L’anesthésie péridurale est une technique d’a-
nalgésie opératoire très couramment utilisée,
efficace et sûre. Néanmoins comme toute pro-
cédure médicale, elle peut entrainer des complications.
L’incidence de ses complications neurologiques est
estimée globalement à 1/10000 (1). Mais, ces chiffres
peuvent varier d’un auteur à l’autre en raison de l’im-
précision du terme « complications neurologiques ».
Les déficits neurologiques sévères sont rares environ
0.4-0.6/10000 (2).
Ces accidents peuvent être dus à un traumatisme direct
de la moëlle ou des racines nerveuses, à une compli-
cation vasculaire (hématome rachidien, ischémie
médullaire), à une complication infectieuse (abcès ou
méningite), ou à la neurotoxicité des agents injectés
déclenchant des arachnoïdites dites « chimiques ».
Nous rapportons ici deux cas d’arachnoïdite survenue
àdistance d’une péridurale et nous discutons du méca-
nisme, de la clinique, de l’aspect radiologique et du
pronostic de cette affection plutôt rare et méconnue
parmi les complications neurologiques post-péridurale.
Cas cliniques
Cas n°1
Mme L., 57 ans, sans antécédents particuliers hormis
une hystérectomie pour fibrome il y a 15 ans, est opé-
rée le 30/01/01 d’une amputation abdomino-périnéale
pour carcinome du rectum ; l’analgésie post-opératoi-
re est assurée par un cathéter épidural posé en pré-opé-
ratoire. Celui-ci est retiré 24 heures après la chirurgie.
Fin avril 2001, elle se plaint de douleurs dorsales bas-
ses, avec décharges électriques descendant dans les
jambes accompagnées d’une fatigabilité anormale à la
marche. L’examen neurologique montre alors un
tableau de compression médullaire avec une paraparé-
sie spastique prédominant à droite, une hypoesthésie
superficielle des membres inférieurs remontant jus-
qu’en D10 et une hypopallesthésie sans troubles
sphinctériens. Une imagerie par résonance magnétique
du rachis dorsal effectuée à ce moment-là retrouve un
processus extra-médullaire et intra-dural de signal
liquidien s’étendant de T5 à T9 refoulant le cordon
médullaire, prenant le contraste en périphérie, évo-
quant une lésion kystique avec arachnoïdite.
L’hypothèse d’une méningite carcinomateuse est évo-
quée, puis éliminée en raison de l’absence d’altération
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Combes C, Redondo A, Berthelot JL, Rey A
RACHIS - Vol. 15, n°2, Juin 2003.
de l’état général, et de l’absence d’évolutivité des trou-
bles. Une ponction lombaire est néanmoins effectuée
le 05/06/01 ; elle est normale en dehors d’une hyper-
protéinorachie à 38.25 g/l traduisant le cloisonnement.
L’hypothèse d’une complication tardive de la péridura-
le type arachnoïdite est retenue. La patiente est opérée
le 12/06/01, le diagnostic est confirmé et les kystes
arachnoïdiens sont effondrés et évacués. L’examen
anatomo-pathologique de la pièce opératoire montre
une arachnoïdite subaigüe et chronique modérée. La
patiente s’est améliorée de façon partielle en post-opé-
ratoire avec récupération d’un périmètre de marche à
30 mètres avec 2 cannes anglaises 1 mois après. Mais,
en septembre 2001 en raison d’une aggravation neuro-
logique, la patiente a bénéficié d’une deuxième chi-
rurgie avec évacuation d’un nouveau kyste à la partie
supérieure du foyer opératoire. Il n’y a quasiment pas
eu d’amélioration neurologique ensuite et la patiente
reste très handicapée (elle marche quelques mètres
avec un déambulateur).
Cas n°2
Mme F., âgée de 41 ans, sans antécédents en dehors de
3accouchements par voie basse, le dernier remontant
à8ans, souffre depuis décembre 2001 de radiculalgie
droite d’horaire inflammatoire, d’intensité croissante,
de trajet mal systématisé. En juillet 2002, suite au port
d’une charge lourde, des lombalgies nocturnes, impul-
sives à la toux et à l’effort sont apparues. Un scanner
pelvien demandé par le médecin généraliste montre
une fissure anale. La patiente est alors opérée le
08/08/02 sous péridurale. Le lendemain, un globe
vésical est constaté nécessitant la pose d’un cathéter
sus-pubien et s’accompagnant d’une recrudescence
des radiculalgies. L’examen neurologique est normal
en dehors d’un réflexe achilléen gauche aboli et des
troubles sphinctériens. Une imagerie par résonance est
demandée à la recherche d’une complication précoce
de la péridurale comme un hématome épidural, ou une
ischémie médullaire. Elle montre alors une lésion
intra-durale en L1-L3, avec un aspect inflammatoire
de l’articulaire gauche de L1 (figures 1). L
’hypothèse
d’un neurinome lombaire est évoquée. La patiente est
opérée le 4/09/02, l’aspect per-opératoire montre un
épaississement de l’articulaire gauche de L1, de l’a-
rachnoïde localisée en L1-L2, avec certaines racines
de la queue de cheval prise dans une arachnoïdite. Le
diagnostic d’arachnoïdite est ensuite confirmé par