Conclusion
CORINNE ISNARD-BAGNIS
1
, VINCENT LAUNAY-VACHER
2
1
Service de néphrologie, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris
2
Service ICAR, Service de néphrologie, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris
Plusieurs définitions existent pour l’éducation théra-
peutique (ETP). Retenons celle du ministère de la
Santé (basée sur le rapport rédigé par Christian
Saout à la demande de Madame Roselyne Bachelot,
ministre de la Santé et des Sports) qui propose l’ETP
comme un processus de renforcement des capacités du
patient et de son entourage à prendre en charge l’affec-
tion qui le touche, sur la base d’actions intégrées dans le
projet de soin. Cette définition insiste sur l’objectif d’auto-
nomie pour le patient, par l’acquisition de savoirs et de
compétences, mais également, ce qui est fondamental,
sur l’amélioration de la qualité de vie. Selon la loi, l’ETP
doit s’adresser à tout patient qui le nécessite. Cela sous
entend qu’il faut réfléchir à la façon dont les professionnels
peuvent évaluer les besoins des patients. Il faut aussi être
réaliste et constater que les moyens humains disponibles
ne permettent pas actuellement l’accès pour tous à un
accompagnement thérapeutique et qu’il est nécessaire de
proposer une prise en charge prioritaire à certains
patients. Ainsi, dans la maladie rénale chronique, chaque
étape de la maladie rénale peut être l’objet de difficultés
particulières. Il existe des événements « charnière » princi-
palement déterminés par l’évolution de la fonction rénale
et des thérapeutiques proposées. Certaines composantes
d’un programme d’accompagnement peuvent se retrouver
prioritaires à différents stades de la maladie comme l’aide
àl’observance. Paradoxalement, l’annonce de la maladie
chronique, si elle fait l’objet d’un accompagnement en
oncologie, n’est la plupart du temps pas associée à des
actions d’ETP spécifique en néphrologie alors que c’est
un moment difficile, dont les patients se souviennent sou-
vent toute leur vie. Il faut souligner que très peu d’études
apportent des données permettant de mettre en place des
actions spécifiques et nous avons encore de très nombreu-
ses questions à résoudre vis-à-vis du moment idéal et de
la forme que doit prendre l’annonce d’une maladie
chronique comme une maladie rénale. De même, l’accom-
pagnement diététique a des objectifs très différents suivant
les étapes de traitement de la maladie rénale.
Parmi ces différents stades de la maladie rénale chro-
nique, l’annonce d’une insuffisance rénale au stade
terminal nécessitant la mise en place d’une tech-
nique d’épuration extra-rénale, hémodialyse ou dialyse
péritonéale, est une étape particulièrement délicate.
Bien sûr, la discussion des techniques de remplacement
de la fonction rénale comme l’hémodialyse, la dialyse
péritonéale ou la transplantation nécessite un accompa-
gnement spécifique qui mobilise à la fois des actions
d’information, d’acquisition de connaissances, d’élabora-
tion d’un choix de la technique mais aussi un travail sur la
peur qui est très souvent associée à la perspective de ce
type de soin. C’est une période très difficile à vivre pour les
patients qui dans un tiers des cas, débutent la dialyse dans
un contexte d’urgence, donc sans avoir pu être préparés à
ce type de soin.
Les psychologues sont ainsi souvent associés, et à juste
titre, aux programmes d’ETP. Ils peuvent participer à de
nombreuses actions notamment aux ateliers de groupe, à
la conception d’outils, à l’évaluation des patients. Néan-
moins, il ne faut pas confondre et mélanger la prise en
charge psychologique et l’accompagnement en ETP qui
sont des choses différentes. Les personnes formées à
l’ETP pourront dépister un besoin d’aide psychologique
et travailler en collaboration avec des psychologues. Par
ailleurs, la pratique de l’ETP peut conduire à des questions
ou des difficultés au sein d’une équipe de professionnels
de santé auxquelles le psychologue peut aider à répondre
en animant une réflexion de groupe.
La majorité des programmes d’ETP existant en milieu
hospitalier sont souvent centrés sur l’acquisition de compé-
tences d’auto soin (la pratique de la glycémie capillaire,
l’automesure tensionnelle) ou sur l’observance. Il existe
une très grande hétérogénéité des pratiques en milieu
hospitalier. Il faut noter que le lien entre l’hôpital et la
ville doit être renforcé pour permettre aux patients d’être
pris en charge à proximité de leur domicile sans avoir à
revenir à l’hôpital pour les actions d’ETP.
Ainsi peut-on considérer que l’ETP en France nécessite
encore de très nombreux développements, et une organi-
sation claire. Si elle doit être assurément menée en milieu
hospitalier, il n’y a pas lieu de l’y circonscrire, au
contraire. Les réseaux de santé peuvent (doivent ?) être
un moyen de relier et de diffuser, reproduire, et adapter
les programmes hospitaliers en ville. Dans ce contexte, les
pharmaciens d’officine, en relation avec leurs confrères
hospitaliers, constituent une charnière sur laquelle articuler
cette collaboration ville-hôpital. ■
DOSSIER « E
´DUCATION THE
´RAPEUTIQUE »
J Pharm Clin 2010 ; 29 (2) : 113
doi: 10.1684/jpc.2010.0147
J Pharm Clin, vol. 29, n
o
2, avril-mai-juin 2010 113
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