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visions
Dominique
Gauzin-Müller
énergie grise
Portrait :
Jörg-Martin Müller
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Architecte française
installée en Allemagne
depuis 1986, Dominique
Gauzin-Müller est
spécialiste de l’urbanisme
et de l’architecture écoresponsables : matériaux,
énergie, implications
sociales et culturelles…
Commissaire de plusieurs
expositions, rédactrice
en chef du magazine EK/
EcologiK, elle a publié
douze ouvrages et collabore
avec de nombreuses
maisons d'édition et revues
internationales. Professeure
honoraire de la Chaire
UNESCO-CRAterre des
cultures constructives,
elle enseigne dans les
écoles d’architecture de
Strasbourg et de Stuttgart,
tout en intervenant dans
d’autres universités à
travers le monde. Elle est
membre de la Compagnie
des négaWatt pour la
transition écologique.
Croquis :
Dominique Gauzin-Müller
L’architecture responsable :
quatre piliers et une infinité de solutions
La démarche écoresponsable que prône Dominique Gauzin-Müller
appelle une approche « holistique », globale et pluridisciplinaire.
Elle n’est pas dissociable d’une réflexion ouverte, qui part
de l’aménagement du territoire et s’empare de très nombreux
paramètres comme la gestion de l’énergie et de l’eau,
les déplacements autour de l’habitat, et plus largement,
le lien social.
R
ares sont les projets qui atteignent
le top des 14 cibles de la HQE en
termes d’écoconstruction, d'écogestion, de confort et de qualité
sanitaire, reconnaît Dominique Gauzin-Müller.
Pour être réaliste et efficace, il me paraît donc
plus important de préserver une vision globale
que de viser la perfection pour une minorité
d’éléments constitutifs du bâti. Dans les quatre
grands principes qui dessinent les contours
d’une architecture écoresponsable, les éléments
factuels (site, matériaux, énergie, fonctions)
doivent être systématiquement mis en
perspective avec la manière dont l’homme
les met en œuvre. »
1. Site et territoire
L’architecture écoresponsable tient compte
du site, modelé par sa géologie et son climat, et
du territoire, façonné par l’action de l’homme.
Un paysage porte la trace de son aménagement
par ses habitants, à l’échelle d’une cité, d’une
région, d’un pays. Un exemple ? Le jeu est aussi
vieux que l'espèce humaine. Mais les aires qui
lui sont dédiées dans nos villes occidentales
ont été inventées dans le sillon de
l’industrialisation… Et elles n’existent pas
(encore) dans les métropoles peuplées
de milliers d’enfants des pays émergents.
Les différences d'un pays à l'autre en disent
long sur nos sociétés ! 2. Énergie et ambiance
Avec une implantation et une disposition
des pièces bien pensées, des ouvertures
judicieusement dimensionnées et positionnées,
il est possible d’économiser 30% d’énergie tout
en apportant un confort thermique, acoustique
et visuel qui contribue au plaisir d’habiter.
Accent n°3 • janvier 2015
Le réemploi, une
alternative astucieuse
La performance énergétique
du bâtiment (passif voire actif)
a atteint un tel niveau que l’on
pourrait se passer d'énergie pour
le chauffer ou l’éclairer. Les enjeux
se sont donc déplacés sur l'énergie
grise utilisée pour la fabrication
des matériaux et tout au long de
leur cycle de vie. Sa connaissance
permet de réduire notre impact
environnemental en choisissant les
matériaux les moins transformés,
mis en œuvre près de leur lieu de
production.
3. Acteurs et usagers
Tous les auteurs d’un projet (maître d’ouvrage,
architecte, bureau d’études, artisans…) doivent
agir en empathie et préparer avec pédagogie
les futurs utilisateurs à une attitude
écoresponsable. Si l’usage n’est pas expliqué, les
besoins d’un bâtiment conçu pour consommer
moins de 15 kWh/m2/an pour le chauffage
peuvent être multipliés par deux, voire plus. 4. Matériaux et technique
Là encore, il ne faut pas être extrémiste : il faut
utiliser la juste quantité de matériaux au bon
endroit. L’architecture française, créative et
pionnière, utilise des matériaux éco-locaux
pour minimiser l'énergie grise. Trouvés autour
du lieu de la construction, les matériaux
végétaux (chanvre, bois, paille, lin, liège),
animaux (laines de mouton, plumes de canard)
ou minéraux (terre crue, pierres, galets)
s’inscrivent désormais dans des projets qui
sont loin d’être anecdotiques. Il ne s’agit pas,
bien sûr, d’exclure les produits industriels
(béton, acier, terre cuite, aluminium, etc.) mais
de donner la préférence, quand ils apportent le
même service, à des produits moins
gourmands en énergie et en matières
premières non renouvelables. Terre, pierre,
briques et béton, par exemple, apportent au
bois l’inertie thermique nécessaire pour
assurer le confort d’été, et servent de
contreventement structurel, d’écran
acoustique ou de paroi coupe-feu. Platines,
broches et tirants en acier réduisent les
sections des pièces de charpente, avec des
assemblages aussi performants qu’élégants.
Ci-dessous
Salle polyvalente de la Boiserie (Mazan, Vaucluse)
Cet équipement culturel et associatif est l'un
des premiers de France construits avec des
matériaux locaux biosourcés dont les propriétés
constructives étaient jusqu’alors inexploitées. Il
utilise trois essences locales qui proviennent des
massifs forestiers du Mont Ventoux : pin noir,
pin à crochet et cèdre. Les bois utilisés, choisis
et récoltés avec l’ONF, ont été sciés, séchés
et rabotés dans un rayon de 90 kilomètres,
réduisant ainsi l’empreinte carbone du projet.
C’est l’une des 75 réalisations françaises
récentes, alliant éthique et esthétique,
sélectionnées par « Matières en lumières »,
l’exposition du Pavillon de la France au congrès
triennal de l’UIA de Durban (3/7 août 2014).
Photo : Hervé Abbadie
50 % des déchets produits
dans les pays industrialisés
sont issus du secteur
du bâtiment. Donnons-leur
une nouvelle vie ! Le bois
de structure peut ainsi
être récupéré lors de la
déconstruction d’anciens
bâtiments et remonté
ailleurs. La pratique est assez
courante en Australie depuis
qu’elle a été initiée par Glenn
Murcutt. Quant à la pierre,
elle est réutilisée depuis la nuit
des temps dans de nouvelles
bâtisses. Les matériaux de
réemploi n’ont pas de lobby,
pas même vraiment de filière.
Ils renvoient avec sagesse à
4 des « 8 R » de Serge Latouche,
l’économiste de la décroissance :
Réduire (la consommation de
nouvelles matières premières),
Réutiliser (des matériaux, des
bâtiments), Recycler (des
composants du bâtiment),
Relocaliser (en privilégiant
les circuits courts).
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