; - la deuxième voix, ou duplum (motetus), évolue parallèlement en langue vulgaire, sur un texte différent ; - la troisième voix, ou triplum, chante un troisième texte. Ce mélange de textes, liturgiques ou profanes, va caractériser également le motet à l’époque de Guillaume de Machaut. 4.Le conduit (conductusb. Cette forme semble avoir été créée par l’école de Notre-Dame de Paris pour accompagner des processions. La teneur n’est plus une mélodie grégorienne, mais elle est librement inventée. Le conduit peut être à 1, 2 ou 3 voix, mais se caractérise par un style d’écriture plus syllabique que celui de l’organum. downloadModeText.vue.download 42 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 36 5.Le rondeau. Il est écrit comme un conduit à 3 voix et se singularise par sa forme, qui obéit à la forme littéraire du même nom comprenant plusieurs couplets et un refrain qui revient entre chacun des couplets. C’est dans cette forme que le contrepoint s’emploie avec le plus de liberté (Adam de la Halle). Ces différentes formes, développées, ouvrent la voie aux compositeurs du siècle suivant : ceux de l’Ars nova. ARSIS. Terme de métrique qui, dans l’Antiquité, indiquait que, dans la danse, le pied ou la main du danseur était en position élevée. Le mot thésis, en revanche, désignait l’abaissement, c’est-à-dire la pose ou la frappe du pied. Par extension, on désigne, en musique, par thesis, le temps fort, et par arsis, le temps faible. ARS NOVA. Terme qui signifie « art nouveau ». C’est le titre donné par Philippe de Vitry (1291-1361) à un traité qui nous renseigne sur ce que pouvait être l’enseignement de la théorie musicale au début du XIVe siècle. C’est aussi le nom donné au style polyphonique français (mais il s’applique également aux musiciens italiens du trecento) qui s’étend approximativement de 1300 jusqu’à la mort de Guillaume de Machaut en 1377. Il y a, à cette époque, une volonté profonde de renouvellement, due à une évolution des esprits liée à des événements historiques tels que la guerre de Cent Ans. L’Ars nova est caractérisé par différentes recherches : des formes nouvelles (le motet à 3 ou à 4 voix qui emploie souvent la technique de l’isorythmie, et les trois formes fixes de la chanson : ballade, rondeau et virelai), des sujets d’inspiration différente, des textes d’une plus grande qualité poétique (notamment dans le cas de Machaut), des thèmes musicaux plus lyriques (la voix supérieure, cantus, étant plus travaillée, voire ornée), des rythmes utilisés plus souplement, un contrepoint plus libre, des nouveautés tonales (notes sensibles et cadences à double sensible). Tous ces éléments de l’Ars nova annoncent l’âge d’or de la polyphonie franco-flamande au XVe siècle, préparée par une période de transition appelée l’Ars subtilior. ARS SUBTILIOR. Terme introduit en 1963 dans le langage de l’histoire de la musique par Ursula Günther, pour désigner la période qui s’étend entre la mort de Guillaume de Machaut (1377) et les premières oeuvres de G. Dufay, soit entre l’Ars nova et le début de la Renaissance. Le mot choisi est lié au caractère d’extrême raffinement propre à la musique de cette période. Parmi les musiciens de l’Ars subtilior, on peut compter ceux du manuscrit de Chantilly, notamment Baude Cordier. ARTARIA. Maison d’édition viennoise qui exista de 1769 à 1932. Les fondateurs en furent deux cousins, Carlo (1747-1808) et Francesco (17441808) Artaria, originaires de Blevio, sur le lac de Côme. Après avoir débuté dans les objets d’art, comme déjà à Mayence leurs pères Cesare et Domenico, et leur oncle Giovanni, ils se tournèrent vers l’édition musicale, d’abord en reprenant des publications étrangères (première annonce le 19 octobre 1776), puis en réalisant des éditions originales (première annonce le 12 août 1778). La firme devint rapidement la principale de Vienne. Au tournant du siècle, deux de ses collaborateurs fondèrent leur propre maison : en 1798 Tranquillo Mollo (plus tard Tobias Haslinger), et en 1801 Giovanni Cappi (plus tard Diabelli). Carlo et Francesco s’étant retirés dans leur ville natale, le fils de Francesco, Domenico Artaria (1775-1842), devint en 1804 seul propriétaire de la firme, non sans avoir épousé la fille de Carlo. Il eut comme successeur son fils August (1807-1893), et celui-ci, ses trois fils, Carl August, Dominik et Franz, morts respectivement en 1919, en 1936 et en 1942. Parurent chez Artaria beaucoup d’oeuvres de Haydn (les premières furent, en avril 1780, six sonates pour piano) et de Mozart (dont, en 1785, les six quatuors dédiés à Haydn), puis certaines de Beethoven et de Schubert. On possède plus de 70 lettres de Haydn à la firme, qui de son côté consacra à ce compositeur, de son vivant, environ 150 publications originales ou non. Mathias Artaria (17931835), de la branche de Mayence (plus tard Mannheim), mais installé à Vienne, fit paraître notamment en mai 1827 l’opus 133 (grande fugue) et l’opus 134 (transcription de la grande fugue pour piano à quatre mains) de Beethoven, qui venait de mourir ; Mathias Artaria s’intéressa aussi à Schubert. La dernière grande activité de la maison Artaria fut la publication, de 1894 à 1920, de la série des Denkmäler der Tonkunst in Oesterreich (reprise ensuite par Universal Edition). ARTAUD (Pierre-Yves), flûtiste français (Paris 1946). Après avoir obtenu les 1ers Prix de flûte et de musique de chambre au Conservatoire de Paris, il étudie l’acoustique musicale à l’université de Paris-IV. À partir de 1972, il est flûte solo aux ensembles l’Itinéraire et 2e2m, dévolus à la musique contemporaine. Il enseigne la flûte depuis 1965, a été musicien-animateur des J.M.F. de 1973 à 1980, responsable de 1981 à 1986 de l’atelier de recherche instrumentale de l’I.R.C.A.M., professeur à l’Académie de Darmstadt en 1982. En 1985, il est nommé professeur de musique de chambre au Conservatoire de Paris. Il a appartenu à plusieurs formations de musique de chambre, dont le quatuor de flûtes Arcade, qu’il a créé en 1964. Parallèlement à son activité de flûtiste et d’enseignant, il a dirigé plusieurs collections de musique contemporaine pour différents éditeurs. Comme concertiste, pédagogue et chercheur, il a contribué à développer l’art de la flûte, proposant un nouveau regard sur le répertoire traditionnel et suscitant de nombreuses créations. Il a obtenu en 1982 le Grand Prix d’interprétation de la musique française d’aujourd’hui, décerné par la S.A.C.E.M., et plusieurs grands prix du disque. ARTICULATION. Terme de phonétique désignant l’émission claire et précise des consonnes, qui permet la compréhension des syllabes et des mots. En chant, la bonne projection des consonnes, des voyelles, des syllabes est un élément indispensable de la technique vocale. Par extension, la musique instrumentale a repris ce terme pour désigner une exécution claire et une compréhension exacte du phrasé musical. On l’emploie aussi dans la technique d’un instrument (piano, violon, ...) nécessitant un délié des doigts. ARTS FLORISSANTS (les). ! CHRISTIE (WILLIAM). ARTUSI (Giovanni Maria), théoricien italien (Bologne v. 1540 - id. 1613). Cet élève de Zarlino, auteur de canzonette à 4 voix, éditées à Venise en 1598, serait oublié aujourd’hui si ses attaques contre Monteverdi ne l’avaient promu à une certaine célébrité. Dans le plus connu de ses pamphlets, L’Artusi ovvero delle imperfectioni della musica moderna (2 vol., Venise, 1600-1603), il condamne sans appel les audaces des novateurs. Particulièrement visé, Claudio Monteverdi répondit dans la préface de son livre de Madrigaux (1605) que le « compositeur moderne construit ses oeuvres en les fondant sur la vérité ». ASHKENAZY (Vladimir), pianiste russe (Gorki, Ukraine, 1937). Élève d’Oborine au conservatoire de Moscou, il a remporté en 1955 le second prix au concours Chopin de Varsovie, en 1956, le premier prix au concours de la reine Élisabeth de Belgique à Bruxelles et a été lauréat du concours Tchaïkowski (1962). Sa carrière a été lente, mais il est considéré, à l’heure actuelle, comme l’un des plus grands pianistes de sa génération. Il vit en Islande. Son répertoire est vaste, mais downloadModeText.vue.download 43 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 37 on peut citer Beethoven, Chopin, Brahms, Prokofiev parmi les compositeurs dont il donne des interprétations marquantes. Sa technique est étincelante, sans être jamais envahissante. Il joue les romantiques d’une manière limpide, sobre, presque classique, en fait très mûrie et profonde. Il consacre une grande part de son activité à la musique de chambre et à la direction d’orchestre. ASHLEY (Robert), compositeur américain (Ann Arbor, Michigan, 1930). Il étudie la composition à l’université du Michigan et à la Manhattan School of Music de New York (Master of Music, 1954). Collaborateur du Space Theatre, créé par le peintre Milton Cohen, cofondateur, avec le compositeur Gordon Mumma, de l’association ONCE, destinée à promouvoir un art syncrétique, Ashley s’est affirmé, depuis ses débuts, comme un auteur multimédia doublé d’un « performer ». Il utilise la vidéo, l’électronique et l’ordinateur pour réaliser une approche globale des phénomènes artistiques ayant une existence temporelle (bruits, gestes, paroles, sons). Son écriture vocale avoue les origines les plus diverses, du blues au Sprechgesang, de la chanson au sermon religieux. Reflet de ces préoccupations, l’opéra pour télévision Perfect Lives (19781984) évoque, avec les moyens des médias de masse, les animateurs de ces médias, dans un style où le théâtral se mêle au quotidien le plus banal et où l’action scénique se confond avec la vie propre des interprètes et des spectateurs (Ashley est souvent l’interprète de ses propres partitions, notamment vocales). Le compositeur traite l’actualité d’une manière volontairement immédiate, rudimentaire ; son style est proche de celui de la musique minimaliste, mais ce quotidien est en quelque sorte mythifié, dans un esprit très américain rappelant la littérature d’un John Dos Passos, comme dans l’opéra Improvement (Don Leaves Linda), élément d’une tétralogie C Now Eleanor’s Idea), dont l’élaboration doit s’étendre sur plusieurs années. Ashley a écrit d’autres opéras (That Morning Thing, 1967 ; Strategy, 1984 ; My Brother Called, 1989), des pièces de « théâtre électronique » (Kityhawk, 1964), des pièces « multimédia » (In Sara, Mencken, Christ and Beethoven, There Were Men and Women, 1972). ASIOLI (Bonifazio), compositeur et théoricien italien (Correggio 1769 - id. 1832). Compositeur très précoce, il vécut de 1799 à 1813 à Milan, où en 1808 il fut nommé directeur des études au conservatoire nouvellement fondé. On lui doit de la musique religieuse, des opéras, l’oratorio Jacob, de la musique instrumentale, dont d’intéressantes sonates pour piano, et des ouvrages théoriques parmi lesquels Principi elementari di musica (Milan, 1809). De 1806 à 1810, il eut comme élève le fils aîné de Mozart, Karl Thomas, arrivé chez lui muni d’une lettre de recommandation de J. Haydn. ASPIRATION. 1. Terme parfois employé, mais non généralisé (cf. Couperin), pour désigner un signe en forme d’accent vertical surmontant une note, pour l’abréger en la détachant de celle qui suit ; l’aspiration est en quelque sorte le superlatif du point désignant les « notes piquées », en les rendant plus brèves encore, bien que certains auteurs emploient parfois indifféremment les deux signes l’un pour l’autre. 2. Ornement usité au XVIIIe siècle dans la musique vocale et pour certains instruments à vent (flûte), consistant à toucher très légèrement le degré supérieur, sans lui donner la valeur d’une note véritable, entre deux notes qui se suivent à l’unisson, surtout quand la première est longue ; on peut aussi l’employer dans un mouvement mélodique légèrement descendant. L’aspiration n’est usitée que dans les morceaux de caractère grave ou pathétique, jamais dans les airs vifs ou gais. Les instruments, qui, comme le clavecin, ne peuvent toucher une note sans la jouer réellement, sont impropres à l’aspiration, encore qu’ils s’y essaient quelquefois (Saint-Lambert). Certains auteurs assimilent l’aspiration aux ornements appelés « accent », « plainte » ou « sanglot ». Lorsqu’elle est notée, ce qui n’est pas obligatoire, cette sorte d’aspiration peut s’écrire soit par une petite note, soit par un signe analogue à celui qui est présenté dans la première définition, mais placé entre les 53 41 26 notes et non au-dessus d’elles. ASPLMAYR (Franz), compositeur et violoniste autrichien (Linz 1728 - Vienne 1786). Il écrivit surtout de la musique de chambre et des ballets pour Noverre (après l’installation de ce dernier à Vienne en 1771), et, en décembre 1781, participa comme second violon à la fameuse exécution des quatuors opus 33 de Haydn devant l’empereur Joseph II et le grand-duc Paul de Russie (futur tsar Paul Ier). ASSAFIEV (Boris), compositeur et musicologue russe (Saint-Pétersbourg 1884 Moscou 1949). Il fut élève de Liadov (composition) et de Rimski-Korsakov (orchestration) au conservatoire de Saint-Pétersbourg (1904-1910), puis pianiste accompagnateur du corps de ballet au théâtre Mariinski. Conseiller du théâtre du Bolchoï, de 1925 à 1943, il accéda à la présidence de la Direction de l’union des compositeurs en 1948. Parallèlement, il exerça une activité de critique musical et consacra beaucoup de temps à la recherche. On lui doit de nombreuses biographies sur des compositeurs russes, essentiellement Tchaïkovski, Scriabine, Rimski-Korsakov, Moussorgski, Prokofiev, ainsi qu’une Histoire de la musique russe depuis le début du XIXe siècle. Assafiev fut un compositeur prolixe : 4 symphonies, 10 opéras, 28 ballets (dont plusieurs, comme la Fontaine de Bakhtchissaraï, 1933-34, appartiennent, en Union soviétique, au répertoire courant), de la musique de chambre et nombre de pièces et cycles vocaux. ASSAI (ital. : « beaucoup »). Ce terme, ajouté à d’autres indications de mouvement, en modifie ou complète le sens. Exemple : allegro assai, très animé, très vite. ASSOUCY (Charles Coypeau d’), poète et luthiste français (Paris 1605 - id. 1679). Personnage pittoresque, il voyagea beaucoup en France et en Italie et connut une vie riche en aventures. Il fut au service de Louis XIII (1635) et de Louis XIV (1653). Poète burlesque, il s’apparenta par son style à Scarron. Compositeur, il écrivit la musique d’Andromède de Corneille et plusieurs ballets. Il mettait lui-même ses nombreuses chansons en musique, mais la plupart de ses partitions sont perdues. ASTON ou ASHTON (Hugh), compositeur anglais (v. 1480 - en 1522). Les détails de sa vie sont mal connus. L’importance de son oeuvre est reconnue par tous, car on voit généralement en lui le premier compositeur de musique non vocale. Son Hornpipe pour le virginal est un exemple à peu près unique de l’écriture pour clavier de l’époque et annonce le style repris plus tard par John Bull. Aston est peut-être l’inventeur de la variation. Outre des oeuvres instrumentales, il composa sept motets, une messe et un Te Deum. ASUAR (José-Vicente), compositeur chilien (Santiago 1933). Après des études à l’université de Santiago, puis à Berlin avec Boris Blacher, il suivit les séminaires de Boulez, Stockhausen, Maderna et Ligeti à Darmstadt (1960-1962). Il dirige le département de technologie sonore à l’université de Santiago depuis 1969. Parmi ses oeuvres, citons : Encadenamientos pour flûte, basson, violon et violoncelle, plusieurs pièces avec bande magnétique, Guararia repano (bande et instruments typiques vénézuéliens) et Imagen de Caracas (voix, bande et instruments). downloadModeText.vue.download 44 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 38 A TEMPO (ital. : « au mouvement »). Locution utilisée dans le cours d’une partition pour ramener au mouvement initial une séquence qui vient d’être ralentie ou accélérée. La même indication peut être aussi donnée par la mention : tempo primo (« mouvement primitif »). ATHÉMATISME (gr. a privatif, et thema, « sujet posé »). L’athématisme qualifie une musique dans laquelle toute trace de thème véritablement posé est absente. Si l’on peut à la limite qualifier d’« athématique » le chant grégorien, où le « thème » n’est qu’une inflexion de la voix déterminant certains traits dans le cadre du mode, le terme est surtout employé à propos d’une grande partie de la musique du XXe siècle, à partir de Schönberg, plus encore de Webern, et de leurs successeurs. Schönberg utilisa parfois ses séries un peu comme des thèmes, mais Webern établit que l’utilisation de la série avec toutes ses conséquences logiques était en fait incompa- tible avec le principe du développement thématique. Dans une première étape, l’athématisme contraignit les compositeurs à employer de « petites formes », à se limiter à des oeuvres brèves (Webern). Plus tard, l’approfondissement du système de la série et de ses combinaisons diverses fit découvrir, dans le cadre de l’athématisme, de nouvelles lois d’articulation sonore, ce qui a permis de rendre sans cesse plus étendu ce monde sonore nouveau. ATONALITÉ. C’est l’état d’une musique dans laquelle sont suspendues les fonctions et lois tonales sur lesquelles reposait la musique occidentale depuis les précurseurs de Bach : tonique, hiérarchie des degrés, notion de consonance* et de dissonance, cadences, etc. Elle utilise de manière conséquente la totalité des ressources de la gamme chromatique (total chromatique), dont les douze demi-tons sont considérés comme équivalents, et se fonde sur le concept de l’émancipation de la dissonance. Il est difficile de fixer le moment de la naissance de l’atonalité. Elle était en germe dans le chromatisme de plus en plus exacerbé de Wagner et de la fin du XIXe siècle. Ce chromatisme finit par « envahir de façon définitive l’écriture harmonique ou contrapuntique, rendant les rencontres de sons inanalysables par une pensée tonale rationnelle » (P. Boulez). Les premières oeuvres de Schönberg (par ex., le sextuor Nuit transfigurée, 1899) témoignent de cet envahissement. Si l’on trouve des passages entièrement atonaux dans certaines oeuvres d’Ives, datées des alentours de 1900, c’est à Schönberg qu’il convient d’attribuer la paternité d’un atonalisme conscient et systématique, dans le dernier mouvement de son quatuor à cordes no 2 (1907-08). Cette tendance, chez Schönberg, s’affirme dans son cycle de mélodies le Livre des Jardins suspendus (1908-09) et culmine dans son Pierrot lunaire (1912). La dissolution de l’ensemble des lois, la liberté et l’indépendance complètes qui se manifestent dans cette dernière partition ne suffirent cependant pas au compositeur, qui ressentit le besoin d’introduire des règles dans cet univers informe ; le dodécaphonisme est une manière d’organiser l’atonalité, et il faut ici rappeler la phrase de P. Boulez : « L’atonalité est essentiellement une période de transition, étant assez forte pour briser l’univers tonal, n’étant pas assez cohérente pour engendrer un univers non tonal. » Pourtant, même après l’instauration de la musique sérielle, beaucoup de compositeurs ont préféré demeurer dans la liberté de l’atonalisme. Quoique l’atonalité, au sens strict du terme, caractérise particulièrement l’école de Vienne et ses divers descendants, elle n’est pas leur apanage exclusif. Dès les premières expériences de Schönberg, auxquelles s’ajoutaient les coups de boutoir donnés au système tonal par les impressionnistes français, la notion d’atonalité se répandit et irrigua, à des degrés divers, l’oeuvre de nombreux compositeurs comme Stravinski, Bartók, Hindemith, Honegger, voire Puccini. Elle contamina non seulement l’ensemble de l’écriture musicale de notre siècle, mais même la façon d’écouter la musique : un auditeur qui a entendu de la musique atonale ressent d’une manière nouvelle la musique tonale. Dans un sens élargi, atonalité peut qualifier la musique employant des micro-intervalles (quarts de ton et autres) et celle qui provient de matériaux sonores non traditionnels (musique concrète, musique électronique). L’atonalité est dorénavant un des traits dominants de tout le paysage musical. ATTACA (ital. attaccare, « attaquer », « attacher », « entamer un discours »). Dans une partition, à la fin d’un mouvement ou d’une partie d’une oeuvre, ce terme indique qu’il faut attaquer la partie suivante en enchaînant, sans coupure ou après un très court silence, et en adoptant aussitôt le nouveau tempo sans considérer ce qui précédait immédiatement (par exemple, passage du deuxième au troisième mouvement du 5e concerto pour piano de Beethoven). ATTAINGNANT ou ATTAIGNANT (Pierre), imprimeur et éditeur français (nord de la France ? - Paris 1552). Établi à Paris à partir de 1514, il fut le premier Français à éditer de la musique. Son activité fut considérable ; plus de cent recueils sortirent de ses presses : chansons et motets polyphoniques, pièces instrumentales, notamment ses célèbres Danceries, qui furent diffusées dans toute l’Europe. Il permit ainsi le rayonnement de la chanson polyphonique française de l’école de Paris, particulièrement des oeuvres de Sermisy, de Janequin, mais également des chansons de Josquin Des Prés. En 1538, il obtint le titre de « Libraire et imprimeur de musique du Roi », titre que la maison garda jusqu’en 1557, date à laquelle sa veuve céda devant la concurrence des éditeurs Le Roy-Ballard. ATTAQUE. Terme désignant la première ou les premières notes d’un morceau de musique (synonyme de « début »). Il désigne également le geste du chef d’orchestre précédant l’exécution des premières notes d’une oeuvre ou d’une partie d’oeuvre. Dans le vocabulaire du contrepoint, l’attaque s’identifie avec l’entrée du thème ou d’un sujet. Enfin, dans le domaine du chant ou de l’exécution instrumentale, on appelle « attaque » le geste de l’interprète provoquant le début de l’émission d’un son (attaque de la touche au piano ; position des lèvres pour les instruments à vent, etc.). ATTERBERG (Kurt), compositeur suédois (Göteborg 1887 - Stockholm 1974). Tout comme Alfvén, Atterberg peut être considéré comme un national-romantique tardif, mais à ce titre il est l’un des plus remarquables symphonistes suédois de ce siècle. En témoignent notamment, parmi ses neuf symphonies (composées de 1909 à 1956), les nos 2 (1913), 3 (Images de la côte ouest, 1916), 4 (Sinfonia piccola, 1918) et 6 (1928), mais aussi De fävitska jungfrurna (commande des Ballets suédois de Paris en 1920) et Fanal (1932), l’un de ses cinq opéras. ATTRACTION. C’est l’un des principes fondamentaux qui régissent la significabilité du langage musical dans la quasi-totalité de ses idiomes. L’attraction, qui motive les rapports de dynamisme entre sons successifs, est ainsi complémentaire de la consonance, qui règle les rapports de statisme entre sons indifféremment successifs ou simultanés. De par sa stabilité, en effet, la consonance tend vers l’immobilité, mais en même temps elle exerce sur ses voisins une attirance qui crée une tension, génératrice de mouvement et d’expressivité. L’attraction s’exerce de manière différente selon que le langage est mélodique ou harmonique, mais le principe reste identique. Il s’agit toujours d’une attirance du degré faible vers le degré fort voisin, sans que jamais puisse se manifester l’appel inverse : l’irréversibilité est une downloadModeText.vue.download 45 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 39 loi fondamentale de l’attraction. Celle-ci peut avoir des effets très divers ; elle peut notamment déplacer les notes attirées en rapprochant leur hauteur de celle de la note attirante (échelles attractives en ethnomusicologie, accords altérés en harmonie classique). Elle peut aussi donner à un degré ou un accord du ton employé une tension particulière : cette tension appelle dès lors une détente, ou résolution, qui consiste pour le degré attiré à rejoindre le degré attirant (dans l’ancienne théorie, on disait sauver au lieu de résoudre). Selon que cette résolution se produit ou non, il se crée une sémantique particulière qui est spécifique du langage musical, et qui correspond aux divers éléments de syntaxe de la phrase parlée : accords ou notes suspensives, conclusives, interrogatives, etc. ; Beethoven en donne un exemple célèbre en commentant le thème de l’un de ses quatuors : Muss es sein ? (interrogation : « cela doit-il être ? »), Es muss sein (affirmation : « cela doit être »). La dissonance, dès lors qu’elle est perçue comme telle (car on doit toujours rappeler son caractère relatif et partiellement subjectif), peut être, elle aussi, génératrice d’attraction, en faisant attendre une résolution vers la consonance la plus proche, résolution à laquelle le musicien reste libre de céder ou non ; c’est essentiellement par la manière dont il dose acceptations et refus, tensions et détentes, que le musicien parvient à rendre son discours signifiant et expressif. On peut classer les différentes attractions en deux catégories, selon qu’elles sont grammaticales ou expressives. L’attraction grammaticale est celle qui établit l’alternance des tensions et détentes en fonction de la seule significabilité de la syntaxe, sans leur donner de valeur affective particulière (par ex., dominante-tonique de la cadence « parfaite », ou rôle de la sensible, du triton, qui créent des attractions particulières sur lesquelles se fonde la phrase musicale). L’attraction expressive, elle, va au-delà des rapports syntaxiques minimaux et cherche à les intensifier par divers procédés, dont le chromatisme est l’un des plus importants : elle engendre ainsi une expression passionnelle dont certains auteurs (Monteverdi, Wagner) ont su faire un usage saisissant. En incluant dans sa théorie l’« émancipation de la dissonance », autrement dit en entendant abolir la distinction cependant naturelle entre consonance et dissonance, Schönberg, suivi par ses disciples, entendit négliger le phénomène de l’attraction ou, du moins, lui enlever toute occasion de se manifester. Il n’en est pas moins le moteur essentiel de la sémantique musicale, et l’on ne connaît guère d’autre langage que le langage atonal, sériel ou non, qui soit soustrait à son influence, si ce n’est quelques idiomes très primitifs ou, au contraire, des musiques traditionnelles d’un caractère rituel accusé qui en assure l’immobilisme - le nô japonais, par exemple. Ce sont là des exceptions qui ne peuvent entamer l’universalité du principe attractif dans presque toutes les musiques existantes. ATWOOD (Thomas), compositeur et organiste anglais (Londres 1765 - id. 1838). Protégé du prince de Galles, il séjourna de 1783 à 1785 à Naples, et de 1785 à 1787 à Vienne, où il fut élève de Mozart, qui semble l’avoir fort apprécié. Organiste à Saint-Paul de Londres en 1795, il écrivit les hymnes pour les couronnements de George IV (1821) et de Guillaume IV (1831), et, à cette époque, se lia d’amitié avec Mendelssohn. Il écrivit d’abord beaucoup pour la scène, puis se tourna surtout vers la musique religieuse. Ses devoirs de théorie et de composition avec Mozart ont été publiés en 1965. AUBADE. Concert de voix ou d’instruments donné à l’aube sous les fenêtres d’un personnage important ou d’un être cher. Son origine remonte au XVe siècle et sa pratique fut fréquente au XVIIe et au XVIIIe siècle, pour honorer de hauts personnages. À partir du XIXe siècle, plusieurs compositeurs, Bizet, Lalo, Rimski-Korsakov, Ravel (Alborada del gracioso), Poulenc, ont donné ce titre à des oeuvres de même esprit, de forme libre, instrumentales ou symphoniques. AUBER (Daniel François Esprit), compositeur français (Caen 1782 - Paris 1871). Son père recevait chez lui musiciens et artistes ; cette atmosphère eut une influence sur l’enfant. Celui-ci composa très tôt des romances qui enchantèrent les salons du Directoire. Envoyé en Angleterre pour s’initier au négoce, il revint en France en 1804 sans avoir oublié sa vocation musicale. Un concerto pour violon et un ouvrage lyrique, l’Erreur d’un moment, furent joués en 1806. Sous la férule de Cherubini, qui s’intéressait à lui, il écrivit des oeuvres religieuses et un opéra-comique, Jean de Couvin (1812). Mais ses premiers succès à Paris ne vinrent qu’avec la Bergère châtelaine (1820) et Emma (1821), joués à l’Opéra-Comique. Avec Leicester (1823) commença la collaboration d’Auber avec Scribe. Tous deux devinrent les meilleurs fournisseurs de l’Opéra et de l’Opéra-Comique. Près de cinquante partitions lyriques d’Auber y furent créées. Le compositeur toucha à tous les sujets, tous les genres, mais non à tous les styles de musique. La Neige (1823) reste une exception dans son oeuvre par son caractère rossinien et ses abondantes vocalises. Le compositeur demeura dans l’ensemble fermé aux influences italienne et allemande. Le Maçon (1825) illustre parfaitement son inspiration dans le domaine de l’opéra-comique, élégante, pétulante, nuancée, recourant à des thèmes très caractéristiques, qui se gravent dans la mémoire, et à une écriture extrêmement sûre. Avec la Muette de Portici (1828), qui précède d’un an Guillaume Tell de Rossini et de trois ans Robert le Diable de Meyerbeer, il ouvrit l’ère du grand opéra historique, à mise en scène spectaculaire. Cette oeuvre est d’une puissance et d’une passion surprenantes et convaincantes : lors de son exécution à Bruxelles en 1830, le duo « Amour sacré de la patrie » donna le signal des troubles révolutionnaires qui entraînèrent la séparation de la Belgique et de la Hollande. La Fiancée (1829), le Philtre (1831), le Cheval de bronze (1835), le Domino noir (1837), les Diamants de la Couronne (1841) connurent une faveur durable. Quant au succès de Fra Diavolo (1830), il s’est prolongé jusqu’à nos jours. Ajoutons qu’Auber écrivit une Manon Lescaut (1856) et un Gustave III (1833), dont le sujet est le même que celui d’Un bal masqué de Verdi. Auber entra à l’Institut en 1829, fut nommé l’année suivante directeur des concerts de la Cour, succéda à Cherubini comme directeur du Conservatoire en 1842 et fut maître de Chapelle de la Cour impériale à partir de 1857. AUBERT (Jacques), dit le VIEUX, violoniste et compositeur français (? 1689 Belleville, Paris, 1753). Élève de J.-B. Senallié, il fut nommé musicien du prince de Condé, en 1719, et devint intendant de la musique à Chantilly, probablement en 1722. Son opéra la Reine des Péris, représenté en 1725, déconcerta le public, habitué aux sujets mythologiques. Aubert a introduit en France le concerto pour violon en trois mouvements (1735), emprunté aux Italiens, ainsi que leur instrumentation (deux parties de violon et basse continue). Il a composé 5 livres de sonates pour son instrument. AUBERT (Louis), pianiste et compositeur français (Paramé, Ille-et-Vilaine, 1877 Paris 1968). Venu à Paris à dix ans, il y devint immédiatement célèbre grâce à sa voix de soprano et fut, en 1888, le créateur du Pie Jesu dans le Requiem de Fauré. Ce dernier fut son professeur de composition au Conservatoire. Dans un style sensible et distingué procédant de Fauré et de Debussy, Aubert écrivit de la musique instrumentale, en particulier pour piano, des poèmes symphoniques, des oeuvres chorales, de nombreuses mélodies et des ballets. Excellent orchestrateur, il fit des arrangements de partitions de Tchaïkovski, Chopin, Offenbach pour des spectacles de ballets à downloadModeText.vue.download 46 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 40 l’Opéra. Il pratiqua aussi la critique musicale. Il fut élu à l’Institut en 1956. AUBIN (Tony), compositeur et chef d’orchestre français (Paris 1907 - id. 1981). Au Conservatoire, il travailla la direction d’orchestre avec Philippe Gaubert et la composition avec Paul Dukas. Il obtint, en 1930, le premier grand prix de Rome pour sa cantate Actéon. En 1944, il fut nommé chef d’orchestre à la radio et commença à diriger des concerts dans les associations symphoniques de la capitale. Professeur de composition au Conservatoire à partir de 1946, il devint membre de l’Institut en 1975. Aubin possède le sens de la poésie et de l’émotion intérieure, et, s’il s’inspire volontiers de l’austérité de César Franck, il s’abandonne sans effort à la délicatesse d’un Ravel. Son écriture méticuleuse est dans l’ensemble traditionnelle, mais non conventionnelle. Sa production, peu abondante, est de grande qualité : musique de piano, musique de chambre, oeuvres vocales et symphoniques, ces dernières incluant des musiques de film ; pour le théâtre, il a écrit des ballets et l’opéra Goya (1974). AUBRY (Pierre), musicologue français (Paris 1874 - Dieppe 1910). Ce chartiste, qui enseigna à l’Institut catholique de Paris et à l’École pratique des hautes études, fut un des pionniers de la musicologie médiévale. Dès 1898, il entreprit d’étudier les troubadours et les trouvères à la lumière de la doctrine des modes rythmiques élaborée par les théoriciens du XIIIe siècle. Ses écrits comprennent : les Proses d’Adam de Saint-Victor (1900), Lais et descorts français du XIIIe siècle (1901), Trouvères et troubadours (1909). AUDITION. Dans le phénomène de l’ouïe, on désigne plus particulièrement par audition l’ensemble des processus qui font percevoir et reconnaître comme des sons, par notre conscience, les différences de pression à certaines fréquences, de l’air qui nous entoure et qui frappe les tympans de nos oreilles. Si l’anatomie de l’oreille est aujourd’hui bien connue, la transformation physiologique des différences de pression en influx nerveux (c’est-à-dire en « courant électrique » qui leur soit proportionnel) et celle de ces influx en sensations auditives n’ont pas reçu d’explication généralement admise ; la théorie de l’information et le principe de l’ordinateur fournissent à ce processus un modèle intéressant, mais ne suffisent pas à interpréter ces phénomènes de façon convaincante. En fait, de nombreux facteurs interviennent dans l’audition, comme la culture musicale du sujet et la prévision mentale qu’il peut faire de l’irruption d’un événement sonore, ce qui met en cause un autre phénomène mental, celui de la mémoire auditive. On n’explique guère, non plus, la faculté qu’ont certains individus d’identifier avec précision la hauteur absolue des sons, sans élément de comparaison - ce que l’on appelle l’« oreille absolue « ; encore faut-il signaler qu’avec l’évolution rapide du diapason, cette oreille absolue peut être remise sérieusement en question : elle serait surtout fonction du timbre et des rapports d’intervalles avec d’autres sons. Il est possible de mesurer le seuil d’audition de chaque oreille pour toutes les fréquences, du grave à l’aigu. Le tracé obtenu, ou audiogramme, permet des études statistiques sur l’audition. On constate ainsi que la sensibilité de l’oreille varie considérablement en fonction de la fréquence, la zone de plus grande sensibilité se situant entre 1 kHz et 2 kHz. Chez un sujet jeune, la bande passante s’étend approximativement de 20 Hz à 18 ou même à 20 kHz ; dès le début de l’âge mûr, l’acuité auditive se perd progressivement aux fréquences élevées, pour ne pas dépasser 8 à 10 kHz chez le vieillard, au maximum. C’est le phénomène de presbyacousie. On peut également observer sur les audiogrammes des distorsions de non-linéarité dans la courbe de réponse de l’oreille, pouvant aller jusqu’à de véritables surdités partielles à des fréquences bien déterminées : c’est le phénomène de socioacousie, provoqué par des lésions de l’oreille interne dues à la persistance de bruits intenses de même fréquence dans l’environnement sonore (c’est le cas d’ouvriers dans la métallurgie, par exemple). On a aussi généralement noté des pertes de sensibilité de l’audition et des surdités partielles chez les individus fréquentant régulièrement les discothèques, où le niveau de diffusion sonore est très élevé, de même que chez les amateurs de musique pop, dont les concerts sont, au sens propre, assourdissants. Il faut enfin mentionner le cas très particulier et inexpliqué du compositeur Olivier Messiaen, chez qui l’audition provoque des associations mentales avec des couleurs. AUDRAN (Edmond), compositeur français (Lyon 1842 - Tierceville, Seine-etOise, 1901). Fils d’un ténor connu, Marius Audran, il envisagea une carrière de maître de chapelle et entra à l’école Niedermeyer, où il fut le condisciple de Messager et de SaintSaëns. Ses parents s’étant fixés à Marseille, il y devint en 1861 organiste, puis maître de chapelle. Il écrivit des motets, mais aussi des romances et des partitions lyriques, parmi lesquelles le Grand Mogol, dont la création à Marseille en 1877 fit sensation. Il regagna alors Paris et s’y imposa sans coup férir avec les Noces d’Olivette (1879) et surtout la Mascotte (1880). Dès lors célèbre, il alimenta les théâtres d’opérette avec une trentaine de partitions souriantes, à l’écriture claire, parmi lesquelles Gilette de Narbonne (1882), Miss Helyett (1890) et la Poupée (1896), qui, sans atteindre la popularité de la Mascotte, demeurent parfois représentées de nos jours. AUER (Leopold von), violoniste hongrois (Veszprém 1845 - Dresde 1930). Enfant prodige révélé à Budapest puis à Vienne, il devient en 1863 le disciple de Joseph Joachim à Hanovre. Premier violon des orchestres de Düsseldorf et de Hambourg, il s’installe en Russie en 1868 pour enseigner au Conservatoire de SaintPétersbourg. Il y demeure jusqu’à la révolution de 1917 et devient l’un des plus grands pédagogues de son temps, publiant même deux méthodes d’interprétation. De 1868 à 1906, il est premier violon du Quatuor de la Société russe de musique, tout en jouant les solos au Ballet Impérial. Soliste prestigieux, il reproche d’abord ses extravagances techniques au Concerto de Tchaïkovski, qu’il jouera finalement en 1893. Glazounov, Taneïev et Arenski lui dédient également des oeuvres. Héritier spirituel de Joachim, il incarne un style d’excellence technique et de classicisme perpétué par ses élèves, dont Jascha Heifetz et Nathan Milstein. De 1928 à 1930, il dispense ses derniers cours au Curtis Institute de Philadelphie. AUGMENTATION. Dans un sens général, ce terme désigne la prolongation de la durée d’une note. On peut adjoindre à la note un point pour l’augmenter de la moitié de sa valeur, mais on peut également, dans un morceau, augmenter la durée de toutes les valeurs d’une manière égale proportionnellement à chacune. Dans une messe de Dufay (XVe s.) par exemple, les notes de la teneur, base de toute la structure polyphonique, peuvent être prolongées. Plus tard, une technique contrapuntique, fréquemment employée, est de faire réentendre un thème, un choral par exemple, en valeur plus longue. Ce procédé se rencontre chez Bach et ses contemporains, mais aussi parfois chez les compositeurs romantiques (Schumann, Brahms). AUGMENTÉ (intervalle). C’est un intervalle plus grand d’un demiton que l’intervalle habituel de même nom. Par exemple, do. fa est une quarte juste, do. fa dièse une quarte augmentée. Un accord étant parfois désigné par le nom de son plus grand intervalle, l’accord do. mi. sol dièse, par exemple, peut être appelé accord de quinte augmentée. downloadModeText.vue.download 47 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 41 AUGUSTIN (saint), [de son nom latin, Aurelius Augustinus], Père de l’Église, évêque d’Hippone (Tagaste, Est algérien, 354 - Hippone, auj. Annaba [Bône], 430). Il intéresse l’histoire de la musique par la place qu’il accorde à celle-ci dans ses spéculations symboliques (Enarrationes super psalmes) et par son traité De musica. Malgré son titre, les six livres de ce dernier traitent surtout de métrique et de rythmique poétique. Sans doute constituaient-ils la première partie d’un ouvrage inachevé, dont une seconde partie aurait été probablement consacrée à la mélodie. Saint Augustin a été le premier à relier la musique à l’idée d’amour, principalement d’amour de Dieu (cantare amantis est). Son commentaire sur les longues vocalises de l’alleluia (jubilus), considérées comme une expression de joie si intense qu’elle en déborde les possibilités de la parole, est resté justement célèbre. Il a joué un rôle important dans la formation d’une culture chrétienne et, dans tout l’Occident, son influence s’est exercée jusqu’à la Renaissance. AULOS (pluriel : auloi). Terme général pour désigner un instrument à vent employé par les Grecs et les Romains. Formé à l’origine d’un roseau, l’aulos fut ensuite fait en bois, en métal ou en ivoire. C’était une sorte de chalumeau commun à plusieurs civilisations antiques : Sumer, Babylone, l’Égypte. Les céramiques grecques, du VIIIe au IVe siècle av. J.-C., représentent de nombreux instruments, très souvent faits de 2 tuyaux ; l’un d’eux, plus grave, servait de basse et l’autre de chant. Le nombre de trous pouvait varier de 4 à 15, selon les époques. On observe 2 sortes d’auloi : les auloi à embouchure de flûte, parmi lesquels on trouve le monaulos, ou flûte droite, et la syrinx, ou flûte de Pan, à plusieurs tuyaux, très répandue ; et les auloi à anche double qui ont une tessiture plus grave. Certains auloi avaient des fonctions précises : le plus petit, ou parthenos, accompagnait les funérailles ou les sérénades ; le païdikon accompagnait les fêtes et les banquets ; le kitharisteros était joué dans les tragédies ; le teleios accompagnait les « pean « ; enfin, l’hyperteleios, le plus grave, accompagnait les libations aux dieux. Les auloi étaient non seulement des instruments orgiastiques, mais aussi des instruments très utilisés dans les grands concours musicaux. Bien que n’ayant pas un son très puissant, ils pouvaient être utilisés pour marquer la cadence des rameurs ou faire défiler les gymnastes ou les soldats, car le son en était pénétrant. Il semble que l’aulos double devait toujours faire entendre deux sons à la fois, car il était impossible à l’aulète de souffler dans un seul tuyau sans souffler dans l’autre. Dans les comédies d’Aristophane, on joue de l’aulos durant les intermèdes. On disait que les dieux de l’Olympe avaient peu de goût pour l’aulos, car il appartenait à Dionysos, aux silènes et aux ménades. AURIACOMBE (Louis), chef d’orchestre français (Pau 1917 - Toulouse 1982). De 1930 à 1939, il apprend le violon et le chant à Toulouse, ville à laquelle il demeurera attaché toute sa vie. D’abord violoniste à l’Orchestre radio-symphonique de Toulouse, il apprend la direction d’orchestre à partir de 1951 auprès d’Igor Markevitch, dont il sera l’assistant de 1957 à 1968. En 1953, il fonde l’Orchestre de chambre de Toulouse, composé d’une vingtaine de cordes. Vivaldi et d’autres compositeurs baroques sont l’essentiel du répertoire de son ensemble, qui grave plusieurs disques. Il dirige souvent des orchestres d’étudiants de haut niveau, au Conservatoire de Paris et au Mozarteum de Salzbourg. Il crée aussi des oeuvres d’Ohana et, en 1970, donne la première américaine de Ramifications de Ligeti. Gravement malade, il abandonne ses activités en 1971. AURIC (Georges), compositeur français (Lodève 1899 - Paris 1983). Il fait ses études au conservatoire de Montpellier, puis à celui de Paris, où il est l’élève de G. Caussade pour le contrepoint et la fugue, et se lie avec Honegger et Milhaud ; à la Schola cantorum, il suit les cours de composition de V. d’Indy. Il admire Satie, Stravinski et Chabrier. Ce n’est pas par hasard que Cocteau lui dédie, en 1919, le Coq et l’Arlequin, véritable manifeste de l’esprit nouveau placé sous la houlette de Satie : membre du groupe des Six, Auric est sans nul doute le plus authentique représentant de l’esprit contestataire, voire provocateur, qui anime ces musiciens. Plus tard, il accède à de hautes fonctions officielles : président de la S. A. C. E. M. (1954), administrateur général de la réunion des théâtres lyriques nationaux (1962-1968) ; il devient aussi membre de l’Institut, en 1962. Mais il ne se coupe jamais de la création vivante et, avec une inlassable curiosité, sait se tenir au courant des tendances les plus avantgardistes. La peur de se prendre au sérieux engendre le ton désinvolte d’Auric, sa verve, son ironie, qui s’expriment à travers un langage clair, concis. Le compositeur aime travailler en étroite relation avec les autres arts, d’où un goût marqué pour la musique de scène (Malbrough s’en va-t-en guerre de Marcel Achard, 1924 ; le Mariage de M. Le Trouhadec de Jules Romains, 1925 ; les Oiseaux d’Aristophane, 1927 ; Volpone de Ben Jonson, 1927, etc.), les ballets et la musique de film. Étroitement mêlé au second souffle des Ballets russes, il compose pour Diaghilev les Fâcheux (1924), les Matelots (1925), la Pastorale (1926). Plus tard, le Peintre et son modèle (1949), Phèdre (1950), Chemin de lumière (1952) révèlent la seconde manière d’Auric, puissamment vivante et tragique ; ce sont presque des oeuvres de théâtre, « car Auric considère et traite les ballets comme des opéras où la danse tient le rôle du chant » (A. Goléa). Dans la musique de film, il voit une occasion de rappro chement avec le grand public, une expérience novatrice, peut-être un moyen de renouer avec l’idée de « musique d’ameublement » chère à Satie. Dans ce domaine, le Sang du poète (1931), écrit pour Cocteau, précède une quarantaine de partitions, dont À nous la liberté (René Clair, 1932), l’Éternel Retour (Cocteau, 1943), la Symphonie pastorale (Delannoy, 1946), la Belle et la Bête (Cocteau, 1946), les Parents terribles (Cocteau, 1946), Orphée (Cocteau, 1950), MoulinRouge (Huston, 1953). Parallèlement, dans sa musique instrumentale, il sait retrouver les ressources du contrepoint et manifeste son sens aigu de la construction, en particulier dans la Sonate pour piano en fa majeur (1931) et la Partita pour 2 pianos (1955), conjonction de Satie et de Schönberg, méditation sur l’écriture sérielle. La série tardive des Imaginées (1965-1973) témoigne d’une réflexion sur les possibilités et la signification de la musique pure. AUSTIN (Larry D.), compositeur américain (Duncan, Oklahoma, 1930). Après ses études, il enseigne à l’université de Californie à Davis. Intéressé par le jazz moderne, il cherche d’abord à en étendre les possibilités, puis, ayant fondé le New Music Ensemble, il opte pour une « musique ouverte », plus ou moins libre dans une rythmique non métrique. Ses recherches se portent enfin vers l’union de la « musique ouverte », de la technologie moderne et des ressources théâtrales. Ainsi réalise-t-il un certain nombre d’oeuvres dites « theatrical pieces in open style » comme The maze, Bass ou The magicians (pour enfants, sons vivants et électroniques, lumière noire, diapositives et film), qu’il présente lui-même non comme pièces de musique, mais comme « objets de temps ». À partir de 1967, il a édité Source, publication de musique d’avantgarde. AUTHENTE (gr. : « qui domine », « principal »). 1. D’abord employé pour désigner trois modes de la musique grecque antique, ce terme sert, dans le système des huit modes ecclésiastiques, à distinguer quatre modes principaux, dits authentes, dont la mélodie se déroule au-dessus de la finale, et quatre downloadModeText.vue.download 48 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 42 autres, dits plagaux. Les quatre modes authentes sont le dorien (sur ré), le phrygien (sur mi), le lydien (sur fa) et le mixolydien (sur sol). 2.L’expression cadence authente est un synonyme peu employé de cadence parfaite. AUZON (Bruno d’), compositeur français (Dijon 1948). Spécialisé dans la musique électro acoustique, qu’il pratique surtout avec ses moyens personnels au Studio de la Noette, en Provence, il a fondé avec le pianiste Jacques Raynaut et le flûtiste Gérard Garcin un groupe d’interprétation de musiques « mixtes » (pour instruments et bande) et électroacoustiques. Ses Triades 1 et 2 (1977-78), Par la fenêtre entrouverte (1978) et Des arbres de rencontre (1979), pour percussion et bande, révèlent un auteur sensible et personnel. AVE MARIA. La plus usuelle des prières à la Vierge. Sa première partie réunit les deux salutations adressées à Marie dans l’Évangile de saint Luc, l’une par l’Ange (Ave gratia plena... Dominus tecum) lors de l’Annonciation, l’autre par Élisabeth à l’occasion de la Visitation (Benedicta tu... fructus ventris tui) avec ou sans l’addition des deux noms propres, Maria et Jesus. Cette partie est entrée très tôt dans l’office, d’abord sous forme d’antienne jusqu’à in mulieribus, puis d’offertoire, soit jusqu’à in mulieribus, soit jusqu’à ventris tui ; elle figure déjà dans la liturgie dite de saint Jacques le Mineur et dans l’antiphonaire grégorien primitif. Sa seconde partie est une invocation ; elle n’est pas tirée de l’Écriture sainte et date probablement du concile d’Éphèse (431), sauf la partie terminale (nunc et in hora mortis nostrae), qui serait une addition franciscaine du XIIIe siècle. Le texte musical de l’antienne a souvent été pris dans l’Ars antiqua comme teneur de motet et, au XVIe siècle, comme thème de messe ; mais, contrairement à ce qu’on pourrait penser et malgré son extrême diffusion dans la piété populaire, l’Ave Maria, en tant que prière et sous sa forme usuelle, n’a pas été très souvent mis en musique en dehors de l’antienne ou de l’offertoire liturgique. L’Ave Maria de Josquin Des Prés est fondé sur une séquence qui développe elle-même un trope de l’antienne, Ave Maria, Virgo serena. Celui d’Arcadelt est un faux du XIXe siècle, dû au maître de chapelle de la Madeleine à Paris, Dietsch. Le célèbre Ave Maria de Schubert, écrit sur une poésie allemande, que l’on a ensuite réadaptée en latin de manière apocryphe, est en réalité l’un des trois chants d’Ellen dans la Dame du lac de Walter Scott. Et le non moins célèbre Ave Maria de Verdi est une prière d’opéra, celle de Desdémone au dernier acte d’Othello. Quant à celui de Gounod, il s’agit de l’addition arbitraire d’une mélodie au premier prélude du Clavier bien tempéré de Bach, ainsi ravalé au rang d’accompagnement ; l’Ave Maria a remplacé dans ce rôle, en 1859, une première version datant de 1853, qui comportait des paroles de Alphonse de Lamartine. L’Ave Maria dit « de Lourdes » est un simple refrain de cantique populaire. Jadis célèbres, les Ave Maria de Fenaroli (1730-1818) et de Carafa (1787-1872) sont aujourd’hui oubliés. Le seul Ave Maria musical digne de ce nom est peut-être la Salutation angélique des Prières (19141917) d’André Caplet. À VIDE. Expression relative à la manipulation d’instruments à cordes. Jouer une corde à vide, c’est faire résonner la corde en entier sans poser le doigt dessus, ce qui raccourcirait la longueur de la partie résonnante. AVIDOM (Menahem), compositeur israélien d’origine polonaise (Stanislas, Pologne, 1908). Après des études à Paris, il est professeur à Tel-Aviv (1935-1945), secrétaire général de l’Orchestre philharmonique d’Israël (1945-1952), conseiller artistique au ministère du Tourisme, et il devient président de la Ligue des compositeurs d’Israël en 1955. Dans sa musique, les techniques modernes se mêlent à des éléments de musique orientale et aux rythmes de danse de son pays d’adoption. Il a composé 9 symphonies, 2 quatuors à cordes, 2 opéras et un opéra bouffe. PALAIS DES PAPES (chapelle du). La papauté siégea en Avignon de 1305 à 1377. Le Grand Schisme suivit alors, avec ses deux papes, l’un à Rome et l’autre en Avignon, situation précaire qui dura jusqu’en 1417. C’est durant la première de ces deux périodes que la chapelle du palais des Papes constitua non à proprement parler une école, mais un important foyer d’activité et de réforme musicale. Malgré un fort penchant des compositeurs pour la musique profane, qui fit l’objet d’une bulle de Jean XXII en 1324, on possède deux manuscrits, ceux d’Ivrée et d’Apt, qui semblent représenter une partie du répertoire de la chapelle. Ils contiennent des pièces à 3 voix traitant l’ordinaire de la messe, et font apparaître les noms de Philippe de Vitry, Baude Cordier, Jean Tapissier, etc. On sait aussi que Johannes Ciconia fut au service de Clément V, aux alentours de 1350. AVIGNON (festival d’). Ce fut initialement un festival d’art dramatique, créé en septembre 1947 sous l’impulsion de l’acteur et metteur en scène Jean Vilar, du poète René Char et de personnalités avignonnaises. Dès l’origine, la musique fit partie intégrante des spectacles de théâtre. Elle était signée par M. Jarre, G. Delerue, J. Besse, K. Trow, J. Prodromidès. Au bout de quelques années, des concerts vinrent s’ajouter aux programmes, en particulier des cycles d’orgue donnés dans les églises de la région. En 1968, un concert de l’Ensemble polyphonique de Paris, dirigé par Charles Ravier, comportant des oeuvres de B. Jolas, C. Ballif et G. Arrigo où « les limites de l’exploration vocale étaient diversement élargies » (G. Erismann), ouvrit l’ère du théâtre musical. Dès 1969, cette forme, où l’esprit d’ouverture, la participation du public, la polyvalence des exécutants s’accordaient à l’évolution de l’ensemble du festival, prit une part importante dans les programmes. Depuis, plusieurs dizaines d’oeuvres ont été jouées, le plus souvent en création. Les auteurs en sont, entre autres, C. Prey (Fêtes de la faim, 1969 ; On veut la lumière... allons-y !, 1969 ; les Liaisons dangereuses, 1974), G. Aperghis (Pandaemonium, 1973 ; Histoires de loups, 1976, etc.), G. Arrigo (Orden, 1969), A. Boucourechliev, P. Drogoz, A. Duhamel, A. Essyad, H. W. Henze, B. Jolas, M. Kagel, G. Ligeti, F.-B. Mâche, I. Malec, M. Ohana, M. Puig, R. Wilson et Ph. Glass, S. Yamashta. AVISON (Charles), compositeur et organiste anglais (Newcastle 1709 - id. 1770). Auteur de sonates et de concertos, il organisa dans sa ville natale et à Durham des sociétés musicales et des concerts par abonnement. Il est surtout connu par son traité An Essay on Musical Expression (1752) et par ses arrangements sous forme de concertos grossos de douze sonates de Domenico Scarlatti. AX (Emmanuel), pianiste polonais naturalisé américain (Lvov 1949). Il travaille d’abord le piano avec son père en Pologne. Après l’installation de sa famille à New York en 1961, il entre à la Juilliard School où il reçoit l’enseignement de Mieczyslaw Munz. Un premier concert à New York en 1973 marque le début de sa carrière, qui devient rapidement internationale. Après avoir été lauréat des Concours Chopin à Varsovie (1970) Vianna da Motta à Lisbonne (1971) et Reine Élisabeth de Belgique (1972), il remporte en 1972 le Ier Prix du Concours Rubinstein de Tel-Aviv, puis en 1979 l’Avery Fisher Prize. Les années 80 sont marquées par la création d’un trio avec le violoniste Young Uck Kim et le violoncelliste Yo-Yo Ma (avec lesquels il enregistre plusieurs oeuvres de Brahms), et d’un duo avec Yo-Yo Ma. Depuis 1990, Emmanuel Ax s’est aussi beaucoup intéressé à Haydn, dont il a downloadModeText.vue.download 49 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 43 enregistré plusieurs sonates, et à la musique du XXe siècle, interprétant Tippett, Henze ou Copland et créant des oeuvres d’Ezra Ladermann, William Bolcom et Joseph Schwantner. AYRE. Équivalent de l’air de cour, en France, à la même époque, ayre est le nom donné à la chanson anglaise à la fin du XVIe siècle, et surtout pendant une courte période de trente années environ au début du siècle suivant. Cette chanson était généralement conçue pour une voix seule (parfois deux, en dialogue) accompagnée au luth avec l’adjonction toujours possible d’une basse de viole. Souvent le luthiste était luimême le chanteur. C’était le cas du maître incontesté du genre, John Dowland. Mais d’autres musiciens illustrèrent cette forme avec autant de talent. Nous ne citons ici que quelques noms : Th. Morley, Ph. Rosseter, Th. Campion, Th. Ford. Comme pour l’air de cour français, la forme de l’ayre anglais est généralement strophique, la musique étant composée sur le texte de la première strophe. Cela pose souvent des problèmes de prosodie lors d’une exécution des autres strophes sur la même musique. Parfois, cependant, un ayre est durchkomponiert, par exemple l’admirable plainte de Dowland, In Darkness Let Me Dwell. Une grande importance est accordée à la beauté mélodique et à des recherches harmoniques. Il est fréquent que l’ayre anglais soit plus strictement mesuré que son équivalent français. downloadModeText.vue.download 50 sur 1085 B. Lettre par laquelle a été désignée d’abord la note ré dans la notation médiévale du système de Notker Balbulus, puis la note si dans le système d’Odon de Cluny. Elle indique toujours le si naturel dans les pays de langue anglaise, mais le si bémol (B flat en anglais) dans ceux de langue allemande, où le H représente le si naturel. En ce qui concerne la désignation des tonalités, B et b (majuscule et minus- cule) indiquent respectivement, pour les Anglais, si majeur et si mineur, pour les Allemands, si bémol majeur et si bémol mineur ; pour ces derniers enfin, Bes représente si double bémol. BABBITT (Milton), compositeur et théoricien américain (Philadelphie 1916). Mathématicien, il ne vint à la musique qu’à la suite de ses rencontres avec Marion Bauer, Philip James et surtout Roger Sessions, qui l’incita à mettre rapidement un terme à une carrière de compositeur de chansons et de comédies musicales. Subtil théoricien de la technique sérielle, reprenant et étendant la dernière manière de Schönberg dans l’utilisation des douze sons, il a créé un système personnel reposant sur une plus grande complexité et un plus grand raffinement des intervalles, liés à l’idée structurale qui sert de point de départ à l’oeuvre. Cette reformulation de la base empirique de la tradition musicale s’accompagne d’une exploration logique de la matière sonore dans ce qu’elle a de plus abstrait, qu’il s’agisse des possibilités des instruments ou de l’électronique. Professeur à l’université de Princeton, puis à la Julliard School, directeur du Centre de musique électronique de Columbia-Princeton et directeur de la musique à l’université de New York, il exerce une très grande influence sur les jeunes composiB teurs, et, s’il n’est pas absolument reconnu comme le chef de file de l’école américaine (notamment par le groupe de John Cage), il en demeure l’une des personnalités les plus importantes. Son rayonnement s’est également exercé à travers ses ouvrages théoriques (Some aspects of 12 tones compositions ; Past and present of the nature and limits of music ; The use of computers in musicological research ; 12 tones rhytm structure and the electronic medium), ainsi que par ses conférences, données aux États-Unis et en Europe (Salzbourg, Darmstadt), où il analyse ses conceptions avec brio. L’oeuvre de Babbitt comprend de la musique de piano, de la musique de chambre, de la musique pour voix et piano ou bande magnétique et des compositions pour instruments électroniques. BACARISSE (Salvador), compositeur es- pagnol (Madrid 1898 - Paris 1963). Prix national de composition musicale dans son pays en 1923, 1930 et 1934, critique musical, directeur artistique de l’Unión Radio de Madrid et de différents organismes culturels jusqu’à la guerre civile, Salvador Bacarisse vécut exilé en France à partir de 1939. C’était un traditionaliste, dont l’oeuvre, en majeure partie orchestrale, franche d’accent et ardemment optimiste, ne conservait qu’un contact discret avec l’art et le folklore espagnols. BACCALONI (Salvatore), basse italienne (Rome 1900 - New York 1969). Enfant, il fut soprano dans les choeurs de la chapelle Sixtine. Il débuta au théâtre Adriano de Rome dans le Barbier de Séville (rôle de Bartholo) et fut engagé à la Scala de Milan par Toscanini en 1927. Dès lors, il s’imposa comme la plus célèbre basse bouffe de son époque. Il chanta aux festivals de Glyndebourne (1936-1939) et de Salzbourg avant d’émigrer, au moment de la guerre, aux États-Unis, où il demeura longtemps attaché au Metropolitan Opera de New York. Salvatore Baccaloni possédait un timbre profond, que pourraient envier nombre de basses dramatiques, et un talent d’acteur exceptionnel. Bartholo (le Barbier de Séville, les Noces de Figaro), Osmin (l’Enlèvement au sérail), Alfonso (Cosi fan tutte), Leporello (Don Juan) et Don Pasquale furent ses rôles les plus marquants. BACCHANALE. Morceau de musique ou de danse dans le caractère des fêtes bachiques, lesquelles célébraient, dans le monde antique, le culte de Dionysos (Bacchus). À l’époque de la Renaissance, le terme a été appliqué à des compositions vocales, sur des thèmes populaires et burlesques, qui se chantaient à Florence. Mais il désigne surtout les divertissements d’opéra qui s’inspirent des danses des bacchantes, traditionnellement désordonnées et teintées d’érotisme. La bacchanale de Tannhäuser de Wagner et celle de Samson et Dalila de Saint-Saëns sont les plus typiques. BACEWICZ (Grażyna), femme compo- siteur polonaise (Ðód’z 1913 - Varsovie 1969). Elle étudia au conservatoire de Varsovie la composition avec K. Sikorski et le violon avec J. Jarzebski, puis travailla à Paris avec Nadia Boulanger. En tant que violoniste, elle donna pendant plusieurs années des séries de concerts en Pologne et à l’étranger, avant de se consacrer à la composition. Elle a reçu dans son pays le prix d’État en 1950 et 1952. La démarche downloadModeText.vue.download 51 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 45 musicale de ses débuts était d’expression néoclassique et fortement teintée par la musique populaire. Ultérieurement, Grażyna Bacewicz s’est ouverte à la nouvelle musique et a participé à son développement, notamment dans le cadre du sérialisme. Son oeuvre comprend essentiellement des compositions orchestrales, ainsi qu’un ballet (le Paysan qui devint un roi, 1953) et un opéra radiophonique (les Aventures du roi Arthur, 1959). BACH (Carl Philip Emanuel), compositeur allemand (Weimar 1714 - Hambourg 1788). Deuxième fils de J. S. Bach et de sa première femme Maria Barbara, et deuxième de ses quatre fils musiciens, le « Bach de Berlin et de Hambourg » fut l’élève de son père à Saint-Thomas, grava lui-même à 17 ans son premier menuet, et, après de solides études de droit, devint en 1738 claveciniste dans l’orchestre du prince héritier de Prusse. Lorsque celui-ci accéda au trône sous le nom de Frédéric II, il le suivit à Potsdam. Il se révéla rapidement un maître de la musique instrumentale, en particulier du clavier, et, à ce titre, marqua profondément son époque, aussi bien par ses Sonates prussiennes (1742), ses Sonates wurtembergeoises (1744) ou ses Sonates avec reprises variées (1760) que par son Essai sur la véritable manière de jouer des instruments à clavier (Versuch über die wahre Art, das Clavier zu spielen, 1753 et 1762, traduction française, Paris, 1979). Ce traité est fondamental pour la connaissance des questions d’interprétation au XVIIIe siècle. Des années berlinoises ne datent que deux ouvrages religieux, la cantate de Pâques Gott hat den Herzn auferwecket (1756) et surtout le Magnificat en ré (1749). À la mort de son parrain, Telemann (1767), il lui succéda comme directeur de la musique à Hambourg et occupa ce poste de 1768 à sa mort. Là, il fit entendre le Messie de Haendel, le credo de la Messe en si de son père, le Stabat Mater de Haydn et composa lui-même une assez grande quantité de musique religieuse dont les oratorios Cantate de la Passion (1769 ?), Die Israeliten in der Wüste (« Les Israélites dans le désert », version originale 1769) et Die Auferstehung und Himmelfahrt Jesu (« La résurrection et l’ascension de Jésus », version originale 1774), de nouveaux ouvrages pour clavier (6 recueils de Sonates, rondos et fantaisies pour connaisseurs et amateurs parurent de 1779 à 1787), de la musique de chambre et 10 symphonies (la moitié de sa production en ce domaine) : 6 pour cordes à l’intention du baron Van Swieten (1773) et 4 pour grand orchestre, parues en 1780. Dans son héritage se trouvaient la plupart des documents originaux de la famille Bach. Contrairement à celle de son frère, Wilhelm Friedemann, sa musique fut largement éditée de son vivant et sa renommée fut grande. Haydn (qui travailla ses sonates dans sa jeunesse) et Mozart l’admirèrent profondément, et le premier surtout, par certains côtés, fut son continuateur. Pionnier du concerto pour clavier (une cinquantaine), il fut, par ses brusques modulations dramatiques, ses rythmes imprévus, sa démarche parfois velléitaire, le plus grand représentant en musique de l’Empfindsamkeit. « Un musicien ne peut émouvoir que s’il est ému lui-même », disait-il volontiers, et, sous les notes d’un des dix-huit Probe-Stücke accompagnant l’Essai..., à caractère de récitatif, le poète Heinrich Wilhelm von Gerstenberg (1727-1823) put inscrire les paroles du monologue d’Hamlet. Son instrument préféré était le clavicorde. Parmi les domaines injustement méconnus de sa production, une vaste série d’Odes et lieder pour voix avec accompagnement de clavier. De la galanterie il sut éviter les écueils et il occupa en son siècle, pas seulement comme adepte de la nouvelle « forme sonate », une position unique. Il fut d’ailleurs le seul musicien de son rang à avoir couvert, par une production abondante, tout le deuxième tiers et une bonne partie du troisième tiers du XVIIIe siècle. Le catalogue de ses oeuvres dressé par Alfred Wotquenne (1905) est à peu de choses près une copie de celui, incomplet, réalisé après la mort du compositeur par un de ses amis, l’organiste Johann Jacob Heinrich Westphal (1756-1825). Un autre, dû à Eugen Helm, est paru en 1989. BACH (Georg Christoph), compositeur allemand (Erfurt, Saxe, 1642 - Schweinfurt, Basse-Franconie, 1697). Fils de Christoph Bach (1613-1661), Georg Christoph occupa, vingt ans durant, le poste de cantor à Themar (Saxe), avant d’obtenir la même charge à Schweinfurt. Là, il reçut la visite de ses frères Johann Christoph et Johann Ambrosius et, pour cette occasion, il composa une cantate sur le psaume 133 : Siehe wie fein und lieblich... (Oh ! qu’il est agréable et doux pour des frères de demeurer ensemble !). BACH (Heinrich), compositeur allemand (Wechmar 1615 - Arnstadt 1692). Fils de Johannes Bach, il fut d’abord musicien de la ville d’Erfurt, puis organiste à la Liebfrauenkirche et à l’Oberkirche d’Arnstadt. Il composa de nombreux concertos, des préludes de choral, des chorals, des motets et des cantates. Comme organiste, il jouit d’une assez grande réputation à son époque. BACH (Johann Bernhard), compositeur allemand (Erfurt, Saxe, 1676 - Eisenach, Saxe, 1749). Fils de Johann Aegidius, il étudia Erfurt avec Pachelbel avant de débuter comme organiste à la Kaufmannskirche (1695). Il fut ensuite nommé à Magdebourg, puis à Eisenach où il resta jusqu’à sa mort. Une partie seulement de ses compositions a été conservée (oeuvres pour orgue, chorals, fugues et 4 suites pour orchestre). BACH (Johann Christian), compositeur allemand (Leipzig 1735 - Londres 1782). Dernier enfant de J. S. Bach et de sa seconde femme Anna Magdalena, et dernier de ses quatre fils musiciens, le « Bach de Milan et de Londres » - appelé aussi Jean Chrétien - n’avait que quinze ans à la mort de son père et profita moins que ses deux demi-frères et que son frère de son influence et de ses conseils. Après 1750, il poursuivit sa formation à Berlin auprès de son demi-frère Carl Philip Emanuel, et, en 1755, alla en Italie, voyage qu’auparavant aucun Bach n’avait effectué. Là, il fut protégé par le comte Litta, devint l’élève du padre Martini, composa de la musique sacrée (Dies irae) et des opéras (genre qu’avant lui aucun Bach n’avait pratiqué), se lia avec Sammartini, et, pour devenir organiste à la cathédrale de Milan, se convertit au catholicisme. Il donna à Turin Artaserse (1760) et à Naples Catone in Utica (1761) et Alessandro nell’ Indie (1762). En 1762, il arriva à Londres comme compositeur attitré du King’s Theatre, et pendant vingt ans, premier Bach cosmopolite, premier Bach mondain, il participa activement à la vie musicale et théâtrale intense de la capitale britannique (où il accueillit en 1764 l’enfant Mozart et sa famille). Il organisa et dirigea à partir de 1765 avec le gambiste Carl Friedrich Abel les concerts par abonnements Bach-Abel (tenus à partir de 1775 à Hanover Square Rooms), fit chaque mercredi de la musique chez la reine, devint professeur des enfants royaux, introduisit en Angleterre le piano-forte. Dès 1763, il donna à Londres les opéras Orione et Zenaida, et en 1778 encore La Clemenza di Scipione. On le vit à Mannheim en 1772 et peut-être en 1775 pour les créations respectives de Temistocle et de Lucio Silla, et en 1778 à Paris (où il retrouva Mozart) afin de signer un contrat pour un opéra français (Amadis de Gaule, 1779). Sa mort prématurée émut surtout ses créanciers, mais provoqua chez Mozart cette réaction rare : « Bach n’est plus, quelle perte pour la musique ! » Ivresse mélodique, élégance, sensualité, facilité apparente caractérisent son style (il fut l’un des créateurs de l’allegro chantant repris par Mozart), mais n’en cachent pas moins le métier le plus sûr. D’une production très abondante, mais dont seule une partie fut éditée de son vivant, citons downloadModeText.vue.download 52 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 46 les douze sonates pour clavier op. 5 et op. 17, les six quintettes op. 11, les dix-huit concertos pour clavier op. 1 (le finale du sixième et dernier est une série de variations sur le God Save the King), op. 7 et op. 13, les vingt-quatre symphonies op. 3, op. 6, op. 8, op. 9 et op. 18. Certaines de ces symphonies sont en fait des ouvertures d’opéra, comme par exemple le célèbre op. 18 no 2 (ouverture de Lucio Silla). On lui doit aussi de très nombreuses symphonies concertantes et des airs de concert dont l’un (Ebben si vada) avec piano obligé. Il sacrifia largement au style galant, mais des oeuvres comme la sonate en ut mineur op. 5 no 6 ou la symphonie en sol mineur op. 6 no 6 nous montrent (comme ses improvisations au clavier montraient à ses contemporains) que lui aussi savait explorer profondeur et passion. Une des clés du personnage réside sans doute dans cette confidence à un ami : « Mon frère Carl Philip Emanuel vit pour composer, et, moi, je compose pour vivre. » BACH (Johann Christoph), compositeur allemand (Arnstadt, Saxe, 1642 - Eisenach, Saxe, 1703). Fils de Heinrich et petit-fils de Johannes, il fut organiste à Arnstadt, puis à Eisenach où il joua dans les trois églises, notamment à la Georgenkirche. Excellent musicien, il composa beaucoup. J. S. Bach joua quelques-unes de ses oeuvres à Leipzig et C. Ph. E. Bach le tenait en estime. Johann Christoph laissa des oeuvres pour le clavier (orgue ou clavecin), dont 44 chorals pour le service divin, des cantates et des motets. Ses quatre fils furent également musiciens. On le considère généralement comme le plus grand musicien de la famille Bach, antérieur à Jean-Sébastien. BACH (Johann Christoph Friedrich), compositeur allemand (Leipzig 1732 Bückeburg 1795). Fils aîné de J. S. Bach et de sa seconde femme Anna Magdalena et troisième de ses quatre fils musiciens, le « Bach de Bückeburg » fut éduqué par son père et mena, contrairement à ses frères, une carrière modeste et peu agitée. Engagé au début de 1750, juste avant la mort de son père, à la cour du comte de Schaumburg-Lippe à Bückeburg (Westphalie), il devait y rester jusqu’à sa mort, au service des comtes Wilhelm (jusqu’en 1777) et Friedrich Ernst (1777-1787), puis de la régente Juliane. Il dut d’abord se consacrer surtout à la musique italienne, en particulier jusqu’au départ en 1756 du maître de concerts Angelo Colonna et du compositeur G. B. Serini. La fin de la guerre de Sept Ans (1763) marqua pour la chapelle de Bückeburg un nouveau départ. L’écrivain Johann Gottfried Herder, qui séjourna à Bückeburg de 1771 à 1776, écrivit pour J. C. F. Bach les textes des oratorios Die Kindheit Jesu (« l’Enfance de Jésus », 1773) et Die Auferweckung des Lazarus (« la Résurrection de Lazare », 1773) et de diverses cantates. En 1778, il rendit visite, à Londres, à son frère Johann Christian. La plupart de ses oeuvres ne franchirent jamais les limites de Bückeburg. De ses vingt symphonies, dont sept seulement ont été préservées intégralement, la dernière, en si bémol majeur (1794), est un chef-d’oeuvre durable de l’époque classique. Dans les quinze dernières années de sa vie, surtout dans le domaine instrumental (sonates, musique de chambre, concertos), il fut moins influencé qu’auparavant par son demi-frère Carl Philip Emanuel et par les maîtres de l’Allemagne du Nord et se rapprocha du style de son frère Johann Christian et de l’équilibre classique. Il mit en outre à ses programmes des oeuvres de ses contemporains « avancés », dont Mozart. Avec son fils Wilhelm Friedrich Ernst (1759-1845), également musicien, devait s’éteindre la descendance mâle de Jean-Sébastien. Un catalogue des oeuvres de J. C. F. Bach a été réalisé par Hannsdieter Wohlfarth (1960, réimpr. 1971). ( ! NEUBAUER.) BACH (Johann Ernst), compositeur allemand (Eisenach, Saxe, 1722 - id. 1777). Il étudia avec son père, Johann Bernhard Bach, et avec son petit cousin, Johann Sebastian. D’abord élève à l’école SaintThomas de Leipzig, il entreprit ensuite son droit à l’université de la même ville. En 1749, il fut nommé organiste à la Georgenkirche d’Eisenach. La même année, il dédia au prince de Weimar une série de fables mises en musique. Lorsque le prince accéda au pouvoir (1756), Johann Ernst devint chef d’orchestre de la Cour tout en conservant ses fonctions d’organiste à Eisenach. Johann Ernst Bach a laissé des sonates pour clavier ou pour violon et clavier, des cantates d’église, des cantates profanes, une messe, un Magnificat, des psaumes. Outre ses compositions, il écrivit la préface d’un ouvrage du théoricien Jakob Adlung, Anleitung zu der musikalischen Gelahrtheit (méthode d’éducation musicale). BACH (Johann Ludwig), compositeur allemand (Steinbach 1677 - Meiningen, Saxe, 1741). Surnommé le « Bach de Meiningen », il étudia la théologie avant d’être musicien à Salzungen. En 1708, il fut nommé cantor et maître des pages de Bernhard Ier à Meiningen, puis, en 1711, directeur de l’orchestre de la Cour. Johann Sebastian a recopié de sa main les 18 cantates allemandes de Johann Ludwig Bach. Celuici est également l’auteur d’une Suite pour orchestre. BACH (Johann Michael), compositeur allemand (Arnstadt, Saxe, 1648 - Gehren, Saxe, 1694). Fils de Heinrich Bach et frère de Johann Christoph, il était le père de Maria Barbara, première femme de Johann Sebastian. Il étudia avec son père et fut, jusqu’en 1673, organiste à la cour d’Arnstadt, puis organiste à Gehren. Il fut également facteur d’instruments, expert en instruments à clavier et en violons. Ses oeuvres, essentiellement destinées à l’orgue, comptent aussi des motets et des cantates. BACH (Johann Nicolaus), compositeur allemand (Eisenach, Saxe, 1669 - Iéna, Saxe, 1753). Fils de Johann Christoph, il commença ses études à Eisenach, puis, en 1689, entra à l’université d’Iéna. En 1695, il obtint un poste d’organiste dans deux églises d’Iéna ; il en conserva un jusqu’à l’âge de 80 ans. Il construisit des clavecins et inventa le Lautenwerk, sorte de luth muni d’un clavier. L’organiste Jakob Adlung fut l’un de ses élèves. De ses oeuvres, il reste une messe brève, un Bicinium pour orgue et une cantate burlesque (le Crieur de vin et de bière d’Iéna). BACH (Johann Sebastian), compositeur allemand (Eisenach, Saxe, 1685 - Leipzig 1750). Issu d’une lignée de musiciens-ménétriers - organistes et cantors fixés en Thuringe depuis le XVIe siècle, dont l’un au moins, Johann Christoph (1642-1703), cousin germain de son père, avait été un compositeur d’une importance particulière -, il naquit le 23 mars 1685, la même année que Haendel et D. Scarlatti. Il était le dernier des huit enfants de Johann Ambrosius Bach (1645-1695), musicien des villes d’Erfurt et d’Eisenach, et d’Elisabeth Lämmerhirt (1644-1694). Johann Sebastian Bach fit des études générales, brillantes, au gymnasium d’Eisenach et eut l’occasion d’entendre son cousin Johann Christoph au clavecin et à l’orgue. Une oeuvre de ce dernier - le motet à 8 voix Ich lass dich nicht - devait lui être plus tard attribuée. ÉTUDES ET APPRENTISSAGE. Recueilli, à la mort de son père, par son frère aîné Johann Christoph (1671-1721), élève de Pachelbel et organiste à Ohrdruf, Bach poursuivit son instruction générale au lyceum d’Ohrdruf et fit ses études musicales avec son frère. À 15 ans, grâce à sa belle voix, il fut admis dans la manécanterie de la Michaeliskirche de Lüneburg : d’après les statuts, les choristes devaient être « nés de pauvres gens, sans aucune ressource, mais possédant une bonne voix ». Là, il lut et copia beaucoup de musique, fit la connaissance des organistes downloadModeText.vue.download 53 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 47 J. J. Löwe, ancien élève de Schütz, et de G. Böhm. Il effectua plusieurs voyages à Hambourg pour y écouter J. A. Reinken, entendit la chapelle française du duc de Celle et découvrit ainsi, entre autres, les oeuvres instrumentales de François Couperin. Avec le facteur d’orgues J. B. Held, il apprit à construire, à expertiser et à réparer les orgues, domaine où sa réputation dépassa bientôt celle de ses contemporains. LES DÉBUTS D’ORGANISTE. Quelque temps violoniste dans l’orchestre privé du duc Johann Ernst de Weimar, Bach fut nommé, en août 1703, organiste à la Neue Kirche d’Arnstadt, où il composa ses premières oeuvres religieuses - la cantate Denn du wirst meine Seele nicht in der Hölle lassen (« Car tu ne laisserais pas mon âme en enfer ») BWV 15 - et ses premières pages pour clavier, dont le Capriccio sopra la lontananza del suo fratello dilettissimo (« Caprice sur l’éloignement de son frère bien-aimé »). Il s’essaya à la toccata, au prélude et fugue, au prélude de choral. En octobre 1705, il fit à pied le voyage d’Arnstadt à Lübeck pour y entendre le célèbre organiste Buxtehude, qui lui offrit sa succession : mais Bach, comme d’autres avant et après lui, recula à la perspective de devoir épouser la fille du vieux maître. De retour à Arnstadt, il attira sur lui les foudres de ses supérieurs à la fois en raison de son absence prolongée et de par sa façon « inhabituelle » de jouer de l’orgue. Ces incidents et d’autres - comme l’indiscipline et le manque de dons pour la musique des choristes dont il avait la charge - le décidèrent à accepter, au cours de l’été 1707, la succession de Johann Georg Ahle à la Blasiuskirche de Mühlhausen. Le 17 octobre de la même année, il épousa sa cousine Maria Barbara (16841720), fille de Johann Michael Bach (16481694), organiste à Gehren. Celle-ci devait lui donner sept enfants, dont deux grands musiciens, Wilhelm Friedemann (17101784) et Carl Philip Emanuel (1714-1788). À Mühlhausen, il composa trois cantates d’église : Aus der Tiefe rufe ich, Herr, zu dir (« Des profondeurs, je t’appelle, Seigneur ») BWV 131, Gott ist mein König (« Dieu est mon roi ») BWV 71, et Der Herr denket an uns (« Le Seigneur pense à nous ») BWV 196. D’UNE COUR À L’AUTRE. En 1708, Bach devint musicien de chambre et organiste à la cour de Weimar, où en Thuringe, depuis 1707, son cousin Johann Gottfried Walther était organiste et enseignait la musique aux jeunes princes. Plus tard, sous le règne de Charles Auguste (1775-1828), cette Cour devait devenir « l’Athènes de l’Allemagne », devenir le lieu de résidence de Goethe et de Schiller, et attirer des hommes célèbres dans tous les domaines de la culture. Du temps de Bach, elle se distinguait déjà des autres cours allemandes, en particulier par une atmosphère d’austérité qui contrastait fortement avec le faste et la frivolité de mise ailleurs. Tout tournait autour de la religion, et Bach eut la chance de trouver là un patron dont les idées musicales allaient en gros dans le même sens que les siennes. Plusieurs voyages le menèrent à Cassel (1714), à la cour du duc Christian de SaxeWeissenfels (1716) et à Dresde (1717), où il devait rencontrer Louis Marchand pour une sorte de joute musicale, mais l’organiste français, craignant sans doute une défaillance, se déroba. À Weimar, Bach composa ses premières grandes oeuvres pour orgue (en particulier, le début de l’Orgelbüchlein, recueil de 46 chorals, et des pièces très célèbres comme la Toccata et fugue en « ré » mineur et la Passacaille et fugue en « ut » mineur) et pour clavier (toccatas, concertos d’après Vivaldi, Telemann, A. Marcello et le duc Johann Ernst de Weimar). La Cour était luthérienne et fort pieuse : d’où, chaque mois, de la part de Bach, une nouvelle cantate pour l’excellent ensemble de chanteurs et d’instrumentistes dont il disposait. Toutefois, à la mort du maître de chapelle J. S. Drese (décembre 1716), Bach n’obtint pas sa succession, et, pour exprimer son mécontentement, il fit une sorte de « grève sur le tas » tout en cherchant un autre poste ailleurs. Une offre lui était justement parvenue du prince Léopold d’Anhalt-Köthen, mais, quand il fit part de ses intentions au duc régnant de Weimar, celui-ci le mit aux arrêts « pour avoir sollicité son congé avec trop d’obstination ». En 1717, Bach arriva néanmoins à Köthen, où ses tâches allaient être bien différentes de celles qu’il avait connues à Weimar. La cour de Köthen était réformée (calviniste) : Bach ne devait donc ni jouer de l’orgue ni composer de la musique d’église. En revanche, le prince Léopold, passionné de musique instrumentale, attendait beaucoup en ce genre de son nouveau maître de chapelle. Il en obtint plus qu’il n’avait jamais espéré : Concerts brandebourgeois, dédiés, au printemps 1721, à Christian Ludwig, margrave de Brandebourg ; suites, partitas et sonates pour orchestre, violon seul, violoncelle seul, viole de gambe, flûte ou violon avec clavecin obligé ou continuo ; concertos pour violon ; et pour clavier (clavecin), le livre I du Clavier bien tempéré (1722), les 30 inventions et sinfonie, la Fantaisie chromatique et fugue (1720), le Petit Livre de clavier de Wilhelm Friedemann Bach (1720) et celui d’Anna Magdalena (1722), les suites anglaises et françaises. Ayant perdu Maria Barbara (juin 1720), Bach se remaria, en décembre 1721, avec la cantatrice Anna Magdalena Wilcken (17011760), qui allait lui donner treize enfants, parmi lesquels deux autres grands musiciens, Johann Christoph Friedrich (17321795) et Johann Christian (1735-1782). LE CANTORAT À SAINT-THOMAS. À l’automne 1720, Bach se rendit à Hambourg et improvisa devant le vieux Reinken sur le choral An Wasserflüssen Babylon (c’est ce choral qui, dans l’éblouissante exécution de Reinken, l’avait tenu luimême sous le charme quelque vingt ans auparavant). À la fin, Reinken, d’ordinaire avare de louanges, s’écria : « Je pensais que cet art était mort, mais je vois qu’il vit encore en vous. » En 1722, le prince Léopold, au service duquel Bach pensait passer le reste de ses jours, se maria. Or sa femme n’aimait ni la musique - Bach la traita d’amusa - ni l’art en général, et les conditions à la cour de Köthen changèrent totalement. Mais il se trouva qu’après la mort de Johann Kuhnau, cantor à l’école Saint-Thomas de Leipzig, le conseil de la ville avait proposé le poste à Telemann et à Johann Christoph Graupner, qui, tous deux, l’avaient refusé, puis à Bach. Celui-ci, ayant accepté, fut nommé en mai 1723 ; il devait rester à Leipzig jusqu’à sa mort. À Saint-Thomas, Bach assurait l’enseignement musical aussi bien que les cours de latin. La chorale de l’école était formée de musiciens médiocres ; sur 55 élèves, 17 seulement étaient capables de remplir correctement leur tâche. Outre ces fonctions, il était chargé de la musique des églises Saint-Thomas et Saint-Nicolas, ainsi que de celles de la ville et de l’université pour les cérémonies officielles. Ses relations avec l’université, le recteur Ernesti et le conseil de la ville allaient être marquées par d’incessantes disputes. Le conseil se plaignait des fréquentes absences de Bach, qui se rendait à Weimar, à Cassel - où il joua sur l’orgue de la Martinuskirche (1732) -, à Dresde, où vivaient Johann Adolf Hasse et son épouse, la célèbre cantatrice Faustina Bordoni. Dans cette dernière ville, il jouissait de l’estime du comte Hermann Carl Keyserling, pour qui il composa les Variations Goldberg (publiées en 1742), et joua sur l’orgue Silbermann de la Sophienkirche. En 1741, Bach visita Berlin, et, au printemps 1747, il se rendit à Potsdam sur l’invitation de Frédéric II de Prusse, au service duquel se trouvait son fils Carl Philip Emanuel. Bach improvisa une fugue sur un sujet donné par le roi, et, à son retour à Leipzig, en tira l’Offrande musicale. Mais une maladie des yeux, s’aggravant durant les dernières années, devait lui ôter presque entièrement la vue à la fin de 1749. Son élève - et gendre - Johann Christoph Altnikol allait écrire, sous sa dictée, ses dernières oeuvres. Dans les premières années de son cantorat à Leipzig, Bach composa surtout des downloadModeText.vue.download 54 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 48 cantates d’église, ainsi que l’Oratorio de Pâques et le Magnificat. Cette période fut couronnée par la Passion selon saint Matthieu, exécutée en 1729, le jour du vendredi saint. Bach écrivit ensuite des cantates profanes pour les fêtes en l’honneur de la famille régnante de Saxe, duché dont la capitale était Dresde, mais sur le territoire duquel se trouvait Leipzig (de 1697 à 1763, les princes-électeurs de Saxe furent en même temps rois de Pologne). L’année 1733, qui vit Frédéric Auguste II succéder à son père, fut marquée par de nombreuses festivités, auxquelles Bach contribua par trois cantates différentes pour la fête du nouveau monarque et les anniversaires de son fils le prince héritier et de son épouse. À cette époque appartiennent aussi les deux premières parties de la Klavierübung : d’une part, les 6 partitas dont la publication s’étendit jusqu’en 1731 et, d’autre part, l’Ouverture dans le style français et le Concerto italien, publiés en 1735 (la troisième partie de la Klavierübung devait être constituée d’oeuvres pour orgue et la quatrième des Variations Goldberg). L’Oratorio de Noël, en réalité succession de 6 cantates, date de 1734, l’Oratorio pour le jour de l’Ascension de 1735 et le livre II du Clavier bien tempéré de 1744. Au cours des dernières années de sa vie, Bach transcenda le passé, donnant la quintessence de l’art contrapuntique avec l’Art de la fugue, révisant des chorals pour orgue et complétant la Messe en « si » mineur, qui l’avait occupé de façon intermittente depuis 1733. Le 18 juillet 1750, il recouvra soudain la vue, mais il eut quelques heures après une attaque, suivie d’une fièvre qui l’emporta dix jours plus tard. UNE SYNTHÈSE GÉNIALE. De toutes les formes musicales, l’opéra est la seule à laquelle Bach ne se soit pas essayé (mais de nombreux épisodes des cantates s’en rapprochent fort par l’esprit). Comme de coutume à son époque, sa production comporte presque entièrement des oeuvres de circonstance étroitement liées aux exigences des postes qu’il occupait. Il ne fut pas créateur de formes ni de genres, mais il reprit ceux légués par ses prédécesseurs en les élargissant considérablement tant sur le plan structural qu’expressif, en les portant à un degré de perfection et d’universalité inconnu avant lui. Du point de vue architectural, il se renouvela sans cesse : ses inventions, ses fugues, ses cantates sont toutes construites différemment. L’oeuvre de Bach se distingue également par un caractère nettement polyphonique allant néanmoins de pair avec la clarté et l’abondance mélodique. On peut, à ce propos, parler de synthèse d’éléments germaniques et italiens ; cela sans oublier les influences françaises, elles aussi miraculeusement assimilées et magnifiées, en particulier dans les suites ou ouvertures - pour orchestre, qui approfondissent un modèle jadis créé par Lully. Si Bach fut l’héritier de la longue tradition polyphonique occidentale, il assuma parallèlement la grande révolution du XVIIe siècle (réduction de la structure sonore à une mélodie accompagnée par une basse) : son originalité essentielle est d’avoir été à la croisée de ces deux chemins, raison pour laquelle il ne devait pas avoir d’héritier musical direct. Sa synthèse ne pouvait intervenir qu’entre 1700 et 1750. L’évolution de l’esthétique musicale la rendait impossible ultérieurement, et, déjà à la fin de sa vie, Bach se trouva incompris et « dépassé » aux yeux de ses contemporains. À la tradition allemande, il reprit le choral luthérien, qui vivifia toute son oeuvre, vocale et instrumentale. LES OEUVRES INSTRUMENTALES. Bach conçut la plupart de ses oeuvres instrumentales à Weimar et à Köthen, où ses activités lui permirent d’acquérir la maîtrise des formes, du style, des combinaisons instrumentales. Il exploita les perfectionnements techniques apportés à la facture du violon, du violoncelle ou de la flûte. Le concerto à l’italienne l’intéressa particulièrement. Il transcrivit de nombreux concertos d’auteurs italiens, en écrivit lui-même pour violon et il fut aussi le premier à concevoir de véritables concertos pour clavecin et orchestre. Ceux-ci sont, presque tous, des transcriptions. Cependant, pour le 5e Brandebourgeois, il confia au clavecin non seulement un rôle de soliste, mais une audacieuse cadence de 65 mesures : on a pu dire de cet ouvrage qu’il était le premier en date de tous les concertos pour clavier. Sur les six Brandebourgeois, trois (nos 1, 3 et 6) font dialoguer divers « choeurs instrumentaux » d’égale importance, alors que les trois autres opposent aux cordes un groupe d’instruments solistes, et à ceux-ci un soliste principal (trompette dans le no 2, flûte dans le no 4, clavecin dans le no 5). Bach se passionna également pour le clavier (clavecin) seul. Là, il mena à terme les deux grandes formes léguées par ses prédécesseurs. Outre des oeuvres plus ou moins isolées, mais d’une grande importance comme la Fantaisie chromatique et fugue ou le Concerto italien, il y eut, en effet, d’une part les trois recueils de six suites chacun - françaises (1722), revêtant encore le caractère de la danse populaire, anglaises (avant 1722), adoptant davantage celui de la danse de cour, et allemandes ou partitas (1726-1731), plus proches de la musique pure - et, d’autre part, les deux livres du Clavier bien tempéré (1722, 1744), comprenant l’un et l’autre 24 préludes et fugues dans toutes les tonalités majeures et mineures et démontrant l’intérêt musical - pas seulement théorique - du tempérament égal (division de l’octave en douze demi-tons strictement égaux). Quant aux Variations Goldberg, elles témoignent d’une grande richesse d’invention et d’une science extrême du contrepoint, du canon en particulier : Bach y présente 9 genres différents de canons. Synthèse de formes - l’air varié s’y mêle à la passacaille -, cette oeuvre est aussi une synthèse de procédés d’écriture. Dans le quodlibet final, deux mélodies populaires viennent se superposer au thème de la passacaille. Bach jeta ici les solides fondements de la grande variation moderne. De l’écriture canonique, le sommet fut l’Offrande musicale, série de variations contrapuntiques sur le thème proposé par Frédéric II. Cette oeuvre, construite selon une structure symétrique chère à Bach, présente le plan suivant : ricercare/5 canons/sonate en trio/5 canons/ricercare. Cinq des canons sont à deux voix avec une troisième voix utilisant le thème royal comme cantus firmus, les cinq autres traitent des variations du thème de façon canonique. Sauf pour la sonate en trio et pour le 9e canon (flûte, violon et basse figurée), Bach n’a laissé aucune indication d’instruments pour cet ouvrage prenant appui, par sa virtuosité et sa rigueur polyphoniques, et en particulier par son usage du canon-énigme, sur la grande école franco-flamande des XVe et XVIe siècles. Pour le violon, Bach a écrit notamment 2 concertos, 1 concerto pour deux violons, 6 sonates avec clavecin adoptant la structure quadripartite de la « sonata da chiesa » (sonate d’église) et, surtout, 3 sonates et 3 partitas pour violon seul où il parvint à faire de cet instrument, en principe purement monodique, un instrument polyphonique. La chaconne en ré mineur de la 2e partita, avec ses 32 variations, est une page unique dans le répertoire du violon. UN DOMAINE PRIVILÉGIÉ : L’ORGUE. La musique pour orgue occupa Bach toute sa vie durant. Il écrivit environ 250 oeuvres pour orgue, soit fondées sur le choral, soit librement inventées. La usion d’éléments de provenances diverses, caractéristique de l’oeuvre de Bach en général, est ici particulièrement évidente. Bach composa plus de 150 chorals d’orgue, et les groupa en 4 grands recueils (Orgelbüchlein, chorals du cathéchisme formant la 3e partie de la Klavierübung, chorals de Leipzig, recueil de Schübler) tout en les traitant de manière très différente, en soumettant ces simples airs de cantiques à toutes les formes possibles de métamorphose : chorals ornés, figurés, contrapuntiques, en trio, variés, harmonisés, fugués, en canon, en fantaisie sur le choral, etc. Mais le choral se veut toujours expressif, traduction d’une idée clé s’imposant avec force, grâce, notamdownloadModeText.vue.download 55 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 49 ment, à divers procédés symboliques. Quand il mit en musique un texte - et ce fut presque toujours un texte religieux -, Bach ne laissa jamais passer une idée, une image ou un mot important sans en donner musicalement une transcription symbolique. De même, son élève Gottfried Ziegler put écrire : « Pour le jeu du choral, mon professeur, le maître de chapelle Bach, me l’enseigna de telle sorte que je ne joue pas les chorals simplement tels quels, mais d’après le sentiment indiqué par les paroles. » Le dernier choral de Bach, Vor deinen Thron tret’ich (« Je comparais devant ton trône »), atteste le goût du compositeur pour les symboles numériques : la première période du choral est énoncée en 14 notes et la mélodie entière en 41 notes rétrograde de 14. Par opposition aux chorals, les fantaisies, les toccatas, les préludes et fugues sont des pages brillantes illustrant les éléments décoratifs du culte. Avec le Clavier bien tempéré, ce sont là les pages de Bach qui, même durant son éclipse à la fin du XVIIIe siècle et pour une bonne partie du XIXe, ne cessèrent jamais d’être jouées. Les plus anciennes de ces pièces portent la marque à la fois d’une jeunesse bouillonnante et de l’influence des maîtres de l’Allemagne du Nord, avec, à leur tête, Buxtehude : ainsi la célèbre Toccata et fugue en « ré » mineur. Plus tard, à partir du séjour à Weimar et sous l’influence des Italiens et des maîtres de l’Allemagne du Sud (Pachelbel), la beauté plastique de la forme s’impose, mais toujours avec de saisissants contrastes (Toccata, adagio et fugue en « ut » majeur). Dernière grande oeuvre instrumentale entreprise par Bach, même si ce ne fut pas la dernière à laquelle il travailla, l’Art de la fugue (inachevé) devait réunir 24 fugues réparties en 6 groupes comprenant chacun 2 paires de fugues (rectus et inversus). Nous ne possédons que 20 de ces fugues, dont la dernière est incomplète. L’oeuvre, dont nous ignorons à quels effectifs elle était destinée - il est fort probable que Bach lui-même ne se posa jamais la question -, explore toutes les possibilités de l’écriture fuguée, et édifie à partir d’un thème court et très simple un monument grandiose - fugues simples à développement libre, fugues à conséquent obligé, fugues à plusieurs sujets - faisant un usage des plus savants de tous les procédés contrapuntiques connus. Cette partition didactique, d’une écriture transcendante, n’en est pas moins d’une grande beauté expressive, Bach n’ayant jamais été plus à l’aise, plus libre, plus inventif, que dans la fugue. LA MUSIQUE VOCALE. La musique vocale de Bach, comme sa musique instrumentale, est dominée par le choral, grand principe de la musique luthérienne. Les chorals sont présents dans les motets, les oratorios, les Passions et surtout dans les cantates, genre qui en est le plus directement issu. La cantate est au centre de l’oeuvre vocale de Bach, qui en écrivit cinq séries pour tous les dimanches et fêtes de l’année ecclésiastique. De ces quelque 300 cantates sacrées où se mêlent les influences du concerto profane, du concert sacré et de l’opéra italien, moins de 200 nous sont parvenues. La plupart reposent sur deux piliers extrêmes : au début, un grand choeur d’introduction presque toujours construit sur une mélodie de choral ; à la fin, le chant très simple du même choral (entonné également à l’époque, selon toute probabilité, par la foule des fidèles). Entre ces deux éléments, la liberté la plus complète dans la nature et l’enchaînement des pièces : airs à une ou plusieurs voix accompagnés par l’orchestre ou des instruments solistes, récitatifs, ariosos, autres choeurs construits ou non sur le choral. Dans ses cantates religieuses, qui musicalement ne contiennent guère de faiblesses, mais dont les textes - empruntés au pasteur Neumeister, à Salomon Franck, à Henrici (dit Picander), à Ch. M. von Ziegler ou à Christian Weiss, père et fils - sont souvent médiocres, Bach réutilisa à l’occasion, non sans parfois les métamorphoser en profondeur, des morceaux tirés de ses cantates profanes, voire de pages instrumentales. Il en va de même pour les trois oratorios, qui proviennent essentiellement de compositions (surtout profanes) antérieures. La musique de l’Oratorio de Pâques est composée à partir de cantates pastorales, celle de l’Oratorio de Noël, suite de six cantates, provient de diverses sources dont la cantate profane Preise dein Glücke, gesegnetes Sachsen (« Chante bien haut ton bonheur, Saxe bénie »), composée pour l’anniversaire de l’accession d’Auguste III de Saxe au trône de Pologne, celle de l’Oratorio de l’Ascension correspond à la cantate BWV 11. La pratique de la transcription fut d’ailleurs une des constantes de l’évolution de Bach, qui poursuivit ainsi l’identité du profane et du sacré, du vocal et de l’instrumental. De ses motets allemands, six nous sont parvenus, datant tous de la période de Leipzig. Il n’a pas composé de motets latins, mais a utilisé la langue latine pour le Magnificat et la Messe en « si » mineur. Du Magnificat, écrit à Leipzig, la première version fut composée en 1723 pour le jour de Noël : elle était en mi bémol majeur et comprenait, outre les douze morceaux du Magnificat latin, quatre interpolations en langue allemande, étroitement rattachées à la liturgie de Noël. Vers 1730, Bach révisa l’ouvrage, le transposa en ré majeur, permettant d’y introduire l’éclat des trompettes et des timbales et supprima les quatre interpolations (ce qui permit de le chanter également à Pâques et à la Pentecôte). La Messe en « si » mineur, monumental édifice, « catholique » par le texte mis en musique, mais véritablement oecuménique par sa portée spirituelle (voire par les emprunts qui y sont faits aux « cantates luthériennes » de l’auteur), fut entrepris en 1733 et comprend 25 morceaux (dont plusieurs repris de compositions antérieures) disposés en 4 sections. Bach écrivit aussi 4 messes brèves luthériennes. Des 4 Passions qui nous sont parvenues, la Passion selon saint Luc n’est probablement pas de Bach. De la Passion selon saint Marc, seul le livret de Picander a été conservé. Mais certains de ses airs et choeurs se retrouvent notamment dans l’Ode funèbre de 1727, dans la cantate pour alto solo Widerstehe doch der Sünde (« Résiste donc au péché ») BWV 54, de 1730 environ, et dans l’Oratorio de Noël. Restent la Passion selon saint Jean et la Passion selon saint Matthieu, datées respectivement de 1723 et de 1729. Ce sont comme d’immenses cantates où le récitatif prend une place importante. Le texte de l’Évangile en constitue la trame essentielle. Dans ces véritables drames sacrés, Bach se révèle comme un extraordinaire homme de théâtre sans théâtre. La Passion selon saint Jean, qui fait des emprunts au livret de Brockes déjà utilisé par Haendel pour tout ce qui est en marge du récit évangélique, est à la fois la plus intime et la plus violente. La Passion selon saint Matthieu, sur un livret de Picander, fait appel aux effectifs les plus importants jamais utilisés par Bach : deux choeurs (et choeur d’enfants), deux orchestres, deux orgues se répondant de part et d’autre de l’église, solistes vocaux et instrumentaux. L’une et l’autre combinent et opposent le récit dramatique avec intervention (aux côtés de l’évangéliste) de certains personnages (Pilate, Pierre, Judas) et du choeur (la foule, les apôtres), la méditation lyrique et individuelle (ariosos, airs), et enfin la prière (le choral). Avec ses 78 morceaux regroupés en une architecture sans faille, sa synthèse unique de bonheur et de tristesse et son rayonnement de tendresse et d’amour, la Passion selon saint Matthieu représente le plus haut sommet de ce que Bach écrivit pour l’Église protestante et l’un des plus hauts de la musique religieuse de tous les temps. OEUVRES PRINCIPALES DE MUSIQUE VOCALE. Cantates : 224 cantates, la vaste majorité étant des cantates d’église, 25 sont des cantates profanes ; quelques cantates sont d’une authenticité douteuse. 7 motets. Messes : Messe en si mineur ; 4 messes « luthériennes « ; 5 sanctus. Magnificat : Magnificat en ré majeur. Passions : Passion selon saint Matthieu ; Passion selon saint Jean ; Passion selon saint Luc. oradownloadModeText.vue.download 56 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 50 torios : Oratorio de Noël ; Oratorio de Pâques. Chorals : à 4 voix et instruments ; à 4 voix, environ 185. ARIAS ET LIEDER du Notenbuch (« Petit livre ») d’Anna Magdalena. Lieder spirituels. MUSIQUE INSTRUMENTALE. OEuvres pour orgue : 6 sonates, 24 préludes, toccatas ou fantaisies et fugues. 8 petits préludes et fugues ; environ 145 chorals, dont 46 de l’Orgelbüchlein, les 6 transcriptions « Schübler », chorals du livre III de la Clavier-Übung ; 6 concertos d’après Vivaldi et d’autres compositeurs ; 5 fantaisies ; 3 toccatas ; 3 préludes ; 8 fugues ; 4 trios ; aria. OEuvres pour clavier : inventions à 2 et 3 voix ; duos de la 3e partie de la Clavier-Übung ; suites anglaises ; suites françaises ; d’autres suites ; partitas ; Das Wohltemperierte Clavier (le Clavier bien tempéré I, II), 48 préludes et fugues ; 9 préludes et fugues ; 19 fugues ; fantaisie chromatique et fugue ; 5 fantaisies et fugues ; 5 fantaisies ; concerto et fugue ; 7 toccatas ; 4 préludes ; 9 petits préludes du Clavierbüchlein pour W. Friedemann ; 11 petits préludes ; 5 sonates ; Concerto italien ; 16 concertos d’après Vivaldi et d’autres compositeurs ; Variations Goldberg ; Capriccio sopra la lontananza del suo fratello dilettissimo. OEuvres pour luth : 2 suites ; 1 partita ; prélude, fugue et allegro ; prélude ; fugue. OEuvres pour instruments divers : sonates, suites et partitas pour le violon, la viole de gambe, flûte traversière, etc., avec ou sans la basse continue. Concertos : 2 concertos pour violon et 1 concerto pour deux violons ; concerto pour flûte traversière, violon et clavier ; 6 concertos brandebourgeois ; 7 concertos pour clavier ; 3 concertos pour 2 claviers ; 2 concertos pour 3 claviers ; 1 concerto pour 4 claviers. OEuvres diverses : 4 suites pour ensemble instrumental (ouvertures) ; sinfonia ; 7 canons ; Offrande musicale ; l’Art de la fugue. BACH (Wilhelm Friedemann), compositeur et organiste allemand (Weimar 1710 - Berlin 1784). Deuxième enfant et fils aîné de J. S. Bach et de sa première femme Maria Barbara, il étudia surtout auprès de son père, dont il fut le premier des quatre fils musiciens, et qui écrivit pour lui, entre autres, le Clavierbüchlein. Nommé organiste à Dresde (1733), il quitta cette ville, trop férue à son goût de musique italienne et où le prince électeur et sa femme favorisaient la religion catholique, et devint en 1746 organiste et directeur de la musique à Halle. Il conserva ces fonctions dix-huit ans en se consacrant beaucoup, comme compositeur, au domaine religieux (cantates), alors que les années de Dresde avaient été dominées par la musique instrumentale (symphonies, concertos, pièces pour clavier). Ayant eu avec les autorités de Halle de nombreux démêlés, notamment au moment de la mort de son père, il accepta, sans aller l’occuper, un poste à Darmstadt (1762) et finalement renonça à ceux dont il jouissait à Halle sans en avoir d’autres en vue (12 mai 1764) : dix-sept ans avant Mozart, il prit ainsi le risque de la liberté. Il resta à Halle jusqu’en 1770, séjourna quelque temps à Brunswick, et, en 1774, s’installa à Berlin. Il y fut bien reçu par Kirnberger et par la princesse Amélie de Prusse, à qui il dédia, en 1778, huit fugues à trois voix pour clavier (une transcription pour trio à cordes précédée d’un prélude de celle en fa mineur est attribuée à Mozart) ; il y subsista grâce à des leçons et à des récitals d’orgue (le premier fit sensation), mais y mourut en laissant sa femme et sa fille dans la plus complète misère. Une légende entretenue au XIXe siècle par le roman pseudo-historique de Brachvogel s’édifia rapidement autour de son nom et le présenta comme un ivrogne et un malhonnête homme. On peut en faire bon marché, tout comme de l’incompréhension et de l’irrespect qu’il aurait manifestés envers l’art de son père (dont néanmoins il prit moins soin des manuscrits que son frère Carl Philip Emanuel). Il souffrit particulièrement de sa situation entre deux âges, l’attachement à son père s’opposa chez lui à la fidélité à son temps : même sa production instrumentale, particulièrement réussie (Polonaises, Fugues, Sonates et Fantaisies pour clavier), sembla à ses contemporains surannée et inutilement compliquée. Il lui manqua la concentration et la force de volonté nécessaires pour faire bon usage de sa liberté et exploiter à fond ses intuitions géniales, mais ses oeuvres reflètent la personnalité sinon la plus forte, du moins la plus visionnaire, parmi les fils de JeanSébastien. Pionnier de la « forme sonate », il se réfugia dans un monde à lui, d’une rare intensité d’expression mais offrant peu de prises à ses successeurs immédiats. On lui doit, outre sa musique pour clavier, des pièces pour orgue, de la musique de chambre faisant souvent appel à la flûte, des symphonies et des concertos, des cantates et de la musique d’église. À sa mort, la seule notice nécrologique à laquelle il eut droit le qualifia de « plus grand organiste d’Allemagne ». Ce fut, en effet, le seul des quatre fils musiciens de Jean-Sébastien à perpétuer sur ce plan la tradition de la famille Bach. Un catalogue de ses oeuvres a été dressé par Martin Falck (1913). BACHAUER (Gina), pianiste grecque naturalisée anglaise (Athènes 1913 id.1976). Elle doit vaincre les résistances de son père qui refuse l’idée qu’une femme soit musicienne professionnelle, et suit deux années de droit à l’université d’Athènes. Elle remporte cependant en 1933 le Prix d’honneur du Festival international de Vienne. Elle étudie ensuite avec Cortot à l’École normale de musique de Paris et, en 1935, reçoit les conseils de Rachmaninov. La même année, Dimitri Mitropoulos la fait débuter avec l’orchestre du Conservatoire d’Athènes. Pendant la guerre, elle se réfugie en Égypte et donne de nombreux concerts de bienfaisance pour les armées. En 1947, sa carrière anglo-saxonne commence à l’Albert Hall de Londres. En 1950, seules trente-cinq personnes assistent à ses débuts au Carnegie Hall ! C’est pourtant en Amérique qu’elle s’impose comme une artiste marquante avec des récitals-fleuves qu’elle reprend aussi bien en Australie qu’en Nouvelle-Zélande ou en Israël. En 1966, elle triomphe enfin à New York, et aborde plusieurs concertos avec le Houston Symphony Orchestra. BACHELET (Alfred), compositeur et chef d’orchestre français (Paris 1864 - Nancy 1944). Il fut l’élève d’E. Guiraud au Conservatoire de Paris et obtint le grand prix de Rome en 1890 avec sa cantate Cléopâtre. Ensuite, il entra à l’Opéra Garnier comme second chef des choeurs avant d’y entamer, en 1907, une carrière de chef d’orchestre. Comme compositeur, Alfred Bachelet a manifesté un puissant tempérament dans trois oeuvres lyriques écrites sans la moindre concession au goût populaire, mais cependant riches de mélodies attachantes : Scemo (1914), Quand la cloche sonnera (1922), Un jardin sur l’Oronte (1932). Il succéda à Guy Ropartz à la tête du conservatoire de Nancy (1919). BACILLY (Bénigne de), compositeur, chanteur et théoricien français (Normandie v. 1625 - Paris 1690). Sa réputation de maître de chant fut grande sous Louis XIV, et il publia de nombreux volumes d’airs avec basse continue. Son ouvrage principal, traité intitulé Remarques curieuses sur l’art de bien chanter (1668), est très précieux pour la connaissance de la technique vocale, des ornements et de la prononciation dans la musique française du XVIIe siècle. Bénigne de Bacilly est également l’auteur d’un Recueil des plus beaux vers qui ont esté mis en chant (3 vol.), qui a permis l’identification de nombre d’auteurs des textes des airs de cour de l’époque. BÄCK (Sven Erik), compositeur suédois (Stockholm 1919 - id. 1994). Entré en 1938 à l’Académie royale de Stockholm pour suivre les classes de violon et d’alto, il y travailla la composition de 1940 à 1944 avec Hilding Rosenberg, puis poursuivit ses études à la Schola cantodownloadModeText.vue.download 57 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 51 rum de Bâle (1948-1950) et à l’académie de Sainte-Cécile, à Rome, auprès de G. Petrassi. Après avoir appartenu à des formations de musique de chambre, il dirige depuis 1959 l’École de musique de la radio suédoise. Dans un style éclectique, empreint d’une profonde connaissance de la musique du passé, il a composé 3 quatuors à cordes et diverses pièces instrumentales, de la musique vocale, dont un Concerto per bambini (1952) pour choeur d’enfants, des opéras de chambre, des ballets, des musiques de scène et de film. BACKHAUS (Wilhelm), pianiste allemand (Leipzig 1884 - Villach, Autriche, 1969). À dix ans, il entra au conservatoire de Leipzig et travailla avec Alois Reckendorf. Il entendit le 2e concerto pour piano de Brahms, joué en soliste par E. d’Albert sous la direction du compositeur, et reçut des conseils de ce dernier. En 1900, ses premiers concerts, à Londres, inaugurèrent sa longue carrière. Interprète, au début, de tous les romantiques, Backhaus finit par ne jouer pratiquement que Brahms et surtout Beethoven. Son jeu alliait grandeur, sobriété et pureté de style. BACON (Ernst), compositeur américain (Chicago, 1898 - Orinda, Californie, 1990). Élève d’Eugène Goossens et d’Ernest Bloch, il a été professeur au conservatoire de San Francisco, directeur des activités musicales régionales dans le cadre du Federal Music Project (1934-1937), professeur à l’école Eastman de Rochester, direc- teur de la faculté de musique à l’université de Syracuse. Il a obtenu le prix Pulitzer (1932) et le prix de la fondation Guggenheim (1939 et 1942). Son oeuvre, d’esprit néoclassique, inspirée par son pays et ses traditions musicales, comporte deux symphonies, des suites d’orchestre, un opéra folklorique (A tree on the plains, 1942), des cantates, de la musique de chambre et des mélodies. BACQUIER (Gabriel), baryton français (Béziers 1924). Après des études au Conservatoire de Paris, il chante, plusieurs années durant, dans les théâtres de province et, à partir de 1953, à la Monnaie de Bruxelles, puis, à Paris, à l’Opéra-Comique (débuts, en 1956, dans Sharpless de Madame Butterfly) et à l’Opéra (1958, d’Orbel de la Traviata). Son incarnation de Don Juan au festival d’Aix-en-Provence (1960) inaugure une carrière exceptionnelle qui le conduit sur toutes les grandes scènes du monde. Gabriel Bacquier est un chanteur à la voix peu spectaculaire, mais d’une extrême habileté. Son expression et son jeu scénique sont très raffinés, et son vaste répertoire va du bouffon au tragique. Le comte (dans les Noces de Figaro), Alfonso (Cosi fan tutte), Scarpia (Tosca), Golaud (Pelléas et Mélisande) lui ont, entre autres, valu la renommée. Il a enseigné l’art lyrique au Conservatoire de Paris jusqu’en 1987. BADINERIE. Ce terme a le même sens que bagatelle, mais avec une nuance de naïveté. On le rencontre dans la musique des XVIIe et XVIIIe siècles. Le plus célèbre exemple est la badinerie qui sert de finale à la Suite no 2 en si mineur, pour flûte et cordes, de J. S. Bach. BADINGS (Henk), compositeur néerlandais (Bandoeng, Indonésie, 1907 Maarheze 1987). Il écrivit ses premières oeuvres en autodidacte, travailla ensuite avec Wilhelm Pijper, donna sa symphonie no 1 en 1930, la no 2 en 1932 et devint célèbre avec la no 3 (1934). Il fut professeur aux conservatoires de Rotterdam et d’Amsterdam, puis dirigea celui de La Haye de 1941 à 1945. Il a enseigné ensuite à Utrecht (1961) et à Stuttgart (1962-1972). Son opéra radiophonique Oreste (1954) lui valut le prix Italia. Parti du langage classico-romantique, il en vint à explorer toutes les découvertes de son temps (polytonalité, emploi original des modes) et fut en son pays, à partir de 1952, un des pionniers de la musique électronique (ballet Kain, 1956). Sa production abondante comprend notamment 14 symphonies pour diverses formations (de 1930 à 1968), dont la 6e avec choeurs (Symphonie de Psaumes, 1953) ; des oeuvres symphoniques diverses et des ballets ; des concertos dont deux pour 2 violons (1954 et 1969), un pour 2 pianos (1954) et un pour basson et contrebasson (1963) ; de la musique de chambre, de piano et d’orgue ; de nombreuses partitions électroniques ; l’oratorio Apocalypse (1940) et une Passion selon saint Marc pour solistes, choeur d’hommes, orchestre et bande magnétique (1970-71) ; des opéras dont Martin Korda (1960). BADOARO, BADOERO ou BADOVERO (Giacomo), librettiste italien (Venise 1602 - id. 1654). Gentilhomme dilettante, il fournit à Monteverdi deux livrets d’opéra (Il Ritorno d’Ulisse in patria, 1641 ; Le Nozze di Enea con Lavinia, 1641). Il fit preuve d’une conception dramatique hardie pour l’époque et ne respecta pas toujours les règles traditionnelles. BADURA-SKODA (Paul), pianiste autrichien (Vienne 1927). Il a étudié le piano avec Viola Thern à partir de 1939 et au conservatoire de Vienne à partir de 1948, avant d’être, à Lucerne, l’élève, puis l’assistant, d’Edwin Fischer. Depuis 1960, il dirige des cours de perfectionnement à Vienne et à Édimbourg, et, depuis 1962, au Mozarteum de Salzbourg. Il s’est rendu célèbre par ses interprétations de Haydn, de Mozart, de Beethoven et de Schubert, souvent sur des instruments d’époque (il en possède une vaste et remarquable collection). Sa recherche de l’authenticité s’est aussi exprimée dans des ouvrages tels que Mozart-Interpretation, Anregungen zur Interpretation der Klavierwerke (initiation à l’interprétation des oeuvres pour piano de Mozart, en collaboration avec son épouse Eva Halfar, Vienne, 1957), Die Klaviersonaten von L. van Beethoven (en collaboration avec Jörg Demus, Vienne, 1970) et Bach-Interpretation (1990). BAER (Olaf), baryton allemand (Dresde 1957). Dès 1967, il fait partie du Kreuzchor de Dresde puis, à partir de 1978, étudie à la Musikhochschule de la même ville. Il devient membre du Semper Oper de Dresde et ne tarde pas à connaître ses premiers engagements internationaux. En 1983, il débute au Wigmore Hall de Londres, puis, en 1985, à Covent Garden dans le rôle d’Arlequin d’Ariane à Naxos de Richard Strauss. En 1986, il chante à nouveau cet opéra à Aix-en-Provence et débute comme Papageno à la Scala de Milan. En 1987, il chante dans Capriccio à Glyndebourne, où il incarne Don Juan en 1991. La même année, il chante la Flûte enchantée à Vienne sous la direction de Solti. Avec le pianiste Geoffrey Parsons, il consacre aussi une grande part de son travail aux lieder. Ses interprétations de Schubert et de Wolf, notamment, sont très appréciées. BAGATELLE. Composition musicale vive, légère et brève, présentée par son auteur comme une petite chose sans importance, conformément au sens général du terme (ital. bagatella, qui désigne un tour de bateleur). Ce genre, qui n’obéit à aucune règle précise, a été illustré notamment par Beethoven (bagatelles pour piano op. 33, op. 119 et op. 126 ; Bagatelle en « la » mineur « pour Élise »). BAGGIANI (Guido), compositeur italien (Naples 1932). Auteur d’oeuvres instrumentales, d’oeuvres mixtes utilisant des instruments traditionnels et des moyens électroacoustiques et d’oeuvres sur bande réalisées par ordinateur. Il a étudié avec Stockhausen à la Rheinische Musikschule de Cologne et a été membre de l’association Nuova Consonanza (1965-1975). Sa première downloadModeText.vue.download 58 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 52 oeuvre importante, Mimesi pour violon, alto, violoncelle, flûte, clarinette et basson (1967), fut jouée par Nuova Consonanza sous la direction de Gilbert Amy. Il a enseigné au conservatoire de Pesaro (19741978), et a réalisé vers la même époque trois oeuvres électroacoustiques : Twins pour piano, bande à deux pistes et appareils électroacoustiques (1971), Accordo presunto pour deux groupes instrumentaux et dispositif électronique (1973) et Senza voci I, bande magnétique à quatre pistes pour instruments électroniques et micro-ordinateur (1977-78). Particulièrement attiré par Charles Ives, il a consacré à sa mémoire Contr-Azione, pour deux orchestres (1975-76). En 1977, il a fondé avec W. Branchi l’association Musica verticale, qui se propose l’étude et la diffusion de la technologie musicale contemporaine. Il enseigne actuellement la composition au conservatoire de Pérouse. Ses oeuvres traduisent une méfiance profonde à l’égard du système tempéré traditionnel. Citons encore Senza voci II, pour bande à quatre pistes et ordinateur (1979-80) et 4 Studi pour 2 pianos (1981). BAGLAMA. Luth à manche long et à trois ou quatre rangs de cordes, utilisé en Turquie dans la musique populaire ou par les troubadours du Moyen-Orient. BAGPIPE. Littéralement, « pipeau à sac ». Cette version écossaise de la cornemuse ne diffère pas sensiblement du biniou breton. Le souffle de l’exécutant gonfle une outre de peau, doublée de tissu de laine, qui alimente en air sous pression quatre tuyaux à anche double, dont un chanter modulant, à huit trous et trois bourdons. Les régiments écossais de l’armée britannique ont encore leurs bagpipers, qui maintiennent une tradition militaire très ancienne. BAGUETTE. 1.Terme d’organologie qui désigne la partie de l’archet (ronde ou octogonale), aujourd’hui légèrement concave, où les crins sont attachés grâce à un coin de bois ; la baguette est généralement en pernambouc, bois dur et élastique. 2.Mince bâton à l’extrémité arrondie, dont on frappe la peau du tambour. - 3.Mince bâton en bois ou parfois en métal, de couleur claire, que tient le chef d’orchestre pour prolonger les gestes de sa main droite et rendre ceux-ci plus visibles pour les musiciens ; cet usage de la baguette ne remonte qu’au XIXe siècle. BAÏF (Jean Antoine de), poète, humaniste et musicien français (Venise 1532 Paris 1589). Il fit siennes les théories musicales de Platon, selon lesquelles la soumission de la musique à la poésie et l’union des deux à la danse engendrent les « effets » bénéfiques qu’on attend de l’éducation des futurs citoyens, dans une société harmonieuse. Pour produire ces effets, que les Grecs avaient obtenus par leur théâtre, Baïf fonda une Académie de poésie et de musique (1570) qui tint séance sous le patronage - et souvent en la présence - du roi Charles IX, dans la propre demeure du poète. Pour unir la poésie à la musique, Baïf agit en musicien et en orthophoniste : il écrivit une poésie mesurée d’après la durée relative des syllabes, longues ou brèves selon leurs sonorités, et d’après la combinaison de l’accent tonique avec les accents d’intonation. Mais, à son époque, la prononciation et l’orthographe françaises étaient indécises ; pour que le compositeur éventuel ne se trompât point sur les durées ni les interprètes sur la prononciation, il mit au point un système orthographique apte à transcrire avec précision la couleur des voyelles et le son des consonnes. Les plus grands musiciens de son temps tels Roland de Lassus, Nicolas de La Grotte, Claude Le Jeune et Jacques Mauduit, composèrent sur ses Chansonnettes et sur ses Psaumes. Il est juste de dire que, si la poésie mesurée n’a pas eu d’avenir, Baïf est, de tous les poètes français, celui qui a exercé la plus forte influence sur la musique de son époque. BAILLEUX (Antoine), compositeur, pédagogue et éditeur français ( ? v. 1720 Paris v. 1798). À partir des années 1760, et durant une trentaine d’années, il fut l’un des plus importants éditeurs de musique parisiens, publiant des oeuvres de Vivaldi ou Corelli mais aussi de compositeurs « modernes » comme Carl Stamitz ou Boccherini. Dès 1769 parut chez lui un groupe de six symphonies de Haydn (dont une apocryphe). Il publia en 63 volumes, réunissant 240 oeuvres, un Journal d’ariettes des plus célèbres compositeurs (1779-1788) et rédigea une Méthode raisonnée pour apprendre à jouer du violon (Paris, 1798). À sa mort, sa firme fut reprise par Erard. BAILLOT (Pierre), violoniste et compositeur français (Passy 1771 - Paris 1842). À dix ans, il entendit Viotti jouer un de ses concertos et ce musicien demeura toujours son modèle. En 1795, il travailla l’écriture avec Catel, Reicha et Cherubini. Sa réputation le fit nommer, la même année, professeur de violon au Conservatoire. De 1805 à 1808, il fit une tournée à Vienne (où il rencontra Haydn et Beethoven) et en Russie avec le violoncelliste Lamare, et fut premier violon solo à l’Opéra de Paris de 1821 à 1832. De 1814 à sa mort, il organisa à Paris d’importants concerts publics de musique de chambre. Baillot fut le dernier représentant français de la grande école classique du violon. Ses compositions (concertos, quatuors, trios, duos) sont aujourd’hui oubliées, mais son Art du violon (1834) sert encore de référence. BAIRD (Tadeusz), compositeur polonais (Grodzisk Mazowiecki 1928 - Varsovie 1981). Il étudia la composition avec Kazimierz Sikorski, puis avec P. Rytel et P. Perkowski à l’École nationale supérieure de musique de Varsovie, où il travailla aussi le piano avec Wituski. Parallèlement, il suivit des cours de musicologie à l’université. Tadeusz Baird appartient à cette génération de compositeurs qui s’est trouvée isolée du développement de la nouvelle musique en Europe occidentale et aux États-Unis à partir des années 50, et qui, restant ainsi à l’écart du sérialisme, a, d’une manière générale, pratiqué une approche de la musique bien plus immédiate, axée sur l’exploration de la matière sonore et l’affinement du jeu instrumental. Ses premières oeuvres (symphonie no 1, concerto pour orchestre, quatuor à cordes, etc.) témoignent de cette tendance. Comme ses contemporains, il bénéficia de la création du festival d’automne de Varsovie (1956), dont la vocation est la promotion de la jeune musique ; la confrontation avec des compositeurs venus d’autres horizons et le contact avec d’autres styles d’écriture et conceptions musicales ne peuvent qu’élar- gir leur propre façon d’envisager l’univers du son. Si, pour lui, la musique continua « d’être une manière d’exprimer les émotions, les sentiments et les aventures intérieures » de sa vie, ses oeuvres, « une sorte de carnet de notes », son « autobiographie écrite en sons », Baird expérimenta différentes utilisations formelles d’organisation des sonorités. À partir du moment où sa musique suit en quelque sorte l’évolution de sa propre vie intérieure, les méthodes de composition doivent suivre le même itinéraire, comme si chaque nouvelle problématique musicale devait décider de sa mise en forme ; aussi bien est-il difficile de parler d’un style spécifique à Baird, mais faut-il au contraire souligner la multiplicité de sa démarche. Cela explique sans doute son incursion dans le drame musical (Demain, 1966), la diversité de son travail sur la voix - des Quatre Sonnets d’amour pour baryton et orchestre de chambre sur des textes de Shakespeare (1956) aux Quatre Chants pour mezzosoprano et orchestre de chambre (1966) ou aux Lettres de Goethe, cantate pour baryton, choeur et orchestre (1970) -, ou downloadModeText.vue.download 59 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 53 encore son exploration des possibilités de l’orchestre - du concerto pour orchestre (1953) aux Scènes pour violoncelle, harpe et orchestre (1977). BAKER (Janet), mezzo-soprano anglaise (Hatfield, Yorkshire, 1933). Profondément émue dès son jeune âge par le chant religieux, elle travaille le chant à Londres avec Helen Isepp, remporte en 1956 le prix Kathleen Ferrier et débute à la scène en 1959, au festival de Bath, dans le rôle de la sorcière de Didon et Énée de Purcell, ouvrage dans lequel elle interprétera plus tard le personnage de Didon. Ses succès en concert au festival d’Édimbourg, en 1960 et 1961, lui ouvrent une carrière internationale qu’elle mène de front comme récitaliste et comme cantatrice de théâtre dans les répertoires anglais, italien, français et allemand. Ses interprétations de Purcell, Haendel, Bach, Monteverdi, Cavalli, Gluck, Mozart, Berlioz (les Troyens), Mahler, Britten (le Viol de Lucrèce) sont particulièrement remarquables. Sa voix est longue, souple, et son timbre a une grande personnalité. BAKFARK (Bálint) ou Valentin Greff-Bakfark, luthiste et compositeur hongrois (Brassó-Kronchtadt, Transylvanie, 1507 ? - Padoue 1576). Il passa sa jeunesse à la cour de Jean de Zápolya, futur roi de Hongrie, et y apprit le luth. À la mort de son protecteur, il s’installa à la cour du roi de France, Henri II, puis à celle du roi de Pologne. Un long voyage le conduisit notamment à Lyon, où il fit imprimer son premier livre de pièces pour luth chez J. Moderne (1553). Après divers voyages et un séjour à Vienne au service de l’empereur Maximilien, il s’établit à Padoue, où il mourut de la peste, cinq ans plus tard. Avec les frères Neusiedler, Bakfark est l’un des premiers luthistes à avoir écrit des pièces de virtuosité pour l’instrument polyphonique seul. Son oeuvre conservée est généralement regroupée par genres : oeuvres originales pour le luth (fantaisies), transcriptions de motets, madrigaux et chansons d’autres compositeurs (Janequin, Sandrin, Arcadelt, etc.). BAL. Danse folklorique de caractère vif et de rythme binaire, en usage dans l’ouest de la France. BALAFON. Xylophone africain, portatif, composé d’une douzaine de grandes lames de bois dur reposant sur autant de calebasses faisant office de caisses de résonance. Avec de nombreuses variantes, le balafon est répandu dans toute la partie occidentale du continent noir. BALAKAUSKAS (Osvaldas), compositeur lituanien (Vilnius 1937). Il étudie la musique à Vilnius, puis à Kiev (1966-1969). Il compose essentiellement de la musique de chambre, mais écrit aussi quelques pièces pour orchestre : Symphonie (1973), Ad astra (1976). Son langage est d’essence webernienne, mais, depuis 1970, il tente de retrouver, par des modes de 8 et 9 tons, de nouvelles possibilités harmo- niques comparables aux modes, surtout pentatoniques, de la musique paysanne. Dans le domaine des rythmes, chez lui très organisés, il reprend à son compte les résultats acquis par B. Blacher et H. Searle. Fort élaborée techniquement, la musique de Balakauskas s’oppose à la tradition soviétique, vouée à la cantate académique et à la symphonie miaskovskienne. BALAKIREV (Mili Alexeïevitch), compositeur russe (Nijni-Novgorod 1837 Saint-Pétersbourg 1910). Cet autodidacte naquit dans un milieu de toute petite noblesse ruinée. Oulibichev, riche gentilhomme et excellent biographe de Mozart, lui permit de se former au contact de l’orchestre qu’il entretenait et, en 1855, le présenta à Glinka. En 1877, Balakirev entreprit la réédition de l’oeuvre de Glinka. La même admiration le poussa, pour tenter une réforme musicale fondée sur les principes de ce maître, à réunir autour de lui, à Saint-Pétersbourg, de jeunes dilettantes : Cui, Moussorgski, Rimski-Korsakov et Borodine ; ce fut la « puissante petite bande », plus connue sous le nom de « groupe des Cinq ». Pour divulguer et mettre en pratique les idées du groupe, Balakirev créa, en 1862, l’École libre de musique, consacrée à la diffusion des oeuvres russes. Il vivait au jour le jour : leçons de piano, prestations dans des salons ; il fut même employé de gare, mais trouva enfin une relative sécurité matérielle comme directeur de la Chapelle impériale (1883-1895), institution qu’il réorganisa profondément. Souvent souffrant, atteint d’une grave maladie, il avait un tempérament autoritaire qui fut cause de l’isolement dont il souffrit à la fin de sa vie. Sur le plan de la composition, une soif de perfection dans sa propre musique peut sembler une fuite devant l’achèvement d’un acte : il mit seize ans pour écrire Thamar, oeuvre de vingt-trois minutes, et trente-six ans pour sa première symphonie. Le folklore fut une source importante de son inspiration. Balakirev manqua sans doute de souffle et de spontanéité, mais, sans lui, il n’y aurait pas eu de continuateur de Glinka, et, peut-être, pas de musique nationale russe. OEUVRES PRINCIPALES . - Ouvertures, 2 symphonies, 2 poèmes symphoniques, 2 concertos pour piano et orchestre, oeuvres pour piano seul (sonate, mazurkas, valses), nombreuses mélodies, choeurs. BALALAÏKA. Instrument populaire russe de la famille du luth, à caisse triangulaire montée de trois cordes simples ou doubles. Comme la mandoline, dont elle se rapproche aussi par sa touche garnie de frettes, la balalaïka se prête au jeu mélodique par le va-et-vient rapide d’un plectre sur la corde, qui produit ainsi un son tremblé continu. Elle existe en plusieurs tessitures, de la basse au soprano. On peut rencontrer des ensembles de balalaïkas très fournis. BALASSA (Sandor), compositeur hongrois (Budapest 1935). Ayant abordé la musique à l’âge de dixsept ans, il étudia d’abord la direction chorale (1952-1956), puis la composition à l’Académie de musique de Budapest avec E. Szervansky (1960-1965). Depuis 1964, il est producteur au département musical de la radio hongroise. Il écrivit la cantate Âge d’or pour soprano, choeur et orchestre en 1965, Zénith pour contralto et orchestre en 1967, et parvint à la célébrité avec son Requiem pour Lajos Kassak pour soprano, ténor, basse, voix mixtes et orchestre (1969). Cette oeuvre obtint le premier prix de la Tribune internationale des compositeurs, à Paris, en 1972. La même année, Balassa reçut le prix Erkel. Ses oeuvres suivantes, parmi lesquelles Iris pour orchestre (1971) ou Lupercalia, « concerto in memoriam Igor Stravinski » pour ensemble d’instruments à vent (1972), lui ont valu une audience internationale. On lui doit aussi de la musique de chambre et des mélodies. Son esthétique, dans la tradition expressionniste d’Emil Petrovics, révèle une personnalité inquiète, parfois violente, mais aux dons mélodiques évidents. En témoigne l’opéra Sur le seuil, sur un livret de Gaza Fodor d’après Draussen vor der Tür de Wolfgang Borchert, composé de 1973 à 1977 et créé à Budapest en 1978. BALÁZS (Árpád), compositeur hongrois (Szentes 1937). Il fait ses études au conservatoire de Szeged, puis à l’Académie F.-Liszt de Budapest, dans la classe de composition de F. Farkas (1961-1964). Successeur spirituel de Bartók, utilisant fréquemment la veine populaire, il ne s’est pas limité à un postsérialisme d’éthique bartókienne. L’importance de son oeuvre chorale en fait un continuateur de Kodály. Balázs a également composé de la musique symphonique, une musique de ballet, Quatorze Pièces faciles pour piano, des arrangements de chansons populaires et des musiques de film et de scène. downloadModeText.vue.download 60 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 54 BALBASTRE (Claude), compositeur, organiste et claveciniste français (Dijon 1727 - Paris 1799). Élève de Claude et de Jean-Philippe Rameau, il s’établit, en 1750, à Paris, où il fut titulaire des orgues de Saint-Roch (1756) et de Notre-Dame (1760). Il occupa plusieurs fonctions à la Cour, notamment celles de maître de clavecin de Marie-Antoinette et du duc de Chartres et d’organiste de la chapelle royale. Il survécut à la Révolution en composant des hymnes de circonstance, qu’il jouait à Notre-Dame, désaffectée. Virtuose et improvisateur acclamé, il écrivit dans le style rococo de son temps des pièces agréables, mais assez pauvres d’invention : airs et ariettes, sonates en quatuor, pièces de clavecin, 14 concertos pour orgue (perdus), et, son oeuvre la plus populaire, un recueil de Noëls formant 4 suites avec des variations pour le clavecin ou le forte-piano, que l’on joue aussi à l’orgue, comme le faisait Balbastre lui-même. BALFE (Michael William), chanteur et compositeur irlandais (Dublin 1808 Rowney Abbey, Hertfordshire, 1870). D’abord violoniste, il devint à Londres l’élève du chanteur Ch. Horn et s’initia aussi à la composition. En 1825, il se rendit en Italie pour se perfectionner en chant et en contrepoint. Engagé par Rossini, à Paris, comme premier baryton, il chanta Figaro (le Barbier de Séville) avec succès en 1827. Il passa la saison 1829-30 à Palerme comme chanteur et y fit créer son premier opéra, I Rivali di se stessi. Après avoir été le partenaire de la Malibran à la Scala, il regagna l’Angleterre et, sans abandonner le chant ni renoncer à ses nombreuses tournées à travers l’Europe, il composa une trentaine d’opéras d’une écriture agréable, parmi lesquels The Bohemian Girl (1843) connut la célébrité dans plusieurs pays. BALLAD. Mot anglais désignant une chanson sentimentale, dont on trouve de multiples exemples dans la comédie musicale américaine. La ballad a été l’objet d’innombrables emprunts de la part des musiciens de jazz, qui l’interprètent généralement en tempo lent. Au répertoire des ballads de Hoagy Carmichael (Star Dust), Vernon Duke, George Gershwin, Jerome Kern, Cole Porter (Body and Soul), Richard Rodgers, les musiciens de jazz ont ajouté des pièces telles que I let a Song go out of my Heart, de Duke Ellington, et Round’bout Midnight, de Th. Monk. BALLADE. Une des formes fixes de la poésie lyrique du Moyen Âge, la ballade est une composition strophique, à l’origine monodique, puis polyphonique. Il s’agit d’une chanson à danser, formée d’une ou plusieurs strophes identiques et reliées entre elles par un refrain. Chaque strophe comporte deux phrases musicales (la première répétée), suivies généralement du refrain (schématiquement : AAB+ refrain). Au XIIIe siècle, la ballade est illustrée par les trouvères, notamment Adam de la Halle, au XIVe par les musiciens de l’Ars nova, comme Guillaume de Machaut, auteur de 42 ballades (1 seule monodique, 16 à deux voix). Au siècle suivant, la ballade poursuit son développement avec G. Dufay et G. Binchois. La plupart des textes mis en musique parlent d’amour courtois pour une dame chère et inaccessible. La forme disparaît à la fin du siècle ( ! BALLATA). En Angleterre, la ballad, chantée au XIIIe siècle par des ménestrels et des jongleurs, épouse la forme des quatrains, et la musique des différentes strophes ne varie pas. Comme la ballata et la ballade fran- çaise, la ballade anglaise n’est pas par les musiciens du XVIe siècle. Le réapparaîtra plus tard pour désigner pièce narrative (par exemple, Keats, Belle Dame sans merci). traitée terme une la En Allemagne, la ballade est également un genre narratif, cultivé au XVIIIe siècle sous l’influence anglaise (par exemple, Bürger, Lénore). À l’époque du « Sturm und Drang », des poètes romantiques, tels Schiller, Goethe, s’inspirent des légendes anciennes. Schubert, Schumann, Brahms les mettent en musique, avec accompagnement de piano. Enfin apparaît au XIXe siècle, la ballade instrumentale, dont les 4 ballades pour piano de Chopin sont le modèle. Citons aussi Fauré (Ballade pour piano et orchestre) et Ibert (Ballade de la geôle de Reading pour orchestre, d’après O. Wilde). BALLAD OPERA. Forme anglaise de théâtre lyrique au XVIIIe siècle, différente aussi bien de l’opéra que de l’opéra-comique. Les dialogues sont parlés, les airs et les choeurs sont empruntés soit à des chansons populaires, soit à des oeuvres de maîtres renommés (Purcell, Haendel). Les plus célèbres parmi les compositions de ce genre sont le Beggar’s Opera (l’Opéra des gueux) de J. Gay et J. Pepusch (1728) et The Devil to pay de Ch. Coffey (1731), qui, traduit en allemand sous le titre Der Teufel ist los, fut à l’origine du Singspiel en Allemagne et en Autriche. Vers la fin du siècle, les ressources des chansons populaires s’épuisant, on eut de plus en plus recours à une musique originale et le genre se rapprocha de l’opéra-comique. BALLARD. Famille d’éditeurs et d’imprimeurs de musique français. La maison fut fondée en 1551 par Robert Ballard († 1588) avec son cousin, le luthiste, Adrien Le Roy et reçut un privilège du roi Henri II. Pendant cette période furent imprimés nombre de chansons polyphoniques, de messes, de psaumes et de motets (Sermisy, Janequin, Le Jeune, Goudimel, Lassus). La direction de l’entreprise se transmit ensuite strictement de père en fils jusqu’à la fin du XVIIIe siècle et à la septième génération. Pierre († 1639) reçut de nouvelles lettres patentes en 1633. Il publia des pièces pour luth et des oeuvres de Du Caurroy, Moulinié, Titelouze ; Robert II après 1650, les oeuvres de Du Mont et des opéras de Cambert comme Pomone (1671) ; Christophe (1641-1715), qui fut imprimeur de l’Académie royale de musique, d’innombrables airs à boire ainsi que les tragédies lyriques de Lully et les opéras de Campra, Destouches, Desmarets. Sous la direction de Jean-Baptiste Christophe (v. 1663-1750), la concurrence devint redoutable et la maison commença à perdre son hégémonie tout en éditant Charpentier, Delalande, Couperin et Rameau. Suivirent Christophe Jean François (v. 1701-1765) et Pierre Robert Christophe († 1812), qui dirigea la maison jusqu’en 1788. BALLATA (ital. ballare, « danser »). Forme répandue en Italie de la fin du XIIIe au XVe siècle. C’est une composition strophique, à l’origine monodique, plus tard polyphonique, destinée au chant et à la danse, dont la structure correspond, dans le domaine français, non à la ballade, mais au virelai. La forme fondamentale est la suivante : un refrain (ripresa) ; deux phrases (piedi) qui se chantent sur une même mélodie ; puis le retour, sur un texte nouveau, mais empruntant les rimes du refrain, de la phrase musicale du début (c’est la volta) ; enfin, le retour du refrain (ripresa), texte et musique. Soit, schématiquement : A BB A’A. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, la ballata fit fureur, notamment à Florence, avec Landini. Elle fut cultivée aussi par Nicolaus da Perugia, Bartolino da Padova, Ciconia, puis Dufay et A. de Lantins, avant d’être détrônée par la frottola. BALLET (MUSIQUE DE). La musique et la danse étroitement unies dans un spectacle habilement conçu, cela arrive parfois, et l’on assiste à ce que l’on appelle « une parfaite réussite ». Cette fusion s’est réalisée en mainte occasion depuis que la danse est montée sur la scène (le Triomphe de l’Amour, mus. de Lully, chorégr. de Beauchamp et de Pécourt, 1681), depuis qu’elle est devenue théâtrale. downloadModeText.vue.download 61 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 55 Au fil des siècles, le public a pu bénéficier d’un certain nombre de ces réussites. De ces chefs-d’oeuvre, quelques-uns sont arrivés jusqu’à nous ; nous pouvons donc les voir et les entendre, tout à la fois, dans leurs formes premières, grâce à des documents, des partitions intactes, des notations. Peut-on expliquer ce qui a si parfaitement réussi à un chorégraphe et à un musicien dont la collaboration se voit couronnée de succès ? Peut-on oublier que certains prônent la composition d’un ballet sur n’importe quelle musique, que d’autres, des compositeurs de renom ou qui se jugent eux-mêmes plus artistes que le chorégraphe, pensent que leur musique souffrirait d’une adaptation chorégraphique ? Peut-on oublier aussi que des chorégraphes, au nom de leur inspiration, « massacrèrent » des partitions exceptionnelles, que des danseurs - hélas sans rythme - ratèrent de beaux ballets bien construits et que des compositeurs médiocres eurent quand même droit à des morceaux chorégraphiques d’une rare qualité ? Le problème des rapports entre la musique et la danse, la musique et le ballet, a toujours été soulevé et nul n’a pu y apporter de véritable solution. La question est encore entière. Musique préexistante ou musique composée spécialement ? Le chorégraphe doit-il suivre fidèlement la partition sans trahir le compositeur ou même, dans certains cas, le librettiste ? Doit-il écrire son propre argument, réaliser son canevas chorégraphique et commander sa musique à un compositeur qu’il aurait préalablement choisi ? Ou bien, encore, doit-il composer dans le silence et chercher ensuite une musique adéquate ? Au-delà de ces questions, on peut, pourtant, affirmer que la musique et la danse ont eu de tout temps des rapports étroits et privilégiés. N’y avait-il pas qu’un seul mot, « danse », pour désigner la suite de pas et l’air sur lequel elle s’exécutait ? Peut-être cette interdépendance est-elle à l’origine d’une émancipation que la musique et la danse recherchaient depuis que les premiers auteurs du XVe siècle tentèrent de codifier les pas de danse et de défi- nir la danse dans son unicité. Plus la danse s’élaborait, plus elle tendait à son autonomie. Engendrant son propre rythme, la danse pouvait donner son tempo à la musique qui la soutenait. Danses de cour ou danses villageoises, divertissement de l’homme civilisé de la cité ou de l’homme rustique, les danses franchirent un pas considérable à partir du moment où la danse, expression première de l’homme, devint spectacle. La musique devint support, soutien, faire-valoir ou, au contraire, impulsion, élément essentiel de la composition dansée. C’est sensiblement vers le XVIe siècle que danse et musique eurent leur identité propre. Les danses de cour (gaillardes, pavanes), les danseries issues de chansons s’ordonnancèrent peu à peu, se construisirent dans un lieu, non pas clos, mais délimité, où, au niveau du sol, on pouvait suivre les évolutions, et où, au niveau d’une galerie surélevée, on pouvait lire les dessins et la géométrie des évolutions des danseurs. Les premières danses décrites s’ornèrent d’additions, de variations rythmiques dont on retrouve l’existence dans les musiques correspondantes. Au Moyen Âge, dans les fêtes et les festivités, la danse est déjà un spectacle. Mais la forme de ces spectacles n’est pas définie : on y donne pêle-mêle, à côté de la danse, des chants, des pantomimes, des acrobaties, des pièces de poésie. Mais c’est à cette époque que la danse commence à devenir figurative, encore qu’il faille noter que les danses portées à la scène et celles dansées dans les salles de bal sont presque identiques. Leur amalgame en forme de ballet se fera sous l’emprise de la musique et leur structure se pliera aux règles musicales. En fait le ballet « spectacle » sera toujours associé - du moins jusqu’à la fin du XVIIIe siècle - au théâtre et à l’opéra. DU BALLET DE COUR À L’OPÉRA-BALLET. L’engouement pour le ballet français et la quasi-faillite de l’implantation de l’opéra italien en France, en dépit des tentatives de Mazarin, sont deux faits bien réels. Le ballet de cour vécut trois décennies. Dans ce divertissement, il faut distinguer, dès le début, les parties vocales avec leur accompagnement, et la partition instrumentale dédiée exclusivement à la danse, aux danses. Il est clair qu’il y a une nette séparation des compétences. Sous le règne de Louis XIII, les musiciens de la Chambre du roi ne s’abaissent pas à ce genre de composition ; ils en laissent le soin à d’autres artistes, mais non des moindres, tel Cambefort. Pierre Guédron compose pour sa part la musique du Ballet de la délivrance de Renaud (1617). Antoine Boesset, musicien favori du roi, collabore à presque tous les ballets de cour et son fils Jean-Baptiste travaille avec Lully. Au début du règne de Louis XIV, le ballet de cour a déjà une structure bien définie. C’est, de plus, un genre musical qui a la faveur des courtisans et du peuple ; c’est un genre musical essentiellement français. Jusqu’au début du XVIIe siècle, les genres lyriques et chorégraphiques demeurent séparés. Pour la création d’un ballet de cour, le musicien travaille en collaboration directe avec le chorégraphe (on disait, alors, le compositeur de ballet). La réputation des musiciens français est telle que les compositeurs italiens, appelés par Mazarin, sollicitent toujours le concours des compositeurs français pour créer la musique des différentes entrées. Cette façon de valoriser la danse par rapport à la partie lyrique est très significative de l’époque. Partitions de qualité pour la danse, passages plus simples pour les parties chantées et purement musicales. Ni Luigi Rossi ni Francesco Cavalli ne peuvent faire vivre l’opéra italien en France. C’est pourtant un autre Italien, Jean-Baptiste Lully, venu très jeune en France, qui, de l’emploi le plus humble, s’élève à la charge de surintendant de la musique et crée l’opéra français. Il écrit d’abord la musique de ballet des opéras de Cavalli et danse lui-même. Il collabore avec Molière et Beauchamp. Maître du menuet, Lully l’a mis à la mode à la Cour. Devenu danse royale par excellence, le menuet prend alors place dans la suite instrumentale. Avec un sûr instinct, Lully apporte au public français ce que ce dernier espère ; une version musicale d’un genre théâtral que lui ont révélé Corneille et Racine, la tragédie. Son premier opéra - le premier opéra français - Cadmus et Hermione (1673) est un succès. D’Alceste (1674) à Armide (1686), Lully déploie son art de compositeur de musique et de ballet. Dans les ballets, il donne une composition particulière à l’orchestre (violons, flûtes et hautbois). L’opéra-ballet survivra avec Pascal Collasse qui termine Achille et Polyxème (1687), commencé par Lully, et compose Thétis et Pélée (1689), les Saisons (1695). André Campra donne l’Europe galante (1697). Avec Jean-Philippe Rameau l’opéra-ballet connaît son second souffle (les Indes galantes, 1735 ; les Fêtes d’Hébé, 1739). Il s’éteindra pourtant, faute de successeurs, avec Rameau. Il étouffe sous les critiques : dans ce genre composite, la danse, un de ses attraits majeurs, est accusée de rompre la progression dramatique. Cette attaque porte en elle la justification de la scission qui va séparer l’opéra et le ballet. Encore verra-t-on imposer dans les opéras du milieu du XIXe siècle une action chorégraphique, un « ballet obligé » (la Traviata, les Vêpres siciliennes de Verdi ; la Damnation de Faust, les Troyens de Berlioz ; Eugène Onéguine, la Dame de pique de Tchaïkovski). DE GLUCK ET MOZART, COLLABORATEURS DE NOVERRE, AU BALLET ROMANTIQUE. Les Encyclopédistes incitent les artistes à un « retour à la nature ». Rousseau déplore l’introduction de la danse hors de l’action dramatique. Diderot pense que la pantomime doit être liée à l’action dramatique, mais que la danse, en fait, ne doit pas intervenir. On peut compter Gluck parmi les compositeurs de musique de ballet. Son Don Juan (Vienne, 1761) est le fruit d’une collaboration étroite entre son libretdownloadModeText.vue.download 62 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 56 tiste, Calzabigi, le chorégraphe Angiolini et lui-même. Orphée, créé à Vienne la même année, s’orne d’un grand ballet d’Angiolini à l’acte II ; dans une nouvelle version (1774), Gluck inclut 6 ballets d’action. Pour Alceste (1767), il travaille avec Noverre, pour qui la création d’un ballet repose essentiellement sur la construction chorégraphique, la composition de la musique n’intervenant qu’en dernier lieu. Gluck et Noverre collaborent également pour Iphigénie en Tauride (Paris, 1779), qui comporte, outre une danse finale, des interventions dansées dès le premier acte. Noverre compose les danses des Petits Riens de Mozart (Paris, 1778). Contrairement à Gluck, Mozart fait peu appel à la danse pour ses opéras. Les quelques séquences dansées des Noces de Figaro ou de la Flûte enchantée ne sont jamais gratuites et s’intègrent parfaitement à l’action dramatique. Peu enclin à travailler pour le ballet, Beethoven compose pourtant les Créatures de Prométhée pour le chorégraphe italien Salvatore Vigano, qui présente cet ouvrage à Vienne en 1801. Le romantisme en matière de ballet s’est révélé dans une tendance à l’exotisme (la Bayadère, la Péri) et une tendance à l’immatérialité, une vision fantomatique des êtres et du monde (la Sylphide). Le chorégraphe, qui a écrit son histoire, construit son ballet ; il impose son schéma au musicien. Les partitions ne sont guère brillantes, mais elles s’adaptent parfaitement à la chorégraphie et traduisent assez bien l’atmosphère du ballet. Jean-Madeleine Schneitzhöffer est l’auteur de la musique de plusieurs ballets, mais il doit de survivre à la Sylphide (1832), ballet que compose Filippo Taglioni pour sa fille Marie. Adolphe Adam a une renommée plus grande que celle du compositeur de la Sylphide. Il est l’auteur de la musique de la Fille du Danube (chorégr. F. Taglioni, 1836), et signe celle de Giselle ou les Wilis (1841), sur une chorégraphie de Jules Perrot et Jean Coralli. Boris Assafiev et Tchaïkovski font l’éloge de sa partition. Plus tard, il réalise la Fille de Gand pour Albert (1842), puis la partition du Diable à quatre (1845) et le Corsaire (1856), ballets chorégraphiés par Mazilier. Les musiques de ballet deviennent ensuite de plus en plus insignifiantes. On passe rapidement aux dernières décennies du XIXe siècle pour trouver Léo Delibes qui signe Coppélia (1870) et Sylvia (1876), que règlent respectivement Arthur SaintLéon et Louis Mérante. Les Deux Pigeons, musique de Messager (chorégr. de Mérante, 1886), ont encore une version dansée actuellement. DE BOURNONVILLE À PETIPA. Au XIXe siècle, August Bournonville (1805-1879) a une méthode toute personnelle pour composer un ballet et choisir sa musique. Ayant écrit le sujet de son futur ballet, il l’oublie dans un tiroir ; le retrouvant ensuite, il le lit, et, s’il le juge digne d’être monté en ballet, il fait alors appel à un musicien. À partir de ce moment, le musicien travaille seul sur les indications du chorégraphe. Son oeuvre terminée, les deux hommes se concertent, découvrant de part et d’autre des détails, des nuances que ni l’un ni l’autre n’ont entrevus. Arrangement, refonte de différentes parties, modifications s’effectuent à partir de confrontations. En définitive, chacun d’eux s’est habitué à l’idée de l’autre. Si la musique est bonne, la mélodie agréable, le rythme correspondant à la construction chorégraphique, la partition sera dansante et dansable. À la fin du XXe siècle, une virtuosité gratuite, les luttes incessantes des étoiles ternissent le lustre de la danse. Le ballet se sclérose, il s’enlise dans l’indigence et peu de tentatives viendront le sortir de l’ornière avant la venue en France des Ballets russes. En Russie la composition musicale pour les ballets est tout autre. Pugni, Minkus et Drigo ont la haute main sur la musique de ballet. Fonctionnaires appointés des théâtres impériaux, ces musiciens sont considérés en qualité de compositeurs de ballet et on les surnomme « musiciens à tiroirs ». Ce surnom leur vient d’une technique toute particulière de création. Avant l’innovation - d’un incomparable apport artistique - de la collaboration d’un chorégraphe et d’un musicien de renom, le chorégraphe « commandait » sa musique à un compositeur patenté. Petipa, avant de travailler avec Tchaïkovski, demandait à Léon Minkus, compositeur attitré du Bolchoï, la musique pour un ballet. Ce dernier, qui avait en réserve des séquences musicales composées au hasard de son inspiration et qu’il avait classées par genres, puisait dans ce stock pour assembler un tout cohérent pouvant s’adapter à la chorégraphie de l’auteur qui avait minutieusement précisé toutes les indications scéniques. Il suffisait au musicien de faire des « raccords » pour que la partition soit complète. Cesare Pugni (musique du Petit Cheval bossu, de la Fille du Pharaon, du Corsaire), Léon Minkus (musique de Don Quichotte, de la Bayadère) et Ricardo Drigo (musique du Talisman, des Millions d’Arlequin) ont composé de cette manière plus de trois cents musiques de ballet. Les premières versions de nombre de ballets, dont le succès les fit danser jusqu’à nos jours et même inscrire au répertoire de différents théâtres et compagnies, ont résisté au temps, non pas grâce à leur support musical, mais à la chorégraphie et au livret dans la ligne de l’époque. Le même ballet remonté sur une musique différente reste encore valable aujourd’hui (par exemple, le Prisonnier du Caucase). L’association de Tchaïkovski et de Petipa propose des horizons nouveaux au ballet. Qui se souvient des premières versions de la Belle au bois dormant, du Lac des cygnes... ? Même sujet, nouvelle chorégraphie de M. Petipa, sur une partition de Tchaïkovski, le ballet connaît le succès, la tradition le transmet et le préserve de génération en génération. Où se situe la différence ? Où se situe la frontière entre la postérité et l’oubli ? La musique a été associée à la danse de manière délibérée. Le musicien a composé pour le chorégraphe ; tous deux ont travaillé ensemble avec une même volonté : réaliser un ballet. LE DÉBUT DU XXE SIÈCLE : ISADORA DUNCAN, LES BALLETS RUSSES. Le ballet aurait plutôt tendance à négliger l’apport de la danseuse américaine Isadora Duncan (1878-1927), dont la technique, si elle peut être ignorée du ballet, dans sa conception strictement théâtrale, n’en a pas moins, pour certains, transformé la danse, qui, après elle, allait être différente. Elle rejeta tout : la discipline classique, les chaussons de pointe et le tutu. Elle dansait pieds nus ; elle improvisait sur des musiques qu’elle aimait et qu’elle « sentait ». Quand Isadora Duncan parut, la danse se mourait. De tout. De sa virtuosité, de sa musique sans vie. Du cloisonnement qui séparait les artistes. Pourtant elle ne voulut pas s’intéresser à une musique spécialement conçue pour la danse. Pas plus qu’elle ne se tourna vers les compositions contemporaines, dont elle trouvait les rythmes antinaturels, ne convenant pas aux mouvements et impulsions naturels du corps. Elle affirmait que les partitions de cette époque ne pouvaient pas s’ins- crire dans le contexte d’une harmonie universelle, à laquelle elle voulait faire tendre la danse. Elle dansa sur du Bach, du Beethoven, du Chopin, mais elle le faisait avec une certaine réticence, trouvant que « c’était un crime artistique que de danser sur de telles musiques ». Diaghilev, organisateur de concert, a déployé une large activité pour faire connaître à l’Europe les musiciens de l’école russe. Il organisa des concerts où l’on découvrit Boris Godounov (avec le ténor Féodor Chialiapine) et la Khovanchtchina de Moussorgski. Dès 1909, il présentait à Paris ses Ballets russes, dont l’apport musical a été considérable. Après les musiques édulcorées et sans relief des compositions de la fin du XIXe siècle et des premières années du XXe, l’éclatement des orchestrations contemporaines réveilla l’intérêt du public qui n’attendait que ce révélateur pour porter au plus haut une musique étonnante et d’un autre registre. Avec les Ballets russes, il y avait la danse, la danse exécutée avec ferveur et passion par des artistes au nom dès lors downloadModeText.vue.download 63 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 57 prestigieux (Karsavina, Fokine, Balanchine, Nijinski, etc.). Il y avait aussi, chaque soir de représentation, un véritable concert qui soulevait également l’enthousiasme - et, parfois, la contestation - du public. Les compositeurs russes sont largement représentés : Borodine (les « danses polovtsiennes » du Prince Igor), Rimski-Korsakov (le Coq d’or, Shéhérazade) et, surtout, Stravinski avec l’Oiseau de feu, le Sacre du printemps, Petrouchka, Pulchinella, les Noces. Debussy, à qui il avait été demandé d’écrire une musique pour les Ballets russes, répondit par son fameux « Pourquoi ? ». Quelle signification donnait-il à cette interrogation : pourquoi non, après tout, pourquoi pas... ? Et il écrivit l’Aprèsmidi d’un faune, qu’il fit suivre - en dépit du scandale provoqué par la chorégraphie « osée » de Nijinski - d’une autre partition, Jeux, que signa le même chorégraphe. Qui pouvait imaginer que des com- positions pour piano de Chopin seraient orchestrées ? C’est, pourtant, ce qui arriva à plusieurs d’entre elles que Michel Fokine choisit pour régler Chopiniana (appelé par la suite les Sylphides). La partition du ballet regroupe plusieurs pièces (2 préludes, 1 nocturne, 3 valses et 2 mazurkas), dont l’orchestration a été demandée à Glazounov et à Keller. Ce choix incita de nombreux chorégraphes à choisir des partitions de musiciens célèbres pour monter leurs ballets. Pendant vingt ans, les Ballets russes concentrèrent dans leurs programmes l’essentiel de la musique contemporaine, avec ses tendances, ses innovations techniques et ses esthétiques. Certes, l’ensemble de ces musiques ne tenait pas totalement du chef-d’oeuvre, mais c’était plutôt un panorama de la musique contemporaine. Ravel (Daphnis et Chloé), Manuel de Falla (le Tricorne), Richard Strauss (la Légende Joseph), Francis Poulenc (les Biches), Georges Auric (les Facheux), Eric Satie (Parade) et Prokofiev (le Fils prodigue) étaient inscrits au répertoire. Cocteau avait demandé à Diaghilev de l’étonner ; il ne fut pas le seul à l’être. Mais Diaghilev, en plus de cet immense étonnement de l’oreille, de l’oeil et du coeur qu’il suscita par ses spectacles, ouvrit la voie à toute la contemporanéité, que fit découvrir le ballet aux nouvelles générations. Après la mort de Diaghilev, plusieurs troupes tentèrent de faire revivre les moments d’exceptionnelle qualité que tous, public et artistes, vécurent de 1909 à 1929. Ainsi furent les tentatives des Ballets de Monte-Carlo, dont l’éclat n’eut qu’une courte durée. Les Ballets suédois (1920-1925) voulurent du nouveau. Ils choisirent d’être l’avant-garde. Le ballet moderne doit refléter la vie intellectuelle de son temps et associer au même titre poésie, peinture, musique et danse. L’innovation des Ballets suédois de Jean Borlin et de Rolf de Maré se situe plutôt au niveau de la scénographie (les Mariés de la tour Eiffel) que dans le domaine musical, où ils firent appel à Casella, Satie, Milhaud, Alfvén, entre autres. De son côté, Ida Rubinstein (18851960) offrit des spectacles, éblouissants feux d’artifice, que l’aidèrent à préparer peintres, décorateurs et chorégraphes en renom, et dont les musiciens avaient pour noms Debussy (le Martyre de saint Sébastien), Sauguet (David), Honegger (Amphion, Sémiramis). ATTITUDES ET TENTATIVES DES CHORÉGRAPHES CONTEMPORAINS. Bien qu’influencé par Isadora Duncan dans sa recherche de la liberté d’expression, Fokine jugera - contrairement à cette danseuse « libre » - que l’on peut danser sur toute musique. C’est même cette volonté délibérée d’adaptation qui lui a fait composer un nombre considérable de ballets de genres totalement différents. De Chopiniana à Petrouchka, en passant par le Spectre de la rose (Weber), Daphnis et Chloé, Bluebeard (Offenbach), Francesca da Rimini (Tchaïkovski) ou le Lieutenant Kije (Prokofiev), toutes les partitions étaient préexistantes. Balanchine, le maître du ballet abstrait, a fait de la danse le contrepoint visuel de chaque partition ; partition qui est toujours antérieure à la chorégraphie. Ses grands ballets figuratifs ont suivi la tradition de la création chorégraphique, mais ses oeuvres abstraites, elles, ont suivi rigoureusement les partitions. Non pas absolument « pas contre note », car la musicalité et la compétence musicale de Balanchine sont plus subtiles, plus nuancées que ce jeu strict et respectueux de l’écriture d’une partition. Il s’en joue, il retient, il devance, il retrouve la phrase, la note même. Sans histoire à raconter, la danse est belle, elle est juste, elle est souvent émouvante. Elle est musique visuelle. Serge Lifar, qui fit partie des Ballets russes, a affirmé dans son Manifeste du chorégraphe (1935) certaines idées concernant la libération du ballet de toute contrainte musicale. Il voulait que la danse retrouve son autonomie et que le ballet ne soit l’illustration d’aucun art. La danse a, en elle-même, son propre rythme et c’est le chorégraphe qui conçoit la base rythmique du ballet. Ainsi en a-t-il fait pour la création de son ballet Icare, pour lequel il dicta les rythmes au compositeur Georges Szyfer. Mais, en fait, cette libération était illusoire, car, même simplifiée à l’extrême, comme ce fut le cas, à une rythmique d’instruments à percussion, la partition existait effectivement. D’ailleurs, Lifar revint de lui-même sur cette attitude et prit certains accommodements avec la musique. La contrainte semble, certes, difficilement tolérable pour le chorégraphe ; mais le compositeur se retranche derrière cette même appréhension quand il s’agit de créer sous les directives impérieuses du chorégraphe. Comment donc concevoir une libre collaboration, sans asservissement d’aucune sorte ? Comment ne jamais trahir le dessein d’un compositeur, qu’il soit présent ou non, au moment de la création chorégraphique ? Par exemple, pour Michel Descombey (né en 1930), « l’idée d’un ballet naît soit d’une anecdote, soit d’une musique préexistante ». Dans le premier cas, il faut choisir une musique qui soit adéquate à l’anecdote, dans le second cas, il faut que l’atmosphère de la musique choisie détermine un thème. C’est le cas pour sa Symphonie concertante qu’il régla sur la partition de Frank Martin. Le thème en est « la solitude, le refus des autres ». La diversité des rythmes et des timbres de la partition permit au chorégraphe de trouver une forme parfaitement adaptée à sa composition chorégraphique. Il choisit la forme concertante qui utilise les ressources offertes par l’association de plusieurs solistes avec l’orchestre, de plusieurs solistes entre eux ou de groupes différents entre eux. Descombey a pratiquement disséqué la partition, travaillant au magnétophone, repassant de nombreuses fois une même séquence pour en apprécier la pulsion rythmique. L’oeuvre qu’il a composée de cette manière, il l’a transmise point par point à ses danseurs, dans la recherche d’une perfection synchronique. Des tentatives de tous ordres ont été faites pour rendre la danse indépendante de la musique, tout en conservant à la musique un rôle de support rythmique sans que l’on retombe dans les inepties du XIXe siècle, soit pour que la danse « colle » parfaitement à la partition ou pour qu’elle soit une visualisation de la partition. Le Jeune Homme et la Mort, ballet que réalisa Roland Petit, d’après des indications de Jean Cocteau, aussi bien pour l’argument et la chorégraphie que pour les décors et les costumes, a été répété sur une musique de jazz au rythme syncopé. Le jour de la première seulement, les interprètes surent qu’ils allaient danser sur la Passacaille de Bach. Quelle preuve évidente, alors, que le ballet possédait déjà son propre rythme ! À cette méthode de travail on peut, peut-être, opposer celle d’un Balanchine, par exemple, qui règle ses chorégraphies comme le musicien compose sa partition ou comme le peintre agence son tableau. C’est-à-dire qu’il assigne à chacun de ses gestes une valeur qui a une réelle importance dans l’ensemble de la composition et les uns par rapport aux autres. Ses structures chorégraphiques se sont parfaitement adaptées à la musique sérielle. Pourtant, par ailleurs, que dire de ses méthodes downloadModeText.vue.download 64 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 58 de travail avec Stravinski, lorsque tous deux envisageaient la création d’Orphée comme n’importe quels chorégraphe et compositeur du XIXe siècle, minutant, évaluant la durée possible d’une traversée de scène ? Autre personnage de la danse contemporaine, Maurice Béjart est un amoureux de la musique. « J’écoute la musique parce qu’elle représente la charpente de ma vie », dit-il. Il sait, sans doute plus que tout autre, que la danse, reflet d’un instant donné, se périme rapidement. Ne dit-il pas lui-même que ses propres oeuvres seront bientôt dépassées, qu’un autre que lui en aura une vision nouvelle ? Son Sacre du printemps, qui renouvelait la version qu’en avaient donné les Ballets russes, s’est vu affronté par celle qu’a créée récemment John Neumeier. Pour Béjart, c’est aussi grâce à Isadora Duncan que la danse a pu être envisagée dans une autre ambiance sonore. Il est persuadé que, si Webern avait connu et aimé la danse, il aurait compris son travail de chorégraphe et qu’il aurait approuvé son adaptation de sa musique. Les musiques qu’il utilise sont parfois désarticulées, parfois brusquement coupées par des interventions étrangères, insolites, mais, souvent, pour apporter une information visuelle complémentaire. Il a abordé des partitions nullement faites pour la danse et en a conçu des oeuvres qui sont d’amples visualisations de la musique. La construction géométrique de Symphonie pour un homme seul (de Pierre Henry et Pierre Schaeffer) l’avait frappé ; il en a été de même pour le Marteau sans maître et Pli selon pli de Pierre Boulez. Pour Maurice Béjart, un ballet que l’on regarde peut être à l’origine d’une meilleure compréhension de la musique. Pour lui, la musique gagne presque toujours à servir de support à la danse, même si la composition chorégraphique se permet certaines libertés de rythmes ou d’expression. Il choisit toujours ses musiques en toute liberté. Méfiant à l’égard des « commandes », il a pourtant travaillé avec Berio pour I trionfi, ballet qu’on lui avait commandé pour être créé à Florence, en hommage à Pétrarque. Sans doute étaitce la première partition contemporaine écrite dans de telles conditions, mais cette collaboration, ce travail de recherche ont été des plus fructueux. Béjart, que cette expérience a pleinement satisfait, semble prêt à recommencer. Mais peut-être de telles réalisations poseraient-elles avec acuité les problèmes de la collaboration. Problèmes qui sont loin d’être résolus et qui, s’ils touchent les parties artistiques et musicales de l’oeuvre, n’en sont pas moins le reflet d’affrontement de personnalités. QUELQUES QUESTIONS EN FORME DE CONCLUSION. Les rapports de la musique et de la danse peuvent être résumés à une simple question de rythme. Mais ce serait évidemment trop schématiser. En musique, certaines partitions sont très simples tant leur lecture est évidente ; les points de repère auditif sont nets et il est aisé de jalonner la composition chorégraphique grâce à ces références. Souvent cette simplicité n’est qu’apparente et il est difficile de détecter des jalons auditifs pour construire une danse cohérente et bien adaptée à la partition. Une question peut encore se poser. Comment la danse, art de l’éphémère, peut-elle résister à l’usure du temps ? Comment la danse, reflet d’un moment privilégié, d’une époque peut-être, peutelle être associée à une musique qui, elle, même si elle n’est pas un chef-d’oeuvre incontestable, a de larges moyens de conservation (partitions écrites, imprimées, enregistrements magnétiques, disques) ? La musique, telle que l’a composée un musicien, conserve son identité ; le style de la danse - même classique - évolue. Un même ballet, dansé par des générations différentes de danseurs, n’a pas à chaque époque la même apparence visuelle. Une symphonie de Beethoven sera presque toujours égale à elle-même, les subtilités des variations d’interprétation se situant au niveau de la direction d’orchestre. La survie, ou du moins la longévité d’un ballet, peut être considérée par rapport aux qualités de celui qui l’a créé chorégraphiquement, mais aussi par rapport à celui qui en a composé la musique. Certaines partitions, qui n’ont pas été créées pour le ballet, ont fort bien supporté cette existence parallèle. Des compositeurs qui aimaient la danse, qui ne la redoutaient ni comme rivale ni comme élément destructeur, ont réalisé des partitions intéressantes (Bacchus et Ariane d’Albert Roussel ou l’Amour sorcier de Manuel de Falla). C’est l’évolution même de la musique qui a rendu son association avec le ballet plus difficile. L’arythmie de la plupart des partitions musicales contemporaines oblige le chorégraphe à des ruptures de phrases, à d’incessantes modifications dans son discours. L’évolution savante, intellectuelle de la musique a banni en partie le lyrisme que la musique tonale permettait d’exprimer. L’émotion ressentie naguère a fait place, le plus souvent, à un état de tension qui est peut-être à l’origine d’une autre forme de sensibilité. Mais qui a le plus évolué ? La musique qui a trouvé d’autres langages au cours de ses incessantes recherches ou la danse qui parvient, pour vivre son époque, à se plier à une discipline plus rigide encore que celle dont elle entendait se délivrer ? BALLETTO (ital. ; « ballet »). Terme désignant en particulier une chanson strophique à danser, généralement à cinq voix et de structure simple, caractérisée par un refrain sur les syllabes « fala-la ». À cette chanson, pouvaient se joindre les instruments. Cette forme connut une grande vogue en Italie à la fin du XVIe siècle et franchit rapidement les frontières. Son représentant le plus célèbre fut Giovanni Gastoldi, dont les Balletti a cinque voci parurent en 1591. En Angleterre, Thomas Morley publia, en 1595, ses Balletts a 5, dont le célèbre Now is the Month of Naying, que Rosseter arrangea pour concert instrumental. Peu à peu, le balletto devint une forme purement ins- trumentale. BALLIF (Claude), compositeur français (Paris 1924). Il a fait ses études au conservatoire de Bordeaux, puis à celui de Paris (1948-1951) avec Noël Gallon, Tony Aubin et Olivier Messiaen. Il a ensuite (1951) travaillé à Berlin avec Boris Blacher et Josef Rufer, ainsi qu’à Darmstadt avec Hermann Scherchen. En 1955, il a obtenu le premier prix de composition au concours international de Genève pour son oeuvre Lovecraft, et enseigna aux Instituts français de Berlin (1955-1957) et de Hambourg (1957-58). Rentré en France en 1959, il a travaillé au Groupe de recherches musicales de l’O. R. T. F. avant d’entreprendre une carrière de professeur. Il a enseigné l’analyse et l’histoire de la musique à l’École normale de musique de Paris (1963-64), la pédagogie, puis l’analyse au conservatoire de Reims (à partir de 1964). En 1968, il a participé à la fondation du département de musique de l’université Paris-VIII (Vincennes), qu’il a ensuite dirigé pendant un an, et il est, depuis 1971, professeur d’analyse au Conservatoire de Paris. En 1978-79, il a passé un an comme professeur à l’université McGill de Montréal, tandis que le compositeur et professeur Bruce Mather le remplaçait à Paris. Libre de toute école, Claude Ballif a adopté, dès les années 50, une position particulière, refusant l’alternative tonalité-atonalité, ne voyant dans les termes « tonal », « atonal » ou « modal » que les reflets de situations limites, et développant pour sa part le concept de métatonalité, fondé sur une échelle de onze sons et capable de prendre en compte toute écriture musicale. Son Introduction à la métatonalité (1953) est parue en 1956. Il a publié également une monographie sur Berlioz (1968) et de nombreux articles, dont certains réunis en volume (Voyage de mon oreille, 1979). Solitaire non dépourvu d’humour, c’est un homme de culture doté d’une grande curiosité et d’une solide foi religieuse. downloadModeText.vue.download 65 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 59 On lui doit à ce jour une bonne soixan- taine d’ouvrages. Citons, pour piano solo, 5 Sonates (1953-1960), Airs comprimés op. 5 (1953), Pièces détachées op. 6 (1952-53), Bloc-notes op. 37 (1961) ; 4 Sonates pour orgue op. 14 (1956) ; pour flûte et piano, la Sonate op. 23 (1958) et Mouvements pour deux op. 27 (1959) ; 3 trios à cordes, 3 quatuors à cordes (1955-1959) et de la musique de chambre diverse ; 1 quatuor pour trio à cordes et percussion op. 48 (1975) ; la série des 6 Solfegiettos pour instrument so liste (de 1961 à 1975) ; Imaginaire I à VI, série d’ouvrages tous conçus pour 7 instruments et tous basés sur un seul intervalle ; pour orchestre, Lovecraft op. 13 (1955), Voyage de mon oreille op. 20 (1957), Fantasio op. 21 (1957), Fantasio grandioso op. 21 B (création en 1977), Ceci et cela (1959-1965), À cor et à cri op. 39 (1962) ; comme oeuvres religieuses, Quatre Antiennes à la Vierge (1952-1965), les Battements du coeur de Jésus pour trompette, trombone et double choeur (1971) et le requiem la Vie du monde qui vient (1953-1972, créé à Paris en mai 1974) ; comme ouvrages avec voix, Phrases sur le souffle op. 25 (1958), Fragment d’une ode à la faim op. 47 pour 12 voix solistes (1974), Poème de la félicité op. 50 pour 3 voix de femmes, guitare et 2 percussions (1977). On lui doit encore Cendres pour percussion (création en 1972), et, comme oeuvres récentes, Ivre-Moi-Immobile op. 49 pour clarinette, petit orchestre et percussion (1976), une sonate pour clarinette et piano op. 52 (1978), l’Habitant du labyrinthe op. 54 pour 2 percussions (1980), Un coup de dé-Mallarmé op. 53, contresujet musical pour choeur symphonique, 2 percussions, 2 timbales, 2 contrebasses et un ruban sonore (1978-1980), l’opéra Dracoula (1984), la farce lyrique Il suffit d’un peu d’air (1990-1991). Claude Ballif a reçu le prix Arthur Honegger en 1974 et le grand prix musical de la ville de Paris en 1980. BALLO. Forme musicale populaire en Italie au début du XVIIe siècle. Il s’agit d’une pièce de circonstance (mariage, visite d’une personnalité importante, etc.) écrite généralement pour une voix soliste, représentant le poète, qui chante des strophes entrecoupées de ritournelles instrumentales. Pour terminer, vient la danse, accompagnée par les instruments, avec ou sans la participation d’autres chanteurs. BAN ou BANNIUS (Joan Albert), théoricien et compositeur néerlandais (Haarlem v. 1597 - ? 1644). Ordonné prêtre, il termina sa vie comme archevêque de Haarlem. Nous ne savons rien de sa production musicale (si ce n’est que, dans la composition d’un air de cour, il eut le dessous face à Boesset, lors d’une dispute esthétique à laquelle se mêlèrent Descartes, Mersenne et les principaux musiciens de l’époque). Mais ses traités font autorité en ce qui concerne la musique du XVIIe siècle et, en particulier, la monodie. Le plus célèbre est Dissertatio epistolica de musicae natura, origine, progressu et denique studio bene instituendo (Haarlem, 1637). BANCHIERI (Adriano), compositeur italien (Bologne 1567 - id. 1634). Élève de Gioseffo Guami, il fut organiste à San Michele in Bosco, près de Bologne, puis à Imola. Ce bénédictin, devenu abbé du Monte Oliveto (1620), fonda l’Accademia de’ Floridi (1614) et joua un rôle fort important dans la vie musicale à Bologne, où on l’appelait Il Dissonante. Monteverdi, O. Vecchi et G. Diruta étaient en relation avec lui, et ses ouvrages théoriques, tels que la Cartella musicale (1614) concernant les ornements vocaux, comptent autant que ses compositions sacrées et profanes. L’Organo suonarino (1605) précise les règles de l’accompagnement à partir d’une basse chiffrée. Banchieri composa des canzone et des sonates dans le style brillant de G. Gabrieli, comme le recueil Moderna harmonia (1612), ou des oeuvres pour double choeur (cori spezzati) comme les Concerti ecclesiastici (avec accompagnement d’orgue pour le premier choeur, ce qui justifie le titre de concerto). Également poète (il écrivait sous le nom de Camillo Scaglieri), Banchieri fut l’auteur de comédies madrigalesques non destinées à la scène. Celles-ci contiennent des mélodies faciles, agréables, dans un style homophonique et sur des textes souvent comiques tirés de la vie de l’époque. Parmi ces oeuvres, citons La Pazzia senile (1598), où figurent déjà, fait exceptionnel à cette époque, des indications de nuances (« forte », « piano »), la Barca di Venezia per Padova (1605) et il Festino nella sera del Giovedi grasso avanti cena (1608). BANCQUART (Alain), compositeur français (Dieppe 1934). Il a fait ses études au Conservatoire de Paris (1952-1960), notamment avec Darius Milhaud, a été altiste à l’Orchestre national de l’O. R. T. F. (1961-1973), puis conseiller artistique de l’Orchestre national de France (1975-76), il est devenu ensuite inspecteur de la musique au ministère de la Culture (1977-1984) et producteur pour Radio-France de Perspectives du XXe siècle, puis professeur de composition au C. N. S. M. de Paris (1984-1995). Sa formation d’altiste et son expérience à l’intérieur d’un orchestre se reflètent dans sa musique, marquée par son goût des timbres et sa passion pour la poésie. Sa personnalité s’est affirmée dans une série d’oeuvres instrumentales, et, plus encore peut-être, dans l’alliance musique-poésie des oeuvres vocales et chorales. Citons, parmi les premières, la Naissance du geste pour orchestre à cordes et piano (1961), Symphonie en trois mouvements pour grand orchestre (1963), un concerto pour alto (1964), Passages pour grand orchestre (1966), Palimpestes pour 22 instrumentistes, où il a expérimenté l’emploi systématique des quarts de ton (1967), Écorces I pour violon et alto (1967), II pour violon, clarinette, cor et piano (1968) et III pour trio à cordes (1969), Thrène I (1967) et II (1976) pour trio à cordes, cette dernière pièce en deux versions, l’une scénique sur un texte de Marie-Claire Bancquart et de Pierre Dalle Nogare et l’autre instrumentale, Simple, 6 pièces pour orchestre (1972), Une et désunie pour 2 trios à cordes (1970, version pour 2 orchestres à cordes 1973). Et, parmi les secondes, Strophes pour choeur mixte et ensemble instrumental (1966), Ombre éclatée pour voix de femme et orchestre (1968), Proche pour voix de basse et violoncelle ou alto (1972), À la mémoire de ma mort pour choeur mixte a cappella (1975-76). De 1977 date Ma manière de chat pour harpe seule. La même année, Bancquart fut cofondateur du C. R. I. S. S. (Collectif de recherche instrumentale et de synthèse sonore), centré sur le traitement instru- mental du son électrique : dans l’opérathéâtre l’Amant déserté, sur un texte de Marie-Claire Bancquart et de Pierre Dalle Nogare (1978), l’électronique se mêle à des instruments traditionnels électrifiés et certaines scènes sont écrites en quarts de ton (il en existe aussi une version instrumentale). Bancquart a écrit ensuite une Symphonie pour grand orchestre que, malgré l’ouvrage de 1963, il considère comme sa première (1979), une Symphonie de chambre pour violoncelle en quarts de ton, flûte et 14 instruments à vent (1980), Ma Manière de double pour violon seul (1980), Herbier pour voix et violon (1980), Voix pour 12 chanteurs (1981), une Symphonie no 2 (1981), une Symphonie concertante pour harpe et 13 instruments (1981), une Symphonie no 3 (Fragment d’Apocalypse) pour solistes vocaux et instrumentaux et orchestre (1983), l’opéra de chambre les Tarots d’Ulysse (1984), Mémoires pour quatuor à cordes (1985), une Symphonie no 4 (1987), Nocturne pour trio à cordes et orchestre (1987), une Symphonie no 5 « Partage de Midi » (1992). BAND. Terme désignant le petit ensemble instrumental, base de l’exécution du jazz traditionnel. Le band est formé d’une section rythmique (batterie, piano, guitare ou banjo, contrebasse ou tuba) et d’une section mélodique (trompette ou cornet, trombone, downloadModeText.vue.download 66 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 60 clarinette, puis saxophone). Un ensemble plus important est appelé big band. BANDE. Jusqu’au XVIIIe siècle, il s’agit d’une formation orchestrale régulière, composée en principe d’instruments de même famille. À la cour de Louis XIV, la Grande Bande des violons du roy réunissait non seulement des violons, mais également des altos, des violoncelles et des violones. Tombé en désuétude depuis la fin de l’Ancien Régime, le terme a laissé des traces dans la langue anglaise, où le mot band désigne toujours les formations de type militaire, les fanfares, harmonies (brass bands) et, d’une façon générale, les ensembles où dominent les instruments à vent, y compris les jazz bands, dance bands, etc. BANDIR ou BENDIR. Tambour sur cadre utilisé dans le monde arabo-islamique et plus particulièrement dans le Maghreb. BANDONÉON. Instrument de musique à soufflet et anches libres, plus proche du concertina que de l’accordéon. Beaucoup plus grand que le concertina, et de forme carrée, il en possède toutes les autres caractéristiques. Sa pureté de son et son étendue considérable sont très appréciées dans les formations typiques sud-américaines. BANDOURA. Instrument folklorique russe à cordes pincées, d’origine tartare, également employé dans l’Orient musulman. Proche parente de la balalaïka, la bandoura s’en distingue par sa caisse ovoïde et par un nombre de cordes très variable. BANDURRIA. Instrument à cordes pincées, proche de la guitare et de la famille des cistres par la forme de sa caisse ; sa tessiture est aiguë. En usage en Espagne depuis le XVIe siècle, la bandurria comporte jusqu’à six cordes simples ou doubles, au lieu de trois à l’origine, et se joue avec un plectre d’écaille. BANISTER (John), compositeur et violoniste anglais (1630 - Londres 1679). Charles II le remarqua et l’envoya se perfectionner en France. En 1663, il fut nommé chef des Violons du roi, poste dont il fut écarté en 1667 au profit d’un Français, Louis Grabu. Banister composa des airs et organisa à Londres, en 1672, les premiers concerts publics à entrée payante qui aient eu lieu en Angleterre. BANJO. Instrument à cordes pincées du folklore négro-américain dont il a été fait grand usage au début du jazz. Le banjo, à quatre, cinq ou six cordes, se joue avec un plectre et produit un son bref, percutant. Vers 1930, les banjoïstes de l’école New Orleans, Danny Barker, Mancy Cara, Johnny Saint-Cyr, Bud Scott, ont cédé la place, dans la section rythmique de l’orchestre de jazz, aux guitaristes. BANKS (Don), compositeur australien (Melbourne 1923 - Sydney 1980). Fils d’un musicien de jazz, il étudia au conservatoire de sa ville natale, et s’installa en Angleterre en 1950, poursuivant sa formation auprès de Mátyás Seiber (1950-1952), puis auprès de Milton Babbitt à Salzbourg, de Luigi Dallapiccola à Florence et, enfin, de Luigi Nono. Sa première oeuvre publiée fut une sonate pour violon et piano (1953). Les Trois Études pour violoncelle et piano (1955), le Pezzo drammatico pour piano seul (1956) et le concerto pour cor, écrit pour son compatriote Barry Tuckwell (1965), relèvent de la technique sérielle, mais ce n’est pas le cas du trio pour cor, également destiné à Tuckwell. De 1961 date la Sonata da camera pour 8 instruments à la mémoire de M. Seiber. Equation I (1963-64), Equation II (1969) et Settings from Roget (1966) sont autant de tentatives pour mêler le jazz et la musique d’orchestre, cela dans la voie appelée par Gunther Schuller « troisième courant » (Third Stream), en opposant volontiers une musique de jazz se mouvant rapidement et une musique d’orchestre se mouvant lentement. Suivirent Tirade pour mezzo-soprano, piano, harpe et trois percussionnistes sur trois poèmes de l’Australien Peper Porter (1968) et Intersections pour sons électroniques et orchestre (1969). Parmi les oeuvres orchestrales de Don Banks, citons encore Divisions (1964-65), Assemblies (1966), et, surtout, le concerto pour violon (1968). Fondateur de l’Australian Musical Association à Londres, Banks a été président de la Society for the Promotion of New Music (1967-68), et, en 1969, cofondateur de la British Society for Electronic Music. Retourné en Australie en 1973, il y a occupé des postes d’enseignant à Canberra (1974) et à Sydney (1978). BANTI (Brigida), soprano italienne (Monticelli d’Ongina 1756 - Bologne 1806). Fille d’un chanteur de rue, elle débuta à Paris en 1776, séjourna à Londres en 1779-80, puis parcourut l’Europe avant de revenir en 1794 à Londres, où elle se produisit jusqu’à sa retraite en 1802. C’était une admirable actrice qui brillait particulièrement dans les récitatifs dramatiques. Elle savait à peine lire les notes et l’écriture, mais compensait cette lacune par une mémoire prodigieuse. En 1795, Haydn écrivit pour elle son plus bel air de concert, Berenice che fai ? (ou Scena di Berenice). BANTOCK (sir Granville), compositeur anglais (Londres 1868 - id. 1946). Étudiant à la Royal Academy of Music (1889-1892), il fut attiré par les sujets orientaux ou celtiques. De 1893 à 1896, il publia The New Quarterly Musical Review et défendit avec passion la musique de ses contemporains, dirigeant des concerts de « premières auditions », financièrement désastreux. Professeur à l’université de Birmingham jusqu’en 1933, il fonda son enseignement aussi bien sur les classiques que sur la musique vivante. Il composa des poèmes symphoniques (Fifine at the Fair), des symphonies (Celtic Symphony, Hebridean Symphony), des oeuvres chorales (Omar Khayyám, 1906-1909), des cycles de mélodies anglaises (Old English Suites, 1909) et trois opéras. BAR. Terme allemand employé au Moyen Âge, par les maîtres chanteurs, pour désigner leurs chants. Le bar comporte un nombre impair de strophes (3, 5 ou 7) ; chaque strophe contient deux couplets sur la même mélodie, suivis d’une section différente quant à la musique et au texte. La structure d’une strophe est généralement : AA’B. Ce plan se retrouve souvent dans les chorals protestants, chez J. S. Bach par exemple. BARBAUD (Pierre), compositeur français (Alger 1911 - Nice 1990). Après des études de lettres et de musicologie, il est bibliothécaire à la Bibliothèque nationale, puis professeur d’éducation musicale à l’Institut national des sports. Il entreprend, au cours des années 50, des travaux pour introduire la pensée mathématique et les méthodes qui en découlent dans la composition musicale. À partir de 1958, Barbaud utilise un ordinateur, devenu indispensable devant la complexité croissante des calculs, et abandonne la composition manuelle et la simulation pour la composition automatique. C’est le moment où il fonde le Groupe de musique algorithmique de Paris avec Roger Blanchard et Janine Charbonnier. On peut dire que les travaux et réalisations de Barbaud ont précédé ceux de Xenakis. En remplacement de M. Philippot, Barbaud a enseigné au Conservatoire de Paris (1977-78) l’informatique musicale, c’est-à-dire « l’élaboration, au moyen de l’ordinateur, d’une partition qui soit cohérente au regard d’une certaine grammaire des sons ». L’informatique musicale permet l’établissement artificiel d’un downloadModeText.vue.download 67 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 61 discours musical, parfois fondé sur les concepts a priori de l’harmonie traditionnelle (Lumpenmusik, 1974-1978), et laisse souvent intervenir le hasard pur, à condition qu’aucune règle ne soit violée. Mais Barbaud préfère explorer des terres inconnues (Maschinamentum firminiense, 1971 ; Terra ignota ubi sunt leones, 1973). Son attitude intellectuelle est si rigoureuse qu’il s’oblige à prendre tels quels les résultats obtenus par l’ordinateur. Tant qu’il n’a pas eu de convertisseur numériqueanalogique à sa disposition - c’est-à-dire jusqu’en 1974 -, Barbaud a dû effectuer lui-même le décodage des résultats fournis et faire exécuter la partition obtenue par des instruments traditionnels. En 1973, il s’associe avec l’acousticien F. Brown et l’informaticienne G. Klein, et fonde le groupe B. B. K. (Barbaud, Brown, Klein). Dans les Marteaux maîtrisés, sa musique dépasse les possibilités des instruments, et l’ordinateur se charge de l’exécution. Barbaud était persuadé que, à l’avenir, cette manière de procéder remplacerait la production artisanale de la musique. BARBEAU (Marius), anthropologue, ethnologue et folkloriste canadien (SainteMarie, Québec, 1883 - Ottawa 1969). Professeur à l’université Laval (Québec), il fut l’un des premiers à s’intéresser au folklore et devint le plus éminent folkloriste du Canada. Il recueillit des chansons populaires, les transcrivit et les publia. Il écrivit un ouvrage, The Folk Songs of French Canada (les Chants populaires du Canada francais), et, grâce à lui, le Musée national du Canada possède plus de 5 000 mélodies folkloriques. BARBER (Samuel), compositeur américain (West Chester, Pennsylvanie, 1910 New York 1981). D’abord chanteur, il devient élève du Curtis Institute de Philadelphie où il étudie la composition avec Rosario Scalero. Il obtient le prix Bearns de l’université Columbia, le prix de Rome américain et le prix Pulitzer (1935). Au cours d’un séjour à Rome, il écrit ses premières oeuvres (quatuor, symphonie et le célèbre Adagio pour cordes) dans un style néoromantique. Le concerto pour violon (1939) ouvre une nouvelle période qui comprend, entre autres, la 2e symphonie, le Capricorn Concerto pour flûte, hautbois, trompette et cordes, le concerto pour violoncelle, le quatuor à cordes no 2 et la suite de ballet Medea (1946). On y trouve pêle-mêle une rythmique plus complexe, une couleur orchestrale allant de Debussy à Webern, une tendance de plus en plus nette vers le contrepoint dissonant, voire la polytonalité. Puis, Knoxville, summer of 1915 pour soprano et orchestre, et une sonate pour piano dédiée à V. Horowitz constituent une incursion sans lendemain dans le dodécaphonisme, dont on ne trouve plus guère de trace dans des oeuvres ultérieures comme Prayers of Kierkegaard pour solistes, choeur et orchestre. Vanessa (1957), opéra sur un livret de Menotti, est une oeuvre plaisante, sincère et sans prétention. Anthony and Cleopatra (1966), autre partition lyrique, ne manque pas de puissance, mais évite toute audace. Ainsi, difficile à enfermer dans les limites d’une seule tendance, Barber apparaît-il avant tout comme un compositeur à la sûreté technique sans faille, ayant le sens de la mélodie et se maintenant avec prudence dans un juste milieu. BARBIER (Jean-Noël), pianiste français (Belfort 1920 - Paris 1994). Élève de Blanche Selva et de Lazare Levy, il interrompt ses études musicales en 1939. Après la guerre, il se consacre surtout à l’écriture, publiant des romans, des articles de critique musicale et, en 1961, un Dictionnaire des musiciens français. À partir de 1950, il donne des concerts consacrés le plus souvent à la musique française (Debussy, Déodat de Séverac, Ibert, Chabrier, etc.). Son enregistrement de l’intégrale des oeuvres pour piano seul de Satie est primé par l’Académie du disque français en 1971. En 1974, il est nommé directeur du conservatoire de Charenton. Il est apparu dans le film de Robert Bresson Au hasard Balthazar (1966). BARBIER (Jules), librettiste français (Paris 1822-id. 1901). Seul ou en collaboration avec Michel Carré, il fournit des livrets à Gounod (Faust, Philémon et Baucis, Roméo et Juliette), Meyerbeer (le Pardon de Ploërmel), Ambroise Thomas (Mignon, Francesca da Rimini, Hamlet), Offenbach (les Contes d’Hoffmann), Victor Massé (les Noces de Jeannette). BARBIERI (Francisco Asenjo), compositeur espagnol (Madrid 1823 - id. 1894). Il entra à quatorze ans au conservatoire de Madrid, mais, son père ayant été tué dans une émeute, il dut gagner sa vie comme clarinettiste dans une clique militaire, pianiste de café, copiste et chanteur (il aurait interprété Basile dans le Barbier de Séville). Il devint l’un des créateurs essentiels du théâtre musical espagnol, vite opposé au mélodrame italien, qu’il parodia volontiers. L’oeuvre demeurée la plus célèbre de Barbieri, la zarzuela El Barberillo de Lavapiés (1874), est d’ailleurs une parodie du grand opéra historique et du Barbier de Rossini. Barbieri composa près de 80 zarzuelas. Wagnérien de la première heure, animateur infatigable, homme de culture exceptionnelle, il fut l’une des figures les plus marquantes de la musique espagnole avant Manuel de Falla. Il publia une ample anthologie de musiques anciennes espagnoles (Cancionero musical de los siglos XV y XVI) et édita les oeuvres de Juan del Encina. Il fut organisateur de concerts, professeur d’histoire de la musique au conservatoire de Madrid, et il écrivit de nombreux articles musicologiques. BARBIREAU (Jacques ou Jacobus), compositeur flamand (Mons v. 1408 - Anvers 1491). Il occupa, de 1440 à 1491, le poste de maître de chapelle à la cathédrale d’Anvers, où il augmenta considérablement le nombre de chantres ; il eut J. Obrecht pour successeur. Vers la fin de sa vie, envoyé par l’empereur Maximilien à Buda, il y fut reçu en grande pompe en raison de sa renommée. Trois messes (Terribilment, Virgo parens Christi et Faulx perverse, dont les sombres couleurs annoncent P. de La Rue), un motet et un Kyrie montrent que Barbireau s’inscrit dans la ligne stylistique d’Ockeghem. Parmi ses sept chansons conservées, Een vroylic wesen, à 3 voix, fut très célèbre aux XVe et XVIe siècles, et se rencontre dans plusieurs versions différentes, vocales et instrumentales. BARBIROLLI (John), chef d’orchestre anglais d’origine italienne (Londres 1899 id. 1970). Après des études de violoncelle à la Royal Academy of Music (1912-1917), il entreprit une carrière de violoncelliste. En 1925, il créa un orchestre à cordes (Barbirolli Chamber Orchestra). Nommé directeur musical et premier chef d’orchestre à Covent Garden en 1926, il succéda, en 1936, à Toscanini à la tête de l’Orchestre philharmonique de New York. De retour en Angleterre en 1943, il prit et conserva jusqu’à sa mort la direction de l’Orchestre Hallé de Manchester, dont il étendit la réputation. Particulièrement inspiré par Berlioz, Brahms, Verdi, Mahler, Sibelius, Barbirolli a aussi défendu les compositeurs anglais modernes (Vaughan Williams, Bax, Walton). Il a également eu une activité de compositeur de musique orchestrale et d’arrangeur. BARBITOS. Instrument à cordes pincées de tessiture grave, proche de la harpe, qui semble avoir été répandu, avant l’ère chrétienne, dans la plupart des pays de civilisation grécoromaine. BARBIZET (Pierre), pianiste français (Arica, Chili, 1922 - Marseille 1990). Au Conservatoire de Paris, il obtient trois premiers prix (piano, 1944). En 1948, il reçoit le Grand Prix du Concours international de Scheveningen ; en 1949, il est lauréat du Concours Marguerite LongdownloadModeText.vue.download 68 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 62 Jacques Thibaud. Parallèlement à sa carrière de virtuose, il se produit dans un cabaret de Pigalle en compagnie de Samson François et Pierre-Petit. De 1963 à 1990, il dirige le conservatoire de Marseille et, en 1974, il est nommé professeur de piano au Conservatoire de Paris, où il crée les « Lundis du Conservatoire », série de concerts consacrés aux jeunes talents. Il a formé avec le violoniste Christian Ferras un duo très renommé. BARBLAN (Otto), compositeur suisse (Scans, Engadine, 1860 - Genève 1943). Après des études musicales à Coire et à Stuttgart, et des débuts comme professeur de musique à l’école cantonale de Coire, il se fixa à Genève, en 1887, pour y assurer la charge d’organiste à Saint-Pierre. Également directeur de la Société de chant sacré et professeur au conservatoire de Genève, à partir de 1892, il prit une part active à la révision de Il Coral (psautier en langue romanche) et à celle du psautier romand. Pédagogue, son rôle auprès des jeunes compositeurs fut important. Son oeuvre, influencée par l’esprit germanique, comprend essentiellement des pages vocales (choeurs, psaumes, cantates, chants patriotiques), des pièces instrumentales (piano, orgue) et de la musique de chambre. BARBOTEU (Georges), corniste et compositeur français (Alger 1924). Né dans une famille de musiciens, il commence des études de cor à neuf ans, obtient à onze ans un premier prix au conservatoire d’Alger dans la classe de son père et devient premier soliste à l’orchestre symphonique de Radio-Alger en 1940. Il entre à l’Orchestre national de la R.T.F. en 1948, remporte le prix d’honneur de cor au conservatoire de Paris (1950) et le premier prix au Concours de Genève (1951). Professeur au Conservatoire de Paris depuis 1963, il poursuit une carrière de soliste, de musicien d’orchestre et de pédagogue. Ses stages à Darmstadt auprès de Stockhausen et son activité de compositeur témoignent de son intérêt pour la musique contemporaine. BARCAROLLE. Chant évoquant une atmosphère marine, et plus particulièrement les gondoliers vénitiens. Son rythme caractéristique, généralement à 6/8 ( ), suggère le balancement d’un bateau sur l’eau. La barcarolle se rencontre notamment dans la littérature pianistique (Chopin, Mendelssohn, Fauré), mais aussi dans l’opéra, par exemple chez Rossini (Otello et Guillaume Tell), chez Offenbach (les Contes d’Hoffmann), sans oublier le sublime trio de Cosi fan tutte (Mozart) « Soave sia il vento », qui y puise son inspiration. BARDE. Poète et chanteur de l’Antiquité celte, qui s’accompagnait sur un instrument traditionnel, le crwth. La conquête romaine et, surtout, l’évangélisation de la Gaule et des îles Britanniques ont fait disparaître la caste sacerdotale des bardes, qui vivaient dans la maison des grands seigneurs dont leurs chants conservaient la mémoire et célébraient les exploits. Les bardes ont, toutefois, subsisté au pays de Galles fort avant dans le Moyen Âge, à la cour de nombreux roitelets qui avaient conservé le goût de la poésie nationale. Au XIIIe siècle, l’unification de la Grande-Bretagne jeta à la rue ces trouvères d’un genre particulier, qui en furent réduits à la mendicité. Leur rôle avait été considérable dans le maintien d’une très riche tradition orale, et leur nom continue d’être donné aux poètes épiques ou lyriques, quelle que soit leur origine. BARDI (Giovanni), comte DI VERNIO, mécène, humaniste et compositeur italien (Florence 1534 - Rome 1612). Dès 1576, il réunissait à Florence des savants et artistes dont les réflexions s’inspiraient des idées de la Grèce antique. Les travaux de cette Camerata fiorentina (ou Camerata Bardi) contribuèrent grandement au développement du récitatif chanté fondé sur le stile rappresentativo. En 1592, Bardi quitta Florence pour Rome, où il fut au service du pape Clément VIII jusqu’en 1605. Il avait écrit des intermèdes musicaux pour des fêtes données à Florence, mais il ne nous reste de ses compositions que deux madrigaux à 4 et 5 voix. On a conservé également son Discorso mandato a Caccini sopra la musica antica. BARENBOÏM (Daniel), pianiste et chef d’orchestre israélien (Buenos Aires 1942). Il fait ses débuts de pianiste à l’âge de sept ans, à Buenos Aires. Il a ensuite, parmi ses professeurs, Edwin Fischer, Nadia Boulanger et Igor Markevitch. En même temps que grandit rapidement sa réputation de pianiste, il aborde, en 1962, la direction d’orchestre et travaille beaucoup avec l’Orchestre de chambre anglais. Avec cet ensemble, ses interprétations de Mozart, aussi bien comme chef d’orchestre (symphonies) que comme pianiste et chef (concertos), font très vite autorité. Il aborde alors la direction d’orchestre symphonique, où il acquiert aussi une grande réputation. Nommé directeur de l’Orchestre de Paris en 1974, il prend ses fonctions la saison suivante, pour les conserver jusqu’en 1988. En 1989, il est nommé directeur musical de l’Opéra de la Bastille, mais doit abandonner ces fonctions. En 1990, il succède à Solti à la tête de l’Orchestre de Chicago. Son successeur à l’Orchestre de Paris est Semyon Bychkov, dont le contrat viendra à terme en 1998. C’est un artiste prodigieusement doué, dont la polyvalence et la curiosité insatiable sont très caractéristiques de sa génération. Il pratique le piano en solo, en concerto, en musique de chambre, en accompagnement de chanteurs de lieder, et la direction d’orchestre en musique symphonique et en opéra. BÄRENREITER VERLAG. Maison allemande d’édition de musique, fondée en 1924 à Augsbourg par Karl Vötterle. En 1927, elle a été transférée à Kassel, d’où ses initiales BVK. Des filiales ont été créées à Bâle (1944), à Londres et à New York (1957) ; la filiale française, née en 1963, s’est installée en 1970 à Chambraylès-Tours (Indre-et-Loire) et a disparu en 1979. Parmi les nombreux ouvrages édités par BVK figure le célèbre dictionnaire Die Musik in Geschichte und Gegenwart (MGG). BVK publie plusieurs périodiques musicologiques et l’une de ses branches est consacrée à l’édition de disques. BARIOLAGE. Dans les instruments à cordes frottées, coup d’archet faisant alterner deux cordes ou bien entendre une note alternativement avec un doigt appuyé et avec la corde à vide. BARKAUSKAS (Vytautas), compositeur lituanien (Vilnius 1931). Après des études au conservatoire de Vilnius, il enseigne la théorie musicale dans ce même établissement, à partir de 1961. Depuis 1964, Barkauskas use d’un dodécaphonisme élargi, d’abord dans ses compositions de chambre (cycle de piano Poésie, 1964 ; Partita pour violon seul, 1967, etc.), puis dans des oeuvres vocales telles que La vostra nominanza e color d’erba (choeur de chambre et quintette à cordes, 1971). Il s’est fait connaître par les prix d’État attribués à des commandes officielles : Hommage à la révolution (1967) et la 2e symphonie (1971). BARKER (Charles Spackmann), facteur d’orgues anglais (Bath 1804 - Maidstone 1879). Il s’installa à Paris de 1837 à 1870, puis à Londres. Il construisit les orgues de Saint-Augustin, à Paris, de Saint-Pierre, à Montrouge, et ceux des cathédrales de Dublin et de Cork. Il est surtout connu pour avoir inventé une machine pneumatique à laquelle on a donné son nom : des leviers pneumatiques assistent la tracdownloadModeText.vue.download 69 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 63 tion des notes et permettent l’accouplement des claviers sans durcir le toucher. Aujourd’hui, la traction électrique, d’une part, le retour à une mécanique légère, souple et bien réglée, d’autre part, ont conduit à abandonner la machine Barker. BARLOW (Fred), compositeur français (Mulhouse 1881 - Boulogne-sur-Seine 1951). Pendant ses études d’ingénieur à l’École polytechnique de Zurich, il composa en amateur ses premières mélodies. En 1908, il vint s’installer à Paris pour travailler la musique. Ses maîtres, Jean Huré et Charles Koechlin, le libérèrent de sa passion pour Wagner ; ils lui firent connaître les richesses des modes anciens et les subtilités de la musique française moderne, que Barlow unit à son inspiration délibérément simple, douce, mais éloquente. Son oeuvre comprend notamment des pièces pour piano, dont de nombreux morceaux pour enfants, de la musique de chambre, l’opéra-comique Sylvie d’après G. de Nerval (1923), où s’exprime une troublante poésie, l’opérette Mam’zelle Prud’homme (1932), qui retrouve la verve d’Offenbach et la distinction de Messager, et deux ballets. BARONI (Leonora), chanteuse, compositeur, gambiste et théorbiste italienne (Mantoue 1611 - Rome 1670). Elle s’installa à Rome et sa célébrité y devint considérable à partir de 1630. Le violiste francais Maugars, séjournant dans cette ville, pensait en l’écoutant « estre desjà parmy les anges... » C’était une musicienne complète, un esprit brillant, qui se mêlait aussi de politique. Milton lui dédia son poème, inspiré de la Leonora du Tasse, Ad Leanoram Romae Canentem. Mazarin, qui fut à Rome son ami et peut-être son amant, la fit venir à la cour de France en 1643. Malgré un accueil extrêmement favorable et l’amitié d’Anne d’Autriche, elle ne s’y plut guère et retourna à Rome en 1645. Mais son séjour avait contribué à développer le goût pour l’art vocal italien et préparé le succès de l’Orfeo de Luigi Rossi (1647). BAROQUE. Ce terme contient l’idée d’une forme irrégulière, voire bizarre, et implique à l’origine une nuance péjorative. Il s’applique à un style dans l’histoire de tous les arts, y compris la musique, et correspond à une époque située entre 1600 et 1750 environ. Le baroque musical est né avec la monodie accompagnée et l’invention de la basse continue, opposant le stile moderno au stile antico de la Renaissance, dans la lignée de Palestrina et de la musique polyphonique. E. d’Ors précise que le style du baroque est conçu dans des « formes qui s’envolent » par opposition au classicisme qui emploie des « formes qui pèsent ». Pour Suzanne Clercx, « le baroque est un art de mouvement, c’est-à-dire un art où le dynamisme apparaît comme un caractère permanent [...], un art de variation, d’abondance, qui, fatalement, entraîne au maniérisme ». Il inclut en effet un goût de l’ornementation et de la virtuosité, souvent poussé par la vanité humaine à des excès dont parlent nombre d’écrivains de l’époque. Le baroque révèle le besoin de créer un monde irréel, extravagant, peuplé de contrastes bien marqués comme, en musique, ceux entre « forte » et « piano ». À cette époque apparaissent l’opéra, l’oratorio, la cantate ; la musique instrumentale se développe (concerto, sonate et toutes les musiques pour instruments à clavier, en particulier l’orgue). Ces différentes formes se divisent en trois groupes de style caractéristique : l’église (chiesa), la chambre (camera) et, bien entendu, le théâtre, puisque le baroque est un spectacle permanent. Ainsi, la sonate d’église et la cantate religieuse se distinguent-elles de la sonate de chambre et ses mouvements de danse et de la cantate de chambre, souvent dramatique, qui se rapproche du troisième groupe, celui de l’opéra. La forme a tre (à trois) est très caractéristique de l’écriture musicale baroque. Elle se compose de deux parties mélodiques (vocales ou instrumentales) soutenues par une troisième partie, la basse continue, qui comprend elle-même en général deux instruments, un instrument polyphonique et un à archet. C’est également à cette époque que s’affirment le sens de la tonalité et celui de l’harmonie. Dans la mesure où la monodie accompagnée et l’opéra se développent surtout en Italie, on peut dire que le style baroque en musique est né dans ce pays. En effet, l’Italie est, au XVIIe siècle, le principal centre d’une écriture fondée sur la basse continue, d’abord avec les musiciens de la Camerata fiorentina, Monteverdi, les membres de l’école romaine (L. Rossi, Carissimi, A. Cesti) et ceux de l’école vénitienne (F. Cavalli, G. Legrenzi). C’est dans la lignée des modèles italiens de l’opéra, de la cantate, de l’oratorio que se placent les musiciens allemands, de Schütz à Haendel, et aussi, le plus grand compositeur anglais du XVIIe siècle, Henry Purcell. À la même époque fleurit en Italie une production instrumentale qui, ayant pour point de départ la sonate et la sonate à trois, trouve, grâce aux efforts de Stradella, de Corelli, de Torelli et enfin de Vivaldi, sa structure définitive dans le concerto et la sonate classiques, dont les formes se consolideront, après Bach, avec son fils Carl Philip Emanuel et avec Haydn. En France, en revanche, il est difficile et parfois imprudent de parler de baroque en musique. La pratique de la basse continue s’y introduit très tard - vers 1640 -, et le luth, essentiellement un instrument de la Renaissance, garde sa suprématie. Dans ce pays se crée la tragédie lyrique, basée sur une déclamation régie par le rythme du langage racinien, en opposition avec le récitatif souple et parfois fort rapide des Italiens, beaucoup plus proche de la langue parlée. Quant à la musique instrumentale qui prend forme alors, elle est inspirée des rythmes de danse de toutes sortes provenant des ballets de cour et du répertoire des luthistes. Ainsi se dessine la suite française. C’est Lully qui, mêlant ces éléments préexistants à ceux de son Italie natale, amène la musique française, à peine sortie de la Renaissance, directement à un style dit « classique », contenant peu d’aspects baroques. Le baroque se définit donc en musique comme une déformation des techniques déjà existantes, leur mélange avec d’autres techniques naissantes fondées sur l’emploi de la basse continue et sur des « effets ». Peut-être l’exemple le plus frappant de ce mélange est-il la vaste fresque religieuse de Claudio Monteverdi : les Vêpres de la Vierge (1610). BARRAGE. Sur le piano, ensemble de barres en métal ou en bois servant à renforcer la caisse, ce qui permet d’accroître la tension des cordes. L’invention en est attribuée à Sébastien Érard. Sur le luth, le barrage consiste à renforcer la table d’harmonie, très fragile, par une série de fines lattes de bois. BARRAINE (Elsa), femme compositeur française (Paris 1910). Elle travaille avec Paul Dukas et obtient en 1929 le premier grand prix de Rome. Elle écrit deux symphonies (1931, 1938), riches, chatoyantes, encore traditionnelles. Poésie ininterrompue, d’après Eluard (1948), marque une évolution vers une expression plus vive et plus audacieuse. Viennent ensuite les Variations pour percussion et piano (1950) et la Nativité (1951). Le Livre des morts tibétain (auquel s’intéressera aussi Pierre Henry) est pour elle une illumination qui porte et inspire sa Musique rituelle pour orgue, tam-tam et xylophone (1968), l’une des oeuvres les plus marquantes qu’ait écrites cette « musicienne de l’essentiel » (C. Rostand). Citons aussi la Cantate du vendredi saint (1955). Elsa Barraine a aussi écrit des musiques de film, et le ballet la Chanson du mal-aimé (1950). En 1969, Elsa Barraine devient titulaire d’une classe d’analyse au Conservatoire de Paris. Dans le cadre de la Fédération musicale populaire, qui regroupe des chorales, et en collaboration avec le compositeur François Vercken, elle suscite des downloadModeText.vue.download 70 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 64 oeuvres nouvelles, jouant le rôle de médiatrice entre les chanteurs amateurs et les compositeurs. BARRAQUÉ (Jean), compositeur français (Puteaux 1928 - Paris 1973). Issu d’une famille bourgeoise, il apprit d’abord le piano et travailla au Conservatoire de Paris l’harmonie, le contrepoint et la fugue avec Jean Langlais, puis, de 1948 à 1951, l’analyse avec Olivier Messiaen. Compositeur exclusivement et fièrement sériel, il n’a laissé que six ouvrages auxquels vient s’ajouter son Étude pour bande magnétique (1954), résultat de ses travaux avec Pierre Schaeffer (1951-1954). Mais ses oeuvres sont de celles qui marquent une époque. Les deux premières sont la Sonate pour piano (1950-1952) et Séquence pour soprano, ensemble instrumental et percussions (1950-1955). La Sonate, la plus monumentale peut-être depuis la Hammerklavier de Beethoven, est en deux parties, de dimensions à peu près égales, mais dont la première, aux arêtes vives, est surtout rapide, et la seconde, envahie peu à peu de zones de silence, surtout lente. Elle ne fut créée - au disque ! - qu’en 1957, et on ne l’entendit en concert qu’en 1967. De Séquence, la version initiale date de 1950. Plus tard, Barraqué remplaça les poèmes de Rimbaud et d’Eluard par des poèmes de Nietzsche, et, en 1955 encore, ajouta deux interludes instrumentaux. L’ouvrage fut créé en 1956. La même année, Barraqué découvrit le roman de Hermann Broch la Mort de Virgile (achevé en 1947), et fut d’emblée captivé par cette vaste méditation, si proche de ses préoccupations propres, sur les rapports entre l’art, l’artiste et la société. « Le livre dépeint les dix-huit dernières heures de la vie de Virgile, depuis son arrivée au port de Brindisium (l’actuel Brindisi) jusqu’à sa mort dans l’après-midi du lendemain au palais d’Auguste. Bien que rédigé à la troisième personne, il s’agit d’un monologue du poète. C’est avant tout un bilan de sa vie, du bien-fondé - ou non - moral de cette vie, du bien-fondé - ou non du travail poétique auquel cette vie fut consacrée (Virgile désirait que toute son oeuvre fût détruite), mais, comme toute son existence est liée à son époque, ce bilan embrasse la totalité des courants spirituels et souvent mystiques qui parcoururent l’Empire romain en ce dernier siècle avant le Christ, et qui ont fait de Virgile un précurseur du christianisme » (Broch). Barraqué, fasciné notamment par le concept de la méditation à l’orée de la mort, conçut le projet (que sa démesure voulue condamnait d’avance à l’inachèvement) d’une vaste série de compositions, du piano solo à l’opéra, constituant un cycle de commentaires et de paraphrases des quatre parties du roman. La mort prématurée du compositeur, ainsi que la lenteur qu’il apportait à l’acte d’écrire, comme s’il s’agissait à chaque instant d’une question de vie ou de mort, ne lui permirent de mener à bien que ...au-delà du hasard pour quatre formations instrumentales et une formation vocale (195859, création en 1960) ; Chant après chant pour soprano, piano et 6 percussionnistes (1966) ; le Temps restitué pour soprano, soprano dramatique, choeur mixte à 12 voix et 31 instruments (1956-1968, créa- tion en 1968) ; et Concerto pour clarinette, vibraphone et 6 formations instrumentales (1968). De ces quatre partitions, les trois premières utilisent à des titres divers le texte de Broch, alors que la quatrième se rattache au roman de manière indirecte. Toutes unissent la rigueur intellectuelle la plus intransigeante et le romantisme le plus généreux et le plus ardent : c’est ainsi notamment que Barraqué put s’inscrire dans la descendance de Beethoven, maître qu’il révérait par-dessus tout. Tant par ses travaux sur la série - qui le conduisirent au système des séries proliférantes (permettant, à partir d’une série initiale, l’engendrement de séries dérivées toutes différentes, mais restant apparentées à l’originale) - que par ses recherches formelles, Barraqué ne ménage ni l’interprète ni l’auditeur, mais quelle récompense à l’issue de l’effort ! « La musique c’est le drame, c’est le pathétique, c’est la mort », disait-il. Cet athée solitaire, qui ne vivait que pour la musique, laissa peut-être la musique le détruire. La maladie exécuta ce que lui-même n’osa peut-être pas faire : arrêter sa vie, une vie qui avait été une fusion constante d’exaltation, de désespoir, de crises agressives, de persécution et de fureur. Conscient de sa valeur, il vécut et travailla en marge de la vie musicale. Son bagage ne représente que trois heures et demie de musique, mais peut-être faudrat-il plusieurs générations pour en mesurer la profondeur et les résonances. Auteur également d’une importante monographie sur Debussy (Paris, 1962) et de Debussy ou la naissance des formes ouvertes, thèse pour le C. N. R. S. (1962), il laissa à sa mort, en état d’inachèvement et sous un aspect à peu près indéchiffrable, Lysanias pour solistes, choeurs et grand orchestre, les Portiques du feu pour 18 voix a cappella et les Hymnes à Plotia I pour quatuor à cordes et II pour piano, cela sans compter divers projets parmi lesquels, pour la scène, l’Homme couché. BARRAUD (Henry), compositeur français (Bordeaux 1900). Après avoir été, à Paris, l’élève de Georges Caussade, Paul Dukas et Louis Aubert, il a mené parallèlement des activités de compositeur et d’organisateur, d’homme d’action. Il a été directeur des programmes musicaux à la R. T. F. de 1944 à 1948 et directeur de la chaîne nationale de 1948 à 1966. À ces deux postes, il a innové, atti- rant au micro Gide, Claudel, y créant dès 1944 une « intégrale Stravinski » et aidant un Boulez, un Xenakis et bien d’autres à s’imposer à une large audience. Plus récemment, son émission hebdomadaire « Regards sur la musique » est devenue l’une des plus écoutées des mélomanes. Sa curiosité pour tous les styles ne l’a pas empêché de développer une écriture très homogène et très caractéristique, avec un rythme qui lui est propre (commandé souvent par une figure de brève accentuée, obstinément suivie d’une longue appuyée), un goût pour les nombreuses subdivisions métriques produisant la vivacité du tempo, une largeur de mouvement sous-jacente et, surtout, une savante polyphonie, ne reculant pas devant la dissonance, qui le place sans aucun doute dans la descendance de Roussel. C’est une musique rigoureuse, noble, capable pourtant d’émotion immédiate, chargée d’un romantisme latent ; une musique apte à la méditation, à l’expression du spirituel et du métaphysique, mais aussi de l’humour (Trois Lettres de Madame de Sévigné, 1938 ; la Farce de Maître Pathelin, opéracomique, 1938 ; Huit Chantefables pour les enfants sages, texte de R. Desnos, 1946) et même d’une fantaisie surréaliste (le Roi Gordogane, opéra, 1975). Barraud a abordé des sujets ambitieux, et a su se montrer à leur hauteur, par exemple, dans l’oratorio le Mystère des saints Innocents, d’après Péguy (1946), dans la tragédie lyrique Numance (1952 ; Barraud en a tiré une Symphonie de Numance), dans Une saison en enfer, d’après Rimbaud (1968-69), la Divine Comédie, d’après Dante (1972) et Tête d’or, tragédie lyrique d’après Claudel (1980). Diverses oeuvres lyriques et dramatiques, des symphonies et de nombreuses pièces symphoniques, de la musique vocale, de la musique de chambre et quelques pièces pour piano complètent l’abondant catalogue des oeuvres du compositeur, qui s’est vu décerner en 1969 le grand prix national de la Musique. Barraud a également fait oeuvre de musicographe, notamment avec un Berlioz (Paris, 1955). BARRE. 1. Sur les instruments à cordes, petite pièce de sapin collée sur la face interne de la table, sous le pied gauche du chevalet et dans le sens longitudinal ; elle renforce la table du côté gauche et communique les vibrations du chevalet. 2. Sur l’orgue, partie de bois séparant les gravures du sommier. 3. Sur le clavecin, morceau de bois recouvert de feutre qui empêche les sautereaux de remonter trop haut. downloadModeText.vue.download 71 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 65 BARRE DE MESURE. Terme désignant une ligne verticale placée en travers de la portée (ou des portées), et qui indique des divisions métriques régulières. L’introduction de la barre de mesure telle que nous la comprenons aujourd’hui est relativement récente : elle ne date que du début du XVIIe siècle environ. Auparavant, on trouvait des barres de mesure placées de manière irrégulière, comme de simples repères, par exemple dans la musique de luth et, souvent encore, dans les airs de cour qui en découlaient. De nos jours, avec les fréquents changements de mesure ou même la disparition de la mesure, la barre tend à redevenir un simple repère visuel pour éviter les trop grandes difficultés d’exécution. BARRER. 1. Sur le luth et la guitare, raccourcir la longueur de la partie des cordes entrant en vibration et changer ainsi la hauteur des notes, en appuyant l’index sur les cordes concernées. 2. On peut barrer une petite note ornementale (appoggiature) d’un trait oblique pour rendre la valeur de cette note encore plus brève. 3. On parle de « barrer un luth » lorsque le facteur ajoute une série de barres de renforcement ( ! BARRAGE). BARRIÈRE (Françoise), femme compositeur française (Paris 1944). Cofondatrice (1970) et coresponsable, avec Christian Clozier, du Groupe de musique expérimentale de Bourges, elle a composé plusieurs oeuvres électroacoustiques ou « mixtes » (pour instrument et bande magnétique), oeuvres d’un style composite, difficilement définissable, où se manifeste le souci d’être « en prise » sur la réalité contemporaine (citations de chants révolutionnaires, références sonores diverses à notre société) et qui sonnent parfois comme de longues plaintes : Ode à la terre marine (1970), Java Rosa (1972), Aujourd’hui (1975), Chant à la mémoire des Aurignaciens (1977), Musique pour le temps de Noël (1979), Mémoires enfuies (1980). Ses deux oeuvres « mixtes », Cordes-ci-cordes-ça pour vielle à roue, violon et bande (1971) et Ritratto di Giovane (1973) pour piano et bande, jonglent ironiquement avec les formes classiques. BARRIOS (Angel), compositeur espagnol (Grenade 1886 - Madrid 1964). Fils d’un célèbre guitariste ami de Manuel de Falla, il étudia le violon, puis fut l’élève, à Madrid, de Conrado del Campo (1899) et, à Paris, d’André Gédalge (1900). Comme violoniste et aussi comme guitariste, il parcourut l’Europe pour populariser la musique espagnole. Il vint ensuite se fixer à Madrid et se consacra à la composition de zarzuelas, ainsi que de pages symphoniques et instrumentales toujours fortement inspirées par son pays. BARSHAI (Rudolf), chef d’orchestre et altiste russe naturalisé israélien (Labinskaïa, Russie, 1924). Au Conservatoire de Moscou, il étudie l’alto avec Borisovski et la composition avec Chostakovitch. Jusqu’en 1955, il mène une carrière de soliste et de chambriste, se consacrant en particulier au quatuor (Quatuor Philharmonique de Moscou et Quatuor Tchaïkovsky) et donne des concerts avec Guilels, Kogan, Rostropovitch. En 1955, il s’oriente vers la direction d’orchestre et fonde l’orchestre de chambre de Moscou, qu’il dirige jusqu’en 1976, et auquel de nombreuses oeuvres de compositeurs soviétiques ont été dédiées. En 1977, il émigre en Israël et commence à diriger dans le monde entier. De 1982 à 1988, il est chef permanent de l’orchestre symphonique de Bournemouth ; de 1985 à 1987, il dirige aussi l’orchestre symphonique de Vancouver. On lui doit plusieurs transcriptions pour orchestre, en particulier d’oeuvres de musique de chambre de Chostakovitch - celle du Quatuor no 8 appartient désormais, sous le nom de Symphonie de chambre, au répertoire d’orchestre courant. BARTALUS (István), compositeur et musicologue hongrois (Balvanyosvaralja 1821 - Budapest 1899). À la suite de Janos Erdelyi et Gabor Matray, il entreprit une vaste publication de mélodies populaires, avec accompagnement (7 vol., 1873-1896). Sans avoir recours aux méthodes que devait appliquer plus tard Béla Vikár, promoteur de l’étude scientifique du folklore, Bartalus joua un grand rôle dans le maintien de l’intérêt pour la musique « populaire ». Il fit paraître, par ailleurs, une importante anthologie d’oeuvres pour piano de compositeurs hongrois (1885) et publia de nombreuses monographies sur la musique de son pays à cette époque. BARTHÉLEMON (François Hippolyte), violoniste et compositeur français (Bordeaux 1741 - Londres 1808). Fils d’un Français et d’une Irlandaise, il se produisit comme violoniste en France, puis se rendit à Londres (1764), où, en 1766, il donna son premier opéra, Pelopida, et épousa la chanteuse Mary Young. On le vit à Paris (1767-1769), à Dublin (1771-72), en France, en Allemagne et en Italie (1776-77), mais l’essentiel de sa carrière se déroula dans la capitale britannique. Il composa d’autres opéras, des ballets, l’oratorio Jefte in Masfa (Florence, 1776), des quatuors à cordes, des concertos et des sonates pour son instrument, et fut considéré comme un des premiers violonistes de son temps. Sa fille Caecilia Maria composa également de la musique. Lors des deux séjours de Haydn à Londres (1791-1795), Barthélemon noua avec lui des liens d’amitié étroits et lui suggéra même, selon certaines sources, le sujet de la Création. BARTHOLOMÉE (Pierre), compositeur et chef d’orchestre belge (Bruxelles 1937). Il a étudié au conservatoire de Bruxelles de 1952 à 1957 (composition avec Henri Pousseur) et a été l’élève de Pierre Boulez pour la direction d’orchestre. Il a pro- duit des émissions musicales à la télévision belge, à partir de 1960, et fondé en 1962 l’ensemble instrumental Musiques nouvelles. Depuis septembre 1977, il est directeur musical et chef permanent de l’Orchestre de Liège, devenu en 1980 l’Orchestre philharmonique de Liège. Ses oeuvres reflètent les influences non seulement de Pousseur ou de Berio, mais des musiques des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. Citons Chanson pour violoncelle (1964), Cantate aux alentours pour alto, basse, instruments et moyens électroacoustiques (1966), la Ténèbre souveraine pour quatuor vocal, 2 choeurs et orchestre (1967), Tombeau de Marin Marais pour violon baroque, 2 violes de gambe et clavecin, pièce en micro-intervalles notée sur tablature (1967), Premier Alentour pour flûte, alto et 2 violes de gambe (1966), Deuxième Alentour « Cueillir » pour voix d’alto, percussion et piano (1969-70), Troisième Alentour « Récit » pour orgue (1970), Harmonique pour orchestre (1970), Fancy pour harpe (1974), Fancy II pour harpe et petit orchestre (1975), Ricercar pour 4 saxophones (1974) et Sonata quasi une fantasia (1976) et Fancy as a ground pour orchestre de chambre (1980). BARTÓK (Béla), compositeur hongrois (Nagyszentmiklós, auj. en Roumanie, 1881 - New York 1945). Initié par sa mère au piano, il étudia, dès 1893, cet instrument et la composition avec Lászó Erkel, puis, sur les conseils d’Ernó Dohnányi, entra à l’Académie royale de musique de Budapest, où il travailla le piano avec István Thomán, élève de Liszt, et la composition avec János Koessler. En 1900, il se lia avec Zoltán Kodály. En 1902, la découverte des poèmes symphoniques de Richard Strauss influença ses premières oeuvres. Nationaliste convaincu, Bartók se fit connaître par Kossuth, poème symphonique exaltant le héros hongrois de la révolution de 1848. Il mena alors une carrière de pianiste, écrivit une sonate pour violon et piano sz 20, Burlesque sz 28 pour piano et orchestre, downloadModeText.vue.download 72 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 66 puis une rhapsodie pour piano sz 26. En 1905, il se présenta à Paris au concours Rubinstein, que remporta Wilhelm Backhaus. Mortifié, il rentra à Budapest pour se consacrer à la recherche des traditions populaires hongroises. Avec Kodály, il tenta de relier l’héritage de l’Orient à celui de l’Occident, ce dernier fondé sur les enseignements de Debussy quant au sens des accords, de Bach quant à « la transparence du contrepoint », de Beethoven quant à la forme. Professeur à l’Académie de musique de Budapest (1907), Bartók voulut, pour améliorer l’enseignement du piano, habituer les élèves aux mélanges de tonalités et à la relativité de la barre de mesure. Aussi commença-t-il une série de pièces didactiques qui, des 10 Pièces faciles sz 39 de juin 1908, devaient l’amener aux Mikrokosmos sz 107, terminés en 1937. En 1908, il écrivit son 1er quatuor à cordes, qui révèle les influences de Wagner et de Debussy. La violoniste Stefi Geyer lui inspira son 1er concerto pour violon sz 36, dont le premier volet devint le premier des 2 Portraits sz 37. Les 3 Burlesques sz 47 utilisèrent, en leur morceau central (Un peu gris), une technique nouvelle consistant à faire précéder une note d’appui d’un groupe d’ornementation que l’on « écrase » sur le clavier. En 1910, Bartók semblait avoir échappé à l’influence de Strauss, dont il critiqua violemment l’Elektra. En 1909, il épousa Márta Ziegler, qui, l’année suivante, lui donna un fils. La fréquentation de l’écriture modale des mélodies populaires inspira au compositeur les 4 Nénies sz 45, fondées sur des chants très anciens ignorant totalement « la tyrannie des systèmes modaux majeurs et mineurs ». L’année 1911 fut marquée par la mobilité percutante de l’Allegro barbaro pour piano sz 49 et par le Château de Barbe-Bleue sz 48, premier opéra utilisant spécifiquement la prosodie naturelle de la langue hongroise. Cette oeuvre inaugurait une collaboration particulièrement fructueuse entre Bartók et Béla Balázs, essayiste hongrois puisant ses idées politiques avancées dans les contes et ballades populaires. L’opéra de Bartók et de Balázs dépasse le cadre traditionnel et décrit la solitude de tout créateur, la destruction de tout un patrimoine d’amour par la soif d’une connaissance inutile. En 1913, Kodály et Bartók recueillirent deux cents chants arabes et kabyles et se penchèrent sur les patrimoines mongols, hongrois et finnois. Les intentions pédagogiques de Bartók coïncidaient alors avec son désir de recréer les musiques populaires qu’il découvrait. Il écrivit pour le piano : Danse orientale sz 54, 6 Danses populaires roumaines sz 56, 20 Noëls roumains sz 57. Il tenta une recréation par la voix avec les 9 Chansons populaires roumaines sz 59, les 5 Mélodies sz 61, 63, les 8 Chansons populaires hongroises sz 64. Mais la guerre l’empêcha de continuer ses recherches. Il écrivit alors son 2e quatuor sz 67. Au lendemain de la guerre, Bartók eut soudain l’espoir d’être aidé par les nouveaux gouvernants. Mais ces derniers restèrent enfermés dans un nationalisme étroit et critiquèrent son oeuvre, qui osait déborder du cadre national. Le compositeur disposait désormais d’une matière musicale qu’il pouvait recréer à sa manière. Il composa alors les Improvisations sur des chansons paysannes pour piano sz 74, d’une grande liberté de forme, et, surtout, ses deux sonates pour violon et piano sz 75 et 76, qui ont gardé, aujourd’hui encore, toute leur âpreté et leur nouveauté. Commande lui fut faite d’une oeuvre pour fêter le cinquantième anniversaire de la réunion de Buda et Pest : ce fut la Suite de danses (1923), formée de deux danses arabes, une danse hongroise et une roumaine, dont il réunit les identités rythmiques et modales dans un allégro final. En 1923, il se sépara de sa femme et épousa Ditta Pásztory. Il étudia alors Scarlatti, les clavecinistes de la Renaissance italienne, et composa son 1er concerto pour piano sz 83, créé en juillet 1927 avec l’auteur au clavier et Furtwängler au pupitre. Il effectua son premier voyage aux États-Unis, reçut un prix à Philadelphie pour son 3e quatuor sz 85 et écrivit deux Rhapsodies pour violon et piano sz 286 et 89 l’une à l’intention du virtuose Josef Szigeti et l’autre à celle de Zoltán Szekely. En 1930, dans sa Cantata profana, Bartók emprunta aux « colindas » (chants de Noël roumains) un thème légendaire : les neuf fils d’un paysan, transformés en cerfs, retrouvent la liberté ; ce thème rejoint le besoin pour tout un peuple asservi de vivre, de chanter, de courir les risques d’une indépendance toujours préférable à une soumission qui ramènerait le cycle infernal de l’incompréhension et de la guerre. En 1933, Bartók créa lui-même son 2e concerto pour piano à Francfort, accompagné par le chef d’orchestre Hans Rosbaud. À la demande d’Erich Döflein, il transcrivit pour deux violons des pièces pour piano ; ces 44 duos sz 98 devaient, selon lui, « aider les élèves à trouver la simplicité naturelle de la musique des peuples et aussi ses particularités rythmiques et mélodiques ». En avril 1935, le Quatuor Kolisch créa à Washington son 5e quatuor sz 102, que sa perfection de forme, son expressionnisme tendu et la complexité de son contrepoint rythmique placent au sommet de sa production de musique de chambre. En 1936, s’inquiétant de la poussée du nazisme, Bartók demanda que ses oeuvres subissent le même sort que celles des compositeurs d’origine israélite (interdiction à l’édition et à l’exécution). Il vint fréquemment se reposer en Suisse chez son ami, le chef d’orchestre Paul Sacher. Pour répondre à des commandes de ce dernier, il écrivit deux de ses chefs-d’oeuvre, la Musique pour cordes, percussion et célesta sz 106 et le Divertimento pour cordes sz 113, respectivement créés, par Sacher et l’Orchestre de Bâle, en 1937 et 1940. De retour d’un voyage en Turquie, il commença une oeuvre pour violon qui, par le voeu du dédicataire, le virtuose Zoltán Szekely, prit la forme d’un 2e concerto pour violon, que Szekely et le chef d’orchestre Mengelberg créèrent en avril 1939. Parallèlement à la Musique pour cordes, Bartók avait écrit une sonate pour 2 pianos et percussion sz 110, que sa femme et lui-même créèrent en janvier 1938 à Bâle. Après un voyage de reconnaissance aux États-Unis avec Szigeti, en 1939, Bartók décida de s’exiler et donna son dernier concert à Budapest le 8 octobre 1940 sous la direction de Janos Ferencsik. Il séjourna à New York comme chargé de recherches à l’université Columbia, fit quelques conférences, mais sa situation matérielle était des plus modestes. Bartók donna quelques concerts avec Szigeti et le clarinettiste de jazz Benny Goodman (Contrastes pour clarinette, violon et piano, sz 111) et transcrivit pour orchestre son concerto sz 110. Sa santé s’altéra peu à peu ; il était atteint de leucémie. En 1943, le chef d’orchestre Koussevitski lui commanda une oeuvre pour l’Orchestre symphonique de Boston, le concerto pour orchestre, créé en décembre 1944. Yehudi Menuhin lui demanda également une oeuvre ; Bartók écrivit la sonate pour violon seul sz 117. Le succès revint, les commandes affluèrent : il acheva presque son 3e concerto pour piano, termina les esquisses de la partie soliste d’un concerto pour alto destiné à l’altiste William Primrose. Ce fut la fin de la guerre ; Bartók ne vécut plus que dans l’espoir de retourner à Budapest. Mais il fut transporté à l’hôpital du West Side à New York, où il s’éteignit le 26 septembre 1945. Bartók est le premier ethnomusicologue dont la compétence s’est étendue à tout le bassin méditerranéen oriental, lieu de brassage des richesses de l’Orient et de l’Occident. Ses recherches l’ont amené à mettre en évidence les identités des musiques populaires, dont il s’est attaché à retrouver, au-delà des civilisations et des nationalismes, le langage commun. Il est ainsi remonté aux origines de la musique traditionnelle de son pays, débarrassant les mélodies recueillies des apports étrangers qui les avaient altérées. Conscient de la complexité des influences entre races, de la mouvance des mélodies transmises par tradition orale, il a créé une notation nouvelle lui permettant, non pas de reproduire ce matériau jamais figé, mais d’en consigner les schémas de base pour une éventuelle recréation savante. downloadModeText.vue.download 73 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 67 Imprégné de l’esprit de ces musiques populaires, Bartók a échappé à tout système harmonique clos. Il est vain de tenter de dissocier chez lui rythme et harmonie, son art étant fait de leur parfaite association. De ce fait, sa démarche de compositeur s’oppose à la conception romantique qui a attribué une si grande importance à l’invention thématique, prétendant chercher l’individuel dans toute chose. Bartók avait compris « à quel point la musique populaire est le contraire d’un art personnel, à quel point, de par son essence même, toutes ses manifestations sont collectives ». Progressivement, Bartók a réussi une synthèse unique entre modalité et tonalité, chromatisme et diatonisme. À l’examen attentif, on décèle une ambiguïté entre la liberté harmonique de ses oeuvres et la présence de dissonances non annoncées ni résolues. Le dualisme majeur-mineur est dépassé dans la mesure où l’ordre modal de la chanson archaïque, violemment diatonique, n’est pas gommé par l’accumulation des éléments chromatiques. Les oeuvres essentielles de Bartók laissent percevoir des pôles de toniques et de dominantes qui les organisent en dehors de toute rhétorique hiérarchisée, d’ordre traditionnel ou dodécaphonique. Les intervalles utilisés acquièrent une certaine autonomie, et, comme dans la chanson populaire, septième aussi bien que tierce ou quinte se présentent comme naturelles. Les proportions temporelles de ses oeuvres de la maturité, s’appliquant aux harmonies comme aux rythmes, sont conformes aux propositions issues du nombre d’or. Ernö Lendvai a même démontré que les rapports entre chromatisme et diatonisme ou l’utilisation du pentatonisme lydien, dorien, etc., peuvent être considérés comme la preuve d’un travail extrêmement original et personnel lié à la section d’or. La complexité formelle de l’art de Bartók est telle qu’il ne peut y avoir de néoou postbartokisme. Les nombreux compositeurs contemporains, qui ont subi l’influence de Bartók, se sont ordinairement limités à puiser dans la thématique de la chanson paysanne, sans s’astreindre au véritable travail de recréation auquel s’était soumis, puis par lequel s’était totalement exprimé leur maître à penser. L’universalisme du message bartokien montre que ce musicien a réussi à transcender l’origine même de ses sources. BARTOLINO DA PADLVA, moine et compositeur italien (fin du XIVe s. - début du XVe s.). Peu de détails de sa vie sont connus avec certitude. Fra Bartolino est l’une des figures marquantes de l’Ars nova italien, style qui naquit probablement à Padoue. Très connu de ses contemporains, à Florence par exemple, il exerça une influence sur tous les aspects de la musique de son pays, écrivant des ballate et des madrigaux polyphoniques - formes favorites du Moyen Âge italien - dans un style proche de celui du grand florentin Francesco Landini, plus facile et plus mélodique que celui des maîtres français de l’Ars nova. BARTOS (Jan Zdenek), compositeur tchèque (Králové Dvºur 1908 - Prague 1981). Après avoir étudié le violon et commencé une carrière de soliste, il a approfondi ses connaissances musicales, notamment dans le domaine de l’écriture, dans différents établissements de Prague (19331943). Il a occupé, à partir de 1945, d’importants postes officiels au ministère de l’Information, au département musical des éditions d’État de littérature, musique et beaux-arts et au service de la musique du ministère de l’Éducation et de la Culture. Il est devenu en 1958 professeur de composition et de théorie au conservatoire de Prague. Bartos est l’auteur d’ouvrages de vulgarisation, d’articles divers, et d’une abondante oeuvre de compositeur comprenant des opéras, opérettes, ballets et musiques de scène, des oeuvres symphoniques et concertantes, des cantates, des choeurs, de la musique de chambre, des pièces pour piano, des mélodies. C’est un compositeur doué qui manifeste une parfaite connaissance des découvertes et des audaces de son époque, mais qui ne s’y abandonne qu’avec réserve. BARYTON. 1. Voix de dessus, de la famille des basses, intermédiaire entre la basse chantante et le ténor, tant en timbre qu’en tessiture. Le mot « baryton » qui, étymologiquement, signifie « grave », apparut d’abord en France, à la fin du XVIIIe siècle, pour désigner précisément une voix de ténor de tessiture assez basse, dont JeanBlaise Martin (1768-1837) fut l’un des représentants, bien que le nom de ce dernier soit demeuré associé à un type de baryton à la voix claire et légère. Les rôles de cet emploi étaient notés en clef de ténor, Gluck, cependant, notait en clef de basse les rôles pour voix grave, mais de tessiture particulièrement élevée d’Oreste et de Thoas dans Iphigénie en Tauride. L’appellation de baritenore fut conservée pour désigner parfois certains ténors mozartiens et rossiniens. Toutefois, c’est déjà à cette nouvelle catégorie que se rattachèrent des emplois comme Don Juan dans l’opéra de Mozart, Pizarro dans Fidelio de Beethoven, Figaro dans le Barbier de Séville et Dandini dans la Cenerentola de Rossini, souvent chantés par Antonio Tamburini (1800-1876) ; ce chanteur fut appelé « basse », mais, au-delà de 1830, Bellini et Donizetti l’opposèrent à la basse dans des rôles antagonistes. L’emploi s’imposa mieux lorsque, le ténor contraltino ( ! TÉNOR) succédant au ténor grave, une véritable catégorie vocale, assurant l’intermédiaire entre la basse et ce nouveau ténor, devint indispensable. Le terme de baryton s’imposa avec le Français Paul Barroilhet (1810-1871), créateur du rôle d’Alphonse dans la Favorite de Donizetti en 1840. Verdi allait délimiter un type vocal précis, d’une tessiture relativement faible (si bémol 1 - la bémol ou la 3), mais unissant l’éclat et la souplesse du ténor à la rondeur de la voix de basse ; le « baryton-Verdi » ainsi défini, qu’il soit de caractère noble (Germont dans la Traviata), jeune et parfois amoureux (De Luna dans le Trouvère, Renato dans un Bal masqué, Posa dans Don Carlos), ou encore « vilain » (Macbeth, Rigoletto, Carlo dans la Force du destin), cet emploi, à une exception près - celui de Posa -, assurait la fonction dramatique d’antagoniste du ténor, dont il contrecarrait les projets sentimentaux, à titre de père, de frère ou de rival. En France, où s’était imposé le barytonMartin (jeune premier dans l’opérette, et souvent confident ou ami dans l’opéra-comique), le clivage fut moins net entre barytons et basses, le terme de baryton d’opéra équivalant pratiquement à celui de basse chantante : Jean-Baptiste Faure (18301914) chantait Alphonse de la Favorite et Méphisto dans le Faust de Gounod, mais créa le rôle de Posa ; les rôles de baryton dans Thaïs, les Contes d’Hoffmann, Lakmé, Louise, etc., sont encore aujourd’hui aussi bien distribués à une basse qu’à un baryton. La différence apparut encore moins en Russie et en Allemagne. En Russie, en effet, Ivan Melnikov créa les rôles de Boris Godounov dans l’opéra de Moussorgski et d’Igor (le Prince Igor de Borodine), cependant que Tchaïkovski faisait appel au véritable baryton-Verdi ; chez Wagner, barytons et basses se partagent les emplois de Wotan dans l’Anneau du Nibelung, Hans Sachs dans les Maîtres chanteurs, etc. Comme la basse bouffe, le baryton bouffe est avant tout un bon acteur doué d’agilité vocale. Si les dénominations de baryton brillant, héroïque, méchant, etc., varient selon les pays et les époques et demeurent assez imprécises, l’usage a mieux défini le baryton-Verdi, le baryton-Martin qui peut également chanter les rôles de Pelléas (Debussy) de Mârouf (Rabaud) et les jeunes premiers de l’opérette viennoise (le terme de baryton viennois correspond aux emplois écrits pour ténor par Johann Strauss, Franz Lehar, etc.) ; le barytonMartin convient particulièrement à l’interprétation de la mélodie française. Parmi les interprètes, dans le passé, on notera les barytons-Verdi, Varesi, Graziani, Cotogni, Battistini, Stracciari, De Luca, Ruffo, Galeffi, Tibbett ; en France, downloadModeText.vue.download 74 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 68 les barytons Devoyod, Maurel, Renaud, Noté, Endrèze ; parmi les interprètes de Wagner et de R. Strauss, Scheidemantel, Van Rooy, Bockelmann, Janssen, Schorr ; pour l’interprétation de la mélodie, Ch. Panzéra, G. Hüsch, H. Schlusnus, et, plus récemment, G. Souzay, C. Maurane, J. Jansen - par ailleurs titulaire du rôle de Pelléas - et D. Fischer Dieskau, qui, à l’instar de son prédécesseur H. Schlusnus, tient au théâtre les emplois de baryton les plus divers. 2. instrument à cordes frottées, joué à l’aide d’un archet et ressemblant à la basse de viole. Il comporte 6 ou 7 cordes en boyau, accordées comme sur la basse de viole, ainsi qu’un plus grand nombre de cordes (de 9 à 24) en acier dites « sympathiques ». En Italie, on l’appelait viola di bordone. Le baryton connut une certaine popularité au XVIIIe siècle, en Allemagne et en Autriche. Le prince Nikolas Esterházy avait une passion pour cet instrument. À son service, Joseph Haydn écrivit pour le baryton près de 150 partitions. 3. Instrument à vent de la famille des cuivres. C’est le saxhorn en si bémol, à trois pistons, de tessiture intermédiaire entre l’alto (en mi bémol) et la basse (en si bémol grave). Dans le vocabulaire du jazz, le mot baryton, sans autre précision, désigne non pas le saxhorn, mais le saxophone baryton. BARZUN (Jacques), historien et musicologue américain d’origine française (Créteil, Val-de-Marne, 1907). Professeur à l’université Columbia, dont il a été vice-recteur (1955-1967), Jacques Barzun a consacré son oeuvre d’historien à la pensée et à la culture européennes de 1789 à 1914. Mais il est aussi l’un des meilleurs spécialistes de Berlioz, qu’il a situé à sa vraie place dans le romantisme européen. Parmi ses écrits, citons Berlioz and the Romantic Century (2 vol., Boston, 1950), New Letters of Berlioz (New York, 1954), Berlioz and his Century (New York, 1956), Music in American Life (New York, 1956-1965), Critical Questions on Music and Letters, Culture and Biography, 19401980 (1982). BAS-DESSUS. Terme aujourd’hui abandonné et qui désignait les parties graves des voix élevées, de femmes, d’enfants ou de castrats, actuellement dénommées mezzo-soprano, alto ou contralto, d’après la terminologie italienne. Jusqu’à l’entrée en désuétude des clefs d’ut vocales, les bas-dessus s’écrivaient normalement comme les dessus ordinaires en clef d’ut 1re, ou exceptionnellement en clef d’ut 2e ligne. L’expression était usuelle aux XVIIe et XVIIIe siècles, tandis que son contraire haut-dessus, réservé aux voix exceptionnellement hautes, est toujours resté d’un emploi limité. BASHMET (Yuri), altiste russe (Rostov 1953). Il commence ses études musicales à Lvov avant d’entrer au Conservatoire de Moscou en 1971. En 1976, il remporte le premier prix du Concours international de Munich et débute une fulgurante carrière de soliste. Il est en effet le premier altiste à avoir donné des récitals solistes dans des lieux aussi prestigieux que la Scala de Milan et le Concertgebouw d’Amsterdam. Il devient le plus jeune professeur de l’histoire du Conservatoire de Moscou et se tourne, en 1984, vers la direction d’ensemble en fondant les Solistes de Moscou. Il donne des master-classes à Tours, où Sviatoslav Richter l’appelle dès 1983 pour participer au Festival de la Grange de Meslay. En 1988, il fonde un festival à Bonn-Rolandseck. En 1990, les Solistes de Moscou s’installent à Montpellier, mais un conflit avec les musiciens lui fait abandonner ses fonctions : il rassemble néanmoins d’autres instrumentistes sous une appellation voisine. Il crée de nombreuses oeuvres contemporaines, notamment de Denisov, Kantcheli et Schnittke. BASSANELLO. Instrument ancien à anche double, répandu en Italie jusqu’au XVIe siècle, qui présentait les principales caractéristiques du basson. BASSANI (Giovanni Battista), compositeur italien (Padoue v. 1657 - Bergame 1716). Il fit ses études musicales à Venise, où il fut notamment l’élève de G. Legrenzi. Il est possible qu’il y ait travaillé le violon avec Vivaldi. Quoi qu’il en soit, Bassani fut, après Corelli, l’un des meilleurs compositeurs de sonates de l’école de Bologne, où il devint membre de l’Accademia Filarmonica. Il fut nommé maître de chapelle à Ferrare (1688), puis à Santa Maria Maggiore de Bergame (jusqu’à sa mort). Outre ses Sonate a 3, Bassani a écrit des cantates profanes et religieuses, genre où il excella également, des oratorios (La Morte delusa, 1686) et des opéras dont quelques airs seulement subsistent. BASSE. 1. Sur le plan harmonique, terme générique désignant toute partie inférieure d’un accord : ce terme peut donc avoir plusieurs acceptions selon la manière dont on considère cet accord. La note la plus grave entendue matériellement est la basse réelle ou basse exprimée ; elle peut être différente (par exemple, si l’accord est « renversé ») de la basse harmonique, qui est la note la plus grave de l’accord remis dans son état primitif non renversé (dit alors « état fondamental »). Cette basse harmonique peut à son tour être différente de la basse fondamentale, qui est une note de même nom, mais située à une hauteur d’octave déterminée et qui est le son générateur de l’accord. 2. Sur le plan polyphonique, partie la plus grave d’un ensemble qui en comprend plusieurs. Elle ne prend, toutefois, pleinement ce nom qu’à l’époque (XVIe s.) où elle acquiert une importance harmonique qu’elle n’avait pas auparavant. La partie grave a d’abord été une partie mélodique du contrepoint, souvent le « chant donné « ou teneur (lat. tenor) ; puis on a contrepointé au ténor une partie com- plémentaire placée souvent, mais non systématiquement, en dessous d’elle et dite contre-teneur (lat. contratenor, ou en abrégé contra), ce qui a repoussé le ténor en seconde position dans la tessiture de bas en haut. On trouve au XVe siècle l’expression contrabassus, c’est-à-dire contra en basse, qui deviendra bassus au XVIe siècle, en même temps que la voix correspondante prendra une signification nouvelle, de plus en plus harmonique, qu’elle conservera jusqu’à nos jours. ! BASSUS. 3. Dans l’échelonnement vocal, famille groupant les diverses catégories de voix masculines graves (d’où, par extension, le même sens pour les instruments de l’orchestre). L’étendue moyenne de la voix de basse est la suivante : On divisait, autrefois, cette famille en deux catégories : basse-contre et basse-taille. On admet aujourd’hui trois divisions principales : basses profondes, basses chantantes, barytons. Dans le théâtre lyrique, les emplois de baryton se sont, dans l’ensemble, nettement différenciés de ceux de basse et comprennent leurs propres subdivisions ( ! BARYTON). En ce qui concerne la basse proprement dite, la terminologie d’opéra fait usage de diverses distinctions, de l’aigu au grave : - la basse-taille était, dans l’ancienne terminologie, la voix de dessus de la famille des basses, appelée également concordant. Elle correspond à l’actuel baryton ; - la basse chantante est une voix de tessiture moyenne entre la basse profonde et le baryton ; elle est très abondamment employée dans l’opéra aussi bien français (Méphisto dans le Faust de Gounod) qu’italien (Philippe II dans Don Carlos de Verdi) et russe (Boris Godounov) ; - la basse bouffe est une voix souple et agile, apte aux rôles de comédie (Uberto downloadModeText.vue.download 75 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 69 dans la Servante maîtresse de Pergolèse) ; certains rôles exigent une grande étendue (Osmin dans l’Enlèvement au sérail de Mo- zart est une basse bouffe devant avoir le registre grave d’une basse profonde, dont il se sert pour faire rire) ; -la basse-contre était, dans la terminologie de l’ancien opéra, la voix la plus grave de la famille des basses, placée en dessous de la basse-taille (Polyphème dans Acis et Galatée de Haendel) ; elle correspondrait presque à notre basse profonde, mais ce dernier terme insiste davantage sur l’utilisation d’un registre d’extrême grave ; - la basse profonde ou basse noble est la plus grave des voix masculines, mettant en valeur les notes extrêmes du registre grave (Sénèque dans le Couronnement de Poppée de Monteverdi, Sarastro dans la Flûte enchantée, le cardinal Brogni dans la Juive). Cette voix est exceptionnelle dans nos pays, plus fréquente chez les Noirs, ainsi que chez les peuples slaves, où elle constitue de superbes pupitres graves dans les choeurs. BASSE (voix de). La voix de basse fut employée pour d’importants solos dès la naissance de l’opéra et de l’oratorio, à l’aube du XVIIe siècle, et soumise aux mêmes exigences de virtuosité que les autres catégories vocales, mais sur une étendue souvent plus importante (ré 1-mi 3 chez Caccini). Cette voix, principalement destinée à l’incarnation de divinités (Caron dans Orfeo de Monteverdi, 1607) ou de personnes âgées (Manoah dans Samson de Haendel, rôle colorature écrit pour Giovanni Boschi), servit aussi, notamment dans l’opéra français, à personnifier l’amoureux, souvent malheureux, antagoniste du ténor ou du haute-contre : Louis Chassé (1699-1786) interpréta dans les opéras du style de Rameau ces rôles d’une tessiture généralement plus élevée, proche de celle de notre baryton actuel. À la fin du XVIIIe siècle, Mozart écrivait encore pour ces deux types de voix : rôles graves tels que ceux d’Osmin dans l’Enlèvement au sérail, créé par Ludwig Fischer (1745-1825), ou de Sarastro, rôles plus aigus pour des emplois d’amoureux, tels que ceux du Comte dans les Noces de Figaro et de Don Juan. Rossini confia à Filippo Galli (1783-1853) des emplois bouffes ou tragiques (Mustafa dans l’Italienne à Alger, Assur dans Semiramis) d’une très haute virtuosité. Durant le romantisme, la voix de basse fut surtout assimilée aux personnages royaux ou ecclésiastiques, âgés, nobles, etc., mais, dès la fin du XIXe siècle, elle servit à nouveau à personnifier des caractères très divers, jeunes ou vieux (opéras de Puccini, des compositeurs naturalistes, de R. Strauss, Rimski-Korsakov, Berg, etc.). L’éventail des attributions de la voix de basse correspond à sa couleur et à sa tessiture : la basse noble ou profonde, assez volumineuse et de couleur sombre (étendue do 1 - fa 3) a pour exemples les rôles du Cardinal (la Juive de Halévy), de l’Inquisiteur (Don Carlos de Verdi), de Hunding (la Walkyrie de Wagner), d’Arkel (Pelléas et Mélisande de Debussy), etc. ; la basse chantante, de caractère plus lyrique (étendue fa 1-fa dièse 3) est illustrée par ceux de Silva (Ernani de Verdi), Philippe II (Don Carlos), Méphisto (Faust de Gounod, cet emploi étant parfois tenu par des barytons), etc. L’Allemagne et la Russie différencient plus les caractères que les tessitures : basse démoniaque (Kaspar dans le Freischütz de Weber, Alberich dans l’Or du Rhin de Wagner), basse héroïque (Wotan), etc. Notons que, si les choeurs slaves renferment des basses au grave exceptionnellement étendu, l’opéra russe fait au contraire plus volontiers appel à une voix aiguë ; Féodor Chaliapine (18731938) était plus proche du baryton que de la basse. La voix de basse convient également au concert pour l’interprétation des lieder, des oratorios et cantates classiques, sans exiger une spécialisation exclusive de la part du chanteur. En revanche, l’emploi de basse bouffe, qui peut se satisfaire d’une moins belle qualité vocale, réclame non seulement une grande virtuosité et une articulation rapide, mais aussi, au théâtre, un talent d’acteur sûr. La voix de basse permet des carrières fort longues, les grands interprètes de cette catégorie quittant rarement la scène avant soixante-cinq ans. Parmi les grandes basses de notre siècle, on peut rappeler les Italiens Navarrini, De Angelis, Pinza, Pasero et Siepi, l’Espagnol Mardones, les Français Plançon, Delmas, Journet, Pernet, les Slaves Reizen, Pirogov, Kipnis, Christoff, et, dans des genres bien déterminés, S. Baccaloni, exemple type de la basse bouffe, et H. Hotter, aussi réputé dans l’interprétation du lied et de l’oratorio que dans celle du rôle de Wotan dans l’Anneau du Nibelung de Richard Wagner. BASSE CHIFFRÉE. Sorte de sténographie inventée au début du XVIIe siècle en même temps que la basse continue pour guider l’accompagnateur en lui suggérant, à partir de la basse écrite, les accords à employer sans avoir à en écrire les notes, ce qui faisait gagner au compositeur un temps considérable (on pouvait ainsi, sur deux portées - chant et basse -, écrire un opéra en quelques jours). Abandonnée vers 1750 en même temps que la basse continue, la basse chiffrée s’est maintenue dans l’enseignement comme auxiliaire pédagogique des études d’harmonie, mais c’est abusivement qu’on la considère comme un instrument d’analyse, car, non conçue dans cette optique, elle ne rend compte que très imparfaitement de la constitution des accords ; elle n’en donne qu’une description matérielle et n’intervient que fort mal dans leur explication grammaticale - d’où la nécessité d’un chiffrage de fonction complétant le chiffrage d’intervalles seul envisagé par la pratique de la basse chiffrée. Le principe de cette dernière est simple : au-dessus (ou en dessous) de la note de basse (basse réelle), sont notés un ou plusieurs chiffres dont chacun représente la note formant avec la basse l’intervalle indiqué par le chiffre. Selon les écoles, tantôt cet intervalle est indiqué réellement, tantôt il est réduit à un intervalle simple, sans dépasser la neuvième (ainsi la dixième est notée 3, car c’est une tierce redoublée à l’octave). Diverses conventions interviennent soit pour limiter le nombre de chiffres par des sous-entendus (par exemple, 6 pour 6 et 3), soit pour apporter diverses précisions (ainsi une croix indique la sensible, un chiffre barré marque un intervalle diminué, etc.). On note les altérations en les plaçant devant le chiffre, et les silences sont chiffrés par un zéro. Mais les conventions ne sont pas toujours uniformes et elles peuvent varier d’un auteur à un autre. La basse chiffrée, conçue comme un « guide-doigts » pratique à l’usage des accompagnateurs, a bien rempli sa fonction tant que ce qu’elle avait à noter restait limité à quelques accords simples et qu’ellemême ne visait pas à autre chose qu’à en suggérer les grandes lignes. Lorsque les auteurs ont voulu chiffrer minutieusement des basses devenues complexes (J. S. Bach), cette pratique devint une complication supplémentaire, et l’on conçoit que la basse chiffrée n’ait pas survécu à l’usage de la basse continue. BASSE CONTINUE (ital. basso continuo ; all. Generalbass ; angl. thorough-bass). Mode d’écriture inauguré en Italie, au début du XVIIe siècle, avec les premiers opéras et généralisé partout, ensuite, jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, avant de disparaître totalement vers 1775. Son apogée coïncida avec celle de l’art baroque en musique. Le principe en était de sous-entendre, dans tout ensemble instrumental ou vocal, la présence d’un accompagnement de remplissage, réalisé sur un instrument polyphonique (orgue, clavecin, luth, théorbe, etc.) et dont seule était écrite la basse, chiffrée ou non. Cette basse était généralement doublée par un autre instrument tel que la basse de viole, le violoncelle, le basson, etc., et comportait soit de simples basses réelles d’accords de soutien, soit une ligne mélodique et concertante. L’existence de la basse continue était considérée comme normale et toute absence d’indication contraire supposait sa présence ( ! TASTO SOLO). Ainsi est-il souhaitable que, même en l’absence d’indication formelle à ce sujet, un clavedownloadModeText.vue.download 76 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 70 cin prête son concours à l’exécution de certains mouvements lents des premières symphonies « classiques », de Haydn en particulier, pour compléter l’harmonie. La disparition de la basse continue coïncida avec l’abandon du clavecin au profit du piano-forte dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. BASSE D’ALBERTI. ! ALBERTI (DOMENICO). BASSE DANSE. Ce nom s’appliquait autrefois à des danses « terre à terre », caractérisées par l’absence d’élévation (pas lents et glissés), par opposition aux danses où intervenait le saut. La basse danse (XVe s. - début XVIe s.) était construite, comme la plupart des compositions de l’époque, sur une teneur (autre danse ou chanson), au-dessus de laquelle des instruments mélodiques à anche double improvisaient. Une source importante pour la connaissance de ces danses est l’oeuvre de Thoinot Arbeau, Orchésographie, traité en forme de dialogue par lequel toute personne peut facilement apprendre à pratiquer l’honnête exercice des danses (1589). BASSE DE FLANDRE. Instrument de musique rudimentaire particulièrement utilisé en Flandre au XVIe siècle, et parfois appelé en France « basse à boyau ». Elle était constituée essentiellement d’un bâton jouant le rôle de manche, d’une vessie de porc servant de caisse de résonance et d’une corde unique frottée à l’aide d’un archet primitif. BASSE FONDAMENTALE. Notion de base de l’harmonie tonale, telle qu’elle a été dégagée par Rameau, en 1722, à partir d’un théorème énoncé par Descartes en 1650. Remaniée en 1735 pour faire place à la théorie de la résonance, découverte en 1701 par Joseph Sauveur, mais dont Rameau semble n’avoir eu connaissance qu’en 1725, la basse fondamentale a subi, depuis lors, diverses rectifications de détail, mais n’a jamais été démentie dans son principe. Elle consiste essentiellement dans la recherche, pour chaque accord donné et après élimination éventuelle des notes étrangères, du son générateur dont la résonance contient toutes les notes de l’accord, si celui-ci est naturel, ou, s’il est artificiel, les notes de l’accord naturel dont il est issu. Ce son générateur, exprimé ou non, est la basse fondamentale de l’accord. Celle-ci est l’élément déterminant d’où découlent l’analyse et l’emploi des accords. Elle ne doit pas être confondue avec la basse harmonique, qui est la basse fondamentale transportée ou non à une octave quelconque, à condition qu’elle reste inférieure à tous les autres sons exprimés. BASSE HARMONIQUE. Note de basse (ou l’une de ses octaves inférieures) de tout accord formé de notes réelles et présenté dans son état fondamental, ce qui le rend analysable en tant qu’accord, en fonction de cette basse harmonique. Si l’accord est « renversé » ( ! RENVERSEMENT), la basse harmonique est celle qu’aurait l’accord une fois remis dans son état fondamental. La basse harmonique ne se confond pas obligatoirement avec la basse fondamentale, bien que toutes deux aient toujours le même nom de note : en effet, l’octave où se situe la basse fondamentale est commandée par la disposition de l’accord, tandis que l’octave où se situe la basse harmonique est indifférente pourvu qu’elle reste inférieure aux autres notes de l’accord ; la basse fondamentale commande la justification physique de l’accord, la basse harmonique suffit pour en déterminer l’analyse pratique. BASSE OBSTINÉE ou BASSE CONTRAINTE. Procédé de composition consistant à répéter inlassablement une cellule de base, généralement de quatre ou huit mesures, souvent une descente chromatique, qui demeure inchangée tandis que les autres parties se modifient. Le procédé de la basse obstinée est donc différent de celui du « thème varié » ( ! VARIATION), encore que la confusion ait parfois été faite (par exemple, les Variations Goldberg de J. S. Bach ne sont pas des variations à proprement parler, mais une suite de compositions distinctes sur une même basse obstinée). Le plus ancien exemple connu est sans doute le pes ou « pédale » de trois notes qui soutient sans arrêt le canon Sumer is icumen in dans le « chant du coucou », noté vers 1300 au monastère de Reading en Angleterre. Au XVIe siècle, la basse obstinée devint le signe distinctif de certaines danses, dont chacune possédait son schéma mélodique propre : passamezzo, romanesca, follia. Au XVIIe et au XVIIIe siècle, la basse obstinée fut le terrain d’élection de la chaconne et de la passacaille. La chaconne servit souvent de cadre, en France, au « grand ballet » des finales d’opéra ; mais elle y abandonna plus d’une fois son ostinato au cours des différents couplets, pour ne le retrouver qu’au refrain. Dérivé de la chaconne, le ground anglais fit de la basse obstinée, notamment dans l’opéra, un emploi pathétique dont l’exemple le plus célèbre est celui des adieux de Didon dans Didon et Énée de Purcell. Avec ses Variations Goldberg pour clavecin, sa chaconne pour violon seul et sa Passacaille et fugue pour orgue, J. S. Bach donna à la basse obstinée une ampleur inconnue jusqu’à lui. À l’époque classique, la basse contrainte tomba quelque peu en désuétude, mais les romantiques y firent de temps à autre des emprunts de caractère quelque peu archaïsant (Brahms, finale de la 4e symphonie). Elle semble avoir repris vigueur au XXe siècle (Webern, Dutilleux, etc.) ; mais la scène de Wozzeck intitulée par Alban Berg Passacaille ne se rattache que d’assez loin aux normes du genre. BASSE RÉELLE ou BASSE EXPRIMÉE. Note la plus grave d’un accord sous la forme dans laquelle il est exprimé. La basse réelle ne se confond pas toujours avec la basse harmonique ni avec la basse fondamentale, qui servent de base à son analyse. BASSETTO. 1. Terme italien quelquefois employé au XVIIe siècle pour désigner la partie grave d’un choeur de voix élevées, ne comportant pas de voix de basse ; on la confiait soit aux altos, soit aux ténors. 2. Le mot peut également désigner la basse de viole ou un instrument de même forme dont la tessiture se situe entre le violoncelle et la contrebasse. BASSON. Instrument à vent de la famille des bois, fait de deux tubes de bois parallèles, d’érable ou de palissandre, adaptés à une « culasse » qui les met en communication de sorte qu’ils forment un seul tuyau sonore continu. La « branche » antérieure est surmontée d’un pavillon ; l’autre, plus étroite et plus courte, supporte un mince tuyau de cuivre recourbé, le bocal, au bout duquel est fixée l’anche double de roseau. L’étendue du basson est considérable : 3 octaves et 1 quinte, partant du si bémol grave. Son timbre va d’un grave robuste, incisif, à un aigu un peu « bouché », capable d’une grande expression, en passant par un médium ferme mais doux. Le basson descend du fagotto, qui existait dès le XIVe siècle. Mersenne parle de fagot dans son Harmonie universelle de 1636, et ce nom, qui évoque l’aspect de l’instrument, un paquet de bois, est conservé en allemand (Fagott) et en italien (fagotto). Très utilisé dans les ensembles symphoniques au XVIIIe siècle, notamment pour doubler et renforcer les basses, le développement progressif de sa technique permit son emploi dans les formations de chambre (quintette KV 452 de Mozart, octuors de Beethoven, de Schubert). Il n’en était pas moins, jusqu’à l’époque romantique, d’une pratique difficile et d’une justesse approximative, malgré les efforts et l’ingéniosité de nombreux facteurs. L’Allemand Johann Adam Heckel (1812 ?-1877) apporta des perfectiondownloadModeText.vue.download 77 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 71 nements décisifs et développa un instrument muni de 24 clés et 5 soupapes. À la même époque, les recherches de plusieurs facteurs français contribuèrent aussi à donner au basson ses caractéristiques définitives. Il faut noter que la mise au point du contrebasson, plus grave d’une octave, se révéla encore plus délicate. BASSUS (lat. : « basse « ; ital. basso). Terme employé à partir de la fin du XVe siècle pour désigner la partie inférieure d’une polyphonie dans la tessiture des voix masculines graves. Il a remplacé le mot contratenor (en abrégé contra) après un bref emploi de contrabassus. Le changement de dénomination est intéressant, car il implique la notion de tessiture dans la conception polyphonique, alors que l’ancienne terminologie - contratenor, tenor, motetus (qui devint altus, supplanté plus tard par alto), triplum (qui devint superius, plus tard soprano) - ne retenait que la structure. Seul le mot tenor est passé d’une nomenclature à l’autre, mais en impliquant une notion de tessiture qu’il n’avait pas auparavant. L’emploi actuel du mot contrebasse au sens de « tessiture inférieure à celle de la basse » provient d’une dérivation légèrement postérieure du mot contra que l’on retrouve dans le terme basse-contre. BASTIAN (René), compositeur français (Strasbourg 1935). Autodidacte, polyvalent, interprète de musique électronique en direct sur synthétiseur, responsable du département électroacoustique du Centre européen de recherche musicale, animé à Metz par Claude Lefebvre, René Bastian est une personnalité unique dans le milieu musical francais, par son rare mélange d’humour, d’ouverture d’esprit, de haute compétence et de responsabilité dans l’engagement artistique. Il défend, notamment, le principe d’une musique électroacoustique libre, vivante et mobile, qui « n’a besoin que de presque rien pour exister », contre les académismes du beau son lisse et sans arêtes et contre le fétichisme technologique des studios lourds. Sa production, essentiellement destinée au synthétiseur en direct, avec ou sans dispositifs électroacoustiques et instruments associés (les Archanges au galop, 1971 ; le Pain du dinosaure, 1971-72 ; Extrasystoles, 1972 ; Avers, 1975-76 ; Régression 1, 2, 3, 1975-76), comprend aussi des oeuvres instrumentales (État 1, État second, 1976 ; le Rhin est mort, 1978, cantate, Partition III, 1978 pour 12 ensembles d’harmonie jouant en plein air) et des pièces « conceptuelles » (Concept-Concerts, 1959-1978). BASTIN (Jules), basse belge (Bruxelles 1933). Il étudie au Conservatoire de Bruxelles avec Frédéric Anspach. En 1960, il reçoit son premier engagement au Théâtre de la Monnaie, et remporte en 1963 un premier prix au Concours international de Munich. Jusqu’en 1964, il est première basse de l’Opéra de Liège, avant d’aborder les rôles de basse profonde du répertoire italien et français. En 1975, il débute à l’Opéra de Paris, où il chante le rôle du banquier dans Lulu en 1979. Depuis, il participe aux plus grands festivals, de Salzbourg à Aix-en-Provence, et aborde aussi bien les opéras de Berlioz, Chabrier et Ravel que ceux de Janacek ou Prokofiev. BATAILLE. Le thème des batailles n’a pas moins inspiré les musiciens que les peintres, mais ils n’en ont, en général, retenu que l’aspect extérieur et superficiel : appels, fanfares, chocs spectaculaires, auxquels s’ajoute volontiers, lorsqu’il s’agit pour l’auteur d’une victoire de son prince ou de son peuple, un chant de triomphe dominant la défaite de l’ennemi. Le Chef d’armée de Moussorgski, l’un des 4 Chants et danses de la mort, est un exemple quasi unique d’évocation vraiment dramatique des batailles. Sous l’aspect vocal, le genre apparaît dès la fin du XIVe siècle (Grimace : Alarme, alarme !), se poursuit au XVe et culmine au XVIe siècle, où Costeley écrit une Prise de Calais et une Prise du Havre, Janequin une Bataille de Metz, une Bataille de Renty et, la plus célèbre de toutes, la Guerre (connue sous le nom de la Bataille de Marignan). Cette dernière n’est pas un récit héroïque de la victoire de François Ier. Ayant pour propos d’amuser de « gentils Gallois », c’est-à-dire des bons vivants et joyeux drilles, elle traduit les bruits et épisodes du combat en une extraordinaire évocation d’orchestration chorale, qui a fait l’objet, dès sa parution, de très nombreuses transcriptions, surtout pour le luth. Elle a même été transformée en messe (messe la Bataille), probablement par Janequin lui-même, selon la technique de la messeparodie ( ! MESSE). Conformément à la casuistique amoureuse de la Renaissance, l’amour est souvent évoqué en termes de bataille (Claude Le Jeune, dans le Printemps : « Le dieu Mars et l’Amour sont parmi la campagne « ; suit la comparaison des deux actions) et donne lieu à des scènes musicales analogues les unes aux autres ; Monteverdi met sur le même plan ses Madrigali guerrieri ed amorosi (1638). Les opéras fourmillent, sinon de scènes de bataille difficiles à rendre au théâtre, du moins de « bruits de guerre » ou évocations symphoniques analogues. Le clavecin lui-même accueille des descriptions plus ou moins naïves de batailles terrestres ou navales. Abandonné par le piano-forte, le genre est, au XIXe siècle, abondamment recueilli par l’orchestre, et jusque dans les messes, où l’Agnus Dei, entre autres, par son Dona nobis pacem, si amplement développé par Beethoven dans sa Missa solemnis, appelle le contraste de la guerre à apaiser. Ouvertures, poèmes symphoniques, etc. - en attendant les musiques de film du XXe siècle - lui font bonne place, de la Victoire de Wellington (ou la Bataille de Vittoria), que Beethoven écrit en 1813 avec accompagnement de canon obligé, à l’Ouverture 1812 de Tchaïkovski (1880), la Sinfonia brevis de bello gallico de Vincent d’Indy (1918) ou la symphonie no 7 « Leningrad » de Chostakovitch (1941). BATAILLE (Gabriel), luthiste et compositeur français (Paris v. 1575 - id. 1630). Connu surtout par ses contemporains comme luthiste, il écrivait des chansons et faisait des transcriptions, pour voix seule et luth, d’airs de cour polyphoniques composés par Guédron, Mauduit, A. Boesset. Ainsi contribua-t-il au développement du chant soliste, alors tout nouveau. De 1608 à 1615, il publia six livres d’Airs de différents autheurs mis en tablature de luth chez P. Ballard. Quelques airs de sa composition figurent également dans des livres parus en 1617, 1618-1620. Parfois on peut discerner l’influence de la poésie mesurée à l’antique sur ses oeuvres. Bataille collabora aux ballets de cour sous Louis XIII. En 1617, Marie de Médicis fit de lui son maître de musique et, en 1624, il devint celui d’Anne d’Autriche. Bataille écrivit peu d’oeuvres, mais ses recueils constituent une intéressante anthologie de la musique de cour au début du XVIIe siècle. BATESON (Thomas), compositeur anglais (comté de Cheshire 1570 - Dublin 1630). Il fut le premier madrigaliste à obtenir un grade musical au Trinity College de Dublin. Il fut organiste de la cathédrale de Chester (1599-1609), puis de la cathédrale de la Trinité à Dublin (1609-1618). Il publia à Londres deux livres de madrigaux : le premier de 28 madrigaux de 3 à 6 voix (1604) ; le second de 30 madrigaux (1618). La fraîcheur mélodique de son inspiration inscrit l’oeuvre de Bateson dans la meilleure tradition des madrigalistes anglais (consulter E. H. Fellowes, édit., The English Madrigal School, vol. XXI, XXII). BATHORI (Jeanne-Marie BERTHIER, dite Jane), mezzo-soprano française (Paris 1877-id. 1970). Ayant débuté au concert en 1898, elle commença à Nantes, en 1900, une carrière d’opéra qui la conduisit notamment à la Scala de Milan en 1902. Mais, à partir de 1904, elle se consacra presque excludownloadModeText.vue.download 78 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 72 sivement à la mélodie française de son époque, faisant connaître dans le monde entier, et créant souvent, les oeuvres de Debussy, de Ravel, de Fauré, de Caplet, de Koechlin, de Satie et des membres du groupe des Six. Cette remarquable musicienne s’accompagnait volontiers elle-même au piano. Elle eut aussi une activité de pédagogue et de conférencière et publia deux ouvrages : Conseils sur le chant (1929) et Sur l’interprétation des mélodies de Claude Debussy (1953). BÂTON. 1. Au XIXe siècle, avant d’être remplacé par la mince baguette, plus maniable, un bâton de bois ou d’ivoire était utilisé par le chef d’orchestre pour diriger ses musiciens. Auparavant, aux XVIIe et XVIIIe siècles, on battait la mesure à l’aide d’une canne que l’on frappait sur le sol ; cette pratique causa l’accident qui fut à l’origine de la mort de Lully. Parfois aussi, on se servait d’un archet de violon ou d’un rouleau de papier tenu à pleine main. 2. Sur une portée, barre verticale traversant plusieurs interlignes et servant à noter les silences de plus d’une mesure. Le bâton peut être remplacé par des chiffres. BATTERIE. 1. Signal militaire ; le tambour battait ou roulait un rythme selon l’événement à annoncer (charge, retraite, etc.). 2. Par dérivation du sens précédent, le terme batterie désigne aujourd’hui, d’une manière familière, le groupe des instruments de percussion de l’orchestre. 3. Dans le jazz, la batterie (on dit aussi les drums), tenue par un seul musicien, se compose de la grosse caisse, de la caisse claire, des toms, des diverses cymbales et de quelques petits accessoires (woodblock, cloches, etc.). 4. Sur les instruments à clavier, la batterie est une façon d’arpéger les accords en répétant le motif parfois pendant plusieurs mesures (la basse dite d’Alberti est une forme de batterie). Cette technique est quelquefois employée aussi sur les instruments à archet. 5. Technique du jeu de la guitare qui consiste à frapper les cordes avec les doigts au lieu de les pincer. BATTISTELLI (Georgio), compositeur italien (Albano Laziale 1953). Il suit les cours du Conservatoire de L’Aquila. Cofondateur, en 1974, à Rome, du Groupe de recherche et expérimentation musicale « Edgard Varèse », il enseigne au Conservatoire de Pérouse et, en 1985-86, réside à Berlin comme invité de la DAAD. Compositeur « jaloux de son indépendance » (selon le musicologue Daniel Charles), Battistelli connaît son premier succès majeur avec Experimentum Mundi (1981), « oeuvre de musique imaginaire pour acteur, cinq voix naturelles de femmes, 16 artisans et trois percussionnistes », dans laquelle un ensemble accompagne des textes de l’Encyclopédie, au son des divers outils cités (marteau, enclume, scie, forge, etc.). La musique de Battistelli garde toujours une composante théâtrale, qu’il s’agisse de ses oeuvres scéniques (Aphrodite, monodrame d’après Pierre Lous, 1983 ; Teorema, parabole musicale adaptée librement d’après Pasolini, 1992 ; Prova d’orchestra, d’après Fellini, créé à Strasbourg en 1995) ou de ses pièces instrumentales (La fattoria del vento, 1988 ; Anarca, hommage à E. Jünger, 1988-89 ; Erlebnis, 1990). BATTISTINI (Mattia), baryton italien (Rome 1856 - Rieti 1928). Il aborda le chant après des études de droit et débuta en 1878 au théâtre Argentina de Rome dans la Favorite. Sa carrière dura près d’un demi-siècle ; il ne l’interrompit que peu avant sa mort. Il ne quitta guère l’Europe, mais, de Lisbonne à Moscou, il remporta des succès immenses et fut surnommé « la Gloria d’ltalia ». Battistini fut l’un des derniers et des plus grands représentants de la longue tradition du bel canto. Admirable dans les oeuvres de Rossini, Bellini, Donizetti et Verdi, auxquelles il apportait sa virtuosité transcendante et son sens exceptionnel du cantabile, il chantait les rôles les plus dramatiques sans se départir d’une élégance suprême. Quant aux rôles du répertoire plus moderne, postérieur à Verdi, dans lesquels il jugeait que l’élégance ne pouvait être de mise, il ne les inscrivait pas à son réper- toire. BATTUE. Matérialisation des temps de la mesure par un geste ou un bruit pour en assurer la transmission ou la régularité. Jusqu’au XVIIe siècle au moins, la battue se faisait par touchements du doigt ou tactus successifs, sans groupement en mesures : on comptait donc 1. 1. 1... Au XVIIe siècle, avec la généralisation des barres de mesure, on commença à grouper les battues par mesures (par exemple, 1. 2. 3. 1. 2. 3...), en donnant au geste de chaque temps une direction conventionnelle lui permettant d’être à tout moment identifié par les musiciens. Si la battue à 2 temps est aujourd’hui uniformisée, il n’en est pas de même des autres. À la française, la battue à 3 temps dessine dans l’espace un triangle. Celle à 4 temps dessine un angle droit : 1er temps de haut en bas, 2e de droite à gauche, 3e en retour de gauche à droite, 4e de bas en haut. À 5 temps, elle bat successivement une mesure à 3 temps et une mesure à 2 temps. À l’italienne au contraire, on ignore tous les mouvements latéraux et on ne quitte pas la ligne verticale. C’est la manière française qui est la seule enseignée dans les classes de solfège et de direction d’orchestre. La musique aléatoire a modifié, pour un secteur de la musique contemporaine, la pratique de la battue, en remplaçant tout ou partie de l’indication des temps par des signaux conventionnels, comportant notamment des indications de numéros de repère, excluant de la part du chef l’usage de la baguette. La main nue, parfois moins précise que la main tenant la baguette, apparaît en revanche plus expressive. Certains chefs, comme Pierre Boulez, ont systématiquement abandonné la baguette en toute circonstance, mais ne semblent pas avoir fait école sur ce point. BATTUTA. Terme italien pour « battue » et, par extension, pour « temps de la mesure », désignant également l’unité de battue, parfois différente de l’indication de mesure. Ritmo di tre battute indique par exemple pour la pulsation un regroupement trois par trois des mesures, et non des temps, à chaque mesure correspondant une seule battue (trois battues par groupe de mesures) : cela implique un tempo très rapide. Le Molto vivace (deuxième mouvement) de la Neuvième Symphonie de Beethoven (1824), bien qu’écrit à 3/4, s’entend en ritmo a quattro battute (groupes de quatre mesures avec une battue par mesure, donc quatre battues par groupe) ; à partir de la mesure 177 débute en outre un passage faisant alterner ritmo a tre battute et ritmo a quattro battute. L’Apprenti sorcier de Paul Dukas (1897) est écrit à 3/8, mais se dirige d’un bout à l’autre a tre battute (« à trois battues », correspondant à un groupe de trois mesures). BATUQUE. Danse populaire brésilienne, fortement influencée par les rythmes africains, et se rapprochant de la samba ou de la matchiche. BAUDELAIRE (Charles), poète français (Paris 1821 - id. 1867). Orphelin de père dès l’âge de six ans, il supporte mal le remariage de sa mère. Après des études faciles mais indisciplinées, il se voit offrir par ses parents un tour du monde destiné à épuiser son dandysme excentrique. Mais il l’interrompt, revient à Paris et fréquente les milieux littéraires en même temps qu’il se lie à Jeanne Duval (1842). Sans se laisser arrêter ni par ses démêlés avec la censure (les Fleurs du Mal, 1857) ni par l’aggravation inexorable d’une maladie vénérienne, il downloadModeText.vue.download 79 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 73 produit avec fièvre : les Paradis artificiels (1860), le Spleen de Paris, l’Art romantique (1868). Mais sa santé décline brutalement. Hospitalisé en 1866, il connaît une longue et douloureuse déchéance, dont la mort le délivre un an plus tard. Son attitude envers la vie, fondamentalement romantique, sera érigée au rang de système par un Wagner. Rien d’étonnant à ce que Baudelaire, après le premier concert donné par ce dernier à Paris le 25 février 1860, ait écrit au compositeur (dont la vie res- semble souvent à la sienne) une lettre demeurée célèbre, pour l’assurer de sa compréhension intime, lettre à laquelle Wagner répondit assez banalement. De même, lorsque l’année suivante Tannhaüser tomba à l’Opéra, Baudelaire publia-t-il dans la Revue européenne (1er avr. 1861) un article qu’il compléta ultérieurement, où il reprenait des thèmes chers : « la musique, capable de suggérer des idées analogues dans des cerveaux différents », réalise cette fusion des sons, des couleurs, des parfums, des espaces, des formes, dont rêvait déjà Hoffmann. Le poète est mort trop tôt pour participer, comme le feront plusieurs de ses amis, au triomphe de Wagner à Bayreuth. Mais en France, il a trouvé un compositeur fraternel en la personne d’Henri Duparc, lui aussi retranché du monde par la maladie et le doute sur sa création, et auquel on doit une Invitation au voyage et une Vie antérieure (1870) ouvrant grands les yeux sur la douleur, où le piano, seul, prolonge la vision. Au contraire, Debussy, qui aimait aussi Edgar Poe, s’est montré dans ses cinq poèmes (Recueillement, le Jet d’eau, la Mort des amants, le Balcon, Harmonie du soir, 1890) malhabile, trop jeune, trop peu inventif quant à la musicalité des mots. BAUDO (Serge), chef d’orchestre français (Marseille 1927). Il a fait ses études à Marseille, puis au Conservatoire de Paris, notamment avec L. Fourestier pour la direction d’orchestre. En 1966, il remplace Karajan à la Scala de Milan et dirige Pelléas et Mélisande. L’année suivante, il fonde avec Ch. Munch l’Orchestre de Paris, dont il assume la direction jusqu’en 1970. Il a été ensuite, de 1971 à 1987, directeur de l’Orchestre de Lyon (depuis 1984 Orchestre national de Lyon), qui, sous sa férule, est devenu une excellente formation. Serge Baudo a composé quelques oeuvres, dont les Danses païennes pour clarinette et percussion. Son successeur à Lyon est Emmanuel Krivine. BAUDRIER (Yves), compositeur français (Paris 1906 - id. 1988). Il s’orienta d’abord vers le droit, mais il découvrit que seule la musique pouvait lui apporter une possibilité d’évasion et une satisfaction spirituelle. Il devint alors élève de G. Lath, organiste du Sacré-Coeur. En 1936, il fonda le groupe « Jeune France » auquel s’associèrent Daniel Lesur, André Jolivet et Olivier Messiaen. Ces quatre musiciens allaient tenter de retrouver, pour leur art, les forces généreuses que connut jadis le romantisme de Berlioz. Baudrier, rejetant tout système d’écriture trop rigide, renouant en revanche avec les libertés rythmiques des anciens, se libéra de la tonalité sans s’enfermer dans un autre système. Ses compositions instrumentales ou vocales sont souvent fort sensibles, son style étant, en somme, celui de l’expression, d’une musique qui chante. Il a composé des pièces pour piano, deux quatuors à cordes (1939, 1941), de la musique symphonique (le Musicien dans la cité, 1936-37, rev. 1946 ; Partition trouvée dans une bouteille, mouvement symphonique, 1965), de la musique de films et des oeuvres vocales (Deux Poèmes de Tristan Corbière, 1939 ; Deux Poèmes de Jean Noir, composés au secret, 1944 ; Cantate de la Pentecôte, en collaboration avec M. Rosenthal et M. Constant, pour choeur de femmes et orchestre, 1950). BAUDRON (Antoine Laurent), violoniste et compositeur français (Amiens 1742 Paris 1834). Violoniste à la Comédie-Française (1763) puis directeur de son orchestre (1766), il collabora avec Beaumarchais et est probablement l’auteur du célèbre air « Je suis Lindor » inséré dans le Barbier de Séville (1775) et traité par Mozart en variations pour piano (K.354, 1778). Ses 6 Quartetti opus 3 (1768) sont considérés comme les premiers quatuors à cordes composés par un Français. BAUER (Harold), pianiste anglais naturalisé américain (Londres 1873 - Miami 1951). Il étudie d’abord le violon avant de se consacrer au piano en 1892, sur les conseils de Paderewski. En 1893, il commence une importante carrière à Paris et en Russie. Il joue aux États-Unis une première fois en 1900, avant de s’y installer en 1915. Il y fonde la Beethoven Association de New York, et se produit souvent avec Thibaud et Casals. Entre 1918 et 1941, il dirige une célèbre Société de musique de chambre. Il a été admiré par les plus grands compositeurs de son époque : Ravel lui dédie Ondine, il crée Children’s Corner de Debussy en 1908 et le Quintette d’Ernest Bloch en 1925. Il a cependant excellé dans le répertoire romantique, où il affectionnait surtout Schumann, Brahms et Franck. BAUER (Marion), femme compositeur américaine (Walla Walla, Washington, 1887 - South Hadley, Massachusetts, 1955). Elle fit des études à Paris avec Nadia Boulanger, Raoul Pugno, André Gédalge ; à Berlin avec Paul Ertel, et aux États-Unis avec Pierre Monteux et Campbell-Tipton. Sa musique, considérée au début comme audacieuse à cause de ses sympathies impressionnistes (pièces pour piano, 1er quatuor), apparaît en fait néoclassique avec un goût pour les sonorités raffinées et les combinaisons instrumentales chatoyantes. Son oeuvre comporte des pièces symphoniques, dont deux symphonies, de la musique de chambre, des choeurs et de nombreuses pièces pour piano. On lui doit également une oeuvre de musicographe. BAUGÉ (André), baryton français (Toulouse 1893 - Paris 1966). Il débuta à Grenoble en 1912, puis à l’Opéra-Comique dans Frédéric de Lakmé (1917). Il acquit une grande popularité entre les deux guerres. Sa voix typiquement française de baryton aigu, légère mais sonore, et son aisance en scène firent de lui un excellent interprète de Figaro du Barbier de Séville de Rossini et du répertoire d’opérette (par exemple, des oeuvres de Messager, Monsieur Beaucaire). BAUMONT (Olivier), claveciniste français (Saint-Dié 1960). Il obtient deux premiers prix (clavecin et musique de chambre) au Conservatoire de Paris et se perfectionne ensuite auprès d’Huguette Dreyfus et de Kenneth Gilbert. En 1982, il réussit le concours de solistes de Radio France et enregistre son premier disque. Il est ensuite régulièrement invité par le festival de piano de La Roque-d’Anthéron, ainsi que par celui de Radio France et Montpellier, et donne plusieurs récitals au Japon et aux ÉtatsUnis. Il joue régulièrement à deux clavecins avec Davitt Moroney, accompagne le contre-ténor James Bowman, la soprano Jill Feldman, publie des articles de musicologie. En 1992, il prend la direction du Festival Couperin de Chaumes-en-Brie. Il a enregistré l’intégrale de l’oeuvre pour clavecin de Rameau, ainsi que celle de Couperin. BAUR (Jurg), organiste et compositeur allemand (Dusseldorf 1918). Après des études à Cologne à la Musikhochschule, en particulier avec Philipp Jarnach (composition), et à l’université avec Karl Gustav Fellerer (musicologie), il devient professeur au conservatoire Schumann de Düsseldorf, puis directeur, depuis 1965, de cet établissement, ainsi que cantor et organiste à l’église SaintPaul (1952-1960). Son oeuvre reflète les influences successives de Reger, de Hindemith et de Bartok, puis de Schönberg. downloadModeText.vue.download 80 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 74 Il a écrit de la musique orchestrale, de la musique de chambre, des concertos et de la musique vocale (motets, lieder, dont un cycle : Herx stirb oder singe). BAX (sir Arnold), compositeur anglais (Londres 1883 - Cork, Irlande, 1953). Il fit ses études à partir de 1900 à la Royal Academy of Music. Ses premières oeuvres datent de 1903. Très doué, il transcrivait à vue n’importe quelle partition d’orchestre au piano. En 1910, il fit un court séjour en Russie et certaines de ses pièces pour piano en portent la trace. Mais, de sang à moitié irlandais, il imprégna avant tout ses oeuvres de l’amour de son pays et de l’attachement à la race celte, n’hésitant pas à s’inspirer du folklore dans ses compositions. Il participa d’autre part au mouvement littéraire nationaliste irlandais. On l’a nommé le « Yeats de la musique » à cause de son penchant pour un mysticisme coloré de romantisme. En 1941, il devint Master of the King’s Music. Bax a composé notamment des sonates pour piano, de la musique de chambre dont 3 quatuors à cordes, 7 symphonies (de 1922 à 1939), des poèmes symphoniques dont The Garden of Fand (1916) et Tintagel (1917), deux ballets, des choeurs et une cinquantaine de mélodies. BAYER (Joseph), compositeur, chef d’or- chestre et violoniste autrichien (Vienne 1852 - id. 1913). Directeur des ballets à l’opéra de Vienne à partir de 1885, il est célèbre encore aujourd’hui pour son ballet Die Puppenfee (1888). BAYLE (François), compositeur français (Tamatave, Madagascar, 1932). Abandonnant une carrière d’enseignant pour compléter une formation musicale d’autodidacte à Darmstadt et auprès d’Olivier Messiaen et de Pierre Schaeffer, il est l’un des premiers membres du Groupe de recherches musicales de l’O. R. T. F., en 1958, avant d’en devenir, en 1966, après Pierre Schaeffer, le véritable responsable. Le G. R. M., en effet, doit beaucoup à son inlassable activité d’animateur, de programmateur, de semeur d’idées et d’initiatives. Dans la personnalité très riche de ce créateur, le penseur et le théoricien tiennent une place importante, apparente jusque dans le titre de certaines oeuvres. Celles-ci se nourrissent souvent des suggestions nées d’une fréquentation assidue des courants d’idées modernes (philosophie bachelardienne de la connaissance, théorie des arts plastiques chez Paul Klee, mathématiques de René Thom), assimilées et transposées par lui dans le domaine musical avec plus d’intuition que de méthode. Sa musique ne s’aventure jamais dans le rêve sans auteurs de chevet : ceux que nous avons cités, mais aussi Bataille, Lewis Carroll, les surréalistes. François Bayle se propose, armé de ces références, d’explorer par ses oeuvres la « genèse des formes et des mouvements sonores, la grammaire de leur formation, leur relation avec les événements du monde plastique ou psychique ». En témoigne une somme comme l’Expérience acoustique (1969-1972), oeuvre géante en 5 volets et 14 mouvements, qui est un des chefsd’oeuvre de la musique électroacoustique par la cohérence et l’unité de sa conception et la puissance et la diversité de son inspiration : une de ces « utopies de sons » que seuls, jusqu’ici, Pierre Henry et Stockhausen avaient su créer pour les haut-parleurs. Aussi maîtrisée, mais plus intime, est la suite en 17 mouvements Jeïta (1969-70), inspirée par une grotte du Liban, dont la première partie atteint une perfection, une concentration et une poésie dignes du plus grand Ravel. Remon- tant dans le temps, on peut saluer avec les Espaces inhabitables (1967), inspirés de Bataille et de Jules Verne, la première cristallisation musicale des préoccupations théoriques qui devaient l’amener à cataloguer et à manier de plus en plus systématiquement les processus sonores repérés par lui comme appartenant en propre à la musique des haut-parleurs. Ce qui n’empêche pas ces oeuvres d’être foisonnantes d’images et de poésie et très séduisantes de couleurs. Mais les Vibrations composées (1973) et Grande Polyphonie (1974) semblent porter à la limite du dessèchement leur assurance de style, dans leur maîtrise un peu tendue, ce qui n’est pas le cas de Camera Obscura (1976), oeuvre-labyrinthe, ou d’Érosphère (1980), merveilleuse tapisserie musicale intégrant une oeuvre antérieure, Tremblement de terre très doux (1978), et renouant avec la poésie miroitante et scintillante de Jeïta. Dans cet itinéraire, une oeuvre à part met à jour plus explicitement le monde symbolique de François Bayle : c’est le Purgatoire (1972), d’après la Divine Comédie de Dante, second volet d’un triptyque commandé par le chorégraphe Vittorio Biagi, dont Bernard Parmegiani signait l’Enfer, et les deux compositeurs, le Paradis (1974). Interprétant librement le texte de Dante, lu par Michel Hermon, l’auteur en dégage le sens initiatique, invente, pour le placer au centre de son labyrinthe, le personnage de l’Ange-Feu, séducteur dangereux incarné par des flammèches et des pétillements sonores caractéristiques de Bayle, et conclut sur une très belle exaltation mystique de la résonance musicale pure, dont l’aimée Béatrice est le symbole. En 1983 ont été créés les Couleurs de la nuit pour bande et ordinateur (1982) et Son vitesse-lumière, version intégrale en 5 sections (1980-1983), et en 1990 Fabulae. BAYLERO. Chant du bayle « valet », en langue d’oc. Dialogue chanté, en partie improvisé autour de certaines notes invariables de la mélodie, échangé par les bergers de haute Auvergne se répondant d’un sommet à un autre. Joseph Canteloube a baptisé bailèro la première pièce de ses Chants d’Auvergne ; la mélopée chantée et le climat orchestral y évoquent un paysage immense et triste. BAYREUTH. Petite ville de Haute-Franconie dans le nord de l’État de Bavière, célèbre pour son festival exclusivement consacré aux oeuvres de Richard Wagner. Provisoirement banni de Bavière en 1865, las des intrigues de cour et de la surveillance jalouse que son protecteur Louis II exerçait sur lui, Wagner renonça au projet, lancé en 1864 par ce souverain, de construire à Munich un théâtre destiné aux représentations de l’Anneau du Nibelung, mais non à ce rêve, qu’il caressait depuis longtemps, d’un théâtre bien à lui, où ses oeuvres pourraient être jouées d’une manière parfaite. Il se mit en quête. Bayreuth retint son attention : il s’y dressait un théâtre, l’opéra des Margraves, à l’acoustique réputée et dont la scène était l’une des plus vastes d’Allemagne. À l’examen, cet édifice, qu’il visita en avril 1871, ne lui convint pas. Mais la compréhension qu’il rencontra à Bayreuth le décida : c’est là qu’il édifierait son théâtre des festivals (Festspielhaus), spécialement destiné à servir de cadre aux représentations solennelles de l’Anneau, oeuvre dont les dimensions et le caractère exigeaient, selon lui, des conditions d’exécution totalement différentes de celles d’un opéra traditionnel. L’ambitieux projet de Wagner était celui d’une véritable école où les interprètes, par le biais de l’étude de ses ouvrages, apprendraient les fondements du théâtre lyrique moderne : avènement d’acteurs-chanteurs se substituant aux « gosiers » sacrifiant tout à « la » note, restauration de la conception initiatique du spectacle que Wagner croyait déceler dans la tragédie grecque. C’est dans cette perspective que, reprenant les principes qu’en accord avec lui l’architecte Gottfried Semper avait posés pour le projet de Munich, Wagner conçut un bâtiment aux caractéristiques révolutionnaires (quoique inspirées, pour certains traits, du théâtre de Riga où il avait travaillé dans sa jeunesse) : une salle d’environ 1 800 places en amphithéâtre, sans loges ni baignoires, étagée sur trente gradins, avec une visibilité parfaite pour tous les spectateurs ; un orchestre profondément enfoncé dans une fosse de six gradins, recouverte aux trois quarts par deux auvents de bois mince dont l’un, du côté de la scène, fait office de proscenium, downloadModeText.vue.download 81 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 75 créant une fausse perspective qui trompe le spectateur sur la taille réelle des décors et même des personnages. Le fait de cacher l’orchestre répondait à deux préoccupations : d’abord, en supprimant cette source de lumière qui d’ordinaire s’interpose entre le public et le plateau, concentrer l’attention du spectateur sur le déroulement scénique ; ensuite, obtenir un son d’orchestre décanté, limpide, mal localisé, presque mystérieux, qui, jaillissant de l’invisible « abîme mystique », enveloppe idéalement les voix sans les masquer. À l’atmosphère sérieuse, fervente, ainsi recherchée, contribuent également l’austérité de la salle, sans dorure, sans ornement (elle était d’ailleurs considérée par Wagner comme provisoire ; les fonds disponibles avaient été utilisés en priorité pour créer un équipement scénique parfait, considéré, lui, comme définitif), l’inconfort des rudimentaires sièges de bois et le fait, nouveau pour l’époque, que la salle était plongée dans l’obscurité durant les représentations. L’école ne vit pas le jour, mais, dans l’édifice bâti grâce à la vente de cartes de patronage et, surtout, à une ultime et décisive aide de Louis II, le rideau se leva sur l’Or du Rhin, inaugurant un Anneau du Nibelung complet, en août 1876. L’événement, à la fois politique et artistique Guillaume II et l’empereur du Brésil y côtoyaient Liszt, Bruckner, Tolstoï, SaintSaëns, Tchaïkovski -, connut un succès rendu relatif par le déficit, qui interdit d’annoncer la date du festival suivant, et par l’indifférence du public d’opéra traditionnel. Le wagnérisme, pourtant, s’institutionnalisa cette année-là ; Nietzsche, voyant son ami accaparé par les associations « d’amateurs de bière, de peaux de bête et de Wagner », fuit Bayreuth à l’arrivée des premiers « pèlerins ». Six ans plus tard, la création de Parsifal (1882) fut accueillie avec déférence ; mais la mort de Wagner (1883) menaça la survie de Bayreuth. Parsifal fut joué en 1883 et 1884, mais des festivals isolés, arrachés au destin, n’avaient créé ni une habitude ni une tradition. Cosima Wagner décida alors d’assumer l’héritage. Entourée d’une extraordinaire équipe de chefs d’orchestre (Hans Richter, Hermann Levi, Felix Mottl), elle présenta à tour de rôle l’ensemble des oeuvres principales du maître, du Vaisseau fantôme à Parsifal. Avec l’aide de son fils Siegfried (18691930) et d’un conseiller musical, Julius Kniese, elle fit de Bayreuth une institution où, conception radicalement neuve, mise en scène et chant comptaient autant l’un que l’autre. Longtemps, on accusa Cosima d’avoir favorisé la naissance d’une « race de hurleurs » (B. Shaw). Mais de grandes voix, comme Rosa Sucher, étaient alors aussi rares qu’aujourd’hui. Il est vrai cependant que Cosima, qui estimait honorer les chanteurs en les engageant et les payait fort peu (pratique qui s’est maintenue à Bayreuth jusqu’à nos jours), ne craignit jamais de sacrifier la beauté vocale sur l’autel de l’articulation « wagnérienne » obligatoire qu’elle avait instituée, déclamation inspirée du théâtre parlé. Soumis à ce style dont ils ne pouvaient enfreindre la moindre règle sous peine d’expulsion, les vedettes du Bayreuth de l’époque, Erick Schmedes, Ernest Van Dyck, Theodor Bertram, Ellen Gulbranson, purent sembler au public des voix moins « belles » que leurs rivaux Leo Slezak, Jacques Urlus, Emil Fischer, Lillian Nordica, Felia Litvinne, qui chantaient librement Wagner dans les autres théâtres. Assurément, l’intégrité de la fidélité de Cosima à certaines volontés réelles, ou supposées, de Wagner ôta aux chanteurs toute spontanéité, toute imagination, et supprima sur le plan scénique toute possibilité d’innovation. En 1907, Cosima abandonna la direction du festival à Siegfried. Celui-ci se contenta, jusqu’à la guerre, de maintenir les méthodes instaurées par sa mère. Après le conflit, il eut grand mérite à réunir les fonds nécessaires pour la reprise, qui eut lieu en 1924. Cette période se caractérise par la création d’une régie des éclairages, la simplification des décors et l’utilisation de projections, un style plus naturaliste et psychologique dans la direction d’acteurs, bref, un heureux compromis entre les théories d’Appia, que Cosima avait formellement rejetées et qu’il n’osa suivre totalement, et la tradition. Des chefs comme Karl Muck et Michael Balling, des chanteurs comme Nanny Larsen-Todsen et le chef des choeurs Hugo Rüdel l’aidèrent à maintenir une haute qualité musicale et vocale. Les nouvelles productions de Tristan et Isolde (1927) et Tannhäuser (1930), qu’il mit en scène, furent critiquées par les passéistes, mais furent dans l’ensemble très admirées. Siegfried mourut en 1930, laissant à sa femme Winifred (1897-1979), depuis longtemps son assistante, un festival d’une tenue exemplaire, où pourrait briller la nouvelle génération de chanteurs wagnériens exceptionnels qui atteignait alors son apogée : Frida Leider, Alexander Kipnis, Friedrich Schorr, Lauritz Melchior, Lotte Lehmann, Emanuel List. Or, Bayreuth allait beaucoup changer. À mesure que l’Allemagne tombait sous la coupe du national-socialisme, de très nombreux artistes, imitant Toscanini dont la rupture avec Bayreuth (1933) fut éclatante, prenaient le chemin de l’exil. On ne trouva bientôt plus au festival que des chefs appréciés ou tolérés par le régime (Karl Elmendorff, Franz von Hoesslin, Wilhelm Furtwängler) et des chanteurs « protégés « : Max Lorenz, Franz Völker, Maria Müller, Margarete Klose, Jaro Prohaska, Ludwig Hofmann, Josef von Manowarda, Rudolf Bockelmann. Tous étaient au demeurant de remarquables acteurs-chanteurs, membres pour la plupart de l’opéra de Berlin dont le directeur, le chef d’orchestre et metteur en scène Heinz Tietjen (1881-1967), assura à partir de 1933 la direction artistique du festival. Avec l’aide du décorateur Emil Preetorius et du chef éclairagiste Paul Eberhardt, Tietjen créa un monde de symboles, d’archétypes, plus proche des réalisations ultérieures de Wieland et Wolfgang Wagner que du style de Siegfried. Toutefois, à travers cette forme nouvelle, Tietjen présenta un « message » de plus en plus ouvertement nationaliste. Hitler lui-même demeura relativement discret en raison de la sympathie aveugle, mais sincère, que lui vouait Winifred... mais Bayreuth était bel et bien devenu un temple culturel nazi, et si Germaine Lubin se flatte d’y avoir chanté Isolde en 1939, une Kirsten Flagstad préféra rejoindre au Metropolitan de New York tous les grands chanteurs exilés. La guerre limita l’activité du festival, l’écroulement du Reich l’interrompit en 1944. Touchée par la dénazification, Winifred dut céder la direction à deux de ses enfants, Wieland (1917-1966) et Wolfgang (1919). En 1951, le théâtre rouvrit ses portes. Une production, mise en scène par Wieland, de Parsifal, qui fit scandale avant de devenir unanimement admirée au fil des années, inaugurait l’ère du « nouveau Bayreuth ». Les deux frères s’attachèrent à définir un style de scénographie systématiquement épuré, jouant de la lumière et de la couleur pour fouiller le sens profond des oeuvres. Wieland se montra symboliste et rigoureux, Wolfgang plus humain, plus coloré. Les productions les plus remarquées furent celles de Wieland (Tristan et Isolde, 1952 et 1962 ; les Maîtres chanteurs, 1956 ; l’Anneau du Nibelung, 1965) ; elles furent à leur tour violemment combattues par les passéistes, mais vite admises et même saluées comme des exemples, des jalons dans l’histoire du théâtre ; ces visions décapantes amorçaient une réflexion idéologique qui allait bien au-delà du simple renouvellement de style. Un tel travail, décisif pour l’avenir de l’art lyrique, ne fut possible qu’avec la fidèle collaboration des chefs d’orchestre Hans Knappertsbusch, Wolfgang Sawallisch, Karl Böhm, André Cluytens, Josef Keilberth, Rudolf Kempe, des chanteurs Wolfgang Windgassen Hans Hotter, Leonie Rysanek, Gustav Neidlinger, Josef Greindl, Astrid Varnay, Martha Mödl, Birgit Nilsson, Anja Silja, et du chef des choeurs Wilhelm Pitz. Wieland mourut en 1966, année où, appelé par lui, Pierre Boulez dirigeait son premier Parsifal. Wolfgang a, depuis, assumé seul la responsabilité suprême. Brisant heureusement le rêve de certains de transformer Bayreuth en « musée downloadModeText.vue.download 82 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 76 Wieland », il a, tout en poursuivant ses propres recherches, ouvert le Festspielhaus à des metteurs en scène aussi divers qu’August Everding (le Vaisseau fantôme, 1969 ; Tristan et Isolde, 1974), Götz Friedrich (Tannhäuser, 1972 ; Lohengrin, 1979), Patrice Chéreau (l’Anneau du Nibelung, 1976), Harry Küpfer (le Vaisseau fantôme, 1978 ; Parsifal, 1982). En même temps, il a renouvelé les distributions en appelant des chanteurs (René Kollo, Peter Hofmann, Gwyneth Jones, Franz Mazura, Heinz Zednick) ne répondant pas aux cri- tères de puissance vocale que l’on associait au chant wagnérien depuis quelques dizaines d’années, mais capables d’affronter les exigences actuelles de la recherche et de la sincérité théâtrales. Ainsi Bayreuth demeure-t-il, comme à ses origines, un lieu d’avant-garde, un phare du théâtre contemporain. Wolfgang a confié à Norbert Balatsch la difficile succession de Wilhelm Pitz, à la tête des choeurs (qui sont une élite recrutée essentiellement dans les théâtres allemands, ainsi qu’à l’étranger), et mis l’orchestre (qui est une sélection de musiciens des orchestres d’opéra et de radio des deux Allemagnes) entre les mains de personnalités aussi exigeantes et aux conceptions wagnériennes aussi peu sclérosées que Pierre Boulez, Carlos Kleiber, Colin Davis ou Silvio Varviso. Wolfang, en accord avec sa mère, a définitivement assuré l’avenir du festival en suscitant la création, en 1973, d’une Fondation Richard Wagner (Richard Wagner Stiftung Bayreuth), qui, légataire des biens matériels et spirituels de la famille Wagner, est chargée de les gérer. Cette fondation regroupe la République fédérale d’Allemagne, l’État de Bavière, la Fondation régionale bavaroise, le district de Haute-Franconie, la Fondation de HauteFranconie, la ville de Bayreuth, la Société des amis de Bayreuth et les membres de la famille Wagner. Il a, enfin, développé les Rencontres internationales pour la jeunesse, nées en 1951, qui organisent, parallèlement au festival, des séminaires, des conférences, des ateliers de jeunes interprètes. Le succès du doyen des festivals ne se dément pas et s’est élargi aux dimensions du monde grâce à une intelligente collaboration avec la radio, le disque et, plus récemment, l’audiovisuel. BAZIN (François), compositeur français (Marseille 1816 - Paris 1878). Élève d’Auber et d’Halévy, il obtint le second grand prix de Rome en 1839, derrière Gounod, puis le premier, en 1840. Ses envois de Rome {Messe solennelle, oratorio la Pentecôte, Psaume CXXXVI) et le début de sa carrière furent consacrés à des oeuvres religieuses d’une très belle facture. Il se tourna ensuite vers le théâtre lyrique et écrivit des partitions tenant de l’opéra-comique et de l’opéra bouffe : petites oeuvres en 1 acte dont certaines, comme Maître Pathelin (1856), connurent le succès. Sa seule oeuvre plus développée, le Voyage en Chine (1865), jouit d’une grande popularité pendant plusieurs dizaines d’années. Il devint professeur au Conservatoire de Paris en 1844, et membre de l’Académie des beaux-arts en 1872. BEAT. Mot anglais désignant d’une manière générale les temps de la mesure, mais aussi, dans le jazz, la qualité du tempo par rapport aux critères propres à ce type de musique. Lorsque la partie de basse comporte régulièrement quatre noires par mesure, on parle d’un four-beat rhythm ; en revanche, si la deuxième noire n’est que sous-entendue, il s’agit d’un two-beat rhythm. Ces deux systèmes opposés peuvent se succéder au cours d’une même exécution. BEAUFILS (Marcel), critique et esthéticien français (Beauvais 1899 - id. 1985). De formation universitaire, excellent germaniste, orienté vers les recherches touchant à l’esthétique (il a été professeur d’esthétique musicale au Conservatoire de Paris), Beaufils est un des rares critiques qui ont traité avec bonheur ce difficile sujet que constituent les rapports du mot et de la musique. Son ouvrage sur le Lied romantique allemand (Paris, 1956) est particulièrement remarquable. Citons encore Wagner et le Wagnérisme (Paris, 1947), la Musique de piano de Schumann (Paris, 1951), Musique du son, musique du verbe (Paris, 1954) et la Philosophie wagnérienne : de Schopenhauer à Nietzsche (in Wagner, ouvr. collectif, Paris, 1962). BEAUJOYEUX (Baldassaro DA BELGIOIOSO ou Baltazarini DI BELGIOIOSO, dit Balthazar de),violoniste et chorégraphe italien (Piémont début du XVIe s., - Paris v 1587). Il arriva à Paris vers 1555 dans la suite du maréchal de Brissac. Catherine de Médicis l’accueillit à la Cour, le nomma violoniste de la Chambre et fit de lui son premier valet de chambre. Responsable des divertissements de la Cour, il est connu surtout pour avoir conçu en France le premier ballet de cour fondé sur un argument suivi et préfigurant l’opéra. Il organisa avec bonheur, à l’occasion du mariage du duc de Joyeuse avec mademoiselle de Vaudémont le 15 octobre 1581, le grandiose spectacle intitulé Ballet comique de la Royne (à l’origine Ballet de Circé) qui comportait des chants, des danses, des machines et des intermèdes instrumentaux, mais il ne semble pas avoir participé à la composition de sa musique due à Lambert de Beaulieu et à Jacques Salmon. BEAUMARCHAIS (Pierre Augustin Caron de), écrivain français (Paris 1732 id. 1799). Quoiqu’il ait enseigné les rudiments de la musique, et, en particulier, de la guitare, aux trois filles de Louis XV, écrit le livret d’un opéra, Tarare, mis en musique par Salieri (Paris, 1787), et composé de nombreuses romances (paroles et musiques), ses rapports avec la musique se fondent principalement sur ses comédies, le Barbier de Séville (1775) et le Mariage de Figaro ou la Folle Journée (d’abord interdite par Louis XVI et enfin représentée en 1784). Les intrigues à l’italienne de ces deux oeuvres courageuses, qui s’attaquaient aux privilèges, ont inspiré divers musiciens. En particulier, Mozart (1786) s’empara de la seconde, et Paisiello (1782), puis Rossini (1816) triomphèrent grâce à la première, que Beaumarchais avait d’ailleurs dès l’origine conçue comme un opéra-comique, et pour laquelle il avait lui-même écrit de la musique. BEBUNG (allemand pour « tremblement »). Effet produit au clavicorde en faisant osciller le doigt sur la touche à peu près comme les instrumentistes à cordes pour produire un vibrato. BEC. Embouchure de certains instruments à vent de la famille des bois. Dans la flûte douce (ou flûte à bec), c’est un court sifflet à biseau qui produit à lui seul la vibration initiale. Dans les instruments à anche simple (clarinettes, saxophones), le bec consiste en un cône allongé et aplati dont la partie inférieure évidée, appelée « table », est recouverte par l’anche qu’une « ligature » métallique maintient en place. Les becs de clarinette, autrefois taillés dans du bois dur, puis réalisés en ébonite, sont aujourd’hui coulés dans de la matière plastique, dont la stabilité est très supérieure. Il existe aussi, pour le jazz, des becs de saxophone en métal inoxydable. BÉCARRE. Dans l’usage actuel, signe de notation musicale qui précise que la note à laquelle il s’applique n’est pas altérée et qui annule les altérations ayant pu antérieurement affecter cette note. Comme les autres signes d’altération, le bécarre se place normalement avant la note qu’il affecte, et peut aussi s’employer en armature ou en chiffrage. Dans la musique sérielle, on a pris pour règle de placer un bécarre devant toute note naturelle, même s’il n’y a pas d’altération antérieure à annuler, afin d’éviter qu’une graphie différente ne suggère une différence de traitement entre notes naturelles et notes altérées. downloadModeText.vue.download 83 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 77 Les solfèges un peu anciens prescrivent, si l’on veut changer l’altération d’une note, par exemple affecter un bémol à une note subissant l’effet d’une altération par un dièse, de mettre d’abord un bécarre d’annulation ; on renonce aujourd’hui à cette complication inutile. Dans l’ancienne solmisation, le sens du bécarre était assez différent de celui qu’il a aujourd’hui ( ! BÉMOL). Sa graphie initiale était celle du bémol : un b minuscule, mais dont on prenait soin d’anguler la boucle ( , b carré, d’où bécarre, s’opposant à b, b arrondi, « mol », d’où bémol). Puis la différence de graphie apparut insuffisante et, pour éviter les confusions, on ajouta un petit trait descendant prolongeant la partie droite du « carré « : telle est encore sa forme actuelle ( ). Mais, jusqu’au XVIe siècle, il ne fut pas fait de véritable différence entre le bécarre et le dièse. BECERRA-SCHMIDT (Gustavo), compositeur chilien (Temuco 1925). Il a fait des études à l’université et au conservatoire de Santiago où il a eu pour professeurs Pedro Allende, Domingo Santa-Cruz et Carvajal. Professeur à l’université du Chili depuis 1947, il a été directeur de l’Institut de diffusion musicale (1959-1963) et de la télévision universitaire (1964). D’abord néo-classique à tendance folklorisante son style a évolué vers un modernisme éclectique non dépourvu de fantaisie (dans Juegos. il utilise, avec un piano et une bande enregistrée, des balles de ping-pong et des briques). Il est l’auteur de 3 symphonies, de concertos pour piano et pour guitare, de pièces de musique de chambre, dont 7 quatuors à cordes, de pages vocales (Machu Picchue, oratorio ; Llanto por el Hermano solo) et de compositions obéissant à des formules variées (Responso para José Miguel Carrera pour voix, quintette avec piano et percussion, etc.). BECHSTEIN (Friedrich Wilhelm Carl), facteur de pianos allemand (Gotha 1826 - Berlin 1900) . Après avoir travaillé avec divers facteurs de pianos, allemands ou français, il fonda sa propre maison à Berlin en 1853, puis créa des succursales à Londres, Paris et Saint-Pétersbourg. Les grands pianos de concert Bechstein étaient particulièrement réputés à l’époque romantique. La fabrique fut reprise par ses fils Edwin et Carl. BECK (Conrad), compositeur suisse (Lohn, Schaffhouse, 1901 - Bâle 1989). Élève de Volkmaar Andreae et de Reinhold Laquai à Zurich, puis de Nadia Boulanger au cours d’un long séjour à Paris (19231932), il reçoit également les conseils d’Honegger, Ibert et Roussel. Directeur de la section musicale de Radio-Bâle à partir de 1939, il est l’auteur d’une oeuvre importante, dont les caractères, proches de Hindemith et du néoclassicisme jusqu’en 1940, ont évolué ensuite vers un lyrisme plus détendu (jusqu’en 1950), et, plus tard encore, vers une syntaxe claire et sobre. Son oeuvre unit le souci d’une polyphonie stricte à celui d’une pureté de lignes, d’une simplicité qui se rapproche parfois d’éléments folkloriques. Il est l’auteur de 7 symphonies, 12 concertos, du poème symphonique Innominata, de 4 quatuors et 2 trios à cordes, de sonates pour différents instruments, d’oratorios (Angelus Silesius ; Der Tod zu Basel), de cantates (la Mort d’OEdipe ; Die Sonnenfinsternis), d’un Requiem, etc . BECK (Franz), compositeur allemand (Mannheim 1734 - Bordeaux 1809). Élève de J. Stamitz, il dut quitter sa ville natale à la suite d’un duel, étudia à Venise avec Galuppi, puis se rendit à Naples et de là en France. En 1757 déjà, on entendit à Paris des symphonies de lui. Il séjourna à Marseille, et, dès 1761, se trouvait à Bordeaux, ville où il fut organiste et chef d’orchestre, et qui devait rester sa résidence principale. En 1783, il fut appelé à Paris pour diriger son Stabat Mater, oeuvre longtemps inaccessible (partition en possession privée), mais finalement entendue à Bordeaux en 1996. On lui doit notamment l’opéra la Belle Jardinière (Bordeaux, 1767), le mélodrame l’Île déserte, une musique de scène pour Pandore (Paris, 1789), quelques hymnes révolutionnaires, et, surtout, une trentaine de symphonies dont celles parues en quatre groupes de six, sous les numéros d’opus 1 à 4, de 1758 à 1766, date après laquelle il ne publia plus rien. Ces oeuvres subjectives et très intéressantes sur le plan formel font de lui un des plus grands représentants, injustement ignoré, du style de Mannheim. BECK (Jean Baptiste), musicologue alsacien (Guebwiller, Haut-Rhin, 1881 - Philadelphie, États-Unis, 1943). Docteur en théologie de l’université de Strasbourg, il se fixa, en 1911, aux ÉtatsUnis, où il enseigna dans plusieurs universités. Dès 1907, ses travaux portaient sur la lyrique médiévale. Appliquant aux chants de trouvères la doctrine des modes rythmiques échafaudée par les théoriciens du XIIIe siècle, il professa que les rythmes de ces chants dérivent de la métrique des poèmes. Dans ce domaine, ses résultats sont analogues à ceux de Pierre Aubry. On doit à Jean Beck d’excellentes éditions de chants de trouvères et de troubadours : Corpus cantilenarum Medii Aevi (Paris Philadelphie, 1927-1938). BECKERATH (Rudolf von), facteur d’orgues allemand (Munich 1907 - Hambourg 1976). Son importante manufacture, fondée en 1949 et établie à Hambourg, a restauré des instruments anciens et construit des orgues de style classique, à traction mécanique, en Europe du Nord, aux États-Unis et au Canada. BECKWITH (John), compositeur canadien (Victoria, Colombie britannique, 1927). Il a fait ses études musicales à Toronto avec Alberto Guerrero et à Paris avec Nadia Boulanger. Pédagogue, pianiste et critique musical, établi à Toronto, fidèle à l’esthétique néoclassique et abordant tous les genres, il est l’auteur d’une oeuvre abondante comprenant en particulier des partitions pour orchestre, des opéras de chambre (Night blooming Cereus, The Shivaree), une musique de scène (The Killdear, pour piano préparé), de la musique de chambre et un grand nombre de pièces vocales. BÉCLARD D’HARCOURT (Marguerite), femme compositeur et musicologue française (Paris 1884 - id. 1964). Formée à la Schola cantorum, elle composa notamment un drame lyrique (Dierdane, 1941), un ballet (Raïmi ou la Fête du soleil, 1926), Trois Mouvements symphoniques (1932) et des oeuvres de musique de chambre où, à l’exemple de son maître Maurice Emmanuel, elle utilisa les ressources du langage modal. Elle orchestra le Mariage de Moussorgski et le Poème du Rhône, oeuvre posthume de M. Emmanuel. Elle est connue surtout pour ses travaux sur la musique des Incas et sur la chanson française au Canada. BEDFORD (David), compositeur anglais (Londres 1937). Né dans une famille de musiciens, il choisit très tôt sa voie et entre à la Royal Academy of Music, où il étudie avec Lennox Berkeley. Il est sensible au langage de Schönberg. En 1961, une bourse lui permet d’aller suivre des cours avec Luigi Nono à Venise. Il visite les studios électroniques de Milan en 1962, et subit aussi l’influence de Maderna. Bedford aime travailler avec les musiciens du monde de la « pop music », tels que Kevin Ayers et Mick Taylor des Rolling Stones. Cette collaboration débouche, par exemple, sur Star’s end (1974) pour 2 guitares électriques, un percussionniste « pop » et orchestre symphonique. Il a composé egalement des oeuvres pouvant être jouées par des enfants et des amateurs. La musique de Bedford est originale, mais, quoique très élaborée, elle n’a jamais l’apparence de la complication. Le compositeur aime puiser son inspiration dans un texte (Tentacles downloadModeText.vue.download 84 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 78 of the dark nebula, d’après une nouvelle de science-fiction d’Arthur Clarke). Une certaine élégance, héritée sans doute de Berkeley, caractérise son oeuvre et, comme celle de son maître, la musique de Bedford ne révèle pas toutes ses qualités à la première approche. Mentionnons encore Piece for Mo, une oeuvre pour choeur et orchestre, Star clusters, nebulae and places in Devon, et deux symphonies (1981, 1986). BEDINGHAM (John), compositeur anglais (XVe s.). Vivant à l’époque de la guerre de Cent Ans, ce musicien voyagea probablement sur le continent, puisque c’est là qu’ont été trouvées, dans des manuscrits, quelques oeuvres qui lui sont dues. Il est l’auteur de la messe cyclique Deuil angouisseux, qui se sert d’une ballade de Gilles Binchois, de 4 chansons (O rosa bella, le Serviteur, Grand Temps, Mon seul plaisir), et de quelques motets. Les solutions qu’il fournit aux problèmes posés par les règles strictes de l’écriture de l’époque en font un précurseur. BEDOS DE CELLES (dom François), moine bénédictin et facteur d’orgues français (Caux, Hérault, 1709 - abbaye de Saint-Denis 1779). Constructeur de l’orgue de l’abbaye de Sainte-Croix de Bordeaux, il fut surtout un expert de premier plan et eut à connaître toutes les grandes réalisations de son temps. Il consigna le fruit de son expérience pratique et de ses connaissances théoriques en un monumental traité, l’Art du facteur d’orgues (3 vol., 1766-1778), qui demeure aujourd’hui l’ouvrage de base inégalé en ce domaine, réédité et étudié par tous les facteurs d’orgues. BEECHAM (sir Thomas), chef d’orchestre anglais (Saint-Helens, Lancashire, 1879 Londres 1961). De formation autodidacte, il joua un rôle de premier plan dans la vie musicale britannique durant plus d’un demisiècle, donnant son premier concert en 1899 et le dernier en 1960. Outre ceux qu’il réorganisa, il ne fonda pas moins de trois orchestres, dont les deux derniers existent toujours : le Beecham Symphony Orchestra en 1909, l’Orchestre philharmonique de Londres en 1932 et le Royal Philharmonic Orchestra en 1946. En 1910, il présenta sous sa propre responsabilité artistique et financière deux saisons à Covent Garden au cours desquelles furent créées en Angleterre Elektra et Salomé de Richard Strauss. Il dirigea également en 1913 la première londonienne du Chevalier à la rose et organisa cette année-là et en 1914 deux grandes saisons d’opéras et de ballets russes avec, notamment, la première apparition en Angleterre de Serge de Diaghilev. Cette première période à Covent Garden prit fin en 1919, non sans qu’ait été fondée, dans l’intervalle, la Beecham Opera Company (1915). Après une retraite de quelques années due à des embarras financiers, Beecham fit sa réapparition en 1923, et en 1929, consacra un festival entier à Frederick Delius, compositeur dont il se fit toujours une spécialité. En 1932, la fondation de l’Orchestre philharmonique de Londres et son retour à Covent Garden, dont il fut le maître unique et incontesté de 1936 à 1939, lui assurèrent une position unique. Ces années furent marquées par de mémorables représentations d’opéras et par des concerts tout aussi mémorables, parmi lesquels le festival Sibelius de 1938. De 1940 à 1944, Beecham vécut surtout aux États-Unis et dirigea au Metropolitan Opera de New York. Il passa ses quinze dernières années à la tête du Royal Philharmonic Orchestra, et, au terme de sa carrière, avait dirigé plus de 70 opéras différents. Célèbre pour sa répartie et son sens de l’humour, dont il usait parfois sans ménagement, admiré pour son panache, pour son style incisif mais d’une suprême élégance, il vécut en grand seigneur en témoignant toujours d’un goût particulier pour la musique française, de Grétry et Méhul à Fauré et Debussy, et, notamment, pour Berlioz, dont il fut un des très grands interprètes. « Je donnerais tous les Brandebourgeois pour Manon de Massenet, sûr et certain d’avoir largement gagné au change », lança-t-il un jour comme boutade. Il excella aussi dans Haendel, Haydn, Mozart, Schubert, Bizet, Wagner, Puccini, Richard Strauss, Sibelius, et n’eut pas son égal, comme en témoignent de nombreux enregistrements, pour insuffler dynamisme et feu intérieur aux compositeurs qui suscitaient en lui « joie de vivre, et, qui plus est, fierté de vivre ». On lui doit une autobiographie (A Mingled Chime, Londres, 1944) et un livre sur Frederick Delius (Londres, 1959). BEECKE (Franz Ignaz von), compositeur allemand (Wimpfen-im-Talg 1733 - Wallerstein 1803). Membre, avec le jeune Dittersdorf, de la chapelle du prince von Sachsen-Hildburghausen, il entra chez les Oettingen-Wallerstein en Bavière en 1759 ou en 1760, et poursuivit au service de cette famille princière une carrière à la fois musicale (il composa plusieurs symphonies), administrative et militaire, atteignant en 1792 le grade de major. En 1766, il rencontra les Mozart à Paris. BEECROFT (Norma) femme compositeur canadienne (Oshawa 1934). Elle étudie au conservatoire de Toronto avec John Weinzweigz à Rome avec Petrassis à Tanglewood avec Copland et Lukas Foss, à Darmstadt avec Madernaz et s’initie aux techniques électroacoustiques à Toronto avec Myron Schaeffer et à Princeton avec Mario Davidovsky Assistante, puis productrice à la radio canadienne (1963-1969), elle déploie une grande activité en faveur de la musique contemporaine. Attirée au début par la technique sérielle, elle y a joint peu à peu des éléments électroacoustiques. On trouve dans son oeuvre des pages destinées à des formations instrumentales - traditionnelles ou insolites - et d’autres utilisant l’apport électroacoustique (From Dream of Brase pour récitant, soprano, choeurs, orchestre et bande ; Eleg, Undersea Fantasy, etc.) BEETHOVEN (Ludwig van), compositeur allemand (Bonn 1770 - Vienne 1827). On trouve la trace d’ancêtres de Beethoven à Malines et à Louvain (Belgique), des cultivateurs devenus citadins. Le nom signifie littéralement « jardin aux betteraves » et la particule « van » n’a point de sens nobiliaire. C’est à Malines que naquit, en 1712, le premier Beethoven musicien, « Ludwig l’Ancien ». Il s’installa à Bonn comme Hofmusikus du prince-archevêque. Johann, son seul enfant demeuré en vie, lui succéda à la chapelle princière comme ténor ; ce dernier épousa, en 1767, Maria Magdalena Keverich, fille du chef cuisinier du prince électeur de Trèves, femme douce et résignée, qui devait mourir de tuberculose en 1787. De leurs sept enfants, trois seulement survécurent. Ludwig, le deuxième des sept et l’aîné des trois frères survivants, naquit le 16 ou 17 décembre 1770 dans leur pauvre logis de la Bonngasse. UN TALENT PRÉCOCE ET HORS DU COMMUN. L’enfance de Beethoven ne fut pas heureuse, quoiqu’on ait exagéré les cruautés de Johann à l’égard de son fils qu’il voulait « enfant prodige » comme Mozart. Ses premiers maîtres furent selon l’occasion : Tobias Pfeiffer, ténor dans une troupe ambulante, le violoniste Rovantini, le vieil Aegidius Van der Eeden, organiste de la Cour. Christian Gottlieb Neefe, successeur de ce dernier, doit être considéré comme le premier maître sérieux de Beethoven. L’enfant fit de tels progrès sous sa férule qu’il reçut à douze ans un titre d’organiste suppléant, rétribué et investi de responsabilités croissantes, tandis que le père s’enfonçait dans l’alcoolisme et la déchéance. C’est à cette époque que Beethoven déserta de plus en plus le domicile paternel pour celui, accueillant et chaleureux, de la famille von Breuning, qui allait être son foyer d’élection. downloadModeText.vue.download 85 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 79 Très vite, le rayonnement de son talent dépassa ce cercle amical ; le comte Waldstein, favori du nouveau prince électeur libéral Max Franz, obtint que Beethoven effectuât un voyage d’études à Vienne. De ce premier séjour (du 7 au 20 avril 1787 environ), on ne sait pas grand-chose. La rencontre avec un Mozart tout absorbé par la composition de Don Giovanni et méfiant à l’égard des jeunes prodiges, semble être restée sans résultat : ni enseignement ni consécration - des encouragements peutêtre. Beethoven revint à Bonn pour assister à la mort de sa mère, tandis que son père sombrait tout à fait dans l’éthylisme. Johann et Kaspar, les plus jeunes frères, étaient alors à la charge de Ludwig (ils ne le lui pardonnèrent pas). De cette époque (1790) datent les cantates pour la mort de Joseph II, pour l’avènement de Léopold II, non jouées « à cause de leurs difficultés », oeuvres assez conventionnelles dont les maladresses laissent cependant présager un grand musicien. Aussi, lorsque Haydn les vit, lors d’un passage à Bonn, il invita le jeune Beethoven à faire des « études suivies » avec lui. Le fidèle Waldstein intervint une nouvelle fois et Beethoven quitta définitivement Bonn pour Vienne, le 2 novembre 1792. « Recevez des mains de Haydn l’esprit de Mozart », écrit Waldstein dans son album. LE PIANISTE DE L’ARISTOCRATIE VIENNOISE. Vienne, capitale du monde germanique, ville de cours, de palais et de faubourgs champêtres, était une ville de mode et de plaisirs, obstinément traditionaliste, résolument superficielle. Terre de génies, elle accueillit Beethoven d’abord avec grâce. D’emblée, il fut adopté par l’aristocratie mélomane : Lichnowsky, Lobkowitz, Schwarzenberg, Zmeskall von Domanovecs furent parmi les souscripteurs des 3 trios op. 1 (1794-95), oeuvres déjà marquées par la personnalité, sinon le style du jeune musicien. Avec les 3 sonates op. 2 pour piano (1795-96), dédiées à Haydn, Beethoven rendit à son ancien maître un unique hommage officiel. Ses études avec lui avaient été assez sporadiques : l’exemple de ses oeuvres lui fut bien plus profitable que ses leçons de contrepoint. Beethoven fréquenta, non moins sporadiquement, d’autres maîtres : Schenk, Albrechtsberger, Salieri ; il acquit rapidement, chez l’un ou l’autre, les connaissances techniques qui lui étaient nécessaires. En 1795, il était déjà en pleine possession de son métier, de sa personnalité, d’une virtuosité de pianiste hors du commun, comme en témoigne son premier grand concert viennois, en mars 1795, où il joua un concerto de Mozart, avec des cadences de sa composition, et une des versions primitives de son propre 1er concerto (publié plus tard comme 2e). Mais le domaine où le génie de Beethoven s’affirma déjà conquérant, irrésistible, ce fut, au dire de tous les témoins de l’époque, celui des improvisations au piano où il déchaînait son imagination sans entraves. Beethoven habitait alors chez le prince Lichnowsky et se produisait dans tous les salons viennois, arrachant « larmes » et « sanglots » (Czerny) à ses auditeurs bouleversés. UNE PENSÉE NOVATRICE. Dans les sonates op. 7, op. 10 pour piano (1796-1798), dans celle notamment en ré majeur, Beethoven fit entendre, déjà et d’emblée, la modernité de son génie, ses audaces, ses dissymétries, sa force dramatique inouïe : le largo e mesto de cette sonate op. 10 no 3 en est le surprenant témoignage. Tous les éléments du langage musical s’associent là, selon des modes nouveaux, en des structures où les anciennes hiérarchies sont bouleversées, les convergences harmoniques, rythmiques, dynamiques contestées. Les sonates suivantes, op. 13 Pathétique, op. 26 et 27, font éclater la menace beethovénienne sur la forme traditionnelle : bouleversements au niveau du dualisme thématique et des développements, mise en question de l’ordonnance des mouvements (sonate op. 27 Quasi una fantasia). Les 6 quatuors à cordes op. 18, publiés en 1801 (notamment, le premier composé, op. 18 no 3), attestent également cette pensée novatrice qui associe les lignes de force musicales selon des critères libres : oppositions de registres, de masses, d’intensités, contrastes brutaux, raffinements extrêmes. Le 6e quatuor (avant-dernier dans l’ordre de composition) fait entendre dans son adagio, intitulé la Malinconia (« la mélancolie »), l’une des pages les plus saisissantes de la musique, un développement halluciné et hallucinant d’harmonies sans polarité, de forces contradictoires, qui annonce le Beethoven des dernières années. Ces premières années viennoises furent les plus heureuses de Beethoven : succès, faveur des princes, amitiés profondes et durables avec Wegeler, Ries, Amenda, Zmeskall, le violoniste Schuppanzigh, inlassable pionnier de sa musique. Mais voici que, en 1801, dans deux lettres du mois de juin à Wegeler et à Amenda, qui avaient quitté Vienne, l’ombre apparut : Beethoven dévoilait ce qu’il cachait à tous depuis un certain temps - sa surdité naissante, croissante, bientôt irrémédiable. Son désespoir sembla momentanément apaisé - ou plutôt différé - par l’entrée dans sa vie « d’une jeune fille bien-aimée « : Giulietta Guicciardi, dont le charme frivole, à dix-sept ans, conquit Vienne ; Beethoven lui dédia la sonate op. 27 no 2, dite Clair de lune. De ce que fut cet amour réellement, des sentiments de l’un et de l’autre, nous ne savons rien, et tout le reste est légende. Toujours est-il que Giulietta épousa le comte Gallenberg et laissa Beethoven à la solitude et au désespoir, que traduisit, en 1802, un document poignant : le « testament d’Heiligenstadt ». L’idée de suicide hanta Beethoven : « C’est l’art et lui seul qui m’a retenu », écrivit-il. Lorsqu’il quitta sa retraite d’Heiligenstadt et rentra à Vienne, il avait sur sa table le manuscrit achevé de la 2e symphonie, dont la gaieté et l’entrain déjouent l’idée d’identité ponctuelle entre oeuvre et vie, chère aux commentateurs ; le 1er mouvement de la 3e symphonie était aussi esquissé. Dès la 1re symphonie, Beethoven avait manifesté l’audace de son génie. Dans la forme d’abord : le ton d’ut majeur n’est atteint qu’au terme d’une pérégrination harmonique de 12 longues mesures adagio, « anacrouse formelle » que l’on retrouve amplifiée dans la 2e symphonie (33 mesures adagio précèdent l’allegro initial). Dans l’orchestration ensuite : la suprématie hiérarchique des cordes y est contestée par une véritable promotion des instruments à vent (la critique reconnut ce fait en lui reprochant d’écrire « de la musique militaire »). Dans la 3e symphonie, achevée au début de 1804, la pensée orchestrale novatrice de Beethoven était à son point culminant : le timbre entre de plein droit dans l’architecture musicale, associé aux métamorphoses harmoniques, formant ce que l’on pourrait appeler des « modulations de timbre », dont voici un exemple extrait du 1er mouvement : mi bémol majeur/fa majeur/ré bémol majeur Violoncelles/Cor en fa/Flûte-violons en si bémol majeur/mi bémol majeur 2 flûtesaltos-basses/Tout l’orchestre. Dans le mouvement lent, marche funèbre, le timbre est associé aux rythmes en d’étranges alliages, sombres ou d’une clarté tranchante : ces associations inouïes créent le climat dramatique du morceau. Quant au mouvement final, il est bâti sur le thème du finale du ballet de Prométhée op. 43 et se déroule ostinato en 12 variations qui mettent entre parenthèses la forme traditionnelle du rondo. Le contexte historique de ce chef-d’oeuvre a fait couler beaucoup d’encre ; on sait que Beethoven, républicain convaincu dès 1798, l’avait dédié à Bonaparte, en qui il voyait l’égal des grands consuls romains. En apprenant que Bonaparte s’était fait sacrer empereur, il entra en grande fureur, déchira la page de dédicace et donna à son oeuvre le titre définitif de Sinfonia eroica. DE FIDELIO À LA PASTORALE. Pendant toute l’année 1804, Beethoven travailla à son unique opéra, Fidelio, d’abord intitulé Léonore, et dont le sujet, à la gloire de l’amour conjugal, dû au dramaturge français Bouilly, fut remanié plus tard par Treitschke. Achevé en 1805 et créé le 20 novembre dans une Vienne envahie par les troupes de Napoléon, dedownloadModeText.vue.download 86 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 80 vant un parterre clairsemé (presque tous les Viennois avaient fui), ce fut un échec complet. Sur l’insistance de ses amis, Beethoven consentit à d’importantes redistributions et coupures dans la partition, et fit représenter l’oeuvre, à nouveau, le 29 mars 1806. L’accueil fut meilleur. Ce n’est que huit ans plus tard que, retravaillé de fond en comble, l’opéra reçut sa forme définitive et connut le succès. On peut considérer Fidelio comme la préfiguration du drame musical moderne, tant par la liberté dans l’écriture des parties vocales et la consonance immédiate de la parole et de la musique que par le rôle capital dévolu à l’orchestre, véritable lieu théâtral d’où s’élèvent et rayonnent, en profonde unité, les voix. De ces années extrêmement fécondes (1804-1808) datent la 4e symphonie, la sonate op. 53, dédiée à Waldstein, d’une écriture pianistique révolutionnaire dans le domaine de la couleur, la grandiose sonate op. 57 Appassionata, le concerto pour violon, le 4e concerto pour piano dédié à l’archiduc Rodolphe, nouvel élève et ami de Beethoven, ainsi que les 3 quatuors op. 59 commandés par le prince Razoumovski, ambassadeur de Russie à Vienne et fervent admirateur du compositeur. Les dernières oeuvres ont été jugées « difficiles, compliquées, dissonantes « ; c’est dire leur modernité de conception, leurs exigences techniques d’interprétation aussi, notamment dans la fugue finale du 3e de ces qua- tuors, dont les « normes « conceptuelles et interprétatives, en dynamique, tessiture, vitesse et cohésion, sont absolument nouvelles, spectaculaires. « Que m’importe votre sacré violon lorsque l’esprit souffle en moi ! « Ce sont, enfin, les 5e et 6e symphonies, composées en même temps, entre 1805 et 1808, et exécutées ensemble pour la première fois le 22 décembre 1808. La Cinquième Symphonie est l’oeuvre la plus célèbre de Beethoven et celle qui, avec la Neuvième Symphonie, a suscité le plus de commentaires. Elle exalte et illustre la notion de thème. Celui-ci, composé de trois brèves et d’une longue, cellule rythmique élémentaire, se retrouve dans toute la poésie et toute la musique du monde, et dans mainte oeuvre beethovénienne, mais c’est son développement qui, dans la 5e symphonie, dans tous ses mouvements et de mille manières, le rend singulier, unique. Telle qu’en elle-même l’oeuvre la change, cette cellule, ailleurs anonyme, devient ici le « thème du Destin «. Tout autre est la voie de la 6e symphonie, dite Pastorale, qui puise son inspiration dans la nature, en demi-teintes, en couleurs raffinées, en poésie contemplative. « La description est inutile, note Beethoven, s’attacher davantage à l’expression du sentiment qu’à la peinture musicale. « Ainsi Beethoven met-il en garde contre une « musique à programme «, contre une interprétation exagérément pittoresque de sa musique qui pourrait interdire l’accès à ces « autres contrées « où la musique est souveraine. LASSITUDE ET ABATTEMENT. Brouillé avec Lichnowsky, à court de moyens, aspirant à la stabilité matérielle, fatigué de Vienne et de ses intrigues, Beethoven songea à partir. Fausse sortie, qui provoqua cependant, par l’intermédiaire de Marie von Erdödy, amie tendrement dévouée, un sursaut chez les aristocrates admirateurs du musicien. Les princes Kinsky, Lobkowitz, l’archiduc Rodolphe signèrent, le 1er mars 1809, un « décret « garantissant 4 000 florins de rente annuelle au compositeur, décret qui allait être dénoncé par leurs héritiers. Mais l’Autriche et la France étaient de nouveau en guerre. Dans le manuscrit du 5e concerto pour piano se glissent les mots « chant de triomphe pour le combat ! attaque ! victoire ! «. L’oeuvre est une symphonie plutôt qu’un concerto virtuose, le piano étant lui-même, de facture orches- trale, grandiose. Le surnom « l’Empereur « est d’origine aussi anonyme que gratuite. Après une audition à Leipzig, l’oeuvre fut créée à Vienne par Czerny en soliste, en 1812, et elle était dédiée à l’archiduc Rodolphe, de même que la sonate dite les Adieux, qui célèbre le retour du dédicataire après sa fuite de Vienne. Quelques figures féminines passèrent dans la vie de Beethoven, comme pour masquer celle qui, inconnue, détenait son véritable, sans doute son seul, amour. Bettina Brentano, la jeune amie de Goethe, Amalie Seebald, Teresa Malfatti ne furent que des amies, des amitiés amoureuses. Quant à l’» immortelle bien-aimée «, à laquelle s’adresse la fameuse lettre trouvée après la mort de Beethoven, son identité reste secrète. On a longtemps cru qu’il s’agissait de Thérèse von Brunsvick, mais on pense aujourd’hui que ce fut soit Joséphine von Brunsvick, soeur de Thérèse et veuve du comte Deym, soit plus probablement Antonie Brentano, cousine de Bettina. Cet été de 1812 (au cours duquel fut écrite la fameuse lettre) marqua la rencontre avec Goethe aux eaux de Teplice, l’achèvement de la Septième Symphonie, la composition de la Huitième lors d’un séjour à Linz. Encore un « couple symphonique « antinomique : à la mélancolie énigmatique qui émane du second mouvement de la Septième et qui, nous semble-t-il, irradie toute l’oeuvre, répond la joie explosive de la Huitième. Entre 1813 et 1819, Beethoven sembla traverser une longue et profonde crise. « Rien ne peut plus désormais m’enchaîner à la vie «, écrivit-il dans l’abattement. Sa production elle-même en fut atteinte, elle se réduisit à des oeuvres mineures, souvent purement alimentaires, d’où cependant émergent, comme pour défier le destin, quelques chefs-d’oeuvre : la sonate pour violoncelle op. 102 (1815), le cycle de lieder An die ferne Geliebte (1816) et la sonate op. 101 (1816), qui attaque de front les formes traditionnelles ; enfin, en 1817-1819, la sonate op. 106 - ces deux dernières oeuvres étant destinées au Hammerklavier, le piano à marteaux (celui-ci ne cessait de se perfectionner, et c’est aux « derniers modèles «, les plus chantants, que Beethoven destina ces sonates). La sonate op. 106 est un des chefsd’oeuvre de Beethoven, et il est impossible d’approcher en quelques lignes ses pages visionnaires qui culminent en la monumentale fugue née dans le conflit de forces contradictoires où elle puise sa violence : « Ce qui, précisément, donne aux fugues de Beethoven leur caractère exceptionnel, ce qui fait d’elles des créations uniques et inégalées, c’est cette confrontation périlleuse entre des rigueurs d’ordre différent qui ne peuvent qu’entrer en conflit ; aux frontières du possible, elles témoignent de l’hiatus qui va s’accentuant entre des formes qui restent le symbole du style rigoureux et une pensée harmonique qui s’émancipe avec une virulence accrue « (P. Boulez). La forme classique de la sonate achève de se disloquer dans les dernières oeuvres pour piano de Beethoven : liberté absolue avec l’opus 109 (1820) et ses variations finales, architecture visionnaire avec l’opus 110 (1821). La sonate op. 111 (1821-22), enfin, signe dans les résonances apaisées de son admirable arietta, 2e et dernier mouvement, l’» adieu à la sonate « selon Th. Mann (le Docteur Faustus). Voici l’un des édifices les plus codifiés du classicisme définitivement détruit, et voici l’ère ouverte à l’invention de nouvelles formes. AU FOND DE LA DÉTRESSE. 1817 et 1818 marquèrent le fond de la détresse beethovénienne. Aux maladies inflammation pulmonaire, jaunisse - et à l’isolement par la surdité, aux tourments secrets, dont quelques lettres se font l’écho, se joignirent les ennuis domestiques de tous ordres et la présence intermittente de son neveu Karl (que le frère de Beethoven avait confié, avant de mourir, à sa femme et au compositeur conjointement) - présence torturante, à laquelle Beethoven s’accrocha désespérément et que les procès d’une tutelle contestée rendirent d’autant plus douloureuse. Une oeuvre grandiose, qu’il garda pendant quatre ans sur le chantier, l’arracha à la détresse : ce fut la Missa solemnis, que l’archiduc Rodolphe, devenu archevêque d’Olmütz, lui avait commandée pour son intronisation solennelle. Voici Beethoven à nouveau dans la fureur de composer. Parallèlement aux dernières sonates, le Kyrie, le Gloria, le Credo virent le jour lentement, et, déjà, apparurent les esquisses d’une downloadModeText.vue.download 87 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 81 nouvelle symphonie : la Neuvième. L’une comme l’autre de ces oeuvres monumentales dépassent leur cadre consacré, église ou concert. Ni la Missa ni la Neuvième ne peuvent se définir exactement par les termes de messe et de symphonie : l’une, débordant une fonction liturgique, ouvre aujourd’hui de grands festivals, l’autre est devenue symbole et hymne sur toutes les lèvres. La messe est écrite par blocs, où le volume, le poids, les ensembles dominent et assujettissent le détail. Ce n’est que dans le Credo que le détail semble reprendre de l’importance, dans un style presque théâtral, défi à toute idée de musique religieuse. La fugue In vitam arrache la pièce à cette théâtralité, la replace dans sa vraie perspective architecturale. Le Dona nobis pacem conclut l’oeuvre dans la sérénité. La Neuvième Symphonie op. 125 semble avoir accompagné Beethoven durant toute sa vie créatrice. Dès 1792, il s’était enthousiasmé pour l’Ode à la joie de Schiller ; en 1817, il esquissa une oeuvre orchestrale avec voix. Puis, au fur et à mesure que la composition de la symphonie avança (1822-23), il renonça à un finale vocal. Ce n’est qu’à la fin de 1823 que s’opéra la synthèse : l’Ode de Schiller vint couronner l’oeuvre, exécutée le 7 mai 1824. Les trois premiers mouvements sont puissamment ancrés au finale par une introduction qui les remémore un à un. Le « thème de la joie « y fait alors une entrée discrète, presque tendre, aux cordes graves, et commence son expansion. Ce thème, très universellement connu de toute la musique, a été l’objet de recherches inlassables du compositeur ; on en connaît plus de deux cents états. Dans mainte oeuvre, Beethoven a cherché, à travers d’innombrables esquisses, l’état générateur le mieux approprié à l’expansion d’un thème. Ici, en revanche, il cherche son état idéal de permanence, inaltérable, inaltéré, qui sera porté par le chant innombrable. Aussi le « développement « du finale n’en est-il pas un à vrai dire, c’est l’amplification constante, la glorification d’une idée, l’incantation : par quoi ce finale porte, au-delà des salles de concert, sa destinée d’hymne. Une dernière oeuvre monumentale pour piano se glisse entre la Messe et la Neuvième : les 33 Variations sur une valse de Diabelli op. 120 (1819-1823), oeuvre vi- sionnaire entre toutes, où se nie la notion de thème, à la limite la notion de variation. Tout est thème, tout est métamorphose dans ce gigantesque parcours qui ne retient comme « donné « (omniprésent) qu’une formule harmonique rudimentaire qui, tout au long de l’oeuvre, va être l’agent unificateur de trente-trois éclats fulgurants de l’imagination. APAISEMENT ET SOLITUDE. Au cours des dernières années de son existence, Beethoven sembla atteindre un étrange équilibre. Sa vie fut désormais tout intérieure, tournée vers l’oeuvre ultime les derniers quatuors. Indifférent au succès, d’un aspect extérieur négligé, sauvage, il communiquait avec son entourage uniquement par les « cahiers de conversation « (dans lesquels Schindler, son « famulus «, a pratiqué coupures et destructions). On pouvait voir Beethoven, lorsque la maladie intestinale ou la faiblesse de sa vue ne le faisaient pas trop souffrir, attablé avec quelques amis à l’enseigne du Cygne d’Argent, manger des huîtres arrosées de bière et poursuivre de longs monologues philosophiques ou politiques, pessimistes, critiques, sauf à l’égard des Anglais, qu’il idéalisait. Son affection exclusive, jalouse, pour Karl (dont il avait la mère en horreur) envenima complètement leurs relations, et le neveu, désaxé par ces conflits incessants, fit une tentative de suicide. Effondrement, réconciliation, séjour précipité à Gneixendorf chez Johann : des scènes éclatèrent entre les deux frères, Beethoven quitta précipitamment la propriété sous la pluie, dans une carriole, et rentra à Vienne avec une double pneumonie. Il mourut le 26 mars 1827, pendant un violent orage. Seul la veille, il fut accompagné au tombeau par un cortège de 20 000 personnes. L’OEUVRE ULTIME. Les derniers quatuors sont les chefsd’oeuvre intérieurs de Beethoven. Leur numérotation n’est pas chronologique. Au 12e quatuor op. 127 (1824) et ses jeux de miroirs succède, dans l’ordre de la composition, le 15e op. 132, dont le troisième mouvement, Chant de reconnaissance, dans le mode lydien, est un des sommets de la musique. Le 13e quatuor, achevé en 1825, est en six mouvements. Dans l’avant-dernier, l’admirable Cavatine, les silences se font tout aussi éloquents que des sons. On sait que c’est la Grande Fugue qui devait terminer cette oeuvre ; Beethoven l’en détacha - geste accompli à regret, dit-on, geste logique cependant, nous semble-t-il, car à quoi un tel organisme, aux proportions gigantesques, aux tensions harmoniques inouïes, pourrait-il se « rattacher « ? La Grande Fugue op. 133, qui fait éclater - dans la mesure même où elle semble y souscrire - un schème classique, est un chef-d’oeuvre solitaire dans tous les sens du terme. Le 14e quatuor op. 131, achevé en 1826, est le plus audacieux du compositeur dans le domaine de la forme : ses sept mouvements si divers défient - et pourtant accomplissent, comme par l’effet d’une formidable pression - l’unité de l’oeuvre. Le 16e quatuor op. 135 (1826), le dernier composé et le plus bref du groupe, a été l’objet particulier de gloses, en raison de son célèbre exergue inscrit en tête du mouvement final : « Muss es sein ? - Es muss sein « (« Cela doit-il être ? - Il faut que cela soit «). Mais il s’agit, croit-on, d’une boutade, non d’une interrogation tragique du destin. Dans le Doux Chant de repos, chant de paix qui précède, dans ses admirables variations, Beethoven fait entendre une voix apaisée, sereine, une voix d’adieu. Si les derniers quatuors, les Variations Diabelli, les dernières sonates constituent le suprême accomplissement de la pensée visionnaire de Beethoven, ils procèdent d’un esprit novateur qui se manifeste dès les premiers chefs-d’oeuvre de sa vie créatrice. C’est là que, déjà et d’emblée, les fondements du langage hérité se voient contestés dans leurs hiérarchies musicales, dans leurs structures, ï sinon dans leurs formes. De la sonate op. 10 no 3 à celle de l’opus 53, de l’opus 57 à l’opus 111, du 3e quatuor op. 18 au 3e « Razoumovski « et à la Grande Fugue, chaque oeuvre apporte à l’édifice nouveau ses matériaux inédits. Dès lors, les divisions rigides de l’oeuvre beethovénienne en deux, trois ou quatre périodes (« période d’imitation-de transition-de réflexion «, selon Vincent d’Indy) paraissent fallacieuses, d’autant qu’elles impliquent une notion sommaire de « progrès «, notion trompeuse en art. Inclassable à l’intérieur de sa propre oeuvre, Beethoven l’est aussi à l’intérieur des catégories historiques. Classique ou romantique ? Beethoven semble dépasser d’emblée cette alternative où l’on tente de l’enfermer. Aux confins de deux uni- vers spirituels, son oeuvre échappe, par sa nature, à l’histoire : infiniment singulière, perpétuellement au présent, cette oeuvre est moderne, elle définit, éclaire, concrétise la notion même de modernité notion que l’homme moderne à son tour explicite, recrée, façonne dans son langage propre. C’est dans ce dialogue, que chaque génération, chaque individu poursuit avec l’oeuvre de Beethoven, que celle-ci se révèle actuelle et novatrice à jamais. BEHRENS (Hildegard), cantatrice allemande (Varel, près de Brême, 1937). De par ses origines - elle appartenait à une famille de médecins - rien ne la destinait à une carrière musicale ou théâtrale. Elle étudia le droit et s’orienta vers le barreau quand sa vocation lui fut révélée par sa participation, en tant qu’amateur, à la chorale de l’école de musique de Fribourg-enBrisgau. Elle entra alors à l’Opéra-Studio de Düsseldorf, où Herbert von Karajan la découvrit à l’occasion d’une répétition de Wozzeck et l’engagea aussitôt pour interpréter Salomé au festival de Salzbourg, en 1977. C’est dire que très peu d’années lui ont suffi pour ajouter à son répertoire Elisabeth de Tannhäuser, Elsa de Lohengrin, Kundry, Isolde, ainsi que l’Impératrice de la Femme sans ombre et Senta du Vaisseau fantôme, qui l’ont fait acclamer à l’Opéra de Paris pendant la saison 1980-81. Elle a abordé ensuite d’autres rôles wagnériens downloadModeText.vue.download 88 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 82 ainsi que certains rôles italiens et chanté en 1987 celui d’Elektra à l’Opéra de Paris. BELAÏEV (Mitrofan Petrovitch), éditeur russe (Saint-Pétersbourg 1836 - id. 1903). Fervent mélomane, Belaïev joua un rôle fondamental dans la vie musicale russe du dernier quart du XIXe siècle. Il organisait chez lui des soirées de musique de chambre consacrées à Haydn, à Mozart, etc. Admirateur passionné de Glazounov, il fonda à Saint-Pétersbourg, en 1885, les Concerts symphoniques russes dans l’intention d’y faire jouer les oeuvres de ce musicien. La même année, Belaïev créa à Leipzig une maison d’édition pour pu- blier les oeuvres de Glazounov, mais aussi celles de Borodine, Rimski-Korsakov, Moussorgski, Liadov, Tanéiev, etc. En 1891, il fonda les Concerts de musique de chambre pour l’exécution de la musique russe. À sa mort, Liadov, Rimski-Korsakov et Glazounov devinrent les administrateurs de la maison d’édition et des sociétés de concerts. BEL CANTO (litt. « beau chant »). Cette expression, qu’une certaine tradition populaire assimile encore parfois aux diverses manifestations de l’opéra traditionnel, définit en fait une manière de chanter et un style de composition donnés, correspondant à une période assez déterminée de l’histoire du chant italien, de la fin du XVIIe siècle aux premières décennies du XIXe. Il n’en demeure pas moins que ce terme ainsi que ses dérivés belcantiste et belcantisme, aujourd’hui fréquemment employés, peuvent s’appliquer, en dehors de ces limites, à tout autre type d’écriture ou d’interprétation qui se réclame de ses principes, quels qu’en soient le pays ou l’époque. Ces principes peuvent se définir essentiellement par : 1. La priorité donnée à la beauté du chant, non seulement dans l’interprétation, mais également dans une écriture musicale spécifique, où la prosodie du texte mis en musique obéit aux impératifs du chant, de sa respiration (d’où la symétrie des périodes), du dosage des registres de la voix, du choix des voyelles employées dans ces registres, etc. ; 2. L’obligation faite au chanteur, en certains endroits prévus du texte, d’enrichir la ligne de chant écrite par une ornementation (ou abbellimenti) appropriée (v. ORNEMENTS), ainsi que celle de pratiquer sur les points d’orgue des passages ou cadences de virtuosité de sa composition ; 3. La pratique de la sprezzatura (soit un phrasé stentato, c’est-à-dire « détendu ») qui libère la phrase chantée du carcan trop étroit du rythme inscrit, et, dès le XVIIIe siècle, celle du chant legato ou portato, qui consiste à lier les sons d’un mot ou d’une phrase en « portant » la voix d’une note vers la suivante, sans solution de continuité, mais laissant entendre très rapidement les sons intermédiaires, ainsi que le pratique le violoniste dans la technique du glissando. L’usage du portamento, qui donne une grande élégance au chant, survécut au bel canto et il était toujours préconisé dans tous les traités de la fin du XIXe siècle, tant en Italie qu’en France ou en Allemagne. On en déduit que le bel canto exigeait, de la part de l’interprète, une parfaite connaissance des lois de l’écriture, ainsi qu’une maîtrise vocale fondée sur un exceptionnel contrôle du souffle et sur une virtuosité spécifique qui dépassait, à cette époque, celle des instrumentistes ; cette virtuosité permettait d’une part de longues tenues et des nuances expressives, dont notamment la messa di voce (note enflée puis diminuée), d’autre part l’exécution de différents types de trilles, de gammes rapides diatoniques ou chromatiques, piquées ou liées, d’arpèges, etc. Cet art, que possédèrent au plus haut point les castrats d’opéra, eut pour véhicule, en particulier, la forme de l’aria da capo, où le chanteur est tenu d’ornementer très largement la redite de la section initiale, démontrant ainsi, à la fois, sa science et sa maîtrise vocale. Historique. Le terme, apparu vraisemblablement vers la fin du XVIIIe siècle, et qui sera couramment cité par Stendhal, fut sans doute créé par les amateurs et non par les musiciens. Il se substitua aux expressions buona maniera di cantare (Caccini), puis buon canto (Burney, 1772). Mais il s’agit bien du même art, dont G. Caccini pose déjà les bases (Prefazione alle nuove musiche, 1614), que définissent P. F. Tosi (Opinioni..., 1723) et G. B. Mancini (Riflessioni..., 1774) et auquel se réfère encore Garcia au XIXe siècle. Or, certaines de ses exigences laissent deviner une origine plus ancienne, notamment la virtuosité vocale (vraisemblablement héritée des chants alléluiatiques de la liturgie) dont le haut niveau est attesté par Diego Ortiz en 1553 et R. Rognoni en 1592. Mais le chant soliste ne trouva son plein épanouissement que lorsque la monodie eut supplanté la polyphonie, donnant naissance à l’art savant de l’opéra, de la cantate ou de l’oratorio ; avec ses premiers défenseurs, Monteverdi puis Cavalli, les premières constantes du beau chant s’appliquent non seulement à l’aria avec passages, mais au récitatif, qui, d’abord défini comme recitar cantando, se confond parfois avec l’aria, exigeant la même qualité de chant. C’est seulement à partir d’A. Scarlatti, vers 1680, d’A. Steffani, puis avec Haendel et ses contemporains que le bel canto, dédaignant le récitatif devenu mécanique et stéréotypé, trouve son terrain d’élection dans les arias, dont les chanteurs font le véhicule d’une virtuosité de caractère presque instrumental de plus en plus luxuriante, cela notamment dans l’opera seria, dont l’intérêt dramatique pâtit. Il faut remarquer que l’écriture belcantiste ne fut pas l’apanage exclusif des castrats, mais s’appliqua à tous les types vocaux, de la voix de basse, soumise à une grande virtuosité (Palantrotti, interprète de Caccini, puis Boschi et Montagnana aux temps de Haendel), à celle du soprano : Francesca Cuzzoni et Faustina BordoniHasse, au début du XVIIIe siècle, Elizabeth Billington et Brigida Banti, plus tard, rivalisèrent avec les grands castrats sur ce terrain. Remarquons aussi que le bel canto réclamait une émission vocale sonore et large : Caccini préconisa l’attaque du son à pleine voix et Tosi, lorsqu’il définissait le passage (ou l’union) des registres de la voix qui donne aux sons élevés leur couleur noble et généreuse, s’il condamnait les sons trop forcés, excluait, avec la même netteté, l’usage du fausset dans le medium et le grave des voix masculines. L’apogée du bel canto se situe peu après le milieu du XVIIIe siècle : dès cette époque, divers courants d’opinion réagissent contre sa prépondérance, non seulement en France où le souci du beau chant avait rarement prévalu, mais aussi en Italie où d’une part l’opera buffa et l’opera semi-seria, plus réalistes, allaient accorder moins d’importance au chant expressif, et d’autre part l’opera seria - notamment avec les compositeurs Jommelli et Traetta - se réformait sous l’influence de la tragédie lyrique française. À leur suite, Calzabigi (dont Gluck appliqua partiellement les théories dans ses derniers opéras) combattit ouvertement le bel canto. En fait, ce phénomène essentiellement italien se maintint beaucoup plus longtemps dans les pays anglo-saxons et en Espagne, où il avait fait souche, qu’en Italie même. On ne peut cependant lui rattacher qu’à titre marginal l’écriture italianisante des ariettes de Campra, de Rameau, de Philidor ou de Grétry, ainsi que l’école des sopranos suraigus de la fin du XVIIIe siècle, principalement appréciée en Allemagne et en Autriche ; en revanche, l’écriture vocale de J. S. Bach, dans sa musique religieuse, procède presque constamment des principes belcantistes adaptés à la langue allemande. À la fin du XVIIIe siècle, l’oeuvre vocal de Haydn, de Mozart ou de Cimarosa se rattache en bien des aspects au bel canto. Puis Rossini, dès 1813 (Tancrède), réaffirme mieux la prépondérance du bel canto, même au sein du récitatif obligé, largement orné. Pourtant, en codifiant les règles de cet art si intimement lié à celui de l’improvisation, en rédigeant lui-même la plupart de ses « passages », le compositeur prend ses distances par rapport au downloadModeText.vue.download 89 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 83 genre, dont le déclin est encore précipité par la disparition des castrats. Ce ne sont plus désormais que quelques composantes du bel canto qui survivront dans l’écriture vocale de Bellini (et à un moindre degré chez Donizetti, Mercadante et dans les premières oeuvres de Verdi), sous l’aspect d’une colorature plus ou moins mesurée et par l’usage du stentato et du portamento expressif. Notons que cet usage a su être préservé jusqu’à nos jours, non seulement dans l’interprétation des oeuvres belcantistes, mais encore en bien des pages de Debussy, Puccini ou Richard Strauss, avant que des auteurs plus récents, dont Luciano Berio, ne renouent avec l’esprit même du bel canto, esprit que le romantisme avait renié en entraînant l’art du chant vers d’autres horizons. Les oeuvres nouvelles avaient alors sacrifié à la vaillance vocale, délaissé peu à peu le chant fleuri et permis aux chanteurs de conquérir ces notes aiguës, brillantes, très appréciées d’un public devenu moins aristocratique ; avec, en outre, la priorité donnée au texte du livret et l’accroissement de la masse orchestrale, l’écriture romantique s’affirmait en opposition absolue avec les lois du bel canto. L’esprit belcantiste survécut néanmoins grâce à quelques interprètes, ceux qu’avait formés Rossini, d’abord la Malibran et Giuditta Pasta, le ténor Rubini ou la basse Tamburini, ensuite, ceux dont le répertoire demeura étranger aux vagues romantiques et naturalistes : la plupart des sopranos légers, d’Adelina Patti à Toti Dal Monte et Margherita Carosio, surent préserver la pureté du beau chant, sa virtuosité, son phrasé souple et nuancé, mais d’autres encore, les barytons et basses Mattia Battistini et Pol Plançon, les ténors Angelo Masini, Alessandro Bonci ou Fernando De Lucia, les sopranos dramatiques Celestina Boninsegna, Giannina Russ ou Giannina Arangi-Lombardi apportèrent parfois au disque naissant quelques échos d’un art oublié. Enfin, de nos jours, les cantatrices Joan Sutherland, Montserrat Caballé ou Marilyn Horne, le ténor rossinien Pietro Bottazzo ont su ressusciter en partie ce type de chant bien particulier, avec lequel les falsettistes modernes sont trop souvent en contradiction. BELKIN (Boris), violoniste russe naturalisé israélien (Sverdlovsk 1948). Il commence le violon dès l’âge de six ans, à l’École des jeunes prodiges de Moscou, puis au Conservatoire. En 1973, il obtient le premier prix du Concours national de violon et, l’année suivante, il est autorisé à émigrer en Israël. Une carrière internationale du plus haut niveau s’ouvre alors à lui, sous la direction de Zubin Mehta et de Leonard Bernstein. Ce dernier lui fait faire ses débuts parisiens en 1975, et aborde avec lui les grands concertos de Paganini et les deux de Prokofiev. Entre deux tournées mondiales - il est particulièrement demandé en Asie -, il enseigne, depuis 1987, à l’Académie Chigiana de Sienne. BELLAIGUE (Camille), critique français (Paris 1858 - id. 1930). Premier prix de piano au Conservatoire de Paris en 1878, il débuta en 1884 dans la critique musicale et entra en 1885 à la Revue des Deux Mondes. Écrivain élégant, mais superficiel, C. Bellaigue a écrit des ouvrages sur Mendelssohn (1907), Gounod (1910) et Verdi (1912), mais il a méconnu l’art de Franck et de Debussy, et, par une juste revanche, sa réputation de critique en a gravement souffert. BELLINI (Vincenzo), compositeur italien (Catane 1801 - Puteaux 1835). Fils d’un maître de chapelle, il révéla un talent précoce de compositeur et fut envoyé parfaire ses études au conservatoire de Naples auprès de Zingarelli, l’adversaire de Rossini. Son inclination première pour le style d’église et la musique ancienne se retrouve dans ses compositions de jeunesse dont on retient aujourd’hui quelques mélodies et un Concerto pour hautbois et cordes. Encore élève, Bellini écrivit l’opéra Adelson e Salvini (1825), dont la perfection formelle fit voir en lui le successeur de Rossini, celui-ci ayant définitivement quitté l’Italie. Le théâtre San Carlo de Naples lui commanda aussitôt Bianca e Fernando (1826) et la Scala de Milan, le Pirate (1827), sur un poème de Felice Romani, le librettiste italien alors le plus en renom. Il donna ensuite, avec des fortunes diverses, la Straniera (Milan, 1829), Zaïra (Parme, 1829), I Capuleti e i Montecchi (Venise, 1830), puis, en 1831, à Milan, la Somnambule et Norma au succès desquelles contribua considérablement la cantatrice Giuditta Pasta, cependant que la société féminine des salons de la capitale lombarde voyait en Bellini l’image de l’idole romantique, sorte de héros byronien consumé par le mal du temps. Après avoir donné, à Venise, Beatrice di Tenda (1833), Bellini quitta l’Italie, puis, au retour d’un bref voyage à Londres, s’établit à Paris, où, protégé par Rossini, il se lia notamment avec Chopin et écrivit pour le Théâtre des Italiens les Puritains (1835). Il mourut peu après des suites d’une infection intestinale. La disparition prématurée de Bellini a privé l’histoire de l’opéra du seul très grand rival qu’aurait eu Verdi ; contemporain de Pacini, Mercadante et Donizetti, il occupa une position déterminante entre le retrait de Rossini, en 1829, et l’avènement véritable de Verdi en 1842. Au confluent d’un art encore aristocratique et de la poussée romantique, il réalisa dans son oeuvre l’union parfaite entre la beauté classique et le thème de l’exaltation du héros - ou plus souvent de l’héroïne - condamné par le sort. Son culte des formes et des techniques du passé nous est attesté par une vingtaine de compositions religieuses écrites de 1810 à 1825 et par 7 symphonies de jeunesse, tandis que ses Polonaises pour piano à quatre mains (ainsi que celle de son Concerto pour hautbois) nous le montrent déjà sensible à l’art de Weber. N’oublions pas que son maître Zingarelli, tenant du vieil opera seria, n’avait pu l’empêcher de prêter une oreille favorable aux réformes novatrices de Rossini, et que Naples était en outre la ville la plus ouverte aux créations françaises et allemandes. Ayant étudié l’oeuvre de Haydn et, surtout, celle de Mozart, il fut sensible aux courants nouveaux et se trouva naturellement en parfaite communion spirituelle et artistique avec Chopin : de là naquit le frémissement jusque-là inconnu qui parcourt son écriture mélodique expressive, à la respiration plus ample, plus incantatoire et moins mesurée (l’invocation Casta diva, dans Norma), qui renouait avec la liberté rythmique monteverdienne (la sprezzatura), mais héritait encore de la virtuosité belcantiste, exempte d’effets de puissance dans l’aigu. On note encore, chez Bellini, soit le recours à la formule ancienne des structures par morceaux isolés, soit celle des vastes architectures « ouvertes « : dans les Puritains, certains actes se déroulent sans solution de continuité. Enfin, les cahiers d’esquisse de Bellini, aussi éloquents que ceux de Beethoven, révèlent que le don mélodique n’était chez lui que le fruit d’un long labeur, et que, afin de mieux laisser à la voix le contenu émotif du drame, il épurait sans cesse l’harmonie et l’orchestration pour n’en garder que le substrat, ce qui l’a fait méjuger au début du XXe siècle, époque où les paramètres esthétiques se référaient à l’harmonie wagnérienne ou debussyste. Notre époque a remis à sa vraie place ce compositeur, dont le monde sonore offre une intime parenté avec celui de Chopin. BÉMOL. Dans l’usage actuel, le bémol est l’un des signes d’altération ayant pour objet de déplacer la hauteur d’une note sans modifier ni son nom ni, le plus souvent, sa fonction. L’effet du bémol est de baisser d’un demi-ton chromatique la note devant laquelle il est placé. Il existe aussi un double-bémol qui, répétant deux fois l’opération, la baisse de deux demi-tons, ce qui, dans le système tempéré ( ! TEMPÉRAMENT), équivaut à un ton en sonorité matérielle, mais non en valeur grammaticale pour l’analyse. Aux origines de la notation, le bémol n’était pas une altération, mais le nom même de la note, B en nomenclature aldownloadModeText.vue.download 90 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 84 phabétique (notre si), avec spécification de sa forme la plus basse ; en effet, la note B pouvait être à volonté soit haute (B dur, écrit carré, d’où bécarre), soit basse (B mol, écrit rond b, d’où bémol). Le signe actuel du bémol a conservé le dessin du b minuscule arrondi. Quand on adopta la notation par neumes, puis par points, on prit soin parfois, mais non toujours, de spécifier auquel des deux B correspondait le signe placé à cet endroit, ce qu’on fit en notant le signe B, rond ou carré, soit à la place de la clef, soit après elle (ce qui a donné naissance à nos armatures), soit en cours de texte, avant la note ou avant le groupe dont la note faisait partie (ce qui a donné naissance à nos altérations accidentelles) ; cette indication est restée longtemps facultative, de sorte que l’absence d’altération ne signifiait pas que la note était « naturelle », mais que l’on n’avait pas cru utile de spécifier sa nature : il en fut ainsi jusqu’au XVIe siècle inclus. La même incertitude règne sur la durée de validité du signe : elle cesse souvent avec la ligne, mais peut aussi dépendre de règles compliquées de solmisation, dont on n’a pas encore à l’heure actuelle percé tous les secrets. Vers les XIIe et XIIIe siècles, l’usage des signes bécarre et bémol s’étendit à d’autres notes que le B, non pas pour les comparer, comme aujourd’hui, à leur position naturelle, mais, par analogie avec le B, pour en désigner la position haute ou basse, de sorte que sur certaines notes, fa ou do par exemple, on employait le bémol (position basse) là où nous mettrions un bécarre (position naturelle), et un bécarre (position haute) là où nous mettrions un dièse (un demi-ton au-dessus du naturel). Cet usage était encore parfois en vigueur au XVIIIe siècle, bien que l’usage actuel eût commencé à se répandre dès le XVIIe. On entend parfois dire que le bémol est plus bas d’un comma que le dièse correspondant. Un tel énoncé accumule les inconséquences. Il est emprunté à un système acoustique (dit « de Holder », XVIIe s.) qui n’est plus aujourd’hui em- ployé qu’occasionnellement, et il est faux hors de ce système. La plupart des musiciens utilisent le système du « tempérament égal » - celui du clavier usuel -, où dièse et bémol sont rigoureusement équivalents. Toutefois, sous l’effet de l’attraction, ceux qui ne sont pas prisonniers du clavier ont souvent tendance à « serrer les demi-tons » et à exagérer les différences d’intervalles lorsqu’ils pensent mélodiquement : ils se rapprochent alors, sans le savoir, du système pythagoricien, dont s’inspire celui de Holder, et où effectivement le dièse est plus haut que le bémol (mais non pas d’un comma au sens où l’entend Holder). À l’inverse, un choeur a cappella, attiré par la tierce basse de la résonance, aura les réactions inverses et se rapprochera sans le savoir du système zarlinien, où, tout au contraire, les bémols sont plus hauts que les dièses, aplanissant les différences au lieu de les accuser. BENATZKY (Ralph), compositeur tchèque (Moravské, Budoeejovice, 1884 Zurich 1957). Il étudia la musique à Prague, puis à Munich avec Felix Mottl, et vécut successivement à Berlin, à Paris, en Suisse, en Autriche, à Paris et, de nouveau, en Suisse. Il a écrit environ 5 000 romances, des musiques de film et de revue, et quelque 90 opérettes qui n’ont pas connu un succès durable, sauf une, l’Auberge du Cheval blanc, qui demeure l’une des plus populaires du répertoire. Le style de Benatzky est proche de la comédie musicale américaine, quoique l’Auberge emprunte certains traits à l’opérette viennoise. BENDA, famille de musiciens de Bohême, établie en Allemagne. Frantisek (Franz), violoniste et compositeur (Stare Benatzky 1709 - Neuendorf, près de Potsdam, 1786). Enfant de choeur à Prague et à Dresde, puis de nouveau à Prague, il entra en 1733 au service du prince-héritier de Prusse, le futur Frédéric II, et fut un membre illustre de l’école de Berlin. En 1771, il succéda à J. G. Graun comme premier violon de l’orchestre de Frédéric II. Il écrivit des sonates et des concertos pour son instrument, des oeuvres pour flûte, des symphonies. Jan Jiri (Johann Georg), violoniste et compositeur, frère du précédent (Stare Benatzky 1713 - Potsdam 1752). Il fut également au service de Frédéric II et ses oeuvres ne furent pas éditées. Jiri Antonin (Georg Anton), violoniste et compositeur, frère des précédents (Stare Benatzky 1722 - Köstritz 1795). Violoniste à Berlin en 1742, il s’y familiarisa avec les opéras de Graun et de l’école napolitaine, puis devint, en 1750, maître de chapelle à la petite cour de Gotha, où il écrivit des sonates, des symphonies, de la musique d’église. Un voyage en Italie (1765-66) l’orienta vers l’opéra, mais ce n’est que quelques années après qu’il écrivit les ouvrages dont il tira l’essentiel de sa célébrité : les mélodrames Ariane à Naxos (Gotha, 1775) et Médée (Leipzig, 1775), les singspiels Der Dorfjahrmarkt (Gotha, 1775), Walder (1776), Julie und Romeo (Gotha, 1776), Der Holzhauer (1778). Citons aussi Pygmalion. En 1778, Médée fit à Mannheim une grande impression sur Mozart, qui s’en inspira l’année suivante dans les scènes en forme de mélodrame de Zaide. Défendant, en 1783, pour le drame musical l’expression parlée par rapport au récitatif, Benda écrivit sa maxime célèbre : « Je ne puis renoncer à la vérité de la phrase, la musique y perd quand on lui sacrifie tout. » Joseph, violoniste, frère des précédents (Stare Benatzky 1724 - Berlin 1804). Il succéda à son frère aîné Frantisek comme premier violon de l’orchestre de Frédéric II. Anna Franciska, cantatrice, soeur des précédents (Stare Benatzky 1728 - Gotha 1781). Friedrich Wilhelm Heinrich, violoniste et compositeur, fils aîné de Frantisek (Potsdam 1745 - id. 1814). Il fut au service de la cour de Berlin. Karl Hermann Heinrich, violoniste, frère du précédent (Potsdam 1748 - Berlin 1836). Il fut premier violon à l’opéra de Berlin. Juliana, femme compositeur, soeur des deux précédents (Potsdam 1752 - Berlin 1783). Elle épousa le compositeur Johann Friedrich Reichardt. Friedrich Ludwig, violoniste et compositeur, fils de Jiri Antonin (Gotha 1746 - Königsberg 1792). Ernst Friedrich, fils aîné de Joseph, violoniste et claveciniste (Berlin 1747 - id. 1787). Karl Franz, violoniste, frère du précédent (1753-1817). Hans von Benda, chef d’orchestre allemand, descendant de Frantisek (Strasbourg 1888 - Berlin 1972). Il fonda en 1939 l’Orchestre de chambre de Berlin. BENEDETTI MICHELANGELI (Arturo), pianiste italien (Brescia 1920 - Genève 1995). Il a fait ses études à Brescia, puis au conservatoire de Milan, et a remporté le premier prix au Concours international de Genève en 1939. Après la guerre, la célébrité lui est venue rapidement. Quoique menant une carrière insolite et se produisant rarement, aussi bien en public que dans les studios d’enregistrement, Benedetti Michelangeli est considéré comme l’un des plus grands pianistes de notre temps. Sa technique exceptionnelle, avec un art du toucher et des colorations particulièrement remarquables, est au service d’une approche des oeuvres très réfléchie et sans concession. Benedetti Michelangeli se consacre, aussi, beaucoup à l’enseignement. BENEDICAMUS DOMINO. Formule dialoguée (Benedicamus Domino - Deo gratias) souvent employée comme clausule, d’abord pour clôturer les heures canoniques, puis transportée à la fin de la messe en alternance avec Ite missa est, qu’elle remplace en diverses circonstances. La réponse Deo gratias reprend le plus souvent la mélodie du Benedicamus, qui peut être soit originale, soit empruntée à downloadModeText.vue.download 91 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 85 un mélisme d’une autre pièce. Dans les messes polyphoniques, le Benedicamus Domino est très rarement inclus dans la composition, ce qui est paradoxal si l’on songe que c’est là l’une des parties de la messe qui se sont le plus prêtées, dans les débuts, aux amplifications de toutes sortes, tant verbales que musicales. Les tropes de Benedicamus sont parmi les plus développés et vont parfois jusqu’au remplacement du texte primitif par une longue série de couplets, où la formule n’apparaît qu’à la fin (trope de substitution) ; un exemple populaire fort connu est le cantique de Pâques O filii et filiae, qui ne révèle son origine qu’aux deux derniers couplets, dont le no 13 s’achève par Benedicamus Domino et le no 14 par Deo dicamus gratias. Dans les débuts de la polyphonie, le Benedicamus Domino était également apparu comme privilégié : très fréquemment traité en organum, il motive au XIe siècle, à Saint-Martial de Limoges, le premier motet connu, un Stirps Jesse sur teneur liturgique Benedicamus Domino. La messe de Guillaume de Machaut, qui s’achève par un Ite missa est, est une exception ; après elle, ni Ite missa est ni son substitut Benedicamus Domino ne figurent plus habituellement dans les « messes en musique ». BENEDICITE (lat. : « bénissez »). Terme générique désignant, quelle qu’en soit la formule, une prière avant le repas comportant bénédiction, parlée ou chantée, de la table et des mets. Une telle prière est régulièrement pratiquée dans les monastères, les presbytères et était traditionnelle, autrefois, dans les foyers chrétiens, dont certains la pratiquent encore. L’usage en est très ancien (une bénédiction analogue existe dans les repas juifs rituels), mais il ne s’est jamais dégagé de formule généralisée, et les usages, à cet égard, sont assez divers, allant d’une série assez longue de récitations et d’oraisons à un bref échange d’incipits sans lien grammatical entre eux (Benedicite-Dominus). Toutefois, tous ont en commun une invitation à bénir le repas, d’où le nom conservé. Au XVIe siècle, la Réforme a adopté l’usage du Benedicite dans la vie domestique et favorisé la pratique du chant pour l’exprimer. De nombreux compositeurs, réformés ou non, l’ont ainsi mis en musique à plusieurs voix, soit en latin, soit en langue vulgaire, surtout dans les pays touchés par la Réforme : France, Allemagne, Angleterre, Flandres. Le Benedicite a pour symétrique l’« action de grâces » (ou « grâces » en abrégé) de la fin du repas (dire les grâces). BENEDICTUS. 1. Deuxième partie du Sanctus qui forme l’une des parties chantées de l’ordinaire de la messe. C’est une courte formule, Benedictus qui venit in nomine Domini (« Béni celui qui vient au nom du Seigneur », Luc, XIII, 35), suivie, comme la première partie, du refrain Hosanna in excelsis. Alors que le Sanctus est un des chants les plus anciens de la messe, le Benedictus n’apparut qu’au VIe siècle, et on le trouva d’abord en Gaule ; puis il gagna Rome et l’Orient. Vers le XVe siècle, on prit l’habitude, surtout en polyphonie, de scinder le Sanctus en deux et de considérer le Benedictus comme un morceau à part. On le chanta d’abord pendant l’élévation, puis après celle-ci. Au XVIIIe siècle, apparut l’usage de remplacer le Benedictus après l’élévation par un motet, le plus souvent O salutaris, si bien que plusieurs messes de cette époque n’ont pas de Benedictus. Pour le traitement musical de l’Hosanna, l’usage chez les musiciens est resté variable, certaines messes incorporant le refrain au Benedictus, d’autres se contentant d’une reprise de celui du Sanctus. Dans sa messe en ré, Beethoven donne un traitement particulier au Benedictus en concrétisant par un violon solo, descendant des hauteurs, la venue de l’envoyé du Seigneur évoquée par le texte. 2. Il existe aussi dans la liturgie d’autres pièces commençant par le mot Benedictus. La principale est le cantique de Zacharie Benedictus Dominus Deus Israel (Luc, I, 68), qui figure avec le Magnificat et le Nunc dimittis parmi les « cantiques majeurs » de l’Église romaine. BENET (John), compositeur anglais (XVe s.). Comme Dunstable, à qui il a parfois été identifié, Benet travailla sur le continent, où ses oeuvres ont été conservées dans des manuscrits. Ses compositions comprennent une messe cyclique complète mais sans titre, un Gloria, un Sanctus, des fragments de messe et des motets de facture isorythmique. Aux côtés du grand Dunstable, des musiciens tels Power, Bedingham et Benet ont certainement contribué à l’influence de la « contanance angloise » sur les musiciens français de l’époque de la guerre de Cent Ans. BENEVOLI (Orazio), compositeur italien d’origine lorraine (Rome 1605 - id. 1672). Il fit ses études musicales avec V. Ugolini, puis devint maître de chapelle à Saint-Louis-des-Français, à Rome, avant de partir pour l’Autriche ; il séjourna à Vienne, à la cour de Léopold-Guillaume, de 1644 à 1646, et il y composa nombre de motets et autres pièces religieuses. De retour à Rome, il obtint le poste de maître de chapelle à Sainte-Marie-Majeure. Il fut longtemps connu surtout pour la messe polyphonique à 53 voix, dite Missa salisburgensis, mais cette oeuvre de 1682 lui fut attribuée à tort et est sans doute soit d’Ignaz Biber soit d’Andreas Hofer. Elle ne fut donc pas écrite en 1628 pour la consécration de la cathédrale de Salzbourg. Il existe aujourd’hui une édition des oeuvres complètes de Benevoli, où nous trouvons d’autres messes à plusieurs choeurs et à multiples parties réelles, maniées avec habileté dans la tradition palestrinienne. BEN-HAÏM (Paul FRANKENBURGER, dit Paul), compositeur israélien (Munich 1897 - Tel-Aviv 1984). Il a fait ses études à l’Akademie der Tonkunst et à l’université de Munich. Chef d’orchestre à l’Opéra de Munich (19201924) et à l’Opéra d’Augsbourg (19241931), il a décidé, en 1933, de s’établir en Palestine. Ses oeuvres révèlent les influences de la musique orientale et de la musique d’Europe centrale. À la suite de sa rencontre avec la chanteuse Brach Zefira, spécialiste des mélodies liturgiques et des chansons profanes des différentes communautés juives (1935), Ben-Haïm a écrit pour celle-ci des arrangements de chansons et trouvé là une source d’inspiration nouvelle. Il a d’autre part composé 4 symphonies, des concertos, des pièces pour piano, un Poème pour harpe, de la musique de chambre (trio à cordes, quatuor à cordes, quintette avec clarinette) et de la musique vocale, dont l’oratorio Joram (1931-32). BENJAMIN (George), compositeur, pianiste et chef d’orchestre anglais (Londres 1960). Il entreprend ses premières compositions dès l’âge de neuf ans et poursuit sa formation, de 1976 à 1978, au C.N.S.M. de Paris avec Yvonne Loriod (piano) et Olivier Messiaen (composition), puis, entre 1978 et 1982, avec Alexander Goehr au King’s College de Cambridge. Sa musique, désinvolte et colorée, témoigne d’un esprit versatile et polyvalent (At First Light pour orchestre de chambre, 1982). Benjamin s’initie à l’informatique musicale, et son travail à l’I.R.C.A.M. à partir de 1984 aboutit à la création d’Antara pour seize instruments et équipement électronique, commande pour le dixième anniversaire du Centre Georges-Pompidou. Dans cette oeuvre, le son de la flûte de pan est échantillonné, puis transmis aux claviers électroniques. La musique fait ainsi référence, comme presque toujours chez Benjamin, à la réalité acoustique la plus concrète, et la sonorité nouvelle ne se définit qu’en fonction de cette référence. Il a écrit des pièces pour piano (Sortilèges, 1981), de la musique de chambre (Octuor, 1978), des pièces pour orchestre (dont Ringed by the Flat Horizon, 1979-80, programmé dans le cadre des Promenades-Concerts), de la musique vocale (Upon Silence, pour mezzo-soprano et cinq violes da gamba, downloadModeText.vue.download 92 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 86 1990). La musique de Benjamin est accessible et garde toujours une certaine complaisance envers les formes et les images convenues (Upon Silence pour mezzo-soprano et 5 violes de gambe, 1990 ; Three Inventions, pour orchestre de chambre, commande du Festival de Salzbourg, 1995). BENNETT (Richard Rodney), compositeur anglais (Broadstairs, Kent, 1936). Il fut l’élève de Lennox Berkeley et de Howard Ferguson à la Royal Academy of Music de Londres (1953-1956) et commença à composer dès cette période. Puis il vint à Paris travailler avec Pierre Boulez (1957-58). De retour à Londres, il entreprit une carrière à la fois de compositeur - il se fit connaître, notamment, par des musiques de film - et de pédagogue, il enseigna, en particulier, au Peabody Institute de Baltimore. Parmi ses oeuvres, outre les nombreuses musiques de film, les compositions pour la radio, la télévision, les musiques de scène, on compte 2 symphonies, 4 quatuors à cordes, un concerto pour piano, diverses oeuvres pour en- semble de chambre et pour piano. Dans le domaine de la musique vocale, citons une oeuvre pour la chanteuse anglaise de jazz C. Laine, Soliloquy for Cleo Laine (1967), et trois opéras : The Ledge, The Mines of Sulphur (les Mines de soufre, 1963-1965), qui ont été joués avec succès dans de nombreux pays, et A Penny for a Song (1966). Compositeur sériel à l’origine, initié par les oeuvres de Webern à la musique dodécaphonique, marqué par ses deux années avec Boulez, Bennett a connu une évolution à partir de son retour à Londres. Dans ses oeuvres récentes, il semble s’attacher d’abord à la richesse de l’orchestration et aux textures instrumentales (Commedia IV pour cuivres). BENNETT (sir William Sterndale), compositeur et pianiste anglais (Sheffield 1816 - Londres 1875). Choriste dès l’âge de huit ans au King’s College de Cambridge, il fit, à la Royal Academy of Music de Londres, des études très complètes (violon, chant, piano, composition). Sa première oeuvre date de 1832 : c’est un concerto pour piano joué en 1833 en présence de Mendelssohn, qui demeura dès lors son ami, et auquel Bennett rendit visite en Allemagne en 1836, 1837 et 1838. Lors de son deuxième séjour, Bennett, remarquable pianiste, d’une personnalité très attachante, se lia d’amitié avec Schumann. Il créa, au Gewandhaus de Leipzig, deux de ses meilleures oeuvres, les ouvertures The Naiads et The Woodnymphs. Devenu professeur of Music, Bennett gnement, une très musique anglaise. à la Royal Academy exerça, par son enseiforte influence sur la Ayant fondé, à Londres, la Bach Society (1849), il dirigea, en 1854, la première exécution en Angleterre de la Passion selon saint Matthieu de Bach. Les nombreuses charges auxquelles il accéda à la fin de sa vie, notamment la direction de la Royal Academy (1866), le détournèrent de la composition. Son oeuvre comprend surtout des pièces pour piano, pour piano et orchestre, des pièces vocales et de la musique d’église. BENOIT (Marcelle), musicologue française (Lille 1921). Élève de Norbert Dufourcq au Conser- vatoire de Paris, elle obtient dans cet établissement un premier prix d’histoire de la musique en 1952 et un premier prix de musicologie en 1954 ; elle y a enseigné à partir de 1959, devenant chargée de cours en 1973. Spécialiste de la musique française des XVIIe et XVIIIe siècles, elle a fait dans ses recherches sur les institutions et sur la musique de cette époque un usage systématique et nouveau des archives, et a publié notamment Quelques nouveaux documents sur François Couperin, ses ancêtres, sa musique, son foyer (Paris, 1968), Versailles et les musiciens du roi : étude institutionnelle et sociale, 1661-1733 (Paris, 1970 ; thèse d’État, 1971), Musiques de cour : chapelle, chambre, écurie, recueil de documents, 1661-1733 (Paris, 1970 ; suppl. thèse d’État, 1971) et les Musiciens du roi de France (Paris, 1983). À partir de 1960, elle a dirigé avec Norbert Dufourcq les Recherches sur la musique française classique. Elle a également dirigé un Dictionnaire de la musique en France aux XVIIe et XVIIIe siècles (1992). BENOIT (Peter), compositeur belge (Harelbeke, près de Courtrai, 1834 - Anvers 1901). Après des études au conservatoire de Bruxelles avec Bosselet et Fétis, puis avec Louis Hanssens, directeur du théâtre de la Monnaie, il débuta dans la carrière de compositeur par des mélodrames flamands et un petit opéra, et remporta le prix de Rome belge, en 1857, avec le Meurtre d’Abel. Il voyagea en Allemagne et en France, et fut chef d’orchestre au théâtre des Bouffes-Parisiens. De retour en Belgique, il connut le succès avec une Messe solennelle et fonda à Anvers, en 1867, l’École flamande de musique, imposant le flamand comme langue unique et encourageant une musique qui reflétât l’esprit de la race. Son rôle fut, à la fois, culturel et politique. Benoit exerça une grande influence sur des compositeurs comme Mortelmans, Blockx, Wambach, etc. Sa musique, d’un lyrisme coloré, parcourue d’élans postromantiques et épiques, est une référence à laquelle le public est demeuré fidèle comme à celle d’un barde national. Outre ses oeuvres pour orchestre et ses opéras flamands, Benoit est surtout connu pour de vastes partitions avec choeurs : De Schelde (l’Escaut), De Oorlog (la Guerre), Antwerpen (Anvers), etc. BENSERADE (Isaac de), poète et auteur dramatique français (Paris 1613 - id. 1691). Après sa première tragédie, Cléopâtre (1635), il reçut la protection de Richelieu et conserva celle de Mazarin pendant la minorité de Louis XIV. Très estimé des dames et de la société des précieuses, Benserade devint le poète familier de la cour. Il écrivit, à partir de 1651, de nombreux ballets de cour (Cassandre, la Nuit, Psyché, Alcidiane, etc.) mis en musique collectivement par Lully, Jean de Cambefort, Michel Lambert, etc. Ses poèmes élégants, destinés à des spectacles de cour auxquels participait le jeune monarque, sont remplis de scènes allégoriques. Avec lui, le ballet de cour devint un divertissement plus cohérent et son influence fut loin d’être négligeable pendant les années qui précédèrent la naissance de l’opéra français avec Lully (1673). BENTOIU (Pascal), compositeur, musicologue et esthéticien roumain (Bucarest 1927). Il étudie la composition avec Mihaïl Jora (1944-1948) à Bucarest et travaille comme chercheur à l’Institut de recherches ethnologiques et dialectologiques de Bucarest (1953-1956). Après la chute du communisme en Roumanie, il sera président de l’Union des compositeurs (1990-1992). La musique de Bentoiu se caractérise par sa clarté, son sens de l’élocution (le compositeur a beaucoup écrit pour le théâtre), par le souci d’intégrer, dans des structures héritées du passé, bon nombre de procédés spécifiques de la musique d’aujourd’hui. Dans son opéra Hamlet (1966-1969, prix Guido Valcarenghi, Rome 1970), le compositeur met la diversité des moyens et des formes utilisés au service d’une synthèse originale entre drame et musique. L’opéra radiophonique le Sacrifice d’Iphigénie (1968, prix « Italia ») reprend des systèmes d’intonation propres à la musique roumaine ancienne pour recréer l’esprit et la signification du spectacle antique. Ses symphonies, surtout les dernières, témoignent de ses préoccupations concernant la relativisation des procédés stylistiques et la possibilité de construction de métastyles. On lui doit, entre autres, huit symphonies (1965-1987), plusieurs concertos (dont deux pour piano, 1954 et 1960, et un concerto pour violoncelle, 1989), six quatuors à cordes (1953-1982), plusieurs cycles de mélodies. Il se consacre actuellement à la reconstitution et à l’orchestration des symphonies inachevées de Georges Enesco (la Cinquième, dont la reconstitution fut terminée en 1995, sera bientôt suivie de la Quatrième). BendownloadModeText.vue.download 93 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 87 toiu a publié plusieurs livres d’esthétique musicale ainsi que Chefs-d’oeuvre d’Enesco (Bucarest, 1984, prix de l’Académie roumaine 1987). BENTZON (Jørgen), compositeur danois (Copenhague 1897 - Hørs-holm, près de Copenhague, 1948). D’abord étudiant en droit, il se tourna, en 1915, vers la musique, qu’il étudia avec Carl Nielsen, puis au conservatoire de Leipzig (1920-21). Avec Finn Høffding, il créa, en 1931, des écoles populaires de musique dont il s’occupa jusqu’en 1946. Son oeuvre, de style néoclassique, comprend de la musique d’orchestre, dont 2 symphonies, de la musique de chambre, dont 5 quatuors à cordes, et un opéra, Saturnalia (1944). BENTZON (Niels-Viggo), compositeur danois (Copenhague 1919). Cousin de Jørgen Bentzon, il appartient à une famille de musiciens, les Hartmann, dont la tradition remonte au XVIIIe siècle. D’abord attiré par le jazz, qu’il a étudié avec le pianiste Leo Mathiesen, il est entré au conservatoire de Copenhague pour y travailler le piano avec C. Christiansen et la théorie musicale avec K. Jeppesen. Sa carrière de compositeur, entreprise en 1942, s’est révélée brillante malgré une certaine nonchalance. Son oeuvre, considérable, possède des affinités avec celles de Hindemith et de Bartók. Elle comprend 15 symphonies (de 1942-43 à 1980), 2 concertos pour violon, 5 concertos pour pianos, des sonates, notamment pour piano et violon, de nombreuses oeuvres pour piano seul (sonates, partitas, études), des quatuors à cordes, des ballets, un opéra, Faust III (1963), créé à Kiel en 1964, ainsi qu’un opéra de chambre, Automaten (1974). BENZI (Roberto), chef d’orchestre fran- çais d’origine italienne (Marseille 1937). Ayant reçu très jeune une formation musicale poussée et ayant commencé l’étude de la direction d’orchestre dès l’âge de huit ans avec André Cluytens, Roberto Benzi fit ses débuts de chef d’orchestre à onze ans ; il se produisit en France, en Scandinavie, en Amérique du Sud, et tourna des films. Mais il interrompit cette carrière précoce pour suivre une scolarité normale et, sur le plan musical, pour approfondir les études d’écriture. Il reprit son activité de chef d’orchestre en 1957 et dirigea dans de nombreux pays avant d’assumer, de 1973 à 1987, année où lui succède Alain Lombard, les fonctions de directeur de l’Orchestre régional de Bordeaux-Aquitaine. Il a dirigé ensuite l’orchestre d’Arnhem (Pays-Bas). Son répertoire est essentiellement fondé sur la musique romantique. BERBERIAN (Cathy), mezzo-soprano américaine d’origine arménienne (Attleboro, Massachusetts, 1925 - Rome 1983). Après une éducation vocale traditionnelle, elle a consacré l’essentiel de son activité à la recherche de nouveaux modes d’expression vocale, mettant une intelligence, une sensibilité, une force de conviction exceptionnelles au service de la musique contemporaine. Maints compositeurs ont écrit spécialement à son intention, en particulier Luciano Berio dans des oeuvres comme Circles, Recital I et Sequenza III. C. Berberian fait essentiellement une carrière de concertiste, avec des récitals dont le programme va de la musique ancienne notamment Monteverdi, qu’elle affectionne - à l’avant-garde, en passant par de désopilantes parodies du chant traditionnel d’opéra ou de mélodie. La cantatrice n’hésite pas à employer le microphone pour amplifier ou modifier sa voix. Son aisance en scène, sa verve font de ses récitals un spectacle total. BERCEUSE. Forme de chanson populaire de rythme lent, faite pour endormir les enfants, la berceuse a donné naissance à un genre instrumental ou vocal caractérisé par le rythme obstiné de la basse, ainsi que par une mélodie doucement balancée. Parmi les compositions les plus connues inspirées par ce rythme, citons la Berceuse de Chopin pour piano, celle de Brahms pour chant et piano. Dans le domaine de l’orchestre, des berceuses ont été intro- duites par Fauré dans sa suite Dolly et par Stravinski dans l’Oiseau de feu. BEREZOVSKI (Maxime), compositeur russe (Gloukhovo, Ukraine, 1745 - SaintPétersbourg 1777). Choriste à la chapelle impériale, il y fut remarqué par le compositeur italien Zoppis, qui prit soin de sa formation. En 1765, l’impératrice Élisabeth l’envoya travailler à Bologne auprès de Martini. Son premier opéra Demophon, créé à Livourne en 1773, conquit rapidement toute l’Italie. De retour en Russie en 1774, il constata qu’il était tombé dans l’oubli et que sa musique ne plaisait guère. Il se suicida dans sa trente-deuxième année. Dans ses opéras, Berezovski ne rechercha pas les effets faciles et s’intéressa aux rapports entre le texte et la musique. Dans ses nombreuses cantates d’église, il tenta d’unir le style et l’esprit des chants orthodoxes à une technique d’écriture italienne. BERG (Alban), compositeur autrichien (Vienne 1885 - id. 1935). Avec Schönberg et Webern, Berg forme l’école de Vienne. Un moment tenté par la poésie, passionné de littérature, il devint, de 1904 à 1910, le disciple de Schönberg, à qui il dut toute sa formation musicale. Un héritage lui permit, en 1906, de quitter la fonction publique pour se consacrer à la musique ; cependant, il assura, aux éditions Universal, un travail de réduction d’oeuvres pour le piano et ne fut délivré de tout souci matériel qu’en 1920. Dès 19071908, ses oeuvres furent exécutées dans les milieux d’avant-garde viennois, provoquant parfois un scandale comme, par exemple, deux des 5 Lieder avec orchestre d’après des textes de cartes postales illustrées d’Altenberg (1913). Rappelé sous les drapeaux en 1914, mais maintenu à Vienne en raison de sa santé précaire, Berg entreprit la composition de Wozzeck, d’après la pièce de Büchner qu’il venait de voir à la scène ; c’est à la suite de la création de cet opéra à Berlin (1925), sous la direction d’Erich Kleiber, qu’il fut reconnu. Cette même année, il termina le Concert de chambre, en hommage à Schönberg, et entreprit la Suite lyrique. Parallèlement, son activité pédagogique était intense. La montée du nazisme, l’exil de Schönberg (1933) l’amenèrent à se retirer dans sa propriété des bords du Wörthersee, non loin de Klagenfurt. Ses efforts se concentrèrent, dès lors, sur la poursuite de la composition de Lulu, son second opéra, d’après Wedekind, composition entreprise en 1928. Mais la mort l’empêcha d’achever l’orchestration du dernier acte. La création des 5 Fragments symphoniques de Lulu en concert, sous la direction de Kleiber à Berlin (1934), constitua l’une des dernières manifestations publiques antinazies. Une septicémie emporta Berg en décembre 1935, quelques mois après la composition du concerto pour violon À la mémoire d’un ange, dont le titre évoque la mort de la jeune Manon, fille de l’architecte Gropius et d’Alma Mahler. Les adversaires de la méthode dodécaphonique et de la pensée sérielle en général ont toujours admis Berg en raison du caractère postromantique, sinon expressionniste, de certaines de ses pages. Il est de fait que ce compositeur n’a jamais refusé l’influence de Brahms, de Wagner ou de Schumann, sollicitant d’autre part l’amitié de Mahler, dont il est proche par la pensée, le souci formel et la recherche d’une sonorité orchestrale nouvelle. Il y a chez lui une obsession de la citation qui est une manière de s’enraciner dans la tradition (choral de Bach du concerto pour violon, etc.) ; cet enracinement est renforcé par le refus des formes brèves, chères à un Webern, exception faite des 4 Pièces pour clarinette et piano, au profit des schémas traditionnels. Ainsi, dans Wozzeck, chaque scène est-elle conçue au moyen d’une forme établie (suite, rhapsodie, passacaille, rondo) ; l’acte II se présente comme une vaste symphonie en cinq mouvements. Cet aspect constitue un élément d’approche pour un public désodownloadModeText.vue.download 94 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 88 rienté par une apparente rupture, rupture, qui, d’ailleurs, n’existe pas, même chez Schönberg. Certes, la spécificité de Berg est bien de « rattacher au passé chaque nouvelle étape du devenir de l’univers schönbergien » (Leibowitz), pour nier l’existence d’une rupture et pour affirmer une évolu- tion du mode de pensée et d’écriture : si déjà on peut parler, dans son quatuor op. 3, de suspension de la tonalité et, dans la passacaille de Wozzeck, de l’emploi d’une série de douze sons différents, c’est dans la Suite lyrique qu’il réussit la gageure de faire coexister la composition libre et le système dodécaphonique ; seule une moitié de l’oeuvre est dodécaphonique, le reste relevant de l’écriture atonale libre sans que ne soient nullement affectées l’unité de style et la cohérence de l’oeuvre. Dans le concerto pour violon, oeuvre strictement dodécaphonique comme le Vin et Lulu, Berg tente la synthèse de la sérialité et de la tonalité par l’intermédiaire d’une série de base déterminant quatre accords parfaits majeurs et mineurs et s’achevant par quatre tons entiers. L’analyse qu’il en a fait ne laisse planer aucun doute sur le caractère rationnel de sa démarche et l’organisation de son langage. Il va encore plus loin dans Lulu, où il découvre les premières méthodes de permutation de la série de douze sons, qui lui permettent d’engendrer de nouvelles séries - un procédé qui va être perfectionné plus tard par Boulez, puis par Barraqué. Mais Berg est aussi, et surtout, un homme de théâtre, qui s’est orienté vers la « geste dramatique », même dans son écriture instrumentale. Wozzeck peut, d’une certaine manière, être considéré comme l’aboutissement d’une conception romantique et même wagnérienne de l’opéra. Le thème de l’oeuvre - un fait divers - se transforme en un mythe : l’exploitation de l’homme et ses conséquences. Obsédé par l’idée de pallier l’absence de l’unité que peut engendrer la tonalité et ses possibilités harmoniques, Berg a recours à l’organisation des formes anciennes de la musique pure, à douze musiques d’enchaînement et à une sorte de leitmotiv pour assurer la continuité du discours musical. De plus, l’acte III est entièrement construit sur des inventions : sur une note (si), un accord, un rythme, un intervalle. La grande leçon de Berg réside dans la prééminence de l’expression, mais aussi, dans de nouvelles propositions architectoniques et un nouveau mode de développement des cellules thématiques. Toutefois, cette élaboration formelle très poussée ne vise qu’à un seul but : l’efficacité dramatique. Enfin, on doit signaler, dans Wozzeck et dans Lulu, la manière d’user de la voix : Berg y fait appel à différentes techniques d’émission, du bel canto à la voix parlée et au choeur à bouche fermée. BERG (Gunnar), compositeur danois (Saint-Gall, Suisse, 1909 - Berne 1989). Il a fait des études à Copenhague, à Paris avec Honegger et Messiaen, à Darmstadt avec Stockhausen. Influencé, à ses débuts, par Bartók, il a évolué vers une forme d’expression pointilliste aux structures multiples, se rattachant dans une certaine mesure au sérialisme. Ses oeuvres comprennent essentiellement des pièces pour orchestre, de la musique de chambre, des pièces pour piano et pour orgue et de nombreuses mélodies sur des textes de Shakespeare, Verlaine, etc. BERG (Josef), compositeur tchèque (Brno 1927 - id. 1971). Élève de Vilem Petrželka au conservatoire de Brno, puis critique musical, musicologue, théoricien, il a été l’un des animateurs de la vie artistique de Brno. Il écrivit à ses débuts plus d’une centaine d’arrangements ou de compositions originales pour l’orchestre populaire de la radio, sur de vieilles mélodies moraves. Puis se fit sentir l’influence occidentale celle de Henze, celle du studio de Cologne (Eimert, Stockhausen) -, ce qui détermina l’écriture de ses oeuvres pour petites formations de chambre : Sextuor pour harpe, piano et quatuor à cordes (1959), Nonuor (1962), Quatuor à cordes (1966). Berg a aussi tenté de pasticher l’opéra classique : en utilisant une mise en scène dépouillée, un petit effectif de chanteurs-acteurs, il a cherché à renouveler des mythes célèbres avec le Retour d’Ulysse (1962), Johanes Doktor Faust (1966), l’Orestie (1967). On y retrouve des traces de Stravinski, de Milhaud, au travers d’une écriture qui joue de la couleur de formations instrumentales inusitées. BERGAMASQUE (ital. bergamasca). Chanson à danser de rythme binaire, originaire de la province de Bergame en Italie. Elle emprunte souvent le schéma de la chaconne, c’est-à-dire une série de variations à partir d’une basse obstinée. Le terme apparaît pour la première fois dans le 3e livre de luth de Giacomo Gorzanis (1564), puis dans le 3e livre de villotte de Filippo Azzaiolo (1569). On trouve un célèbre exemple de bergamasque dans les Fiori musicali de Frescobaldi (1635). Au XIXe siècle, cette danse a adopté un tempo très rapide à 6/8 se rapprochant de la tarentelle. Mais c’est seulement la consonance agréable du mot et son emploi par Verlaine dans un poème qui ont inspiré le titre de Suite bergamasque à Debussy et celui de Masques et bergamasques à Fauré. La romanesca est une forme analogue à la bergamasque. BERGANZA (Teresa), mezzo-soprano espagnole (Madrid 1935). Après des études au conservatoire de Madrid, elle a fait ses débuts en récital, en 1955, et à la scène, en 1957, au festival d’Aix-en-Provence dans le rôle de Dorabella (Cosi fan tutte, Mozart), inaugurant ainsi une carrière mondiale. T. Berganza est une styliste remarquable, servie par une technique exemplaire qui maîtrise un timbre pur et incisif. Son répertoire s’est longtemps fondé sur deux personnages de Mozart (Chérubin des Noces de Figaro et Dorabella) et trois de Rossini (Rosine du Barbier de Séville, Isabella de l’Italienne à Alger et Cendrillon). Son interprétation du rôle de Ruggiero dans Alcina de Haendel est également célèbre. Elle a abordé plus récemment les personnages de Carmen (Édimbourg, 1977) et de Charlotte dans Werther de Massenet. Elle obient aussi de grands succès en récital, notamment dans le domaine de la mélodie espagnole. BERGER (Erna), soprano allemande (Cossebaude 1900 - Essen 1990). Elle étudie le piano et le chant à Dresde, et est engagée pour la première fois par Fritz Busch à la Staatsoper de cette ville en 1925. En 1929, elle entre au Stätdtische Oper de Berlin, où elle participe à la création de Christ-Elflein de Hans Pfitzner. Entre 1929 et 1933, elle chante au Festival de Bayreuth, et, à partir de 1932, à Salzbourg. Sa facilité dans l’extrême aigu et sa tessiture de colorature dramatique lui permettent d’aborder soixante-dix rôles, de Rossini à Richard Strauss. Dans les opéras de Mozart, elle triomphe dans les rôles de la Reine de la Nuit et de Constance. De 1934 à 1938 elle chante à Covent Garden, en 1949 au Metropolitan de New York. De 1955 à 1968, elle se consacre au lied et à l’enseignement. BERGER (Ludwig), compositeur allemand (Berlin 1777 - id. 1839). D’abord élève de Joseph Gürrlich dans sa ville natale, il se rendit à Dresde en 1801 pour y étudier avec Johann Gottlieb Neumann, mais celui-ci venait de mourir. De retour à Berlin, il y devint l’élève de Muzio Clementi, puis suivit ce dernier à Saint-Pétersbourg, où il resta jusqu’en 1812. L’invasion française l’obligea à gagner Stockholm, puis Londres, où il triompha comme pianiste. À partir de 1815, il vécut de nouveau à Berlin, comptant parmi ses élèves Mendelssohn et sa soeur Fanny. De ses nombreux lieder, cinq furent écrits vers 1817 sur des poèmes qui devaient former le noyau du cycle la Belle Meunière, plus tard mis en musique par Schubert. On lui doit aussi, pour piano, un concerto, des pages diverses dont les études op. 12 et op. 22, et sept sonates parmi lesquelles la Grande Sonate pathétique en ut mineur op. 7 (1804, version downloadModeText.vue.download 95 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 89 révisée publiée en 1812-1814), dédiée à Clementi et nettement inspirée de l’op. 13 de Beethoven. BERGER (Theodor), compositeur autrichien (Traismauer 1905 - Vienne 1992). Il a étudié la composition avec Franz Schmidt à l’Akademie fur Musik de Vienne, de 1926 à 1932. Son art se caractérise par une invention riche et exubérante, un style passionné et le goût de la beauté sonore recherchée pour elle-même, comme dans Rondino giocoso et Malinconia pour cordes (1938). Il a composé de la musique d’orchestre (Legende vom Prinzen Eugen, Concerto manuale, Concerto macchinale, Symphonischer Triglyph), un ballet (Homerische Symphonie), de la musique de chambre (2 quatuors à cordes, etc.), des oeuvres vocales (Faust, 1949) et des musiques de film. BERGERETTE. 1. Genre poétique et musical dérivé du rondeau, en vogue au XVe siècle en France ; à la différence du rondeau, la strophe du milieu n’a pas de refrain et sa longueur est variable, car elle n’est pas liée à celle de la première strophe. 2. Au XVIe siècle, bergerette est le nom donné à quelques basses danses. 3. Chanson populaire de caractère pastoral et amoureux, de forme strophique, répandue au XVIIIe siècle. BERGEROTTI (Anna), cantatrice italienne (Rome v. 1630 - fin XVIIe s.). Ce « trésor venu d’Italie » arriva à Paris en 1655. Elle fit partie de la troupe italienne qu’entretint Mazarin et participa aux représentations d’opéras de Cavalli (Xerse, Ercole amante). Elle chanta aussi dans presque tous les ballets de cour en compagnie des cantatrices françaises Mlle Hilaire et Mlle de La Barre et figura notamment dans les scènes italiennes composées par Lully. Elle fut admirée par tous, même par les nombreux ennemis de la musique italienne. Les concerts qu’elle organisa dans sa résidence parisienne furent célèbres jusqu’à l’étranger. Elle quitta Paris en 1668 et épousa un marquis italien. BERGLUND (Paavo), chef d’orchestre finlandais (Helsinki 1929). Il étudie le violon et la direction à l’Académie Sibelius d’Helsinki et travaille ensuite à Vienne avec Otto Rieger, puis à Salzbourg. En 1949, il est engagé comme violoniste dans l’Orchestre symphonique de la radio finnoise, formation qu’il dirige de 1952 à 1971, et qu’il élève à un niveau international. De 1972 à 1979, il dirige l’Orchestre symphonique de Bournemouth, de 1974 à 1979 l’Orchestre philharmonique d’Helsinki, de 1987 à 1992 l’Orchestre philharmonique de Stockholm et, depuis cette dernière date, celui de Copenhague. Parallèlement à ces différentes fonctions de chef permanent, il dirige aussi la plupart des grands orchestres américains. Particulièrement apprécié pour ses interprétations des oeuvres de Sibelius, dont il a enregistré deux intégrales des symphonies, et de Chostakovitch, il a aussi été l’ardent défenseur des oeuvres de Nielsen, dont il a enregistré les six symphonies. BERGMAN (Erik Waldemar), compositeur finlandais (Nykarleby 1911). Il a fait ses études à Helsinki, à Berlin et en Suisse. Intéressé par le grégorien et par les cultures d’Extrême-Orient, il recherche des formes d’expression nouvelles issues des sonorités impressionnistes aussi bien que de la technique sérielle ou du style tonal libre. Il a été, en Finlande, un pionnier de l’écriture dodécaphonique et son influence dans ce domaine s’est exercée à travers ses cours à l’Académie Sibelius. Il a surtout écrit des oeuvres pour orchestre, pour voix et pour piano. Son opéra l’Arbre qui chante a été créé à Helsinki en 1995. BERGONZI (Carlo), ténor italien (Parme 1924). Il a commencé sa carrière comme baryton, à Lecce, en 1948, dans le rôle de Figaro (Barbier de Séville, Rossini), puis a fait de nouveaux débuts comme ténor, à Bari, en 1951, dans André Chénier de Giordano et a acquis peu à peu une réputation mondiale. Sa voix est peu spectaculaire, mais d’une belle qualité ; sa technique et son style sont exemplaires. Il s’est consacré exclusivement au répertoire italien, de Donizetti à Puccini et Giordano, et, particulièrement, à Verdi. Ses interprétations de Radamès dans Aïda et de Riccardo dans Un bal masqué sont très renommées. BERIO (Luciano), compositeur italien (Oneglia, Ligurie, 1925). Issu d’une famille musicienne, il a eu son père pour premier professeur. Au conservatoire Verdi de Milan, il a étudié la composition avec Paribene et Ghedini, la direction d’orchestre avec Votto et Giulini. Il a subi l’influence de Dallapiccolla, son maître à Tanglewood (États-Unis). Certaines de ses premières oeuvres comme Nones (1954) sont d’inspiration sérielle. En 1955, Luciano Berio fonde avec son ami Bruno Maderna le studio de phonologie de la R. A. I. à Milan. Luigi Nono se joint à eux. C’est l’époque vive des premières découvertes électroacoustiques ; il écrit Thema (Omaggio a Joyce) [1958]. Dans ce lieu ouvert viennent travailler de jeunes compositeurs de tous pays, comme André Boucourechliev. Berio s’affirme comme un pionnier, un explorateur. À partir de 1960, il donne des cours à Darmstadt (mais là, on l’entend le soir improviser du jazz au piano, avec Maderna), à Darlington, à Mill’s College (Californie), à Harvard, à l’université Columbia. Il s’intéresse au rock, au folk, leur consacrant des essais et les mêlant dans le creuset de sa musique, laquelle est une musique libre, sans frontières. Berio a sondé, d’abord dans la clarté de l’intuition, puis prudemment, lucidement, des domaines originaux et longtemps oubliés de notre culture occidentale, en particulier celui de la voix, qu’il a littéralement libérée. La figure étrange et passionnée de Cathy Berberian apparaît dans sa vie et devient l’âme de sa création en même temps que l’« instrument » adapté à ses recherches : C. Berberian va créer nombre de ses oeuvres. Tout en enseignant la composition à la Juilliard School of Music de New York, Berio fait de nombreux voyages. Fulgurant, éclatant, limpide, baroque, fou de théâtre et de littérature, il dévore les poètes (Joyce, Cummings, Sanguineti). La mort de Martin Luther King l’émeut profondément, O King (1965, créé en 1967). Proustien, Berio retouche sans cesse ses oeuvres, élabore de nouvelles versions. Tout en aimant l’Amérique, il ne tranche pas ses racines italiennes. Il ne se laisse, de toute façon, enfermer dans aucun clan. On ne trouve chez lui aucune trace de parti pris théorique, aucune gratuité abstraite. Son intelligence prend appui sur la vie, sur une imagination généreuse, sur un esprit d’invention, une chaleur méditerranéenne qui garde le contact entre les hommes et l’art. Il libère une expression verbale souvent affective, spontanée, immédiatement descriptive : murmures, cris, souffles, pleurs, bruissements, onomatopées attachés à la vie corporelle. Il libère la respiration. Sa musique semble couler de source ; l’élégance de l’écriture en cache les complexités. Circles (1960), ou encore la série des Séquences (Sequenza I à XI, 1958-1988) pour instruments solistes, inventent, dans un jeu de manipulations et de métamorphoses, des formes nouvelles, et il en va de même de la série parallèle des Chemins. Voix ou instruments sont poussés à l’extrême limite de leur virtuosité, arrachés à leur tradition, élargis. Epifanie (1961) suit la même évolution : textes de poètes, écartelés, au bord du tragique. Harmoniste raffiné dans Folk Songs, Berio se montre un maître de la technique de la variation dans la série Chemins (1965-1975), où des commentaires variés à l’infini laissent apparaître des « collages ». Passagio (1962, créé en 1963), Laborintus II (1965), Recital I (1972) sont des approches très personnelles du théâtre musical. L. Berio semble downloadModeText.vue.download 96 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 90 être imprégné de tout ce qui vit, pour le laisser réapparaître tôt ou tard. On rencontre dans Sinfonia (1968) l’amour de Mahler, dans Sequenza VII (1969) pour hautbois un goût de la lumière, et, un peu partout, les jeux de la mémoire de ce qui fut aimé, entendu, rencontré. Chez Berio se côtoient des inflexions vocales ou instrumentales proches du jazz, la tension du nô japonais, l’esprit contemplatif de la musique indienne. Partout, le compositeur recrée des situations déchirantes ou paisibles. Coro (1976) est sans doute l’un des sommets de son oeuvre, une anthologie de l’homme, de son aventure et de son paysage intérieurs. Les langues, les folklores, les styles y sont brassés avec violence et tendresse. Après avoir dirigé jusqu’en 1980 le département électroacoustique de l’I. R. C. A. M. à Paris il devint responsable de l’antenne de cet organisme à Milan. Après Opera (1969-70), des oeuvres comme Linea (1974), Points on the curve to find (1974), Coro (1976), les opéras La vera storia (Milan, 1982), Un re in ascolto (Salzbourg, 1984) et Outis (Milan, 1995), Formazioni pour orchestre (1986), Concerto II « Echoing Curves « (Paris, 1988), Festum pour orchestre (Dallas, 1989), Chemins V pour guitare et orchestre de chambre (1992) ont montré que Berio avait encore le pouvoir de surprendre. Le compositeur s’explique : « Je crois qu’il faut vivre dans l’esprit de la fin de la Renaissance et des débuts du baroque, dans l’esprit de Monteverdi qui inventait la musique pour trois siècles à venir...» BÉRIOT (Charles Auguste de), violoniste et compositeur belge (Louvain 1802 Bruxelles 1870). Autodidacte, il était déjà en pleine possession de sa technique quand il rencontra Viotti en 1821 ; celui-ci le fit entrer dans la classe de Baillot, au Conservatoire de Paris. Puis une tournée triomphale en Angleterre établit sa renommée. Après la révolution de 1830, Bériot fit de nouvelles tournées avec la cantatrice Maria Malibran qu’il épousa en 1836. Il devint aveugle et paralysé après 1858. Son art élégant, qu’il transmit à ses disciples, notamment Henri Vieuxtemps, à travers son enseignement au conservatoire de Bruxelles (18431852), se retrouve dans ses compositions, par exemple ses 9 concertos pour violon. Il a écrit une Méthode de violon en 3 parties (1858) et a collaboré à des ouvrages de son fils Charles Wilfrid (1833-1914) sur l’accompagnement au piano. BERKELEY (sir Lennox), compositeur anglais (Boars Hill, Oxford, 1903 - Londres 1989). Après des études à l’université d’Oxford, il décida de se consacrer à la musique et séjourna, de 1927 à 1932, en France, où il travailla avec Nadia Boulanger, se lia d’amitié avec Francis Poulenc et se convertit au catholicisme. Il chercha aussi conseil auprès de Maurice Ravel et tira de cette formation et (peut-être) de son ascendance françaises un goût marqué pour l’élégance et la clarté, pour la forme et la concision. De 1946 à 1968, il a enseigné la composition à la Royal Academy of Music de Londres. Berkeley est un des compositeurs les plus respectés en Angleterre. Sa réputation s’est d’abord fondée sur des oeuvres à effectifs réduits, comme la Sérénade pour cordes op. 12 (1938) ou le Divertimento op. 18 (1943), sa première grande réussite. Il aime l’intimité et a beaucoup composé pour des formations de chambre : son trio pour cor, violon et piano op. 44 (1954), conçu pour Dennis Brain, est particulièrement remarquable, et on lui doit aussi un trio à cordes (1943) et trois quatuors à cordes (1935, 1942 et 1970). Sa musique pour piano est également importante (sonate op. 20, 1943). Comme son contemporain et ami Britten, Berkeley éprouve un vif penchant pour la voix : il a composé plusieurs cycles de mélodies, parmi lesquels les 4 Sonnets de Ronsard op. 40 (1952), les 4 Sonnets de Ronsard op. 62 pour ténor (1963), à la mémoire de Francis Poulenc, et, surtout, les 4 Poèmes de sainte Thérèse d’Avila op. 27 pour contralto et cordes (1947) : cette dernière page, sans doute son chef-d’oeuvre, fut destinée à Kathleen Ferrier. Ayant souffert de l’étiquette de miniaturiste, Berkeley a su montrer une autre forme de son talent dans ses concertos - pour piano op. 30 (1947), pour 2 pianos op. 34 (1948), pour violon op. 59 (1961) - , dans Dialogue pour violoncelle et orchestre op. 79 (1970), ainsi que dans ses quatre symphonies op. 16 (1940), op. 51 (19561958), op. 74 (1969) et op. 94 (1976-77). Il a moins réussi dans ses opéras Nelson op. 41 (Londres 1954), A Dinner Engagement op. 45 (Aldeburgh, 1954), Ruth op. 50 (Londres, 1956) et Castaway op. 68 (Aldeburgh, 1967), mais a écrit de belles oeuvres religieuses, dont le Stabat Mater op. 28 (1947), la Messe a cappella op. 64 (l964) et le Magnificat op. 71 (1968). BERLIN (histoire de la vie musicale à). Au début du XVIIe siècle, Berlin entra dans l’histoire de la musique avec des musiciens tels Johannes Eccard et Nikolaus Zangius, maîtres de chapelle à la cour du prince électeur. La musique protestante fut représentée dans la première moitié du XVIIe siècle par Johann Crüger. Pendant la guerre de Trente Ans, l’activité musicale connut un ralentissement comme dans le reste de l’Allemagne. En 1701, Berlin prit rang de résidence royale. C’est sous le règne de Frédéric II (1740-1786) que la ville devint un foyer musical important, les artistes se partageant entre la capitale de la Prusse et le séjour royal de Potsdam. On y rencontre Johann Joachim Quantz, Carl Philipp Emanuel Bach, les Benda, Carl Heinrich et Johann Gottlieb Graun, Johann Friedrich Reichardt, Christoph Nichelmann, Johann Philipp Kirnberger, Friedrich Wilhelm Marpurg et Carl Friedrich Zelter. Les compositeurs de l’école de Berlin se sont illustrés dans les domaines de la symphonie, de la musique instrumentale, du lied et de l’opéra. En 1742 fut inauguré l’Opéra royal Unter den Linden ou Hofoper (Opéra de la Cour). Berlin était également réputé à cette époque comme centre de théorie musicale. Au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe régna une activité intense : les orchestres, les sociétés chorales, les académies de musique religieuse, les opéras et les écoles de musique se multiplièrent, en particulier, de 1800 à 1832, sous l’impulsion de Zelter. La musique orchestrale se développa particulièrement dans la seconde moitié du XIXe siècle. De nombreuses formations furent créées : la Musikausübende Gesellschaft, fondée par Johann Philipp Sack en 1752, l’Orchestervereinigung Berliner Musikfreunde, devenue ensuite le Berliner Orchesterverein, le Königliches Hoforchester, devenu ensuite la Staatskapelle, qui compta parmi ses chefs Felix Weingartner et Richard Strauss, et, enfin, l’Orchestre philharmonique de Berlin qui, fondé en 1882, est considéré depuis plusieurs dizaines d’années comme l’un des meilleurs orchestres du monde ; il a eu notamment pour chefs Hans von Bülow (1887-1892), Arthur Nikisch (1897-1922), Wilhelm Furtwängler (1922-1945 et 1947-1954), Sergiu Celibidache (1945-1947) et Herbert von Karajan (depuis 1954). Au XXe siècle, sont venus s’ajouter les orchestres de la radio : Berliner Rundfunk pour Berlin-Est, Nordwestdeutscher Rundfunk et RIAS pour Berlin-Ouest. L’Orchestre RIAS a connu une période de grande notoriété quand Ferenc Fricsay en était le directeur (1948-1954). Parmi les sociétés chorales figurent le Choeur philharmonique, le Choeur de la cathédrale Sainte-Hedwige et la célèbre Singakademie, fondée, en 1791, par Christian Fasch et dirigée ensuite par Zelter ; c’est avec le concours de cette formation que Mendelssohn dirigea, en 1828, la Passion selon saint Matthieu de Bach, tombée dans l’oubli depuis près d’un siècle. Les académies de musique religieuse les plus importantes sont l’Akademie für Kirchenmusik, fondée en 1822, la Gesellschaft zur Förderung der kirchlichen Tonkunst et le Caecilienverein. Plusieurs grandes scènes d’opéra ont valu à Berlin sa renommée dans le domaine lyrique. Inaugurée en 1742, la Hofoper a vu la création du Freischütz de Weber en 1821 et l’opposition entre les downloadModeText.vue.download 97 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 91 partisans de cette oeuvre de style nouveau et ceux du style de Spontini, qui était alors directeur musical du théâtre. Les Joyeuses Commères de Windsor de Nicolai y furent créées en 1849. Baptisée, après 1918, Staatsoper (Opéra d’État), cette scène a eu pour intendants ou directeurs de la mu- sique Richard Strauss, Felix Weingartner, Karl Muck, Max von Schillings, Heinz Tietjen. Les créations de Wozzeck d’Alban Berg (1925), Christophe Colomb de Milhaud (1930), Das Herz de Pfitzner (1931) et Peer Gynt de Egk (1938) s’y sont, entre autres, déroulées. Située dans l’ancien secteur Est, la Staatsoper a eu pour directeurs musicaux, après la guerre, Franz Konwitschny (1955-1961) et Otmar Suitner, de 1964 à 1975. Le Deutsches Opernhaus, inauguré en 1912 et appelé après 1918 Städtische Oper (Opéra municipal), a compté parmi ses intendants Carl Ebert et parmi ses directeurs musicaux Bruno Walter et Ferenc Fricsay. Détruit en 1944, lors d’un bombardement aérien, il a repris en 1961 le nom de Deutsche Oper. Inaugurée en 1924, la Kroll Oper devint rapidement célèbre par son orientation très particulière ; notamment sous la direction d’Otto Klemperer (1927-1931), ce fut un théâtre de créations (opéras de Hindemith, etc.) et une scène d’avant-garde en ce qui concerne les décors et la mise en scène du répertoire. Une position comparable, dans le domaine de l’interprétation scénique, a été occupée après la dernière guerre par la Komische Oper, qui, ouverte en 1947, a appuyé sa célébrité sur les mises en scène de son intendant Walter Felsenstein. Dans le domaine de l’enseignement de la musique, les institutions les plus importantes sont l’université, où ont professé Philipp Spitta et Arnold Schering, la Hochschule für Musik, fondée en 1869, le conservatoire municipal (autrefois Stern’sches Konservatorium), le conservatoire Klindworth-Scharwenka, l’Institut für Musikforschung et la Berliner Kirchenmusikschule. BERLIOZ (Hector), compositeur français (La Côte-Saint-André, Isère, 1803-Paris 1869). C’est à La Côte-Saint-André, où son père était médecin, qu’Hector Berlioz reçut sa première éducation musicale. Il apprit à jouer du flageolet, de la flûte et de la guitare. À seize ans, muni de quelques rudiments théoriques puisés dans les traités d’harmonie de Rameau et de Catel, ainsi que dans les Éléments de musique de d’Alembert, il écrivit un quintette pour flûte et quatuor. Bachelier, en 1821, il partit pour Paris afin d’y suivre les études de médecine, selon le voeu de son père. Mais il y fréquenta plus volontiers l’Opéra que l’amphithéâtre de la Pitié et il voua à Gluck une admiration passionnée. Dès 1823, il travailla la composition avec Lesueur et, à l’automne de la même année, entreprit d’écrire une Messe solennelle, qui devait être exécutée, à ses frais, à l’église Saint-Roch, en 1825. Si cette messe fut très remarquée, elle laissa son auteur endetté. Et Berlioz vécut pauvrement. VOCATION : MUSICIEN. À cette époque, le jeune homme découvrit Weber ; ce fut une nouvelle flambée d’enthousiasme. Éliminé au concours de Rome (1826), il vit ses parents s’opposer à sa vocation artistique. Sa mère le maudit, mais son père finit par céder. Berlioz s’inscrivit alors au Conservatoire, où il étudia la composition avec Lesueur, le contrepoint et la fugue avec Reicha. En 1827, il se présenta à nouveau, sans succès, au concours de Rome. Peu après, il fut subjugué par Shakespeare, dont on joua Hamlet et Roméo et Juliette à l’Odéon ; en même temps, il tomba amoureux, et amoureux fou, de l’actrice irlandaise qui interprétait les rôles d’Ophélie et de Juliette, Harriet Smithson. Bientôt, il reçut un nouveau choc avec le Faust de Goethe. Son destin musical était déjà tracé. Une troisième fois, en 1828, Berlioz se présenta au concours de Rome et obtint le second grand prix avec Herminie. Il composa Huit Scènes de Faust. Après un nouvel échec au concours de Rome, pour lequel il écrivit la Mort de Cléopâtre (1829), l’année 1830 fut marquée par la Symphonie fantastique et par le premier grand prix de Rome avec la cantate la Dernière Nuit de Sardanapale. Le 5 décembre, dans la salle du Conservatoire, eut lieu la première audition de la symphonie. Liszt fut enthousiaste. UNE PÉRIODE AGITÉE. Berlioz se croyait alors guéri de sa passion pour Harriet Smithson et se fiança avec une jeune pianiste, Camille Moke. En mars 1831, il arriva à Rome, à la Villa Médicis. Il ne s’y plut guère et, ayant appris que Camille Moke avait rompu ses fiançailles, possédé par un désir de vengeance, il voulut regagner Paris. Mais il s’arrêta à Nice, où il écrivit les ouvertures du Roi Lear et de Rob Roy. De retour à Rome, en juin, il composa Lélio ou le Retour à la vie, présenté comme une suite à la Symphonie fantastique. En novembre 1832, Berlioz, redevenu parisien, fit exécuter, sous la direction d’Habeneck, la Symphonie fantastique et Lélio ; ces oeuvres remportèrent un grand succès. Harriet Smithson assistait au concert et, s’enflammant de nouveau, le compositeur lui déclara sa passion ; il devait l’épouser en octobre 1833. À la demande de Paganini, le musicien composa une oeuvre pour alto et orchestre, Harold en Italie, dont la première audition, avec Chrétien Urhan en soliste, fut donnée l’année suivante. Critique musical au Journal des débats à partir de 1835, il obtint, en 1837, la commande d’un Requiem, qui devait être joué aux Invalides, le 5 décembre. Cette partition fut très bien accueillie. Mais il n’en fut pas de même pour son opéra Benvenuto Cellini, qui, en 1838, ne fut représenté que quatre fois. Toutefois, en décembre de cette même année, un concert au cours duquel Berlioz dirigea Harold en Italie et la Symphonie fantastique apporta au compositeur une revanche : Paganini proclama son génie et lui fit don d’une somme de vingt mille francs qui lui permit d’éponger ses dettes et d’entreprendre en janvier 1839 la symphonie dramatique Roméo et Juliette, créée avec succès en novembre. Wagner assista à cette première et ne cacha pas son enthousiasme. L’année suivante, pour le dixième anniversaire des Trois Glorieuses, le compositeur dirigea sa Symphonie funèbre et triomphale. Au cours de cette période, la vie conjugale de Berlioz devenait insupportable ; le ménage se désagrégeait de jour en jour. Et, en 1841, le musicien s’éprit d’une cantatrice, Marie Recio. DES TRIOMPHES À L’ÉTRANGER. Commença alors l’ère des tournées de concerts à l’étranger, d’abord en Belgique, puis en Allemagne, où Marie Recio l’accompagna. Revenu à Paris, en 1843, Berlioz se sépara d’Harriet. En 1846, des concerts triomphaux à Prague et à Budapest le dédommagèrent des déceptions que lui avaient apportées les « festivals » qu’il avait organisés à grands frais à Paris. Il acheva la Damnation de Faust, qui fut créée sous sa direction en décembre, à l’Opéra-Comique ; ce fut un demi-échec. Criblé de dettes, le compositeur partit, en 1847, pour diriger des concerts en Russie ; il y remporta un très grand succès, à Saint-Pétersbourg comme à Moscou. En 1849, il écrivit son Te Deum. Liszt fit représenter Benvenuto Cellini à Weimar, en 1852, et, cette fois-ci, l’ouvrage remanié et abrégé fut fort bien accueilli. Mais la vie familiale de Berlioz demeurait difficile. En 1854, Harriet Smithson, malade depuis plusieurs années, paralysée, mourut. Le musicien épousa Marie Recio. La première exécution de l’Enfance du Christ, en 1854, fut un triomphe. Le Te Deum fut joué à Saint-Eustache en 1855. Élu à l’Institut l’année suivante, Berlioz se tourna de nouveau vers l’opéra : en 1859, il acheva les Troyens et, en 1862, Béatrice et Bénédict, dont la première eut lieu à Baden-Baden, tandis que les trois derniers actes des Troyens ne furent représentés qu’en 1863, à Paris, au Théâtre lyrique, sous le titre les Troyens à Carthage. 1862 fut aussi l’année de la mort de Marie Recio, qui laissa le compositeur en proie au découragement et à la solitude. En 1864, il démissionna du Journal des downloadModeText.vue.download 98 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 92 débats. Trois ans plus tard, son fils Louis (né en 1834) mourut de la fièvre jaune à La Havane. Berlioz était lui-même malade. Pourtant, il effectua un nouveau voyage en Russie. La fin de l’année 1868 fut particulièrement sombre : en décembre, la maladie le cloua au lit. Il mourut le 8 mars 1869 et fut enterré au cimetière de Montmartre. LE SENS DE L’UNIVERSEL. Hector Berlioz est une des grandes figures de la musique romantique européenne. Il fut mieux compris en Allemagne, en Bohême, en Hongrie et en Russie que dans son propre pays. Ses meilleurs défenseurs furent Paganini, Liszt et Schumann. Il est vrai que ses sources littéraires d’inspiration, puisées dans Shakespeare et Goethe, lui ont donné le sens de l’universel, dépassant le cadre étroit des frontières nationales. Mais, parmi ces sources, il y a aussi Virgile, et l’on ne peut nier, à côté du « fantastique » et des débordements de la passion, la clarté méditerranéenne d’Harold en Italie, de l’Enfance du Christ et des Troyens. Berlioz est un passionné lucide. Il conçoit dans l’enthousiasme, puis exécute froidement. Ce romantique est exactement le contraire d’un improvisateur. Il faut que sa vision poétique soit rendue avec évidence, il faut que la projection dans la musique de son « moi » omniprésent soit parfaitement perceptible. Même le rêve, même le délire cèdent chez lui au besoin d’énoncer clairement et d’enchaîner logiquement. Dès la Symphonie fantastique (1830), il rejette le schéma traditionnel de la symphonie, pour lui substituer une progression dramatique en cinq épisodes (Rêveries et Passions ; Un bal ; Scène aux champs ; Marche au supplice ; Songe d’une nuit de sabbat), qui évolue de la tendresse la plus pure au délire et au sarcasme, unifiée par la présence d’un thème obsessionnel, l’« idée fixe ». Avec le concours d’un alto solo « combiné avec l’orchestre de manière à ne rien enlever de son action à la masse orchestrale », Harold en Italie (1834) met de nouveau en vedette un personnage mélodique (analogue à l’« idée fixe »), qui se mêle à des paysages et à des scènes tout en poursuivant sa méditation solitaire. Roméo et Juliette (1839) se libère totalement des contraintes de la structure symphonique, au bénéfice d’une approche poétique, mais toujours logique, qui cerne l’action dramatique de diverses manières, tantôt la survolant, tantôt la commentant, tantôt s’y incorporant pour la vivre intensément. La Symphonie fantastique a pour soustitre « Épisode de la vie d’une artiste ». Roméo et Juliette est une « symphonie dramatique ». La Damnation de Faust (1846) est une « légende dramatique » sans être pour autant destinée à la scène ; ici, la symphonie évolue vers l’opéra. Tout est drame chez Berlioz. Les thèmes sont des personnages ; l’orchestre est un décor, un lieu scénique. La Grande Messe des morts ou Requiem (1837) n’échappe pas à cette loi, et même la confirme avec éclat. LA MODERNITÉ DE BERLIOZ. Berlioz est essentiellement un musicien de rupture. Il y a dans son oeuvre des moments où sa fougue créatrice anticipe étrangement sur les audaces de la musique du XXe siècle. Berlioz annexe des territoires encore vierges, ne s’embarrasse pas de contraintes, ne redoute pas la démesure. Peu lui importent les moyens, seul compte ce qu’il a à dire, et cette volonté d’aller jusqu’au bout de ce qu’il doit exprimer entraîne la découverte de moyens nouveaux qui élargissent le domaine du compositeur. Une orchestration « moderne », où le timbre, la couleur, la dynamique jouent un rôle prépondérant dans l’expression musicale, le sens du modal qui enrichit l’harmonie et affine la mélodie, une conception toute personnelle du contrepoint qui lui permet de superposer des éléments très différenciés, créant une sorte de simultanéité qui lui appartient en propre, le recours à la stéréophonie, telles sont quelques-unes des conquêtes de Berlioz, mais elles n’ont force d’évidence que parce qu’elles sont apparues dans des chefs-d’oeuvre (Symphonie fantastique, Requiem, Harold en Italie, Roméo et Juliette, la Damnation de Faust, les Troyens). On n’oubliera pas enfin que Berlioz fut un remarquable écrivain et un excellent critique musical. Ses passionnants Mémoires et ses livres sur la musique en témoignent. BERMAN (Lazar), pianiste russe (Leningrad 1930). Élève d’abord de sa mère, enfant prodige (il se produit pour la première fois en public à l’âge de sept ans), il n’entre qu’en 1948 au Conservatoire de Moscou, où il étudie avec Goldenweiser, Richter et Sofronitzki. Lauréat de plusieurs concours internationaux, dont en 1956 le Concours Reine Élisabeth de Belgique, il devient en U.R.S.S. l’un des pianistes les plus réputés de sa génération, pour sa virtuosité exceptionnelle et la clarté de son jeu. Pendant vingt ans, sa carrière se déroule presque uniquement en U.R.S.S. En 1976, son enregistrement du 1er concerto de Tchaïkovski sous la direction de Karajan le fait connaître hors de son pays et dans toute l’Europe. De même que Richter, Sofronitzki ou Guilels, il est l’un des très grands représentants de l’école russe de piano. Depuis la fin des années 1970, il se produit dans le monde entier. BERNAC (Pierre BERTIN, dit Pierre), bary- ton français (Paris 1899 - Villeneuve-lèsAvignon 1979). À partir de 1933, il se consacra exclusivement à la mélodie et, accompagné au piano par Francis Poulenc dont beaucoup d’oeuvres furent créées par lui, il constitua avec le compositeur un duo exceptionnel qui contribua beaucoup à la diffusion de la mélodie française dans le monde entier. L’art d’interprète de Bernac fit de lui l’un des grands noms dans le difficile domaine de la « parole en musique ». Il fut professeur à l’université Howard de Michigan et au conservatoire américain de Fontainebleau, avant de poursuivre son activité de pédagogue à Londres et à Saint-Jean-deLuz, notamment. BERNAOLA (Carmelo Alonso), compositeur espagnol (Ochandiano, Vizcaya, 1929). Il a fait ses études au conservatoire de Madrid et obtenu le prix national de la musique en 1962 et celui des Jeunesses musicales en 1967. Il a également travaillé à Rome avec Goffredo Petrassi et, à Darmstadt, avec Bruno Maderna. Parti d’une phase néoclassique, illustrée notamment par le Piccolo Concerto pour violon et orchestre à cordes (1959), il a évolué ensuite vers l’atonalité, sous le signe à la fois du sérialisme et de l’improvisation : en témoignent Superficie no 1 pour double quatuor d’instruments à cordes et d’instruments à vent (bois), piano et percussion (1961), Superficie no 2 pour violoncelle solo (1962, rév. 1965), Superficie no 3 pour flûte piccolo, saxophone alto, xylophone et bongos (1963), et Espacios variados pour grand orchestre (1962, rév. 1969). Heterofonias pour grand orchestre (1965, rév. 1967) est d’une conception plus abstraite, et influencée par les arts plastiques, alors que dans Impulsos pour grand orchestre (1970-1972) on retrouve certaines polarisations harmoniques ou formelles traditionnelles. Clarinettiste, Bernaola a écrit pour son instrument Oda für Marisa pour clarinette, cor et orchestre de chambre (1970), Argia Ezta Ikusten pour clarinette, vibraphone, piano et percussion (1973), et Superposiciones variables pour clarinette et 2 magnétophones (1975). On lui doit encore de nombreuses musiques de scène - pour les Femmes savantes, Lysistrata, Hedda Glaber, le Roi Lear - et de nombreuses musiques de film, et il a reçu à ce titre, de l’Association des composi- teurs de cinéma, le prix de la meilleure musique en 1967, 1969 et 1972. BERNARD (Robert), compositeur et musicologue suisse (Genève 1900 - Paris 1971). Après des études musicales à Genève, il se fixa à Paris en 1926. Pianiste, organiste, conférencier, professeur à la Schola candownloadModeText.vue.download 99 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 93 torum, directeur de la Revue musicale, président ou animateur de nombreuses associations, Robert Bernard se dévoua totalement à la cause de la musique. Il est l’auteur d’une oeuvre de style néoromantique, pour orchestre, pour des formations de chambre et pour la voix. On lui doit d’autre part de nombreux ouvrages de musicologie, notamment une Histoire de la musique (3 vol., Paris, 1961-1963). BERNARD (saint), théologien français appartenant à l’ordre de Cîteaux (château de Fontaine, près de Dijon, v. 1090 Clairvaux, Aube, 1153). Il n’était pas musicien au sens propre du mot, mais, par son esthétique de dépouillement et d’austérité, il provoqua dans la liturgie de l’ordre cistercien une série de restrictions : mélismes amputés, mélodies appauvries, ambitus réduit à dix notes au plus pour respecter la parole du psalmiste qui évoque son « psaltérion à dix cordes ». Saint Bernard est également cité comme l’auteur du Salve Regina, mais l’expression doit s’entendre au sens littéraire et non musical. BERNARD DE VENTADOUR, troubadour occitan (château de Ventadour, Corrèze, v. 1125 - abbaye de Dalon, Dordogne, v. 1195). C’est un des rares troubadours d’origine roturière. Il eut pour maître et protecteur Eble II, seigneur de Ventadour, qui lui enseigna l’art de « trouver ». Il tomba amoureux de Marguerite de Turenne, puis d’Aliénor d’Aquitaine, qui lui accorda sa protection. Il voyagea beaucoup en France et suivit sa maîtresse en Angleterre, où il séjourna à la cour d’Henri II. Il entra au service de Raimond IV, comte de Toulouse, avant de devenir moine à l’abbaye de Dalon. De ce très grand poète, il nous reste 45 textes, dont une vingtaine de chansons notées, presque toutes des chansons d’amour dans lesquelles la musique vient renforcer l’extrême beauté de chaque image. Bernard de Ventadour disait lui-même que « le chant qui ne vient pas du fond du coeur n’a pas de valeur ». La plus célèbre de ses chansons est sans doute Can vei la lauzeta mover. BERNARDI (Steffano), compositeur italien (Vérone 1576 ? - ? 1636). Il fut maître de chapelle à la cathédrale de Vérone avant d’entrer au service de l’évêque de Breslau. Il obtint ensuite le poste de maître de chapelle à Salzbourg, qu’il garda jusqu’à sa mort. Auteur de messes et d’oeuvres religieuses diverses, de madrigaux, de sonates, etc., il doit surtout sa réputation à un Te Deum à 48 voix réparties en 12 choeurs, qui fut exécuté pour la consécration de la cathédrale de Salzbourg en 1628. BERNERS (sir Gerald Hugh Tyrwitt-Wilson, lord), compositeur anglais (Arley Park, Shropshire, 1883 - Londres 1950). Membre du corps diplomatique de 1909 à 1920, il étudia la musique à Dresde et à Vienne, reçut les conseils de Stravinski, de Casella et de Vaughan Williams, et se lia d’amitié dans les années 1920 avec George Bernard Shaw, H. G. Wells et Osbert Sitwell. Son comportement social bizarre et son goût de la plaisanterie firent de lui une sorte de Satie britannique. Ses oeuvres les plus célèbres sont l’opéra le Carrosse du Saint-Sacrement, d’après Mérimée (Paris 1924) et le ballet The Triumph of Neptune (1926). BERNGER VON HORHEIM, minnesänger allemand, originaire de Souabe (fin du XIIe s.). On retrouve sa trace en Italie. On connaît de lui six chansons, où se manifeste une forte influence française. L’une d’entre elles a été identifiée par Friedrich Gennrich comme une nouvelle version d’une chanson de Chrétien de Troyes, D’amours qui a tolu a moi, ce qui attire l’attention sur l’important apport de Chrétien de Troyes au minnesänger. BERNHARD (Christoph), compositeur et théoricien allemand (Dantzig 1627 Dresde 1692). Il étudia à Dantzig avec Paul Siefert, puis à Dresde avec Heinrich Schütz. En 1649 et 1651, il voyagea en Italie où il rencontra Carissimi. Vice-maître de chapelle à Dresde (1655-1664), il devint maître de chapelle à Hambourg (1664), puis à Dresde (1681-1688). Sa musique vocale religieuse (concerts spirituels, Missa « Christ unser Herr zum Jordan kam ») se situe à mi-chemin de Schütz et de Johann Sebastian Bach. Bernhard est également l’auteur d’ouvrages théoriques. BERNIER (Nicolas), compositeur français (Mantes-la-Jolie 1664 - Paris 1734). Après avoir été enfant de choeur à la collégiale de Mantes, il aurait travaillé à Rome avec Caldara. En 1692, il enseigna le clavecin à Paris, puis fut, entre 1694 et 1698, maître de chapelle à la cathédrale de Chartres. De retour à Paris, il se fit connaître par un Te Deum, aujourd’hui perdu, qui fut joué dans plusieurs églises et à la Cour à Fontainebleau. En 1703, il publia son premier livre de motets et succéda, l’année suivante, à Marc-Antoine Charpentier à la Sainte-Chapelle. Il épousa, en 1712, l’une des filles de Marin Marais, collabora aux fêtes données à Sceaux par la duchesse du Maine et obtint, en 1723, l’un des quatre postes de sousmaître de chapelle à Versailles, vacants depuis la démission de Delalande. Outre une oeuvre religieuse comprenant des leçons de ténèbres et des motets, Nicolas Bernier a laissé de nombreuses pièces profanes ; airs sérieux et à boire et, surtout, 8 livres de cantates, genre qu’il fut l’un des premiers à illustrer, par exemple avec sa cantate le Café. Ses compositions, essentiellement vocales, allient avec bonheur les goûts français et italien. BERNIER (René), compositeur belge (Saint-Gilles-lès-Bruxelles 1905 Bruxelles 1984). Il a fait des études au conservatoire de Bruxelles et avec Paul Gilson. Critique, professeur aux conservatoires de Liège et de Mons et à l’Académie de musique de Bruxelles, puis, après la guerre, inspecteur de l’Éducation musicale pour la Belgique francophone, il s’inscrit dans la lignée des impressionnistes respectueux des formes classiques, partisans du langage modal et délicats harmonistes. En dehors d’un poème symphonique, d’un concerto pour saxophone et de deux ballets, il a surtout écrit pour la voix et pour des formations de chambre. BERNSTEIN (Leonard), compositeur, pianiste et chef d’orchestre américain (Lawrence, Massachusetts, 1918 - New York 1990). Il a étudié à l’université Harvard avec Walter Piston, Tillman Merritt et Edward Burlingame Hill jusqu’en 1939, puis au Curtis Institute de Philadelphie avec Fritz Reiner et Randall Thomson jusqu’en 1941. Élève de Koussevitski à Tanglewood, à partir de 1940, il y est devenu son assistant (1942), avant d’être celui d’Arthur Rodzinski à New York (1943). C’est là qu’ayant eu l’occasion de remplacer Bruno Walter au pied levé, il a commencé sa carrière de chef d’orchestre. Il a fait des tournées en Europe et a été le premier Américain d’origine à diriger l’orchestre de la Scala de Milan (Médée de Cherubini avec Maria Callas, 1953). Aux États-Unis, il a animé, à partir de 1954, des émissions de télévision. Après l’énorme succès de sa comédie musicale West Side Story (1957), succès prolongé par un film, il est nommé directeur musical de l’Orchestre philharmonique de New York (1958). Il a abandonné ce poste (1968) pour se consacrer à la composition, à ses émissions de télévision, à ses cours à l’université Harvard et à diverses charges officielles, mais a poursuivi jusqu’à sa mort sa carrière de chef sur le plan international. Pianiste de talent, chef d’orchestre fougueux, animateur et organisateur, compositeur populaire, Bernstein fut l’un des personnages les plus en vue de la musique américaine et même mondiale. Dans son oeuvre, qui vise souvent au spectaculaire et hésite devant les véritables audaces, se sont succédé, ou parfois mélangées pêledownloadModeText.vue.download 100 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 94 mêle, les influences de Stravinski, de Copland, de Hindemith, de Mahler, du jazz, du folklore, de l’opéra italien, de la pop music. Dans un langage universel et accessible, il parvient à traiter certains grands thèmes, celui de la foi perdue et reconquise, celui de la condition humaine. Il a rêvé de nouvelles formes de théâtre musical, mais ses tentatives, quoique convaincantes, demeurent un peu artificielles. Bernstein a composé notamment 3 symphonies (Jeremiah 1942, The Age of Anxiety 1948-49, Kaddish 1957) ; des ballets (Fancy Free 1944, Facsimile 1946) ; des musiques de scène et des musiques de film, dont celle pour On the Waterfront (Sur les quais, 1954) ; des oeuvres pour piano et des mélodies ; pour le théâtre, les comédies musicales On the Town (1944), Wonderful Town (1953), West Side Story (1957), l’opéra Trouble in Tahiti (1952), l’opérette Candide (1956), Chichester Psalms (1965) ; Mass, oratorio scénique pour chanteurs, danseurs, comédiens (1971) ; Songfest (1977) ; Slava, ouverture politique (1977) ; Meditation from Mass pour violoncelle et orchestre (1977) ; Divertimento pour orchestre (1980) ; A Musical Toast, à la mémoire d’André Kostelanetz (1980) ; Halil pour flûte, cordes et percussion (1981) ; l’opéra A Quiet Place (1982), créé à Houston en 1983 (version révisée comprenant Trouble in Tahiti, Milan 1984). BÉROFF (Michel), pianiste français (Épinal 1950). Prix d’excellence au conservatoire de Nancy en 1963, il est entré la même année au Conservatoire de Paris, dans la classe de Pierre Sancan. En 1966, il a obtenu un premier prix et a donné son premier concert avec orchestre. En 1967, il a donné son premier récital à Paris et remporté à Royan le premier prix du concours Olivier Messiaen. Il a alors commencé une carrière internationale. Son répertoire va de Bach à la musique contemporaine, mais ses interprétations de Debussy, Prokofiev et Messiaen sont particulièrement renommées. BERRY (Walter), baryton-basse autrichien (Vienne 1929). Il fait ses études à l’Académie de Vienne et débute à l’Opéra de Vienne en 1950. Il rencontre son premier succès dans le rôle du Comte des Noces de Figaro, ce qui lui vaut plusieurs engagements à Salzbourg dès 1952. Il épouse la mezzo-soprano Christa Ludwig, qui est aussi sa partenaire sur scène, principalement de 1957 à 1971. Sous la direction de Klemperer, Karajan ou Böhm, il fait partie des distributions qui ont suscité un certain âge d’or de l’art lyrique autrichien d’aprèsguerre. Doué d’une présence chaleureuse, il excelle aussi bien dans des rôles mozartiens comme Papageno, qu’en incarnant Wozzeck ou les personnages de Wagner, Richard Strauss et Bartok. Il crée plusieurs oeuvres contemporaines, notamment de Liebermann, Von Einem et Egk. Depuis 1990, il enseigne le lied et l’oratorio à la Hochschule für Musik de Vienne. BERTHEAUME (Julien ou Isidore), violoniste et compositeur français (Paris v. 1751 - Saint-Pétersbourg 1802). Il étudia avec Giardini et fit ses débuts à Paris au Concert spirituel, en 1761, avec une sonate de son maître. Il se produisit ensuite régulièrement au Concert spirituel, dont il fut directeur de l’orchestre à partir de 1783, y faisant entendre notamment les concertos de Gaviniès. En 1767, il entra à l’orchestre de l’Académie royale de musique. Grâce à un privilège obtenu en 1769, il commença à publier ses oeuvres. Parmi celles-ci, destinées essentiellement à son instrument (sonates, concertos, symphonies concertantes...), citons tout particulièrement sa Sonate dans le style de Lully pour violon, qui utilise la scordatura de la 4e corde, permettant ainsi des contrastes entre les registres. BERTON (les), famille de musiciens français. Pierre-Montan, compositeur et chef d’orchestre (Maubert-Fontaine, Ardenne, 1727 - Paris 1780). Après des études musicales à Senlis, il se rendit à Paris, où il fut engagé comme chanteur à Notre-Dame et à l’Opéra. À partir de 1755, il connut dans ce théâtre, au Concert spirituel et à la Cour, une carrière brillante de chef d’orchestre, qui lui donna l’occasion d’arranger des oeuvres lyriques, lors de leurs reprises. Il composa également pour la scène : Deucalion et Pyrrha (1755), Érosine (1766) et, en collaboration avec Trial, Grenier et La Borde, Sylvie (1765), Théonis et le Toucher (1767) et Adèle de Ponthieu (1772). Sa réputation était telle, qu’il participa, dès 1765 et jusqu’en 1778, à la direction de l’Opéra. Henri-Montan, compositeur, fils du précédent (Paris 1767 - id. 1844). Formé par son père et par Sacchini, il débuta comme violoniste dans l’orchestre de l’Opéra et assista, en 1786, à l’exécution de son premier oratorio au Concert spirituel. L’année suivante, ses opéras-comiques les Promesses de mariage et l’Amant à l’épreuve furent représentés. Attiré par la scène lyrique, il composa une cinquantaine d’ouvrages, dont certains s’inscrivirent dans la tradition de l’opéra-comique, tandis que d’autres annonçaient l’opéra historique de Meyerbeer. Ses drames, les Rigueurs du cloître (1790), Montano et Stéphanie (1799) et le Délire (1799), d’une écriture sensible et originale, ouvrent la voie au romantisme, et leur succès valut au compositeur le poste de chef d’orchestre à l’Opéra-Comique entre 1807 et 1815. BERTONI (Ferdinando), compositeur italien (Salo, lac de Garde, 1725 - Desenzano, lac de Garde, 1813). Élève du padre Martini, auteur d’un Orfeo sur le livret déjà mis en musique par Gluck (1776), il visita Londres à deux reprises (1778-1780 et 1781-1783) et s’y spécialisa dans la confection de pastiches pour le King’s Theatre. En 1785, il succéda à Galuppi au poste de maître de chapelle de Saint-Marc de Venise. BERTRAND (Antoine de), compositeur français (Fontanges, Auvergne, v. 1530 Toulouse 1581). À Toulouse, il se lia d’amitié avec le dramaturge Robert Garnier et appartint au cercle humaniste gravitant autour du cardinal Georges d’Armagnac, un milieu constitué de magistrats et de nobles. Vers 1570, il reçut la protection de Charles de Bourbon, mais, malgré la défense de cette puissante famille, son catholicisme militant lui valut d’être assassiné par les huguenots en 1581. Son oeuvre maîtresse reste les Amours de Ronsard (Premier Livre, 1576 ; Second Livre, 1578 ; Tiers Livre, qui ne comporte que trois pièces de Ronsard, 1578). Avec celle de Claude Le Jeune (Chansons de Ronsard), la réussite d’Antoine de Bertrand illumine la tentative d’union de la poésie et de la musique, inaugurée par le supplément musical à l’édition des Amours de Ronsard en 1552. Remarquable polyphoniste, Bertrand se réfère parfois à Lassus ou même à Josquin Des Prés par des voix groupées en duos, par des imitations (Ce ris plus doux ; le Coeur loyal) ; il tente les audaces harmoniques les plus grandes : quarts de ton (Je suis tellement amoureux), chromatismes chers aux madrigalistes italiens, mais adaptés pour ne pas choquer l’oreille française, modulations surprenantes (Ces deux yeux bruns ; Nature ornant la dame) ; comme Le Jeune, il hésite souvent entre le climat modal et tonal. Mais toute son inspiration est mise au service des vers de Ronsard. Il a pris la peine de préciser en préface que la musique ne doit pas « être enclose dans la subtilité des démonstrations mathémathiques », mais au contraire « recevoir le jugement du vulgaire » et « contenter l’oreille ». BERTRAN DE BORN, troubadour périgourdin (château de Hautefort, Dordogne, v. 1140 - abbaye de Dalon, Dordogne, v. 1215). Seigneur de Hautefort, qualifié de « semeur de discorde » par Dante dans son Enfer, Bertran de Born se mêla souvent aux affaires politiques. Il fut l’ami, puis l’ennemi, de Richard Coeur de Lion. Son downloadModeText.vue.download 101 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 95 oeuvre comprend une quarantaine de pièces, surtout des sirventès (d’inspiration politique et satirique), mais aussi des planh (plaintes) et des chansons d’amour. Une seule de ces pièces est notée ; il s’agit de Rassa, tan creis e mont’ e poja (Paris, B. N.). Bertran de Born connut vraisemblablement le troubadour Bernard de Ventadour à l’abbaye cistercienne de Dalon. Son fils, Bertran, mourut à la bataille de Bouvines (1214) ; on a conservé de lui deux sirventès. BERWALD (Franz Adolf), compositeur suédois (Stockholm 1796 - id. 1868). Il apprit le violon avec son père, d’origine allemande, qui était violoniste de l’orchestre de la cour. Mais son éducation musicale fut par ailleurs assez négligée et il ne reçut aucune instruction pour la composition et l’harmonie. Il commença cependant très tôt à donner des concerts et à composer et, en 1812, il devint violoniste de la chapelle royale. Il conserva cette fonction jusqu’à son départ pour Berlin (1829). Dans cette ville, il se lia d’amitié avec Mendelssohn et Zelter. En 1841, il se rendit à Vienne, où plusieurs de ses compositions furent données avec succès. Il y composa un opéra, Estrella de Soria, créé plus tard à Stockholm en 1862. Après d’autres voyages au cours desquels il visita Paris, Salzbourg, Vienne, Berwald rentra définitivement en Suède (1849). Quelques années plus tard, il devint membre de l’Académie royale de musique (1864) et professeur de composition au conservatoire de Stockholm (1867). L’oeuvre de Berwald, quoique peu abondante et peu estimée en Suède de son vivant, est d’une originalité certaine. Né un an avant Schubert, mort un an avant Berlioz, le compositeur rappelle tantôt ce dernier, tantôt Schumann, avec une écriture d’un grand pouvoir évocateur, mais aussi avec une concision, voire un côté abrupt qui lui sont très particuliers. Il s’y mêle enfin un certain classicisme et des traits sinon nationaux, du moins scandinaves. Berwald a écrit une symphonie de jeunesse détruite et quatre de maturité (dont une Symphonie sérieuse, une Symphonie capricieuse et une Symphonie singulière, etc.), 5 poèmes symphoniques (Jeu d’elfes, Souvenir des Alpes norvégiennes, etc.) tous composés en 1841 et 1842, avant ceux de Liszt, des ouvertures, de la musique de chambre (trios avec piano, quatuors à cordes, quintettes), quelques concertos (piano, violon) et deux opéras : Estrella de Soria (1841) et la Reine de Golconde, représenté seulement en 1968 pour le centenaire de sa mort. BÉSARD (Jean-Baptiste), luthiste et compositeur français (Besançon v. 1567 Augsbourg v. 1625). Il est surtout connu pour avoir publié une des premières grandes anthologies de musique pour luth, le Thesaurus harrnonicus (1603), qui comprend plus de quatre cents pièces, empruntées aussi bien aux musiciens les plus célèbres du temps qu’à certains qui ne figurent dans aucun autre recueil et seraient restés inconnus sans celui-ci. Docteur en droit, très érudit, grand voyageur, Bésard contribua dans une large mesure, par son inlassable curiosité et sa vaste culture, au développement du luth en France. On lui doit d’autre part, outre plusieurs compositions pour luth seul ou concertant, un important ouvrage pédagogique, Isagoge in artem testudinariam (Augsbourg, 1617). BESSEL (Vassili Vassiliévitch), éditeur russe (Saint-Pétersbourg 1843 - Zurich 1907). En 1869, il créa à Saint-Pétersbourg sa maison d’édition et fut aussi le rédacteur des revues Mouzykalny listok (« le Feuillet musical ») et Mouzykalnoié obozrenié (« l’Observation musicale »). Il publia et contribua à faire connaître les oeuvres de Dargomyjski, de Tchaïkovski et, surtout, des compositeurs du groupe des Cinq. C’est lui qui publia, en 1874, la partition pour piano et chant de Boris Godounov. BESSELER (Heinrich), musicologue allemand (Dortmund-Hörde 1900 - Leipzig 1969). Il fit des études de musicologie à Fribourg avec Willibald Gurlitt, puis à Vienne avec Guido Adler, Wilhelm Fischer et Hans Gal, et à Göttingen avec Friedrich Ludwig. Il fut nommé professeur successivement à Heidelberg (1928), Iéna (1949) et à l’université de Leipzig (1956). Il est l’auteur de très nombreux livres et articles d’une extrême importance sur la musique du Moyen Âge et sur Johann Sebastian Bach. Il a, d’autre part, édité une grande quantité d’oeuvres musicales, et a contribué à la publication des oeuvres complètes de Guillaume Dufay. BEUCHET-DEBIERRE. Maison spécialisée dans la facture d’orgues depuis 1862 et établie à Nantes. Son activité s’est étendue à l’ouest de la France et à la région parisienne, avec les orgues de Saint-Louis-des-Invalides (Paris) et de la cathédrale d’Angoulême. BEYDTS (Louis), compositeur français (Bordeaux 1895 - Caudéran, Gironde, 1953). Il étudia la composition et la direction d’orchestre à Bordeaux. Venu à Paris en 1924, il travailla avec Messager et se fit connaître par ses mélodies. Il s’imposa en 1931 avec l’opérette Moineau. Dans celle-ci, dans ses quatre autres opérettes ou comédies musicales, ses musiques de scène et de film (la Kermesse héroïque) et ses nombreuses mélodies, il a maintenu la tradition de Messager et de Reynaldo Hahn, celle d’une musique claire et mélodique, soutenue par une subtile orchestration. BIALAS (Günther), compositeur et pédagogue allemand (Bielschowitz, HauteSilésie, 1907 - Glonn, près de Munich, 1995). Il a étudié la musicologie à Breslau et la composition à Berlin. Bialas a enseigné à Breslau, Weimar et Detmold, puis a été nommé professeur à l’Académie de musique de Munich, en 1959. Son écriture s’est caractérisée par une conception élargie de la tonalité, puis par l’utilisation des modes et de la technique sérielle. Son oeuvre comprend de la musique d’orchestre, de la musique de chambre (quatuors à cordes, sonates, Partita pour 10 instruments à vent), des oeuvres pour piano, 7 Méditations pour orgue, des oeuvres vocales (choeurs, cantates, lieder), ainsi que de la musique théâtrale : Jorinde und Joringel, conte musical (1963) ; Hero und Leander, opéra (1966) ; Der Weg nach Eisenstadt (1980) ; Musik für Klavier und Orchester (1990). BIBA (Otto), musicologue autrichien (Vienne 1946). Il dirige depuis 1979 (après y avoir travaillé à partir de 1973) les archives, la bibliothèque et les collections de la Gesellschaft der Musikfreunde (« Société des amis de la musique ») à Vienne, et enseigne à l’École supérieure de musique et des arts figuratifs de cette ville. Il a réalisé de nombreuses expositions en Autriche et à l’étranger. Ses publications concernent surtout la musique autrichienne du XVIIe au XXe siècle : Die Wiener Kirchenmusik um 1783 (1971), Concert Life in Beethoven’s Vienna (1977), Beethoven und die « Liebhaber Concerte » in Wien im Winter 18071808 (1978), ou encore « Eben komme ich von Haydn... » Georg August Griesingers Korrespondenz mit Joseph Haydns Verleger Breitkopf Härtel 1799-1819 (1987). BIBALO (Antonio), compositeur nor- végien d’origine italienne et slovaque (Trieste, Italie, 1922). Il a fait, au conservatoire de Trieste, des études de piano et de composition. Antimilitariste, il a été emprisonné pendant la guerre, puis a mené une existence errante et a exercé divers métiers. Mais il a repris l’étude de la composition, en particulier en Angleterre avec Elisabeth Lutyens, et a remporté des prix de composition à Varsovie, à Bloomington (États-Unis) downloadModeText.vue.download 102 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 96 et à Rome. Son opéra le Sourire au pied de l’échelle, d’après Henry Miller (créé à Hambourg en 1965), lui a valu une certaine renommée. BIBER ou VON BIBERN (Heinrich Ignaz Franz), violoniste et compositeur autrichien (Wartenberg, Bohême, 1644 - Salzbourg 1704). Il est possible que Biber ait étudié avec le célèbre violoniste viennois Johann Schmelzer avant de devenir musicien à la cour d’Olmütz et de Kremsier. Puis il entra au service du prince-archevêque de Salzbourg et, à partir de 1677, dirigea le choeur d’enfants de la cathédrale de cette ville. Il fut nommé vice-maître de chapelle en 1679. Événement rare pour un musicien à l’époque, l’empereur Léopold Ier l’anoblit en 1690. Biber effectua divers voyages dans les cours d’Europe, notamment à celle de Munich. Avec Schmelzer, Biber fut le premier compositeur d’Europe centrale à écrire des oeuvres pour violon d’une réelle valeur artistique. Ses sonates révèlent à la fois des influences italiennes et allemandes, alliées parfois à un style d’improvisation qui lui est particulier. Il fit progresser la technique du violon, notamment dans l’utilisation des doubles cordes (héritage de la tradition polyphonique allemande) et dans l’emploi des positions élevées. Il était lui-même un véritable virtuose. Dans ses 16 sonates Sur les mystères du Rosaire (v. 1674), il utilise quatorze scordature différentes - en relation avec la tonalité de chaque pièce - qui permettent toutes sortes d’effets et de sonorités et facilitent le jeu des octaves, des dixièmes et même des onzièmes et douzièmes. C’est un exemple sans précédent dans l’histoire de la scordatura. Ses 8 sonates pour violon et basse continue (1681) révèlent sa connaissance des styles français (danses ornées), italien (technique de la variation) et allemand. Sa Passacaille pour violon seul sur une basse contrainte est une oeuvre exceptionnelle. On conserve un seul opéra de Biber, Chi la dura la vince (1687), qui témoigne d’une pensée originale, mais dont l’écriture vocale se fonde sur le bel canto italien. Sa musique religieuse est dominée par une messe concertante (Missa S. Henrici), mais il a également composé deux Requiem, des Vesperae longiores ac breviores pour 4 voix et instruments, des offertoires à 4 et un Stabat Mater. Il est sans doute l’auteur de la Missa saliburgensis à 53 voix jadis attribuée à drazio Benevoli. BICINIUM. Composition généralement vocale, à deux voix, connue de la Rome antique et qui s’est perpétuée jusqu’au XVIIe siècle. Les bicinia les plus célèbres datent du XVIe siècle (G. Rhau, Bicinia Gallica, Latina, Germanica, 1545 ; bicinia de Phalèse, parus à Anvers, 1590). Josquin Des Prés, R. de Lassus, Gastoldi, Th. Morley, etc., ont illustré cette forme dont la technique se retrouve au XVIIe siècle dans la musique d’orgue de l’école allemande. BIGOPHONE. Instrument populaire dérivé du mirliton, qui ne produit aucun son par lui-même. C’est la voix de l’exécutant qui fait vibrer une membrane solidaire du corps de l’instrument, lequel existe dans tous les formats et sous les formes les plus fantaisistes, imitant parfois celles des instruments classiques. L’effet amplificateur s’accompagne d’un nasillement caractéristique dont Offenbach, entre autres, a exploité les ressources comiques. Les bigophonistes restent nombreux dans certains pays, telle l’Espagne, où ils forment de véritables orchestres symphoniques. BIGOT (Eugène), chef d’orchestre français (Rennes 1888 - Paris 1965). Élève de Xavier Leroux, André Gédalge et Paul Vidal au C.N.S.M. de Paris, il fut nommé dès 1913 chef des choeurs au Théâtre des Champs-Élysées. De 1920 à 1923, il parcourut l’Europe avec les Ballets suédois, et en 1923 devint chef adjoint de la Société des concerts du Conservatoire. Il mena jusqu’à sa mort une très importante carrière dans les domaines symphonique et lyrique, en particulier à la radio, tout en dirigeant de 1935 à 1950 les Concerts Lamoureux et en assurant de 1936 à 1947 les fonctions de premier chef à l’OpéraComique. De 1957 à 1964, il présida le concours international des jeunes chefs d’orchestre de Besançon. BIGOT (Marie), pianiste française (Colmar 1786 Paris 1820). Elle reçoit ses premiers cours de sa mère, avec laquelle elle vit en Suisse, à Neuchâtel. À Vienne, elle épouse Paul Bigot, bibliothécaire du comte Razoumovski, et ne tarde pas à être admirée de Salieri, Haydn et surtout Beethoven. Ce dernier lui offre, en 1806, le manuscrit de l’Appassionata et entretiendra, avec elle et son mari, une correspondance témoignant d’une réelle amitié. En 1809, elle s’installe à Paris, où elle rencontre Cherubini et enseigne à partir de 1812. Elle compta parmi ses élèves Félix Mendelssohn. On lui doit également quelques pièces pour piano. BIHARI (János), compositeur et violoniste hongrois d’origine tzigane (Nagyabony 1764 - Pest 1827). Musicien errant, il fut le plus éminent représentant de la musique verbunkos à son apogée. Il fonda à Pest un orchestre de cinq musiciens, dont le répertoire était surtout fondé sur l’improvisation. Il connut son heure de gloire en 1820, lorsqu’il joua devant l’empereur François Ier. Victime d’un accident au bras en 1824, il perdit sa virtuosité et mourut dans la misère. Admiré par Beethoven et Liszt, il ne put, faute de connaissances musicales, noter lui-même les quelque 80 compositions qui lui sont attribuées ; elles furent transcrites par ses contemporains, comme Czerny. Bihari passe pour être l’auteur de la célèbre Marche de Rákóczi que Berlioz et Liszt, notamment, ont reprise, le premier dans la Damnation de Faust, le second dans une Rhapsodie hongroise. BILLAUDOT. Maison d’édition française fondée en 1896 par Louis Billaudot (1871-1936), qui la dirigea jusqu’à sa mort. Ses deux fils, Robert (1910-1981) et Gérard (1911-1986), y entrèrent en 1927 et en 1928 respectivement et la dirigèrent à partir de 1936, le premier jusqu’en 1957, le second jusqu’en 1979. Depuis cette dernière date, la maison est dirigée par François Derveaux (né en 1940), gendre de Gérard Billaudot. Elle a notamment acquis les éditions Costallat (sauf Berlioz) en 1958 et les Éditions françaises de musique en 1988, et s’est particulièrement consacrée depuis 1959 aux ouvrages d’enseignement (théorique et instrumental) et aux oeuvres instrumentales et d’orchestre. Elle participe depuis 1993 au projet éditorial Jean-Philippe Rameau, Opera Omnia (achèvement prévu en 2014, pour le 250e anniversaire de la mort du compositeur). Parmi les compositeurs représentés aux catalogues : Alkan, Tchaïkovski, Bizet, Chabrier, Koechlin, Le Flem, Ibert, Rivier, Sauguet, Arma, Baudrier, Martinon. BILLINGTON (Elizabeth), soprano anglaise (Londres 1765 - environs de Venise 1818). Née Weichsell, élève de J. C. Bach, puis du contrebassiste James Billington, qu’elle épousa en 1783, elle débuta la même année à Dublin dans l’Opéra des gueux de Pepusch. Haydn, qui l’entendit à Londres en 1791-92, vit en elle « un grand génie ». En 1794, deux ans après la parution de la brochure à scandale Memoirs of Mrs. Billington, elle partit pour l’Italie. Elle revint à Londres en 1801. Elle avait une voix très étendue (trois octaves) et d’une virtuosité exceptionnelle, mais on lui reprochait parfois sa froideur. Le peintre Reynolds la représenta sous les traits de sainte Cécile. BINAIRE. 1. Une mesure est dite binaire si la division des temps se fait par deux (ou puissances de deux), par exemple lorsque la noire, si elle est unité de temps, se divise en deux croches ou quatre doubles croches ou huit downloadModeText.vue.download 103 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 97 triples croches. La mesure à trois temps (ex. 3/4) est donc une mesure binaire. 2. La forme binaire est celle d’un morceau de musique en deux parties, souvent avec reprises ; en général, la première partie module vers la dominante et la seconde amène le retour de la dominante à la tonique. Cette forme se trouve notamment dans la suite classique au XVIIe siècle (allemande-courante-sarabande-gigue). BINCHOIS, DE BINS ou DE BINCHE (Gilles), compositeur franco-flamand (Mons v. 1400-probablement Soignies, près de Mons, 1460). Une célèbre miniature du Champion des dames de Martin Le Franc représente d’un côté Dufay vêtu d’une robe bleue d’allure cléricale, près d’un orgue portatif, et de l’autre Binchois en tunique rouge, portant une harpe. Fils de Jean de Binche, bourgeois de Mons, Binchois fut ordonné prêtre. Fut-il soldat auparavant, comme l’indique le texte de la Déploration sur la mort de Binchois (« Et sa jeunesse fut soudart »), mis en musique par Ockeghem ? En tout cas, on ignore les circonstances de sa formation musicale. Binchois est mentionné pour la première fois en 1424. Il fut, à Paris, au service de William de la Pole, comte, puis duc de Suffolk et musicien lui-même. Il suivit son maître en Hainaut et, peut-être, en Angleterre. Mais c’est au service du duc de Bourgogne, Philippe le Bon, qu’il fit l’essentiel de sa carrière. Il eut le grade de chapelain et reçut des prébendes non négligeables attachées à son titre de chanoine de Mons et de Soignies. Bien que sa musique religieuse soit souvent mentionnée dans les archives, ce qui nous en est parvenu est beaucoup moins abondant que sa musique profane. Fortement influencées par le style des chansons, ces compositions religieuses sont généralement à 3 voix. On a conservé des motets, des hymnes, des magnificats et des fragments de messes. Dans ces derniers, la technique du cantus firmus n’apparaît pas et, si Binchois puise parfois sa matière mélodique dans les chants grégoriens en les paraphrasant, l’esprit de ces fragments reste proche de celui des chansons. Les compositions psalmodiques ou hymniques demeurent extrêmement simples et contrastent avec la variété d’écriture que l’on rencontre dans les motets : isorythmie dans Nove cantum melodie, paraphrase dans Ave Regina coelorum. Binchois excella dans la musique profane. Plusieurs copies de certaines de ses chansons existent dans différents manuscrits, témoignant de la popularité qu’elles connurent. Les 55 chansons authentifiées, presque toutes à 3 voix et empruntant les structures poétiques à forme fixe du Moyen Âge, comprennent 47 rondeaux, 7 ballades et une chanson de forme libre (Filles à marier, exceptionnellement à 4 voix). Les poètes y chantent l’amour courtois ; la majeure partie d’entre eux reste inconnue, bien qu’on puisse citer Christine de Pisan (Dueil angoisseux, ballade), Alain Chartier (Triste Plaisir, rondeau) ou Charles d’Orléans (Mon cuer chante joyeusement, rondeau). Les chansons de Binchois ont une beauté mélodique certaine et leur sonorité est rendue plus chaleureuse par la présence de tierces et de sixtes (emploi du faux-bourdon et influence anglaise). La mélancolie, qui en est souvent le caractère dominant, rend surprenante l’appellation de « père de joyeuseté » donnée à Binchois par Ockeghem. Sans avoir la même liberté, le même esprit d’invention que son contemporain Guillaume Dufay, Binchois fut l’admirable serviteur d’un art de cour raffiné. BINET (Jean), compositeur suisse (Genève 1893 - Trelex, Vaud, 1960). Après des études à Genève, notamment avec Jaques-Dalcroze et Otto Barblan, et aux États-Unis avec Ernest Bloch de 1919 à 1923, il vécut à Bruxelles jusqu’en 1929, puis en Suisse. Il a laissé des oeuvres vocales (psaumes, odes, cantates), des pièces pour orchestre, des musiques de ballet, de radio, de film d’une écriture élégante et traditionnelle. BIONDI (Fabio), violoniste italien (Palerme 1961). Il donne son premier concert à douze ans avec l’orchestre de la radio-télévision italienne. Ouvert à tous les styles, il se tourne cependant assez vite vers l’interprétation des répertoires des XVIIe et XVIIIe siècles, en particulier italien. En 1981, il fonde le Quatuor Stendhal, qui joue sur ins- truments anciens, mais consacre aussi une part importante de son activité à la création contemporaine. En 1990, Biondi crée l’ensemble Europa Galante, dont il est le premier violon et le chef, formation remarquable par ses interprétations novatrices des concertos baroques italiens. Sa version des Quatre Saisons de Vivaldi est unanimement saluée par la critique. Biondi interprète aussi le répertoire romantique, enregistrant par exemple les sonates pour violon et clavier de Schubert et de Schumann, accompagnées au pianoforte. BIRET (Idil), pianiste turque (Ankara 1941). Élevée dans une famille imprégnée de musique, elle rêve longtemps de devenir philosophe ou médecin. Les liens qui unissent la vie musicale turque et la France expliquent qu’une bourse d’étude au Conservatoire de Paris lui soit attribuée très tôt. Elle obtient trois premiers prix : de piano, d’accompagnement chez Nadia Boulanger et, en 1954, de musique de chambre avec Jacques Février. En 1953, à douze ans, elle interprète le Concerto pour deux pianos de Mozart avec Wilhelm Kempff. De 1959 à 1961, elle étudie avec Alfred Cortot. Au cours de sa carrière internationale, elle joue notamment avec Pierre Monteux, Hermann Scherchen, et Yehudi Menuhin en 1973. D’une culture encyclopédique, elle étend son répertoire de Bach à la musique contemporaine, en privilégiant les oeuvres monumentales et contrapuntiques. Elle enregistre des intégrales de Brahms, Chopin, Liszt et Rachmaninov, et se spécialise aussi dans les transcriptions des symphonies de Beethoven par Liszt. Elle réalise elle-même des transcriptions des symphonies de Brahms. BIRTWISTLE (Harrison), compositeur anglais (Accrington, Lancashire, 1934). Il a d’abord étudié la clarinette. Reçu boursier au Royal Manchester College of Music (1952), il y a travaillé la composition avec Richard Hall avant d’entrer à la Royal Academy of Music de Londres. Il a fait partie du New Manchester Music Group. De 1962 à 1965, il a enseigné la musique dans un collège près de Salisbury. Une bourse de la fondation Markness lui a permis ensuite de passer deux ans aux ÉtatsUnis (1966-1968). Il a été professeur dans ce pays, d’abord à Swarthmore College en Pennsylvanie (1973-74), puis à l’université de New York à Buffalo (1975-76). Depuis 1975, il est directeur de la musique au National Theatre de Londres. Birtwistle possède un don mélodique certain, mais son style peut atteindre un degré de complexité considérable. Il a composé de la musique destinée aux écoles (The Mark of the Goat, Visions of Francesco Petrarca) et aime écrire pour la voix humaine. Son opéra en 1 acte Punch and Judy, sur un livret de Stephen Pruslin (1966-67, créé à Aldeburgh en 1968), témoigne de son talent lyrique. Il s’est souvent inspiré de la musique médiévale. Sa première oeuvre connue est Refrain and Choruses pour quintette à vent (1957). On lui doit : Chorales (1962-63) et The Triumph of Time (1972) pour orchestre ; Silbury Air pour petit orchestre (1977) ; pour la scène, Monodrama (1967), Down by the Greenwood Side (1969), Orpheus (19741977), une musique de scène pour Hamlet (1975), le ballet Frames (1977), la pièce de théâtre musical Bow Down (1977) ; The Fields of Sorrow pour choeur, 2 sopranos et ensemble (1977) ; de la musique de chambre comme Medusa pour ensemble de chambre (1969-70), 9 mouvements pour quatuor à cordes (1991-1996) et des pièces électroniques comme 4 Interludes from a Tragedy (1970), Chronometer (1971) et Chanson de geste (1973) ; les opéras Yan, Tan, Tethera (Londres, 1986) et Sir Gawain (Londres, 1991). downloadModeText.vue.download 104 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 98 BIS (lat. : « deux fois »). 1. Mention qui, placée à la fin d’un texte, d’un refrain par exemple, indique que ce texte doit être répété. 2. Exclamation par laquelle le public, au cours d’un concert, réclame la répétition d’un morceau. Dans la pratique, maintenant, le public réclame le bis le plus souvent à la fin du concert, et le ou les morceaux exécutés alors par l’interprète sont fréquemment des pièces hors programme, et non la répétition de pièces déjà entendues. Le soliste d’un concerto joue généralement en bis une pièce pour son instrument seul. Par extension, le mot bis désigne aussi des pièces brèves, parti- culièrement propres à être jouées dans les circonstances précitées. BISEAU. Pièce de bois ou de métal située dans la flûte, le flageolet, le sifflet. En la frappant, l’air insufflé provoque la vibration de la colonne d’air. Ce système existe aussi dans les jeux de flûtes de l’orgue. BIWA. Instrument japonais à cordes pincées, de la famille du luth. Originaire du Moyen-Orient comme le luth européen, mais importée au Japon dès le VIIIe siècle, la biwa est également caractérisée par une caisse de résonance en forme de poire, un manche très court et un chevillier à angle droit. Montée de quatre cordes, elle se joue avec un plectre. BIZET (Georges), compositeur français (Paris 1838 - Bougival 1875). Fils d’un professeur de chant, il eut pour premiers maîtres ses parents, jusqu’à l’âge de neuf ans. Entré au Conservatoire de Paris, il y fut l’élève de Marmontel (piano), Benoist (orgue), Zimmermann (harmonie) et Halévy (composition). Il travailla également avec Gounod, qui éprouva pour lui une vive sympathie. Après avoir obtenu de nombreuses récompenses, il remporta en 1857 le premier grand prix de Rome et partit pour la Villa Médicis. Il avait alors déjà composé un chef-d’oeuvre, la symphonie en ut (1855, créée en 1935 seulement), et s’était essayé à l’opérette, notamment en 1857 avec le Docteur Miracle, partition couronnée ex aequo avec l’oeuvre homonyme de Charles Lecocq, à l’issue d’un concours organisé par Offenbach, et représentée en alternance avec celle-ci aux Bouffes-Parisiens. À Rome, où il resta trois ans, Bizet fit beaucoup d’excursions, lut énormément et composa un peu : une opérette, Don Procopio, une symphonie descriptive avec choeurs, Vasco de Gama, une ouverture, la Chasse d’Ossian, une marche funèbre et un scherzo. Revenu à Paris, il connut une situation matérielle précaire, ce qui l’amena à entreprendre la transcription pour le piano de quantité de morceaux célèbres, voire d’opéras entiers. Il était d’ailleurs excellent pianiste, et émerveilla Berlioz et Liszt par la facilité de sa lecture et la sûreté de son jeu. En 1863, le Théâtre-Lyrique créa, sans grand succès, les Pêcheurs de perles, commande de son directeur Léon Carvalho, qui demanda trois ans plus tard à Bizet un deuxième ouvrage, la Jolie Fille de Perth. Entre-temps, Bizet apporta sa contribution à un ouvrage collectif, Malborough s’en va-t-en-guerre, fit jouer sa suite symphonique Roma et acheva un opéra, Ivan le Terrible ou Ivan IV, qui ne devait être représenté qu’en 1946. Il se maria en juin 1869 avec Geneviève Halévy, fille de son ancien maître, au château de Nühringen (Wurtemberg), et termina l’opéra Noé, laissé inachevé par ce dernier. Après la guerre de 1870, Bizet fut nommé chef des choeurs à l’Opéra, mais préféra un an plus tard le poste de chef de chant à l’Opéra-Comique. Ce théâtre monta Djamileh (1872) et lui commanda Carmen. C’est en novembre 1872 que Bizet connut son premier véritable succès avec l’exécution, aux Concerts Pasdeloup, de la première suite qu’il tira de sa musique de scène pour la pièce de Daudet l’Arlésienne, qui avait subi un échec six semaines auparavant. L’ouverture Patrie triompha en 1874 et, l’année suivante, ce fut la consécration, trop tardive et trop brève, avec la création de Carmen (mars 1875), qui souleva la fureur d’une partie de la critique, mais suscita de nombreux témoignages d’admiration, de celui de Théodore de Banville à celui de SaintSaëns. Trois mois plus tard, le 3 juin, Bizet mourut subitement. La popularité de l’Arlésienne, de la symphonie en ut, de Jeux d’enfants, des Pêcheurs de perles et surtout de Carmen, un des opéras les plus joués au monde actuellement, font de Bizet, à juste titre, un des plus célèbres musiciens français. Les reproches qui lui furent adressés de son vivant, par exemple celui de wagnérisme, nous paraissent aujourd’hui fort singuliers. Une pensée élégante et forte, un vocabulaire précis, une harmonie savoureuse, un grand pouvoir de suggestion et, dans Carmen, un souci de profonde vérité, voire de réalisme, qui ne consent cependant pas à la moindre vulgarité d’écriture, tels sont les traits essentiels d’un compositeur en qui Nietzsche voyait l’incarnation d’une musique « méditerranéisée ». Bizet, qui, en dehors de son voyage à Rome, ne quitta jamais Paris, évoqua à merveille l’atmosphère des différents pays où se déroulent ses ouvrages lyriques (surtout l’Espagne dans Carmen ou la Provence dans sa musique de scène pour l’Arlésienne). Il composait ses partitions comme un peintre ses toiles, créant et dosant savamment des couleurs personnelles. La limpidité et le caractère savant de son écriture sont particulièrement frappants dans des passages à plusieurs voix, comme le quintette de l’acte II de Carmen. BJÖRLING (Jussi), ténor suédois (Stora Tuna, près de Falun, 1911 - environs de Stockholm 1960). Dès l’âge de six ans, il appartint à un quatuor vocal masculin que formaient avec lui son père et ses deux frères. Il débuta en 1930 à l’opéra de Stockholm dans le rôle de Don Ottavio de Don Juan de Mozart. Il remporta des succès à l’étranger à partir de 1937 (Vienne, Londres). Ayant fait ses débuts au Metropolitan de New York en 1938 (Rodolphe dans la Bohème de Puccini), il demeura attaché à ce théâtre jusqu’en 1941 et de 1946 à sa mort. Son répertoire était essentiellement fondé sur les oeuvres de Puccini, Verdi, Bizet (Carmen), Gounod (Faust et Roméo et Juliette) et Massenet (Manon). Ses interprétations de Faust et Roméo, de Manrico dans le Trouvère de Verdi, de Riccardo dans Un bal masqué de Verdi, de Rodolphe dans la Bohème demeurent particulièrement célèbres. La voix de Björling était d’une beauté exceptionnelle, avec une émission et un style parfaits. Ses interprétations étaient empreintes d’un lyrisme poétique. Il eut aussi une activité de concertiste. BLACHER (Boris), compositeur allemand (Nou-tchouang, Chine, 1903 - Berlin 1975). Il suivit sa famille à Reval (actuellement Tallin, Estonie), à Irkoutsk (Sibérie) et à Charbin (Mandchourie), puis, en 1922, se fixa à Berlin. Il y étudia l’architecture et les mathématiques à la Technische Hochschule, puis, à partir de 1924, la composition avec Friedrich Ernst Koch à la Musikhochschule et la musicologie avec A. Schering, F. Blume et E. M. von Hornbostel à l’université. Il enseigna, en 1938-39, la composition au conservatoire de Dresde et, à partir de 1948, à la Musikhochschule de Berlin-Ouest, dont il fut directeur de 1953 à 1970. Il a eu notamment pour élèves Gottfried von Einem, Giselher Klebe, Heimo Erbse et Isang Yun. Blacher est l’une des figures les plus importantes de la musique allemande contemporaine. Son langage est parfois polytonal, parfois dodécaphonique comme dans le ballet Lysistrata (1950) et l’opéra Rosamunde Floris (1960). L’élément prédominant est le rythme. Ses oeuvres sont généralement construites à partir de courts motifs rythmiques, associés parfois à certaines combinaisons de timbres qui reviennent de manière organisée tout au long de l’ouvrage (Concertante Musik, 1937). Les « mètres variables », système rythmique fondé sur des séries mathématiques préétablies et consistant en changements sysdownloadModeText.vue.download 105 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 99 tématiques de mesure, sont utilisés pour la première fois dans les Ornamente pour piano (1950) qui portent le sous-titre Sieben Studien über variable Metren (7 Études sur les mètres variables) ; ils sont en accord avec la théorie de Joseph Schillinger qui tente de rationaliser la relation entre mathématiques et musique. L’influence du jazz apparaît notamment dans Jazzkoloraturen (1929), Concertante Musik (1937), 2 Poems for Jazz Quartet pour vibraphone, contrebasse, percussion et piano (1957) et Rosamunde Floris (1960). À partir de 1962, Blacher s’intéresse également aux techniques électroniques (Multiple Raumperspektiven et Elektronische Studie, 1962 ; Elektronische Impulse, 1965 ; Musik für Osaka, 1969, etc.). Il a constamment recherché la clarté, l’objectivité, l’économie des moyens, et son refus de l’expression, qui se traduit par une certaine sécheresse, évoque parfois Satie ou Stravinski dans la Symphonie de psaumes. Son Abstrakte Oper Nr 1 (Opéra abstrait no 1, 1953) ne comporte pas d’action et est chanté sur des combinaisons abstraites, sans aucune signification, de voyelles et de consonnes. D’une production abondante, citons encore les ballets Hamlet (1949), Der Mohr von Venedig (1955), Demeter (1963), Tristan (1965), l’opéra de chambre Roméo et Juliette (1943), l’opéra-ballet Preussisches Märchen (« Conte de Prusse », 1949), l’opéra avec bande magnétique Zwischenfälle bei einer Notlandung (« Incidents au cours d’un atterrissage forcé », 1964), les opéras Yvonne, Prinzessin von Burgund (1972) et Das Geheimnis des entwendeten Briefes, d’après Poe (1975). BLAINVILLE (Charles-Henri de), compositeur et théoricien français (Rouen ou village près de Tours ? v. 1710 - Paris ? apr. 1777). Sa vie reste encore mal connue : il semble qu’il ait vécu quelque temps à Rouen, puis qu’il se soit rendu à Paris, où il aurait bénéficié de la protection de mécènes comme la marquise de Villeroy. En dépit d’une oeuvre variée, en partie perdue, comprenant des sonates, des symphonies, des arrangements, des cantates profanes, des romances, des leçons de ténèbres, des motets et des ouvrages lyriques, il s’est davantage distingué comme théoricien que comme compositeur. Son Essay sur un troisième mode, accompagné d’une symphonie (jouée avec succès au Concert spirituel en 1751) qui met en pratique l’invention d’un « mode mixte » réunissant à la fois le majeur et le mineur, suscita l’intérêt des philosophes. BLAISE (Benoît), bassoniste et compositeur français († Paris 1772). Bassoniste de l’orchestre de la ComédieItalienne en 1737, il composa pour ce théâtre et pour celui de la Foire, avant la fusion des deux troupes en 1762. Auteur de danses, d’opéras-comiques, de parodies et de vaudevilles, il publia, en 1739, une cantate, le Feu de la ville, et, en 1759, trois recueils de chansons. Ses oeuvres les plus célèbres furent écrites en collaboration avec Favart : Annette et Lubin (1762) et Isabelle et Gertrude ou les Sylphes supposés (1765). Il eut l’art d’agencer des ouvrages élégants, aux mélodies agréables, empruntant parfois quelques thèmes à Campra, Philidor ou Gluck. BLANCHARD (Esprit Antoine), compositeur français (Pernes-les-Fontaines, Vaucluse, 1696 - Versailles 1770). Formé par Guillaume Poitevin à la cathédrale d’Aix-en-Provence, il fut nommé maître de chapelle successivement à l’abbatiale Saint-Victor de Marseille (1717), à Toulon (1727), à Besançon (v. 1733) et à Amiens (1734). En 1738, succédant à Bernier, il obtint l’un des quatre postes de sous-maître de la chapelle royale de Versailles (les trois autres étant occupés par Campra, Gervais et Madin). Compositeur d’oeuvres sacrées, Blanchard s’inscrit, avec son Te Deum, qui servit en 1745 à la célébration de la victoire de Fontenoy, et une trentaine de motets, dans la tradition de Delalande. Il soigna particulièrement l’instrumentation de ses ouvrages et introduisit la clarinette, vers 1761, dans l’orchestre de la chapelle royale. BLANCHET (Émile Robert), pianiste et compositeur suisse (Lausanne 1877 - id. 1943). Fils d’un organiste connu, Charles Blanchet, qui avait été élève de Moschelès, il fit ses études auprès de son père, puis à Cologne et enfin à Berlin, auprès de Busoni. Fixé à Lausanne, il fut professeur de piano au conservatoire (1904-1917) et directeur de cet établissement (1905-1908), se consacrant parallèlement à une carrière de concertiste et à la composition. Il a laissé une quantité considérable d’oeuvres pour piano (préludes, études, etc.) d’une écriture pleine d’intérêt sur le plan rythmique et contrapuntique. BLAND (John), éditeur anglais (Londres ? v. 1750 - id. ? v. 1840). Il débuta à Londres en 1776 et prit sa retraite dès 1795. En novembre 1789, il rendit visite à Haydn à Eszterháza et lui commanda les trois trios pour clavier, flûte (ou violon) et violoncelle Hob. XV.15-17. À cette visite est associée la célèbre anecdote du Quatuor du Rasoir (en fa mineur opus 55 no 2). Parurent chez lui comme opus 3 les premières oeuvres de chambre écrites par un Américain de naissance (trois trios à cordes de John Antes composés au Caire). BLASIUS (Matthieu Frédéric), compositeur et chef d’orchestre français (Lauterbourg, Bas-Rhin, 1758 - Versailles 1829). Il fut clarinettiste à l’Hôtel de Bourgogne, puis devint un des plus sûrs chefs d’orchestre de l’Opéra-Comique, où il débuta en 1802. Il fut le créateur de nombreuses oeuvres de Dalayrac, Boieldieu, Méhul, etc. Il composa lui-même surtout des romances, des marches militaires et des oeuvres de musique de chambre, mais aussi quelques charmants opéras-co- miques comme le Pelletier de Saint-Fargeau (1793). Il écrivit encore une Nouvelle Méthode pour la clarinette (Paris, 1796). BLATNY(Pavel), compositeur tchèque (Brno 1931). Héritier d’une lignée de musiciens, fils d’un élève de Janáček, Blatny a été luimême l’élève de Pavel Borkovec, et c’est avec un mémoire sur les oeuvres scéniques de ce dernier qu’il a obtenu, en 1958, un diplôme à l’issue de ses études de musicologie à l’université de Brno, menées parallèlement à des études de composition à Brno et à Prague. Poursuivant une formation éclectique, Blatny a fréquenté aussi bien les cours de Darmstadt (1965-1969) que les classes de composition de jazz à la Berklee School of Music de Boston. Influencé à ses débuts par Stravinski, Martinu, Prokofiev, puis par le baroque et la Renaissance, il a expérimenté depuis 1960 à peu près toutes les voies de la création contemporaine : musiques dodécaphonique, sérielle, aléatoire, électronique, etc. L’empreinte du jazz moderne est tout particulièrement perceptible chez lui et apparaît, par exemple, mêlée à d’autres tendances, mais souvent dominante, dans Concerto pour orchestre de jazz (1962), Per orchestra sintetica I et II (1960 et 1971), Étude pour trompette en quarts de ton (1964), Coda pour flûte, clarinette, contrebasse et percussion (1968), Histoire pour neuf musiciens de jazz (1968). La plupart de ses autres compositions sont écrites pour de petites formations instrumentales. BLAUKOPF (Kurt), musicologue autrichien (Czernowitz 1914). Il s’est spécialement consacré à la sociologie de la musique, dirigeant à partir de 1965 l’Institut de sociologie de la musique de Vienne et publiant en 1952 un important ouvrage sur le sujet (rév. en 1972). Il a également écrit un livre sur Mahler (Vienne, 1969 ; trad. française, 1979), et fait paraître sur ce compositeur un vaste volume documentaire et iconographique (Vienne, 1976). downloadModeText.vue.download 106 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 100 BLAVET (Michel), flûtiste et compositeur français (Besançon 1700 - Paris 1768). Après avoir étudié dans sa ville natale, il se rendit, à l’âge de vingt-trois ans, à Paris, où s’établit d’emblée sa réputation de flûtiste, qui gagna vite l’Europe. Quantz l’admira et Frédéric II lui proposa d’entrer à son service à la cour de Prusse. Blavet fit toutefois carrière en France, où il bénéficia de la protection du prince de Carignan et du comte de Clermont. En 1738, il entra dans la Musique du roi, et fut nommé deux ans plus tard au poste de premier flûtiste de l’Opéra. Il perfectionna la technique de la flûte traversière et composa plusieurs recueils de sonates pour une ou deux flûtes, parus entre 1728 et 1740. Il laisse également un concerto et plusieurs ouvrages lyriques, dont son « opéra bouffon » le Jaloux corrigé, qui date de 1752, année du début de la querelle des bouffons, et qui, ainsi que d’autres partitions de Blavet, classe celui-ci parmi les artistes français les plus italianisants de sa génération. BLAZE, famille de compositeurs et critiques musicaux. Henri (Cavaillon, Vaucluse, 1763 - id. 1833). Les compositions, essentiellement religieuses, de ce musicien délicat ne furent guère connues qu’en Provence où il enseignait la musique. Il signa aussi des sonates pour piano et fit éditer à Avignon de nombreuses études sur les musiciens de son temps. François, dit Castil-Blaze, fils du précédent (Cavaillon 1784 - Paris 1857). Après des études de droit et d’harmonie à Paris, il fut, à Cavaillon, avocat, puis sous-préfet, ensuite inspecteur de librairie. Il s’installa à Paris en 1820 et, après le succès de son livre De l’opéra en France (2 vol., 18201826), il fit une brillante carrière de critique musical, notamment au Journal des débats (1822-1832), où lui succéda Berlioz. Parallèlement, il signa des oeuvres fort singulières : d’une part, des adaptations d’ouvrages étrangers, où il modifiait, amputait les originaux et les enrichissait de pages musicales de son cru (par ex., transformation du Freischütz de Weber en Robin des bois, 1824) - Berlioz s’éleva à maintes reprises contre ces réalisations ; d’autre part, des livrets originaux ou adaptés de pièces de théâtre, qu’il habillait de musiques glanées dans les partitions de différents compositeurs (par ex., les Folies amoureuses, musiques de Mozart, Cimarosa, Paer, Rossini, Generali et Steibelt, 1823). Il composa aussi quelques partitions sur des livrets écrits par lui-même, ainsi que des romances, des pastiches et des messes. Il fit enfin paraître d’autres livres, souvent d’un grand intérêt, comme le Mémorial du Grand Opéra (1847). Henry, baron de Bury, fils du précédent (Avignon 1813 - Paris 1888). Après avoir été attaché d’ambassade, il devint l’un des critiques musicaux les plus célèbres de son époque et écrivit dans la Revue des Deux Mondes, la Revue de Paris et la Revue musicale. Il publia plusieurs études, dont une Vie de Rossini (1854). BLISS (sir Arthur), compositeur anglais (Londres 1891 - id. 1975). Sorti de l’université de Cambridge avec le titre de Bachelor of Music (1913), il a travaillé avec Stanford, Vaughan Williams et Holst au Royal College of Music de Londres. Pendant la Grande Guerre, il a été blessé sur la Somme (1916) ; ses premières oeuvres, dont un quatuor à cordes, furent écrites alors. En 1919, il s’est passionné pour la musique du XVIIIe siècle - il a dirigé notamment la Servante maîtresse de Pergolèse - et pour l’époque élisabéthaine. Le quintette avec piano, composé à cette époque, révèle l’influence de Ravel et de la musique française. Mais la Rhapsodie pour soprano, ténor et instruments, qui date également de 1919, marque la rupture soudaine avec les influences extérieures. Dès lors, quoique sensible à l’attirance de Stravinski et du groupe des Six, Bliss est sorti des sentiers battus. En 1923, il s’établit en Californie, où il devint, en 1940, professeur à l’université. Directeur du département musical international de la BBC, de 1942 à 1944, il reçut en 1953, à la mort d’Arnold Bax, le titre de « Master of the Queen’s Music ». Bien que chargée d’un certain romantisme, parfois vigoureuse et aux lignes bien dessinées, la musique de Bliss, d’une manière générale, relève de l’impressionnisme sur le plan de l’écriture. Son oeuvre comprend de la musique d’orchestre, dont la célèbre Colour Symphony (1921-22, rév. 1932), un concerto pour piano (1938) et un pour violon (1955), de la musique de chambre (4 quatuors à cordes, 2 quintettes dont un avec piano et un avec clarinette), des oeuvres vocales, et, pour le théâtre, des ballets, dont Checkmate (1937) et The Lady of Shalott (1958), ainsi que les opéras The Olympians (1949) et Tobias and the Angel (1960-61). BLITZSTEIN (Marc), compositeur américain d’origine russe (Philadelphie 1905 Fort-de-France, Martinique, 1964). Il commença ses études à Philadelphie et à New York, avec Alexander Siloti pour le piano et Rosario Scalero pour la composition, puis fut l’élève de Nadia Boulanger à Paris, et de Schönberg à Berlin. Ses premières oeuvres attestent l’influence néoclassique de Stravinski et du Paris des années 20. On perçoit ensuite celles de Hindemith, de Kurt Weill, de Dessau, et ses premières partitions lyriques eurent pour thèmes les luttes de classes et la justice sociale (The Cradle will rock, 1936 ; No for an Answer, 1941). Un sens dramatique certain y va de pair avec un langage typiquement américain, dans lequel les touches de jazz, la polyrythmie et la polytonalité pimentent des mélodies diatoniques chargées de dissonances. Son écriture, qui eut une grande influence sur Leonard Bernstein, n’évolua plus guère par la suite. L’oeuvre de Blitzstein comprend des pièces symphoniques, des ballets, des poèmes symphoniques - souvent avec voix solistes et choeurs -, de nombreuses musiques de film et de scène, 2 quatuors à cordes et des opéras, souvent proches du style de la comédie musicale (parmi eux, une nouvelle version de l’Opéra de quat’sous de Weill, 1951). BLOCH (Ernest), compositeur suisse naturalisé américain (Genève 1880 - Agate Beach, Oregon, 1959). Élève de Jaques-Dalcroze à Genève, il se destinait initialement à une carrière de violoniste et travailla avec Ysaye à Bruxelles avant d’étudier la composition à Francfort et à Munich, avec Ludwig Thuille. Il s’affirma en 1902 avec une gigantesque Symphonie. Après un bref séjour à Paris, il vécut en Suisse à partir de 1904. Sa première période créatrice, nettement postromantique, culmina avec son unique opéra, Macbeth (1910). De 1912 à 1916 s’édifièrent les diverses parties de son « Cycle juif », dont les 3 Poèmes juifs pour orchestre (1913), la rhapsodie hébraïque pour violoncelle et orchestre Schelomo (1915-16), son oeuvre la plus connue, et la Symphonie no 2 « Israël » pour 5 voix solistes et orchestre (1912-1916). Suivirent Baal Schem pour violon et orchestre ou violon et piano (1923) et Voix dans le désert pour orchestre avec violoncelle obligé (1936). De 1916 à 1930, puis de 1938 à sa mort, il vécut aux États-Unis, où il dirigea les conservatoires de Cleveland (19201925) et de San Francisco, et enseigna jusqu’en 1952 à l’université de Californie (Berkeley). D’une production abondante se détachent encore le Service sacré (19301933), deux Concertos grossos (1925 et 1952), dont le premier a acquis une certaine célébrité, un monumental Concerto pour violon (1938) et de la musique de chambre dominée par deux quintettes avec piano (1921-1923 et 1957) et, surtout, par cinq admirables quatuors à cordes (1916, 1945, 1952, 1953, 1956) formant en ce genre un des ensembles les plus importants du XXe siècle. Le premier quintette utilise les quarts de ton, les 2e et 3e quatuors la technique sérielle. Dans sa quête d’une musique hébraïque, Bloch ne s’est pas fondé sur des éléments superficiels et folkloriques, mais a tenté de retrouver l’esprit profond du peuple juif. downloadModeText.vue.download 107 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 101 BLOCKX (Jan), compositeur belge (Anvers 1851 - id. 1912). Venu assez tard à la musique, il fut l’élève de Peter Benoit. En 1876, il présenta un premier concert de ses oeuvres. Après avoir poursuivi ses études auprès de Reinecke à Leipzig, il revint à Anvers, où il occupa divers postes officiels. Considéré comme le plus important disciple de P. Benoit, il succéda à celui-ci, en 1901, à la direction du conservatoire royal. Ses ouvrages lyriques (Maître Martin, 1892 ; Princesse d’auberge, 1896 ; la Fiancée de la mer, 1901) se sont longtemps maintenus au répertoire des scènes flamandes. Blockx a aussi composé de la musique d’orchestre, un ballet (Milenka, 1886) et de la musique de chambre. BLOCS. Instruments à percussion de la famille des bois. Tous sont en bois dur, évidés et fixés à un pied. Les blocs plats sont parfois groupés par jeux chromatiques, comme les lames d’un xylophone. Le bloc cylindrique est construit en deux parties et donne deux notes différentes. Le bloc chinois, enfin, ressemble extérieurement à un gros grelot ouvragé et décoré. BLOM (Eric), critique musical anglais d’origine danoise (Berne, Suisse, 1888 Londres 1959). Critique au Manchester Guardian (19231931), au Birmingham Post (1931-1946), il fut rédacteur en chef de la revue Music and Letters, de deux dictionnaires (Grove’s Dictionary of Music and Musicians, 5e éd., 1954 ; Everyman’s Dictionary of Music, 1954) et dirigea une collection de monographies (Master Musicians) pour laquelle il écrivit lui-même le volume consacré à Mozart, compositeur à l’étude duquel il a particulièrement attaché son nom. Il traduisit également en anglais plusieurs ouvrages tels que le Schubert d’Otto Erich Deutsch. BLOMDAHL (Karl Birger), compositeur suédois (Växjö 1916 - Kungsängen, près de Stockholm, 1968). Après des études de composition à Stockholm, avec Hilding Rosenberg, il vint en France et en Italie grâce à une bourse (1946-47). De retour en Suède, il joua un rôle capital en faveur de la musique contemporaine, successivement comme membre du groupe du Lundi (porte-drapeau de l’évolution musicale en Suède après la guerre), comme président de la Société de musique de chambre Fylkingen (1950-1954), qu’il transforma en un centre de réflexion et de création, comme professeur de composition à l’Académie royale de musique de Stockholm (19601964) et, enfin, comme directeur musical de la radio suédoise, où il créa un studio de musique électronique. D’abord marqué par Hindemith, Blomdahl subit ensuite l’influence de Schönberg et de Bartók. Des recherches sur l’atonalité, le dodécaphonisme, la rythmique marquent alors ses ballets et ses oeuvres vocales, telles que l’oratorio Dans la salle des miroirs (1951-52). La cantate Anabase (1955-56), texte d’après Saint-John Perse, l’opéra Aniara sur un sujet de science-fiction (1959), amorcent l’évolution vers une écriture plus personnelle. Fioriture et Forma ferritonans (1961) sont des oeuvres pointillistes aux sonorités subtiles et poétiques, rappelant parfois Ligeti. Les dernières oeuvres de Blomdahl sont électroniques (Altisonans, 1966). Parmi ses autres compositions, on doit mentionner l’opéra-comique Herr von Hancken (1965) et de nombreuses musiques de film, notamment pour Ingmar Bergman. BLOMSTEDT (Herbert), chef d’orchestre suédois (Springfield, États-Unis, 1927). Il étudie d’abord au Collège royal de musique de Stockholm et à l’université d’Uppsala. Il complète ensuite sa formation à la Juilliard School de New York, puis à la Schola Cantorum de Bâle, et enfin à Tanglewood avec Leonard Bernstein. De 1950 à 1955, il est l’assistant d’Igor Markevitch à Salzbourg et, de 1954 à 1961, il dirige l’Orchestre symphonique de Norrköping, en Suède. Il est à la tête de plusieurs grands orchestres scandinaves : au Philharmonique d’Oslo de 1962 à 1968 ; à Stockholm, où il enseigne aussi la direction d’orchestre, jusqu’en 1971 ; et à l’Orchestre symphonique de la radio danoise de 1967 à 1977. Avec ce dernier, il enregistre l’intégrale des symphonies de Carl Nielsen. En 1975, il est nommé à la tête de la Staatskapelle de Dresde, qu’il quitte en 1985 pour diriger jusqu’en 1995 l’Orchestre symphonique de San Francisco. BLÖNDAL JÓHANSSON (Magnus), compositeur, pianiste et chef d’orchestre islandais (Skálar 1925). Après avoir terminé ses études en 1953 à la Juilliard School de New York (avec B. Wagenaar, M. Bauer et C. Friedberg), il fonde à Reykjavík le groupe Musica Nova en 1960. Au tournant des années 50 à 60, chef de file des compositeurs islandais d’avant-garde, il s’intéresse à toutes les formes d’expression musicale, à tous les langages et aux matériaux sonores les plus divers. Ses oeuvres, tant instrumentales (Minigrams, 1961) que pour instruments et bande magnétique (Study, 1957 ; Punktar, 1961), ou pour bande magnétique seule (Constellation, 1960), ont été des événements parfois violents de la vie musicale de son pays. BLONDEL DE NESLE, trouvère français (Nesle, Somme, v. 1150 - v. 1200). Ami du grand trouvère Gace Brulé, son nom est souvent confondu avec celui de Blondel, ménestrel au service de Richard Coeur de Lion. Les 24 chansons conservées de Blondel de Nesle sont toutes pourvues de mélodies notées ; elles sont réunies dans l’ouvrage de U. Arrburg, Die Singweisen des Blondel de Nesle (Francfort, 1946). BLOW (John), compositeur et organiste anglais (Newark, Nottinghamshire, 1649 - Londres 1708). Enfant, il fit partie du choeur de la chapelle royale, dirigé par Henry Cooke à partir de 1660, année du rétablissement de la chapelle, et commença, dès 1663, à composer des anthems. C’est à cette époque également qu’il travailla avec John Hingeston et avec Christopher Gibbons, le fils du grand Orlando. En 1668, il succéda à Albertus Bryne comme organiste à Westminster Abbey. Il participa à la musique de la Chambre, à la cour de Charles VII (Private Musick for Lutes and Voyces, Theorboes and Virginalls) et en devint le virginaliste attitré. Gentilhomme de la chapelle royale (1674), il prit la suite de Pelham Humphrey comme maître des enfants de cette chapelle et comme compositeur de la musique vocale. L’archevêque de Canterbury l’honora du titre de Doctor of Music (1677). Deux ans plus tard, il renonça à son poste d’organiste à Westminster en faveur de son élève Henry Purcell. En 1687, on lui confia la charge des choristes de Saint-Paul, poste qu’il abandonna en faveur d’un autre élève, J. Clarke. Entre-temps, il était devenu organiste à la chapelle royale. Enfin, en 1699, il reçut le titre de Composer of the Chapel Royal. Blow fut enterré à Westminster ; sa tombe porte à sa mémoire le Gloria en canon de son Service en sol. John Blow a laissé un catalogue important d’oeuvres variées et souvent d’une grande qualité. Professeur illustre, son enseignement lui a mérité l’estime de ses contemporains. Parmi ses élèves se trouvèrent Clarke, Croft, Daniel Purcell et, surtout, Henry Purcell. Auteur d’une belle et touchante ode sur la mort de ce dernier, Blow a signé avec le masque Vénus et Adonis ce qui est en fait l’un des premiers opéras anglais ; les styles français (ouverture, prologue) et italien (récitatif, audaces harmoniques) s’y mêlent harmonieusement. BLUES. Complainte du folklore négro-américain, dont les paroles, imprégnées de poésie populaire, sont quelquefois violentes et érotiques. Sur le plan musical, le blues se caractérise par l’usage d’un mode mélodique variable et, pour le type courant, par une downloadModeText.vue.download 108 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 102 coupe ternaire A. A. B. Les deux périodes A, de quatre mesures chacune, sont mélodiquement identiques, mais une variante harmonique intervient au début de la seconde, l’accord de sous-dominante remplaçant l’accord de tonique, tandis que la dominante colore la période B, conclusive. Les paroles s’organisent en strophes successives (une strophe = un chorus, généralement de douze mesures), chacune d’elles épousant le même schéma A. A. B., en deux vers dont le premier (A) est répété. Après chaque vers, qui occupe approximativement deux mesures, la fin de la période de quatre mesures donne lieu à une réponse instrumentale. Né vers la fin du XIXe siècle dans les populations rurales noires du sud des ÉtatsUnis, le blues est postérieur au negrospiritual et au chant de plantation, dont l’influence l’a marqué, ainsi, semble-t-il, que celle du folklore blanc contemporain. Le climat du blues est souvent mélancolique (blues est synonyme de cafard) ; d’où l’idée reçue qu’il ne se chante ou ne se joue qu’en tempo lent. L’usage voulait que le chanteur de blues s’accompagnât au banjo ou à la guitare. Il en était ainsi, le plus souvent, dans la tradition du blues rural (country blues), dont les premiers représentants, contrairement au pionnier Robert Johnson, émigrèrent vers le nord au cours de l’entredeux-guerres, venus d’Arkansas, comme Big Bill Broonzy (William Lee Conley), du Texas comme « Blind » Lemon Jefferson, de Louisiane comme Lonnie Johnson ou de Floride comme Tampa Red (Hudson Whitakker) et étaient des chanteursguitaristes. Toutefois, on voyait déjà un Washboard Sam (Robert Brown), un Will « Son » Shade s’accompagner au moyen d’instruments hétéroclites issus d’un bricolage ingénieux, tandis qu’un Sonny Terry et, avant lui, un « Sonny Boy » Williamson I faisaient alterner chant et harmonica. Une place à part peut être faite à Leadbelly (Huddy Ledbetter) qui mit le blues vocal à la mode dans les milieux intellectuels et artistiques de Greenwich Village, à New York. Dans les ghettos noirs des grandes villes et principalement à Chicago, le blues s’acclimate et, peu à peu, se transforme au contact des spectacles de vaudeville, dont le public de couleur est friand ; au contact du jazz aussi. Le piano tend à s’imposer à côté de la guitare ; il s’y substitue parfois. Des chanteurs-pianistes, tels que Leroy Carr et, plus tard, Memphis Slim (Peter Chatman), se font connaître. Il arrive que des musiciens de jazz, pianistes, comme Fletcher Henderson et James P. Johnson, ou cornettistes, comme Louis Armstrong et Joe Smith, soient conviés à accompagner les plus célèbres chanteuses de blues : Gertrude « Ma » Rainey, « la mère du blues », et sa disciple Bessie Smith, « l’impératrice du blues ». À New York, Lonnie Johnson a le privilège d’enregistrer quelques disques avec Louis Armstrong et Duke Ellington. On verra même un chanteur de blues très doué pour le jazz, Jimmy Rushing, se faire engager chez Count Basie. Parallèlement, une seconde génération de chanteurs-guitaristes venus du Sud s’agrège au courant du blues urbain (city blues) qui prédomine dès la fin de l’entredeux-guerres. Avec Andrew « Smokey » Hogg, John Lee Hooker, Sam « Lightnin » Hopkins et Muddy Waters (Mc Kinley Morganfield), le blues urbain apparaît moins fruste, moins rustique que ne l’était son ancêtre ; il devient même tendu, voire agressif, à l’image des jeunes Noirs qui récusent la passivité sociale de leurs aînés. L’art spontané (encore qu’il laisse peu de place à l’improvisation) du chanteur-guitariste ne se perdra pas et, dans les années 60 et 70, le succès d’un Riley « B. B. » King montre que le blues folklorique a conquis une petite audience internationale. L’après-guerre voit surgir de nouvelles formes de blues. La tradition vocale cherche un prolongement instrumental que nécessitent les grands dancings tels que l’Apollo Theater de Harlem. Désormais, le chanteur (« blues shouter ») crie le blues dans le micro plus qu’il ne le chante. Derrière lui, la guitare électrique, introduite par Aaron « T. Bone » Walker, et le saxophone ténor s’attachent à créer un climat d’excitation permanente que renforce un afterbeat hérité du jazz, mais hypertrophié. C’est le mouvement Rhythm’n’Blues, que préfigurent Wynonie Harris, Louis Jordan, Joe Turner et Eddie « Cleanhead » Vinson, et d’où sortiront les Chuck Berry, les Fats Domino, les Aretha Franklin, les Little Richard, voire Ray Charles. Par le canal de ces chanteurs populaires devenus vedettes de variétés, le blues a contaminé toute une partie du show business, et l’on trouve trace de son influence dans la pop music et le rock’n’roll des années 60. On a même pu parler, à propos des chansons de Bill Haley et d’Elvis Presley, d’un « blues blanc », dont l’interprétation est, il est vrai, involontairement caricaturale. Toutefois, on estime généralement que le blues doit ses développements les plus remarquables, sur le plan musical, aux artistes de jazz. Dès les premiers temps du jazz, en effet, le blues s’y est acclimaté et y a prospéré. Les pianistes de jazz, d’Earl Hines (Blues in Thirds) à Thelonious Monk (Blue Monk), en ont organisé et enrichi le langage harmonique. L’orchestre de Duke Ellington, l’orchestre de Count Basie, entre autres, lui ont consacré une importante partie de leur répertoire ; et certaines pièces ellingtoniennes (Black and Tan Fantasy, Saddest Tale, Ko-Ko, par exemple) débordent largement, par leur complexité et leur force expressive, le cadre de l’art populaire. La séquence harmonique du blues de douze mesures est fréquemment utilisée par les musiciens de jazz en tant que base d’improvisation, indépendamment de toute donnée mélodique. Le style du blues a profondément influencé le jazz tout entier ; en retour, les grands solistes de jazz, Louis Armstrong, Charlie Parker, Lester Young, ont donné du blues une image magnifiée. D’autre part, la relation privilégiée tonique-sousdominante a conduit les compositeurs de jazz à une reconsidération limitée du système tonal. BLUME (Friedrich), musicologue allemand (Schlüchtern, Hesse, 1893 - id. 1975). Élève de Hugo Riemann et de Hermann Abert, il obtint en 1921 le grade de docteur à l’université de Leipzig. Nommé en 1925 professeur à l’université de Berlin, il fut directeur de l’Institut de musicologie de l’université de Kiel (1934-1958), puis président de la Société internationale de musicologie (1958-1961). Il a également dirigé la commission mixte du Répertoire international des sources musicales (R.I.S.M.) et présidé le Joseph-Haydnlnstitut de Cologne (1955-1973). Il a édité les oeuvres complètes de Michael Praetorius, écrit de nombreuses études sur Bach, Mozart, Haydn et d’autres musiciens, et dirigé plusieurs publications, dont Das Chorwerk et surtout le dictionnaire Die Musik in Geschichte und Gegenwart (14 vol., 1949-1968). Des nombreux articles écrits par lui pour ce dictionnaire, sont parus en volume séparé ceux consacrés à la Musique de la Renaissance, à la Musique baroque, à la Musique classique et à la Musique romantique. BLÜTHNER (Julius Ferdinand), facteur de pianos allemand (Falkenhain, près de Merseburg, 1824 - Leipzig 1910). Il fonda la firme Blüthner 1853. Ses instruments font échappement amélioré et au aliquotes où une quatrième vibre à l’octave sans être la sonorité dans l’aigu. à Leipzig en appel au double système des corde, qui frappée, enrichit BOCCHERINI (Luigi), compositeur et violoncelliste italien (Lucques 1743 Madrid 1805). Il apprit le violoncelle, tout enfant, avec son père et devint un virtuose célèbre dès l’âge de quatorze ans, après s’être produit à Rome. Il fut ensuite engagé par le Théâtre impérial de Vienne, où il fit trois séjours de 1757 à 1764 ; de cette période date sa première oeuvre connue, un recueil de six trios à cordes (1760), suivi en 1761 d’un recueil de six quatuors à cordes. En 1764, Luigi et son père rentrèrent à Lucques, où furent écrits une cantate et les deux oratorios Giuseppe riconosciuto downloadModeText.vue.download 109 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 103 et Gioa, re di Giuda. Après la mort de son père (1766), Boccherini s’associa avec le violoniste Filippo Manfredini et entreprit avec lui des tournées qui le menèrent, notamment, à Paris (1767). Il se produisit au Concert spirituel, mais ne fut pas invité à Versailles. Admirant autant sa virtuosité d’instrumentiste que son talent de compositeur, l’ambassadeur d’Espagne à Paris le pressa d’aller à Madrid. Boccherini accepta, mais, à son arrivée dans la capitale espagnole (1769), il fut mal reçu, dit-on, par Brunetti, responsable de la musique à la Cour. En revanche, il trouva un soutien décisif auprès du frère du roi Charles III, l’infant Don Luis, qui lui conserva sa protection jusqu’à sa mort (1785) et avec lequel il s’installa en 1776 à Las Arenas, près de Madrid. Au cours de ces années, Boccherini composa une très grande quantité de musique de chambre pour des formations diverses, dont une série de quintettes à cordes s’inspirant parfois de motifs espagnols. L’étonnant Quintettino op. 30 no 6 dit La Musica notturna delle strade di Madrid (1780) reflète parfaitement cette période d’expérimentation euphorique. Ayant sans doute subi l’influence des idées de Jean-Jacques Rousseau lors de son séjour à Paris, Boccherini, italien lui-même, s’intéressait à une musique « locale » au moment même où la musique italienne régnait toute-puissante ! Après avoir entendu à Madrid les quatuors op. 33 (1781), l’ambassadeur de Prusse n’eut de cesse que Boccherini ne fût attaché à son souverain. Le compositeur, à partir de 1786, envoya à Frédéric-Guillaume II, excellent violoncelliste, une quantité considérable de musique, dont 28 quintettes et 16 quatuors. Dans la famille Benavente-Osuna, avec laquelle il s’était lié, Boccherini eut l’occasion d’entendre nombre d’oeuvres de Joseph Haydn et côtoya notamment Goya, le poète et dramaturge Moratin et l’écrivain anglais Beckford. Pour cette société éclairée, il composa son unique opéra, la Clementina, retrouvé en 1960. La vie de Boccherini de 1787 à 1796 est mal connue. On crut longtemps qu’il s’était rendu en Prusse, à la cour de Potsdam, alors qu’en fait il resta à Madrid, végétant dans une relative obscurité. À la mort de Frédéric-Guillaume II, en 1797, il proposa en vain d’envoyer de la musique à son successeur. Sous le Consulat, le poste de directeur du conservatoire de Paris lui fut offert, mais Boccherini préféra demeurer dans cette Espagne qu’il considérait presque comme sa patrie. Lucien Bonaparte, ambassadeur du Consulat à Madrid à la fin de 1800, attira sa sympathie et reçut la dédicace de deux groupes de six quintettes op. 60 et 62. Après le retour de L. Bonaparte en France, Boccherini ne vécut plus que de la vente de ses oeuvres, confiées depuis 1796 à Ignace Pleyel, un éditeur qui payait fort mal. Une suite de deuils précipita la mort du musicien à Madrid. Ses cendres furent ramenées en Italie en 1927 et ensevelies en la basilique Saint-François de Lucques. Boccherini fut un des plus grands compositeurs de musique de chambre pour cordes et le plus grand compositeur italien de musique instrumentale de la seconde moitié du XVIIIe siècle. La maîtrise d’écriture et l’aisance formelle de ses très nombreux quatuors et quintettes passèrent pour « inexplicables « chez un héritier du baroque italien, jusqu’au jour où Hugo Riemann soutint que Boccherini avait récolté à Paris les fruits de l’école de Mannheim. Cette hypothèse confirme l’importance du musicien créateur, avec Joseph Haydn, du quatuor à cordes et initiateur du quintette, où il préfère, comme plus tard Schubert, la formule à 2 violoncelles - entre le rococo italien et les grands classiques viennois. À la pureté relativement abstraite de ces derniers, Boccherini, pourtant spontanément mélancolique et même dramatique comme Mozart, oppose un souci des couleurs, des trouvailles instrumentales (archet utilisé col legno, etc.) et une exceptionnelle sensibilité aux atmosphères qui font de lui l’héritier de certains traits les plus remarquables de Vivaldi. Le quintette del Fandango fait ouvertement appel au folklore. La Musique nocturne de Madrid résume un art extraordinairement en avance sur son temps : elle naît des bruits incohérents d’instruments en train de s’accorder, évolue vers des fredons populaires et des souvenirs de musiques sacrées et aboutit à une intense péroraison relevant de la plus pure tradition des danses de cour. Longtemps, un ravissant menuet extrait du quintette op. 11 no 5 (1771) est resté l’oeuvre la plus célèbre de Boccherini, offrant de lui une image gracieuse et fragile. On découvre aujourd’hui qu’il fut un compositeur hardi, engagé, précurseur de ce qu’il devait y avoir de meilleur dans les musiques « nationales « du siècle romantique. BOCHSA (Robert), compositeur et harpiste français (Montmédy 1789 - Sydney, Australie, 1856). Auteur de nombreuses pièces pour son instrument, il débuta comme compositeur d’opéras, d’oratorios et de ballets avant de transformer la harpe en un instrument virtuose. Membre de la chapelle impériale puis de celle de Louis XVIII, il fut impliqué dans une histoire de faux et dut se réfugier en Angleterre (1817), où il devint le premier professeur de harpe à la Royal Academy of Music. De nouveaux scandales l’obligèrent à quitter le pays (1827). En 1839, il s’enfuit avec la soprano Ann Bishop, épouse du compositeur sir Henry Bishop. Il se produisit avec elle en un tour du monde au cours duquel il mourut. BODIN (Lars-Gunnar), compositeur suédois (Stockholm 1935). Animateur et, de 1969 à 1972, président d’un organisme essentiel dans la création musicale en Suède, la fondation Fylkingen, il est devenu après cette date directeur du studio de musique électronique du Conservatoire royal de Stockholm. Après des expériences de théâtre musical, il consacre l’essentiel de sa production aux moyens électroacoustiques, dans des oeuvres qui cherchent souvent à intégrer des thèmes liés aux techniques et aux disciplines modernes - cybernétique (Cybo I et Cybo II, 1967), théorie de la connaissance (Traces I, 1970, et Traces II, 1971), philosophie marcusienne (Toccata, 1969) -, et qui utilisent fréquemment des textes (« Text-Sound Composition », équivalent de la poésie sonore française). Il a également réalisé des oeuvres multimédias associant des moyens musicaux et visuels (Clouds, 1972-1976) et des musiques de ballet (Place of Plays, 1967 ; From One Point to Another Point, 1968). On peut citer encore la pièce pour bande From the Beginning to the End (1973) et la cantate radiophonique For Jón (1977). BOÈCE (Anicius Manlius Torquatus Severinus Boetius, en fr.), philosophe latin (Rome v. 480 - environs de Milan 524). Conseiller de Théodoric le Grand, il fut, au faîte d’une carrière politique, impliqué dans un procès et mis à mort. Entre 500 et 507, il avait écrit un traité en 5 livres. De institutione musicae. Cet ouvrage, qui s’inspire de Platon, d’Aristote, de Nicomaque et de Ptolémée, aborde la théorie musicale sous l’angle de l’acoustique et de l’harmonie. Boèce assigne une place majeure à la musique dans l’éducation, en raison de l’influence morale qu’elle peut exercer. Le Moyen Âge dut à ce traité sa connaissance de la théorie musicale de l’Antiquité ; jusqu’à la Renaissance, l’autorité de Boèce demeura incontestée. BOËLLMANN (Léon), compositeur et organiste français (Ensisheim, Haut-Rhin, 1862 - Paris 1897). Disciple et neveu, par alliance, d’Eugène Gigout, il travailla la musique à l’école Niedermeyer. Nommé organiste à SaintVincent-de-Paul, il disparut prématurément, laissant une oeuvre importante, qui fut jouée avec succès de son vivant : symphonie en fa majeur, Variations symphoniques pour violoncelle et orchestre, sonate pour violoncelle et piano, Fantaisie pour orgue et orchestre, musique religieuse abondante. On ne joue plus guère aujourd’hui que la Suite gothique pour downloadModeText.vue.download 110 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 104 orgue, l’une des très nombreuses pièces qu’il écrivit pour son instrument. BOËLY, famille de musiciens français. Jean-F ranço is (Saint-Léger-de-Crossy, Aisne, 1739 - Chaillot 1814). Il fut hautecontre à la Sainte-Chapelle, à Paris, compositeur (il est l’auteur d’un motet Beatus vir) et professeur de harpe à la cour de Versailles. Il a, en outre, écrit un Traité d’harmonie, d’après Rameau, resté inédit (1808). Alexandre Pierre François, organiste et compositeur, fils du précédent (Versailles 1785 - Paris 1858). Élève de l’Autrichien Ladurner, qui l’initia à la musique de Bach, de Haydn et de Beethoven, alors in- connus en France, il fut nommé, en 1840, organiste à Saint-Germain-l’Auxerrois et y demeura jusqu’en 1851, date à laquelle on le congédia en raison de l’« austérité » de la musique qu’il y jouait : Bach, Frescobaldi, Couperin, Walther, Kirnberger, les maîtres français ; à cette époque, c’était plutôt les transcriptions d’opéras-comiques qui faisaient fureur. Pour exécuter les oeuvres de Bach, réputées injouables, il fit installer à son orgue un pédalier à l’allemande, dont l’usage ne se généralisa, dans la facture française, que durant la seconde moitié du siècle. Ses rares auditeurs - Gigout, Franck, et surtout Saint-Saëns - furent émerveillés d’entendre ces oeuvres ressuscitées, ainsi que le contrepoint sévère par lequel il traitait les thèmes du plain-chant, que l’on commençait à redécouvrir. Il finit ses jours comme humble professeur de piano. Il laisse une oeuvre abondante : musique de chambre, nombreuses pages pour le piano (caprices, suites, études), oeuvres souvent concises, très soigneusement composées et d’une réelle couleur romantique, où il se montre l’héritier de Scarlatti, de Cramer, de Haydn et de Beethoven. Pour l’orgue, il a écrit douze Cahiers de pièces de différents caractères et quatre Livres pour orgue à pédales ou piano à trois mains, en plus de publications d’oeuvres anciennes et de transcriptions diverses. Il y renoue avec le style des maîtres français classiques (versets, duos, dialogues, tierces en taille) et s’inspire des Allemands (fantaisies et fugues, chorals ornés). Inconnu du grand public, il n’en a pas moins joué un rôle déterminant dans la renaissance de la musique française au XIXe siècle. En 1902, Saint-Saëns reconnut la dette des musiciens français envers lui, en publiant une collection de ses oeuvres. BOESMANS (Philippe), compositeur belge (Tongres 1936). Au conservatoire de Liège, il étudia d’abord le piano avec Stefan Askenase et Robert Leuridan et s’orienta vers la composition après avoir rencontré Pierre Froidebise, puis Henri Pousseur. Programmateur musical au 3e Programme de la R. T. B. (1962), il est pianiste de l’ensemble Musiques nouvelles et attaché, depuis 1971, au Centre de recherches musicales en Wallonie dirigé par Pousseur. La même année, il a pris des fonctions à la station de Liège de la R. T. B. et obtenu le prix Italia pour Upon La Mi pour voix et cor solo, 11 instrumentistes et amplification (1969). Sa production, issue du courant sériel postwebernien, tente de s’en dégager en réintégrant certaines fonctions harmoniques, des rythmes périodiques, des éléments mélodiques ou des mouvements conjoints. L’intuition y fait bon ménage avec la rigueur. Boesmans est, assurément, une des principales figures de la jeune musique belge. On lui doit notamment Cassation pour 5 instruments (1962), Sonance pour 2 pianos (1963), Verticales pour grand orchestre (1969), Fanfare I pour 2 pianos à 2 mains (1970) et II pour orgue (1972), Intervalles I (1972) et II (1973) pour grand orchestre et III pour voix solo et grand orchestre (1975-76), Sur mi pour 2 pianos, orgue électrique, crotales et tam-tam (1974), Multiples pour 2 pianos et orchestre (1974-75), Ring pour orgue électronique, harpe, piano, 2 percussionnistes et ensemble instrumental (1975). Attitudes, qui relève du théâtre musical, a été créé à Bruxelles en 1979 et repris à Avignon en 1980. Suivirent un Concerto pour violon (1979), Conversions pour orchestre (1980), l’opéra la Passion de Gilles (1982), Trakl Lieder (1988), l’opéra la Ronde (1993), Dreamtime (1993). BOESSET (Antoine), compositeur français (Blois 1586 ou 1587 - Paris 1643). Élève de Pierre Guédron, dont il devint le gendre et auquel il succéda à la charge de surintendant de la Musique du roi (1622), il fut un des musiciens favoris de Louis XIII, qui le nomma successivement maître de chant des bénédictines de Montmartre, maître des enfants de la musique de la Chambre du roi (1613) et surtout maître de la Musique de la reine (1615). De tempérament lyrique, il lui manqua malheureusement le sens dramatique qui lui aurait permis de mettre ses belles mélodies au service d’un argument suivi. Au contraire, dans de nombreux ballets « à entrées », la musique de Boesset et de ses collègues s’éloigne du courant nettement dramatique établi par Guédron. Mais Boesset vécut au temps des ballets de cour, et sa collaboration à ces spectacles fut parmi les plus importantes, tant par la qualité que par la quantité (la Délivrance de Renaud, 1617 ; Ballet des dandins, 1626 ; Grand Bal de la douairière de Billebahaut, 1626 ; Ballet de la félicité, 1639, etc.). Boesset est un admirable mélodiste, et les textes qu’il met en musique sont souvent tirés de l’oeuvre des meilleurs poètes, tels que Tristan, Théophile, Boisrobert ou Racan. Ses airs possèdent un charme irrésistible, une grâce et une harmonie entre poésie et musique qui lui méritèrent le respect de ses contemporains et qui le placèrent au premier rang des musiciens de son époque. Les airs du « vieux Boesset » ont été chantés longtemps après sa mort. Il est l’un des premiers à avoir employé la basse continue en France, et cette technique se rencontre dans ses derniers livres d’airs polyphoniques. Il a laissé en tout 9 livres d’Airs de cour à 4 et 5 parties (1617-1642). Ses airs pour une voix et luth se trouvent dans différents recueils parus chez Ballard entre 1608 et 1643. Il a également composé des messes et des motets à 4 et 5 voix. Son fils, Jean-Baptiste (1614-1685), devint surintendant de la Musique en 1644. Des airs de sa composition sont conservés. BOESWILLWALD (Pierre), compositeur français (Toulon 1934). Il est collaborateur, depuis 1972, du Groupe de musique expérimentale de Bourges. Sa production, d’abord consacrée presque exclusivement aux moyens électroacoustiques (la Promenade du dimanche, 1970) ; les 3 Tocatannes, 19731975 ; Dedans-dehors, 1975), s’ouvre ensuite à des expériences de théâtralisation de la musique par haut-parleurs, faisant intervenir un comédien, des projections, etc. (Homo dixit, 1977). Boeswillwald est un poète en prose de la musique électroacoustique, qui écrit au présent de l’indicatif avec un style bien à lui, familier, vif et aéré. BOETTICHER (Wolfgang), musicologue allemand (Bad Ems 1914). Ayant abordé la musique par l’étude du piano, il a donné, très jeune, des concerts. Mais il a renoncé à cette carrière pour se consacrer à la musicologie. À l’université de Berlin, il a été l’élève d’Arnold Schering et de Curt Sachs. Il a publié plusieurs ouvrages sur Schumann et poursuivi des recherches très étendues sur la musique de la Renaissance. Il a aussi préparé des éditions des oeuvres de Schumann et de R. de Lassus. En 1956, W. Boetticher a été nommé professeur à l’université de Göttingen, où il enseignait depuis 1949. Parmi ses principaux écrits, on peut mentionner : R. Schumann, Einführung in Persönlichkeit u. Werk (Berlin, 1941) ; O. di Lasso u. seine Zeit (2 vol., Kassel et Bâle, 1959-1969). BOEUF (Georges), compositeur français (Marseille 1937). Professeur de saxophone, instrument pour lequel il a écrit les deux quatuors Parallèles (1967-68) et l’Image poursuivie (1973), il a été membre du Groupe de musique expédownloadModeText.vue.download 111 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 105 rimentale de Marseille, fondé en 1968 par Marcel Frémiot, avant d’en devenir le responsable en 1974. Parmi ces oeuvres électroacoustiques, on peut citer : Mémoire (1972), le Départ pour la lune, pour orgue et bande magnétique (1972), Champs (1975), Jusqu’au lever du jour (1977), Du côté du miroir (1977), Phrases, pour flûte et bande (1977). Avec Michel Redolfi, il a conçu et créé Whoops (1re version, 1976 ; 2e version, 1977), première oeuvre pour « homo-parleur » (système de diffusion par haut-parleurs « greffés » sur le corps d’interprètes en action), et contribué à la réalisation collective du G.M.E.M., la Mer (1978). BÖHM (Georg), compositeur et organiste allemand (Ohenkirchen, près d’Ohrdruf, 1661 - Lüneburg 1733). Après des études à l’université d’Iéna, il séjourna à Hambourg avant d’occuper, de 1698 jusqu’à sa mort, le poste d’organiste à l’église Saint-Jean de Lüneburg, église où le jeune Johann Sebastian Bach fut choriste en 1700. Il composa 11 suites pour clavecin, une vingtaine d’oeuvres pour orgue, 23 lieder spirituels ; 9 cantates et 2 motets lui sont attribués. Influencé par les maîtres de l’Allemagne du Nord, Buxtehude en particulier, il marqua à son tour les organistes allemands du XVIIIe s., dont Johann Sebastian Bach qui l’imita dans ses premières oeuvres et lui emprunta un menuet dans le Petit Livre d’Anna Magdalena Bach. BÖHM (Karl), chef d’orchestre autrichien (Graz 1894 - Salzbourg 1981). Parallèlement à des études de droit à Graz, il étudie la musique à Vienne avec Eusebius Mandyczewski. Il devint premier chef d’orchestre à l’opéra de Graz en 1917. Bruno Walter l’engagea à l’opéra de Munich en 1921. Il fut nommé directeur de la musique à Darmstadt en 1927, au Stadttheater de Hambourg en 1931, fut directeur de l’opéra de Dresde, de 1932 à 1942, et de l’opéra de Vienne, de 1943 à 1945 et de 1954 à 1956. Durant cette deuxième période, il fut également premier chef de la Philharmonie de Vienne. Böhm a été l’ami de Richard Strauss, dont il a créé les opéras la Femme silencieuse et Daphné. Il a dirigé les premières représentations de nombreux autres ouvrages, comme Massimilla Doni d’Othmar Schoeck. Il a fait dans le monde entier une carrière aussi brillante comme chef d’opéra que comme chef d’orchestre symphonique. Ses interprétations, qui donnent une impression de perfection, de juste mesure, d’équilibre, sont particulièrement admirées dans les oeuvres de Mozart, Beethoven, Richard Strauss, mais aussi Brahms, Wagner et Bruckner. Il a écrit des lieder et de la musique de chambre. BÖHM (Theobald), flûtiste et compositeur allemand (Munich 1794 - id. 1881). Virtuose accompli que ses contemporains tenaient pour le plus grand flûtiste d’Allemagne, il a enrichi le répertoire de son instrument d’une vingtaine de concertos, fantaisies, variations et autres compositions d’un romantisme maintenant démodé. Mais son nom reste attaché aux améliorations considérables et définitives qu’il apporta à la flûte traversière à partir de 1830 (système de clés, perce cylindrique, etc. ; ! FLÛTE). Elles sont présentées dans son traité Über den Flötenbau und die neuesten Verbesserungen desselben, Mayence, 1847 (« de la fabrication et des derniers perfectionnements de la flûte »). Il écrivit également Die Flöte und das Flötenspiel, Munich, 1871 (« la flûte et le jeu de la flûte »). Le « système Böhm » a été adapté avec succès à d’autres instruments de la famille des bois, notamment la clarinette et le hautbois. BOIELDIEU (François Adrien), compositeur français (Rouen 1775 - Jarcy, Essonne, 1834). Fils du secrétaire de l’archevêque de Rouen, il devint enfant de choeur à la cathédrale et reçut de l’organiste Broche des notions de composition musicale, qui furent ses seules études. En effet, si, après ses premières oeuvres où l’instinct et le bon goût remplaçaient la science, il comprit qu’il lui faudrait apprendre son métier, c’est en autodidacte qu’il fit cet apprentissage. Étonnamment doué, Boieldieu écrivit à dix-huit ans son premier opéra-comique, la Fille coupable (1793), sur un livret de son père. L’accueil fait à un second ouvrage, Rosalie et Myrza (1795), l’incita à se fixer à Paris pour y poursuivre une carrière de compositeur. Reçu dans la maison Érard, il y rencontra Méhul et Cherubini, qui devinrent ses amis et le conseillèrent utilement. Les chanteurs Pierre-Jean Garat et Cornélie Falcon, en interprétant ses romances dans les salons, le rendirent célèbre. Le théâtre Feydeau lui ouvrit bientôt ses portes (1796), puis l’Opéra-Comique, où s’imposa en 1798 la Dot de Suzette, dont les gracieuses mélodies restèrent longtemps populaires. Le Calife de Bagdad (1800) et Ma tante Aurore (1803) furent chaleureusement accueillis. Les querelles de Boieldieu avec sa femme, la danseuse Clotilde Malfleuroy, décidèrent le compositeur à s’éloigner de Paris. Il partit pour Saint-Pétersbourg, où il obtint le poste de compositeur de la Cour. Il y resta sept ans et y composa six ouvrages, dont deux (la Jeune Femme colère, 1805 ; les Voitures versées, 1808) furent repris à Paris. Les triomphes de Jean de Paris (1812) et du Nouveau Seigneur du village (1813) marquèrent le retour de Boieldieu dans la capitale française. Déjà professeur de piano au Conservatoire, il y devint professeur de composition en 1817, succédant à Méhul. Il présenta l’année suivante le Petit Chaperon rouge, dont il avait particulièrement soigné l’écriture et qu’il déclara plaisamment être son discours de réception à l’Académie des beaux-arts, où il fut élu à cette époque. Après un silence de plusieurs années fut représenté son chef-d’oeuvre, la Dame blanche (1825), dont le succès s’est prolongé jusqu’à nos jours. Devenu veuf la même année, Boieldieu épousa la cantatrice Phillis. Atteint d’une laryngite tuberculeuse, il résilia ses fonctions au Conservatoire et se retira dans sa propriété de Jarcy, où il s’éteignit comblé d’honneurs, mais dans une situation matérielle difficile. Son service fu- nèbre eut lieu en grande pompe aux Invalides et on y joua le Requiem de Cherubini. Que l’on ait pu souvent, en parlant de Boieldieu, évoquer Mozart suffit à indiquer le ton de sa musique et sa qualité ; en même temps, l’art de ce compositeur apparaît spécifiquement français : tendre, spirituel, sensible, intelligent, ennemi de toute mièvrerie, d’une délicate originalité, avec une écriture à la fois simple et subtile. Wagner et bien d’autres grands musiciens ont dit toute leur admiration pour son talent. Outre une quarantaine d’ouvrages lyriques, Boieldieu a écrit de la musique de piano, dont plusieurs sonates, de la musique de chambre, un concerto pour piano (1792) et un concerto pour harpe (1795). BOIS. Terme générique qui désigne : 1. Les instruments à vent construits en bois, même de nos jours (hautbois, basson, cor anglais, clarinette, etc.) ; 2. Les instruments à vent qui, à l’origine, étaient construits en bois (flûte) ; 3. Les instruments à anche simple qui ont toujours été métalliques, mais que leur principe rattache aux bois (saxophones). La famille des bois comprend donc, pratiquement, la flûte et tous les instruments à anche simple ou double. BOISGALLAIS (Jacques), compositeur français (Le Mesle-sur-Sarthe, Orne, 1927). Il a été, au Conservatoire de Paris, l’élève de Samuel-Rousseau pour l’harmonie, de Simone Plé-Caussade pour le contrepoint, de Darius Milhaud et de Jean Rivier pour la composition. En 1955, il entre à la R. T. F. comme musicien-metteur en ondes, métier qu’il continue d’exercer pour Radio-France. Compositeur, il s’est vu décerner plusieurs récompenses : son 1er quatuor à cordes a obtenu le prix YvonneLiébin (1958), sa symphonie les Ombres, le premier prix de la Ville de Paris (1966-67). Il a essentiellement écrit des oeuvres pour downloadModeText.vue.download 112 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 106 orchestre et pour diverses formations instrumentales, d’une écriture ferme et colorée. On lui doit aussi des partitions de musique radiophonique. BOISMORTIER (Joseph Bodin de), compositeur français (Thionville 1689 Roissy-en-Brie 1755). Après avoir passé les vingt-cinq premières années de sa vie en Lorraine, où il rencontra H. Desmarest, alors surintendant de la musique du duc Léopold, il effectua plusieurs séjours à Perpignan. Quatre ans plus tard, il commença à éditer ses oeuvres à Paris, où il poursuivit sa carrière de compositeur. Ses compositions s’inscrivirent parfois dans la tradition de la musique française lorsqu’il écrivit des opéras comme Daphnis et Chloé (1747), sa sonate pour 2 flûtes et sans basse ou ses cantates, genre auquel il s’efforça toutefois d’apporter un renouveau, notamment dans Actéon (1732). Il fut aussi l’un des premiers musiciens français à adopter la forme tripartite du concerto italien, quand parurent, en 1727, ses 6 concertos pour 5 flûtes traversières. À cet instrument, il consacra bon nombre de sonates, tout en étant aussi inspiré par la vielle et la musette, pour lesquelles il composa plusieurs pièces qui témoignent du goût, alors très en vogue, pour la bergerie. Il céda aussi à la mode lorsqu’il intercala des noëls populaires dans son motet le plus célèbre, Fugit nox, qui eut le privilège de rester pendant vingt ans au répertoire de la chapelle royale. Par son inspiration, mais aussi par son style gracieux et élégant, Boismortier peut être considéré comme l’un des artistes les plus représentatifs de l’art musical français de la première moitié du XVIIIe siècle. BOÎTE À MUSIQUE. Le cylindre à picots, issu du principe de la roue à cames, était connu depuis la fin du Moyen Âge et servait à animer des carillons, des automates et autres objets mécaniques. Vers la fin du XVIIIe siècle, un horloger genevois eut l’idée de l’adapter à un mince peigne d’acier, dont les dents, de longueur inégale, produisaient autant de notes. Quand le cylindre tourne, entraîné par une manivelle ou, le plus souvent, par un mouvement d’horlogerie, les picots disposés sur une même ligne horizontale accrochent au passage le bout des lames correspondantes et les font vibrer. Des airs plus ou moins longs (suivant le diamètre du cylindre) peuvent être ainsi reconstitués avec leur accompagnement. Par la suite, des cylindres interchangeables ont permis aux modèles les plus perfectionnés de rivaliser avec l’orgue de Barbarie, quant à la variété du répertoire. C’est surtout au XIXe siècle que la boîte à musique a connu la plus grande vogue, jouant un rôle certain dans la diffusion de la musique. L’invention du phonographe semble lui avoir porté un coup fatal, mais on continue pourtant à en fabriquer, surtout en Suisse, à cause du charme archaïque et naïf, inimitable, qui se dégage de la sonorité de cet appareil. BOÎTE EXPRESSIVE. Disposition utilisée en facture d’orgues et consistant à enfermer tous les tuyaux d’un clavier dans un coffret étanche, clos vers l’avant par une série de jalousies mobiles actionnées par une cuiller ou une pédale commandée de la console. Les sonorités sont ainsi étouffées et s’éclaircissent en léger crescendo lorsque l’exécutant ouvre la boîte. Inventée au XVIIIe siècle, la boîte expressive a été très généralement répandue dans les orgues d’esthétiques romantique et postromantique, où elle répond au besoin de nuances nouvelles du style symphonique. Elle affecte les jeux du clavier de récit et, sur les instruments plus grands, ceux du clavier de positif. BOITO (Enrico, dit Arrigo), compositeur, poète et librettiste italien (Padoue 1842 - Milan 1918). Fils d’un sculpteur italien et d’une comtesse polonaise, il mena de pair des études musicales et littéraires dans des conditions difficiles, son père ayant abandonné le domicile familial. Il publia des poésies de caractère libertaire et entama une carrière de chroniqueur, puis, encouragé par Emilio Praga, l’un des pères de la « scapigliatura » ( ! VÉRISME), il se rendit à Paris, où il découvrit une musique instrumentale inconnue en Italie, rencontra Baudelaire, Rossini, Verdi (auquel il fournit les vers de l’Hymne des nations) et Gounod, dont il fit représenter le Faust à Milan. Conscient des faiblesses du livret de cet opéra, il rédigea un poème d’après les deux Faust de Goethe, en écrivit la partition et présenta l’oeuvre à la Scala en 1868, sans aucun succès. Révisé, notablement raccourci, ce Mefistofele triompha à Bologne en 1875, mais ne trouva sa forme définitive qu’après de nouvelles modifications pour sa nouvelle présentation à la Scala, en 1881, avec une éclatante distribution. Entre-temps, Boito s’était enflammé pour les courants nouveaux de l’art ; il milita en faveur de Wagner (on lui doit les versions italiennes de Rienzi et de Tristan, mais aussi celle du Freischütz de Weber) et prit position contre Verdi. L’éditeur Ricordi ayant réconcilié les deux artistes, Boito aida Verdi à la refonte de son Simon Boccanegra (1881), puis écrivit pour lui les livrets d’Otello et de Falstaff. Il fournit également des livrets à d’autres musiciens : son ami Franco Faccio (Hamlet), Ponchielli (La Gioconda), Catalani (La Falce) et Mancinelli (Ero e Leandre). Directeur du conservatoire de Parme, de 1889 à 1897, élu sénateur en 1912, il travailla longtemps à un Néron, dont il publia le livret en 1901, mais qu’il laissa inachevé ; complétée par Antonio Smareglia et Vincenzo Tommasini, l’oeuvre fut créée à la Scala de Milan en 1924, sous la direction de Toscanini. Esprit ambitieux et tourmenté, toujours insatisfait, à l’image de son héros Faust, Boito, auteur de recueils de vers, de romans, de drames, ne sut pas toujours mettre son talent musical à la hauteur de son inspiration littéraire ; son Mefistofele, oeuvre d’extrême jeunesse, n’en contient pas moins des pages prophétiques, cependant que Néron souligne la prodigieuse évolution de son style vers un modernisme affirmé. BOKANOVSKI (Michèle), femme compositeur française (Paris 1943). Après un stage au Groupe de recherches musicales de Paris, elle poursuit, dans son studio personnel, la réalisation d’oeuvres électroacoustiques et « mixtes » (pour instruments et bande) rares et méditées. On peut citer : Koré (1972), pour ensemble vocal et bande, Pour un pianiste (1974), pour bande et piano, pièce remarquable, dédiée à son instigateur et interprète Gérard Frémy, 3 Chambres d’inquiétude (1975-76), Suite pour l’Ange (1980) et les bandes sonores très denses et étudiées qu’elle a réalisées pour les films de Patrick Bokanovski (la Femme qui se poudre, le Déjeuner du matin, l’Ange). BOLCOM (William), compositeur américain (Seattle 1938). Il fit ses études à l’université de Washington, à Mill’s College, à l’université Stanford avec Leland Smith et au Conservatoire de Paris (1959-1961) avec Simone Plé-Caussade (contrepoint), Olivier Messiaen (esthétique), Darius Milhaud et Jean Rivier (composition). Il fréquenta aussi Darmstadt, où il subit l’influence de Pierre Boulez. Il a ensuite occupé diverses fonctions aux États-Unis, notamment celle d’assistant au Queen’s College de New York (1966-1968). Sa musique fait appel à des techniques très diverses : composition sérielle, expériences dans le domaine des microtons, etc. Son catalogue comprend notamment 4 symphonies, 9 quatuors à cordes, des oeuvres concertantes, des pièces pour différentes formations instrumentales (en particulier Sessions I à IV, 1965-1967) et les opéras d’acteurs Dynamite Tonite (1963), Greatshot (1969) et Theatre of the Absurd (1970). BOLÉRO. Danse espagnole et plus particulièrement andalouse, connue depuis la fin du XVIIIe siècle. Elle est issue de la séguedille et son inventeur serait le danseur Cerezo. AcdownloadModeText.vue.download 113 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 107 compagné, à l’origine, de chants et de castagnettes, le boléro se compose de trois couplets sur un mouvement modéré à 3/4. Des changements de rythme à l’intérieur du ternaire sont possibles. rappel schéma Le boléro s’est rapproché du fandango par l’accent de plus en plus nerveux des castagnettes. Weber, Auber, Chopin, Albéniz et Ravel (ce dernier dans un mouvement un peu plus lent) ont utilisé le rythme caractéristique de cette danse. BOLET (Jorge), pianiste cubain naturalisé américain (La Havane 1914 - Moutain View, Californie, 1990). Il étudie au Curtis Institute de Philadelphie avec Saperton, Hofman, Godowski et Moritz Rosenthal, puis à Vienne et à Paris. À l’âge de seize ans, il fait ses débuts à Carnegie Hall sous la direction de Fritz Reiner. De 1939 à 1942, il est l’assistant de Rudolf Serkin à la direction du Curtis Institute de Philadelphie. Sa carrière se partage d’emblée entre le piano et la diplomatie. En 1946, il prend la direction de la musique au Quartier général américain de Tokyo, où il dirige principalement des opérettes, dont la première japonaise de The Mikado de Gilbert et Sullivan. En 1960, il double Dirk Bogarde interprétant le rôle de Liszt dans le film Song without End. Ses interprétations des oeuvres de Liszt et de Chopin, ses deux compositeurs de prédilection, se réclament d’une tradition pianistique qui remonte à Rachmaninov et Lhevine mais aussi à Cortot. BOLOGNE (école de). La période la plus glorieuse de cette école, qui concerne en particulier la musique de violon, se situe dans la seconde moitié du XVIIe siècle et au début du XVIIIe. Cependant, on peut déjà citer, à la fin du XVe siècle, le nom de Giovanni Spataro, maître de chapelle de la basilique San Petronio et auteur d’ouvrages théoriques. C’est en raison de l’importante activité musicale à San Petronio qu’une véritable école se développa à Bologne. Après Girolamo Giacobbi (1567-1629), qui fit toute sa carrière attaché à la basilique, Maurizio Cazzati (v. 1620-1677) y devint maître de chapelle en 1657 et établit les bases formelles et stylistiques de l’école. Cazzati est l’auteur d’une oeuvre considérable (musique religieuse, sonates), mais sa musique n’a pas le souffle de celle de son élève Giovanni Battista Vitali (1632-1692), chez lequel l’invention thématique, qui se prête à un traitement en contrepoint, et la rigueur de l’écriture, alliées à une grande connaissance du violon, donnèrent naissance aux premiers chefs-d’oeuvre de l’école de Bologne. À San Petronio, Giovanni Paolo Colonna (1637-1695), puis Giacomo Antonio Perti (1661-1756) succédèrent à Cazzati. À cette époque, Bologne comptait un grand nombre d’académies, dont la plus importante était l’Accademia dei Filarmonici, fondée, en 1666, sur l’initiative de Colonna. Mozart devait y appartenir plus tard. Parmi les élèves de Perti, on trouve Giuseppe Torelli (1658-1709), Giuseppe Jacchini ( ?-1727) et le padre Martini (1706-1784). À l’Accademia dei Filarmonici, on rencontre, outre Torelli et Martini, Giovanni Battista Bassani, les Bononcini, Arcangelo Corelli. À l’intense vie musicale de Bologne sont également associés Giuseppe Felice Tosi et Domenico Gabrielli. Formé à Bologne, Corelli (1653-1713) poursuivit sa carrière à Rome. De Bologne, il hérita l’assurance avec laquelle il écrivit pour le violon et le talent avec lequel, dans ses concertos, il établit le contraste entre mouvements mélodiques et mouvements en contrepoint. Demeuré à Bologne et, depuis 1686, attaché à San Petronio, Torelli continua à cultiver le style du concerto et fixa la forme tripartite qui allait demeurer longtemps en vigueur : allegro-adagio-allegro. À sa mort, le centre de la création violonistique italienne se déplaça de Bologne à Venise. Cependant, le padre Martini continua d’attirer dans sa ville, durant tout le XVIIIe siècle, des disciples venus des quatre coins de l’Europe. BOMBARDE. 1. Instrument à vent en bois, de la famille du hautbois, en usage essentiellement du XVe au XVIIe siècle. Munie d’une anche double large et courte, d’un pavillon très ouvert et souvent d’une clé, elle existe en plusieurs tailles, correspondant à des tessitures différentes, et produit des sons d’une justesse approximative, mais d’une rare puissance. Le modèle aigu percé de sept trous s’est maintenu en Bretagne comme instrument folklorique. 2. Jeu d’orgue à anche, du type trompette, dont le tuyau est de forme conique régulière et de grande longueur, à grosse taille, fabriqué en étain ou en bois. Il sonne à l’octave grave de la trompette (16 pieds) ou à la double octave (32 pieds), prenant alors parfois le nom de contre-bombarde ou de bombardon. La bombarde est associée à la trompette et au clairon pour constituer une batterie d’anches complète, utilisée dans les tutti de l’instrument. On trouve la bombarde au pédalier, pour soutenir les basses, ou aux claviers manuels, soit au grand-orgue, soit, dans les grands instruments, à un clavier spécialement consacré à la batterie d’anches et prenant alors le nom de clavier de bombarde. BOMBARDON. Nom donné à la basse de la famille des bombardes en Allemagne et en Italie, aux XVIe et XVIIe siècles. Le terme bombardone était employé en Allemagne au XIXe siècle pour désigner un instrument grave, en cuivre et à vent, semblable à ce que nous appelons en France ophicléide. Enfin, bombardon est devenu le nom familier et général des instruments de cuivre de la tessiture la plus grave (saxhorn, contrebasse, tuba). BOMTEMPO (João Domingos), pianiste et compositeur portugais (Lisbonne, baptisé en 1775 - id. 1842). C’était l’un des dix enfants d’un musicien italien au service du roi Joseph. Il étudia le hautbois, le contrepoint et le piano, et devint premier hautbois de l’Orchestre royal (1795). En 1801, il partit à Paris pour s’y perfectionner ; jusqu’alors, les musiciens portugais se rendaient en Italie. En 1802, il rencontra dans la capitale française Muzio Clementi et son élève John Field ; le nouveau style pianistique de Clementi l’influença. À partir de 1804, plusieurs concerts établirent, à Paris, sa renommée de pianiste et compositeur ; il fit publier chez Leduc ses premières oeuvres. En 1810, après la création de sa 1re symphonie (1809), il se rendit à Londres, où Clementi publia, dans sa propre maison d’édition, plusieurs de ses partitions. En 1814, il regagna son pays natal, mais fit encore plusieurs séjours à Paris et à Londres, avant de s’installer définitivement à Lisbonne, en 1820. À son initiative naquit, en 1822, une société philharmonique, qui, par ses concerts, allait beaucoup contribuer, jusqu’en 1828, à l’évolution du goût des mélomanes portugais. En 1833, à la création du conservatoire de Lisbonne, Bomtempo en fut nommé directeur. Il finit sa vie entouré de respect. Son activité de pianiste, compositeur, pédagogue et organisateur alla à l’en- contre de la prépondérance du style italien et fit place à la musique instrumentale face à l’opéra. Le modernisme de son écriture pour le piano contribua à définir la technique de cet instrument alors en pleine évolution. Outre ses nombreuses compositions pianistiques, Bomtempo a écrit de la musique symphonique et concertante, des cantates et oeuvres religieuses, et de la musique de chambre. BONCI (Alessandro), ténor italien (Cesena, province de Forli, 1870 - Viserba, près de Rimini, 1940). Il débuta à Parme, en 1896, dans le rôle de Fenton de Falstaff de Verdi, acquit rapidement une notoriété internationale et fut engagé dans le monde entier. Sa carrière se poursuivit jusqu’en 1927. C’était un ténor lyrique à la voix limpide, émise avec une égalité parfaite. Son style raffiné, son art de « miniaturiste » (R. Celletti) firent de lui, avec Mattia Battistini, un des derniers représentants de la tradition du bel canto downloadModeText.vue.download 114 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 108 au début du XIXe siècle. Alessandro Bonci brilla particulièrement dans les oeuvres de Bellini et de Donizetti. BONDEDIVERS (Emmanuel), compositeur français (Rouen 1898 - Paris 1987). Fils du sacristain de l’église Saint-Gervais de Rouen, il commença, fort jeune, ses études musicales avec l’organiste Louis Haut. Orphelin à seize ans, il fut nommé organiste de Saint-Nicaise, travailla avec Jules Haelling, organiste de la cathédrale, puis, après la guerre, à Paris avec Jean Déré. Il écrivit trois pièces pour piano, les Illuminations, qu’il orchestra ; l’un de ces trois poèmes symphoniques, le Bal des pendus, fut joué sous la direction d’Albert Wolff aux Concerts Lamoureux. En 1934, il entra à la station de radio de la tour Eiffel et devint secrétaire général de la Radiodiffusion française, en 1938 ; il s’efforça de faire jouer les compositeurs français contemporains et participa à la création des dix premiers orchestres radiophoniques régionaux. Il fut aussi l’un des fondateurs du groupe le Triton. En 1935, son École des maris fut créée à l’OpéraComique. Directeur artistique de Radio Monte-Carlo (1945), directeur de l’OpéraComique (1949), où l’on créa sa Madame Bovary en 1951, il fut nommé directeur de l’Opéra en 1952, puis directeur de la musique de la Réunion des théâtres lyriques nationaux en 1959. Membre de l’lnstitut depuis 1959, il est, à partir de 1964, secrétaire perpétuel de l’Académie des beauxarts. Son opéra Antoine et Cléopâtre a été créé au théâtre des Arts de Rouen en 1974. Ses trois oeuvres pour le théâtre constituent l’essentiel de la production d’Emmanuel Bondeville. Ce sont des partitions vivantes, d’une écriture variée, d’une orchestration habile, d’une inspiration lyrique parfois brûlante. Bondeville a aussi écrit des pièces symphoniques, des motets et des mélodies. BONDON (Jacques), compositeur français (Boulbon, Bouches-du-Rhône, 1927). Il a fait ses études à l’école César-Franck, puis avec Charles Koechlin et au Conservatoire de Paris avec Jean Rivier et Darius Milhaud. Il a obtenu, en 1963, le grand prix musical du conseil général de la Seine pour l’ensemble de son oeuvre. Même si les influences de Milhaud et de Bartók sont perceptibles, Bondon apparaît comme un musicien libre et indépendant. Le fantastique et la science-fiction ont inspiré plusieurs de ses oeuvres. Bondon a écrit de la musique symphonique, de la musique de chambre (dont deux partitions remarquables : quatuor à cordes, 1958, et Giocoso pour violon et orchestre à cordes, 1960), de la musique vocale (dont le Pain de serpent pour voix et 14 instruments, 1959), de nombreuses musiques de films, les opéras Mélusine au Rocher (Luxembourg, 1969), Ana et l’albatros (Metz, 1970) et i. 330 (Nantes, 1975), l’oratorio le Chemin de Croix (1989). BONGO. Instrument à percussion cubain, de la famille des « peaux ». Le petit fût cylindrique du bongo, fait de planchettes juxtaposées à la manière des douves d’un tonneau, est fermé à la partie supérieure par une peau, dont la tension est réglable. Les bongos vont par paire, posée sur les genoux ou fixée sur pied, et se jouent soit à mains nues, soit avec des baguettes de tambour. BONI (Guillaume), compositeur français (Saint-Flour v. 1515 - Toulouse 1594). Il vécut dans l’entourage humaniste du cardinal Georges d’Armagnac, qu’il accompagna dans ses ambassades à Venise et à Rome. Celui-ci, devenu archevêque de Toulouse, lui confia la maîtrise de la cathédrale. Boni composa pour ce choeur deux volumes de motets à 5 et 7 voix, et d’autres pièces religieuses témoignant de l’influence de la musique italienne qu’il entendit au cours de ses voyages. Il écrivit aussi des chansons profanes sur des vers de Ronsard et de Pibrac (Sonetz de P. de Ronsard à 4 voix, Paris, 1576 ; les Quatrains du Sieur de Pibrac, de 3 à 6 voix, Paris, 1582 ; 2e livre, 1579). BONNET (Joseph), organiste et compositeur français (Bordeaux 1884 - SaintLuce, Canada, 1944). Élève de son père - lui-même organiste à Bordeaux (église Sainte-Eulalie), puis à Paris -, de Vierne, de Tournemire et de Guilmant, il fut nommé organiste de Saint-Eustache en 1906, poste qu’il occupa jusqu’à sa mort, tout en effectuant des tournées internationales, principalement en Amérique. Il a écrit pour son instrument et publié des éditions d’oeuvres classiques, notamment des Fiori musicali de Frescobaldi. Il s’est imposé par la pureté de son style d’exécution et par la réflexion qui présidait à ses interprétations. BONNET (Pierre), compositeur français (fin XVIe s.). On ignore pratiquement tout de son existence sinon qu’il naquit dans le Limousin et qu’il fréquenta la cour du roi Henri III jusqu’en 1586, année où il entra au service de Georges de Villequier, gouverneur de la haute et de la basse Marche. Il a laissé des airs et des villanelles à 4 et 5 voix (1er Livre d’airs, Paris, 1585 ; Airs et villanelles, Paris, 1600 et 1610). Comme les airs de Jean Planson, ceux de Pierre Bonnet, fort beaux, mettent l’accent sur l’importance mélodique de la partie supérieure et appartiennent à la première période de l’air de cour. Ses chansons s’inspirent parfois de la musique mesurée à l’antique, et leur écriture verticale contribue à la compréhension des paroles. Souvent, elles prennent la forme d’un dialogue (ex. : Francion vint l’autre jour, à 5 voix). BONNO (Giuseppe), compositeur autrichien d’origine italienne (Vienne 1710 id. 1788). Auteur surtout d’ouvrages religieux et d’opéras, il succéda en 1774 à Florian Gassmann au poste de maître de chapelle impérial et eut lui-même comme successeur Salieri. BONONCINI, famille de musiciens italiens. Giovanni Maria, violoniste et compositeur (Montecorone, près de Modène, 1642 - Modène 1678). Il fut probablement l’élève de Marco Uccellini et étudia la théorie et le contrepoint avec A. Bendinelli. Membre de l’Accademia Filarmonica de Bologne, il fut nommé, en 1671, violoniste à la chapelle de la cathédrale de Modène, puis, à partir de 1673, maître de chapelle. G. M. Bononcini fut le représentant le plus important de l’école instrumentale de Modène à la fin du XVIIe siècle. Il marqua de son talent la sonate d’église et la sonate de chambre, refusant toute virtuosité purement instrumentale, si ce n’est dans les Arie, correnti e sarabande op. 4, pièces écrites pour lui-même et son protecteur Obizzo Guidoni. Ses sonates de chambre représentèrent la dernière étape de l’évolution aboutissant, en 1685, à l’opus 2 de Corelli. Quelques-uns de ses recueils de musique instrumentale portent de jolis titres comme son opus 1 : I primi frutti del giardino musicale pour 2 violons et continuo (1666). Giovanni, parfois appelé, à tort, Giovanni Battista, compositeur (Modène 1670 - Vienne v. 1755). Fils du précédent, il fut l’élève de son père, de G. P. Colonna, à Bologne, et étudia le violoncelle avec G. Buoni. Il publia à Bologne, dès l’âge de quinze ans, Trattenimenti da camera op. 1. En 1687, il entra à la chapelle San Petronio de Bologne comme violoncelliste, puis à l’Accademia Filarmonica, avant de devenir maître de chapelle de San Giovanni in Monte. De 1689 à 1696, il se trouva à Rome au service du cardinal Pamphili. Après un bref séjour à Venise, il se rendit à Vienne où il fut nommé, en 1700, compositeur de la cour de Léopold Ier. Il séjourna en- suite à Berlin, à Milan, à Londres (1716), à Rome (1719) et, en 1720, de nouveau à Londres où il devint le rival de Haendel en tant que compositeur d’opéras italiens (l’Odio e l’Amore, 1721 ; Crispo et Griselda, 1722 ; Erminia et Farnace, 1723 ; Calfurnia, 1724 ; Astianatte, 1727). Accusé de plagiat, downloadModeText.vue.download 115 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 109 mêlé aux querelles entre prime donne (la Bordoni et la Cuzzoni), il dut quitter la capitale anglaise malgré la protection du duc de Marlborough. Après des séjours à Paris et à Lisbonne, il mourut dans la misère à Vienne. Son oeuvre, distinguée et de grande qualité, comprend des concertos, des sinfonie, des pièces de clavecin et des sonates, des cantates, des duos, une vingtaine de sérénades, environ 27 opéras (quelquesuns sont peut-être d’Antonio Maria, son frère), des oeuvres religieuses (messes, motets, Te Deum, Anthem funèbre pour John, duc de Marlborough) et 7 oratorios dont La Conversione di Maddalena et Ezechia. Antonio Maria, compositeur, parfois appelé, à tort, Marc’Antonio (Modène 1677 - id. 1726). Fils de Giovanni Maria et frère du précédent, élève de son père et, peut-être, de G. P. Colonna, il remporta un premier grand succès avec l’opéra Il Trionfo di Camilla, représenté à Naples en 1696. En 1702, il séjourna à Berlin avec son frère Giovanni ; puis il le retrouva à Vienne, où il fit jouer un grand nombre d’opéras et d’oratorios de 1704 à 1711. Il séjourna à Rome (1714), à Milan (1715), avant de regagner Modène (1716), où il fut chef d’orchestre aux théâtres Molza (1716-1721) et Rangoni (1720) et maître de chapelle à la cour du duc Rinaldo d’Este, de 1721 à sa mort. Antonio Maria a laissé des opéras, des oratorios, un Stabat Mater et une messe. Sa musique sacrée est d’une grande beauté. Certains opéras sont d’authenticité douteuse ; peut-être sont-ils confondus avec ceux de son frère Giovanni. Giovanni Maria, dit Angelo, violoncelliste (Modène 1678 - ?). Demi-frère d’An- tonio Maria et de Giovanni, il fut violoncelliste à la chapelle de la cathédrale de Modène. BONPORTI (Francesco Antonio), compositeur italien (Trente 1672 - Padoue 1749). Il étudia à Innsbruck et à Rome, peut-être auprès de Corelli, obtint un bénéfice à la cathédrale de sa ville natale, puis vécut à Padoue, à partir de 1740. « Gentiluomo di Trento », il fut ordonné prêtre et montra, mais en vain, encore plus d’ambition dans sa carrière ecclésiastique que dans sa carrière musicale. De ses douze recueils publiés (l’opus 1 en 1696 et l’opus 12 après 1745), tous sont profanes sauf l’opus 3. Les opus 8 et 9 ont disparu. Ces recueils ne regroupent pas six ou douze ouvrages chacun, comme d’usage à l’époque, mais dix. Bonporti a surtout cultivé le style da camera (sonates en trio). De ses Invenzioni a violine solo op. 10 (1712), quatre (nos 2 et 5 à 7) ont été copiées par J.-S. Bach et même publiées sous son nom. BONTEMPI (Giovanni Andrea Angelini, dit), compositeur, chanteur et théoricien italien (Pérouse v. 1624 - id. 1705). Chantre à Saint-Marc de Venise dès 1643, il se rendit à Dresde en 1650 où il devint vice-maître de chapelle sous l’autorité de Schütz. L’architecture, les sciences physiques tenaient une grande place dans sa vie, et il fut également à partir de 1650 ingénieur des machines du théâtre de Dresde. Il faut citer ses opéras Il Paride (1662), le premier opéra italien représenté en Allemagne du Nord (Dresde), et Dafne (1671). C’est à Schütz qu’il dédia un ouvrage théorique : Nova quatuor vocibus componendi methodus (Dresde, 1660). BONYNGE (Richard), pianiste et chef d’orchestre australien (Sydney 1930). Après des études de piano dans sa ville natale, il se produit d’abord comme pianiste dans son pays, puis choisit d’aller travailler à Londres. Il débute comme chef d’orchestre à Rome en 1962 et se consacre alors essentiellement à la direction d’orchestre et à la musicologie, liant étroitement ces deux activités. Avec sa femme, la cantatrice Joan Sutherland, il fait connaître, au théâtre, au concert et par le disque, de nombreuses oeuvres oubliées du XVIIIe et du XIXe siècle, notamment, dans le répertoire italien du bel canto classique et romantique. Dans l’exécution des partitions qu’il fait revivre, comme dans celle d’oeuvres connues et consacrées, il cherche à restituer un mode d’exécution authentique, sur le plan du tempo, de l’effectif orchestral, du choix des types vocaux et du style de chant (ornementation, etc.). Ces recherches, aboutissant généralement à une interprétation plus « légère » que l’interprétation traditionnelle, ont touché non seulement l’opéra italien, mais certaines oeuvres françaises (Meyerbeer) et le Don Juan de Mozart. BOOSEY AND HAWKES. Maison d’édition musicale et fabrique d’instruments londonienne, issue de la fusion, en 1930, des firmes Boosey and Co. et Hawkes and Son. La maison Boosey datait de 1792 environ, la maison Hawkes de 1865. Depuis la dernière guerre, son activité s’est étendue à de nombreuses succursales étrangères (États-Unis, Canada, Afrique du Sud, Australie, France, Allemagne, etc.). Son important catalogue comprend des oeuvres de R. Strauss, Stravinski, Prokofiev, Britten, Martinºu, Offenbach, Smetana, Bartók, etc. Boosey and Hawkes a acquis en 1996 le fonds de la maison allemande Bote und Bock (fondée à Berlin en 1838). BORDES (Charles), compositeur français (Rochecorbon 1863 - Toulon 1909). Élève d’Antoine François Marmontel (piano) et de César Franck (composition), il devint maître de chapelle à Nogent-surMarne (1887), puis à Paris, à l’église SaintGervais (1890). Il mit sur pied une chorale, les chanteurs de Saint-Gervais, qui se spécialisa dans le répertoire polyphonique sacré et profane des XVe, XVIe et XVIIe s., et se produisit dans toute la France. Chargé d’une mission officielle au Pays basque (1889-90), il recueillit et publia une centaine de chansons populaires (Archives de la tradition basque). Fondateur, avec Vincent d’Indy et Alexandre Guilmant, de la Schola cantorum (1894), il en créa une filiale à Montpellier. Son intense activité d’animateur et de pionnier de la décentralisation artistique eut raison de ses forces, et il disparut brutalement, au cours d’une tournée, à quarante-six ans. Ses oeuvres, comprenant notamment des mélodies, sont peu nombreuses, mais son influence fut importante dans la connaissance de la musique de la Renaissance, dont il édita des anthologies, et de musiciens de l’époque classique comme Rameau ou Clérambault. BORDONI (Faustina), soprano italienne (Venise 1700 - id. 1781). Ses débuts à Venise, en 1716, dans l’Ariodante de Pollarolo, furent suivis d’immenses succès dans toute l’Italie, puis en Allemagne et à Vienne. En 1726, Haendel la recruta pour sa troupe d’opéra italien de Londres où elle continua de triompher. Mais une rivalité demeurée fameuse l’opposa à Francesca Cuzzoni, provoquant une division dans le public et des incidents graves. De retour en Italie, elle épousa, en 1730, le compositeur Johann Adolf Hasse. Leurs carrières furent dès lors parallèles, essentiellement partagées entre Dresde et l’Italie. Excellente actrice, Faustina Bordoni possédait un timbre mordant et une brillante technique de l’ornementation. BORG (Kim), basse finlandaise (Helsinki 1919). Il se destine à la chimie avant de se tourner vers le chant, qu’il étudie à l’Académie Sibelius (1947-48), puis à Stockholm (1948). Sa carrière internationale débute en 1951, lorsqu’il chante à Copenhague le rôle de Méphisto dans le Faust de Gounod. La même année, son interprétation du rôle de Colline dans la Bohème lui vaut des engagements aux États-Unis. En 1956, il chante à Glyndebourne le rôle-titre de Don Giovanni et la Kovantschina à l’Opéra d’État de Munich sous la direction de Frenc Fricsay. Paris le découvre dans une Neuvième Symphonie de Beethoven dirigée par Igor Markevitch et dans un récital de mélodies avec le pianiste Erik Werba, son accompagnateur depuis 1951. Son ample downloadModeText.vue.download 116 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 110 tessiture lui permet d’aborder aussi bien les rôles de basse que de baryton, et il accorde une grande importance au respect de la diction, quelle que soit la langue abordée. Il enseigne de 1972 à 1990 au Conservatoire royal de Copenhague, puis se retire à Humlebaek, près de cette dernière ville. Outre de nombreux rôles d’opéra et d’oratorio, il a enregistré notamment des lieder de Schubert et de Schumann, les Chants et danses de la mort de Moussorgski (dont il a orchestré lui-même la partie de piano) et des mélodies de ses compatriotes Sibelius et Kilpinen. BOŘKOVEC (Pavel), compositeur tchèque (Prague 1894 - id. 1972). Il prit d’abord des leçons particulières de composition avec Josef Bohuslav Foerster et Jaroslav Křička. De 1925 à 1927, il fut, au conservatoire de Prague, l’élève de Josef Suk, qui l’éveilla au postromantisme. Sous cette influence, il écrivit le poème symphonique Stmívání et sa 1re symphonie (1926-27). Après avoir sacrifié à la mode et s’être placé dans le sillage de Stravinski et Honegger, il évolua vers un style vigoureux, s’apparentant au Hindemith didactique, avec son concerto grosso (1941-42), son 2e concerto pour piano (1949-50) et ses deux derniers quatuors à cordes (1947 et 1961). Deux autres symphonies (1955 et 1959) témoignent de son goût pour la construction classique alliée à des recherches polytonales et fondée sur un solide métier de contrapontiste rythmique. De 1946 à 1964, il enseigna au conservatoire de Prague et forma une grande partie de l’école musicale tchèque actuelle. Il a laissé des oeuvres pour piano, 5 quatuors à cordes, des sonates, 3 symphonies, 4 concertos, le ballet Krysař (Le preneur de rats joue de la flûte, 1939), deux opéras, Satyr (le Satyre, 1937-38) et Paleček (Tom Pouce, 1945-1947), des mélodies, des choeurs, des madrigaux. BORODINE (Aleksandr Porfirievitch), compositeur russe (Saint-Pétersbourg 1833 - id. 1887). « Je suis un musicien du dimanche », affirma Borodine lui-même. De fait, la musique resta toujours une occupation secondaire pour ce fils naturel du prince Lucas Guedeanov, qui fit sa carrière comme professeur de chimie à l’Académie militaire de médecine. Peut-être cela explique-t-il le caractère restreint de sa production et la lenteur de son rythme de travail. Boro- dine reçut des leçons de flûte, violoncelle, hautbois et, surtout, des leçons de piano de sa mère. S’étant lié d’amitié avec Moussorgski et Balakirev, en 1862, il participa à la constitution du groupe des Cinq. Tout en partageant les idées fondamentales du groupe, il se montra moins hostile que ses condisciples à l’emprise germanique sur la musique russe. « Je suis moi-même, de nature, un lyrique et un symphoniste. Je suis attiré par les formes symphoniques. » Balakirev l’encouragea, d’ailleurs, dans cette voie de la musique pure (1re symphonie, 18621867). Liszt, qui considérait la musique russe comme le seul courant de vitalité depuis le Parsifal de Wagner, en fit l’éloge. La 2e symphonie (1869-1876), menée de pair avec le Prince Igor, reflète l’influence de cet opéra. Vraie symphonie héroïque russe, elle symbolise le rôle historique que Borodine a joué : une synthèse entre la Russie et l’Occident par un mélange des sources populaires et des formes classiques ou romantiques européennes. Malgré la lenteur avec laquelle cette oeuvre a été élaborée, l’inspiration en est d’une richesse et d’une aisance étonnantes et les mélodies naissent spontanément. N’a-t-on pas dit qu’il y a dans le Prince Igor la matière d’au moins cinq opéras ? Commencée en 1869, l’oeuvre demeura inachevée à sa mort et fut terminée par Rimski-Korsakov et Glazounov. Le compositeur crée deux univers différents, l’un russe - celui d’Igor -, avec ses thèmes francs et diatoniques, l’autre oriental - celui de Kontchak -, avec son chromatisme, par exemple les Danses polovtsiennes ou la cavatine de Kontchakovna. Il préfère les formes italiennes traditionnelles (revues par Glinka) au style récitatif de Moussorgski. Le souci de la ligne générale l’emporte sur les détails. La voix occupe la première place, l’orchestre la seconde. En 1880, Borodine contribua à fêter les vingt-cinq ans de règne d’Alexandre III avec Dans les steppes de l’Asie centrale, mais ses sentiments politiques étaient ambigus. Son libéralisme donna la clé d’un certain nombre de ses mélodies, telles que la Princesse endormie, Chanson dans la forêt sombre, la Mer, dont la vraie lecture est parabolique. L’écriture de Borodine souligne son attachement à la simplicité de la ligne mélodique, à la légèreté et à l’agilité du contrepoint, à la clarté d’une harmonie riche en modulations. Le 2e quatuor, la 2e symphonie, à l’orchestration singulièrement audacieuse, connaissent une juste célébrité. BORREL (Eugène), musicologue français (Libourne 1876 - Paris 1962). Élève de Vincent d’Indy, il fonda en 1909, avec Félix Raugel, la Société Haendel, dont l’activité fut grande entre 1909 et 1913. Borrel réédita des oeuvres de musique ancienne pour le violon, instrument dont il jouait lui-même et qu’il enseigna à la Schola cantorum. Ses recherches portèrent principalement sur les maîtres français des XVIIe et XVIIIe s., comme l’indiquent les titres de ses principaux écrits : l’Interprétation de la musique française de Lully à la Révolution (Paris, 1934 ; rééd. Paris, 1977) ; Jean-Baptiste Lully (Paris, 1949). BORTNIANSKI (Dimitri), compositeur ukrainien (Gloukhovo, Ukraine, 1751 Saint-Pétersbourg 1825). Choriste à la chapelle impériale, il travailla à Saint-Pétersbourg avec Baldassare Galuppi (1765-1768) et suivit ce dernier à Venise. Il se perfectionna aussi à Bologne avec le padre Martini, puis à Rome et à Naples. Il rentra en Russie en 1779, et fut nommé directeur de la chapelle impériale de Paul Ier en 1796. Il composa des oeuvres pour la scène, puis se consacra à la musique religieuse. Il préconisa une étude attentive des chants neumatiques des XIIe et XIIIe s., qui devaient, selon lui, « contribuer à la naissance d’un style nouveau, d’une école foncièrement russe ». C’était là un langage neuf, qui annonçait étrangement les théories de Glinka. Tchaïkovski étudia les partitions de Bortnianski et en dirigea la réédition. Les oeuvres vocales (mélodies religieuses à 3 ou 4 voix, psaumes orthodoxes, 35 concerts à 4 voix, 10 concerts pour 2 choeurs, une messe, etc.) remplissent 10 volumes et furent publiées, à Moscou, aux alentours de 1880. Bortnianski écrivit aussi 3 opéras - tous trois créés en Italie -, 4 opéras-comiques de style français, des sonates et une symphonie. BÖRTZ (Daniel), compositeur suédois (Hässelholm 1943). Élève de H. Rosenberg et de K.-B. Blomdahl, il effectue des voyages d’études en Allemagne, France, Italie et Hollande (musique électronique à Utrecht avec M. Koenig). Börtz se distingue par son intérêt pour les idées philosophiques nées de Hesse et de Kafka et pour les prolongements du mouvement musical né avec Mahler et Bruckner ; sa Kafka-Trilogi (1966-1968, 1968 et 1969), les opéras Landskab med flod (1972) tiré de Sid dharta de Hesse, et Baccgabterna (19881990), en témoignent talentueusement. BOSCHOT (Adolphe), musicologue et critique musical français (Fontenaysous-Bois 1871 - Neuilly-sur-Seine 1955). Il fut surtout le biographe minutieux et enthousiaste de Berlioz, mais on ne peut oublier ni ses livres sur Mozart ni ses traductions des livrets du même compositeur. Critique musical à l’Écho de Paris (1910-1938), Adolphe Boschot fut élu, en 1926, à l’Académie des beaux-arts et, succédant à Ch.-M. Widor, en devint le secrétaire perpétuel en 1937. Ses travaux sur Berlioz comprennent : l’Histoire d’un romantique, en 3 volumes, I.la Jeunesse d’un romantique ; II.Un romantique sous downloadModeText.vue.download 117 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 111 Louis-Philippe ; III.le Crépuscule d’un romantique (Paris, 1906-1912, rééd. Paris, 1946-1950) ; le Faust de Berlioz (Paris, 1910 ; rééd. Paris, 1945). BOSCOVITCH (Alexander), compositeur et chef d’orchestre israélien (Cluj, Roumanie, 1907 - Tel-Aviv 1964). Il fit ses études à l’Académie de musique de Vienne et à Paris avec Paul Dukas, Nadia Boulanger et Alfred Cortot. Il devint chef d’orchestre de l’Opéra de Cluj, fonda et dirigea un orchestre symphonique juif, l’Orchestre Goldmark. Invité en Palestine, en 1938, pour la première exécution de sa suite d’orchestre la Chaîne d’or, inspirée de mélodies juives d’Europe de l’Est, il s’installa dans le pays et devint un des pionniers de la musique israélienne par ses compositions (concerto pour vio- lon, 1942 ; concerto pour hautbois, 1943, rév. 1960 ; Suite sémite, 2 versions, piano ou orchestre, 1946) et par les articles qu’il publia. Vers la fin de sa vie, il se tourna vers la technique sérielle (Concerto da camera pour violon et 10 instruments, 1962 ; Ornements pour flûte et orchestre, 1964). Sa cantate Fille d’Israël (1960) témoigne de son intérêt pour les relations entre la musique et la langue hébraïque, et pour la mystique de la kabbale. BOSE (Hans-Jürgen von), compositeur allemand (Munich 1953). Il fait ses études au conservatoire (19691972) et à la Hochschule für Musik (19721975) de Francfort avec, notamment, Hans Ulrich Engelmann. On note dans la création de von Bose deux tendances, apparemment contradictoires. L’une, proche du modernisme, poursuit une démarche rationnelle qui enjoint au matériau musical une évolution prédéterminée ; on y rattache des oeuvres comme Labyrinth II pour piano (1987) et, surtout, le troisième Quatuor à cordes (1986-1987), où le compositeur s’appuie sur des fonctions logiques pour élaborer des structures complexes sur le plan rythmique et sur celui de l’intonation. L’autre tendance, plus proche du postmodernisme, vise un art « subjectif » qui touche immédiatement et de manière simple l’auditeur : opéra Traumpalast 63, créé à Munich en 1990, conglomérat de styles variés, d’allusions diverses ; ou Solo pour violoncelle, 1979, réplique ambitieuse à l’écriture polyphonique baroque. De son catalogue font partie aussi Morphogenesis pour orchestre (1975), Travesties in a Sad Landscape pour orchestre de chambre (1978), l’opéra Chimäre d’après Lorca (Aix-la-Chapelle, 1986), les « scènes lyriques » Die Leiden des jungen Werthers, d’après Goethe (1983-1984, créé à Schwetzingen en 1986), l’oeuvre liturgique... Im Wind gesprochen (1984-1985), Labyrinth I pour orchestre (1987), Seite Textos de Miguel Angel Bustos pour soprano, accordéon et violoncelle (1991). BÖSENDORFER, famille de facteurs de pianos autrichiens. Ignaz (Vienne 1796 - id. 1849) fonda, en 1828, la firme Bösendorfer, que dirigèrent plus tard son fils Ludwig (Vienne 1835 - id. 1919), puis les fils de celui-ci, Alexander et Wolfgang Hutterstrasser. Inaugurée en 1872 avec un récital de Hans von Bülow, la salle de concerts Bösendorfer demeure un haut lieu de la vie musicale viennoise. Les pianos Bösendorfer sont aujourd’hui parmi les instruments de concert les plus réputés. BOSKOWSKY (Willi), violoniste et chef d’orchestre autrichien (Vienne 1909 Visp, Suisse, 1991). Il a fait ses études à l’Académie de musique de Vienne où, à partir de 1935, il a enseigné le violon. Premier violon solo de l’Orchestre philharmonique de Vienne à partir de 1939, il a créé l’Octuor de Vienne, en 1948, et en a été également le premier violon. Puis il a fondé l’Ensemble Mozart de Vienne. En 1955, il a succédé à Clemens Krauss à la tête de l’Orchestre philharmonique pour les concerts du nouvel an. Depuis 1969, il dirige l’orchestre Johann Strauss de Vienne et fait des célèbres valses sa spécialité. BOSSINENSIS (Francesco), luthiste et arrangeur italien (début du XVIe s.). Son nom est lié aux premières transcriptions de frottole (pièces vocales à 4 voix) pour voix soliste et luth, publiées chez Ottaviano Petrucci, à Venise, en 2 volumes (1509, 1511), sous le titre Tenori e contrebassi intabulati col sopran in canto figurato per cantar e sonar lauto. Les compositions utilisées par Bossinensis étaient de la main de divers auteurs, dont, en particulier, Bartolomeo Tromboncino. Dans ses arrangements, Bossinensis les fit précéder de courtes pieces uniquement instrumentales (ricercari), destinées au luth. Les versions pour voix seule et luth de chansons à plusieurs voix, qui se répandirent alors un peu partout en Europe, ne peuvent encore être qualifiées de monodies accompagnées, car leur écriture demeurait dépendante de leur origine polyphonique. BOSSLER (Heinrich), éditeur allemand (Darmstadt 1744 - Gohlis, près de Leipzig, 1812). Il fonda sa maison d’édition en 1781 à Spire où, de 1788 à 1790, il fit paraître la revue Musikalische Realzeitung, puis la transféra en 1792 à Darmstadt et en 1799 à Gohlis. À sa mort, son fils Friedrich lui succéda, mais la firme cessa ses activités en 1828. Chez Bossler à Spire parurent notamment en 1783 les trois sonates WoO 47 de Beethoven dédiées au prince-électeur Maximilian Friedrich de Cologne. BOSTON (vie musicale à). Dès les premiers temps de la colonisation, Boston connut une activité musicale importante. À la fin du XVIIe s., on y trouvait déjà un magasin de musique, des professeurs et des théoriciens. La plus ancienne référence à un public de concert et de théâtre date de 1731. La vie musicale y prit un essor considérable au XIXe s. Une école de chant fondée en 1815, la Haendel and Haydn Society, devint célèbre pour l’étude des grands maîtres européens. Des ensembles vocaux et instrumentaux, des orchestres amateurs ou semi-professionnels, des journaux et des éditeurs de musique, des sociétés de concert se constituèrent. Le premier festival de musique des États-Unis eut lieu à Boston, en 1858. En 1867, deux ans après celui d’Oberlin (Ohio), qui avait été le premier du pays, naquit un autre conservatoire, le New England Conservatory. Une troupe d’opéra apparut en 1879, mais le premier théâtre d’opéra n’ouvrit ses portes qu’en 1909. C’est surtout à son Orchestre symphonique que Boston doit, depuis près d’un siècle, son renom musical. Fondé par Henry Lee Higginson en 1881, cet orchestre n’a jamais cessé d’être constitué de quelques-uns des meilleurs instrumentistes d’Europe et d’Amérique. À sa tête se sont succédé George Henschel, Wilhelm Gericke, Arthur Nikisch, Emil Paur, Karl Muck, Henri Rabaud, Pierre Monteux, Serge Koussevitski, Erich Leinsdorf et, depuis 1974, Seiji Ozawa. Depuis Koussevitski, l’Orchestre symphonique de Boston favorise la création en passant des commandes à des compositeurs. On ne saurait oublier, d’autre part, le Boston Pops Orchestra, longtemps dirigé par Arthur Fiedler, qui, sur une esplanade spécialement aménagée, donne, pour des foules énormes, des concerts essentiellement consacrés à des oeuvres populaires. BOTE UND BOCK. Maison d’édition fondée à Berlin en 1838, et qui, depuis 1945, se consacre très largement à la musique contemporaine. Elle a été rachetée en 1996 par Boosey and Hawkes. BOTSTIBER (Hugo), musicologue autrichien (Vienne 1875 - Shrewsbury, Angleterre, 1941). Élève de Guido Adler, il occupa jusqu’en 1938 d’importants postes musicaux et administratifs à Vienne, et, en 1927, mena à terme la grande biographie de Haydn de Carl Ferdinand Pohl, laissée inachevée par la mort de ce dernier en 1887. downloadModeText.vue.download 118 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 112 BOTTESINI (Giovanni), contrebassiste, compositeur et chef d’orchestre italien (Crema 1821 - Parme 1889). Il apprit d’abord le violon, puis entra au conservatoire de Milan, où la seule place vacante fut dans la classe de contrebasse. Ce Paganini de la contrebasse dut donc sa carrière de virtuose au hasard. Il débuta dans des orchestres italiens, mais Verdi lui conseilla de tenter une carrière de soliste. Bottesini voyagea beaucoup (La Havane, Londres, Paris, Palerme, Barcelone). Directeur de l’orchestre du Théâtre-Italien à Paris (1855-1857), il fut nommé, en 1871, directeur du Lyceum Theatre de Londres et, à la demande de Verdi, dirigea la première d’Aïda au Caire. Il fut ensuite directeur du conservatoire de Parme, jusqu’à sa mort. Bottesini a promu son instrument à un rôle de soliste et sa Grande Méthode complète de contrebasse a fait date. Il a composé 4 opéras, dont Ero e Leandro (1879), et, surtout, un concerto, un Grand Duo concertant et une tarentelle pour la contrebasse. BOTTRIGARI (Ercole), théoricien et compositeur italien (Bologne 1531 - id. 1612). De famille riche et illustre, il travailla la composition avec Bartolommeo Spontone et écrivit quelques madrigaux dans sa jeunesse. Par la suite, il se consacra essentiellement à l’étude des lois scientifiques de la musique. Il fut conseiller d’État à Bologne (1551), puis, de 1575 à 1586, vécut à la cour de Ferrare, où il connut le Tasse et fréquenta les milieux humanistes. Il Desiderio, publié sous le pseudonyme de Alemanno Benelli (Venise, 1594), décrit la manière de faire de la musique dans les différentes Accademie : d’intéressantes descriptions y abondent ; on y trouve aussi une discussion concernant l’accord des instruments et leur classement. D’autres ouvrages théoriques de Bottrigari ont pour titres : Il Patricio (Bologne, 1593) et Il Melone secondo (Ferrare, 1602). BOUCHE. Ouverture latérale des tuyaux d’orgue dits, justement, « à bouche », pour les distinguer des tuyaux à anche. Cette bouche, qui s’ouvre horizontalement sur la partie aplatie du tuyau, comporte deux lèvres et une langue qui dirige l’air sous pression vers la lèvre supérieure, d’où l’effet vibratoire. Le principe est donc le même que celui du sifflet ou de la flûte à bec. On appelle également bouche le trou ovale qui constitue l’embouchure de la flûte traversière. BOUCHÉ (son). Tous les instruments de la famille des cuivres peuvent en principe recevoir une sourdine qui obture partiellement le pavillon. Ce cône d’aluminium ou de carton bouilli (parfois, l’instrumentiste plonge simplement sa main dans le pavillon) a pour effet non seulement d’assourdir le son de l’instrument, mais d’en modifier le timbre, surtout dans le cas de la trompette, qui, bouchée, revêt un tout autre caractère. Ce procédé est d’usage extrêmement fréquent dans le jazz. BOUCHE FERMÉE. Indication que l’on trouve dans la musique vocale et, plus particulièrement, chorale, et qui a pour but d’obtenir un effet quasi instrumental, le chant n’étant pas articulé. Cet effet sert souvent d’accompagnement : par exemple, une voix soliste peut chanter un texte sur un accompagnement à bouche fermée fourni par les choeurs. BOUCHERIT (Jules), violoniste et pédagogue (Morlaix 1877 - Paris 1962). Il commence le violon avec sa mère - qui enseigne également le piano - et entre en 1890 au Conservatoire, où il obtient son 1er prix deux ans plus tard. En 1894, il devient violon solo de l’Orchestre Colonne et entame une carrière internationale qui le mène à se produire avec Alfred Cortot ou Magda Taglieferro. Nommé professeur de violon au Conservatoire de Paris en 1920, il abandonne sa carrière de soliste pour se consacrer à l’enseignement, qu’il pratique également à l’École normale de musique ou au Conservatoire d’été de Fontainebleau. Michèle Auclair, Serge Blanc, Devy Erlih, Christian Ferras, Ivry Gitlis, Ginette Neveu et Manuel Rosenthal figurent parmi ses élèves. BOUCOURECHLIEV (André), compositeur français d’origine bulgare (Sofia 1925). Il a commencé ses études à l’Académie de musique de sa ville natale, puis est venu à Paris en 1949. À l’École normale de musique, il a étudié le piano avec Reine Gianoli et l’harmonie avec Georges Dandelot, avant d’enseigner lui-même le piano dans cet établissement, de 1952 à 1960. Il a aussi été l’élève de Walter Gieseking et travaillé, de 1957 à 1959, au studio de phonologie de Milan, où il rencontra Luciano Berio et Bruno Maderna et composa Texte I (195758). En 1960, il réalisa à l’O. R. T. F. une autre oeuvre électroacoustique, Texte II. Le contact avec les jeunes musiciens italiens, les cours de Darmstadt, les réflexions sur la musique sérielle (objet d’une enquête qu’il fit pour la revue Preuves), les rencontres avec Boris de Schloezer et avec Pierre Boulez furent d’importantes étapes dans son développement. Ses ouvrages répondent souvent à des pulsions de vie ou de mort. « Certaines oeuvres, dit-il, m’offrent le modèle de ma propre mort. Simple pressentiment peut-être, mais on ne peut nier que des pulsions s’exercent au moment de la création, qu’elles parlent à leur manière en déterminant un climat et certaines figures. L’oeuvre parle parfois plutôt que l’homme corporel. » Il écrivit Musique à trois pour flûte, clarinette et clavecin (1957), une Sonate pour piano (1959-60), Signes pour deux percussions, flûte et piano (1961). Son premier succès fut sans doute Grodek pour soprano, flûte et 3 percussions sur un texte de Georg Trakl (1963, création au Domaine musical). De 1966 date Musiques nocturnes pour piano, clarinette et harpe. Mais l’oeuvre qui attira définitivement l’attention sur lui fut Archipel I pour 2 pianos et percussion, une des réussites indéniables de la musique « aléatoire » (création au festival de Royan en 1967, version 2 pianos 1968). Suivirent Archipel II pour quatuor à cordes (Royan, 1969), Archipel III pour piano et 6 percussions (Paris, 1969), Archipel IV pour piano (Royan, 1970), et finalement Anarchipel pour 6 instruments concertants (harpe amplifiée, clavecin amplifié, orgue, piano et 2 percussions). À partir de cette dernière pièce, composée en 1970-71 et créée en 1972, on peut réaliser divers Archipels V pour chaque instrument seul (Archipel Vb pour clavecin, Archipel Vc pour orgue...). « Les partitions de la pièce sont comme de grandes cartes marines sur lesquelles les quatre interprètes sont amenés à choisir, à orienter, à concerter, à modifier sans cesse le cours de leur navigation, jamais deux fois la même entre les îles d’un archipel toujours nouveau à leurs regards. Dans ces eaux incertaines, ils ne vont cependant pas à la dérive : s’ils ne se voient ni n’échangent des signes de ralliement, ils s’écoutent, parfois s’appellent. Et c’est dans cette communion étroite, proprement musicale, de tous les instants, qu’ils tracent leur route imprévisible, mais partagée. La moindre décision de l’un engage totalement celle de l’autre. C’est dire que cette dépendance, où ils exercent leur liberté de choix, exclut totalement toute idée de hasard » (Boucourechliev, à propos d’Archipel I). En 1970, Boucourechliev a donné Ombres, « Hommage à Beethoven » pour 11 instruments à cordes, et, en 1971, Tombeau « à la mémoire de Jean-Pierre Guézec » pour clarinette et percussion, ou piano. Suivirent Faces pour 2 orchestres avec 2 chefs (1971-72), Amers pour 19 instruments (1972-73), Thrène pour choeurs, récitants et bande magnétique (1973-74), Concerto pour piano (1974-75), et Six Études d’après Piranese pour piano (1975). Le Nom d’OEdipe, sur un livret de Hélène Cixous, a été créé en oratorio à RadioFrance le 27 mai 1978, et scéniquement à Avignon le 26 juillet 1978. En mai 1980 a été entendu Orion, pour orgue, en avril downloadModeText.vue.download 119 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 113 1981 Ulysse, pour flûte (s) et percussions et en 1983 Orion III pour piano. Suivirent en 1984 Nocturnes pour clarinette et piano, Lit de Neige pour soprano et 19 instrumentistes, Le Miroir, 7 répliques pour un opéra possible pour mezzo-soprano et orchestre (1987). En 1988 fut créé à Genève les Cheveux de Bérénice. Suivirent Quatuor à cordes no 2 (1991), Quatuor-Miroir II (1992), Trois Fragments de MichelAnge pour soprano, flûte et piano (1995). Grand prix musical de la Ville de Paris en 1976, Boucourechliev enseigne depuis cette même année à l’université d’Aix-enProvence. Il exerce également une activité de critique. Parmi ses travaux de musicographe, des livres sur Schumann (1956), Beethoven (1963) et Igor Stravinski (1982), un Essai sur Beethoven (1991), le Langage musical (1993). BOUÉ (Georgette, dite Géorï), soprano française (Toulouse 1914). Après des études et des débuts à Toulouse, elle se perfectionna à Paris. Elle débuta à l’Opéra-Comique, en 1939, dans le rôle de Mimi de la Bohème de Puccini et à l’Opéra, en 1942, dans celui de Marguerite de Faust de Gounod. Elle fit une superbe carrière en France et fut invitée sur de grandes scènes étrangères. Sa voix limpide, capable de charme et de brio, était d’un type caratéristique de l’école française de chant, et elle faisait merveille dans de grands rôles du répertoire français : Marguerite, Mireille dans l’opéra de Gounod, Thaïs dans l’opéra de Massenet. Elle fut aussi une interprète célèbre du duc de Reichstadt dans l’Aiglon d’Ibert et de Honegger, et de Desdémone dans Othello de Verdi. Plus tard dans sa carrière, elle fit d’intéressantes incursions dans l’opéra contemporain (Colombe de Damase, le Fou et les Adieux de Landowski). BOUFFE (ital., opera buffa, « opéra bouffe »). Adjectif que l’on attribue à un genre de spectacle particulièrement comique. En France, au XIXe s., on qualifia de « bouffe » le chanteur (basse bouffe, etc.), la troupe, le théâtre (les Bouffes-Parisiens, créé par Offenbach) qui se consacraient à ce genre. BOUFFONS (querelle des). Querelle français débuta à tations, Servante entre les partisans de l’opéra et ceux de l’opéra italien, qui Paris en 1752, lors de représenpar la troupe des Bouffons, de la maîtresse de Pergolèse. J.-J. Rousseau, parmi les admirateurs de l’ouvrage italien, profita du succès de celui-ci pour critiquer, dans sa Lettre sur la musique française (1753), l’opéra français, illustré alors par Rameau : le récitatif n’avait pas le naturel de celui d’outre-monts, les choeurs manquaient de simplicité avec leur écriture contrapuntique, l’harmonie et l’orchestre étaient trop riches ; la langue française était jugée incompatible avec la musique. Aux attaques du coin de la reine dirigé par Rousseau, le coin du roi riposta : les spectacles des Bouffons ne comportaient que des airs et ne pouvaient rivaliser avec les grandes tragédies lyriques. La « guerre » devint aussi bien littéraire que musicale : on ridiculisait le merveilleux dans l’opéra français, tandis que l’on appréciait les personnages réalistes et de condition modeste que les intermèdes italiens mettaient en scène. La querelle des Bouffons s’inscrit, ainsi, dans ce mouvement en faveur de la « nature », qui a bouleversé la pensée européenne au milieu du XVIIIe siècle. BOUKOFF (Youri), pianiste bulgare naturalisé français (Sofia 1923). Il manifeste très tôt des dons exceptionnels et étudie au Conservatoire de Sofia, tout en poursuivant ses études secondaires au collège allemand de cette ville. En 1938, il donne son premier récital et en 1946 il reçoit le 1er Prix du Concours national de Bulgarie. Doté d’une bourse d’études pour la France, il entre dans la classe d’Yves Nat au Conservatoire de Paris, où il obtient l’année suivante le 1er Prix, premier nommé. Il se perfectionne ensuite auprès de Georges Enesco, Marguerite Long et suit les cours d’Edwin Fischer à Lucerne. De 1947 à 1952, il est lauréat de plusieurs concours internationaux (Marguerite Long en 1949 et Reine Élisabeth en 1952) et commence une brillante carrière en France et dans le monde. Sa triple culture, bulgare, allemande et française, fait de lui un artiste à la personnalité originale et riche, européen comme a pu l’être un Liszt. Il a réalisé le premier enregistrement intégral des sonates pour piano de Prokofiev. BOULANGER (Lili), femme compositeur française (Paris 1893 - Mézy, Yvelines, 1918). Ayant commencé ses études musicales avec sa soeur Nadia, elle signa sa première mélodie, la Lettre de mort, à onze ans et entra au Conservatoire en 1909. Elle y fut l’élève de Georges Caussade pour le contrepoint et de Paul Vidal pour la composition. Particulièrement douée et précoce, Lili Boulanger révéla très vite une sensibilité aiguë, une aptitude à atteindre le plus grand pathétique. Avec sa cantate Faust et Hélène, elle fut la première femme à obtenir le premier grand prix de Rome (1913). Mais la guerre l’empêcha de séjourner à la Villa Médicis autant qu’elle l’eût aimé ; de plus, elle souffrait déjà de la maladie qui devait l’emporter à vingt-cinq ans. Elle rentra à Paris et poursuivit sa carrière créatrice, se penchant avec prédilection sur des textes religieux ou funèbres. Son auteur préféré semble avoir été Maeterlinck ; elle mit plusieurs de ses poèmes en musique et commença, d’après sa Princesse Maleine, un opéra qui demeura inachevé. Elle se retira à Mézy et y composa sa dernière oeuvre, un Pie Jesu pour soprano, orgue, quatuor à cordes et harpe. Ainsi s’éteignit, si jeune, un talent fécond et d’une surprenante puissance. Le catalogue de Lili Boulanger comprend surtout de la musique vocale : des mélodies avec piano, Renouveau pour quatuor vocal et piano, des Psaumes (24 pour ténor, choeur et ensemble instrumental ; 129 pour choeur et orchestre ; 130 pour contralto, choeur et orchestre), la Vieille Prière bouddhique (1917) pour ténor, choeur et orchestre. On y trouve également des pièces pour piano, diverses oeuvres instrumentales dont une sonate pour violon et piano inachevée, de la musique symphonique (dont 2 poèmes symphoniques, Un matin de printemps et Un soir triste), la cantate Faust et Hélène et l’opéra la Princesse Maleine, demeuré inachevé. BOULANGER (Nadia), femme compositeur et pédagogue française (Paris 1887 - id. 1979). Dès son enfance, elle aima profondément la musique et se passionna toute sa vie pour son enseignement. Élève de Guilmant pour l’orgue et de Gabriel Fauré pour la composition au Conservatoire de Paris, elle obtint le second grand prix de Rome en 1908. Elle fut le guide affectueux de sa jeune soeur Lili. Elle devint assistante à la classe d’harmonie du Conservatoire de Paris (1909-1924), professeur à l’École normale de musique (1920-1939) et au conservatoire américain de Fontainebleau (1921-1939) où elle enseigna l’harmonie, le contrepoint, l’histoire de la musique. De 1940 à 1945, elle professa aux ÉtatsUnis et donna des concerts à la tête de l’Orchestre symphonique de Boston et de l’Orchestre philharmonique de New York. Nommée professeur à la classe d’accompagnement du Conservatoire de Paris en 1945, elle prit la direction du conservatoire américain de Fontainebleau en 1950. Il est impossible de citer tous les musiciens connus, venus du monde entier, qui furent, à leurs débuts, les élèves de cette pédagogue extraordinaire. Nadia Boulanger joua un rôle capital pour les rapports musicaux entre la France et les États-Unis. Elle eut toujours le souci de servir la cause des jeunes musiciens qu’elle estimait de valeur. Le rayonnement de son enseignement a éclipsé ses dons de compositeur, de pianiste et de chef d’orchestre. Elle composa peu, mais se dévoua à faire connaître, outre les oeuvres de sa soeur, celles des maîtres français de la Renaissance, celles de Bach, de Schütz. Elle a pardownloadModeText.vue.download 120 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 114 ticulièrement contribué à la redécouverte des madrigaux de Monteverdi qui, encore inconnus du grand public, furent enregistrés par un ensemble vocal et instrumental qu’elle dirigeait elle-même du clavier. En 1977, l’Académie des beaux-arts lui remit sa grande médaille d’or. Parmi ses nombreuses activités, elle fut également maître de chapelle du prince de Monaco. Ses oeuvres comprennent des pièces d’orgue, une Rhapsodie pour piano et orchestre, une cantate, Sirène, un cycle de mélodies écrit en collaboration avec Raoul Pugno, les Heures claires, et une oeuvre lyrique inédite, la Ville morte, d’après Gabriele D’Annunzio (également avec R. Pugno). BOULAY (Laurence), claveciniste française (Boulogne-sur-Seine 1925). Elle a étudié le clavecin, l’harmonie, le contrepoint au Conservatoire de Paris. Elle a soutenu une thèse sur l’interprétation de la musique française au XVIIIe s., et préparé de nombreuses éditions d’oeuvres de maîtres français des XVIIe et XVIIIe s. Elle est l’une des meilleures interprètes des oeuvres de François Couperin. Elle a enseigné à partir de 1968, au Conservatoire de Paris, la réalisation de la basse continue au clavecin. BOULEZ (Pierre), compositeur et chef d’orchestre français (Montbrison, Loire, 1925). Ce n’est qu’après avoir suivi la classe de mathématiques spéciales à Lyon que Boulez choisit de se consacrer à la musique et s’installa à Paris (1942). Il suivit, au Conservatoire, les cours d’Olivier Messiaen (premier prix d’harmonie en 1945), travailla le contrepoint avec Andrée Vaurabourg-Honegger et la méthode dodécaphonique avec René Leibowitz. Nommé directeur de la musique de scène de la Compagnie Renaud-Barrault (1946), il fonda, en 1954, sous ce patronage, les Concerts du Petit-Marigny, devenus, l’année suivante, le Domaine musical, dont le rôle fut capital dans la diffusion de la musique contemporaine en France - Boulez devait en céder la direction à Gilbert Amy en 1967. En 1958, cédant à l’invitation pressante de la station de radio du Südwestfunk de Baden-Baden et de son directeur, H. Strobel, Boulez se fixa à Baden-Baden. Son audience en Allemagne était, en effet, très grande, surtout depuis la création du Marteau sans maître (Baden-Baden, 1955), la première oeuvre à lui assurer un large public ; pendant ce temps, la France continuait de l’ignorer, du moins officiellement. Professeur d’analyse, de composition musicale et de direction d’orchestre à la Musikakademie de Bâle (1960-1966), il fut professeur invité à l’université Harvard en 1962-63, période où il rédigea son ouvrage théorique Penser la musique aujourd’hui. Son activité de chef d’orchestre s’intensifia et s’internationalisa : il créa Wozzeck à l’Opéra de Paris en 1963, donna des concerts avec l’orchestre de Cleveland, auprès duquel il exerça les fonctions de conseiller musical (1970-71), et fut chef principal de l’Orchestre symphonique de la BBC à Londres de 1971 à 1975 et directeur musical de l’Orchestre philharmonique de New York de 1971 à 1977. En 1976, dix ans après avoir dirigé Parsifal à Bayreuth à la demande de Wieland Wagner, il fut chargé d’y conduire, à l’occasion du centenaire du festival, l’Anneau du Nibelung, dans une mise en scène de Patrice Chéreau. Ce spectacle fut redonné sous sa direction jusqu’en 1980. Il a pris ses fonctions de directeur de l’I. R. C. A. M. à la fin de 1975, et a été nommé en 1976 professeur au Collège de France. « J’ai toujours pris Debussy pour modèle, j’ai toujours lu et analysé ses partitions. Avec Webern et Messiaen, c’est mon plus grand, mon permanent modèle. » Ainsi Pierre Boulez indique-til, en 1958, les références - reniées par la suite - de sa première étape créatrice. Il faudrait y ajouter, sur le plan rythmique, Stravinski (son étude Stravinski demeure analyse magistralement l’organisation rythmique du Sacre du printemps). De fait, le premier problème rencontré par le compositeur au lendemain de la guerre est celui de l’organisation rationnelle et totale de tous les paramètres du monde sonore. Ses premières oeuvres sont autant d’étapes dans la fertilisation de l’héritage des trois Viennois, Schönberg, Berg et Webern : Sonatine pour flûte et piano (1946), Première Sonate pour piano (1946), Deuxième Sonate pour piano (1947), Livre pour quatuor (1949) où Boulez propose un traitement sériel, outre des hauteurs, de tous les autres paramètres, pris successivement. La généralisation sérielle ne s’accomplit que dans Polyphonie X pour 18 instruments solistes (1951), un symbole graphique représentant le croisement de certaines structures, et dans le premier livre des Structures pour 2 pianos (1952). La série devint pour Boulez « un mode de pensée polyvalent, et non plus seulement une technique de vocabulaire », et s’élargit à la structure même de l’oeuvre engendrée. L’introduction de certaines possibilités de choix (réaction à un excès de contrainte) est, pour lui, une autre manière de poser des problèmes de forme dans un univers relatif, en perpétuelle variation, et d’esquisser de nouveaux rapports entre l’interprète et le compositeur. En réalité, avant les Klavierstücke (1956) de Stockhausen, Boulez souleva la question : choix et ordonnance des mouvements dans le Livre pour quatuor (1949), de certains parcours de la Troisième Sonate pour piano (1957) - tous néanmoins écrits, prévus et donc assumés par l’auteur (par ex., Formant no 3, Constellation-Miroir, imprimé en deux couleurs pour souligner la structure : vert, les points ; rouge, les blocs) - pour atteindre, en principe, une improvisation à deux par le biais des choix successifs et de l’interaction dans le second livre des Structures pour piano. Doubles pour orchestre (1957), devenu en 1964 Figures, Doubles, Prismes, remet en question l’organisation fixe de l’orchestre. Outre ses marges d’initiative dans la partie centrale, Éclat pour 15 instruments (1964), devenu en 1970 Éclat-Multiples, pose des problèmes d’interprétation des signes directionnels, tandis que, dans Domaines, pour clarinette et 21 instruments (1968), le clarinettiste, par ses déplacements, sollicite la réponse d’un des 7 groupes disposés en cercle et détermine ainsi la forme de l’oeuvre (la seconde partie étant un miroir de la première). D’autre part, Pierre Boulez a toujours été intéressé par les rapports du texte et de la musique. Après le Soleil des eaux (1948) et Visage nuptial (1951), c’est encore à René Char, qui représente une « concentration de langage », que Boulez s’adresse pour le Marteau sans maître (1954). Le texte et son contenu conditionnent la structure : 3 cycles très différenciés et s’interpénétrant autour d’un noyau, le poème (doublement présent dans le troisième), dont les deux autres pièces, instrumentales, constituent le développement, le commentaire. Le compositeur poursuit sa recherche avec les Deux Improvisations sur Mallarmé (1957), où il tente la « transmutation » de Mallarmé en musique, Poésie pour pouvoir (1958), un essai de spatialisation sans lendemain sur un texte d’Henri Michaux, puis Cummings ist der Dichter (1970), où le texte est seulement utilisé comme élément sémantique sonore. Le souci de la sonoristique est, en effet, porté à un haut degré chez Boulez. Il ne faut pas oublier son stage chez Pierre Schaeffer en 1952, où il réalisa Deux Études de musique concrète, même s’il n’avait alors vu dans la bande qu’un instrument de spéculation rythmique. Son goût pour le raffinement des timbres éclate dans le Marteau sans maître : c’est non seulement « du Webern qui sonne comme du Debussy » (H. Strobel), mais presque la création d’un univers sonore extrêmement oriental. Cette prédilection se perçoit aussi à travers les mélismes du Livre pour cordes (1968), recomposition de deux mouvements du Livre pour quatuor de 1948 ; les combinaisons de couleurs d’Éclat, la libération totale des sons dans Explosante-Fixe (1972-1974) ; et la grandeur hiératique de Rituel « In memoriam Maderna « (1974-1975). Depuis 1964, Boulez poursuit principalement son idée de « work in progress », d’oeuvre en devenir, c’est-à-dire downloadModeText.vue.download 121 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 115 d’une musique pouvant être développée, transformée à l’infini : une conception de l’oeuvre ouverte, mobile. Ainsi Pli selon pli intègre-t-il, dès 1960, les Deux Improvisations sur Mallarmé (1957) et ne trouve-t-il sa version définitive qu’en 1969. Ainsi Figures-Doubles-Prismes pour orchestre (1964) est-il un nouveau travail, très expressionniste, à partir de Doubles (1957), le Livre pour cordes (1968) un élargissement pour orchestre du Livre pour quatuor (1949), Multiples pour orchestre (1970) un développement d’Éclat pour 15 instruments (1964). Boulez donne donc une série de miroirs d’un premier état. Cette démarche est l’un des fondements de Répons pour ensemble instrumental, solistes et dispositif électro-acoustique (1981-1984...), oeuvre concrétisant un travail de plusieurs années à l’IRCAM et par laquelle, depuis Pli selon pli, Boulez a fait le plus sensation. En 1985 ont été créés Dialogue de l’ombre double pour clarinette et bande, en 1988 Dérive 2 pour 11 exécutants et en 1989 l’ultime version du Visage nuptial ainsi que Antiphonies pour piano et ensemble de chambre. Pour imposer la musique du XXe s. et ses conceptions personnelles, le compositeur a dû s’engager très tôt dans la polémique (Schönberg est mort, 1952), et bien des oeuvres ont été accompagnées d’une réflexion théorique (Son et verbe, 1958 ; Éventuellement, 1952). Relevés d’apprenti (1966) réunit des articles parus avant 1962. Penser la musique aujourd’hui (1963), condensé des cours de Darmstadt et de Bâle, est « une investigation méthodique de l’univers musical » et de sa tentative déductive de construire un système cohérent. Par volonté et par hasard (1975), Points de repère (1981) et Jalons pour une décennie (1989) actualisent cette réflexion. Une nouvelle édition de ses écrits a été lancée pour son 70ème anniversaire, inaugurée avec Points de repère I : Imaginer (1995). BOULIANE (Denys), compositeur canadien (Grand-Mère, Québec, 1955). Élève de Jacques Hétu et de Roger Bédard, chargé de cours pour l’harmonie, le contrepoint et l’instrumentation à l’université Laval de Québec de 1978 à 1980, il a également travaillé avec Ligeti à Hambourg (1980-1985). Il est actuellement directeur de l’Ensemble XXe Siècle de l’Orchestre symphonique de Québec et conseiller artistique du même orchestre, et enseigne depuis septembre 1995 la composition à l’université McGill de Montréal tout en résidant fréquemment à Cologne. On a parlé à son sujet de « musique du réalisme magique ». Il s’est imposé en 1982 avec Jeux de société pour quintette à vent et piano (1978-1980, rév. 1981), et parmi ses ouvrages, on peut citer Comme un silène entr’ouvert pour 7 instrumentistes et bande (2 versions, 1983-1985), À propos... et le Baron perché ? pour 10 instrumentistes (1985), Das Affenlied pour soprano solo d’après Gottfried Benn (en hommage à Ligeti, 1988), Une soirée Vian, méta-cabaret pour 8 musiciens (19901991), Concerto pour orchestre (Variations sans thème) pour orchestre (1988-1995). BOULT (sir Adrian), chef d’orchestre anglais (Chester 1889 - Farnham 1983). Ayant, pendant ses études à Oxford, décidé de devenir chef d’orchestre, il travailla à Leipzig avec Nikisch, puis, en 1918, débuta avec l’Orchestre philharmonique de Londres. Il enseigna la direction d’orchestre au Royal College of Music à partir de 1920. De 1930 à 1942, il assuma la responsabilité de toutes les émissions musicales de la BBC. Lorsque l’Orchestre symphonique de la BBC fut créé, en 1930, il en devint le premier chef et le resta jusqu’en 1950. Parmi les nombreux autres postes qu’il occupa, citons la direction de l’Orchestre philharmonique de Londres (1950-1957). Il a été anobli en 1937. Respecter les intentions de l’auteur, toujours conserver la clarté, donner à l’auditeur l’impression d’une absence d’effort, telles sont, d’après sir Adrian Boult, les conditions d’une interprétation idéale. Son vaste répertoire va de Bach et Haendel à ses compatriotes, Holst, Elgar, Vaughan Williams. BOUNINE (Revol), compositeur soviétique (Moscou 1924 - id. 1976). Élève de Chebaline et de Chostakovitch au conservatoire de Moscou, Bounine a voulu suivre l’évolution spirituelle de Chostakovitch, tentant de faire évoluer l’académisme miakovskien vers la simplicité épique, puis désespérée de Chostakovitch. Il a laissé 8 symphonies (19431970), des cycles vocaux sur des textes de Pouchkine, Nekrassov, Essenine, Petöfi, une Symphonie concertante pour violon et orchestre (1972), des concertos pour alto (1953) et pour piano (1963), des quatuors (no 1, 1943 ; no 2, 1956), un quintette avec piano (1946). BOUR (Ernest), chef d’orchestre français (Thionville 1913). Il a fait des études de piano, d’orgue et de théorie à Strasbourg et a été, pour la direction d’orchestre, l’élève de Fritz Munch et de Hermann Scherchen. Dès 1934, il organisa à Strasbourg, avec le chef et compositeur Frédéric Adam, des concerts de musique de chambre contemporaine. Dans les années 40 et 50, il occupa des postes pédagogiques et de chef d’orchestre à Mulhouse et à Strasbourg, et, en 1964, succéda à Hans Rosbaud comme chef de l’orchestre du Südwestfunk de BadenBaden, fonctions qu’il devait conserver jusqu’en 1979. À ce titre, il joua un rôle de premier plan dans la diffusion de la musique contemporaine et participa régulièrement au festival de Donaueschingen. Il a été l’invité d’honneur du festival de Royan en 1977, et, de 1976 à 1987, il a occupé les fonctions de chef invité permanent de l’Orchestre de chambre de la radio d’Hilversum. BOURDELOT (Pierre Michon, dit l’abbé), médecin et mélomane français (Sens 1610 - Paris 1685). Praticien réputé, il fut médecin du prince de Condé, puis, en 1642, obtint une des charges de médecin auprès de Louis XIII. Mélomane passionné, il amassa une multitude de documents et de renseignements afin d’écrire une Histoire de la musique. Il entreprit ce travail en collaboration avec son neveu Pierre Bonnet. Mais ce fut le frère de celui-ci, Jacques Bonnet, qui le termina et le fit paraître, en 1715, sous le titre Histoire de la musique et de ses effets depuis son origine jusqu’à présent... par M. Bourdelot (Paris, 1715 ; 2e éd., Amsterdam, 1725). Cet ouvrage de compilation, fort intéressant, contient de nombreuses inexactitudes. BOURDIN (Roger), flûtiste français (Mulhouse 1923 - Versailles 1976). Disciple de Jacques Chalande, Marcel Moyse et Fernand Caratgé, il fit ses études au conservatoire de Versailles (où il devint professeur en 1943) et au Conservatoire de Paris. À 17 ans, il obtint le poste de flûte solo aux Concerts Lamoureux. Il fonda un duo de flûte et harpe avec Annie Challan et un quatuor de flûtes avec Jean-Pierre Rampal, Pol Mule et M. Vigneron. De nombreuses oeuvres pour flûte lui sont dédiées. Il a composé Atlantide (1949) pour quatuor de flûtes, un ballet (Une certaine lady), des pièces pour flûte avec orgue et contrebasse (À la mémoire de Maurice Ravel, Votre concerto, Mr. Lully à la cour, etc.). BOURDIN (Roger), baryton français (Levallois 1900 - Paris 1974). Élève d’lsnardon et de Gresse au Conservatoire de Paris, il débuta à l’Opéra-Comique, en 1922, dans le rôle de Lescaut de Manon de Massenet. À l’Opéra de Paris, où il débuta en 1942, il fut notamment le créateur du rôle de Bolívar dans l’opéra de Milhaud (1950). Sa carrière internationale le conduisit notamment à Londres pour chanter le rôle de Pelléas en 1930. Il fut professeur au Conservatoire de Paris. Ce fut un artiste à la diction, au style et à la musicalité parfaits, et un excellent acteur. downloadModeText.vue.download 122 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 116 BOURDON. Grondement grave, note tenue, associée depuis le Moyen Âge à la notion d’accompagnement. Certains instruments populaires (cornemuse, vielle à roue) ont un système dit bourdon pour tenir une note grave. On appelle également bourdon l’avant-dernière corde grave du luth, de la basse de viole et, en Angleterre notamment, la voix grave qui soutient le chant improvisé des parties supérieures. Appliqué à l’orgue, ce terme désigne la famille de jeux de fonds, à tuyaux généralement en bois et de section carrée, ou plus rarement en métal. Bouché à son extrémité, le tuyau de bourdon sonne à l’octave grave de sa longueur réelle, avec un timbre particulièrement doux. C’est l’un des jeux de base de l’orgue, au pédalier comme à tous les claviers. Il sert à l’accompagnement du chant, mais aussi comme fondamental avec les jeux de détail, dans les ensembles de fonds et dans les pleins jeux. BOURGAULT-DUCOUDRAY (Louis Albert), compositeur français (Nantes 1840 - Vernouillet, Yvelines, 1910). Alors qu’il achevait ses études de droit à Nantes, il fit représenter au théâtre Graslin un petit opéra-comique, l’Atelier de Prague, dont le succès le décida à entrer au Conservatoire de Paris dans la classe d’Ambroise Thomas (1860). Grand Prix de Rome en 1862, il se lia, à la Villa Médicis, avec Massenet, Guiraud et Paladilhe. Revenu à Paris en 1868, il fonda l’année suivante une chorale avec laquelle il interpréta des oeuvres de Bach, des oratorios de Haendel et de Haydn. Envoyé en Grèce en mission officielle, pour recueillir des mélodies populaires, il en publia plusieurs recueils, puis se livra à des recherches semblables en Bretagne et en Écosse. Il fut professeur d’histoire de la musique au Conservatoire de Paris, de 1878 à 1908. Il composa des mélodies, des cantates, des pages symphoniques, dont plusieurs utilisent des thèmes et modes grecs d’origine très ancienne, et plusieurs ouvrages lyriques. BOURGEOIS (Jacques), critique musical français (Londres 1918). Il a débuté dans la critique musicale en collaborant aux revues Disques et ArtsSpectacles. Intéressé par toutes les formes de spectacle (le premier ouvrage qu’il a publié est une étude sur le cinéaste René Clair), il n’a pas tardé à se passionner pour le chant. L’essentiel de ses travaux, comme de ses activités, de présentateur radiophonique concerne l’opéra et l’art vocal. Il a été l’un des premiers à prôner le retour à l’école du bel canto. Il a été, de 1971 à 1981, directeur artistique du festival d’Orange. Il a écrit un Richard Wagner (Paris, 1959 ; rééd. 1976) et un Giuseppe Verdi (Paris, 1978). BOURGEOIS (Loys), compositeur français (Paris v. 1510-1561). Chantre à Saint-Pierre de Genève, où son nom apparaît dans les archives à partir de 1545, il resta à Genève jusqu’à la fin de 1552. Ce séjour détermina en grande partie la nature de son oeuvre. Il publia, en effet, à Lyon, en 1547, deux livres de psaumes à 4 parties ; un livre de 83 autres psaumes parut en 1554 et, selon Fétis, il en aurait publié 83 encore à Paris en 1561. Loys Bourgeois fut en grande partie responsable de la mise en musique du psautier huguenot. Il traita généralement les textes syllabiquement (une note = une syllabe). Bourgeois est également l’auteur d’un ouvrage didactique, le Droict Chemin de musique (Genève, 1550), et de quelques chansons profanes. BOURGOGNE (cour de). Au XVe siècle, à Dijon, capitale des ducs de Bourgogne, pendant les règnes de Philippe le Bon (1419-1467) et de son fils Charles le Téméraire (1467-1477), la musique ainsi que les autres arts tiennent une place très importante dans toutes les festivités, dont la nature nous est rapportée par Olivier de la Marche, qui, lui-même, y avait participé activement. Au service de cette cour, riche en couleurs et en manifestations somptueuses, un brillant groupe de musiciens, mis à part les oeuvres écrites pour la liturgie catholique, cultive la chanson dite « bourguignonne », généralement conçue à trois voix (G. Dufay, A. Busnois, G. Binchois, P. Fontaine, mais aussi l’Anglais R. Morton). Pour terminer la célèbre fête du faisan (1454), on donne le motet de Dufay (Lamentation Sanctae Matris Constantinopolitanae) avec comme cantus firmus un verset des Lamentations de Jérémie pour pleurer la chute de la ville en 1453 ( ! ÉCOLE FRANCO-FLAMANDE). BOURRÉE. Danse populaire française à deux ou trois temps, encore pratiquée dans le Berry et le Massif central. Adoptée par l’aristocratie, au début du XVIIe s., et devenue danse de cour, la bourrée a inspiré de nombreux musiciens qui l’ont fait figurer non seulement dans l’opéra-ballet, mais dans des suites (Bach, Haendel, etc.). Dans le vocabulaire de la danse académique, le « pas de bourrée » n’a que de lointains rapports avec l’original folklorique. BOUTRY (Roger), compositeur et chef d’orchestre français (Paris 1932). Entré au Conservatoire de Paris à onze ans, il y a fait des études traditionnelles et a été l’élève, notamment, de Tony Aubin (composition) et de Louis Fourestier (direction d’orchestre). Il a obtenu de nombreux prix, dont le grand prix de Rome en 1954, et a fait ses débuts de chef d’orchestre en 1955. Nommé professeur d’harmonie au Conservatoire de Paris en 1967, il est devenu en 1972 chef de la musique de la garde républicaine de Paris et a entrepris des tournées à travers le monde. Boutry a composé un oratorio, le Rosaire des joies (1957), de la musique symphonique et, bien entendu, de la musique d’harmonie ainsi que des pièces instrumentales. BOUTZKO (Iouri), compositeur russe (Loubny 1938). Élève de Bakassanian (composition) au conservatoire de Moscou, il devient, en 1968, assistant dans ce même conservatoire et se met à étudier les chants russes anciens, les éléments archaïsants d’un folklore d’origine paysanne ou religieuse. Il réussit, comme ses confrères Prigojine ou Slonimski, à se dégager des poncifs académiques en honneur à Moscou en utilisant des matériaux sonores empruntés à l’ancienne Russie, cependant qu’une prosodie extrêmement évoluée apparaît dans ses opéras, oratorios et cantates. Son oeuvre s’est imposée par le Journal d’un fou, opéra-monologue d’après Gogol (1964), les Nuits blanches, opéra d’après Dostoïevski (1968), Apocalypse, nouvelle chorégraphique (1973), l’Histoire de la révolte de Pougatchev (1968), 4 Chants russes anciens (1969), Concerto polyphonique pour 4 claviers (orgue, célesta, piano, clavecin, 1969), des mélodies, des sonates et un quatuor à cordes. BOUZIGNAC (Guillaume), compositeur français, originaire du Languedoc (fin du XVIe s. - apr. 1643). Il devint enfant de choeur à la cathédrale de Narbonne avant de diriger, en 1609, la maîtrise de la cathédrale de Grenoble. Il fut un temps au service de G. de la Chanlonye, juge-prévôt à Angoulême. Il semble qu’il ait été maître des enfants à Rodez et à Tours. Il travailla aussi pour le duc de Montmorency, gouverneur du Languedoc. En fait, nos connaissances biographiques à son sujet sont très fragmentaires. Ajoutons à cela qu’il n’a laissé aucune oeuvre imprimée ; mais les témoignages de ses compatriotes sont fort élogieux (Mersenne, Harmonie universelle, 1636 ; Gantez, l’Entretien des musiciens, 1641). La musique de Bouzignac n’est accessible que dans deux manuscrits, conservés l’un à la bibliothèque de Tours, l’autre à la Bibliothèque nationale. Ils contiennent trois messes à 2, 3 et 7 voix, des motets, des psaumes, des hymnes (4 à 7 voix) et quatre chansons françaises. Une soixantaine de motets, des messes et les chansons downloadModeText.vue.download 123 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 117 françaises se trouvent dans des éditions modernes. Bien que dix oeuvres seulement soient signées de la main de Bouzignac, on lui attribue généralement aujourd’hui la totalité des oeuvres du manuscrit de Tours (96 pièces) et une vingtaine parmi celles du manuscrit de Paris. À travers l’oeuvre de Bouzignac, nous pouvons observer la pénétration en France de l’influence italienne, puisque le compositeur écrit dans un style proche du madrigal dramatique de Marenzio ou de Vecchi et cherche à traduire en musique tous les mots du texte, utilisant au besoin des audaces harmoniques et mélodiques. Ses motets révèlent un élément de tension de caractère quasi théâtral dans l’alternance du choeur et du soliste ou le dialogue des deux choeurs. Par exemple, des scènes sacrées tirées de la vie du Christ, comme Unus ex vobis ou encore Ecce homo, ont certainement contribué à l’avènement de l’oratorio en France. Dans ce domaine, Bouzignac se présente comme le précurseur de Marc-Antoine Charpentier. BOWMAN (James), contre-ténor anglais (Oxford 1941). Choriste à la cathédrale d’Ely en 1960, il débute au sein des maîtrises d’Oxford, ce qui lui évite une formation académique. En 1966, Benjamin Britten l’engage dans son English Opera Group pour chanter Oberon dans le Songe d’une nuit d’été. C’est le début d’une longue complicité qui amène Britten à lui destiner son Canticle IV, Journey of the Magi (1971) et le rôle d’Apollon dans Mort à Venise (1973). Il inspire aussi The Ice Break à Michael Tippett en 1977. Réhabilitant la tessiture de contre-ténor dans la musique contemporaine, il participe aussi à la redécouverte du répertoire baroque : dès 1967, il chante avec David Munrow et le Early Music Consort of London. Il s’impose dans les oratorios de Haendel, dont Rinaldo, mis en scène par Pizzi en 1981 à Vérone et en 1985 au Châtelet. Il effectue de nombreuses tournées avec Christopher Hogwood et assure des master-classes depuis 1990. Après Alfred Deller, dont il n’est pourtant pas un disciple, il a largement contribué à redonner à la voix de contreténor un rôle désormais reconnu. BOYAU. Corde d’instrument à archet, faite avec la membrane médiane de l’intestin grêle du mouton. Les violons étaient autrefois entièrement montés en boyaux, chanterelle comprise. L’élévation progressive du diapason et la tension supplémentaire qui en résulte ont entraîné le remplacement de cette chanterelle par une corde d’acier moins fragile ; puis, pour des raisons de sonorité, le boyau de la corde la plus grave (sol) a été gainé d’une spirale de fil d’argent. Longtemps, le boyau nu est resté en usage pour les cordes intermédiaires de ré et de la, mais il tend à disparaître complètement au profit des cordes filées d’argent ou d’aluminium qui sonnent plus brillamment. Les autres instruments du quatuor ne sont pas épargnés par cette évolution. Cependant, le retour à une exécution fidèle de la musique baroque - s’accommodant d’une sonorité plus douce et jouée à un diapason plus bas d’environ un demi-ton que le diapason normal actuel - a entraîné récemment la remise en honneur du boyau, dans un usage spécialisé. BOYCE (William), compositeur et organiste anglais (Londres 1710 - id. 1779). Élève de Maurice Greene et de Johann Christoph Pepusch, il poursuivit ses études musicales malgré un début de surdité. Nommé, en 1736, compositeur de la chapelle royale, pour laquelle il composa de nombreux services et anthems, il reçut, l’année suivante, la charge des trois ensembles de Gloucester, Worcester et Hereford, connus sous le nom de Three Choirs. En 1755, il succéda à Greene comme maître de musique du roi. Mais, à partir de 1769, sa surdité empirant, il se retira à Kensington afin de se consacrer à son célèbre recueil de musique d’église Cathedral Music (3 vol., 1760-1778). Grâce à cette collection, le répertoire sacré de l’Église anglicane des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles put être en grande partie conservé. Si Boyce fut l’un des meilleurs compositeurs anglais du XVIIIe siècle, son oeuvre a souffert de la présence, en Angleterre, de la personnalité immense d’Haendel. Ses huit symphonies à 8 parties demeurent aujourd’hui des oeuvres originales et inspirées. Boyce composa également une soixantaine d’anthems, des services, des ouvertures, 12 sonates en trio, des pièces d’orgue et de clavecin, une cinquantaine d’odes, de la musique théâtrale, des airs, cantates, duos, contenus dans un recueil intitulé la Lyra britannica. BOYVIN (Jacques), organiste et compositeur français (Paris v. 1653 - Rouen 1706). Peut-être fut-il l’élève de Lebègue. En 1674, il fut nommé organiste à la cathédrale de Rouen et conserva cette charge jusqu’à sa mort. Après un incendie, son orgue fut magnifiquement reconstruit par Robert Clicquot et inauguré en 1689. Cette même année, Boyvin publia son premier Livre d’orgue, qui devait être suivi d’un second en 1700. Chacun de ces deux Livres contient des suites de six à dix pièces « dans les huit tons à l’usage ordinaire des églises ». Le premier est précédé d’un précieux Avis au public concernant le meslange des jeux de l’orgue, les mouvements, agréments et le toucher, et le second, d’un Traité abrégé de l’accompagnement pour l’orgue et le clavecin. Les suites font alterner pleins-jeux, dialogues, récits, basses, fugues, selon la meilleure tradition française. Outre un coloriste raffiné, Boyvin s’y montre un musicien expressif, qui manie avec délicatesse l’harmonie et le style fugué. Il est l’un des principaux jalons qui mènent de Titelouze à Grigny. BOZAY (Attilá), compositeur hongrois (Balatonfüzfö 1939). Il a fait ses études musicales à l’école de musique de Békéstarhos, puis à Budapest au Conservatoire Béla Bartók et à l’Académie Ferenc Liszt dans la classe de composition de Ferenc Farkas, d’où il est sorti en 1962. Nommé professeur de composition au conservatoire de Szeged (1962-63), il a été producteur à la radio hongroise (19631966), puis a séjourné à Paris grâce à une bourse de l’Unesco (1967). Depuis son retour en Hongrie, il s’est consacré exclusivement à la composition, remportant le prix Erkel en 1968. Influencé à la fois par Webern et Bartók, Attilá Bozay use soit d’une structure très stricte d’origine sérielle, soit d’une forme très souple fondée sur la dynamique et les jeux de timbre. Il semble vouloir retrouver l’esprit du verbunkos tout en se servant de techniques de permutation (séries de Fibonacci et de Seiber). Il s’est imposé sur la scène internationale à côté de György Kurtág et de Zsolt Durkó, ses aînés. Son oeuvre comprend essentiellement des compositions pour un instrument seul (piano, violon, violoncelle, cithare), de la musique de chambre pour différentes formations, dont 2 quatuors à cordes (1964, 1971), des pièces pour orchestre comme Pezzo concertato no 1 pour alto et orchestre (1965) et no 2 pour cithare et orchestre (1974-75), Pezzo sinfonico no 1 (1967) et no 2 (1975-76) et Variazioni (1977), et l’opéra la Reine Küngisz (1969). BRAHMS (Johannes), compositeur allemand (Hambourg 1833 - Vienne 1897). L’histoire de Johannes Brahms, c’est d’abord celle de son père. Johann Jakob Brahms, né en Basse-Saxe en 1806, reçut sa formation de contrebassiste (et, accessoirement, de flûtiste et de violoniste) dans une Stadtpfeiferei (orchestre municipal), institution typiquement allemande dont l’origine remontait au Moyen Âge : les membres de cette confrérie jouaient surtout des instruments à vent et se tenaient à la disposition de quiconque avait besoin de musiciens pour un bal, une cérémonie ou une fête publique ou privée. Dès qu’il eut son diplôme en poche, le jeune homme prit la route comme le voulait la tradition. La première étape de ce voyage à travers l’Allemagne fut aussi la dernière. Ayant facilement trouvé à s’employer à Hambourg, il s’y fixa pour toujours. En downloadModeText.vue.download 124 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 118 1830, âgé de 24 ans, il épousa sa logeuse, Christiana Nissen, qui avait 41 ans et n’était guère plus riche que lui, mais joignait à une certaine culture toutes les vertus domestiques. De cette union naquirent trois enfants, dont Johannes en 1833. UN ENFANT PRODIGE. La gêne financière qui pesa longtemps sur la famille (Johann Jakob avait depuis longtemps élevé ses enfants quand il trouva enfin une situation stable de contrebassiste à l’orchestre philharmonique) explique en grande partie les débuts de Johannes. Si précocement doué qu’il imagina un système de notation musicale avant de savoir qu’il en existait déjà un, l’enfant n’avait qu’un défaut aux yeux de son père : sa passion de la composition et du piano. Malgré ses préventions contre cet « instrument de riche » (d’ailleurs absent du minuscule logis familial) qu’il jugeait peu rentable, Johann Jakob fit donner des leçons au jeune garçon par un maître très estimé, Otto Cossel, lui-même disciple d’Édouard Marxsen, dont la réputation était grande dans toute l’Allemagne du Nord. À 10 ans, Johannes donnait en privé son premier récital, qui lui valut d’être adopté par l’illustre Marxsen en personne. Et celuici devait lui enseigner beaucoup plus que l’art de jouer du piano. Compositeur sans génie, mais technicien de premier ordre, il forma son élève dans le culte de Bach, de Mozart et de Beethoven. Parallèlement à ces études classiques, le jeune Brahms, tenu de contribuer au maigre budget familial, se livra bientôt à des travaux pratiques qui absorbèrent la plus grande partie de son temps. Entre 12 et 20 ans, il enseigna, accompagna des chanteurs ou des spectacles de marionnettes au théâtre municipal, publia sous divers pseudonymes quantité de morceaux de danse et de fantaisies sur des airs à la mode, donna quelques concerts, joua de l’orgue à l’église et, le soir, tint le piano dans des tavernes à matelots. C’est même dans ces lieux malfamés que l’adolescent assouvit une autre de ses passions, celle de la lecture : tout en « tapant » des valses et des polkas, il ne quittait pas des yeux un livre ouvert sur le piano. Puis il rentrait chez lui par le chemin des écoliers et se couchait à trois heures du matin, la tête pleine de musique qu’il notait à son réveil, quitte à la détruire ensuite. Très perfectionniste, il ne devait rien conserver de cette production de jeunesse qui comprend notamment d’innombrables lieder inspirés par ses lectures. Ce goût des livres et des longues promenades à pied n’allait jamais le quitter. Une nuit, s’étant trop éloigné de la ville et ayant pris le parti de dormir à la belle étoile, il contracta une angine. Survenant en pleine mue, cet accident l’affligea pour longtemps d’une « voix de fille » qui, vraisemblablement, ne surprenait guère chez ce garçon fluet, aux longs cheveux blonds. Il en paraissait simplement encore plus jeune qu’il n’était. DES RENCONTRES DÉCISIVES. En 1849, Brahms avait fait la connaissance d’un violoniste hongrois, Eduard Reményi, ancien condisciple du déjà illustre Joseph Joachim. Ce spécialiste de la musique tzigane, qui apportait beaucoup de fantaisie à son interprétation des classiques, reparut à Hambourg en 1853 et décida Brahms, son cadet de trois ans, à l’accompagner en tournée. Cette tournée, d’ailleurs fructueuse, aboutit à Hanovre où Joachim exerçait les fonctions de Kapellmeister de la Cour. Joachim, qui ne tenait pas son compatriote en très haute estime, fut, en revanche, conquis par la personnalité et le talent de Brahms ; leur rencontre fut le point de départ d’une amitié et d’une collaboration qui allaient durer toute leur vie. Précédés d’une lettre de recommandation de Joachim pour Liszt, Brahms et Reményi se rendirent ensuite à Weimar. Il ne semble pas que le jeune pianiste ait été séduit par l’ambiance mondaine qui régnait à l’Altenburg, où son glorieux aîné faisait l’objet d’un véritable culte. Plus tard, considéré à son corps défendant comme le chef de file des adversaires de la « musique de l’avenir », Brahms devait rendre justice à Franz Liszt et à Richard Wagner. À cette époque, l’élève de Marxsen était, à l’image de son maître, rebelle à toute innovation ; même Robert Schumann le laissait indifférent. Aussi quitta-t-il l’Altenburg sans regret, seul, Reményi ayant préféré s’attacher aux pas de Liszt. Muni par Joachim de nombreuses lettres qui lui garantissaient l’hospitalité chaleureuse des musiciens rhénans, il descendit à pied la vallée légendaire, s’attardant à Mayence, Bonn et surtout Mehlem, où un riche banquier mélomane, Deichmann, avait sa résidence d’été. Ce fut à Mehlem qu’il commença à apprécier la musique de Schumann, se préparant ainsi à la fameuse rencontre de Düsseldorf, le 30 septembre 1853. Dès le premier contact, les deux hommes sympathisèrent. Brahms, qui s’était mis au piano, joua sa sonate en ut majeur op. 1. Schumann l’interrompit à la fin du premier mouvement, appela sa femme Clara et pria son jeune confrère de recommencer. Clara Schumann, la première femme au monde - et longtemps la seule - à avoir fait profession de virtuose du clavier, fut à son tour conquise. Brahms, retenu à dîner, entra d’emblée dans l’intimité de la famille Schumann. Lui qui n’avait prévu qu’une brève halte à Düsseldorf y resta un mois, bientôt rejoint par Joachim. Avant le départ de Brahms, le 3 novembre 1853, Schumann décida en secret d’offrir un cadeau à Joachim, et c’est Brahms qui composa le scherzo de la sonate dite F-A-E (Frei aber einsam, la maxime de Joachim). À Brahms Schumann réserva une autre surprise de taille : un article dithyrambique dans l’influente Neue Zeitschrift für Musik, qu’il avait fondée vingt ans plus tôt à Leipzig. Après dix ans de silence, le maître reprit la plume pour annoncer au monde musical allemand, d’autant plus stupéfait que les héros du jour étaient Liszt et Wagner, sa découverte d’un « nouveau messie de l’art ». C’est aussi grâce à Schumann que Breitkopf et Härtel édita quelques- unes de ses premières compositions. Le jeune Brahms fut plus intimidé qu’encouragé par la gloire soudaine que lui valut cet article retentissant. Il ne lui échappa pas que les louanges de Schumann, exprimées en des termes qui ne ménageaient pas les susceptibilités du camp adverse, allaient l’exposer à de sévères critiques. De retour à Hanovre, il mit aussi peu d’empressement à publier ses quatre premiers opus qu’à faire le voyage à Leipzig, « cerveau » de l’Allemagne musicale, où Schumann et Joachim le pressaient de se rendre. La cité saxonne lui réserva pourtant un accueil chaleureux ; il y rencontra son premier admirateur français Hector Berlioz - et, de nouveau, Liszt, qui lui faisait toujours bonne figure. La fin de cette année triomphale le trouva dans sa ville natale, où il passa les fêtes en famille. Puis, il regagna Hanovre avec l’intention de s’y installer pour quelque temps, mais, le 20 janvier 1854, Robert et Clara Schumann y arrivèrent à leur tour pour entendre l’oratorio de Schumann, le Paradis et la Péri, en présence du roi George V. Schumann, dont l’équilibre nerveux laissait à désirer depuis plusieurs années, n’avait jamais paru plus heureux de vivre. Mais, dès son retour à Düsseldorf, il allait se jeter dans le Rhin. Brahms vola à son secours : Schumann se trouvait dans une clinique de Bonn, d’où il ne devait plus sortir. Pendant les deux années de son agonie, Brahms ne quitta guère Düsseldorf, consacrant la plus grande partie de son temps à la famille nombreuse de son ami : six enfants, puis, le 11 juin 1854, un petit Félix dont il fut le parrain. Cette situation avait naturellement favorisé entre Johannes et Clara une amitié propice à l’épanouissement d’un amour réciproque, qui ressemblait fort à l’idylle de Werther et Charlotte, au point que Brahms songea au suicide. Sans doute se faisait-il une trop haute idée de ses devoirs envers l’absent, et de l’amour en général, pour succomber jamais à la tentation. Notons aussi que la fréquentation des dames de petite vertu aidait Brahms à garder son équilibre. Par la suite, il devait lui arriver plus d’une fois d’aimer et d’être aimé, d’être tenté par le mariage et cette vie de famille qui avait pour lui tant d’attraits. Il rompit toujours au dernier moment, sous divers prétextes, non sans downloadModeText.vue.download 125 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 119 déchirement, redoutant en fait de perdre l’indépendance qu’il jugeait indispensable à lui-même et à l’accomplissement de son oeuvre. Mais la tendre amitié qui le liait à Clara Schumann, son aînée de quatorze ans, dura toute leur vie ; Brahms l’accompagna dans ses tournées, et l’on ne saurait sous-estimer la part que prit la grande pianiste à la diffusion de sa musique. DE HAMBOURG À VIENNE. Cette douloureuse épreuve n’avait pas empêché Brahms d’approfondir ses connaissances musicales et littéraires, ni de donner des concerts en Allemagne du Nord, seul ou avec Joachim. En 1857, il sollicita et obtint le poste de chef des choeurs à la cour du prince de Lippe, à Detmold, poste qu’il devait occuper jusqu’en 1859, non sans poursuivre son activité de compositeur et de concertiste. En janvier 1859 eut lieu à Hanovre la première audition du concerto no 1 op. 15 en ré mineur pour piano. Ce fut un succès d’estime, que suivit, cinq jours plus tard, un fiasco complet à Leipzig. Une troisième audition à Hambourg, en mars, fut accueillie de manière à le consoler de cet échec, mais il allait délaisser la musique orchestrale au profit du lied et de la musique de chambre pendant les deux années suivantes, après avoir démissionné de ses fonctions de musicien de cour, décidément incompatibles avec son caractère extrêmement timide. Ces deux années, Brahms les passa à Hambourg, dans l’espoir toujours déçu que ses concitoyens lui offriraient un poste officiel. Ou, plus exactement, il fit de Hambourg son port d’attache, d’où il s’éloigna fréquemment pour des séjours plus ou moins longs à Hamm (un village des environs), dans le Harz, à Oldenbourg, à Cologne, etc. En fait, depuis qu’il ne vivait plus chez ses parents, Brahms n’avait jamais passé et ne devait jamais passer six mois au même endroit, pas même à Vienne où il allait bientôt trouver son point de chute définitif. À la fin de 1862, las d’attendre, Brahms se rendit à Vienne, où il bénéficia d’un accueil qui passa ses espérances, notamment de la part du célèbre critique Hanslick. Il avait 30 ans. En pleine possession de ses moyens pianistiques, il multiplia les concerts et en profita pour imposer ses propres compositions, dont les Variations et fugue sur un thème de G. Fr. Haendel pour piano, que Clara avait créées en 1861. Le 6 février 1864, il eut une cordiale entrevue avec R. Wagner aux environs de Vienne. Un peu plus tard, il rencontrait le « roi de la valse », Johann Strauss, près de Baden-Baden. De 1866 à 1868, ses tournées le conduisirent jusqu’en Hollande, à Presbourg, Budapest, Copenhague et en Suisse, où il devait souvent retourner. De cette période d’intense activité datent le Requiem allemand et la Rhapsodie pour alto, choeur d’hommes et orchestre. En 1870, Brahms fit la connaissance de l’éminent pianiste et chef d’orchestre Hans von Bülow, que Wagner venait de trahir en lui prenant sa femme Cosima, la fille de Liszt. Hans von Bülow allait bientôt se faire l’un des plus actifs propagandistes de son nouvel ami. 1872, UN TOURNANT DANS LA CARRIÈRE DE BRAHMS. Nommé directeur de la Société des amis de la musique à Vienne, le compositeur décida de louer un véritable appartement, son premier et dernier domicile fixe puisqu’il devait y mourir. Il exerça avec conscience et succès ses fonctions à la tête des grands concerts viennois, et, s’il démissionna en 1875, c’est qu’il estimait avoir encore mieux à faire dans le domaine de la composition. D’ailleurs, l’indépendance matérielle lui était désormais acquise. Les droits d’auteur gonflaient son compte en banque d’autant plus qu’il y touchait à peine, ses cachets de concertiste suffisant à son modeste train de vie de célibataire que le luxe ne tentait pas. Cependant, le rythme de son existence allait être toujours à peu près le même, partagé entre les concerts pendant la saison d’hiver et, l’été, quelque retraite en pleine nature où rien ne venait le distraire de la composition. C’est au bord du lac de Starnberg, en Bavière, qu’il acheva les Variations sur un thème de J. Haydn ; à Rügen, village de pêcheurs sur la mer du Nord, il termina la symphonie no 1 en ut mineur ; à Pörtschach, en Carinthie, il composa la symphonie no 2 en ré majeur, le concerto pour violon, créé, naturellement, par Joachim, la première sonate pour violon et piano et les deux Rhapsodies pour piano. Au fil des années, la part du concertiste se réduisit. Brahms, qui n’avait jamais aimé le métier de virtuose (de l’avis de tous les témoins, y compris Clara Schumann, il jouait beaucoup mieux en petit comité qu’en public), délaissa le piano au profit de la direction d’orchestre. En 1874, le roi Louis II de Bavière lui décerna l’ordre de Maximilien en même temps qu’à Richard Wagner, son aîné de vingt ans. Si l’on songe à ce que représentait Wagner pour le jeune souverain, cette distinction donne la mesure de la réputation que Brahms avait acquise. En 1877, il fut aussi nommé doctor honoris causa de l’université de Cambridge, mais refusa obstinément de franchir le détroit pour revêtir la toge. Au printemps de 1878, Brahms visita l’Italie, pays qu’il aimait beaucoup, jusqu’en Sicile, escorté de son ami Billroth, un éminent chirurgien suisse qui le connaissait bien. Brahms se rendit souvent au-delà des Alpes. En 1879, c’est l’université de Breslau qui, à son tour, le nommait doctor honoris causa ; il la remercia en lui dédicaçant l’Ouverture académique, composée l’année suivante, ainsi que l’Ouverture tragique, non pas à Pörtschach, mais à Ischl, où il était plus tranquille. Entre-temps, le triomphe de sa symphonie no 2, à Hambourg, lui avait donné la satisfaction d’être enfin apprécié dans sa ville natale. Les années suivantes, jusqu’en 1885, furent dominées par son intense collaboration avec Bülow, qui venait de réorganiser l’orchestre du duc de Saxe-Meiningen et en avait fait l’un des meilleurs d’Allemagne. C’est Bülow qui lança le slogan flatteur des « trois B » (Bach-Beethoven-Brahms) ; il établit ses programmes en conséquence et partagea la baguette avec Brahms dans de brillantes tournées. Les troisième (fa majeur) et quatrième (mi mineur) symphonies, le deuxième concerto pour piano en si bémol majeur (achevé à Florence) datent de cette époque. Puis Bülow, surmené, peut-être agacé par la tranquille assurance de son collaborateur, se fâcha avec lui et donna sa démission. La brouille devait durer jusqu’en 1887. LE BRAHMS LÉGENDAIRE. Aux approches de la cinquantaine, Brahms s’était laissé pousser la barbe et apparaissait désormais tel que le représente l’iconographie classique. L’embonpoint aidant, son côté « gros ours » s’en trou- vait accentué. La physionomie ouverte était bien celle d’un bon vivant, gros mangeur, franc buveur et grand amateur de cigares et de café, doué d’une santé de fer et d’une résistance peu commune. Sportif à sa manière, il plongeait au petit matin dans les eaux glacées du lac de Starnberg et couvrait à pied des distances invraisemblables. En société, c’était un bouteen-train d’une bonne humeur inaltérable, partout accueilli à bras ouverts, bien que son franc-parler eût parfois la dent dure. Ses tourments intimes, il les gardait pour lui et les exorcisait par la musique, avec la pudeur qui caractérisait toutes ses actions et principalement les bonnes. Antón Dvořák, qui végétait misérablement à Prague, n’a jamais caché ce que sa carrière ultérieure devait à la générosité de Brahms. Mais bien d’autres personnes on ne le sut qu’après sa mort - avaient bénéficié d’une pareille munificence. C’est sous son aspect le plus débraillé que Brahms passa les étés de 1886, 1887 et 1888, en vue du lac de Thoune et de la Jungfrau ; dans ce site qui l’enchantait, il composa le double concerto pour violon, violoncelle et orchestre, les sonates pour violon en la majeur et ré mineur, la sonate no 2 pour violoncelle, son quatrième trio, bon nombre de choeurs et de lieder, et les Onze Chants tziganes. Il y reçut la visite de la jeune cantatrice Hermine Spies, pour qui il éprouva un tendre sentiment et qui contribua à l’inspirer. Mais cette idylle tardive ne devait pas plus aboutir que les downloadModeText.vue.download 126 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 120 autres ; et Brahms n’écrivit plus de lieder avant les Quatre Chants sérieux (1896), son chant du cygne. Le séjour d’Ischl, son ancienne résidence d’été, où il allait séjourner chaque année à partir de 1889, ne fut pas aussi fécond sur le plan musical : on ne peut y rattacher que les Intermezzi et Caprices op. 116 et 117. Qu’il fût là ou ailleurs, et bien qu’il continuât de manifester une prodigieuse vitalité quand il s’agissait de faire bombance entre amis ou de participer à des excursions périlleuses en Suisse ou en Sicile, quelque chose s’était brisé en lui. Une série de deuils et autres chagrins n’y furent sans doute pas étrangers. DOULEURS ET SOLITUDE. En 1891, année du merveilleux quintette en si mineur op. 115 et du trio op. 114 pour clarinette et cordes, se produisit une brouille avec Clara Schumann, vieillie, malade et aigrie. L’année suivante, il perdit sa soeur Élise et se fâcha avec son ami Billroth à propos de Massenet, dont il détestait la musique. En 1893, réconcilié avec Clara, il se réfugia en Italie pour se soustraire aux festivités organisées pour son 60e anniversaire. Mais au lieu de le célébrer le 7 mai à Venise, comme il en avait l’intention, il le passa à Messine au chevet d’un de ses compagnons, le poète Widmann, qui s’était brisé la cheville. En 1894 disparaissaient successivement Billroth, Bülow et le musicologue Alfred Spitta, dont la mort l’affecta profondément. Brahms, comme Mozart, avait heureusement rencontré « son » clarinettiste, et c’est ainsi que sa musique de chambre, un des domaines les plus riches et inspirés de son oeuvre (sonates ; trios, quatuors, quintettes souvent avec piano ; sextuors à cordes), se trouve enrichie d’un trio en la mineur, du quintette et de deux sonates, qui devaient être pratiquement ses dernières oeuvres avant les tragiques et prémonitoires Chants sérieux op. 121. Ce clarinettiste, nommé Richard von Mühlfeld, Brahms l’avait remarqué parmi les musiciens du duc de Saxe-Meiningen. En mai 1896, Brahms arriva à Bonn après quarante heures de chemin de fer pour enterrer Clara Schumann. Dès le mois suivant, sa magnifique santé l’abandonna. Il perdit l’appétit, maigrit et s’affaiblit jusqu’au 3 avril de l’année 1897, où il succomba à un cancer du foie et rejoignit au cimetière de Vienne ses confrères Mozart, Beethoven et Schubert. BRAHMS, « NOUVEAU MESSIE DE L’ART ». Deux séries de faits ont longtemps empêché une juste appréciation de la grandeur et du caractère « avant-gardiste » de la musique de Brahms : d’une part, les controverses qui, dans la seconde moitié du XIXe s., opposèrent les tenants de la « musique de l’avenir » (Wagner et Liszt) à ceux pour qui les grandes formes instrumentales héritées du passé n’étaient pas épuisées, et, qui, plus d’une fois, tentèrent d’enrôler Brahms sous leur bannière ; d’autre part, les liens évidents de Brahms avec le passé, reflétés tant dans ses oeuvres que dans l’admiration qu’il porta à des maîtres anciens, en son temps, inconnus ou tenus pour négligeables. Paradoxalement, ce second facteur est le principal fondement de la grandeur de Brahms et de son importance pour la musique du XXe siècle. Schönberg le vit bien, il fut le premier à se réclamer à la fois de Wagner et de Brahms. À la différence de ses prédécesseurs immédiats, Brahms s’intéressa au passé de façon vitale, un passé qui, pour lui, ne s’arrêtait pas à Bach, mais remontait jusqu’aux polyphonistes de la Renaissance, voire jusqu’aux origines du lied allemand. À son époque, il fut à peu près le seul à vouer un culte à Haydn, et ses séries de variations sur des thèmes de Haendel (pour piano) ou de Bach (finale de la symphonie no 4) furent les premières oeuvres importantes depuis la Renaissance à puiser leurs thèmes chez des compositeurs disparus depuis des lustres. Cela n’empêcha pas l’ombre de Beethoven d’avoir sur lui des effets parfois inhibants, qui le poussèrent à détruire de nombreuses partitions d’une qualité probablement comparable à celle d’autres qu’il jugea dignes de survivre, ou à attendre la quarantaine pour se faire connaître comme auteur de quatuors à cordes, puis de symphonies. Mais, de cette attitude fondamentale, plus intense et plus vivifiante chez lui que chez n’importe quel autre compositeur avant le XXe siècle, de cette attitude qui explique largement (tout en les réduisant à l’état de péchés véniels) les citations ou quasi-citations que contient sa musique, Brahms tira un sens de l’ordre et de l’architecture. Cette rigueur est d’autant moins réactionnaire qu’elle alla de pair avec une liberté et une invention linéaire et rythmique toutes novatrices, même révolutionnaires - son écriture harmonique n’est pas exempte d’audaces, mais, contrairement à celle de Wagner, elle apparaît toujours fonctionnelle, génératrice de formes au sens classique. Les superpositions et les oblitérations rythmiques existent chez Brahms, au point de parfois annihiler le sens de la barre de mesure, mais présentent en soi un haut degré d’organisation, où d’aucuns ont vu l’annonce du principe de la modulation métrique cher à Elliott Carter, ou, plus généralement, « la source de la structure polyrythmique de bien des partitions contemporaines » (Schönberg). Tout aussi important est le fait que, pardelà sa complexité rythmique (ou plutôt de pulsation), la densité de sa polyphonie linéaire et la richesse de ses relations motiviques, la musique ne perd jamais le sens de la direction, en particulier à cause du soin que le compositeur prit à conserver à ses lignes de basse agilité et mobilité. Brahms fut un admirable coloriste, en particulier dans la demi-teinte, mais il préféra toujours la substance au brillant extérieur et, après Bach et Haydn, il s’imposa comme le troisième grand artisan (au sens le plus noble du terme) de l’ère classicoromantique en Allemagne. D’où, malgré la splendeur de ses symphonies ou de ses concertos, ses trois domaines d’élection, tous synonymes d’intimité : le piano, la musique de chambre et le lied (il n’aborda ni le poème symphonique ni l’opéra). Le sextuor à cordes la Nuit transfigurée de Schönberg (1899) provient de Brahms autant que de Wagner, et c’est avec pertinence qu’Adorno a fait remarquer que Schönberg ne se serait jamais détourné de la pompe de son temps s’il n’avait puisé dans l’écriture « obligée » des quatuors à cordes de Brahms. Tout cela étant admis, il faut se garder de qualifier Brahms, ce Nordique attiré par Vienne, par les Tziganes et par l’Italie, de conservateur sur le plan esthétique (par opposition à son langage). Chez lui, esthétique et langage ne font qu’un. Comme nul autre à son époque, il réussit d’une part à mettre en rapport la science musicale la plus élaborée et les origines populaires de son art, d’autre part à « énoncer clairement cela même qui ne se conçoit qu’à peine et qui vit en nous obscurément en des régions où la raison n’a pas de prise... Il est probable que, sans sa science de l’écriture, Brahms se fût perdu, égaré dans sa propre forêt, étouffé par ses propres ombres, [alors que] la mélancolie la plus vague, les désirs les plus ambigus, les mouvements les plus flottants, les plus changeants, les plus indéfinis du coeur, s’expriment dans le langage le plus net, le contrepoint le plus clair qui soient » (Romain Goldron). Si, comme d’autres musiques postérieures (Mahler, Alban Berg), la musique de Brahms évoque globalement un paradis perdu, elle reste la première à avoir fait sienne cette démarche, et la seule à baigner dans la nostalgie avouée de ce paradis, dans le regret avoué d’être née trop tard. Le paradis perdu était encore proche : d’où la possibilité de la démarche de Brahms, qui ne pouvait qu’exclure les « feux et tonnerres » d’un Berlioz et qui explique aussi les côtés lucidement désabusés, amers parfois, de l’homme et du musicien. Brahms ne songea jamais, comme avant lui Schumann ou après lui Mahler, à se lancer à la poursuite d’un idéal inaccessible. Cela éclaire les réserves qu’il suscita, mais aussi sa position unique dans la musique germanique du XIXe siècle. downloadModeText.vue.download 127 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 121 BRAILLE (Louis), organiste français (Coupvray, Seine-et-Marne, 1809 - Paris 1852). Devenu aveugle à l’âge de trois ans, il fit ses études à l’Institution des aveugles à partir de 1819 et fut élève de Jean-Nicolas Marrigues. En 1833, il fut nommé organiste à Notre-Dame-des-Champs, puis, de 1834 à 1839, à Saint-Nicolas-des-Champs, et ensuite à l’église des Missionnaires-Lazaristes. Il fut aussi professeur à l’Institut national des jeunes aveugles et inventa un nouveau système d’écriture, qui est maintenant universellement employé tant pour les textes que pour la musique. BRǍILOIU (Constantin), ethnomusicologue roumain (Bucarest 1893 - Genève 1958). Il étudia à Vienne et à Paris, où il fut élève de Gédalge. Professeur à l’Académie de musique de Bucarest, il fonda, avec Enesco, la Société des compositeurs roumains. En 1928, il créa à Bucarest les Archives du folklore, puis, en 1944, à Genève, les Archives internationales de musique populaire. Il se fixa, en 1948, à Paris, où il fut nommé maître de recherches au C.N.R.S. Ses travaux (ouvrages écrits, éditions phonographiques du musée de l’Homme, de l’Unesco), d’une rigueur scientifique exemplaire appuyée sur des connaissances musicales très complètes, ont rénové les méthodes de l’ethnomusicologie. Pour une bibliographie de l’oeuvre de C. Brailoiu, on peut consulter le travail d’André Schaeffner, Bibliographie des travaux de Constantin Brailoiu (Revue de musicologie, 1959). BRAIN (Dennis), corniste anglais (Londres 1921 - Hatfield 1957). Élève de son père, Aubrey Brain, il s’imposa comme l’un des meilleurs cornistes de sa génération et comme un soliste de renommée internationale, avant sa mort tragique, dans un accident de voiture, à l’âge de 36 ans. Sa beauté de timbre ainsi que sa maîtrise technique demeurent légendaires. De nombreuses oeuvres ont été composées à son intention comme la Sérénade pour ténor, cor et cordes de Britten ; le trio op. 44 pour violon, cor et piano de Berkeley, et des concertos écrits par Gordon Jacob, Élisabeth Lutyens, Hindemith, etc. BRANLE. Danse française dont l’origine remonte au Moyen Âge, mais qui a connu une grande vogue au XVIe s. et au siècle suivant. La plupart des branles sont de mesure binaire ; d’autres, dits branles gais, peuvent être ternaires. Quant à la danse elle-même, il s’agit de former une chaîne et de se déplacer non en avant mais latéralement. Un grand nombre de branles (simples, doubles, de Bourgogne, etc.) ont été publiés à Paris au XVIe siècle par Attaignant (en particulier ceux de Claude Gervaise) et par Du Chemin. BRANT (Henry Dreyfus), compositeur américain (Montréal 1913). D’abord élève de son père, violoniste professionnel, il étudia ensuite au conservatoire de l’université McGill. En 1929, il s’établit avec sa famille à New York, où il continua ses études à l’lnstitute of Musical Art et à la Juilliard School, ainsi qu’avec Wallinford Riegger, George Antheil et Fritz Mahler. Dans les années 30, il fut orchestrateur et arrangeur pour Benny Goodman, puis composa et dirigea des oeuvres radiophoniques, des ballets et de la musique de film à Hollywood, New York et en Europe. Il a enseigné à l’université Columbia (1945-1952), à la Juilliard School (1947-1954), et professe à Bennington College depuis 1957. Influencé par Charles Ives, Brant a écrit, outre ses musiques de film et de théâtre, une bonne centaine d’oeuvres ayant volontiers recours à des sonorités insolites, comme dans Angels and Devils, concerto pour flûte avec un orchestre de piccolos, flûtes, et flûtes alto (1931, première audition en 1933). À partir des années 50, en réaction contre les musiques ne faisant référence qu’à « un seul style », il s’est systématiquement attaché à « confronter, entre eux, deux (et de préférence davantage) types de musique entièrement différents - d’où des combinaisons aussi hétérogènes que celles suggérant à la fois un ensemble dixieland, un gamelan balinais et un cortège militaire ». De là l’intérêt du compositeur pour les musiques « spatiales » et les oeuvres faisant appel à « deux groupes au moins, chacun conservant son propre style, irréductible au style des autres groupes, ainsi que ses propres schémas rythmiques, harmoniques et instrumentaux, en fonction de sa propre position, spécifique et isolée, dans la salle. Il n’y a pas d’échange de style ni de matériau de groupe à groupe ». Ces conceptions sont illustrées par Grand Universal Circus (1956), Voyage 4 (1963) ou encore Windjammer (1969). BRASSART (Johannes), compositeur flamand, originaire du diocèse de Liège (XVe s.). Il est mentionné en 1422 à Saint-Jeanl’Évangéliste à Liège où il fut succentor (« sous-cantor ») en 1423. Comme beaucoup de ses compatriotes, il visita l’Italie ; il fut, en effet, chantre à la chapelle papale d’Eugène IV (1431). Puis il regagna son pays natal, exerça jusqu’en 1434 les fonctions de chapelain à Saint-Lambert de Liège et, à partir de 1438, celles de chantre à Notre-Dame de Tongres où il fut également chanoine. En 1443, on le retrouve chantre principal de l’empereur Frédéric III, et sans doute était-ce à cette époque qu’il écrivit sa paraphrase à 3 voix du cantique allemand Christ ist erstanden (« le Christ est ressuscité »). Il ne nous a laissé que des oeuvres religieuses (pièces à 3 voix dont 5 motets et des mouvements de messe ; 5 motets à 4 voix), où il tente de ne pas sacrifier l’expression - on peut même parler, à son sujet, de grâce et de délicatesse - à son goût pour une écriture contrapuntique soignée. BRASSEUR (Élisabeth), chef de choeur français (Verdun-sur-Meuse 1896 - Versailles 1972). Elle commença à travailler la musique avec son grand-père, organiste à la cathédrale de Verdun, puis étudia le chant et le piano au conservatoire de Versailles. C’est dans cette ville qu’elle fonda, en 1920, la Chorale féminine de l’église Sainte-Jeanned’Arc qui, devenue mixte, prit, en 1943, le nom de chorale Élisabeth-Brasseur. Celle-ci devint l’une des plus célèbres formations françaises, participant à des centaines de concerts et de représentations d’opéras, créant des oeuvres de Honegger (Cantate de Noël), Florent Schmitt, Claude Delvincourt, Jacques Charpentier, Charles Brown, etc., et apportant régulièrement son concours, en particulier, au festival d’Aix-en-Provence. Après la mort d’Élisabeth Brasseur, la formation qui porte son nom a poursuivi ses activités sous la direction de Catherine Brilli. BRAUNFELS (Walter), pianiste et compositeur allemand (Francfort-sur-leMain 1882 - Cologne 1954). Il fut l’élève, pour le piano, de James Kwast à Francfort et de Leszetycki à Vienne, et, pour la composition, de Ludwig Thuille à Munich, ville où il vécut jusqu’en 1925. Il devint alors codirecteur avec Hermann Abendroth de la Staatliche Hochschule für Musik de Cologne, mais il fut congédié en 1933, et l’exécution de ses oeuvres fut interdite en Allemagne jusqu’en 1945. De 1945 à 1950, il retrouva la direction de l’école de musique de Cologne. Ses oeuvres relèvent d’une esthétique post romantique, mais avec une harmonie parfois fort peu conventionnelle. Il a composé des oeuvres symphoniques et concertantes, de la musique pour piano, un quintette et trois quatuors à cordes, des oeuvres chorales religieuses, des lieder et une douzaine d’opéras dont il écrivit en général lui-même les livrets. BREAM (Julian), guitariste et luthiste anglais (Londres 1933). Élève de son père, il se produisit en public pour la première fois à l’âge de douze ans et reçut les conseils d’Andrés Segovia. Il acquit bientôt une réputation mondiale. downloadModeText.vue.download 128 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 122 Au luth, il s’est spécialisé dans le riche répertoire des XVIe et XVIIe siècles, notamment dans les oeuvres de Dowland, où il lui arrive fréquemment d’accompagner des chanteurs. Virtuose de la guitare, Julian Bream interprète le répertoire habituel ; de plus, maintes oeuvres ont été composées à son intention, par exemple les mélodies de Britten Songs from the Chinese avec accompagnement de guitare. BREBOS, famille de facteurs d’orgues flamands (fin du XVIe s.). Ils émigrèrent en Espagne à l’invitation de Philippe II, en 1579. Gilles Brebos construisit les orgues à Louvain et à Anvers, puis les quatre orgues du palais royal de l’Escurial et de petits instruments pour la famille régnante d’Espagne. L’un de ses quatre fils, Hans, établit des orgues à Madrid et à Tolède (cathédrale). BRECHT (Bertolt), auteur dramatique allemand (Augsbourg 1898 - Berlin 1956). La collaboration avec des musiciens se situe au coeur de sa production. Pour lui, ajoutée au texte, la musique, par sa seule présence, constituait une attaque contre l’atmosphère étroite, lourde et visqueuse des drames impressionnistes. Il écrivit des textes d’opéras mis en musique par Kurt Weill (l’Opéra de quat’sous, Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny, Celui qui dit oui, celui qui dit non) et Paul Dessau (le Procès de Lucullus). Avec Weill et le chorégraphe Balanchine, il conçut le ballet les Sept Péchés capitaux des petitsbourgeois. Pour Weill, Dessau, Hans Eisler, Hindemith, Brecht écrivit les textes de sorte de cantates et de songs, forme qui ne s’apparente guère à la chanson occidentale en général, française en particulier, ni même avec le couplet de la chanson, aiguisée d’une pointe politique, du XIXe siècle. Le song est une arme plus acérée, qui évoque sans fard la condition ouvrière, qui stigmatise le mal, la misère, la cruauté, la bêtise. Dans les pièces de Brecht, les parties chantées retournent les situations, démasquent les personnages, procurent un point de vue nouveau (auquel correspond d’ailleurs un éclairage scénique particulier durant le chant), commentaire critique, souvent cruel, de l’action, trait de clarté orientant le spectateur. On doit aussi à Brecht un changement dans la façon d’envisager le chant, car il prit des acteurs, des danseurs et les fit passer du parler, du geste au chanter. BREGENZ. Ville d’Autriche sur le lac de Constance, capitale du Vorarlberg, abritant chaque été depuis 1956 un festival d’opéras et d’opérettes. Certaines représentations sont données sur un scène édifiée sur le lac même (Seebühne). BREITKOPF, famille d’éditeurs de musique allemands. La firme fut fondée, à Leipzig, en 1719, sur les bases d’une imprimerie remontant à 1542 par Bernhard Christoph Breitkopf (1695-1777). Elle imprima notamment des oeuvres de Leopold Mozart, Telemann et Carl Philipp Emanuel Bach. Gottlob Immanuel (1719-1794), fils du précédent, développa l’entreprise tout en faisant paraître, chaque année ou presque, de 1762 à 1787, un précieux catalogue thématique des oeuvres manuscrites ou imprimées qu’il avait en magasin (rééd. par Barry S. Brook, New York, 1966). Son fils Christoph Gottlob (1750-1800) s’associa en 1795 avec Gottfried Christoph Härtel (1763-1827), la maison devenant alors Breitkopf und Härtel. Härtel lui donna un second souffle en fondant la célèbre revue Allgemeine Musikalische Zeitung (17981848), en lui adjoignant une fabrique de pianos (1807) et en entreprenant l’édition des « oeuvres complètes » de Mozart, Haydn, Clementi et d’autres musiciens. Breitkopf und Härtel publia également plusieurs ouvrages de Beethoven. Gottfried Christoph Härtel eut comme successeurs ses deux fils, Hermann (1803-1875) et Raimund (1810-1888), et ceux-ci, privés d’héritiers mâles, leurs neveux (fils de leurs deux soeurs) Wilhelm Volkmann (1837-1896) et Oskar von Hase (18461921). Suivirent, de génération en génération, Ludwig (1870-1947), Wilhelm (18981939) et Joachim (1926) Volkmann, et les fils d’Oskar von Hase, Hellmuth (18911979) et Martin (1901-1970). Leur frère Hermann von Hase (1880-1945) joua un rôle de 1910 à 1914. La maison, qui, au XIXe siècle, avait compté parmi les fondateurs de la Bach-Gesellschaft et publié les oeuvres complètes de Bach, possédait pro- bablement à la veille de la dernière guerre le fonds musical le plus important du monde. Une grande partie de ses archives et de son matériel devait malheureusement disparaître dans un bombardement de Leipzig en 1943. Après la guerre, elle s’est retrouvée divisée du fait de la partition de l’Allemagne : l’ancienne maison mère, nationalisée en 1952, subsiste à Leipzig comme entreprise d’État, tandis qu’une filiale fondée à Wiesbaden en 1945 y existe depuis 1947 comme établissement indépendant. Après la réunification, le siège principal de la maison est demeuré à Wiesbaden, avec des filiales à Leipzig et à Paris. La direction est assurée depuis 1979 par Liselotte Sievers (1928), fille de Hellmuth von Hase, auparavant assistante de son père et de Joachim Volkmann. BRELET (Gisèle), philosophe et critique musicale française (Fontenay-le-Comte, Vendée, 1919 - La Tranche-sur-Mer, Vendée, 1973). Élève du Conservatoire de Paris et de la Sorbonne, elle soutint en 1949 une thèse sur le temps musical. Les structures temporelles de la musique et les problèmes d’interprétation, qui leur sont liés, ont fait l’objet d’une grande partie de ses recherches. En 1951, elle créa la Bibliothèque internationale de musicologie (Paris), remarquable collection d’ouvrages d’histoire et d’esthétique musicales. Ses principaux écrits sont : Esthétique et Création musicale (Paris, 1947) ; l’Interprétation créatrice (2 vol., Paris, 1951) ; Béla Bartók, Musique contemporaine en France in Histoire de la musique (« Encyclopédie de la Pléiade », t. II, 1963). BRENDEL (Alfred), pianiste autrichien (Loučná nad Desnau, Moravie, 1931). Il fit ses études avec Sofija Dezelic, Ludovika von Kaan, le compositeur Arthur Michl, Paul Baumgartner, Eduard Steuermann et Edwin Fischer. Il se fit, dès ses débuts, le champion d’oeuvres en marge du grand répertoire : Schubert, à l’époque encore peu joué, Busoni, Schönberg, les oeuvres les moins connues de Liszt. Aussi lui a-t-il fallu de longues années pour connaître la popularité. L’art de Brendel, nourri de profondes réflexions, est hypersensible, ses interprétations sont inspirées et imprévisibles, quoique profondément respectueuses des partitions. Il est célèbre surtout pour ses interprétations de Schu- bert, mais aussi de Beethoven et de Liszt. Son ouvrage Réflexion sur la musique a été traduit en français (Paris, 1979). BRENET (Marie Bobillier, dite Michel), musicologue française (Lunéville 1858 Paris 1918). Venue s’établir à Paris, en 1871, afin de se consacrer à l’histoire de la musique, elle collabora à plusieurs publications et écrivit de nombreux ouvrages sur les sujets les plus divers sans vouloir étudier une époque bien déterminée. Pour illustrer l’étendue de ses travaux, voici un choix des thèmes traités : Grétry, Deux Pages de la vie de Berlioz (1889), J. de Ockeghem (1893), Sébastien de Brossard (1896), Goudimel, Palestrina, Haendel, Haydn, ainsi que des sujets plus généraux tels que la Musique militaire, les Concerts en France sous l’Ancien Régime et les Musiciens de la Sainte-Chapelle du Palais (1910). BRENTA (Gaston), compositeur belge (Schaerbeek, près de Bruxelles, 1902 Bruxelles 1969). Élève de Paul Gilson et membre du groupe des Synthétistes, il entra en 1931 à l’Institut national de radiodiffusion belge où il occupa diverses fonctions et où son downloadModeText.vue.download 129 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 123 action fut grande en faveur de la musique contemporaine. Son style néoromantique unit à un goût particulier pour l’exotisme un sens de la mélodie ample et expressive, essentiellement tonale et parfois pimentée de dissonances imprévues. Brenta a composé, notamment, de la musique d’orchestre, dont une symphonie et un concerto pour piano, des ballets, de la musique de chambre, un Requiem, la Passion de Notre-Seigneur (1949), des mélodies et des choeurs a cappella. BRESGEN (Cesar), compositeur autrichien (Florence 1913 - Salzbourg 1988). Tout en occupant un poste d’organiste à Munich, il étudia à l’Akademie für Toukunst avec Emanuel Gatschner (orgue) et avec Joseph Haas (composition). En 1939, Clemens Krauss l’appela au Mozarteum de Salzbourg pour ensei- gner la composition. Dans ses oeuvres se révèlent les influences du folklore allemand, de la musique baroque, de Reger et de Stravinski. Bresgen a composé de la musique symphonique, dont la Frescobaldi-Symphonie (1953), des concertos, de la musique de chambre, onze opéras, dont certains destinés à un public d’enfants, des cantates et de nombreux choeurs, des cycles de lieder et un Requiem pour Anton Webern (1945). BRETÓN Y HERNÁNDEZ (Tomás), compositeur espagnol (Salamanque 1850 Madrid 1923). Il fit ses études à Salamanque, puis avec Arrieta à Madrid où, en 1901, il fut nommé professeur de composition au conservatoire royal. Pablo Casals et Manuel de Falla furent ses élèves. Bretón fut également chef d’orchestre, théoricien et directeur de plusieurs scènes lyriques. On lui doit de la musique de chambre très soignée et harmoniquement très audacieuse pour l’époque (un trio en mi, 3 quatuors à cordes, un quintette avec piano, un sextuor pour instruments à vent), un concerto pour violon dédié à la mémoire de Sarasate, de la musique symphonique de caractère descriptif, méritant souvent le qualificatif de « préimpressionniste » (Scènes andalouses, Salamanque, À l’Alhambra), et un oratorio, l’Apocalypse (1882). Mais Bretón doit surtout sa renommée à une dizaine d’opéras (Los Amantes de Teruel, 1889 ; La Dolores, 1895 ; Raquel, 1900 ; etc.) et davantage encore à une trentaine de zarzuelas, dont La Verbena de la paloma (1894). Dans ces deux genres, il s’évade, au moins en partie, du style italianisant à la manière d’Arrieta pour réaliser un type d’ouvrages lyriques spécifiquement espagnol, adaptant à la langue castillane une ligne mélodique, qui en souligne les inflexions avec naturel. BRÉVAL (Bertha Agnès Schilling, dite Lucienne), soprano française (Berlin 1869 Neuilly-sur-Seine 1935). Elle étudia le piano aux conservatoires de Lausanne et de Genève, puis le chant à celui de Paris. Elle débuta à l’Opéra de Paris, en 1892, dans le rôle de Selika de l’Africaine de Meyerbeer, et fit une carrière internationale, tout en demeurant essentiellement fidèle à l’Opéra de Paris, où elle fut la créatrice, notamment de trois rôles wagnériens : Brünnhilde (la Walkyrie), Eva (les Maîtres chanteurs de Nuremberg), Kundry (Parsifal). Elle participa à plusieurs créations mondiales, dont celle de Pénélope de Fauré, en 1913, à Monte-Carlo. Elle se retira, en 1921, pour se consacrer à l’enseignement. Valentine dans les Huguenots de Meyerbeer et Chimène dans le Cid de Massenet furent deux autres rôles célèbres de cette chanteuse à la voix ample et au timbre splendide. BRÉVAL (Jean-Baptiste), violoncelliste et compositeur français (Paris 1756 Chamouille, Aisne, 1825). Soliste virtuose, il se produisit souvent au Concert spirituel. Il fut aussi renommé pour ses qualités de pédagogue et de compositeur. Il publia un Traité du violoncelle (Paris, 1804). Son oeuvre, très abondante, d’une écriture élégante et habile, mais sans profondeur, garde un intérêt pédagogique. Elle comprend des concertinos, concertos, symphonies concertantes, des quatuors, duos, sonates et autres pièces de musique de chambre. BRÈVE. 1. Valeur de note depuis longtemps en désuétude, mais qui s’est maintenue dans les solfèges jusqu’au milieu du XXe siècle en désignant paradoxalement la plus longue des valeurs écrites, avec en principe la valeur de deux rondes ; son signe de silence était le bâton entre les lignes 3 et 4 de la portée. Ce paradoxe s’explique par l’histoire. À la fin du XIIe siècle, dans les débuts de la notation proportionnelle, les deux seules valeurs étaient la longue et la brève. Par la suite, et dès le XIIIe siècle, on n’a cessé de subdiviser ces deux valeurs primitives, sans pour autant modifier leurs noms. Semi-brève, minime, fusa, semi-fusa sont apparues ; mais, au fur et à mesure, on transportait chaque fois sur les nouvelles valeurs le tempo moyen des anciennes, qui se sont trouvées ainsi de plus en plus allongées, de telle sorte que, dès le XVe siècle, la brève, sans cesser de s’appeler ainsi, se trouvait la plus longue des valeurs usuelles, l’ancienne longue ne servant plus guère que de note finale équivalant à un point d’orgue. D’abord simple point noir, la brève s’est évidée au XIVe siècle pour devenir le carré de la notation blanche. Au XVIIe siècle, ce carré était devenu une ronde enserrée entre deux traits verticaux. Jusqu’au XVIIIe siècle, certains mouvements s’écrivaient exceptionnellement dans leurs valeurs antérieures plus longues, qui reprenaient alors leur tempo ancien plus rapide, ce que l’on appelait, selon les cas, alla breve ou alla semibreve. 2. En métrique, la brève, unité de scansion indivisible, se note par un demi-cercle ouvert vers le haut ( ). Ce signe est également utilisé dans la notation musicale grecque classique, mais généralement sous-entendu, seules étant notées les longues de diverses sortes. BRÉVILLE (Pierre Onfroy de), compositeur français (Bar-le-Duc 1861 - Paris 1949). D’abord destiné à la carrière diplomatique, il fit ses études musicales avec Théodore Dubois, puis avec César Franck. Il enseigna au Conservatoire de Paris et à la Schola cantorum et fut aussi critique musical et président de la Société nationale de musique. Wagnérien de la première heure, il ne refusa cependant pas l’influence de Franck et de Debussy. Son oeuvre se réclame d’une inspiration élégante et d’une grande vertu expressive, dont le meilleur témoignage est sans doute son cahier de mélodies (plus de cent). Bréville fut, avec d’lndy, Chausson, Coquard et SamuelRousseau, l’un des compositeurs qui terminèrent l’orchestration de l’opéra de Franck Ghisèle. Il a laissé également une Histoire du théâtre lyrique en France. BRIAN (Havergal), compositeur anglais (Dresden, Staffordshire, 1876 - Shoreham, Sussex, 1972). Largement autodidacte, il est surtout connu pour ses trente-deux symphonies, dont vingt-deux furent écrites à partir de 1954, et dix à partir de 1965. Beaucoup ne furent créées qu’après sa mort. La monumentale Première (1919-1927), dite The Gothic (pour chanteurs solistes, plusieurs choeurs dont un choeur d’enfants, quatre fanfares de cuivres et très grand orchestre), fut donnée pour la première fois par des amateurs en 1961 et par des professionnels en 1966. Longtemps considéré comme perdu, son opéra The Tigers (1916-1919, orchestré en 1928-29) fut retrouvé en 1977 et créé à la BBC en 1983. Il pratiqua également la critique musicale. BRICEÑO (Luis de), guitariste espagnol (XVIIe s.). Il fit paraître en 1626, chez Ballard, à Paris, une Méthode très facile pour apprendre à jouer de la guitare espagnole contenant, outre les conseils techniques, un grand downloadModeText.vue.download 130 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 124 nombre de pièces, chansons, romances, d’une bonne qualité didactique et musicale. BRIDGE (angl. : « pont »). Phrase « B » d’un thème de jazz de type AABA, à fonction généralement modulante. On dit aussi middle-part. BRIDGE (Frank), compositeur anglais (Brighton 1879 - Eastbourne 1941). Élève de Charles Villiers Stanford pour la composition, il acquit une renommée d’interprète comme violoniste (il fut membre du quatuor Grimson), comme altiste (il fut membre du quatuor Joachim) et comme chef d’orchestre. Il eut l’occasion de diriger les grands orchestres londoniens et les principales formations des États-Unis. Comme compositeur, il fut d’abord influencé par le postromantisme et par Brahms, ce dont témoignent notamment ses premières mélodies et ses premières partitions de musique de chambre, parmi lesquelles son quatuor à cordes no 1 (1906), les fantaisies pour quatuor à cordes (1901), trio avec piano (1907) et quatuor avec piano (1910), la suite symphonique The Sea (1910-11) et le poème symphonique Summer (1914). La Première Guerre mondiale, au cours de laquelle il écrivit son 2e quatuor à cordes (1915), fut pour lui un choc et orienta sa production vers un modernisme qui n’excluait ni la polytonalité ni certaines rencontres avec l’univers d’Alban Berg, et qui fit de lui, avec Vaughan Williams, le compositeur anglais le plus intéressant de sa génération. Inaugurée avec la sonate pour piano (1921-1924), cette nouvelle période créatrice fut marquée, entre autres, par les quatuors à cordes no 3 (1926) et no 4 (1937), le trio avec piano no 2 (1929), la rhapsodie symphonique Enter Spring (1927), le concerto élégiaque pour violoncelle et orchestre Oration (1930), la rhapsodie pour piano et orchestre Phantasm (1931), et par l’ouverture Rebus, sa dernière oeuvre achevée (1940). Son unique élève de composition fut Benjamin Britten. BRIDGETOWER (George Polgreen), violoniste anglais (Biala, Pologne, 1778 Peckham, Londres, 1860). Fils d’une mère européenne et d’un père antillais (d’après certaines rumeurs le Maure du prince Esterházy), il fit ses débuts au Concert spirituel, à Paris, le 13 avril 1789, puis passa en Angleterre, où, après avoir joué en même temps que Haydn à un concert de J. P. Salomon en 1791, il entra au service du prince de Galles. Il joua à Dresde en 1802 et 1803, et de là se rendit à Vienne, où Beethoven composa pour lui les deux premiers mouvements de la sonate pour piano et violon connue plus tard comme Sonate à Kreutzer. Ils les interprétèrent ensemble, avec un finale prévu à l’origine pour l’opus 30 no 1, le 24 mai 1803, et c’est sous cet aspect que l’ouvrage parut en 1805 sous le numéro d’opus 47. BRIDGMAN (Nanie), musicologue française (Angoulême 1910 - Paris 1990). Élève d’André Pirro, elle a consacré l’essentiel de ses travaux à la musique italienne des XVe et XVIe siècles. Elle est (ou a été) membre du comité de rédaction des Acta musicologica (Bâle), des Documenta musicologica (Kassel), de la Revue française de musicologie. Elle a effectué d’importants travaux pour le Répertoire international des sources musicales (R. I. S. M.) et a collaboré aux grandes publications françaises collectives (encyclopédies, dictionnaires). Son ouvrage la Vie musicale au quattrocento et jusqu’à la naissance du madrigal (Paris, 1964) témoigne de l’étendue de sa culture et de la profondeur de ses vues. Elle a signé aussi la Musique italienne (Paris, 1973). BRINDISI (ital. : « toast », « brinde »). On baptisait ainsi, dans les opéras italiens du XIXe siècle, les airs entonnés par un personnage durant une fête pour porter un toast ; on en trouve par exemple dans Lucrèce Borgia de Donizetti et la Traviata de Verdi. BRISURES. Dans les instruments à cordes frottées, coup d’archet détaché qui consiste à attaquer alternativement 2 cordes éloignées. BRITTEN (Benjamin), compositeur anglais (Lowestoft, Suffolk, 1913 - Aldeburgh 1976). Naître le jour de la Sainte-Cécile ne pouvait être de mauvais augure, d’autant que Benjamin Britten garda toute sa vie une passion pour l’oeuvre de son grand prédécesseur Henry Purcell, qui, souvent, dans ses propres Odes, rendit hommage à cette protectrice de la musique. Dès ses premières années, Britten entra en contact avec la musique ; sa mère était secrétaire de la société chorale de Lowestoft. Il reçut l’éducation traditionnelle dans la bourgeoisie anglaise et, à l’âge de douze ans, commença à travailler avec Frank Bridge dont l’enseignement devait le marquer profondément. À 16 ans, il entra au Royal College of Music de Londres et étudia sous la direction de John Ireland (composition) et de A. Benjamin (piano). C’est là qu’il composa le Phantasy Quartet op. 2 avec hautbois et les variations chorales A Boy was born op. 3. Il ne faut pas oublier que, durant toute sa vie professionnelle, Britten demeura un remarquable pianiste, dans ses propres oeuvres, le plus souvent en tant qu’accompagnateur, mais aussi dans Mozart par exemple. Sa Sinfonietta op. 1 fut entendue lors d’un concert public en 1933. Après le Royal College of Music vinrent des commandes de la radio, du cinéma et la rencontre avec le poète W. H. Auden pour une série de créations communes. En 1937, on joua à Salzbourg les Variations on a theme by Frank Bridge op. 10 pour orchestre à cordes. Après la mort de sa mère (1938), inquiet du tour que prenait la situation poli- tique en Europe, Britten partit pour les États-Unis (1939). Profondément antimilitariste, il trouva en Amérique la paix qui lui était nécessaire ; un désir impétueux de composer le posséda alors : les Illuminations ; Sinfonia da Requiem ; Sonnets of Michelangelo, etc. Il voulait s’expatrier, composer sur des textes autres qu’anglais, élargir ses horizons. Aux États-Unis, Britten atteignit sa maturité de compositeur et tenta un premier essai dans son domaine d’élection, l’opéra, avec Paul Bunyan op. 17, qu’il retira ensuite de son catalogue. En 1942, Britten prit une décision difficile : il décida de repartir pour l’Angleterre, où, réformé, il lui était accordé de poursuivre sa carrière de musicien. Avant son départ, Koussevitski lui demanda pourquoi il n’avait pas encore écrit d’opéra, Britten ayant déjà envisagé comme livret un poème de George Crabbe, Koussevitski lui proposa l’argent nécessaire. Après A Ceremony of Carols, oeuvre composée pendant son difficile voyage de retour vers l’Angleterre, il s’isola à Snape, et, à Sadlers Wells, son opéra Peter Grimes triompha le 7 juin 1945. Du jour au lendemain, Britten devint célèbre, inaugurant une ère nouvelle de la musique anglaise. Aussitôt, il abandonna momentanément le grand opéra traditionnel pour aborder un genre plus intime et difficile à réussir : l’opéra de chambre avec, d’abord, le Viol de Lucrèce (1946), Albert Herring (1947) [d’après un conte de Maupassant] et, plus tard, The Turn of the Screw (1954). Afin de donner ces opéras, mais aussi d’autres ouvrages contemporains, il créa, en 1946, le English Opera Group, dont il occupa les postes de directeur artistique, de chef et de compositeur. Deux années plus tard, il fonda le festival d’Aldeburgh, petite ville du Suffolk, où, dans une maison baptisée The Red House, il était installé depuis 1947. Désormais, le compositeur travailla près de la nature et de la mer, chère à l’âme britannique, aimant la pêche, le tennis, les voitures de sport et les longues promenades à travers les Suffolk Downs. Britten évitait Londres, sauf pour ses engagements professionnels. Il donna des concerts dans le monde entier, comme chef d’orchestre et comme accompagnadownloadModeText.vue.download 131 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 125 teur, le plus souvent en compagnie de son ami le ténor Peter Pears, créateur du rôle de Peter Grimes et pour qui Britten composa tant d’oeuvres vocales, telle la fameuse Serenade op. 31 (1943). Britten fut d’ailleurs essentiellement un compositeur de musique vocale ; il affectionnait toutes les voix et honorait les plus célèbres : K. Ferrier fut la première Lucrèce, les Songs and Proverbs of William Blake sont dédiés à D. Fischer-Dieskau et Phaedra op. 93 fut écrite pour Janet Baker. Mais sa musique est marquée par un goût prononcé pour les voix d’enfants (The Little Sweep ; A Ceremony of Carols ; Spring Symphony ; le rôle de Miles du Turn of the Screw ; War Requiem, etc.). Britten mit la langue anglaise en musique avec le génie d’un Purcell, musicien qu’il ne supportait pas d’entendre critiquer et dont il réalisa un nombre assez important d’oeuvres, parmi lesquelles une version nouvelle de Didon et Énée. Britten connut mieux que quiconque la personnalité rythmique que cette langue donnait à une oeuvre vocale. L’oeuvre de Britten ne peut être considérée comme révolutionnaire, mais elle est très personnelle, originale, lyrique et profondément anglaise. Homme pratique, il a déclaré que sa musique devait toujours répondre à un besoin, faire plaisir à un large public, mais il n’a pas pour autant sacrifié la qualité. Très cultivé, il connaissait la poésie et comprenait de manière pénétrante la musique des autres, en particulier celle des maîtres élisabéthains, de Bach, de Mozart et surtout de Schubert. Aujourd’hui, les oeuvres de Britten sont inscrites aux programmes de tous les festivals internationaux. En 1958, son opéra The Turn of the Screw (le Tour d’écrou), peut-être son chef-d’oeuvre lyrique, fut créé à la Fenice de Venise. Dans ses opéras, les sujets et les époques traités offrent une grande variété : la Rome de Tarquinius par exemple ou la magie de Shakespeare du Songe d’une nuit d’été (livret de Britten et Pears), la brutalité de la marine anglaise au XVIIIe siècle (Billy Budd) ou la « Venise » de Thomas Mann. Pourtant dans ces oeuvres, et dans bien d’autres, un même thème réapparaît avec une certaine insistance : celui de la défense de l’humanité contre les injustices. Les cycles de mé- lodies sont nombreux et importants. On this Island (W. H. Auden, 1938) contient la parodie de Purcell bien connue « Let the florid music praise ! » et les Songs and Proverbs of William Blake op. 74, créés à Aldeburgh en 1965, une étonnante évocation d’une mouche à qui le poète se compare. Britten a également fait des arrangements pour voix et piano de chansons populaires, anglaises et françaises. Si sa musique de chambre est réduite, les trois quatuors à cordes révèlent des qualités considérables ; citons également la sonate en ut pour violoncelle et piano op. 65 et les deux Suites op. 72, op. 80, écrites pour Rostropovitch (comme la symphonie pour violoncelle et orchestre op. 68). Composée avec une facilité étonnante, la musique de Britten peut atteindre parfois une certaine préciosité, mais son inspiration ne se contente jamais de banalités et son invention obéit à un sens très scrupuleux des formes traditionnelles qu’il sait renouveler (la passacaille de Peter Grimes, par exemple) sans les trahir. Quant à son génie des couleurs, de l’orchestration, que l’on se souvienne de l’atmosphère que le compositeur réussit à créer dès les premières notes du Songe d’une nuit d’été, dans une réunion harmonieuse du monde shakespearien avec l’Angleterre de notre siècle. BRIXI, famille de compositeurs tchèques ayant exercé leur activité dans le nordest de la Bohême. Simon, organiste, chef de choeur et compositeur (Vlkav, près de Nymburg, 1693 Prague 1735). Il vint en 1727 à Prague, où il fut nommé organiste et où il composa de nombreuses oeuvres de musique religieuse. František Xaver, compositeur (Prague 1732 - id. 1771). Fils de Simon, il devint orphelin à l’âge de cinq ans et doit son éducation très complète aux frères piaristes du collège de Kosmonosy. Il revint à Prague en 1750 comme organiste et fut nommé titulaire de l’instrument de la cathédrale Saint-Veit (1759-1771). Il mourut à trente-neuf ans de tuberculose. F. X. Brixi a laissé une oeuvre très abondante, surtout d’essence religieuse. Sa musique fut très appréciée dans toute la Bohême. Son style, direct et spontané, est affranchi de celui de ses prédécesseurs tout en s’appuyant sur une inspiration mélodique souvent populaire. Son abondante production sacrée comprend quelque 400 pièces (200 offertoires environ, 105 messes, 50 litanies et vêpres, 5 requiem, etc.). Sa musique instrumentale (Suite pour clavier, 5 concertos pour orgue ou clavecin, 2 symphonies, etc.) est réduite, mais annonce le style classique. Viktorín Ignác, chef de choeur et compositeur (Plzeň 1716 - Poděbrady 1803). Élève, également, des frères piaristes à Kosmonosy (1731-1737), il fut organiste et recteur à Poděbrady. Introduit par František Benda, il resta deux ans à la cour de Frédéric II. Il composa des oeuvres de musique religieuse. BRIZZI (Aldo), compositeur et chef d’orchestre italien (Alessandria 1960). Il a étudié l’alto et le piano aux conservatoires d’Alessandria (1975) et de Turin (1976-1978), puis au conservatoire de Milan le piano avec Paolo Castaldi et la composition avec Niccolo Castiglioni (1979-1981). Il a aussi étudié la composition à Arezzo avec Aldo Clementi et Brian Ferneyhough (1979-1981), suivi les cours de Darmstadt en 1982 et 1984, et travaillé à l’Atelier de recherche instrumentale de l’I.R.C.A.M. à Paris en 1983-1985. Il a enfin étudié la direction d’orchestre avec Mario Gusella, Franco Ferrara et Pierre Dervaux (1985-1987), et donné lui-même des séminaires, cours et conférences depuis 1978. Considéré comme un des plus brillants représentants de la jeune école italienne, il a écrit notamment Piccola serenata pour flûte, alto et percussion (1978), Wayang Purwa, concerto pour hautbois et orchestre (1978-1981), Objet d’art pour flûte et huit cordes (1980), Mirtenlied pour flûte et harpe (1982), Canto a tre voci pour trois voix récitantes, danseuse, violoniste, pianiste et quatre percussionnistes sur un texte de Umberto Saba (1983-84), Frammento II pour dix-sept instruments à vent (1984), Le Erbe nella Thule pour soprano et huit instruments (1984-85), Kammerkonzert no 1 pour flûte concertante, violon, clarinette et piano (1986) Déchets d’atelier pour deux pianos (1986) The smallest mustard seed pour douze voix solistes sur un texte de Robin Freeman (1986), Il Libro dell’interrogazione poetica I-III pour diverses formations (1983-1984/1987...), De la tramutatione de metalli I pour saxophones (1983-1986), II pour tuba (1985), III pour contrebasse (1985), IV pour percussion (1988). BRKANOVI’C (Ivan), compositeur yougoslave (Škaljari, près de Kotor, 1906 Zagreb 1987). Il fit ses études musicales à la Schola cantorum de Paris, puis avec Blagoje Bersa à Zagreb. Il a occupé des fonctions au Théâtre national croate et à la Philharmonie de Zagreb. Son oeuvre témoigne de la recherche d’un style national et d’une expression dramatique intense, proche de l’émotion musicale populaire, ce qui l’amène à composer plusieurs oeuvres inspirées du folklore croate (cérémonies de mariage dans Konavosko pirovanje, 1933, ou mélodies Krijes planina, 1942). Ivan Brkanovi’c a composé les opéras l’Équinoxe (1950) et Zlato Zadra (1re repr. 1954), 5 symphonies, la cantate le Triptyque pour solistes, choeur et orchestre, ainsi que de nombreuses oeuvres de musique de chambre. BROADWOOD SONS. Fabrique anglaise de clavecins et de pianoforte, fondée à Londres, vers 1728, par le Suisse Burkhard Tschudi (1702-1773). Ses clavecins furent parmi les plus appréciés, à l’époque, dans toute l’Europe. En 1770, Tschudi s’associa avec son gendre, l’ébéniste écossais John Broadwood (1732-1812), qui devait lui succéder. La firme réalisa de grands clavecins downloadModeText.vue.download 132 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 126 pour résister à la concurrence du pianoforte, puis se lança dans la fabrication de ce dernier instrument, adoptant la mécanique dite anglaise ( ! PIANO), inventée par Americus Backers. Au XIXe siècle, les héritiers successifs maintinrent la maison Broadwood à la pointe de la recherche des perfectionnements techniques du piano et donnèrent une extension considérable à cette firme qui existe encore à l’heure actuelle. BROD (Max), compositeur et écrivain israélien (Prague 1884 - Tel-Aviv 1968). Docteur en droit, il fut d’abord fonctionnaire à Prague où il se lia avec Kafka, dont il fut l’exécuteur testamentaire et le biographe. En 1939, il se fixa en Palestine, occupa des fonctions de conseiller au théâtre hébraïque Habimah de Tel-Aviv, tout en ayant une activité de critique musical. Il a composé des Danses palestiniennes pour orchestre, de nombreuses mélodies, le Requiem hebraicum (1943), etc. D’autre part, Max Brod a écrit des livrets d’opéra et un ouvrage sur Janáček (Prague, 1924), musicien dont il fut l’un des premiers à reconnaître la valeur. BRODERIE. 1. Au sens général, toute amplification de caractère ornemental, improvisée ou non, ajoutée à un texte musical donné. 2. En harmonie, toute note ou groupe de notes quittant une note réelle (c’est-à-dire qui fait partie de l’harmonie) par degrés conjoints pour y revenir ensuite sans provoquer de changement d’harmonie. La broderie peut être diatonique ou chromatique, supérieure ou inférieure ; elle est double quand une broderie inférieure suit une broderie supérieure ou vice versa. Il peut y avoir aussi des accords de broderies, des groupes-broderies (terme préconisé par Olivier Messiaen) ou même des tonalitésbroderies ; ces différents termes désignent des extensions du principe de la broderie. BROOK (Barry Shelley), musicologue américain (New York 1918). Élève de la Manhattan School of Music et de l’université Columbia (Master of Arts en 1942), il a obtenu un doctorat en Sorbonne, en 1959, et enseigne depuis 1945 à la City University de New York. Ses ouvrages principaux sont, en 1981, au nombre de cinq : la Symphonie française dans la seconde moitié du XVIIIe siècle (3 vol., Paris, 1962), The Breitkopf Thematic Catalogue, 1762-1787 (New York, 1966), Musicology and the Computer, Musicology 1966-2000 (New York, 1970), Perspectives in Musicology (1972) et Thematic Catalogues in Music, an Annotated Bibliography (1972). Il a pris la direction de la série The Symphony 1720-1840, publication en partition d’orchestre et en 60 volumes de 600 symphonies d’environ 200 compositeurs différents, dont beaucoup jamais éditées auparavant (premiers volumes parus dès l’année 1979). Il a été président de l’Association internationale des bibliothèques musicales. BROSSARD (Sébastien de), compositeur, théoricien et bibliophile français (Dompierre, Orne, 1655 - Meaux 1730). Après des études au collège des Jésuites et à l’université de Caen, il reçut en 1675 les ordres mineurs et en 1684 devint prêtre à Notre-Dame de Paris, puis en 1687 maître de chapelle et vicaire de la cathédrale de Strasbourg. En 1698, il se présenta au poste de maître de chapelle à la Sainte-Chapelle du Palais à Paris, mais le chapitre lui préféra Marc-Antoine Charpentier. La même année, il fut nommé maître de chapelle et grand chapelain à Meaux. Il fut longtemps surtout connu pour son Dictionnaire de musique (avant-projet publié en 1701), paru en 1703 avec une dédicace à Bossuet et plusieurs fois réédité jusque vers 1710 (seule l’édition de 1703 a survécu). Il s’agit du premier dictionnaire de musique en langue française et d’une source essentielle pour l’histoire de la musique en France au XVIIe siècle. Il comprend un « Dictionnaire des termes grecs, latins et italiens », une « Table alphabétique des termes français », un « Traité de la manière de bien prononcer » et un « Catalogue de plus de 900 auteurs ». Bibliophile averti, Brossard réunit une collection d’oeuvres musicales qu’il vendit en 1724-1726 à Louis XV contre une pension, dont il prépara un catalogue avec d’intéressantes annotations de sa main et qui constitue aujourd’hui un des fonds les plus précieux du département de la musique de la Bibliothèque nationale. Théoricien remarquable, intéressant comme compositeur, il pratiqua la plupart de grands genres de son époque, sauf le clavecin et l’orgue. En quantité, ce sont les airs (sérieux, à boire ou italiens) qui dominent sa production et qui en son temps firent le plus pour sa renommée. En musique religieuse, il a laissé trois grands motets - Miserere mei, Canticum Eucharisticon, In convertendo, les deux premiers cités au moins étant de l’époque de Strasbourg -, des petits motets, deux oratorios, des leçons de ténèbres ; en musique vocale profane, des oeuvres théâtrales dont Pyrame et Thisbé (1685), des cantates spirituelles (Samson trahi par Dalila) et italiennes (Leandro) ainsi qu’une cantate sérieuse (les Misères humaines) ; en musique instrumentale, des pièces pour luth, pour violon et en trio et des oeuvres pour orchestre. Un catalogue thématique a été publié en 1995 par Jean Duron (l’OEuvre de Sébastien de Brossard 1655-1730). BROUWER (Leo), guitariste et compositeur cubain (La Havane 1939). Il a débuté dans la carrière de guitariste en 1956, après avoir travaillé avec un élève d’Emilio Pujol. Il a fait des études de composition de 1955 à 1959 à La Havane, en 1959-60 avec Vincent Persichetti et Stepan Wolpe, et, enfin, à l’université de Hartford. Il a ensuite occupé diverses fonctions officielles à La Havane, à l’Institut des arts et de l’industrie cinématographiques (comme directeur du département musical, puis du département de musique expérimentale), et au conservatoire (comme professeur d’harmonie et de contrepoint, puis de composition). Des influences très diverses se décèlent dans la musique de Leo Brouwer, notamment celles d’lves, Cage, Nono, Kagel, Xenakis, qui ont déterminé un style s’orientant de plus en plus vers l’avantgarde, y compris vers la musique aléatoire. Le compositeur a été et demeure profondément engagé dans les réflexions et les bouleversements qui ont accompagné et suivi la révolution cubaine. Nombre de ses oeuvres (La tradición se rompe pour orchestre, 1967-1969 ; Cantigas del tiempo nuevo pour acteurs, choeur d’enfants, piano, harpe et 2 percussionnistes, 1969) sont liées par leur thème à un contexte purement cubain, sans pour autant que leur écriture ressortisse à un quelconque nationalisme musical. Les compositions de Brouwer comprennent essentiellement des pièces pour diverses combinaisons instrumentales, dont un certain nombre pour ou avec guitare, et des pièces pour orchestre comme Sonograma II (1964) ou Hommage à Mingus pour ensemble de jazz et orchestre (1965). Il a écrit plusieurs dizaines de musiques de film. BROWN (Charles), compositeur français (Boulogne-sur-Mer 1898). Il a travaillé à Paris le violon avec Lucien Capet et l’écriture à l’école César-Franck, notamment avec Guy de Lioncourt. Il a été violoniste aux Concerts Lamoureux (1938-1948), puis directeur de l’École nationale de musique de Bourges. On lui doit des oratorios (Évocations liturgiques, 1947 ; le Cantique dans la fournaise, 1946 ; Cantate pour sainte Jeanne de France, 1950), des symphonies et pièces symphoniques, des oeuvres concertantes, des trios, quatuors, quintettes. Son style relève d’une discipline classique. BROWN (Earle), compositeur américain (Lunenburg, Massachusetts, 1926). Trompettiste amateur, il fit, à Boston, des études de mathématiques et d’ingénieur, et suivit des cours de composition, d’orchestration et d’écriture avec Roslyn Brogue Henning, à la Schillinger School (1946-1950). Parallèlement, il s’initia aux théories mathématiques (appliquées à la downloadModeText.vue.download 133 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 127 musique) de Joseph Schillinger, avant de les enseigner lui-même (ainsi que la composition) à Denver (1950-1952). Mais s’il fut fasciné par ces théories, il ne devait pas en reprendre à son compte l’organisation extrême. Il fut influencé au début de sa carrière par Ives et Varèse, mais davantage encore par une certaine peinture (Pollock) et une certaine sculpture (Calder) américaines ; chez Calder, il trouva la « précision de l’organisation » et surtout l’idée de la mobilité d’une oeuvre. Ses premières oeuvres - 3 pièces pour piano (1951), Perspectives pour piano (1952), Musique pour violon, violoncelle et piano (1952) - rendent hommage à la fois au sérialisme et - comme, plus tard encore, Pentathis (1957) - aux théories de Schillinger. Mais Brown évolua rapidement vers la « forme ouverte », notion qu’il fut l’un des premiers à introduire en musique, et sa rencontre avec John Cage (1951), ainsi qu’avec Wolff et Feldman, fut à cet égard décisive. Il collabora avec Cage et David Tudor au projet de musique pour bande magnétique à New York (1952-1955), participa aux cours d’été de Darmstadt, à partir de 1955, fut directeur artistique des enregistrements de musique contemporaine chez Time Records (1955-1960), bénéficia d’une bourse Guggenheim en 1965-66 et fut nommé, en 1968, professeur de composition au conservatoire Peabody de Baltimore. Il le resta jusqu’en 1970. La forme ouverte et les techniques semi-aléatoires apparurent dans ses oeuvres à partir de 1953. Folio (1952-53) est un groupe de trois oeuvres - November 1952, December 1952 et 1953 - pour n’importe quel nombre d’instruments. December 1952 remplace les hauteurs écrites, et donc fixées par un exemple de notation graphique, par des lignes en diverses positions et de diverses longueurs, devant servir de support à l’improvisation d’un groupe quelconque de musiciens durant un laps de temps indéterminé. Dans 25 Pages pour 1 à 25 pianos (1953), le ou les exécutants peuvent disposer les pages dans l’ordre de leur choix, et l’on trouve un principe que Brown devait très souvent reprendre ultérieurement : une notation proportionnelle ne divisant pas le temps en unités précises, mais en durées relatives dont la longueur, laissée à l’initiative de l’exécutant, est suggérée par l’espacement des symboles. Convaincu qu’une musique est d’autant plus intense que l’exécution participe davantage à sa création, il s’intéressa moins à l’indétermination dans l’acte de composer, comme Cage, ou à la libération des sons, qu’au problème de la forme, aux présentations différentes d’un même matériau et à ses conséquences. À Available Forms I pour 18 musiciens (1961) succéda Available Forms II pour 98 musiciens et 2 chefs dirigeant chacun 49 exécutants (1962), la forme dépendant de la réciprocité et de la spontanéité des réactions des 2 chefs l’un par rapport à l’autre. Le procédé est semblable dans 9 Rarebits pour 1 ou 2 clavecins (1965) ou dans Synergy II pour orchestre de chambre (1967-68), alors qu’inversement, Corroboree (1964) pour 3 pianos ou le quatuor à cordes (1965) introduisent des structures mobiles à l’intérieur de formes fermées. Dans Calder Piece pour 4 percussionnistes et 1 mobile de Calder (1965), le rôle du chef est tenu par le mobile. Ses ouvrages n’en contiennent pas moins des éléments d’unité au sens traditionnel : ainsi l’usage obstiné, presque canonique, des quintes dans Available Forms I. Auteur également d’Octet I (1953) et d’Octet II (1954) pour bande, de Modules I et II pour petit orchestre et 2 chefs (1966), de Syntagm III (1970), Cross Sections (1973) et Color Fields (1975) pour orchestre, de Small Piece pour choeur (1975), de Tracer pour instruments et bande (1984), doté d’un sens raffiné des timbres, Earle Brown est apparu comme l’une des personnalités les plus importantes de l’avant-garde américaine. BROWNLEE (John), baryton américain (Geelong, Australie, 1901 - New York 1969). Sa voix fut découverte en Australie par Nellie Melba. Il étudia le chant avec Dinh Gilly à Paris et y débuta au Trianon-Lyrique en 1926. Il parut la même année au Covent Garden de Londres dans le gala d’adieux de Nellie Melba et débuta à l’Opéra de Paris, en 1927, dans le rôle d’Athanaël de Thaïs de Massenet. Tout en chantant, plus particulièrement, à l’Opéra jusqu’en 1936, puis au Metropolitan de New York jusqu’en 1957, il fit une carrière internationale. Son nom demeure lié aux premières années du festival de Glyndebourne, lors duquel il donna des interprétations célèbres du rôle de Don Juan. Pédagogue, il tint à la fin de sa vie une place importante dans la vie musicale des États-Unis et fut, en particulier, président de la Manhattan School of Music à New York. BRUCH (Max), compositeur allemand (Cologne 1838 - Friedenau, près Berlin, 1920). Il prit ses premières leçons de musique avec sa mère, puis étudia à Bonn, à Cologne et à Leipzig. En 1858 fut représentée à Cologne sa première oeuvre lyrique, le singspiel Scherz, List und Rache, d’après Goethe. En 1863, l’opéra Die Lorelei fut créé à Mannheim. Bruch occupa des postes de chef d’orchestre et de chef de choeur successivement à Mannheim, Coblence, Sondershausen, Berlin, Liverpool et Breslau. En 1872, son opéra Hermione fut donné à Berlin. Il épousa la chanteuse Clara Tuczek (1881) et, en 1892, fut nommé professeur de composition à la Musikhochschule de Berlin où il enseigna jusqu’en 1910. Fortement influencée par Brahms et très appréciée à son époque, l’oeuvre de Max Bruch se caractérise par une écriture d’une grande sûreté, par des mélodies généreuses qui s’inspirent parfois du folklore écossais, gallois ou allemand, par des accents postromantiques, mais aussi par un certain académisme. Il a composé trois symphonies, de la musique de chambre, de nombreuses oeuvres chorales et des oratorios, de la musique théâtrale. Sa Fantaisie écossaise pour violon et orchestre, l’un de ses concertos pour violon, le no 1 en sol mineur, et une pièce pour violoncelle et orchestre, Kol Nidrei, demeurent encore populaires de nos jours. BRUCHOLLERIE (Monique de la), pianiste française (Paris 1915 - id.1972). Élève de Cortot et d’Isidore Philipp au Conservatoire de Paris, elle y remporte un premier prix en 1928. Elle travaille également les rhapsodies de Liszt avec Emil von Sauer. En 1937, un prix au Concours Chopin lui vaut des engagements avec l’Orchestre de Varsovie. De 1941 à 1944, elle est sous engagement exclusif avec la Société des concerts du Conservatoire dirigés par Charles Münch. Entre 1955 et 1965, elle donne plus de 700 concerts dans le monde entier, notamment à Boston avec Ansermet. Professeur réputé au Conservatoire de Paris, elle devient infirme en 1966 à la suite d’un accident d’auto survenu en Roumanie. BRUCK (Charles), chef d’orchestre français (Temesvar, Hongrie, auj. Timisoara en Roumanie, 1911 - Hancock, Maine, 1995). Arrivé en France en 1928, diplômé de l’École normale de musique de Paris (piano), il devint l’élève de Pierre Monteux pour la direction d’orchestre et donna ses premiers concerts en Amérique du Nord en 1939. Après la guerre, il commença une grande carrière de chef d’orchestre, notamment à la tête de l’orchestre de la radio de Strasbourg, puis de l’Orchestre philharmonique de l’O. R. T. F., qu’il quitta en 1965. En 1968, il succéda à Monteux à l’école de direction d’orchestre de Hancock (Maine, États-Unis). Passionné de musique contemporaine, Charles Bruck a joué un rôle déterminant en faveur de celle-ci. Il est le créateur de plus de deux cents oeuvres au total. La rigueur exceptionnelle de ses interprétations n’y excluait nullement la chaleur. BRUCKNER (Anton), organiste et compositeur autrichien (Ansfelden, HauteAutriche, 1824 - Vienne 1896). Son grand-père fut le premier de cette ancienne famille rurale (originaire d’Oed, downloadModeText.vue.download 134 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 128 près d’Amstetten) à s’élever au rang de maître d’école en s’installant à Ansfelden (15 km au S. de Linz) en 1776. Il eut pour adjoint, dès 1814, son fils Anton Bruckner Sr., qui lui succéda en 1823 et épousa la même année Theresia Helm, dont il eut cinq enfants. L’aîné, Josef Anton Jr., naquit un an plus tard, le 4 septembre (il fut suivi de trois soeurs et d’un frère, Ignaz, à demi simple d’esprit). Le premier éveil musical du jeune Anton lui vint de son cousin Jean-Baptiste Weiss (1812-1850), organiste à Hörsching, chez qui il séjourna en 1835 et 1836, et écrivit ses premiers essais connus, 4 Préludes pour orgue. De retour à Ansfelden, il aidait déjà son père à la fois à l’école et au violon pour les bals villageois ; mais dès l’année suivante il vit mourir prématurément celui-ci, et il entra à la manécanterie de la voisine abbaye de Saint-Florian, où il fut accueilli par le supérieur Michaël Arneth, qui lui tint lieu de père adoptif. Là s’effectua sa formation générale et sa première instruction musicale, notamment, à l’orgue avec Anton Kattinger, alors titulaire de la future « BrucknerOrgel ». À l’âge de seize ans, placé devant le choix de son futur métier, Anton Bruckner répondit simplement : « Comme mon père « ; il poursuivit une année d’études à la Preparandie de Linz tout en prenant des leçons d’harmonie et de contrepoint auprès d’August Dürrnberger (1800-1880). Durant huit années, Anton demeura maître d’école adjoint dans de petits villages de Haute-Autriche, notamment, à Kronstorf, près de Steyr, où il prit des leçons avec l’organiste Leopold von Zenetti (1805-1892), puis à Saint-Florian même, dès 1845, avant d’y être enfin nommé, en mars 1848, organiste auxiliaire et, trois ans plus tard, titulaire. Hormis quelques pièces d’orgue et une profusion de motets sacrés, cette « première période » voit naître déjà deux oeuvres très significatives : en 1849 le Requiem en ré mineur, et, cinq ans plus tard, la Missa solemnis en si bémol, déjà le quatrième essai du genre. L’ORGANISTE DU « DOM ». La Messe, notamment, marqua un premier tournant dans la vie et la carrière de son auteur. À la disparition de son protecteur Michaël Arneth, le jeune organiste prit conscience que son destin n’était plus à Saint-Florian ; et, dans l’année qui suivit, après diverses épreuves et nanti de certificats de capacité, il se laissa convaincre de postuler d’abord à Olmütz puis à Linz, où il fut nommé à l’ancienne cathédrale, ou « Dom » (aujourd’hui Ignatiuskirche) en novembre 1855. Il demeura près de treize années dans la capitale provinciale, qui, de nos jours, notamment par un festival qui prend d’année en année plus d’importance, vénère son souvenir comme Salzburg le fait pour Mozart. Ce séjour fut divisé en deux étapes d’égale durée. La première offrit l’exemple, unique chez un artiste de cet âge, d’une remise en cause fondamentale de toute sa formation théorique. Le savant contrapuntiste viennois Simon Sechter (1788-1867), qui fut déjà sollicité trente-huit ans plus tôt, par Schubert, admit Anton comme élève. Il se rendait chez son professeur chaque mois en empruntant le service fluvial qui lui faisait descendre le cours du Danube, au travers d’un paysage exaltant, dont son oeuvre, par la suite, porta la trace. Ce cycle d’études (sanctionné en nov. 1861 par l’aptitude à enseigner en conservatoire) ne fut, toutefois, pas le dernier auquel il se soumit : durant deux années encore, il se perfectionna en technique orchestrale auprès du chef du théâtre de Linz, Otto Kitzler, de dix ans son cadet. Et celui-ci lui révéla tout le répertoire moderne, insoupçonné de l’organiste, de Weber à Wagner en passant par Spohr, Berlioz, Mendelssohn, Schumann et Liszt - le premier contact avec l’art wagnérien, notamment, eut lieu en février 1863 par la création linzoise de Tannhäuser. DU MUSICIEN D’ÉGLISE AU SYMPHONISTE. Tandis que Sechter interdisait à son élève tout travail créateur (la seule composition de cette époque, le Psaume 146 pour solos, choeur et orchestre, entreprise en 1856, fut terminée seulement en 1861), Kitzler suscita les premiers essais dans les formes instrumentales « nobles », avec le Quatuor à cordes en ut mineur (demeuré inconnu jusqu’en 1951) et la précieuse Ouverture en sol mineur, véritable trait d’union avec Schubert. Ces oeuvres remontent à 1862 ; et, l’année suivante, Bruckner signa sa toute première symphonie en fa mineur (dite « d’étude »), qu’il écarta plus tard de la numérotation définitive de même que celle en ré mineur entreprise aussitôt après et à laquelle, comme par un tardif remords, il attribua à la fin de sa vie le symbolique numéro « zéro « ! Dans ces années décisives de la « période de Linz », l’organiste édifia simultanément ses principaux monuments liturgiques. À côté d’une seconde série de motets comprenant le célèbre Ave Maria à sept voix (1861), allaient ainsi naître les trois principales Messes : no 5 (en édition no 1) en ré mineur, terminée et créée en 1864 et où le commentateur Moritz von Mayfeld crut déceler l’éclosion soudaine d’un génie (pour bien intentionné qu’il fût, cet ami de Bruckner ne se doutait ni de la somme de travaux ni de l’évolution continue dont l’oeuvre était en vérité l’aboutissement) ; no 6 (II) en mi mineur, avec accompagnement de quinze instruments à vent, écrite au cours de l’été 1866, mais créée seulement en 1869, en plein air, sur le chantier de la nouvelle cathédrale de Linz ; enfin no 7 (III), « la Grande », en fa mineur, la plus vaste, mais d’expression plus subjective que la précédente, entreprise en 1867 au cours d’une grave dépression nerveuse et comme pour « exorciser » le mal (créée en 1872 à Vienne, elle fut alors accueillie avec chaleur par Eduard Hanslick, qui la compara à la Missa solemnis de Beethoven). Mais tandis qu’il créait ces pages vibrantes d’une foi sincère, Anton devait faire abstraction de l’exigence, non moins impérieuse, d’une expression plus authentiquement personnelle, plus « engagée » aussi. Cette exigence éclata dans la symphonie, avec d’autant plus de force qu’elle avait été longtemps contenue. Les violents contrastes et le déchaînement agogique de la Symphonie no 1 en ut mineur (1865-66) n’eurent pas d’autre cause, ainsi que ses audaces formelles et harmoniques, qui firent d’elle la première pierre du renouveau moderne de la symphonie. Rien d’étonnant à ce qu’à sa première audition, le 9 mai 1868 à Linz (huit ans avant l’apparition de la Première Symphonie de Brahms), elle n’ait remporté qu’un succès d’estime, davantage adressé à l’organiste du Dom qu’au compositeur, qui, en vérité, dès cet instant, était incompris. Comme pour toutes ses oeuvres majeures jusqu’alors, Bruckner dirigea luimême cette création : depuis ses débuts, soulignons-le, son activité secondaire de chef de choeur l’amena maintes fois à paraître dans la vie musicale « séculière ». Ainsi Wagner, avec qui il était entré en rapport dès 1865, lui confia-t-il, en avril 1868, l’avant-première d’un choeur extrait des Maîtres chanteurs ; et lui-même écrivit, notamment pour sa chorale Frohsinn à Linz, maintes pièces toujours pratiquées en pays germanique, mais guère à l’étranger. Cependant Sechter, mort en septembre 1867, l’avait désigné pour lui succéder dans ses charges de professeur au conservatoire de Vienne et d’organiste de la chapelle impériale. Intimidé par la perspective de telles responsabilités, d’autant qu’il les ambitionnait, Anton hésita et il multiplia les démarches dans d’autres directions (Salzburg, Munich), pour céder enfin aux objurgations de Johann Herbeck, qui venait de découvrir la Symphonie inachevée de Schubert, et qui s’était fait aussi le prosélyte de notre musicien. Les décrets de nomination de Bruckner intervinrent, en juillet 1868, au conservatoire, et, le 4 septembre - jour de son 44e anniversaire -, à la Hofkapelle ; la semaine suivante, il s’embarqua sans retour pour Vienne, ne se doutant pas que cette ville allait devenir aussi son Golgotha. UN CARACTÈRE AMBIVALENT. L’homme mûr qui s’installa à Vienne, au numéro 42 de la Währingerstrasse, en compagnie de sa soeur cadette Maria-Anna (Nanni) qui tint son ménage, n’offrait pas encore l’image, aujourd’hui downloadModeText.vue.download 135 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 129 familière, de l’ascète chenu courbé sous le poids des ans et de l’adversité. Il conserva cependant la tendance, facile à confondre avec de l’humilité, à s’incliner devant toute autorité temporelle ou spirituelle, qu’elle lui fût imposée par les institutions ou qu’il l’eût lui-même choisie, comme ce fut le cas pour Wagner (dans la populaire silhouette dessinée par Otto Böhler, il paraissait plus petit que son confrère alors qu’en fait c’était l’inverse). Son comportement, son vêtement trop large nécessité par les mouvements qu’il exécutait aux claviers, son accent rural (l’équivalent pour la France de celui d’un paysan berrichon), tout cela prêtait à sourire, et il en était fort conscient. Mais avec une habileté qui suffisait à la démentir, il joua de cette réputation de niaiserie (Halb Gott, halb Trottel, « moitié Dieu, moitié benêt », disait, paraît-il, Mahler) pour endormir la méfiance de l’intelligentsia au sein de laquelle il se créa peu à peu une position que nul n’eût imaginé lui voir occuper un jour. Derrière une piété démonstrative, qui accentua encore son côté marginal, il dissimula une ambition amplement justifiée par son génie, mais que d’aucuns qualifient aujourd’hui d’« arriviste ». Après avoir, jusqu’à la trentaine passée, douté de sa vocation musicale, il prit conscience désormais de l’oeuvre qu’il était destiné à accomplir, et il était prêt à endurer les pires épreuves pour la mener à bien. Il savait qu’il n’allait la faire triompher que si sa position sociale lui en donnait les moyens. Étant fils et petit-fils d’instituteurs, il eut la chance d’être un bon pédagogue, et devait mettre ce don à profit avec une admirable persévérance non seulement au conservatoire, mais aussi à l’université, terrain où il était peu prédestiné à prendre pied. LA « SECONDE ÉCOLE VIENNOISE ». Après maintes sollicitations auprès du ministère, et sans se préoccuper de ce qu’il s’aliénait définitivement son collègue Hanslick en marchant par trop sur ses brisées, il obtint en effet en 1875 la création à son profit (mais, au début, sans émoluments) d’une chaire de théorie musicale ouverte aux étudiants du doctorat en philosophie, où se succédèrent durant vingt années les futurs grands noms de la pensée viennoise et pas seulement des musiciens. De ce maître qui entretenait avec eux des relations quasi familiales, la plupart de ses étudiants garderont un souvenir impérissable, l’honorant de multiples façons dans leurs écrits. Certains, comme Mahler, suivirent son enseignement à la fois au conservatoire et à l’université. Il eut, en outre, des élèves privés ; et un Hugo Wolf devait plaider pour lui avec acharnement dans le Wiener Salonblatt, et se réclamer de lui sans jamais avoir pris ses leçons. Le terme de « seconde école viennoise » doit donc s’appliquer, non pas au groupe de Schönberg (qui sera la « troisième ») mais à celui constitué par Bruckner et ses deux principaux héritiers Hugo Wolf et Gustav Mahler, avec aussi quelques autres noms, comme par exemple Franz Schmidt. Malgré de grandes divergences de pensée et de style, des affinités musicales frappantes les liaient sur le plan de l’écriture et même de certaines citations explicites ; et l’on ne saurait trop souligner l’antériorité de Bruckner dans les conquêtes de forme et de langage qui allaient marquer la fin du siècle et aboutir à l’éclatement du monde tonal. DU DÉSASTRE AU TRIOMPHE. Mais reportons-nous à l’arrivée du maître à Vienne, pour le suivre brièvement dans son destin musical - qui d’ailleurs se confondait avec sa vie privée, puisque la composition allait absorber tout le temps que lui laissèrent ses triples fonctions (dans les cinq dernières années de sa vie seulement il eut le loisir de s’y consacrer totalement, et il était alors trop tard pour qu’il puisse mener à bien son oeuvre ultime, la 9e Symphonie). Quant au bonheur intime d’un foyer, on sait qu’il lui fut toujours refusé, encore qu’en deux occasions, au moins, il y eût lui-même renoncé par intransigeance religieuse (du moins étaitce là le prétexte avoué). En 1870, sa soeur mourut, et il dut engager une servante, Kathi Kachelmayer, qui lui fut dévouée jusqu’à sa mort. Chaque été, il retourna au pays natal passer de studieuses vacances ; et trois grandes diversions, trois voyages lointains seulement marquèrent les vingthuit années du séjour viennois : deux tournées organistiques triomphales, en 1869, en France (Nancy et Paris) et, en 1871, à Londres ; et un voyage de tourisme, en 1880, en Bavière, Suisse et Haute-Savoie. Ne s’y ajoutèrent que quelques brefs déplacements en Allemagne pour assister à divers concerts de ses oeuvres, qui y furent parfois jouées avant de l’être à Vienne ; ou, bien sûr, au festival de Bayreuth, dont il devint d’emblée un familier. Les autres événements saillants furent rares. Au plan matériel, deux seuls déménagements (en 1877 pour la Hessgasse, à l’angle du Ring, et en 1895 pour le pavillon de garde du Belvédère mis à sa disposition par l’empereur François-Joseph) ; au plan de l’anecdote, sa réception par l’empereur, en 1886, où le monarque s’entendit demander par le musicien s’il ne pouvait « empêcher Hanslick de (le) démolir si méchamment « ; ou son unique rendez-vous avec Brahms, au restaurant « Zum roten Igel », où ils ne se comprirent qu’en matière culinaire ! Reste l’essentiel : les premières auditions des symphonies. Et là nous passons d’un extrême à l’autre, du désastre de la Troisième (16 déc. 1877) au triomphe de la Huitième (18 déc. 1892), tandis qu’en 1887 le rejet par Hermann Levi de la version primitive de cette même Huitième avait failli conduire Bruckner au suicide. À l’inverse, l’une des grandes joies de sa vieillesse fut, en novembre 1891, son accession au doctorat honoris causa de l’université de Vienne ; les solennités qui s’ensuivirent l’émurent jusqu’aux larmes. LES VERSIONS MULTIPLES. Ce fut donc l’édification du monument symphonique qui occupa principalement ses pensées à Vienne. Après un hiatus de trois années environ, dû à la nécessité de s’accoutumer à la vie urbaine nouvelle à laquelle il était si mal préparé, il y revint en 1871-72 avec la Deuxième en ut mineur, et le poursuivit désormais sans désemparer, en passant parfois des années (notamment de 1876 à 1879 et de 1888 à 1891) à remodeler le travail antérieur. La plupart des symphonies connurent ainsi deux, voire trois rédactions successives ou « Fassungen », souvent très divergentes, plus diverses variantes pour des mouvements isolés : tous ces textes ont aujourd’hui paru dans l’Édition critique intégrale réalisée à Vienne. Sans tenir compte des retouches mineures, on s’aperçoit, en considérant cette somme, que Bruckner a produit, non pas neuf ni onze symphonies, mais bien dix-sept ! (On en donne plus loin la nomenclature.) Ces remaniements systématiques répondaient, certes, d’abord au souci de perfectionner l’ouvrage, de mieux profiler un thème ou de resserrer la forme. Mais ils eurent parfois l’inconvénient de faire disparaître des hardiesses précieuses ; d’où l’intérêt de la redécouverte des versions primitives (« Urfassungen »). En outre, certaines des révisions les plus tardives furent influencées par les exigences des élèves et interprètes du compositeur, soucieux de rendre sa musique acceptable aux oreilles des contemporains ; et dans certains cas ils rédigèrent eux-mêmes de nouveaux textes, qui furent en réalité les premiers publiés. Ceux-ci sont aujourd’hui heureusement abandonnés, mais il en demeure des traces fâcheuses, notamment dans les dernières versions des Troisième et Huitième symphonies. L’« ART DE LA SYMPHONIE ». Bien qu’il s’agisse dans tous les cas de musique pure, et que l’ensemble ait pu être qualifié d’« Art de la symphonie » (A. Machabey), au sens de l’Art de la Fugue, chacune des symphonies - nous l’avons vu pour la Première - comporte en sa substance, sinon un programme précis, du moins un lien direct avec les circonstances de sa création et les sentiments qui assaillaient alors le musicien. En ce sens, Anton Bruckner s’affirma fondamentalement comme un romantique, donc un enfant de son siècle, ce qu’il fut aussi par sa situation chronologique, entre Beethoven et Schubert d’une part, Mahler et le downloadModeText.vue.download 136 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 130 XXe siècle de l’autre. Ces deux faits, à tout le moins, contrebattirent l’idée de son « intemporalité « ; et ce qu’on appela son « mysticisme » fut en vérité la traduction de son émerveillement devant toutes les beautés de ce monde et de sa gratitude envers Celui qu’il reconnaissait pour leur créateur. Ce terme constitua une constante de sa pensée dans toutes les symphonies et spécialement dans leurs adagios, dont les cinq derniers, au moins, comptent au nombre des pages les plus inspirées de toute la musique. Il reste que les terribles conflits qui sous-tendent cette pensée, et qui se traduisent notamment par des tensions harmoniques, dont le musicologue anglais Robert Simpson a fait une étude remarquable, justifient la conclusion de Gustave Kars : « On ne saurait imaginer qu’une oeuvre d’une telle portée et d’une telle complexité ait pu être le fruit d’une vie béate, d’où la lutte et le doute auraient été absents. » Si diverses par leur propos, les symphonies répondent toutes à une évolution sans faille, chacune s’appuyant sur les précédentes pour préparer la suivante. Leur structure formelle obéit à deux principes fondamentaux : d’une part l’unité interne, accomplissement et systématisation d’un processus ébauché déjà par le dernier Schubert, et qui consiste à fonder l’oeuvre sur une cellule mère qui féconde tous les mouvements et triomphe en conclusion ; d’autre part le trithématisme des mouvements de sonate, qui, de même que la succession des temps, répond à un souci primordial de contrastes (deux données vigoureuses ou épiques encadrent un « groupe du chant » de caractère lyrique). Contrairement à une idée trop répandue, ni leurs durées (à deux exceptions près : Cinquième et Huitième) ni leur effectif instrumental n’outrepassent maints exemples antérieurs (Berlioz). Le compositeur employait rarement des instruments autres que ceux de l’orchestre du dernier Beethoven ou de Brahms, mais il tira de cet orchestre des effets bien plus somptueux grâce à une technique plus moderne et surtout à un instinct infaillible dans le choix et la répartition des couleurs. L’influence de la registration organistique est évidente, mais elle se traduit, non par l’abus de doublures, mais par l’indépendance des groupes orchestraux, qui évoluent en grands blocs selon une démarche que seul le XXe siècle saura retrouver. À la pratique de l’orgue on peut, de même, rattacher les fréquentes césures (pauses générales) qui émaillent le discours brucknérien et préparent souvent l’énoncé d’une idée directrice. En réalité, ce rôle philologique du silence est commun aux trois grands romantiques autrichiens (Schubert, Bruckner, Mahler) : c’est un des traits fondamentaux qui les distinguent de leurs collègues d’Allemagne (de Beethoven à Reger), qui, dans la symphonie tout au moins, professent plutôt l’« horreur du vide « ! Enfin, toute création liturgique majeure étant, chez Bruckner, absente du catalogue viennois à la seule exception du Te Deum entrepris en 1881 et terminé en 1884, la tentation est forte de considérer que les symphonies de la grande période (2 à 9) unissent l’expression sacrée et l’expression profane en un seul et même genre : phénomène pratiquement unique dans la littérature musicale. Grâce à cette dualité autant qu’à ses conquêtes d’écriture, Anton Bruckner s’élève très au-dessus du cadre régional et même national pour s’égaler aux deux plus grands chantres de l’humanité, Jean-Sébastien Bach et Ludwig van Beethoven. C’est donc lui, et non Brahms, qui devrait constituer, si l’on tenait à cette image, le troisième terme de la trinité proclamée par Hans von Bülow ; et la multiplicité des études qui lui sont consacrées montre d’ailleurs combien s’affirment de jour en jour l’importance et la valeur de son message au regard de la musique de notre temps. LES CHEFS-D’OEUVRE VIENNOIS. Il reste à caractériser brièvement chacune des symphonies viennoises. La Deuxième a été qualifiée par August Goellerich, élève préféré et principal biographe de Bruckner, de « symphonie de Haute-Autriche », ce que justifie surtout son scherzo bondissant (la danse populaire sera d’ailleurs un terme constant dans les scherzos, au moins jusqu’à la Cinquième incluse). La Troisième, qui ambitionne pour la première fois d’allier l’inspiration épique beethovénienne et le monde des Nibelungen, fut dédiée à Richard Wagner ; et cela valut à son auteur vingt années d’ostracisme de la part de la critique traditionaliste viennoise. La Quatrième reçut son sous-titre de Romantique du compositeur lui-même, qui fournit aussi pour chaque mouvement un programme quelque peu naïf : elle est, dans l’ensemble, dominée par l’amour de la nature, mais bien moins tributaire d’intentions précises que la Pastorale, dont on la rapproche souvent. En revanche, sa structure cyclique est peut-être la plus parfaite. Premier point culminant de la chaîne et création éminemment typique de son auteur (qui ne l’entendit jamais !), la Cinquième (18751877) unit le climat religieux au lyrisme viennois en une formidable architecture sonore qui intègre une double fugue. La Sixième connaît en son adagio l’épilogue d’une des nombreuses idylles que le musicien se forgeait sans véritable espoir ; tandis que le scherzo est d’atmosphère fantomatique. La Septième fut celle qui valut à son auteur la gloire internationale : sa création à Leipzig, le 30 décembre 1884, par Arthur Nikisch, le tira du jour au lendemain de l’obscurité. Elle avait, il faut dire, de quoi séduire le plus vaste auditoire, tant par la noblesse de ses mélodies que par la somptuosité de sa parure orchestrale. L’adagio, où Bruckner emploie pour la première fois les tubas, fut entrepris dans le pressentiment de la mort de Wagner ; il s’achève sur la Trauerode qui, treize ans plus tard, devait accompagner son auteur à sa dernière demeure. La Huitième, la plus vaste et la plus complexe de toutes (elle occupa le compositeur de 1884 à 1890), comporte au moins trois éléments programmatiques : le glas (Totenuhr) qui résonne à la fin du premier mouvement dans la seconde version ; la peinture du paysan danubien dans le scherzo ; et le thème en trois vagues qui ouvre le finale et illustre une rencontre des empereurs d’Autriche, d’Allemagne et de Russie. Mais, au-delà de l’anecdote, la grandiose et cataclysmique péroraison, avec superposition de tous les thèmes de l’oeuvre, manifeste l’extrême limite des potentialités de la forme symphonique ellemême. Bruckner eût-il pu aller plus loin encore dans la Neuvième, qu’il dédia symboliquement « au bon Dieu « ? On pouvait l’attendre par les dimensions du premier mouvement, ou par la percée qui s’accomplit en matière harmonique (superposition de tous les degrés de la gamme diatonique) au sommet de l’adagio. Et dans les esquisses du finale, auquel le musicien travailla jusqu’à son dernier jour, les fonctions tonales semblent fréquemment suspendues. Mais ce dernier morceau ne parvint pas à son terme (il s’interrompit au seuil de la péroraison) : c’est donc sur le sublime apaisement de l’adagio, venant après la terrifiante course à l’abîme du scherzo, que le maître prit congé de son auditoire terrestre. À sa mort, le 11 octobre 1896, au terme d’un lent déclin et d’une hydropisie aggravée d’atteintes pulmonaires, il laissait parmi d’autres genres, au moins, deux oeuvres majeures : le Quintette à cordes en fa, avec deux altos (1879), et Helgoland (1893), sur un poème d’August Silberstein, pour choeur d’hommes et grand orchestre, couronnement d’une production chorale profane ininterrompue comportant une quarantaine de pièces. Enfin en musique sacrée, outre le Te Deum déjà cité, un bref et éclatant Psaume 150 (1892) et une dernière série de motets, les mieux connus et les plus neufs d’expression : quatre graduels (du Locus iste de 1869 au Virga jesse de 1885) ; Ecce sacerdos, avec cuivres (1886) ; Vexilla regis (1892). downloadModeText.vue.download 137 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 131 UN AUDITOIRE D’OUTRE-TOMBE. Les obsèques d’Anton Bruckner furent célébrées en grande pompe, devant le Tout-Vienne de la musique, le 14 octobre 1896, à l’église Saint-Charles. Quelques semaines auparavant, il réclamait encore de ses médecins une attestation écrite garantissant sa liberté ; et cette même exigence supérieure lui avait fait demander par testament que son cercueil demeurât exposé - et non inhumé - dans la crypte de Saint-Florian, au-dessous de l’orgue qui, depuis, porte son nom. Lorsqu’on exauça ce voeu, on découvrit une nécropole remontant aux invasions turques, et d’où l’on retira plusieurs milliers de crânes devant lesquels il joue désormais pour l’éternité ! BRUDIEU (Joan), compositeur français (Limoges v. 1520 - Urgel, Espagne, 1591). On ne sait presque rien de son enfance et de sa formation. Arrivé en Espagne en 1539, il fut maître de chapelle de la cathédrale d’Urgel en Catalogne, de 1539 à 1543 et de 1545 à 1577. Il fut ordonné prêtre en 1543. À partir de 1577, il fit quelques voyages, et on le trouve en 1585 à Barcelone où il publie ses Madrigales. Il abandonna l’année suivante toute fonction après avoir obtenu un bénéfice ecclésiastique important. Ses seize madrigaux (par exemple, Las Cañas) montrent qu’il connut les oeuvres de Janequin. Il marqua sa prédilection pour les dissonances, et son style d’écriture est moins strict que celui de son cadet Victoria. Cinq madrigaux sont écrits sur des textes catalans, notamment d’Auzias March, poète du XIIIe siècle. Brudieu est, d’autre part, l’auteur d’un Requiem à 4 voix, conservé en manuscrit. BRÜGGEN (Frans), flûtiste et chef d’orchestre néerlandais (Amsterdam 1934). Après des études dans sa ville natale, au conservatoire pour la musique et à l’université pour la musicologie, il s’est très vite imposé comme l’un des plus grands virtuoses actuels de la flûte traversière et plus encore de la flûte à bec. Passionné par ce dernier instrument, il en a, de nos jours, confirmé la renaissance en lui rendant accès aux salles de concert comme instrument soliste. Il a exhumé, interprété et souvent édité de nombreuses partitions du XVIIe et du XVIIIe siècle. Attentif à toutes les époques et à tous les genres de musique, il est le créateur d’oeuvres écrites spécialement pour la flûte à bec par des compositeurs comme Berio. Il collabore avec le facteur de flûtes Hans Coolsma, d’Utrecht, gardien de la célèbre tradition des facteurs de flûtes hollandais des XVIIe et XVIIIe siècles. Comme chef, il a fondé en 1981 et dirige depuis l’Orchestre du XVIIIe Siècle. BRUHNS (Nicolaus), organiste et compositeur allemand (Schwabstedt, Schleswig, 1665 - Husum, Schleswig, 1697). Après des études de violon, de viole de gambe, d’orgue et de composition, notamment avec Buxtehude, il passa sa brève carrière comme organiste à Husum, où il fut nommé en 1689. Ses oeuvres pour orgue - 4 toccatas et une fantaisie de choral sur Nun komm der Heiden Heiland -, qui révèlent un digne disciple de Buxtehude, par la virtuosité et le renouvellement incessant de l’imagination, furent rapidement célèbres dans toute l’Allemagne. Bruhns laissa également douze Concerts spirituels et Cantates, où son tempérament fougueux s’exprime par une écriture vocale et instrumentale recherchée et brillante. BRUITEUR. Exécutant qui accompagne une action dramatique de bruits destinés à en illustrer le déroulement et à en renforcer l’impact. Déjà, dans le théâtre antique, des bruiteurs étaient chargés, notamment, de faire vibrer de grandes plaques de bronze pour simuler l’orage accompagnant l’apparition du deus ex machina. Les mystères médiévaux en appelaient également au bruitage pour évoquer, par exemple, l’horreur de l’enfer. Le théâtre baroque fit grand usage de bruiteurs, mais c’est surtout pour le théâtre radiophonique et le cinéma que l’art du bruiteur eut à se développer, en simulant une extraordinaire quantité de sons à l’aide de moyens généralement rudimentaires. L’enregistrement de certaines oeuvres lyriques peut réclamer l’intervention d’un bruiteur (par exemple, l’orage du début de l’Otello de Verdi). Aujourd’hui, grâce au développement des techniques d’enregistrement, on tend à recomposer l’environnement sonore à l’aide d’éléments recueillis sur le vif. BRUMEL (Antoine), compositeur français (v. 1460 - v. 1520). Heurier à la cathédrale de Chartres en 1483, il fut nommé maître de chant des enfants à la cathédrale Saint-Pierre de Genève (1486-1492). Membre du choeur de Laon en 1497, il devint maître des enfants à Notre-Dame de Paris (1498-1500). Il vécut ensuite, peut-être, à Lyon, avant d’occuper le poste de maître de chapelle du duc de Ferrare, Alphonse Ier (1505). Ses treize messes utilisent le cantus firmus, profane (l’Homme armé, Bergerette savoyenne, À l’ombre d’un buyssonnet) ou liturgique (Pro defunctis sur l’introït de Requiem aeternam et le Dies irae, une nouveauté en matière de teneur). Mais si, dans ses premières messes, comme l’Homme armé, le superius et le ténor commandent encore les deux autres voix, la messe De Beata Virgine, plus tardive, semble avoir été pensée à 4 voix et s’ouvre, bien que timidement, au style nouveau (souci de l’harmonie, homorythmie). La souplesse et la variété qu’apportent ces qualités expressives contrebalancent le caractère parfois trop accusé de ses connaissances purement techniques et son attachement premier à la tradition. Le motet Laudate Dominum (il en a écrit environ une trentaine) est un excellent exemple de cet équilibre. En avançant dans sa carrière, Brumel accorde une attention spéciale à la déclamation (Sicut lilium inter spinas), à l’homorythmie (Missa Super Dringhs) et une place grandissante à la richesse sonore, signes d’une influence italienne directement subie. BRÜN (Herbert), compositeur israélien (Berlin 1918). Il a fait ses études au conservatoire de Jérusalem (1936-1938), notamment avec Stefan Wolpe pour la composition, et à l’université Columbia aux États-Unis (1948-49). De 1955 à 1961, il a orienté ses recherches vers l’utilisation de l’électronique et de l’électroacoustique en composition et, à partir de 1963, vers celle des ordinateurs. Il a commenté ses travaux dans de nombreux articles publiés dans divers pays, dans des cours à Darmstadt et dans des émissions de radio en Allemagne. Il est devenu professeur à l’université de l’Illinois en 1963. Herbert Brün a composé des oeuvres pour orchestre comme Mobile for Orchestra (1958), des oeuvres de musique de chambre, dont 3 quatuors à cordes (1953, 1957, 1961), des pièces pour piano, pour clavecin, des ballets, des musiques de scène et de la musique élec- tronique (Anepigraphe, 1958 ; Non sequitur VI, pour instruments et bande, 1966), parfois avec intervention d’un ordinateur (Infraudibles, 1968). BRUNEAU (Alfred), compositeur français Paris 1857 - id. 1934). Sa mère était peintre ; son père, violoniste et éditeur de musique. Entré au Conservatoire de Paris en 1873, il obtint un premier prix de violoncelle en 1876, travailla la composition avec Massenet et remporta le second grand prix de Rome en 1881. Après avoir abordé le théâtre lyrique, en 1887, avec Kerim, il se lia avec Émile Zola et tira d’un roman de ce dernier, le Rêve, un opéra-comique créé salle Favart en 1891. Influencé par le naturalisme littéraire, Bruneau résolut de le transplanter dans l’opéra et précéda dans cette voie Gustave Charpentier, choisissant ses héros parmi les humbles, paysans, ouvriers, soldats. D’abord surpris, le public se laissa conquérir par la sincérité de l’écriture de Bruneau et la noblesse des sentiments exprimés. Il imposa les personnages de Zola sur les scènes de l’OpéraComique et de l’Opéra avec l’Attaque du downloadModeText.vue.download 138 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 132 moulin (1893), Messidor (1897), l’Ouragan (1901), l’Enfant-Roi (1905). Après la mort de Zola, il se laissa tenter par des sujets pleins d’humour (le Roi Candaule, 1920) et par un drame historique de Victor Hugo (Angelo, tyran de Padoue, 1928). Le langage musical de Bruneau est simple et clair, mais lyrique, capable d’une grande vigueur, avec un don particulier pour évoquer la nature (forêt de l’Attaque du moulin, blés mûrs de Messidor, féerie du Paradou dans sa musique de scène pour la Faute de l’abbé Mouret de Zola). À ses oeuvres théâtrales, il faut ajouter quelques pièces symphoniques et de belles mélodies. Bruneau eut aussi une importante activité de critique et de musicographe. BRUNETTE. Brève composition pour 1, 2 ou 3 voix et basse continue sur un sujet galant et champêtre, voire pastoral, en vogue au XVIIIe siècle. La brunette tire son nom de l’idéal féminin de la « petite brune » de la poésie médiévale. Le genre est léger, tendre, et se rattache soit à la forme binaire de l’air de cour, soit à celle de la chanson avec refrain. L’éditeur parisien Christophe Ballard a publié un certain nombre de brunettes dans divers recueils. La brunette poursuivit sa carrière en devenant également instrumentale (flûte, hautbois, violon). BRUNETTI (Gaetano), compositeur italien (Fano, États pontificaux, v. 1740 Madrid 1808 ?). Élève de Nardini, il arriva avec sa famille en Espagne en 1762 et y bénéficia de la protection du prince des Asturies et du duc d’Albe. Il écrivit pour eux de nombreuses oeuvres. Il n’occupa aucune position officielle sous Charles III, mais, sous Charles IV, on le trouve mentionné comme « premier violoniste du roi ». Il fut, semble-til, lié d’amitié avec Boccherini. On perd toute trace de lui après 1798 et la date de sa mort est incertaine. Il écrivit un opéra, Jason, donné à Madrid en 1768 (perdu), et quelques pièces religieuses, mais sa production est pour l’essentiel instrumentale. Elle comprend beaucoup de musique de chambre et, surtout, 37 symphonies (dont 7 perdues) qui font de lui, avec Boccherini, le principal symphoniste italien de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Dans la plupart de ses symphonies, le menuet est écrit pour instruments à vent seuls. BRUNI (Antonio Bartolomeo), compositeur et violoniste italien (Cuneo 1757 id. 1821). Élève de Pugnani à Turin, installé à Paris en 1780, il y donna les opéras Célestine (1787), Claudine (1794) et la Rencontre en voyage (1798), et dirigea l’orchestre de l’Opéra-Comique (1799-1801) puis de l’Opéra italien (1801-1806). Il publia une méthode de violon et une d’alto. BRUNOLD (Paul), musicologue français (Paris 1875 - id. 1948). Organiste, il devint titulaire de l’orgue de Saint-Gervais. Également claveciniste, il édita les oeuvres de Dieupart, Clérambault, Jacquet de la Guerre et, en collaboration avec A. Tessier, celle de Chambon- nières. Il publia, en collaboration avec H. Expert, une Anthologie des maîtres français du clavecin des XVIIe et XVIIIe siècles. En 1946, il fut nommé conservateur du Musée instrumental du Conservatoire. Paul Brunold est l’auteur d’ouvrages théoriques, notamment un Traité des signes et agréments employés par les clavecinistes français (rééd. Nice, 1964) et une Histoire du grand orgue de Saint-Gervais (Paris, 1934). BRUSCANTINI (Sesto), baryton italien (Porto Civitanova, prov. de Macerata, 1919). Après des études de droit, puis de chant, il a débuté à la Scala de Milan en 1949 dans le rôle de Geronimo du Mariage secret de Cimarosa. À partir de 1951, sa participation aux festivals de Glyndebourne et de Salzbourg l’a rendu très vite célèbre. Sa voix souple, sa musicalité, ses talents d’acteur lui ont permis de s’illustrer essentiellement dans des rôles de Rossini (Figaro dans le Barbier de Séville, Dandini dans La Cenerentola), de Donizetti (Malatesta dans Don Pasquale) et aussi de Mozart (Alfonso dans Cosi fan tutte). BRUXELLES. La gloire de la chapelle dite « de Bourgogne » ou « du roi », au XVIe siècle, où avaient oeuvré Gombert, Créquillon, Canis, est sans doute à l’origine d’une tradition qui permit à Bruxelles, dans la seconde moitié du XVIe siècle et la première du XVIIe, le maintien d’une activité musicale régulière, marquée par l’émulation qui régna entre la chapelle du roi et la maîtrise de la collégiale Sainte-Gudule. En 1650, la cour de l’archiduc Léopold Guillaume accueillit pour la première fois un spectacle lyrique (Ulisse all’isola di Circe de Zamponi) ; en 1682, l’opéra du quai au Foin ouvrit ses portes, et le répertoire italien s’installa en maître. En 1700, l’Atys de Lully inaugura le « Grand Théâtre sur la Monnoye », futur théâtre de la Monnaie. Ce fut le début d’une période brillante où Bruxelles servit de tremplin à l’opéra italien dans sa conquête de l’Allemagne, de Vienne et de l’Angleterre, avant d’assurer le triomphe de l’opéra français avec les oeuvres de Campra, Destouches et Mouret. Le ballet était fort à l’honneur, et la célèbre danseuse Marie-Anne Camargo y fit ses débuts. La création de l’Académie de musique (1681) donna une impulsion à la musique instrumentale. Au XVIIIe siècle se constituèrent une importante bibliothèque musicale et un musée d’instruments. Bruxelles vit alors naître plusieurs compositeurs de talent, tel Pierre Van Maldere, violon solo à l’Orchestre de l’Opéra royal et auteur du premier opéra-comique belge. De l’École de musique, créée en 1813 par Jean-Baptiste Roucourt et devenue École royale en 1826, sortit en 1832 le conservatoire, que ses directeurs successifs, Fétis, Gevaert, Tinel, du Bois, Joseph et Léon Jongen, Marcel Poot, ont maintenu à un très haut niveau. Cet établissement a été une pépinière d’illustres maîtres, en particulier dans le domaine du violon, où une tradition installée depuis André Robberechts (1798-1860) est restée vivace au fil des générations, grâce à Charles de Bériot, Martin-Pierre-Joseph Marsick (qui fut aussi un professeur célèbre à Paris), Vieuxtemps, Ysaye, Mathieu Crickboom, Édouard Deru, Alfred Dubois et, enfin, l’élève de ce dernier, Arthur Grumiaux. Durant tout le XIXe siècle, des sociétés se fondèrent et diffusèrent largement l’art musical. Le cercle des XX, créé par Octave Maus pour la défense de l’art moderne, devint la Libre Esthétique, tremplin de la musique française en Belgique, qu’il s’agisse du franckisme ou de Debussy. Parallèlement, le théâtre de la Monnaie, devenu l’une des premières scènes d’Europe, créait maints opéras nouveaux. Après la Première Guerre mondiale sont nés, en 1930, l’Orchestre de l’I. N. R. (Institut national de radiodiffusion), en 1931, l’Orchestre symphonique de Bruxelles et des sociétés plus spécialisées comme Pro Musica Antiqua (fondée en 1930) ou la Sirène (fondée en 1934 en faveur de la musique contemporaine). En 1940, en pleine guerre, vit le jour à Bruxelles le Mouvement international des jeunesses musicales, à l’initiative de Marcel Cuvellier. Après 1950, le même éventail d’activités a permis à la fois la résurrection d’un passé musical injustement méconnu et l’essor de la jeune école belge, dont André Souris, puis Henri Pousseur ont été les personnalités les plus marquantes. Les studios, groupes d’études ou ensembles d’exécutants (Centre de recherches musicales de Wallonie, Studio de musique électronique de Bruxelles, Dédale, Logos, Musique nouvelle, Enteuxis, Pentacle, etc.) défendent et illustrent la musique contemporaine. Dans un autre domaine, l’ensemble Alarius s’est trouvé à une certaine époque à la pointe de la recherche dans l’exécution instrumentale de la musique ancienne et baroque. Des interprètes comme le violoniste Sigiswald Kuijken, le gambiste Wieland Kuijken, le claveciniste downloadModeText.vue.download 139 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 133 Robert Kohnen y firent leurs premières armes. L’ensemble Alarius se disloqua quelque temps après la mort accidentelle de son fondateur, le flûtiste Charles Maguire. Témoignent également de la vitalité de la vie musicale dans cette ville le concours d’interprétation Reine Elisabeth et le festival de musique contemporaine Ars Musica. BRUYNÈL (Ton), compositeur néerlandais (Utrecht 1934). Élève de Kees Van Baaren au conservatoire de sa ville natale (1952-1956), il s’est tourné, à partir de 1967, vers la musique électronique, et a écrit depuis une série d’oeuvres pour bande et sources sonores traditionnelles qui le placent au premier rang de la jeune école néerlandaise. Citons Études pour piano et bande (1959), plus tard utilisé comme ballet, Résonance I, en collaboration avec un groupe de danse (1962), Résonance II (1963), Relief pour 4 magnétophones et orgue (1964), Mobile pour 2 magnétophones (1965), Signes pour quintette à vent, 2 magnétophones et projections lumineuses (1969), Phases pour orchestre et bande (1974), Soft Song pour hautbois et bande, Translucent II pour cordes et bande (1978), Serène pour flûte et bande (1978), Toccare pour piano et bande (1979), John’s Lullaby pour choeur, bande et orchestre (1985). BUCCHI (Valentino), compositeur italien (Florence 1916 - Rome 1976). Il fut élève de V. Frazzi et de L. Dallapiccola au conservatoire de Florence. Également critique musical, il enseigna au conservatoire de Florence (19451957) et à celui de Venise (1951-52, 1954-55). À partir de 1957, il dirigea le collège musical de Pérouse et, de 1958 à 1960, fut directeur artistique de l’Accademia Filarmonica à Rome. Bucchi a écrit pour le théâtre : Il Gioco del barone (1939, première représentation 1944) ; Il Contrabasso (1954) ; Una notte in paradiso (1960) ; des ballets Raconta siciliano (1956) ; Mirandolina (1957) ; un mystère chorégraphique Laudes Evangelii (1952). Il a composé des oeuvres pour orchestre, des concertos (piano, violon), de la musique de chambre, de la musique de film, ainsi qu’une transcription moderne du Jeu de Robin et Marion (1951-52). BÛCHE DE FLANDRE ou BÛCHE. Instrument ancien à cordes frappées ou pincées, de facture rudimentaire. Peut-être formé, à l’origine, d’une véritable bûche évidée, il consistait en une simple caisse de forme oblongue, sur laquelle étaient tendues quelques cordes métalliques. BUCHNER (Hans), organiste, théoricien et compositeur allemand (Ravensburg 1483 - Constance 1538). Il étudia l’orgue avec Paul Hofhaimer et devint très vite l’un des plus éminents « Paulomimes » (ainsi appelait-on les disciples de ce musicien). Vers 1506, il fut nommé organiste de la cathédrale de Constance, dont l’orgue, reconstruit par Hans Schentzer (1516-1520), fut l’un des plus importants d’Allemagne. En 1526, l’évêque de Constance, chassé par la Réforme, dut se réfugier à Uberlingen, et c’est là que Buchner exerça désormais son art. Sa méthode d’orgue Fundamentum contient des pièces liturgiques pour les principales fêtes religieuses. Il a également signé des motets et des lieder. Ses oeuvres pour orgue ont été rééditées en 1974 à Francfort. BUCHT (Gunnar), compositeur, pédagogue et musicologue suédois (Stocksund 1927). Il étudie avec K.-B. Blomdahl, C. Orff, G. Petrassi et M. Deutsch. Sa position dans la musique suédoise le situe parmi les modernistes, grâce notamment à son langage d’une très grande rigueur. Président de la Société internationale de musique contemporaine de 1962 à 1972, il a écrit 7 symphonies (1952-1971), de la musique de chambre, des oeuvres vocales et instrumentales et de la musique électronique. BÜCHTGER (Fritz), compositeur allemand (Munich 1903 - Starnberg 1978). De 1921 à 1928, il étudia, à la Hochschule für Musik de Munich, l’orgue, la flûte, le chant, la direction d’orchestre, la théorie et la composition. De 1922 à 1931, il organisa et dirigea des festivals de musique nouvelle, faisant connaître les oeuvres de Hindemith, Egk, Krenek, Bartók, Stravinski, Schönberg. Il anima aussi des chorales et des orchestres d’amateurs. Toujours à Munich, il fonda en 1927 la Société pour la musique contemporaine, dirigea à partir de 1948 le Studio pour la musique nouvelle et, à partir de 1954, une école, la Jugendmusikschule, mettant en application les principes pédagogiques les plus modernes. En raison de l’hostilité du régime nazi à certaines formes de musique, en particulier à la musique sérielle, Büchtger, dans les années 30, ne franchit pas les limites de l’écriture tonale. Après la guerre, il se tourna vers le dodécaphonisme, mais l’utilisa en le combinant avec des procédés tonaux. Son oeuvre abondante comprend des pièces pour orchestre ou pour ensemble à cordes, de la musique de chambre, dont 4 quatuors à cordes (1948, 1957, 1967, 1969), de la musique chorale (la Cité de rêve pour 5 choeurs, 1961), des cantates, de nombreux oratorios, des mélodies d’après des textes de Villon et de Cummings. BUFFET D’ORGUE. Meuble entourant et contenant la soufflerie, la mécanique et la tuyauterie d’un orgue, à l’exception du moteur électrique de la soufflerie, qu’on cherche à isoler acoustiquement en le plaçant dans un local séparé. Le rôle du buffet est de masquer par un décor les organes de l’instrument, mais aussi, par le jeu de ses panneaux réflecteurs, d’améliorer la diffusion sonore des tuyaux qu’il renferme. Au cours des siècles, et selon les pays, la forme, la dimension et l’exécution des buffets d’orgue ont connu bien des variantes, qui en rattachent l’évolution à celle du mobilier religieux et des arts décoratifs : buffets simples ou doubles (le petit buffet de positif, à l’avant de la tribune, étant la réplique réduite du buffet principal, dit de grand-orgue), buffets à étages superposés (grands instruments), buffets en plusieurs éléments séparés (orgues baroques allemands), buffets plats (Italie) ou faisant alterner tourelles et plates-faces (France), buffets en nid d’hirondelle accrochés à la muraille, buffets à plusieurs façades différemment orientées (Espagne), etc. Meuble décoratif, le buffet d’orgue met en valeur certains tuyaux présentés en « montre », parfois décorés, dorés ou guillochés (par exemple, les chamades, caractéristiques de l’orgue espagnol) ; certains (quand ce n’est pas tous) sont factices et ne se justifient que pour le seul coup d’oeil. Le buffet d’orgue est orné de panneaux sculptés, de cariatides, de statues (anges musiciens), parfois même d’automates. Jusqu’au XVIIe siècle, le buffet est protégé par des volets peints qu’on ouvre avant de jouer. Suivant l’évolution du goût, le buffet d’orgue devient au XIXe siècle un meuble de style néogothique ou néo-Renaissance sans caractère personnel. Au XXe siècle, le parti pris de dépouillement et de stylisation a conduit à ne garder du buffet qu’un soubassement, la disposition des tuyaux apparents constituant le principal élément décoratif. Mais l’absence de panneaux et de toit réfléchissants nuit à l’acoustique, et on en revient, en Allemagne et en Hollande notamment, à placer la tuyauterie dans des caissons de bois traités de façon moderne. BUFFO. Substantivement, le mot désigne un chanteur spécialisé dans les emplois comiques de l’opera buffa. En tant qu’adjectif, buffo qualifie les chanteurs de manière plus précise : tenore buffo, basso buffo. Dès le XVIIIe siècle, le terme a été traduit en français par bouffe, avec le même sens. Dans l’opéra classique et le premier opéra romantique, l’élégance avec laquelle devaient être chantés les rôles élégiaques ou dramatiques exigeait pour les voix autant downloadModeText.vue.download 140 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 134 de préparation technique que de virtuosité nécessaire dans les rôles de buffo. Aussi est-ce plutôt à la fin du XIXe siècle et surtout au XXe que les personnages buffo ont été réservés à des chanteurs spécialisés, au volume vocal parfois réduit, mais capables de virtuosité, alors que les rôles dramatiques étaient attribués à des voix puissantes, mais non préparées selon la technique du bel canto. BUGLE. Instrument à vent de la famille des cuivres, le plus aigu du groupe des saxhorns. Extérieurement semblable à un clairon muni de trois pistons (bugle est le nom anglais du clairon militaire), il existe en deux formats : le petit bugle en mi bémol et le grand bugle en si bémol. BUISINE. Trompette ancienne de forme droite, au pavillon évasé, dérivée du buccin militaire des Romains. En usage pendant tout le Moyen Âge, surtout comme instrument d’apparat, la buisine fut repliée sur elle-même à partir du XVe siècle pour prendre la forme classique de la trompette de cavalerie. BUKOFZER (Manfred), musicologue américain d’origine allemande (Oldenburg 1910 - Berkeley, Californie, 1955). Il étudia au conservatoire Stern et à la Hochschule für Musik de Berlin, ainsi qu’avec Michael Taube. Il enseigna aux universités de Bâle, Cambridge, Oxford et Cleveland, puis à Berkeley. Ses recherches personnelles ont porté sur la musique du Moyen Âge, de la Renaissance et, plus particulièrement, sur celle de l’époque baroque. Il a écrit le premier ouvrage en langue anglaise consacré à l’histoire de la musique à cette époque (Music in the Baroque Era, rééd. Londres, 1948 ; trad. fr. Paris, 1982). Il a également publié Studies in Medieval and Renaissance Music (1950), un fac-similé de l’ouvrage de G. Coperario Rules how to compose (1610), ainsi que les oeuvres complètes de J. Dunstable (Musica Britannica VIII, 1954). Son édition Duns- table est reparue révisée en 1969. BULL (John), compositeur anglais (1562 ? - Anvers 1628). D’abord enfant de choeur et élève de Blitheman à la chapelle royale de la reine Élisabeth, il fut nommé organiste à la cathédrale de Hereford en 1582. Il obtint le doctorat des universités d’Oxford et de Cambridge et devint le premier professeur de musique du Gresham College à Londres en 1596 sur la recommandation de la reine. Sa santé l’obligea à quitter l’Angleterre en 1601 et il voyagea sur le continent, en France et en Allemagne. La mort d’Élisabeth (1603) n’entama ni sa position sociale ni sa réputation. Honoré et distingué également par Jacques Ier, il conserva son rôle de musicien officiel. Il se maria en 1607, entra au service du prince Henry (1611) et, avec Byrd et Gibbons, publia le premier recueil anglais de pièces pour le virginal (Parthenia, 1611). En 1613, il composa un anthem pour le mariage de l’électeur palatin avec la princesse Élisabeth. Peu après, sans doute pour des raisons en partie religieuses, il s’enfuit et obtint l’un des postes d’organiste de la chapelle royale à Bruxelles. Il se rendit ensuite à Anvers (1617), où il fut organiste de la cathédrale jusqu’à sa mort. L’oeuvre pour clavier de John Bull illustre parfaitement le génie de l’école des virginalistes anglais. L’écriture fait preuve d’un grand esprit d’invention, d’un sens remarquable des possibilités des instruments à clavier de l’époque et témoigne de la virtuosité de l’instrumentiste. Un certain nombre de ces pièces, dont un monument, les Walsingham Variations, figurent dans le Fitzwilliam Virginal Book. Avec Sweelinck, qu’il connaissait, Bull fut l’un des premiers musiciens à écrire de la vraie musique de clavier. Autour du cadre du portrait du musicien, un couplet pouvant se traduire ainsi : « Le taureau règne par la force dans les champs, mais Bull (= taureau) attire la bienveillance par son habileté. » BULL (Ole Bornemann), violoniste et compositeur norvégien (Bergen 1810 id. 1880). Quoiqu’il se soit produit comme violoniste à neuf ans, son père n’était pas favorable à une carrière musicale et l’envoya à Christiana faire des études de théologie. Mêlé à des agitations politiques, Bull dut quitter la Norvège en 1829 et se rendit à Kassel où il travailla avec Spohr. En 1831, il entendit Paganini à Paris et s’attacha dès lors à perfectionner sa technique. Il donna à Paris son premier concert, en 1832, déchaîna l’enthousiasme en Italie et entreprit des tournées triomphales à travers l’Europe, puis, après 1843, en Amérique. Il vécut alors alternativement en Norvège et aux États-Unis, où il perdit en partie sa fortune, qui était considérable, en tentant de fonder une colonie norvégienne. Sa mort fut un deuil national. Sa technique éblouissante fut comparée à celle de Paganini. Bull utilisait un archet et un violon conçus spécialement pour lui ; son violon avait un chevalet plat. À l’exception de quelques oeuvres de Paganini, il ne jouait en public que ses propres compositions qui, parfois inspirées du folklore norvégien, comprennent des oeuvres pour violon seul, pour violon et piano, et 2 concertos (1834, 1841). BÜLOW (Hans Guido von), pianiste, chef d’orchestre, compositeur et critique musical allemand (Dresde 1830 - Le Caire 1894). Élève de Friedrich Wieck et de Franz Liszt, il fut l’un des pianistes les plus fameux de son temps, mais sa renommée comme chef d’orchestre ne fut pas moins grande. Il fut un merveilleux animateur de la vie musicale dans les villes où il exerça son activité de chef : Munich (1864-1869), Meiningen (1880-1885 ; il rendit célèbre dans l’Europe entière l’orchestre de la cour de ce petit duché d’Allemagne centrale), Hambourg et Berlin (1887-1892). Prototype du chef d’orchestre moderne, il se considérait comme entièrement au service des oeuvres qu’il dirigeait et exigeait leur parfaite mise au point. Il défendait aussi bien les classiques que les jeunes compositeurs, et prenait souvent la parole devant son public pour expliquer les oeuvres. Conquis par l’art wagnérien dès 1849, il dirigea les premières de Tristan et Isolde (1865) et des Maîtres chanteurs de Nuremberg (1868). En 1857, il avait épousé Cosima de Flavigny, fille de Liszt, qui le quitta pour devenir la compagne de Wagner. Le divorce fut prononcé en 1870, mais, jusqu’en 1880, Bülow continua à défendre la cause wagnérienne. Bülow contribua à faire connaître Bach, Beethoven (notamment les dernières sonates pour piano, longtemps jugées incompréhensibles), Chopin, Liszt, Brahms, Richard Strauss. Parallèlement à la direction d’orchestre, il écrivit quelques partitions et eut une activité d’éditeur, de critique et de musicographe. Il demeure l’une des plus grandes intelligences musicales du XIXe siècle. BUNLET (Marcelle), soprano française (Fontenayle-Comte, Vendée, 1900 - Paris 1991). Elle débuta en 1926 en concert, et, en 1928, à l’Opéra de Paris dans le rôle de Brünhilde du Crépuscule des dieux de Wagner. Elle acquit bientôt une grande renommée dans les rôles wagnériens et chanta Kundry de Parsifal au festival de Bayreuth en 1931. Ariane dans Ariane et Barbe-Bleue de Dukas et des rôles de Richard Strauss, comme Elektra et Arabella, comptèrent parmi ses spécialités. Elle fut aussi une chanteuse de concert réputée et la créatrice des Poèmes pour Mi d’Olivier Messiaen. Sa voix était ample, d’une belle couleur et très expressive. BUNRAKU. Terme japonais désignant un genre de théâtre de marionnettes, du nom du Théâtre Bunrakuza, fondé à Osaka en 1862 par Uemura Bunrakuken. Vers le Xe siècle, on trouvait déjà au Japon des poupées articulées, sûrement importées du continent asiatique ; elles étaient le gagne-pain de mendiants errant downloadModeText.vue.download 141 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 135 à travers le pays. Puis les marionnettes se mirent au service de la foi, et les montreurs continuèrent à les présenter de village en village. En 1734, une nouvelle technique de manipulation des marionnettes, qui sont de grande taille et somptueusement vêtues, a donné à ce genre sa forme définitive. Les marionnettes s’expriment par le biais du jōruri, musique alliant le chant épique aux complaintes populaires, avec accompagnement de shamisen. Un chanteur installé sur une plate-forme, à droite de la scène, donne les monologues et les dialogues de tous les personnages, soit en parlant, soit en chantant, accompagné par le shamisen. Le joueur de shamisen n’a pas le droit de prononcer des mots, mais peut accompagner le narrateur-chanteur par des bruits vocaux divers (soupirs, grognements, etc.). Il peut y avoir plusieurs narrateurs et plusieurs instrumentistes, des instruments comme le kokyū, luth à trois ou quatre cordes, étant susceptibles de s’ajouter au shamisen. BURGHAUSER (Jarmil), musicologue et compositeur tchèque (Písek 1921). Il a fait ses études de lettres et de musicologie à Prague, tout en travaillant la composition avec J. Křička et O. Jeremiáš. Après la guerre, il s’est initié à la direction d’orchestre. Successivement lecteur à l’Académie de musique, chef répétiteur au Théâtre national, puis musicologue chargé de l’édition critique des oeuvres de Dvořák (dont il a établi le catalogue complet) et de Fibich, il a publié de nombreux articles et études théoriques. Son style se contente d’une technique sérielle modifiée qu’il nomme « système des séries harmoniques ». Sa production est relativement restreinte, axée sur l’orchestre et sur l’opéra. BURGMÜLLER (Norbert), compositeur allemand (Düsseldorf 1810 - Aix-la-Chapelle 1836). Il écrivit notamment deux symphonies (la seconde, inachevée), une ouverture, des lieder ainsi que de nombreuses pièces et sonates pour piano, et sa mort prématurée fut vivement déplorée par Schumann. BURKHARD (Willy), compositeur suisse (Evilard-sur-Bienne 1900 - Zurich 1955). Il fit ses études musicales à Leipzig, à Munich, et avec Max d’Ollone à Paris. Il fut professeur de composition au conservatoire de Berne de 1928 à 1933, puis, après une interruption de son activité due à la maladie, au conservatoire de Zurich à partir de 1942 et jusqu’à sa mort. Ce savant contrapuntiste a édifié une oeuvre très abondante, généralement inspirée par le sentiment religieux. À son désir de régénérer la musique liturgique, à son respect pour la musique chorale ancienne, pour Bach, pour Bruckner, sont venues s’ajouter, à un certain stade de son évolution, les influences de Scriabine, Hindemith, Bartók et Stravinski. Ses compositions comprennent notamment des oratorios (la Vision d’Isaïe, 1933-1935 ; l’Année, 1940-41), des cantates, un opéra (l’Araignée noire, 1948, rév. 1954), des symphonies et pièces pour orchestre, des oeuvres pour orgue, pour piano, diverses pièces instrumentales, de la musique de chambre et des mélodies. BURLESQUE (ital. burla, « farce »). Si, en littérature, burlesque évoque la parodie, la caricature bouffonne de sujets classiques réputés nobles, avec une nuance d’extravagance (en ce sens, les livrets des opéras bouffes d’Offenbach sont burlesques), en musique, le mot désigne simplement des pièces instrumentales assez brèves, de style libre et de caractère gai (Burlesque pour piano et orchestre de Richard Strauss, Burlesques pour piano de Bartók). BURMEISTER (Joachim), théoricien et compositeur allemand (Lüneburg 1564 Rostock 1629). À partir de 1586, il étudia à l’université de Rostock, y obtint le grade de magister et fut cantor au lycée de la ville. Il composa deux volumes de Psaumes spirituels (Geisfliche Psalmen, Rostock, 1601), mais sa renommée vient surtout de ses ouvrages théoriques, dont le dernier, Musica poelica (Rostock, 1606 ; rééd. en fac-similé, Cassel et Bâle, 1955), fait la synthèse des précédents. C’est un livre de rhétorique musicale où sont exposées des figures qui demeurèrent en vigueur durant toute l’époque baroque. BURMESTER (Willy), violoniste allemand (Hambourg 1869 - id. 1933). Il reçoit ses premières leçons de son père, éminent violoniste de l’Orchestre philharmonique de Hambourg. Entre 1882 et 1885, il étudie avec Joseph Joachim, dont il devient un disciple. Dès 1886, il inaugure une carrière de virtuose avec une prédilection pour les oeuvres de Paganini. Il joue à Londres en 1895 et effectue, en 1899, sa première tournée aux États-Unis. À partir de 1905, il intègre à son répertoire les oeuvres de Bach et de Haendel, qui supplantent Paganini et Brahms. Cette évolution vers un classicisme plus dépouillé sera le trait marquant de son héritage. C’est sans doute lui qui, vers 1902, suggère à Sibelius de composer un concerto. Il publie son autobiographie en 1926. BURNEY (Charles), compositeur et musicographe anglais (Shrewsbury 1726 Chelsea College, Londres, 1814). Son père s’appelait James Macburney, et il apprit la danse, le violon, le français et l’orgue avec Edmund Baker à Chester. À dix-huit ans, il fut remarqué par Thomas Arne, qui l’emmena à Londres et le fit travailler jusqu’à l’épuisement de ses forces (1744-1746). Nommé organiste à King’s Lynn (Norfolk) en 1751, il revint définitivement à Londres en 1760 et y donna, en 1766, The Cunning Man, adaptation du Devin du village de J.-J. Rousseau. Pour pouvoir écrire son ouvrage capital, General History of Music en 4 volumes (1er vol. 1776, 2e vol. 1782, 3e et 4e vol. 1789), il voyagea en 1770 en France et en Italie, puis en 1772 dans les pays germaniques et aux PaysBas. Les événements consignés par lui furent publiés sous les titres The Present State of Music in France and Italy (1771) et The Present State of Music in Germany, the Netherlands and United Provinces (1773). Il n’appréciait vraiment, sauf exception, que la musique de son temps. Ami de Samuel Johnson, il joua un rôle non négligeable dans les milieux littéraires. On peut toujours le consulter avec profit non seulement comme voyageur, mais comme arbitre du goût, ce dont témoignent en particulier ses Verses on the Arrival in England of the Great Musician Haydn (1791). BUSCH, famille de musiciens allemands. Fritz, chef d’orchestre (Siegen, Westphalie, 1890 - Londres 1951). Après des études au conservatoire de Cologne, il occupa des postes à Riga, Gotha, Bad-Pyrmont et Aix-la-Chapelle, et fut, après la Première Guerre mondiale, maître de chapelle, puis directeur à l’opéra de Stuttgart (19181922). Il dirigea ensuite l’opéra de Dresde (1922-1933), où il assura la création d’Intermezzo (1924) et d’Hélène d’Égypte (1928) de Richard Strauss, de Doktor Faust de Busoni (1925), de Cardillac de Hindemith (1926). Il fut pour beaucoup, à cette époque, dans la renaissance de Verdi en Allemagne. Privé de ses postes par le régime nazi, il vécut en Argentine de 1933 à 1936, à Stockholm et à Copenhague de 1937 à 1941, puis de nouveau en Amérique. À partir de 1934, il dirigea au festival de Glyndebourne, et les enre- gistrements d’opéras de Mozart réalisés là sous sa direction sont mémorables. Sa carrière de chef se poursuivit brillamment après la Seconde Guerre mondiale et il avait accepté, peu avant sa mort brutale, la direction de l’opéra de Vienne. Ce fut un des chefs les plus marquants de la première moitié du XXe siècle. Adolf, violoniste et compositeur (Siegen 1891 - Guilford, Vermont, États-Unis, 1952), frère du précédent. Élève du conservatoire downloadModeText.vue.download 142 sur 1085 DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE 136 de Cologne (1902-1908), il se lia en 1907 avec Max Reger, dont il devint un des interprètes privilégiés. Nommé en 1912 premier violon solo de la Société des concerts de Vienne (Wiener Konzertverein), il fonda la même année le quatuor du Konzertverein, qui, en 1919, devint le quatuor Busch. La renommée de cette formation ne l’empêcha pas de mener une carrière de soliste : il donna avec le pianiste Rudolf Serkin, qui devint son gendre, de remarquables séances de sonates. Son jeu, à la sonorité et au vibrato très particuliers, mettait en valeur la plasticité et le contenu expressif des oeuvres, et il fut, à la tête d’un orchestre de chambre portant son nom, un célèbre interprète des Concerts brandebourgeois de Bach. Il vécut aux États-Unis à partir de 1940, et, en 1950, fonda avec son frère Hermann et Rudolf Serkin une école de musique à Marlboro. Hermann, violoncelliste (Siegen 1897 Bryn Mawr, Pennsylvanie, 1975), frère des précédents. Élève du conservatoire de Cologne et de l’Académie de musique de Vienne, il joua en trio avec son frère Adolf et Rudolf Serkin, et fut membre, de 1930 à 1952, du quatuor Busch. Il enseigna à Marlboro, et, jusqu’en 1964, à l’université de Miami en Floride. BUSENELLO (Giovanni Francesco), poète et librettiste italien (Venise 1598 Legnaro, près de Padoue, 1659). De milieu aisé, il écrivit quelques pièces en dialecte vénitien, mais il doit aujourd’hui sa célébrité aux excellents livrets qu’il composa pour Monteverdi (L’Incoronazione di Poppea, 1642) et pour Cavalli (Gli Amori d’Apollo e di Dafne, 1640 ; La Didone, 1641 ; La Statira Principessa di Persia 1655 ; La Prosperità infelice di Giulio Cesare, 1654). Il témoigna de sa prédilection pour des sujets historiques et fut d’ailleurs le premier à en écrire. Il entra en conflit avec les compositeurs, jugeant que ses textes étaient trop malmenés pour les besoins de la musique. Il les publia en 1656 tels qu’il les avait vraiment conçus. BUSH (Alan), compositeur, chef d’orchestre et pianiste anglais (Londres 1900 - Watford 1995). De 1918 à 1922, il étudia le piano, l’orgue et la composition à la Royal Academy of Music, où il enseigna dès 1925. De 1922 à 1927, il travailla la composition avec J. Ireland, puis le piano avec A. Schnabel. De 1929 à 1931, il étudia la philosophie et la musicologie à l’université de Berlin. Il a voyagé comme conférencier ou chef d’orchestre en Allemagne, en U.R.S.S., en Europe centrale et aux États-Unis. Communiste militant actif, il voit ses oeuvres jouées plus souvent dans les pays de l’Est qu’en Angleterre. Il a écrit 3 symphonies, des concertos dont un pour piano, baryton solo et choeur d’hommes et un autre pour violon, de la musique de chambre, des mélodies, des cantates (Voices of the Prophets ; The Winter Journey, 1946). Il a composé un opéra important, Wat Tyler (1950), inspiré de la révolte des paysans en Angleterre en 1381. Il faut également citer d’autres ouvrages théâtraux tels Men of Blackmoor (1955, représenté en 1956), The Sugar Reapers ou Guyana Johnny (19611964), The Man who never died (19651968). Sa musique se caractérise par un aspect néomodal et une vigueur certaine. BUSNOIS (Anthoine, ou A. DE BUSNES, dit), compositeur et poète français († 1492). Originaire de Busnes, bourgade des environs de Béthune, il vécut d’une manière presque constante dans le milieu bourguignon pour le divertissement duquel il composa des chansons dont une soixantaine sont parvenues jusqu’à nous. Indignus musicus de Charles le Téméraire, alors comte de Charolais, il est cité en 1468 parmi les chantres, et si grande était l’importance que Charles le Téméraire accordait à la musique sur le plan de la magnificence, comme de la valeur éthique, que Busnois accompagna le duc dans tous ses déplacements, entre 1471 et 1475. Passé au service de Marguerite d’York (1476), il servit sa fille Marie de Bourgogne, épouse de Maximilien (1477). Sans doute est-ce lui qui mourut à Bruges en 1492 avec le titre de rector cantoriae de Saint-Sauveur. Busnois est l’un des rares compositeurs de son époque à avoir cultivé la poésie, comme en témoigne sa correspondance avec Jean Molinet, et il s’y montre habile disciple des rhétoriqueurs. Mais la pratique littéraire l’a amené à faire des trouvailles musicales : utilisation d’une voix parfois plus proche du récit que du chant ; division des voix en deux groupes, voix aiguës et graves dans Terrible Dame, procédé qui sera fréquent, par exemple, chez Josquin Des Prés ; renversement de thème, par exemple, dans le motet In hydraulis et dans la teneur de la chanson J’ay pris amours tout au rebours ; alternance de strophes binaires et ternaires, notamment dans les bergerettes ; un premier exemple de marche harmonique dans Au pauvre par nécessité. Libérant le contraténor de la teneur, Busnois aime les imitations, sait ménager et varier les effets et se sent plus à l’aise dans l’écriture à 3 voix égales, généralement graves ; les musiciens français du début du XVIe siècle écriront ainsi par prédilection. Il est maître dans l’art du rondeau et surtout de la bergerette, où son côté brillant mais un peu superficiel fait merveille. Ses ne