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AV1 AT B114/E01
Jean Bordes
M. Jean Bordes est né en 1920 dans le Lot-et-Garonne.
ENREGISTREMENT RÉALISÉ LE 04/07/2012 PAR MADAME MYRIAM FELLOUS-SIGRIST.
STATUT DU TÉMOIN
Cheminot pendant la Seconde Guerre mondiale
FONCTION À LA SNCF
Horairiste
DATE D’ENTRÉE ET
DE DEPART DE LA SNCF
1938 - 1978
AXE DE L’ETUDE
Vie et travail au quotidien pendant la
Deuxième Guerre mondiale : mémoire et
récits de cheminots
SUJET PRINCIPAL
Vie d’un cheminot proche de la ligne de
démarcation
THÈMES ABORDÉS
Situation professionnelle et conditions de
travail au début de la guerre
Conditions de travail sous l’occupation
allemande
Chantiers de la Jeunesse Française
Retour à la SNCF et conditions de vie
pendant le conflit
Fin de la guerre, Libération et après-guerre
Motivation pour répondre à l’Appel à
témoins
OUTIL DE CONSULTATION
CD audio
MATÉRIEL D’ENREGISTREMENT
TASCAM DR-40
DURÉE DE L’ENREGISTREMENT
2 heures 26 minutes 6 secondes
DURÉE APRÈS TRAITEMENT DU SON
2 heures 12 minutes 52 secondes
Communication
Le témoin autorise, à partir du 4 juillet 2012, la copie, la consultation, l’exploitation pour des travaux à
caractère historique ou scientifique, la diffusion sonore et la publication de la transcription et de
l’enregistrement avec mention de son nom, par contrat passé avec l’AHICF à laquelle toute demande
d’utilisation à d’autres fins de l’enregistrement et de la présente analyse doit être adressée.
Fiche chronothématique réalisée par Claire Delignou
http://www.memoire-orale.org/liste-entretien.php?col=16&scol=0
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Compte rendu analytique
I – Situation professionnelle et conditions de travail au début de la guerre
(Plage 02) Avant de commencer sa carrière à la SNCF, Jean Bordes habitait à Agen [Lot-et-Garonne] chez
ses parents. Son père travaillait comme aiguilleur à la SNCF. Après avoir passé le concours d’entrée à la
er
SNCF, il débuta « comme élève » le 1 janvier 1938 [à l’âge de 18 ans]. Il passa un examen pour devenir
facteur aux écritures au moment de la déclaration de la guerre. Faisant partie du deuxième contingent de la
classe 1940, il n’a pas été appelé, à l’inverse des hommes du premier contingent. Il prit ensuite des cours
pour travailler au sein de « la section Mouvement ». À partir de 1941, il passa huit mois aux Chantiers de la
Jeunesse à Saint-Gaudens [Haute-Garonne]. A son retour, il fut envoyé à Castelsarrasin [Tarn-et-Garonne]
par la SNCF comme auxiliaire durant trois mois. Puis, il fut nommé à Saint-Pierre-d’Aurillac [Gironde] « qui
était la première gare de zone libre sur la ligne Bordeaux/Toulouse ». Au début de sa carrière, les conditions
de vie et de travail étaient très précaires. Il était difficile de se loger et de se nourrir, il lui arriva même de
dormir dans le magasin des colis. (6mn:58s)
(Plage 03) Situé en zone libre, il travaillait de manière quasi normale. La ligne de démarcation était à 1 km de
la gare. Il se rappelle avoir croisé des personnes qui avaient passé la ligne de démarcation clandestinement.
Il en voyait d’autres s’échanger des paquets de lettres par le biais de cheminots. Il se rappelle qu’un jour de
novembre 1942, alors qu’un train était attendu en gare, ils virent arriver un « train blindé allemand » ce qui
déclencha la panique sur le quai. Il fut par la suite muté à Port-Sainte-Marie [Puy-de-Dôme]. Il y retrouva son
chef de gare de Saint-Pierre-d’Aurillac [Gironde] qui était devenu le sous-chef de gare de Port-Sainte-Marie et
qui était milicien. (10mn:42s)
(Plage 04) Il se souvient d’une nuit de 1944 durant laquelle il fut réveillé « par un SS armé » qui le fit sortir
avec tous les hommes de la rue. Le 4 août 1944, à Port-Sainte-Marie [Puy-de-Dôme], des bombes ont fait
exploser un train de munitions. Le train n’étant pas en gare, le bâtiment ne fut pas touché. (6mn:40s)
(Plage 05) Il ne communiquait avec sa mère restée à Agen [Lot-et-Garonne] que par lettres. Son père,
aiguilleur à Agen, était mort en 1939. Parmi ses proches, il y avait d’autres cheminots, notamment un oncle
« brigadier-chef » [service de la Voie] à Agen. Ce dernier avait été licencié suite à la grève de 1920, puis
réintégré à Dax [Landes] deux ans plus tard. (7mn:44s)
(Plage 06) Il raconte que le concours d’entrée à la SNCF était très prisé à son époque car il offrait la
possibilité de voyager gratuitement, ainsi qu’une prise en charge complète des frais médicaux. Dans sa
carrière, il fut sous-chef de gare, chef régulateur puis horairiste. Avant de passer le concours d’entrée, il avait
obtenu le brevet. C’était un concours de « connaissance générale » avec de l’orthographe, de la rédaction,
des mathématiques, de la géographie. Il se rappelle de ses débuts, entre les visites médicales et les
nombreux postes qu’il a occupés. (4mn:24s)
(Plage 07) À Agen, il a travaillé sur les quais, au guichet ou encore dans les bureaux. Il se rappelle qu’à
chaque fin de mois et de trimestre, il devait aller avec le caissier déposer les recettes à la banque et en
rapporter les paies du personnel (« plus de cent personnes ») ainsi que les retraites « à remplir des sacs de
jute ». Jean Bordes se rappelle que les cultivateurs avaient la possibilité de vendre leur production à ceux qui
en avaient besoin. Et à un moment la monnaie a changé et il a été compliqué pour certains de justifier les
sommes dont ils disposaient. (5mn:54s)
III – Conditions de travail sous l’occupation allemande
(Plage 08) Il n’a pas travaillé avec des cheminots allemands, mais à la gare de Port-Sainte-Marie [Lot-etGaronne], il se rappelle qu’il y avait des soldats allemands stationné sur le site. Il évoque les conditions de vie
difficiles qui l’ont amené à recourir au marché noir malgré le contrôle économique. (7mn:22s)
(Plage 09) Il se rappelle que certaines personnes demandaient aux cheminots comment passer en toute
sécurité en zone occupée, tout en évitant les patrouilles allemandes situées sur la ligne de démarcation. Il
affirme n’avoir jamais su si des trains de déportés juifs passaient en gare de Port-Sainte-Marie [Lot-etGaronne]. Certaines de ses connaissances d’Agen [Lot-et-Garonne], mais pas des cheminots, ont été
envoyées au STO [Service du travail obligatoire]. (5mn:02s)
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(Plage 10) En 1941, il reçut une formation obligatoire pour travailler au sein de la filière Mouvement, dans
laquelle régnait la fierté d’être cheminot et l’esprit d’équipe. Il évoque les problèmes de ponctualité des trains
sous l’occupation, ce qui n’était plus le cas après la guerre lorsqu’il travaillait à la gare de Cahors [Lot] avec le
lancement du Capitole. (6mn:15s)
(Plage 11) Au début de sa carrière dans la filière Mouvement, il travaillât en binôme avec l’agent qu’il allait
remplacer. À proximité de la gare se trouvait un chai avec un robinet « qui distribuait du vin gratuit ». Les
cheminots allaient s’y approvisionner en vin et des mécaniciens leur donnaient du charbon en échange de ce
vin. Il a « vraiment souffert de la nourriture », il y avait les tickets de rationnement et le marché noir. À la gare
l’un des cheminots s’était aménagé un jardin qu’il exploitait à chacune de ses prises de poste en gare.
(6mn:54s)
IV – Chantiers de la jeunesse française
(Plage 12) Il explique que ses activités aux Chantiers de la jeunesse française ressemblaient à celles que l’on
ferait dans le scoutisme (marche, gymnastique, chant). Il fallut se rendre de Saint-Gaudens [Haute-Garonne]
à Arguenos [Haute-Garonne], en pleine montagne, pour monter un camp. « On avait droit à 750 grammes de
pain par jour et par personne ». Il y était mieux nourrit que lorsqu’il reprit son travail à la SNCF. (7mn:22s)
(Plage 13) Le programme des Chantiers de la jeunesse française comportait beaucoup d’activités physiques
et sportives. Ces mois passés aux Chantiers de la jeunesse française ne lui ont pas servi durant sa carrière à
la SNCF. « C’était une sorte de caste. » Il se souvient qu’il y avait d’autres cheminots aux Chantiers de la
jeunesse française. (6mn:14s)
V – Retour à la SNCF et conditions de vie pendant le conflit
(Plage 14) À son retour des Chantiers de la Jeunesse Française, il fut auxiliaire à Castelsarrasin [Tarn-etGaronne] pendant trois mois, puis il fut nommé à Saint-Pierre-d’Aurillac [Gironde]. Ses parents étaient
« contents » qu’il travaille à la SNCF, « c’était sûr et qu’on aurait une retraite ». Un médecin de garde tenait
une permanence mensuelle dans la gare et il pouvait délivrer des ordonnances aux cheminots afin qu’ils
récupèrent les médicaments auprès des « pharmaciens de la SNCF ». Il ne se souvient pas de vols survenus
à l’époque. (9mn:18s)
(Plage 15) Il n’entretenait pas de rapport avec ses collègues en dehors du temps de travail. Il revient sur
l’histoire de son sous-chef de gare qui était milicien et affirme qu’il a été révoqué à la fin de la guerre. Il s’est
marié en 1943, à Puy-l'Évêque [Lot] dans des conditions précaires, malgré la débrouillardise de son beaupère qui était en contact avec des bouchers dans le cadre de son métier de gendarme. (7mn:00s)
VI – Fin de la guerre, Libération et après-guerre
(Plage 16) Au moment de la Libération, il se trouvait à Port-Sainte-Marie [Lot-et-Garonne] et il se souvient de
scènes de joie en réaction à cette annonce. Après la guerre, il se rappelle que la vie était encore difficile. Il n’y
avait, notamment, plus de trafic ferroviaire. Il se rappelle que, durant la guerre, alors qu’il rejoignait sa femme
et son fils à Puy-l'Évêque [Lot] en vélo avec des provisions, il se fit arrêter par des « Mongols » allemands.
(7mn:16s)
(Plage 17) À Port-Sainte-Marie [Lot-et-Garonne], il y eut beaucoup de dégâts matériels. Pendant la guerre, il
travaillait 40 h par semaine, puis 42 h après la guerre. Après la Libération, il reprit un travail normal à la
SNCF. À ce moment-là, « les trains de voyageurs étaient archi combles ! » jusque « dans les cabinets ». Il se
rappelle également de la visite d’une maison qui avait été occupée par un officier américain à la fin de la
guerre et qui était marquée par des impacts de balles. Par la suite, il habita dans un logement de la SNCF.
(4mn:58s)
Fiche chronothématique réalisée par Claire Delignou
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(Plage 18) Après la guerre, il s’est engagé dans le syndicat de la Fédération maîtrise et cadres, mais il ne
s’est jamais senti véritablement militant. Il se souvient de la grève de 1968 : « c’était la paralysie complète. »
Les cheminots de la gare de Cahors [Lot], qui avaient participé à la grève, ont d’ailleurs été traités
d’« affameurs » par le journal le Sud-Ouest. « Cela avait duré tellement longtemps que les rails étaient
rouillés. » Ils ont remédié à cela en prenant un « loco-tracteur » et un wagon avec les freins à vis bloqués.
(3mn:59s)
(Plage 19) Il ne se souvient pas de cas d’épuration en particulier. Après la guerre, il continua à parler de cette
période avec ses collègues. Ils éprouvaient un sentiment de peur face aux dénonciations. Il se rappelle qu’il y
avait une filière de départ vers l’Angleterre qui passait par l’Espagne quand il était à Agen [Lot-et-Garonne]. Il
participa à de nombreuses commémorations. Il avait de bons rapports avec certains Allemands à Port-SainteMarie [Lot-et-Garonne]. À Agen il a eu connaissance d’un civil d’origine allemande devenu officier allemand
pendant la guerre. (5mn:07s)
(Plage 20) Jean Bordes explique qu’après la guerre, la reconstruction a permis de moderniser le réseau
ferroviaire. « Tout le monde a mis du cœur à l’ouvrage pour reconstruire. » Cette période de reconstruction
s’est étalée sur plusieurs années. Les cheminots devaient travailler avec peu de matériels, « des autobus
Floirat » avaient été transformés en autorail. (3mn:29s)
(Plage 21) Jean Bordes se souvient de la Libération. Alors qu’ils étaient partis en bicyclette avec sa femme,
ils se retrouvèrent dans la foule sur une place d’Agen [Lot-et-Garonne]. Des résistants avaient bloqués l’accès
à cette place avec deux véhicules. Un camion conduit par des Allemands était passé en force en tirant. Deux
gendarmes présents étaient intervenus assistés par des résistants. Jean Bordes a également échappé de
peu à un attentat visant une pharmacie. Les miliciens étaient présents et il y avait plus d’animosité envers eux
« c’était pire » « c’était des français » qu’envers les soldats allemands qui eux « étaient des combattants ».
(6mn:02s)
(Plage 22) L’épouse de Jean Bordes fut bibliothécaire à la SNCF. Elle fit un stage à Paris pour se former à ce
métier. Jean Bordes et son épouse reviennent sur les difficultés liées à la nourriture pendant la guerre.
(3mn:32s)
VII – Motivation pour répondre à l’Appel à témoins
(Plage 23) Il a souhaité répondre à l’Appel à témoignages car il craignait qu’il n’y ait pas beaucoup de
réponses, en raison de l’âge des témoins de cette époque. Pour lui, il s’agit également d’un devoir de
mémoire. Il veut transmettre son histoire à la jeune génération pour ne pas oublier les évènements passés.
« Il ne faut pas oublier » « pour pas que ça recommence ». (0mn:41s)
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