Hydatidose osseuse S. Lezar, W. Zamiati, A. Adil, R. Kadiri Service Central de Radiologie, CHU Ibn Rochd, Casablanca Maroc Sommaire Introduction Epidémiologie Anatomie pathologique Clinique et Biologie Hydatidose rachidienne Hydatidose périphérique Diagnostic différentiel et complications Traitement conclusion Introduction - Malgré l’état endémique de la maladie hydatique dans les pays du Maghreb, l’hydatidose osseuse reste une affection rare (0.5 à 2 %). - Le diagnostic est souvent tardif par manque de spécificité et latence clinique qui caractérisent cette affection . Il repose sur un ensemble d’arguments cliniques, biologiques et radiologiques où seul l’examen anatomopathologique peut confirmer la maladie. - Son évolution est insidieuse et son pronostic est sombre du fait des récidives fréquentes (en cas d'exérèse incomplète). - L'imagerie permet d’affirmer le diagnostic, de faire le bilan lésionnel et de suivre l’évolution. Epidémiologie - Le kyste hydatique est une anthropozonose endémique très répandue au Maghreb. Elle est due au développement dans l’organisme de la forme larvaire d’Echinococcus granulosis. - Sa localisation préférentielle est le foie (48%) suivie du poumon (36%) puis du rein (4%). L'atteinte osseuse est rare n'excédant pas 2 % de l'ensemble des localisations hydatiques même dans les régions endémiques, et s’associe à un kyste viscéral dans 12 à 25 % des cas. - Elle atteint surtout l'adulte jeune, plus souvent de sexe masculin. - Elle est primitive, rarement secondaire, se faisant par voie hématogène. - Tous les os peuvent être intéressés, mais plus fréquemment le rachis et le bassin. Répartition des localisations osseuses Rachis 44% Bassin 16% Fémur 15% Tibia 7% Humérus 6% Autres 12% Anatomie pathologique - Le développement d’échinococcus granulosis se fait par bourgeonnement multi vésiculaire, à partir de la vésicule initiale, sans aucun enkystement. Il n’y a donc pas de véritable kyste osseux. La forme de l’os est longtemps conservé. En l’absence de surinfection, il n’y a pas d’ostéocondensation ni de réaction périostée. Le cartilage est longtemps respecté mais ne constitue pas un obstacle infranchissable. L’atteinte articulaire est particulièrement fréquente au niveau de la hanche. L’extension aux os voisins se fait à travers l’articulation ou par voie sousligamentaire, et aux parties molles par franchissement de la corticale. Clinique & Biologie Clinique - L’hydatidose osseuse est caractérisée par une latence clinique. - L’hydatidose rachidienne est révélée par des signes neurologiques traduisant une compression radiculo-médullaire. - L’hydatidose périphérique se manifeste soit par une douleur, une fracture pathologique, une tuméfaction locale ou une surinfection. Biologie - Le diagnostic biologique repose sur l’immunoélectrophorèse des protides qui reste l’examen de choix. Elle sera le plus souvent couplée l’immunofluorescence. à l’hémagglutination ou à Hydatidose rachidienne Généralités Imagerie Radigraphie standard TDM IRM Autres moyens Généralités - L’hydatidose vertébrale est considérée comme une lésion très agressive à cause de l’extension des lésions et la récidive quasi-constante. - C’est la localisation la plus fréquente (44%), en rapport vraisemblablement avec la richesse vasculaire du rachis. Elle associe souvent une atteinte médullaire justifiant le terme d’hydatidose vertébro -médullaire. - L’atteinte est souvent primitive. - Le Kyste hydatique concerne par ordre de fréquence décroissante: le rachis dorsal (80%), lombaire (18), le sacrum et le rachis cervical. - Le corps vertébral est plus souvent atteint que l’arc postérieur. L’atteinte peut intéresser plusieurs vertèbres contiguës. Imagerie L'aspect radiologique commun à toutes les localisations osseuses est : - Une ostéolyse lacunaire en " nid d'abeille " avec une corticale longtemps respectée. - Une collection ossifluente au niveau des parties molles. - L'interligne articulaire et les disques inter-vertébraux sont longtemps respectés. - Absence de limite nette avec l'os normal. - Absence de réaction périostée ou de reconstruction osseuse. A B C A - ostéolyse lacunaire avec hauteur de l’interligne articulaire et des disques intervertébraux respectée. B - ostéolyse lacunaire en " nid d'abeille " C - collection ossifluente au niveau des parties molles multi vésiculaire. (Ces images proviennent de patients différents). Radiographie standard (1) • Examen de 1ére intention • Intérêt: - Préciser la topographie, les rapports et la multiplicité des lésions - Orienter les explorations ultérieures. • Au début: - Image lacunaire est le signe le plus caractéristique. Les lacunes habituellement confluentes sont de taille variable, mal délimitées souvent multiloculaires, séparées par des cloisons de refend réalisant l’aspect en « grappe de raisin ». - Pas de condensation du pourtour. - Respect de la corticale et de la morphologie externe de l’os. - Respect des disques intervertébraux. Radiographie standard (2) • Tardivement: - Extension aux os de voisinage: vertèbre, côte et os iliaque. L’atteinte costo-vertébrale est très évocatrice +++. - Tassement somatique - Atteinte discale - Collections ossifluentes réalisant des opacités para rachidiennes unilatérales arrondies, aux contours calcifiés. parfois Radio standard lombo-sacrée de face et de profil: hydatidose vertébrale avancée, pincement discal L1-L2 et tassement vertébral cuneiforme de L1. noter la condensation osseuse associée. Radiographie standard (3) • Atteinte intrarachidienne: Elle est soupçonnée s’il existe: - Augmentation de la distance inter pédiculaire à un étage donné et élargissement des trous de conjugaison. - Lyse pédiculaire. - « Scalopping » du mur vertébral postérieur objectivé sur le profil: très suggestif. A B Hydatidose vertébrale: C A/ Radio standard lombaire de face: image lacunaire de l’hémicorps de L5 B/ Profil: Scalopping du mur vertébral postérieur de L5 C/ TDM en fenêtre partie molle: noter l’importance de la destruction vertébrale et l’extension intrarachidienne. TDM (1) • Bilan lésionnel complet. • Intérêt: - Localiser le processus expansif. - Orienter le diagnostic. - Reconnaître les complications. - Faciliter l’acte opératoire. TDM (2) • Ostéopathie hydatique: - Images hypodenses centro-osseuses ± délimitées et de forme variable. - Collections ossifluentes para vertébrales et à distance du foyer lésionnel. • Atteinte intrarachidienne: - Refoulement ou écrasement de la moelle par des collections. • En post-opératoire: - Bilan des lésions résiduelles et/ou récidivantes. A B Récidive d’hydatidose sacrée chez un patient de 32 ans: A/ radio standard du bassin de face: image lacunaire constituée de cloisons correspondant à des vésicules hydatiques. B/ TDM en fenêtre osseuse: large ostéolyse des ailerons sacrées et de S. C D Récidive d’hydatidose sacrée chez un patient de 32 ans: C, D/ TDM en fenêtre partie molle –C +C: destruction osseuse et collection multiloculaire endocanalaire et pelvienne ne prenant pas le contraste. IRM (1) • Examen de choix pour l’étude du contenant et du contenu du canal rachidien. • Intérêt : - Etudier les rapports des vésicules hydatiques avec le fourreau dural et le degré de souffrance médullaire. - Préciser le siége exact et l’étendue du kyste. - Analyser l’atteinte des tissus mous - Juger de la viabilité du kyste qui est suggérée par un signal intense en T2, par contre sa mort est suspectée devant une diminution relative de l’intensité du signal. IRM (2) • Aspect : - Les vésicules sont en hypo signal sur les séquences d’écho de spin pondérées en T1 et en hyper signal sur les séquences pondérées en T2. - L’injection intraveineuse de gadolinium ne modifie pas l’aspect du kyste. - Les kystes multi vésiculaires: les cloisons apparaissent de signal intermédiaire en T1 et hypo intenses en T2. - Le kyste remanié: les vésicules filles rompues ne contiennent plus de liquide eau de roche. un rehaussement de signal peut se voir au niveau de la paroi et des cloisons. A B IRM : en T1 (A) et T2 (B) : Lyse de L3-L4-L5 avec masse postérieure sous cutanée en hyposignal T1 et hypersignal T2, polycyclique se continuant en intra-rachidien IRM (3) • Classification de l’hydatidose vertébro-médullaire (proposée par Braithwaite et lees): - Type I: kyste intramédullaire - Type II: kyste intradural et extramédullaire - Type III: kyste intrarachidien et extradural - Type IV: kyste vertébral - Type V: kyste para vertébral. IRM coupes sagittales T2: Hydatidose lombo-sacrée chez un patient 20 ans: Multiples vésicules somatiques lombo-sacrées niveau des parties molles . , extra durales et au Hydatidose lombo-sacrée chez un adolescent de 15ans: IRM lombo-sacrée en coupes axiales T2: vésicules disséminées somatiques, iliaques et intrarachidiennes. A B Hydatidose vertébrale compliquée de faux anévrysme aortique chez un patient de 48 ans: A- Radio standard de face: opacité para vertébrale en fuseau . B- Radio standard de profil: opacité se projetant sur le corps vertébral corticale somatique antérieure. . Lyse C D Hydatidose vertébrale compliquée de faux anévrysame aoretique chez un patient de 48 ans: C, D- TDM rachidienne: lyse vertébral , opacification du faux anévrysme aortique , collection péri vasculaire et péri vertébrale . C D E F G H Hydatidose vertébrale compliquée de faux anévrysme aortique chez un patient de 48 ans: E- IRM médullaire coupes axiales T2: collection multiloculaire hyper intense pré vertébrale et rétro aortique . F- Coupes sagittales T2: présence du faux anévrysme aortique pré vertébrale en asignal G,H- ARM avec reconstruction: communication du sac anévrysmal avec l’aorte . Autres moyens d’imagerie ► Myélographie: - Supplantée par l’IRM - Comporte le risque de dissémination de la maladie par la ponction d’une vésicule épi ou sous durale. - Arrêt concave ou polycyclique ► Echographie: - Peut aider au diagnostic quand les conditions anatomiques le permettent. - Montre les collections liquidiennes. - Recherche les autres localisations viscérales. Saccaradiculographie : Arrêt cupiliforme en regard de L4 avec image lacunaire en regard de L5 en rapport avec des vésicules filles. Hydatidose sacrée: Echographie montrant une formation liquidienne cloisonnée pelvienne. Hydatidose périphérique Iliaque Os longs Costale Hydatidose iliaque - Ailes iliaques +++ - Vaste plage d’ostéolyse uni ou multiloculaire à limites nettes ou floues - L’articulation coxofémorale est souvent envahie. - L’atteinte des articulations sacro-iliaques et des branches ischio ou ilio-pubiennes est moins fréquente. - Echographie: abcès ossifluent Hydatidose de l’aile iliaque gauche Image lacunaire est constituée de cloisons correspondant à des vésicules hydatiques. Envahissement du cotyle et discrète réaction osseuse périostée. Hydatidose des os longs - Elle touche par ordre de fréquence décroissant: le fémur, l’humérus, le tibia, le radius. - Les lésions siégent au début au niveau métaphyso-épiphysaire puis s’étendent vers la diaphyse. - Habituellement: multiples lacunes groupées en un seul foyer. La corticale est amincie et présente un aspect festonné à sa face endostéale. - La forme de l’os est longtemps conservée. - Pas de réaction périostée sauf en cas de surinfection. - La forme mono lacunaire est rare. Hydatidose fémorale: Radio du genou : Ostéolyse mal limitée de l’extrémité supérieure du fémur avec fracture pathologique B A C Hydatidose du genou: A/ Radio du genou : Ostéolyse mal limitée de l’extrémité inférieure du fémur avec fracture pathologique B, C/ TDM : Ostéolyse de l’extrémité inférieure du fémur avec des vésicules intra-corticales, envahissement intra-medullaire et des parties molles. A B Hydatidose humérale chez un patient de 50 ans: A/ Ostéolyse avec fracture pathologique de l’extrémité supérieure de l’humérus. B/ TDM: ostéolyse agressive avec envahissement des parties molles dont la densité est liquidienne multivésiculaire. Hydatidose humérale: Ostéolyse multi géodique intéressant l’os huméral avec fracture pathologique. Hydatidose costale - Atteinte costale primitive - Ostéolyse avec souffrance de la corticale - Arc postérieur +++ - Echographie: collection para osseuse liquidienne multi vésiculaire ou faiblement échogéne. A B Hydatidose costale: A/ RX de thorax de face : Opacités pariétales gauche avec ostéolyse de la 4ème côte B/ TDM : ostéolyse multicloisonnée de l’arc moyen de la 4ème côte avec hypodensités liquidiennes Diagnostic différentiel & Complication Diagnostic différentiel - Se posent avec: * Les tumeurs osseuses * Les ostéites tuberculeuses Complications - L’hydatidose osseuse peut se compliquer de: * Fractures pathologiques * Surinfections * Fistulisation - Les fractures sont tardives et particulièrement fréquentes sur les os longs. Elles sont peu douloureuse, se réparent mal et récidivent souvent. - La surinfection est rare tant que le parasite se limite à l’os. Elle se traduit par une ostéocondensation péri lésionnelle et une réaction périostée. - Les fistulisations sont encore plus rares. Traitement - Actuellement, le traitement ne peut être que chirurgical. Il est souvent difficile, parfois mutilant et ne met pas à l’abri des récidives. Son indication et ses résultas dépendent de l’étendue des lésions, de leur localisation et de la présence ou non de complications. - Le traitement médical n’a pas encore fait ses preuves. Il est destiné aux formes inopérables ou de mauvais pronostic, mais aussi comme thérapeutique adjuvante de la chirurgie. - Les récidives sont très fréquentes. Dans les localisations rachidiennes 30 à 40% des cas de récidive et 3 à 14% de mortalité. Conclusion - Le diagnostic positif du kyste hydatique osseux est suggéré par une ostéolyse lacunaire en " nid d'abeille " associée à des collections arrondies multi-vésiculaires. - Bilan lésionnel précis pré-thérapeutique repose sur: * TDM +++ * IRM +++ (surtout si syndrome rachidien) - L’hydatidose osseuse peut prêter confusion avec la pathologie tumorale. - Le pronostic de cette localisation reste péjoratif, surtout lorsqu’il s’agit d’une atteinte rachidienne ou pelvienne qui sont les plus fréquentes. - En ce qui concerne le traitement, l’hydatidose osseuse rejoint une lésion à malignité localisée. - Prévention +++ Références 1- Abdelmoula Cheikhrouhou L, Amira C, Chaabouni L et coll. L’hydatidose vertébrale : apport de l’imagerie médicale et actualités thérapeutiques. A propos d’un cas. Bull. Soc. Path. Exot, 2005, 98,114-117. 2- Amrani M, Zouaidia F, Belabbas MA, Labrousse F, Catanzano G, Elhachimi A. Hydatidose : à propos de quelques localisations inhabituelles. Med. 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