Cette crise qui n`en finit pas : comment en sortir

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Laurea Magistrale –MEC
Esercitazione 09 mai 2017
Dott.ssa C.Collomb
Cette crise qui n'en finit pas : comment en sortir ?
Par Jean-Marie Harribey, Michel Husson, Esther Jeffers, Frédéric Lemaire, Dominique
Plihon
[…]Lorsque la première alerte sérieuse intervint, à l'automne 1973, tout le landernau
économique et politique s'écria : « C'est la faute au pétrole !» pour les plus timorés des
commentateurs ; « C'est la faute à l'OPEP ! » pour les plus hardis ; « C'est la faute aux
Arabes !» pour les plus racistes. La crise était est donc un accident, un « choc », disaient
les spécialistes, un « choc exogène », corrigeaient les savants patentés. Exogène ? Dès ce
premier moment, il fallut apprendre un nouveau mot, ou tout au moins savoir le placer
dans un nouveau contexte. Il n'était en effet pas question de se demander si le système
économique était parvenu à une situation limite, où tout ce qui avait fait sa force et sa
dynamique d'après-guerre s'écroulait.
Pas question de s'interroger sur la concordance de contradictions produites par le
modèle économique dominant dans le monde : la crise fut donc déclarée « exogène »,
c'est-à-dire ayant une cause externe au capitalisme, comme si elle était un phénomène
naturel, dont l'être humain n'était pas responsable. Ainsi caractérisée, la crise ne
pouvait être que passagère, localisée, et puis surmontée grâce à de bons remèdes
administrés par des gouvernements éclairés.[…]
Quelle crise?
Près d'un demi-siècle plus tard, l'oracle n'a toujours pas été confirmé. Pire, les alertes se
sont succédé, à intervalles réguliers, avec une tendance à se renforcer et à se généraliser,
jusqu'au déclenchement, en 2007, d'une tornade financière, laquelle a aussitôt provoqué
un désastre économique mondial. Alors, quel phénomène le mot « crise » devait-il
désigner ? Chacune de ces alertes était-elle une « crise » : crise pétrolière en 1973, puis
en 1978-1979, crise de la dette mexicaine et des pays en développement à partir de 1982,
crise des caisses d'épargne états-uniennes en 1987, crise russe et asiatique en 1997-1998,
crise de la nouvelle économie et de l'Internet en 2000, crise immobilière en 2007, etc. ?
Ou bien chacune de ces « crises » particulières était-elle le symptôme d'un phénomène
plus profond, plus durable, plus systémique ? Dans ce cas, nous devions réserver le
terme « crise » à ce long bouleversement qu'on ne pouvait plus considérer comme un
accident ou un phénomène naturel, mais comme un phénomène « endogène », c'est-àdire ayant sa source dans un système dont la logique d'ensemble était en cause. Vue
sous cet angle, la crise doit être appréhendée dans sa globalité, dans sa
multidimensionnalité, dans son caractère civilisationnel, au point de faire courir aux
sociétés le risque d'un effondrement, d'une impossibilité à assurer les conditions de vie
de l'humanité et de pérennité des équilibres écosystémiques.[…]
Crise systémique
La crise systémique est aujourd'hui bien identifiée. Son prétendu caractère naturel ou
extérieur au capitalisme productiviste est démystifié, moins par les experts, qui font
carrière dans les universités ou les institutions mondiales, que par les citoyens, qui sont
mobilisés dans les mouvements sociaux dans le monde et qui, de grèves en occupations
de places publiques, appellent à ce que ladite crise ne devienne pas une norme imposée
de génération en génération.
Source :http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/cette-crise-qui-n-en-finit-pascomment-en-sortir-630162.html
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------De quoi la crise est-elle le nom ?
Selon le vocable suivi par la majorité des médias et des économistes, nous sommes depuis
plusieurs années dans une situation de « crise ». Cette dernière serait non seulement
financière et économique mais également écologique, sociale, politique, etc. Pourtant, ce
que traversent nos sociétés est beaucoup plus profond. De ce fait, l’utilisation de ce
vocabulaire n’a-t-elle pas pour fonction première de servir les intérêts des classes
dirigeantes, bien souvent à la manœuvre pour nous faire « retrouver la croissance » ? De
ce fait, ce concept de « crise » est à la fois sous-estimé et exagéré, laissant apparaître un
paradoxe qui n’est qu’apparent.
Un basculement plutôt qu’une crise
L’utilisation du mot « crise » est tout simplement inappropriée pour décrire l’état de nos
sociétés post-industrielles . L’idée de crise suppose en effet un caractère temporaire,
impliquant tôt ou tard un retour à une situation antérieure (dans ce cas-ci des taux de
croissance positifs combinés avec le « plein-emploi »). Or, les contradictions du système
sont telles qu’un retour à ce type de situation, considérée comme allant de soi, est
impossible. Ces contradictions sont de deux ordres :
Socio-économiques : ce qu’on nomme la crise n’est en fait rien d’autre qu’une situation de
surproduction à l’œuvre depuis la fin des années 70. Traditionnellement pointé du doigt
pour expliquer la fin des Trente Glorieuses, le premier « choc pétrolier » ne fut que le
révélateur de tendances déjà en œuvre qui précipitèrent dans l’abîme la fameuse
croissance économique tant acclamée : d’une part un tassement de la demande en raison
du manque de débouchés et d’autre part un chômage de masse irréversible causé par les
délocalisations et le recours aux machines de plus en plus omniprésentes. La « crise » fut
temporairement résolue par un endettement généralisé (ménages, entreprises et Etats), le
tout dilué dans un contexte de financiarisation croissante de l’économie. Ce ne fut qu’une
fuite en avant, laquelle montre ses limites depuis 2007 .
Ecologiques : même si les contradictions qui précèdent venaient à être dépassées, il en est
d’autres que toute idéologie ne saurait résoudre. En font partie les limites physiques de la
planète : réchauffement climatique, épuisement des ressources (pétrole, minerais,
réserves d’eau douce, terres arables, etc.), déversement de molécules chimiques
artificielles dans la nature, pollution atmosphérique, atteinte à la biodiversité,
déforestation, désertification et érosion des sols, etc. Bref, ce qu’on nomme les
externalités de la croissance (car non prises en compte dans les calculs du PIB) sont en
train de sauter au visage d’un système dont la raison d’être est de ne connaître aucune
limite. Ces mises en garde ne sont pas récentes puisque les auteurs du Club de Rome nous
les posaient déjà il y a quarante ans .
Ces éléments font qu’il est à la fois illusoire mais également non souhaitable de renouer
avec des taux de croissance tels que nous les avons connus lors des périodes de vaches
grasses.
À l’inverse, nous sommes à bout d’un modèle économique, empêtré dans sa logique du
profit à court terme lui occultant toute vision d’avenir.
La stratégie du choc
Pour autant, il serait dangereux de croire à la fin du capitalisme par le biais de ces
contradictions. Au lieu de ça, le dépassement des seuils écologiques et les déboires
économiques que nous connaissons permettent précisément au système de poursuivre
son expansion. Comme l’écrit Isabelle Stengers, c’est dans la nature du capitalisme
d’exploiter les opportunités . Et force est de constater que c’est exactement ce qu’il est en
train de faire. Concrètement, le concept de crise est utilisé pour faire miroiter un
hypothétique « retour à la normale », de façon à justifier des politiques visant à étendre
l’emprise du capital sur des secteurs jusque là épargnés (services publics, milieux naturels,
fonctions éco-systémiques, gestion des catastrophes, etc.). Comme l’écrivent Pablo
Servigne et Raphaël Stevens, « tout en invoquant l’urgence, la crise nourrit
paradoxalement un imaginaire de continuité »
Source http://www.cadtm.org/De-quoi-la-crise-est-elle-le-nom
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