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Ann Chir 2000 ; 125 : 631-42
© 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés
S0003394400002534/FLA
Article original
Carcinoses péritonéales traitées par chirurgie de réduction tumorale
et chimiohyperthermie intrapéritonéale
Y. Rey1, J. Porcheron1*, J.N. Talabard2, K. Szafnicki3, J.G. Balique1
1
Service de chirurgie générale, centre hospitalier de Bellevue, 42055 Saint-Étienne cedex 2, France ; 2 service de radiothérapie,
centre hospitalier de Bellevue, 42055 Saint-Étienne cedex 2, France ; 3 École nationale supérieure des mines de Saint-Etienne,
42000 Saint-Étienne, France
RÉSUMÉ
But de l’étude : Cette étude prospective non randomisée
avait pour but de rapporter les résultats d’une série de carcinoses péritonéales d’origines diverses traitée par chimiohyperthermie intrapéritonéale (CHIP) et chirurgie de réduction tumorale.
Patients et méthode : De janvier 1995 à mai 1999, 35
patients ont été traités par CHIP ; parmi eux, 26 patients
ont eu une chirurgie de réduction tumorale maximale. La
CHIP a été réalisée à la température intrapéritonéale de
42 °C, pendant une heure, avec adjonction de mitomycine
C à la dose de 10 mg/L ou de cisplatine à la dose de
12 mg/L. Le débit d’injection intra-abdominal a été de
0,9 L/min.
Résultats : Un décès (2,8 %) est survenu au 16e jour, par
insuffisance respiratoire. Trois patients (8,5 %) ont dû être
admis en réanimation dans la phase postopératoire immédiate. La morbidité a été importante (54 %), et a comporté
28,5 % de complications intra-abdominales qui ont conduit
à une intervention itérative chez trois patients (8,5 %).
Dans les carcinoses péritonéales de stade 1 et 2 (granulations de moins de 5 mm de diamètre), la survie à 12 et
24 mois a été respectivement de 63,1 % et 31,5 %. Dans
les carcinoses de stade 3 (granulations diffuses de moins
de 2 cm de diamètre) et 4 (nodules diffus de plus de 2 cm
de diamètre), la survie à 12 et 24 mois a été respectivement de 31,2 % et 12 %. Six patients sur 35 ont eu une
survie de plus de 30 mois.
Conclusion : La CHIP est un traitement efficace des carcinoses péritonéales. L’association chirurgie de réduction
tumorale et CHIP est un traitement agressif ayant une morbidité importante. Une sélection rigoureuse des patients
Reçu le 19 octobre 1999 ; accepté le 6 juin 2000.
*Correspondance et tirés à part.
est nécessaire. La CHIP reste un traitement en évaluation.
Des études prospectives contrôlées avec harmonisation
des protocoles techniques sont souhaitables. © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS
carcinose péritonéale / chimiothérapie intrapéritonéale/ chirurgie de réduction tumorale /
hyperthermie
ABSTRACT
Peritoneal carcinomatosis treated by cytoreduction
surgery and intraperitoneal hyperthermic perfusion.
Study aim: The aim of this prospective non-randomized
trial was to report a series of intraperitoneal carcinomatosis due to miscellaneous causes, treated by intraperitoneal
hyperthermic perfusion (IPHP) and cytoreductive surgery.
Patients and method: From January 1995 to May 1999,
35 patients were treated by IPHP and 26 of them underwent maximal cytoreductive surgery. IPHP was performed
for 60 minutes at an intraperitoneal temperature of 42°C
with Mitomycin C (10 mg/L) or cisplatinum (12 mg/L) at a
flow rate of 0.9 L/min.
Results: There was one (2.8%) postoperative death due
to respiratory complications on day 16. Three patients
(8.5%) were admitted to the intensive care unit. A high morbidity rate (54%) was observed with intra-abdominal complications in 28.5% of patients, requiring reoperation in
three patients.
In patients with stages 1 and 2 peritoneal carcinomatosis
(granulations less than 5 mm), the 12- and 24-month survival rates were 63.1% and 31.5%, respectively. In patients
with advanced stage 3 (diffuse malignant nodules less than
2 cm) and stage 4 carcinomatosis (malignant nodules
larger than 2 cm), the 12- and 24-month survival rates
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Y. Rey et al.
were 31.2% and 12%, respectively. Six patients survived
for more than 30 months.
Conclusion: IPHP appears to be an effective treatment for
peritoneal carcinomatosis. IPHP combined with cytoreductive surgery is aggressive with a high morbidity rate.
Rigorous patient selection is necessary. IPHP is still under
evaluation. Prospective randomized trials with identical
IPHP protocols are required. © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS
cytoreductive surgery / hyperthermia / intraperitoneal
chemotherapy / peritoneal carcinomatosis
La carcinose péritonéale se définit comme l’extension métastatique d’un cancer primitif le plus souvent intra-abdominal, aux surfaces séreuses péritonéales. Les adénocarcinomes digestifs et ovariens en
sont le plus souvent responsables, mais d’autres
tumeurs primitives comme les cancers du sein et les
sarcomes des tissus mous peuvent aussi être en cause
[1]. La carcinose péritonéale représente l’un des trois
modes de dissémination des cancers avec la diffusion hématogène et lymphatique.
La survenue d’une carcinose péritonéale marque
un tournant évolutif de la maladie en raison d’un
pronostic fatal à court terme ; en effet, son évolution
spontanée est habituellement de quelques mois
[2-4]. Les traitements adjuvants tels que chimiothérapie systémique et radiothérapie complémentaire
sont décevants, de même que la chirurgie de réduction tumorale faite isolément [1, 5, 6].
Depuis dix ans, la chimiothérapie associée à
l’hyperthermie délivrée par voie intrapéritonéale
(CHIP) connaît un regain d’intérêt et des travaux cliniques rapportent des résultats encourageants [7-12].
Le but de cette étude prospective non randomisée
d’une série de 35 patients était de montrer la faisabilité de la CHIP, d’en apprécier la tolérance, de discuter certaines techniques de sa réalisation, et d’évaluer ses résultats.
PATIENTS ET MÉTHODE
Méthode
Les critères d’inclusion ont été une carcinose péritonéale confirmée par des examens cytologiques et
histologiques, un âge compris entre 18 et 75 ans, de
bonnes fonctions cardiovasculaires, rénales, hépatiques et un consentement éclairé de la part du patient.
Tableau I. Stade de la carcinose péritonéale au moment de la CHIP
et correspondance dans la classification par stades de Gilly et al.
[13].
Patients (n)
Définitions
0
Stade
1
1
8
2
10
3
2
4
14
Pas de carcinose péritonéale
macroscopique
Microgranulations localisées de
moins de 5 mm de diamètre
Granulations diffuses de moins de
5 mm de diamètre
Granulations de moins de 2 cm diffuses dans la cavité péritonéale
Nodules malins de plus de 2 cm
diffus dans la cavité péritonéale
Les critères d’exclusion ont été l’absence de consentement, une altération des fonctions cardiaques,
rénales ou hépatiques, une grossesse en cours, un
statut de performance OMS inférieur ou égal à 2,
l’existence de métastases hépatiques, pulmonaires
ou cérébrales, l’existence d’une maladie cérébrale
avec épilepsie. L’examen préopératoire des patients
a comporté une échographie cardiaque et abdominale, des explorations biologiques hépatiques et
rénales, une tomodensitométrie thoracique, abdominale et cérébrale.
L’intervention chirurgicale a débuté par une laparotomie médiane xiphopubienne avec exploration de
la totalité de la cavité abdominale. La carcinose péritonéale a été évaluée selon la classification décrite
par Gilly et al. [13] (tableau I). La résection chirurgicale a comporté l’exérèse des tumeurs primitives
et des organes envahis par la carcinose péritonéale.
Dans le même temps que l’exérèse, des péritonectomies ont été effectuées selon les techniques décrites
par Sugarbaker et al. [3, 14]. Les lésions nodulaires
de taille inférieure ou équivalente à 5 mm de diamètre ont été détruites par électrocoagulation. La CHIP
a été réalisée le jour de la résection chirurgicale si la
carcinose péritonéale était connue avant l’intervention. En cas de carcinose découverte au cours de
l’opération, la CHIP a été réalisée ultérieurement
après accord du patient. Le détail des exérèses viscérales et les péritonectomies sont rapportées dans
les tableaux II et III.
Une sonde thermique a été introduite dans la vessie par l’intermédiaire d’une sonde de Foley, et un
cathéter de Swann-Ganz a été mis en place dans
l’artère pulmonaire afin de mesurer les paramètres
hémodynamiques et la température centrale. Les
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Chirurgie de réduction tumorale et chimiohyperthermie intrapéritonéale
Tableau II. Exérèses viscérales réalisées dans le même temps que
la CHIP.
Exérèses viscérales
Nbre
Colectomies sub totales
Sigmoïdectomies
Colectomies droites ou segmentaires
Gastrectomie partielle
Résections segmentaires d’intestin grêle
Appendicectomies
Cholécystectomies
Splénectomies
Omentectomies
Ovariectomies
Hystérectomies
Résections de vessie
3
5
5
1
8
4
3
2
6
2
3
1
Tableau III. Péritonectomies réalisées dans le même temps que la
CHIP.
Péritonectomies
Nbre
Cul-de-sac de Douglas
Coupoles diaphragmatiques
Mésentère
Capsule de Glisson
Paroi abdominale
Fosse iliaque droite
Gouttière pariétocolique et fosse iliaque gauche
8
7
2
2
2
2
3
deux drains d’entrée intrapéritonéaux (WilliamsHarvey n° 32) ont été placés au contact des coupoles
diaphragmatiques droite et gauche, le drain de sortie
a été positionné dans le cul-de-sac de Douglas. Cinq
sondes thermiques (Mallinckrodt SA) ont été placées
dans la cavité abdominale (au niveau de l’orifice de
chaque drain, dans la gouttière pariétocolique gauche et au niveau de la racine du mésentère).
Après fermeture de la laparotomie, les drains ont
été connectés au circuit stérile (Sofraco SA–TB 08
07) dans lequel circulait un volume de quatre à six
litres de liquide de dialyse mû par une pompe péristaltique (Cobe). Le volume de liquide utilisé lors de
la CHIP a varié en fonction des caractéristiques anatomiques du patient, du volume de sa cavité péritonéale et de l’importance de l’exérèse chirurgicale.
L’interface entre circuit stérile et non stérile a été
réalisée par un échangeur thermique tubulaire. La
chaleur a été produite par un générateur thermique
(ATIC R220 H). La température d’injection a été de
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45 °C (44 °C à 48 °C) afin d’obtenir une température intrapéritonéale de 42 °C.
Durant la CHIP, la température centrale du patient
pouvant augmenter significativement, il a été nécessaire de mettre en place une hypothermie protectrice
à 33 °C à l’aide d’un matelas réfrigérant et de
l’application de glace sur les membres et l’extrémité
céphalique. La température intrapéritonéale a été
mesurée toutes les dix minutes en sept points différents : deux drains d’entrée et un drain de sortie,
gouttière pariétocolique gauche, racine du mésentère, vessie et artère pulmonaire.
Quand la température intrapéritonéale atteint
42 °C, le produit antimitotique est injecté dans le circuit. Nous avons utilisé de la mitomycine C à la dose
de 10 mg/L pour les cancers d’origine digestive, et
du cisplatine à la dose de 12 mg/L pour les cancers
ovariens. En fin de CHIP, du thiosulfate de sodium
(Hyposulfènet) a été injecté par voie intraveineuse,
afin de neutraliser la fraction plasmatique du cisplatine et d’en limiter les effets systémiques. La durée
de la CHIP a été de une heure, à la température de
42 °C et à un débit de 0,9 L/min.
Patients
De janvier 1995 à mai 1999, 35 patients atteints de
carcinose péritonéale ont été traités par une CHIP. Il
s’agissait de dix hommes et 25 femmes d’âge moyen
54 ans (extrêmes : 28–71 ans). La tumeur primitive
était ovarienne (n = 14), colique et appendiculaire
(n = 10), gastrique (n = 6), utérine (n = 1), stromale
intestinale (n = 1) et inconnue (n = 3). Le stade de la
carcinose au moment de la CHIP est rapporté dans le
tableau I. Trois des six patients opérés de cancer
gastrique avaient eu une radiothérapie peropératoire.
Quatre des huit patients atteints de tumeur colique
avaient eu une chimiothérapie systémique après
l’exérèse de la tumeur primitive, deux autres patients
ont eu une chimiothérapie systémique après la CHIP.
Onze patientes atteintes de tumeur ovarienne avaient
eu une chimiothérapie systémique après la résection
initiale, huit patientes ont eu une chimiothérapie systémique après la CHIP, et trois patientes ont eu une
chimiothérapie intrapéritonéale après la CHIP.
Le diagnostic de carcinose péritonéale a été
affirmé chez tous les patients par des biopsies ou des
examens cytologiques péritonéaux. La carcinose
était synchrone de la maladie primitive chez
17 patients et métachrone chez les 18 autres patients.
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Y. Rey et al.
Le délai moyen entre la réalisation de l’exérèse primitive et la réalisation de la CHIP a été de
362,5 jours (deux à 1 315 jours). Après chirurgie de
réduction, des résections optimales ne laissant en
place que des résidus tumoraux de moins de 5 mm
de grand axe, ont été réalisées chez 26 patients.
Vingt-six patients avaient eu des exérèses viscérales
multiples dans une intervention précédant la CHIP,
neuf patients ont eu des exérèses viscérales avec
anastomoses digestives dans le même temps que la
CHIP. Quatorze anastomoses digestives ont été réalisées chez ces neuf patients. Les durées opératoires
ont varié de trois à 12 heures, avec une moyenne de
sept heures. Trois patients ont eu une deuxième
CHIP dans un délai respectif de 24, 25 et huit mois
après leur première CHIP. Un patient a eu une troisième CHIP 15 mois après la deuxième, et 39 mois
après la première.
Le suivi postopératoire des patients a été réalisé
tous les trois mois pendant la première année, et tous
les six mois pendant la deuxième année. Chaque
consultation a comporté un examen clinique, un
dosage des marqueurs biologiques tumoraux, une
échographie ou une TDM abdominale en alternance.
La reprise évolutive de la maladie a été appréciée
sur l’ensemble de ces paramètres.
RÉSULTATS
Il n’y a pas eu de décès périopératoire. Un patient
(2,8 %) est décédé à j16 d’une défaillance respiratoire.
Trois patients (8,5 %) ont eu une fistule digestive,
ayant nécessité un séjour en réanimation. Il s’agissait dans deux cas d’une fistule anastomotique, et
dans un cas d’une fistule siégeant au niveau d’une
zone fragilisée par l’exérèse d’un nodule de carcinose. Un patient a eu une fistule anastomotique associée à une perforation de l’intestin grêle après colectomie totale et anastomose iléorectale. Ces
complications ont contraint à une réintervention
pour suture de la perforation et iléostomie terminale.
Un patient, qui avait eu une CHIP sept jours après
une gastrectomie totale avec radiothérapie peropératoire, a eu une fistule de l’anastomose œsojéjunale.
Cette complication a nécessité une réintervention
pour suture et drainage. Une patiente, qui avait eu
une gastrectomie totale et une splénopancréatectomie caudale avec radiothérapie peropératoire trois
mois et demi avant la CHIP, a eu une perforation du
moignon duodénal compliquée d’une médiastinite.
Le traitement de ces complications a nécessité deux
laparotomies et trois thoracotomies.
Trois patients ont eu une hyperthermie postopératoire avec une localisation septique au niveau de leur
chambre implantable pour deux d’entre eux. L’ablation de la chambre implantable a été nécessaire. Sept
patients ont eu des douleurs abdominales postopératoires importantes durant cinq à 20 jours. Six
patients ont eu un épanchement pleural dont le drainage s’est avéré nécessaire chez trois d’entre eux.
Un patient a eu une aversion pour la nourriture,
spontanément résolutive en 15 jours.
Au 1er septembre 1999, 21 patients sur 35 étaient
décédés (60 %). La médiane de survie des patients
atteints de carcinose d’origine gastrique a été de neuf
mois (figure 1). Trois patients sont décédés dans un
délai respectif de 7, 5 et trois mois après la CHIP, de
récidive péritonéale. Un patient est décédé 18 mois
après la CHIP, d’une extension métastatique pleurale bilatérale.
La médiane de survie des patientes atteintes de
carcinose d’origine ovarienne a été de 9,4 mois
(figure 2). Six patientes sont décédées à 18, huit, six,
six, deux et un mois après la CHIP, de récidive péritonéale. Une patiente est décédée à 11 mois après la
CHIP avec des métastases hépatiques. La patiente
présentant un sarcome ovarien est décédée trois mois
après la CHIP d’une dissémination métastatique diffuse.
Les trois patients avec adénocarcinome d’origine
indéterminée sont décédés à 15, sept et six mois
après la CHIP, de récidive péritonéale. La patiente
qui avait un sarcome endométrial est décédée cinq
mois après la CHIP, avec des métastases hépatiques.
La médiane de survie des patients atteints de carcinose d’origine colique a été de 29 mois (figure 3).
Trois patients sont décédés de récidive péritonéale
respectivement à 53, 29 et quatre mois après la
CHIP. Une patiente est décédée avec des métastases
hépatiques, sept mois après la CHIP.
Au 1er septembre 1999, 14 patients étaient vivants
(40 %) dont sept sans récidive. La patiente avec une
tumeur gastrique et une cytologie péritonéale positive était en vie sans récidive 11 mois après la CHIP.
Trois patientes avec carcinose péritonéale d’origine
ovarienne étaient vivantes sans récidive, à 30, 14 et
huit mois après la CHIP. Trois patients avec carcinose d’origine colique et appendiculaire étaient
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Chirurgie de réduction tumorale et chimiohyperthermie intrapéritonéale
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Figure 1. Survie des patients atteints de carcinose péritonéale d’origine gastrique.
vivants sans récidive, 45, 42 et cinq mois après la
CHIP.
La survie des 35 patients a été étudiée suivant le
stade de la carcinose. Pour les stades 1 et 2, la survie
a été de 80 % à six mois, 31,5 % à 24 mois, et de
21 % à 36 mois ; pour les stades 3 et 4, la survie a
été de 62,5 % à six mois et de 12 % à 24 mois. La
survie tous stades confondus a été à 12 mois de
34,2 %, à 24 mois de 22,8 % et à 36 mois de 14,2 %.
DISCUSSION
Le terme de carcinose péritonéale réunit un ensemble très hétérogène de lésions, allant de la simple
atteinte micronodulaire péritumorale à la dissémination macronodulaire diffuse.
Les mécanismes de la genèse des carcinoses péritonéales sont mieux connus [1, 15, 16]. La chirurgie
peut être responsable d’une dissémination intrapéritonéale de cellules cancéreuses. À la suite d’une exérèse tumorale, l’implantation des cellules tumorales
résiduelles se fait préférentiellement dans les sites de
cicatrisation. Ces cellules proviennent d’effractions
sanguines et lymphatiques dues à la dissection chirurgicale et de la manipulation des tumeurs [15]. Ces
cellules néoplasiques qui atteignent la cavité péritonéale même en nombre restreint, peuvent donner
naissance à une carcinose péritonéale [16, 17]. Chez
l’animal, l’inoculation intrapéritonéale de 107 cellules cancéreuses donne naissance à 1 000 implants
métastatiques sur le péritoine, alors que l’injection
par voie intraportale de 107 cellules cancéreuses ne
donne qu’un implant métastatique hépatique [17].
La survenue d’une carcinose péritonéale est souvent synonyme d’abstention thérapeutique, en raison
d’un pronostic fatal à court terme. Cette abstention
est encore citée par certains auteurs comme une
alternative [1]. Pour d’autres, le traitement de référence des carcinoses péritonéales est palliatif et
consiste en une chimiothérapie systémique [2]. Le
caractère diffus et microscopique de la carcinose
péritonéale explique l’échec de la chirurgie de
réduction tumorale lorsqu’elle est utilisée seule,
aussi était-il logique d’y associer une chimiothérapie locale de contact dans le cadre d’une chimiothérapie intrapéritonéale postopératoire immédiate
(CIPPI) [3].
Il existe une barrière anatomique entre le péritoine
et le plasma que toute molécule injectée dans la
cavité péritonéale doit traverser pour rejoindre la circulation sanguine. Elle est constituée par le mésothélium, la membrane basale, le tissu conjonctif et la
paroi des vaisseaux sanguins. Cette barrière péritonéoplasmatique permet de séquestrer dans l’abdomen un produit antimitotique à haute concentration,
avec des effets systémiques réduits. Le gradient de
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Y. Rey et al.
Figure 2. Survie des patientes atteintes de carcinose péritonéale d’origine ovarienne.
concentration péritonéoplasmatique varie de 20 à
plus de 600 selon l’agent antimitotique considéré.
Quatre molécules ont été principalement expérimentées et utilisées : la mitomycine C, le 5-fluorouracil,
le cisplatine et la doxorubicine. Il a été démontré que
leur perfusion intrapéritonéale entretenait un gradient de concentration péritonéoplasmatique favorable à une exposition optimale des cellules cancéreuses intra-abdominales [18].
L’hyperthermie a un effet destructeur propre sur
toutes les espèces cellulaires, d’autant plus important que les cellules sont hypoxiques, acides et
carencées en substrats nutritifs. Les cellules cancéreuses possèdent ces trois conditions métaboliques
et sont donc sensibles à la chaleur [19, 20]. Les tissus sains réagissent à l’hyperthermie par une vasodilatation capillaire et une augmentation du flux sanguin, ce qui leur permet d’évacuer de la chaleur. À
l’inverse, les amas cellulaires cancéreux ont perdu
leurs capacités d’adaptation et de défense vis-à-vis
de l’hyperthermie, ce qui les rend plus vulnérables
[19-21]. L’hyperthermie potentialise les effets de la
chimiothérapie, en augmentant la concentration
intracellulaire de substances comme le cisplatine, la
mitomycine C ou la doxorubicine [22-26].
L’administration intrapéritonéale de la chimiothérapie est intéressante sur le plan pharmacologique.
Los et al. [27] montrent cet avantage chez le rat dans
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Chirurgie de réduction tumorale et chimiohyperthermie intrapéritonéale
637
Figure 3. Survie des patients atteints de carcinose colique et appendiculaire.
des conditions normothermiques, en étudiant les
concentrations en cisplatine, dans des nodules tumoraux péritonéaux. L’administration intrapéritonéale
de cisplatine permet d’obtenir des concentrations
supérieures à celles obtenues après injection intraveineuse.
Fujimoto et al. ont décrit les modifications histologiques du péritoine tumoral soumis à une CHIP
[28, 29]. L’effet cytotoxique diminue proportionnellement avec la profondeur tissulaire. La portée de cet
effet est d’environ 5 mm de profondeur sur le péritoine et les séreuses digestives. Dans les couches
sous péritonéales profondes, l’activité cytotoxique
de la CHIP semble réduite. Les études histologiques
réalisées après une CHIP montrent qu’au delà d’une
zone d’environ 5 mm de profondeur, les capillaires
des tissus sains entourant des îlots carcinomateux
sont dilatés. Cette réaction vasculaire est un mode
de défense contre l’hyperthermie et explique la diminution d’efficacité de la CHIP sur ces îlots cancéreux profonds. Dans les cas de carcinose péritonéale
macronodulaire, il est donc indispensable d’associer
un geste chirurgical de réduction tumorale. Ce geste
devrait idéalement réduire l’épaisseur du tissu tumoral résiduel à quelques millimètres [5].
Cette chirurgie de cytoréduction est-elle réalisable,
en terme de morbidité et de mortalité ? Est-il possible d’associer cette chirurgie à une CHIP dans le
même temps opératoire ? Sugarbaker et al. ont décrit
les péritonectomies, dont le but est l’ablation totale
ou l’électrocoagulation de tous les reliquats tumoraux visibles dans la cavité péritonéale [3, 14]. Cette
chirurgie n’est pas dénuée de risque. Sugarbaker et
al. ont rapporté une mortalité de 5 %, une morbidité
de 35 % et un taux de fistules digestives de 16,6 %
[30]. Ce taux de complications a été corrélé à la
durée de l’intervention chirurgicale et au nombre
d’anastomoses digestives réalisées. Elias et al. ont
rapporté une série de 54 patients traités par une chimiothérapie intrapéritonéale postopératoire immédiate normothermique (CIPPI) [31] ; la mortalité a
été de 5,5 %, la morbidité globale de 61 % avec un
taux de complications intra-abdominales de 35 %
nécessitant des interventions itératives chez 13 %
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Y. Rey et al.
des malades ; le taux de fistules digestives a été de
18,5 %. Pour François et al., la mortalité et la morbidité sont équivalentes, que la CHIP soit réalisée le
jour de l’exérèse chirurgicale, ou 15 à 30 jours plus
tard [32]. Cependant, les auteurs recommandent de
retarder la réalisation de la CHIP d’une quinzaine de
jours par rapport à l’intervention chirurgicale, lorsque celle-ci comporte des exérèses multiples et étendues, avec plusieurs anastomoses digestives. Une
chimiothérapie systémique réalisée dans le mois précédant l’intervention représente une contreindication à la CHIP. Par ailleurs dans d’autres
études, la chirurgie d’exérèse ne semble pas augmenter la morbidité lorsqu’elle est réalisée juste
avant la CHIP [12, 13, 33-36].
Dans notre série, la CHIP a été bien tolérée, sauf
chez un patient de 69 ans atteint d’une tumeur stromale intestinale de nature sarcomateuse, associée à
une carcinose péritonéale de stade 4, ayant eu une
réduction tumorale importante et deux anastomoses
digestives. Le patient a été admis en réanimation à
j6, à la suite d’une défaillance respiratoire compliquant une bronchite chronique ancienne. Le patient
est décédé à j16 d’insuffisance respiratoire. Les sept
patients qui ont eu des douleurs abdominales importantes ont tous eu des péritonectomies étendues avec
électrocoagulation de plages de nodules de carcinose
de 3 mm de diamètre. Les six patients atteints
d’épanchements pleuraux avaient eu de larges résections tumorales avec électrocoagulation au contact
des coupoles diaphragmatiques ou à la surface du
foie. Ces complications semblent directement en
relation avec l’agressivité du geste chirurgical.
Les fistules digestives postopératoires semblent
consécutives au geste chirurgical d’exérèse. La fistule iléorectale fait suite à une dissection extensive
du bas rectum et de l’intestin grêle. La perforation
du moignon duodénal est la conséquence de l’entérolyse. Fujimoto et al. ont incriminé l’augmentation
de pression du duodénum et du jéjunum proximal,
lors d’une CHIP après gastrectomie, dans la survenue de fistules du moignon duodénal [37]. Ils proposent d’utiliser de façon systématique, un cathéter
de duodénostomie destiné à réduire les pressions
dans la partie proximale du haut tractus digestif. Le
taux de fistules anastomotiques pourrait être en relation avec la température intra-abdominale obtenue
lors de la CHIP [30]. Detroz et al. conseillent une
température intrapéritonéale de 42 à 43 °C pendant
la CHIP, qui semble être un bon rapport entre
l’action antitumorale de la chaleur sur les résidus
tumoraux et le respect des viscères intraabdominaux et des anastomoses [5]. Afin d’obtenir
une température intrapéritonéale de 42 à 43 °C pendant la CHIP, il est nécessaire d’utiliser des températures d’injection plus élevées, ce qui n’est pas sans
risque pour les viscères adjacents. Plusieurs équipes
[5, 6, 10, 13], utilisant des températures d’injection
comprises entre 45 et 49 °C, rapportent des cas de
perforation et de fistule du grêle. Mansvelt et al.
conseillent de ne pas laisser les anastomoses digestives au contact des drains d’entrée pendant la CHIP
[6]. Dans notre série, deux éléments pourraient
expliquer le faible taux de fistules anastomotiques et
de perforations digestives : d’une part, la réalisation
d’anastomoses digestives par surjets totaux renforcés par des points séparés séro-séreux, d’autre part,
le débit d’injection intrapéritonéal élevé de 0,9
L/min du liquide de dialyse chauffé à 45 °C. Ce
débit a été calculé à partir d’une modélisation thermique de la cavité péritonéale, réalisée en collaboration avec l’École nationale supérieure des Mines
de Saint-Étienne [38]. Avec un schéma utilisant deux
drains d’entrée et un drain de sortie, cette étude de
modélisation montre le rôle essentiel d’un débit
élevé de 0,9 L/min, qui permet une ascension plus
rapide de la température dans l’abdomen, diminue
les flux préférentiels, améliore l’homogénéisation
thermique et évite la surchauffe des organes au voisinage de l’extrémité libre des drains.
Est-il possible de pratiquer des CHIP itératives ?
Dans notre expérience, trois patients ont eu des
CHIP itératives sans morbidité. Kober et al. ont rapporté chez quatre patients une deuxième CHIP pour
récidive péritonéale, mais la morbidité n’a pas été
précisée [34]. Ces observations montrent que la
CHIP et la chirurgie de réduction tumorale peuvent
être répétées, et que des patients ont eu une longue
survie dans des conditions acceptables. Il nous semble licite de proposer une laparotomie de second
regard dans les six à 12 mois qui suivent la première
CHIP, de façon à mettre en évidence la récidive le
plus précocement possible.
Plusieurs publications ont rapporté une amélioration de la qualité de vie des malades après CHIP, par
assèchement de l’ascite néoplasique et amélioration
de l’état général [6, 13, 32, 34]. Nous n’avons pas
réalisé d’étude intégrant des paramètres objectifs de
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Chirurgie de réduction tumorale et chimiohyperthermie intrapéritonéale
qualité de vie, mais certains patients atteints de carcinose péritonéale avancée ont eu une amélioration
transitoire de leur confort de vie.
Dans le cadre du traitement des carcinoses péritonéales d’origine gastrique, deux études japonaises
ont montré l’intérêt de la CHIP [10, 33]. Yonemura
et al. ayant traité 83 patients atteints de carcinose
péritonéale d’origine gastrique par réduction tumorale et CHIP, rapportent cinq cas survivant à cinq ans
(11 %) [10]. Fujimoto et al. ont étudié la survie de
66 patients atteints de cancer gastrique avec carcinose péritonéale [33]. Un premier groupe de 48
patients traités par chirurgie de réduction et CHIP a
eu une survie à cinq ans de 31 %, alors que les 18
patients du groupe traité par chirurgie de réduction
seule ont eu une médiane de survie de huit mois.
Pour François et al., les meilleures indications de
CHIP sont les carcinoses comportant de petites granulations (stades 1 et 2), et les carcinoses avec chirurgie de réduction tumorale satisfaisante ; il n’y a
plus d’indication dans les cancers gastriques inextirpables ; dans cette série de 42 patients, les cinq
patients ayant eu une survie de plus de 30 mois
étaient atteints de carcinose au stade 1 et 2 [32].
D’autres auteurs ont utilisé la CHIP comme traitement adjuvant dans la prévention des récidives péritonéales des cancers gastriques avec envahissement
macroscopique de la séreuse [9, 37]. Hamazoe et al.
ont montré une augmentation de la survie dans un
groupe de 42 patients traités par CHIP et chirurgie,
par rapport à un groupe témoin de 40 patients traités
par chirurgie seule [9]. La survie a été de 64,2 %
dans le groupe traité par CHIP contre 52 % dans le
groupe témoin (n = 5) et le taux de mortalité par récidive péritonéale dans le groupe traité par CHIP a été
plus faible que dans le groupe témoin (n = 5). Mais
ces résultats n’étaient pas significatifs. Fujimoto et
al. ont étudié, dans une étude randomisée, 141
patients atteints de cancer gastrique avec envahissement de la séreuse [37]. Ils ont montré une augmentation significative de la survie et une diminution
significative des récidives péritonéales dans un
groupe de 71 patients traités par chirurgie et CHIP,
par rapport à un groupe témoin de 70 patients traités
par chirurgie seule ; la survie à quatre ans dans le
groupe traité par CHIP a été de 76 % contre 58 %
dans le groupe témoin.
Le cancer de l’ovaire est une tumeur sensible à la
chimiothérapie systémique [39]. Le traitement de
639
ces stades avancés est axé sur une association chirurgie–chimiothérapie. Près de 80 % des formes
avancées répondent à la chimiothérapie systémique
qui est le traitement de base [40, 41]. Une étude
américaine portant sur 546 patientes atteintes de cancer ovarien stade III avec résidus tumoraux de moins
de 2 cm, a démontré la supériorité de l’administration intrapéritonéale du cisplatine [42]. La médiane
de survie a été significativement augmentée dans le
groupe ayant reçu le traitement intrapéritonéal
(49 mois) par rapport au groupe ayant reçu le traitement intraveineux (41 mois). La fréquence des effets
toxiques du cisplatine a été significativement plus
faible dans le groupe traité par voie intrapéritonéale.
Les taxanes, au début des années 1990, ont bouleversé le schéma traditionnel de chimiothérapie de
première ligne [43]. Pour Markmann, la chimiothérapie intrapéritonéale aurait des indications potentielles, dans le cas de persistance de petits résidus
tumoraux après chirurgie d’exérèse initiale, comme
traitement de consolidation chez des patientes à haut
risque de récidive péritonéale, et en cas de découverte de petits résidus tumoraux lors d’une laparotomie de révision chez des patientes avec une bonne
réponse initiale à la chimiothérapie systémique [44].
Des études associant des sels de platine et du paclitaxel (Taxolt) par voie intrapéritonéale doivent être
réalisées. Dans notre série, la médiane de survie,
pour les patientes atteintes de carcinose péritonéale
ovarienne, a été de 9,4 mois. Parmi les 11 patientes
ayant eu une chirurgie de réduction maximale, trois
patientes sont vivantes sans récidive à 30, 14 et huit
mois de la CHIP, deux patientes sont vivantes avec
récidive à 22 et 19 mois de la CHIP. Sur les trois
patientes n’ayant pas eu de réduction tumorale optimale, deux patientes sont décédées à cinq et un mois
de la CHIP, une patiente est vivante avec récidive à
26 mois de la CHIP. Certaines patientes ont eu une
chimiothérapie préopératoire et postopératoire, mais
les protocoles de traitement ont été différents d’une
patiente à l’autre. L’hétérogénéité de ces traitements
complémentaires rend difficile l’analyse des résultats. Actuellement nous proposons une laparotomie
de révision à des patientes ayant eu une chirurgie initiale incomplète. Cette laparotomie est pratiquée à
l’issue de six cures d’une association carboplatine–paclitaxel ; en cas de persistance de résidus
tumoraux, nous proposons une chirurgie de réduction optimale et une CHIP avec du cisplatine. La
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Y. Rey et al.
laparotomie de révision nous paraît justifiée car elle
permet de mettre en évidence des résidus tumoraux
chez 40 à 50 % des patientes stades III et IV en
rémission clinique complète [45, 46]. Dans notre
série, seules les trois dernières patientes ont reçu ce
protocole et nous n’avons pas assez de recul pour
apprécier la survie.
Dans le cadre du traitement des carcinoses péritonéales d’origine colique et appendiculaire, Sugarbaker et al. ont rapporté une série de 181 patients, avec
51 carcinoses d’origine colique et 130 carcinoses
d’origine appendiculaire, traités par chirurgie de
réductionechimiothérapie
t
intrapéritonéalepostopératoire[3]. Ils montrent que les facteurs de bon pronostic
sont la localisation appendiculaire de la tumeur primitive, un grade histologique de faible malignité,
une chirurgie de réduction complète et l’absence
d’adénopathies ou de métastases hépatiques. Les
carcinoses péritonéales d’origine appendiculaire ont
un pronostic significativement meilleur que celles
d’origine colique. La survie est de 73 % à trois ans
en cas de carcinose d’origine appendiculaire contre
36 % en cas de carcinose d’origine colique. Sugarbaker et al. ont montré que l’exérèse complète des
lésions de carcinose améliorait significativement le
pronostic [3]. L’exérèse complète correspond à
l’ablation de tous les résidus tumoraux de taille inférieure à 2,5 mm de grand axe. Sur 181 patients, la
survie a été de 82 % à trois ans en cas de résection
complète contre 20 % en cas de résection incomplète. Sur 51 patients porteurs de carcinoses d’origine colique, la survie à trois ans a été de 75 % en
cas de carcinose modérée et de 20 % en cas de carcinose étendue. Pour Sugarbaker et al. une carcinose
péritonéale avancée, de haut grade histologique de
malignité ne représente pas une bonne indication de
CHIP ou de chimiothérapie intrapéritonéale postopératoire et doit avoir une chimiothérapie systémique palliative [17].
Dans notre série, les deux patients atteints de carcinose péritonéale d’origine appendiculaire ont des
survies longues. Le premier patient a eu une récidive
à 25 mois de la première CHIP, et une deuxième
CHIP a été réalisée du fait d’un bon état général. Ce
patient est vivant sans récidive à 45 mois de la première CHIP. La deuxième patiente est vivante à 29
mois de la CHIP, mais avec une récidive péritonéale ; une sclérose en plaque évolutive a contreindiqué la réalisation d’une deuxième CHIP. Sur huit
patients atteints de carcinose d’origine colique, trois
patients ont eu une survie supérieure à 40 mois. Un
patient est décédé de récidive péritonéale à 53 mois
de la première CHIP. Un autre patient qui avait une
carcinose de stade 4 avec une chirurgie de réduction
maximale, est vivant avec récidive péritonéale à
44 mois de la CHIP. Un patient qui avait une
carcinose de stade 1, est vivant sans récidive à 42
mois de la CHIP. Elias et al. estiment que 20 % des
carcinoses péritonéales pourront être guéries par la
chimiothérapie intrapéritonéale [31]. Dans notre
série, l’association CHIP et chirurgie de réduction
optimale apparaît comme un traitement adjuvant à
proposer dans les carcinoses péritonéales d’origine
colique car elle permet d’obtenir des survies appréciables.
CONCLUSION
La CHIP apparaît comme un traitement adjuvant
prometteur des carcinoses péritonéales d’origine
digestive et ovarienne. La chirurgie de réduction
tumorale est à l’origine d’une certaine morbidité
mais s’avère indispensable. Chez des patients sélectionnés, la CHIP est bien tolérée avec une morbidité
acceptable et peut être répétée. Certains patients ont
eu une survie prolongée et de meilleure qualité.
La CHIP est un traitement agressif, qui ne peut être
proposé qu’à des patients encore en bon état général
sans pathologie associée.
La CHIP pose encore de nombreux problèmes
techniques. La mise au point d’une modélisation
thermique nous a permis d’optimiser le circuit de la
CHIP et d’obtenir une technique reproductible.
La CHIP est toujours un traitement en évaluation.
Cette évaluation est difficile à cause des multiples
formes anatomocliniques de carcinose, de l’utilisation de techniques différentes selon les équipes chirurgicales et de l’association de chimiothérapies systémiques.
Les indications de CHIP, ainsi que l’interprétation
des résultats, doivent être rigoureuses et prudentes,
afin de ne pas discréditer une technique qui apporte
une survie non négligeable à certains patients.
Les meilleures indications thérapeutiques restent à
définir, ce qui nécessite des études multicentriques
prospectives randomisées utilisant un protocole de
CHIP identique et une classification des carcinoses
péritonéales similaire.
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Chirurgie de réduction tumorale et chimiohyperthermie intrapéritonéale
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