L`intestin grêle

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L’intestin grêle
Docteur Pascal FOULON
L’intestin grêle est le segment de tube digestif situé entre l’estomac et le gros intestin.
La partie initiale de l’intestin grêle est fixée au plan rétropéritonéal, c’est le duodénum.
L’intestin grêle proprement dit lui fait suite ; il n’est pas fixé, son péritoine viscéral forme un
grand drapé, le mésentère dans lequel cheminent les vaisseaux et les nerfs, rattaché à la paroi
postérieure par la racine du mésentère.
Sa fonction principale est l’absorption des nutriments digérés.
L’intestin grêle est situé dans l’étage sous-mésocolique de l’abdomen. Il comprend deux
parties qu’il n’est pas possible de distinguer de l’extérieur : le jéjunum et l’iléum, ou iléon.
Certains auteurs l’appellent donc le jéjuno-iléum.
Jéjunum vient du latin jejunum, par ellipse de jejunum intestinum : intestin à jeun
Iléum vient du latin médiéval ileum calqué sur le grec ειλεο [eileo] : faire tourner, à cause des
circonvolutions des anses grêles.
Le mot grec εντερον [enteron] (intestin) a donné les termes médicaux (entérite) et certains mots
anatomiques (entérocytes, mésentère et ses dérivés).
Morphologie externe
Sa longueur approximative est de 6 à 8 m, dont environ 2/5 pour le jéjunum et 3/5 pour
l’iléum ; elle est plus grande chez le cadavre qu’elle est in vivo où le tonus est conservé. Son
calibre est de 25 à 30 mm à l’origine et de 10 à 12 mm à sa terminaison. Du fait de sa
longueur, l’intestin grêle est replié et forme des anses grêles, les anses jéjunales sont plutôt
situées dans la partie supérieure gauche de l’abdomen et horizontales, alors que les anses
iléales sont à droite et plutôt verticales, à l’exception de la dernière qui monte vers son
abouchement dans le cæcum.
Disposition générale de l’intestin grêle
Les racines du mésocôlon transverse et du mésentère sont figurées en violet.
Le duodénum est « à cheval » sur les parties sus- et sous-mésocoliques de l’abdomen.
Le jéjunum est plutôt en haut à gauche, l’iléon à droite.
La partie basse du rectum est à peine visible ; le canal anal est sous le m. levator ani
Chaque anse grêle a la forme d’un tube, auquel on décrit deux faces convexes en contact avec
les anses voisines, un bord dorsal : le bord mésentérique au niveau duquel le mésentère se
poursuit avec le péritoine qui entoure l’anse, et à l’opposé un bord antimésentérique ou bord
libre répondant à la paroi abdominale ou aux anses voisines.
Le bord antimésentérique de l’iléum garde chez 2% des individus le reliquat du canal vitellin
sous forme d’un petit diverticule en doigt de gant : le vestige du conduit vitellin (ancien :
diverticule de Meckel) long de 5 cm environ (1 à11), de calibre moindre que celui de l’iléum
mais supérieur à celui de l’appendice, situé en regard de la terminaison de l’artère
mésentérique supérieure, 40 à 90 cm avant la jonction iléocæcale.
Cet appendice a été décrit en 1809 par Johann Friedrich Meckel, dit le Jeune (1781-1833), à
qui l’on doit aussi le cartilage de Meckel, anatomiste allemand de bonne famille, puisque son
grand-père, Johann Friedrich Meckel, dit l’Aîné (1724-1774), celui du ganglion
ptérygopalatin, son père, son frère, étaient aussi professeurs d’anatomie !
Cet appendice peut s’enflammer et simuler une appendicite aigüe : lors d’une
appendicectomie, la découverte d’un appendice sain doit faire rechercher la présence
d’un diverticule de Meckel ; il peut aussi se compliquer d’occlusion, de péritonite,
d’ulcérations : en réalité ces complications semblent rares chez les porteurs de ce
diverticule.
Morphologie interne
Pour augmenter la surface d’absorption, la surface interne de l’intestin grêle est soulevée de
plis transversaux de la muqueuse, d’environ 8 mm de haut, qui occupent 2/3 de la lumière :
les plis circulaires (ancien : valvules conniventes) qui multiplient par cinq la surface de
l’épithélium intestinal. Nombreux dans le jéjunum, ils se raréfient au fur et à mesure que l’on
approche de la jonction iléocæcale pour disparaître 50 cm à 1m de cet orifice.
Vue d’un morceau d’anse intestinale avec son péritoine.
Il a été partiellement ouvert pour montrer sa morphologie interne
Morphologie interne de l’intestin grêle
Vue…gastronomique, à la mode de Caen !
Structure
L’intestin grêle comporte de la surface à la profondeur :
- Une séreuse, le péritoine viscéral ;
- La musculeuse est responsable du péristaltisme intestinal ; elle est formée d’une
couche de fibres longitudinales et d’une couche de fibres circulaires, la première
raccourcissant l’intestin, la seconde en diminuant le calibre de façon segmentaire ;
entre ces deux couches se trouve un plexus nerveux : le plexus myentérique
(d’Auerbach) régulant et coordonnant leur contraction, et des lymphatiques ;
Sa paralysie est responsable de l’iléus paralytique.
- La sous-muqueuse dans laquelle se trouve un autre plexus nerveux : le plexus sousmuqueux (de Meissner) agissant sur les sécrétions ;
- La muqueuse plissée, chaque pli circulaire est lui-même hérissé de villosités
intestinales de 0,5 à 1 mm de hauteur, lui donnant un aspect velouté et augmentant
encore la surface, et creusés de cryptes. Le pli circulaire est centré par un vaisseau
lymphatique appelé chylifère. Dans la sous-muqueuse et la muqueuse se trouvent des
nœuds lymphatiques isolés ou regroupés en follicules lymphatiques agrégés (plaques
de Peyer) situés près du bord antimésentérique, au nombre de 25 à 30 chez l’adulte
jeune, diminuant avec l’âge.
Coupe de l’intestin grêle perpendiculairement à deux plis circulaires
vill :villosité ; λ: chylifère ; CI, LE : couches circulaire interne et longitudinale externe de la musculeuse lisse ;
pl. ss muq, pl. myen : plexus nerveux autonomes sous-muqueux, myentérique ; π: péritoine
Le mésentère
C’est le méso qui attache le péritoine de l’intestin grêle à la paroi postérieure. Entre ses deux
feuillets, originellement droit et gauche avant les rotations de l’anse intestinale primitive,
cheminent les artères, branches de l’artère mésentérique supérieure, les veines, les
lymphatiques et les nerfs. Ce méso est infiltré de tissu cellulo-adipeux.
Son attache postérieure est la racine du mésentère. Elle s’attache à gauche autour de la
courbure duodénojéjunale, en regard du bord gauche de L2, descend vers la droite en suivant
le bord droit de la partie ascendante du duodénum, entoure les vaisseaux mésentériques
supérieurs juste en avant de la partie horizontale du duodénum, puis se dirige en bas et à
droite vers la jonction iléocæcale en suivant le bord droit des vaisseaux iliaques communs .
Cette racine a donc la forme d’un S ou d’un Z, sa longueur est de 15 à 20 cm.
Son attache antérieure, le long du bord mésentérique de l’intestin grêle, fait 6 à 8 m de long.
La distance de la racine à l’attache sur l’intestin est de 10 à 15 cm, permettant au chirurgien
de mobiliser les anses grêles.
Le mésentère peut donc être comparé à une ultra mini-jupe plissée qui ferait 10 à 15 cm de
hauteur…
Vue antérieure de la racine du mésentère et de ses rapports postérieurs.
Au-dessus d’elle, la racine du mésocôlon transverse.
Trophicité
L’intestin grêle est entièrement vascularisé par les branches de l’artère mésentérique
supérieure. Cette artère irrigue aussi tout le côlon ascendant, y compris sa partie initiale
borgne, le cæcum, et les deux tiers droits du côlon transverse : le côlon droit est la partie du
côlon vascularisée par l’artère et la veine mésentériques supérieures.
Une sténose de l’ostium de cette artère génère des douleurs post-prandiales au
moment de l’effort digestif : c’est l’ischémie mésentérique, parfois appelée angine
mésentérique (équivalent de l’angine de poitrine quand le cœur n’est plus assez
irrigué à l’effort) ; au pire peut survenir un infarctus mésentérique pouvant nécroser
massivement le grêle et engager le pronostic vital.
Dans l’intestin ainsi infarci, se trouve du sang noirâtre issu de la nécrose de la muqueuse donnant
l’aspect de boudin noir, comme s’il avait été fourré de farce : de là vient le mot infarcire (de in et
farcire), infartum puis infarctum et en français infarctus !
Cette artère a un vaste territoire ; elle a donc un calibre important : environ 12 mm à l’origine,
2 mm à sa terminaison, et une longueur de 20 à 25 cm.
Née de la face antérieure de l’aorte abdominale en regard de L1, cette artère prend en pince la
veine rénale gauche et elle est précroisée par la veine splénique un peu au-dessus d’elle, la
veine mésentérique inférieure se jetant dans cette dernière est un peu plus à gauche, alors que
la veine mésentérique supérieure est sur son flanc droit.
Dans ce segment initial, elle est dans un quadrilatère veineux limité par ces quatre veines : le
quadrilatère de Rogie.
Rapports à l’origine de l’artère mésentérique supérieure :
Le quadrilatère de Rogie et les plexus nerveux végétatifs : les ganglions cœliaques et les ganglions
mésentériques supérieurs de part et d’autre de l’origine de l’artère homonyme, et leurs afférences et efférences.
L’artère mésentérique supérieure (AMS) et ses branches.
VCI : v cave inf ; VP : v porte ; Tc coel : tronc cœliaque ; v spl+VMI : v splénique, v mésentérique inf ;
v rén g. : v rénale g ; a.p.d : a pancréatico duodénale inf ; 1e arc. 1e arcade ; 1e a. jéj : 1e a jéjunale ; a.il : a iléale ;
a.il.col : a iléocolique ; a. col. dte : a colique droite (une a colique dte intermédiaire= inconstante a été figurée) ;
a col.moy : a colique moyenne.
Elle glisse alors derrière l’isthme du pancréas et apparaît en avant du processus unciné, à
gauche de la veine mésentérique supérieure, avant de précroiser la partie horizontale du
duodénum pris dans une pince artérielle aortomésentérique. Elle s’engage alors dans le
mésentère, se dirigeant vers sa terminaison au sommet de l’anse ombilicale primitive, parfois
marquée par la présence du vestige du conduit vitellin.
Elle fournit par son bord gauche une quinzaine de branches (9 à 24) destinées au jéjunoiléum, et par son bord droit de bas en haut l’artère iléocolique qui donne entre autres une
branche iléale, l’artère colique droite (parfois une artère colique droite accessoire est
interposée) et l’artère colique moyenne.
Les branches pour le jéjunum et l’iléum donnent le long du bord mésentérique des arcades,
une au niveau initial du jéjunum, puis 2…jusque parfois 6, leur nombre diminue vers la
terminaison de l’iléum. L’ensemble des arcades forme une arcade bordante le long du bord
mésentérique, d’où naissent des vaisseaux droits, de plus en plus nombreux, de plus en plus
courts et de plus en plus grêles au fur et à mesure que l’on descend. Ces vaisseaux abordent
l’intestin par son bord mésentérique, se divisent en deux branches qui vont jusqu’au bord
antimésentérique en s’anastomosant dans la paroi.
L’arcade bordante permet au chirurgien de sacrifier quelques artères jéjunales ou iléales et
d’isoler un segment d’intestin pour réaliser une anse en Y. L’artère mésentérique supérieure
est anastomosée avec le tronc cœliaque par les artères pancréaticoduodénales, et avec l’artère
mésentérique inférieure par l’arcade paracolique (de Riolan)
Rappelons qu’il existe de nombreuses variations liées à l’embryologie des artères
digestives ; dans ce cadre, l’artère mésentérique supérieure peut naître d’un tronc
commun avec le tronc cœliaque, ou donner certaines branches de ce tronc, comme une artère
hépatique droite.
La veine mésentérique supérieure est satellite de l’artère ; dans son territoire il y a au
maximum une veine par artère, souvent moins. Le drainage veineux du jéjunum est plus
important que celui de l’iléum. La veine mésentérique supérieure et ses branches sont situées
majoritairement à droite de leur artère. Le tronc de la veine mésentérique supérieure passe audessus de la partie horizontale du duodénum et s’engage derrière le pancréas où elle est
rejointe par le tronc splénomésentérique pour former la veine porte, dont elle est l’affluent
principal.
Une obstruction des branches de la veine mésentérique supérieure peut également, en
bloquant l’arrivée de sang artériel, entraîner un infarctus mésentérique souvent moins
bien délimité.
La veine mésentérique supérieure et ses branches.
Tc gastro.col : tronc gastrocolique
Les lymphonoeuds intestinaux
LN.juxta-intest. : lymphonoeuds juxta-intestinaux ; LN.M.cx : LN mésentériques centraux ;
LN.MS : LN mésentériques supérieurs ; LN. Juxtacol : LN juxtacoliques ;
chyl : vaisseaux chylifères ; Tc intest : tronc lymphatique intestinal ; Ct thor. : conduit thoracique ;
Les lymphatiques, nés dans les villosités, rejoignent des plexus étagés dans les couches de la
paroi et se drainent dans des relais situés le long du bord mésentérique du grêle (nœuds juxtaintestinaux) puis le long des branches vasculaires (nœuds mésentériques centraux), avant de
se drainer dans les nœuds mésentériques supérieurs, et de rejoindre le tronc lymphatique
intestinal, parfois le tronc lombal gauche, puis le conduit thoracique à l’origine duquel se
trouve classiquement (en réalité chez l’Homme dans 1/3 des cas) la citerne du chyle (citerne
de Pecquet). Le chyle (et ses triglycérides) est donc directement déversé dans la circulation
veineuse au niveau du confluent jugulosubclavier gauche où se trouve souvent un
lymphonoeud (Virchow ou Troisier, cf. estomac).
Les vaisseaux lymphatiques de l’intestin grêle jouent un rôle important : en effet, les lipides
n’étant pas dégradés jusqu’au stade d’acides gras, la lymphe transportée par ces vaisseaux
contient des globules de graisse microscopiques, les chylomicrons, qui lui donnent un aspect
laiteux : c’est le chyle. Ces vaisseaux sont appelés vaisseaux chylifères.
Ces vaisseaux ont été découverts à Padoue le 23 juillet 1622 par Gasparo Aselli lors de la vivisection
d’un chien en pleine digestion, et nommé par lui vaisseaux lactescents, mais il pensait qu’ils allaient au
foie. Auparavant, Bartolomeo Eustachius (c1515-1574) avait découvert en 1564 le conduit thoracique
chez le cheval (vena alba thoracis) sans préciser sa terminaison, description oubliée jusqu’à la
découverte d’Aselli. Le Français Jean Pecquet (1622-1674), futur médecin de Madame de Sévigné,
avait découvert en 1651, en disséquant un chien en pleine digestion la citerne du chyle, les vaisseaux
chylifères qui y arrivent et le trajet du conduit thoracique jusqu’au confluent jugulosubclavier…alors
qu’il n’était qu’étudiant.
Dessin de Pecquet, montrant le
« réceptacle du chyle », le conduit
thoracique et sa terminaison dans les
confluents veineux jugulosubclaviers chez
le Chien (conduit thoracique double chez
le Chien)
L’innervation de l’intestin grêle provient du plexus mésentérique supérieur, les nerfs grands et
petits splanchniques amenant les fibres orthosympathiques, le tronc vagal postérieur arrive
aux ganglions cœliaques et les fibres parasympathiques poursuivent leur trajet jusqu’aux
ganglions mésentériques supérieurs. Ces fibres suivent les artères autour desquelles elles
forment un réseau dense à l’origine, et se rendent aux plexus intramuraux myentériques et
sous-muqueux. Le système parasympathique accélère le transit intestinal et augmente les
sécrétions, l’orthosympathique le ralentit et diminue les sécrétions.
Explorations
Outre l’interrogatoire et l’examen physique (palpation, auscultation), les explorations font
appel à l’imagerie : les radiographies de l’abdomen sans préparation peuvent orienter le
diagnostic, l’imagerie moderne la plus performante pour monter l’intestin grêle est
l’entéroscanner. L’étude de l’artère mésentérique supérieure est faite sur l’echodoppler et
l’angiographie.
Pathologies
Outre les pathologies infectieuses (gastroentérites), l’intestin grêle est le siège de maladies
inflammatoires (maladie de Crohn), de malabsorptions, et de pathologies chirurgicales :
inflammation du vestige du conduit vitellin (Meckelite), tumeurs, occlusions, infarctus
mésentérique.
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