Sidérose superficielle du système nerveux central – Superficial

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MISE AU POINT
Sidérose superficielle
du système nerveux central
Superficial siderosis of the central nervous system
P.A. Baillot*, X. Ducrocq*, H. Vespignani*, A.L. Derelle**
L
a sidérose superficielle du système nerveux
central (SSSNC), ou hémosidérose marginale, est
due à l’accumulation d’hémosidérine à la surface
du SNC. Elle est attribuée à des saignements sousarachnoïdiens répétés. Si le diagnostic peut parfois
être évoqué sur un tableau clinique associant surdité,
ataxie et syndrome pyramidal, il repose essentiellement sur l’imagerie en résonance magnétique.
Il s’agit d’une affection rare, dont les possibilités
thérapeutiques restent décevantes.
Nous n’aborderons pas dans cette mise au point les
sidéroses focales qui soulèvent d’autres considérations cliniques et étiologiques.
Signes cliniques
* Service de neurologie, hôpital
Central, CHU de Nancy.
** Service de neuroradiologie, hôpital Central, CHU de Nancy.
Il est classique de décrire une triade comportant
une surdité de perception, un syndrome cérébelleux et une atteinte pyramidale. Néanmoins, la
triade au complet n’est présente que chez 39 %
des patients (1).
La surdité de perception est un critère cardinal de la
maladie. Elle est le plus souvent bilatérale, même si
l’atteinte peut être unilatérale au début, ou asymétrique. L’évolution naturelle se fait vers la surdité
complète. Ce sont les fréquences aiguës qui sont
les plus affectées.
L’atteinte cérébelleuse est aussi fréquente que l’atteinte auditive. Comme l’atteinte affecte surtout le
vermis, il s’agit d’un syndrome cérébelleux statique
prédominant.
Le syndrome pyramidal est en rapport avec les
dépôts d’hémosidérine le long du tronc cérébral,
ainsi qu’au niveau de la moelle épinière, et concerne
53 % des malades (1).
Ces deux derniers syndromes sont responsables de
troubles de la marche et conditionnent le pronostic
202 | La Lettre du Neurologue • Vol. XIV - nos 6-7 - juin-juillet 2010 péjoratif de la maladie, avec un risque de perte
d’auto­nomie et d’état grabataire.
Des troubles vésicaux (dysurie essentiellement)
sont également rapportés dans environ un quart
des cas (2), par atteinte de la moelle et des portions
proximales des racines de la queue de cheval (3).
Les troubles cognitifs ne sont pas rares mais affectent une proportion différente de patients suivant
les séries (1 patient sur 4 dans la série décrite par
l’équipe de J.M. Fearnley en 1995 [2], 1 patient
sur 6 dans la série de l’équipe de N. Kumar publiée
en 2006 [4]) et les mécanismes à l’origine sont
multiples.
Les céphalées affecteraient 14 % des patients (1).
Leur origine et les mécanismes physiopathologiques
sont variés. Il s’agit le plus souvent de céphalées
mises sur le compte d’hémorragies méningées, mais
certaines peuvent également ressembler dans leur
présentation à des céphalées migraineuses. D’autres
sont chroniques et peuvent, soit être en rapport
avec l’étiologie de la sidérose (tumeur cérébrale,
malformation artério-veineuse, etc.), soit compliquer l’évolution de la maladie via une hydrocéphalie
occasionnant des céphalées d’hypertension intracrânienne.
Des lombalgies sont également signalées, ainsi que
des sciatalgies dans environ 10 % des cas (2). Elles
seraient mises sur le compte du dépôt préférentiel
d’hémosidérine sur les racines de la queue de cheval.
Concernant les paires crâniennes, la VIIIe est la plus
vulnérable en raison de son long trajet. Les autres,
sans être épargnées, sont néanmoins plus rarement
atteintes.
Il a également été suggéré que l’hémosidérose marginale puisse s’accompagner de parkinsonisme (5).
O.C. Cockerel et P. Rudge rapportaient en 1996 le
cas d’un patient atteint de sidérose qui présentait
une dystonie à type de “crampe de l’écrivain” (6).
Points forts
»» La sidérose du système nerveux central est attribuable à des saignements méningés répétés, à l’origine de
dépôts d’hémosidérine ayant des localisations préférentielles. La triade clinique évocatrice du diagnostic associe
surdité de perception, ataxie cérébelleuse et/ou proprioceptive et syndrome pyramidal.
»» Les formes idiopathiques représentent environ 35 % des cas. Les étiologies sont dominées par les pathologies
durales, les tumeurs bénignes du système nerveux central et les malformations vasculaires.
»» Concernant les examens complémentaires, c’est l’imagerie par résonnance magnétique qu’il faut privilégier
et, en particulier, les séquences en T2* qui révèlent des hyposignaux.
»» La chirurgie vise à éradiquer la source du saignement et doit être l’option thérapeutique à privilégier. Les
traitements médicamenteux (chélateurs du fer et corticoïdes principalement) sont d’efficacité très inconstante.
Des crises d’épilepsie sont signalées, mais elles sont
rares.
Les mécanismes qui en sont à l’origine sont probablement multiples : les séquelles corticales sus-tentorielles induites par les dépôts d’hémosidérine, les
hémorragies méningées qui sous-tendent la physiopathologie de la maladie ou encore via une ischémie
focale induite par un vasospasme (7).
Étiologies
Elles sont rapportées dans la figure 1 à partir des
données extraites de l’article de M. Levy et al.
en 2007 (1). Il convient de noter que, dans plus d’un
tiers des cas, il n’est pas retrouvé de cause. Nous
désignons sous le cadre nosologique de pathologies
durales les cavités ectopiques remplies de liquide
céphalo-rachidien (LCR) compliquant, par exemple,
un traumatisme dorsal, ou des lésions de la duremère après une intervention neurochirurgicale.
40
Fréquence (%)
30
Examens complémentaires
Mots-clés
Hémorragies
méningées
Surdité
Ataxie
Syndrome pyramidal
Highlights
L’imagerie
N. Kumar de la Mayo Clinic à Rochester a bien décrit
les contributions des différentes techniques d’imagerie dans deux articles récents (8, 9).
L’IRM encéphalique et médullaire permet de poser
le diagnostic avec une excellente sensibilité.
Les dépôts d’hémosidérine apparaissent sous la
forme d’hyposignaux sur les séquences T2 en écho
de gradient, qui sont les séquences de choix pour
porter le diagnostic.
On remarque aussi un hyposignal, mais moins
contrasté sur les séquences T2 pondérées en spinécho.
Ces anomalies siègent préférentiellement au niveau
du tronc cérébral, du cervelet, en particulier dans la
portion haute du vermis et la partie antérieure des
hémisphères, de la lame quadrigéminale, le long des
portions initiales de la VIIIe paire crânienne, mais
aussi autour de la moelle épinière, sans épargner
les structures sus-tentorielles, qui sont toutefois
moins fréquemment concernées, comme le fond
des vallées sylviennes, de l’insula et des faces inféromédiales des lobes temporaux, frontaux et occipitaux
(figures 2 à 4).
Les dépôts en rapport avec une hémorragie sousarachnoïdienne récente, constitués de méthémoglobine, peuvent apparaître sous la forme d’un
hypersignal sur les séquences pondérées en T1.
» The superficial siderosis of
the central nervous system is
due to repeated meningeal
bleedings, with hemosiderin
deposits which have preferential locations. The clinical triad
consist of sensorineural hearing
loss, cerebellar and/or propriceptive ataxia and pyramidal
syndrome.
» Idiopathic forms represent
approximately 35% of the
cases. The main etiologies
are dural pathologies, benign
tumors and vascular malformations.
» Magnetic resonance imaging
is the additional examination to
be privileged. T2* sequences
show hyposignals.
» The surgery is the most effective treatment. The purpose is
to delete the bleeding’s source.
Iron chelating agents and corticoid are of very fickle efficiency.
Keywords
Meningeal bleeding
Deafness
Ataxia
Pyramidal syndrom
20
10
0
Formes Pathologies Tumeurs Malformations Autres
idiopathiques durales
vasculaires
Étiologies
Figure 1. Répartition des étiologies de la sidérose
du système nerveux central.
Figure 2. Séquence IRM en pondération
T2* : hyposignal surlignant la région
ponto-mésencéphalique et les régions
paravermiennes supérieures.
La Lettre du Neurologue • Vol. XIV - nos 6-7 - juin-juillet 2010 | 203
MISE AU POINT
Sidérose superficielle du système nerveux central
portions antérieures des hémisphères ­cérébelleux.
L’artériographie cérébrale et mé dullaire est peu
efficace quant à la mise en évidence de la source du
saignement. En effet, ce dernier est souvent minime,
intermittent et lent. Ainsi, la réalisation d’une IRM
cérébrale et médullaire paraît indispensable dans le
cadre de la démarche diagnostique, mais l’exploration angiographique est très ­discutable.
Figure 3. Coupe
sagittale en
pondération T1 :
hypersignal qui
circonscrit le
tronc cérébral
et la moelle
cervicale.
Étude du liquide céphalorachidien
Figure 4. Coupe
sagittale en
pondération T2 :
hyposignal surlignant le tronc
cérébral et la
moelle épinière.
Extravasation chronique ou intermittente de sang dans les espaces sous-arachnoïdiens
et dissémination dans le LCR
La ponction lombaire constitue le deuxième examen
à privilégier après l’imagerie par résonance magnétique. Le LCR est pathologique chez 75 % des
patients (2). Un LCR dépourvu d’anomalie ne doit
donc pas remettre en cause le diagnostic. Les hémorragies sous-arachnoïdiennes répétées peuvent être à
l’origine d’une hyperprotéinorachie en rapport avec
une arachnoïdite. Le LCR est typiquement hémorragique et/ou xanthochromique, et il peut contenir
des érythrophages ou des sidérophages.
Un taux élevé de fer et/ou de ferritine peut être noté,
sans être spécifique de la maladie. En effet, Y. River
et al. rappelaient déjà en 1994 que des taux élevés
peuvent également être en rapport avec des pathologies malignes ou inflammatoires du SNC (10).
Ces anomalies ne sont pas permanentes, et il est
licite de renouveler le prélèvement.
On peut également retrouver de façon occasionnelle
un profil mono- ou oligoclonal, dont on ne sait pas
expliquer la physiopathologie.
Hémolyse
Physiopathologie
Entrée de l’hème dans le tissu exposé
Conversion hème
Fer libre
Ferritine
Hémosidérine
Hème-oxygénase-1
Lésion du tissu nerveux
Gliose, mort neuronale
L. Iwanowski et J. Olszewski ont montré en 1960 que
l’on pouvait reproduire une sidérose superficielle en
injectant du sang de façon répétée dans l’espace
sous-arachnoïdien chez des chiens (11).
L’équipe de A.H. Koeppen en 2008 notaient que
5 étapes sont nécessaires pour aboutir à une sidérose du SNC (figure 5) [12].
Figure 5. Les différentes étapes de la physiopathologie de la maladie.
L’atrophie du tronc cérébral, du cervelet et de la
moelle est un signe associé fréquent.
Les hypersignaux du parenchyme adjacent peuvent
traduire une réaction gliale qui intervient dans la
physiopathologie de la maladie.
La tomodensitométrie a une faible sensibilité dans
le diagnostic positif. Elle peut révéler une atrophie
aspécifique, en particulier du vermis supérieur et des
204 | La Lettre du Neurologue • Vol. XIV - nos 6-7 - juin-juillet 2010 Pourquoi certaines régions du névraxe
sont-elles plus affectées ?
Plusieurs arguments peuvent être avancés.
➤➤ Les variations de flux du LCR ne sont pas identiques en tout point du névraxe. Ainsi, des études
ont montré que les convexités du tronc cérébral et
du cervelet étaient le siège d’un contact continuellement renouvelé du LCR (12).
MISE AU POINT
➤➤ Des raisons histologiques et histochimiques sont
à évoquer : la glie de Bergmann du cervelet aurait une
grande capacité de synthèse de l’hème-oxygénase-1
ou une susceptibilité excessive à la transcription du
gène de l’hème-oxygénase-1.
➤➤ L’action de la pesanteur : ce sont les régions
déclives qui sont le plus souvent touchées.
La transformation du fer en ferritine a initialement
un rôle protecteur. En effet, le fer libre peut engendrer une peroxydation lipidique à l’origine d’une
dysfonction membranaire et d’une mort cellulaire.
En temps normal, la ferritine est synthétisée sous
la forme d’unités lourdes.
Mais, en cas d’exposition persistante au fer libre,
des sous-unités légères sont préférentiellement
produites. Or, elles sont les premiers constituants
des dépôts d’hémosidérine.
Concernant les sidéroses qui se sont développées à
partir de défects duraux, la source du saignement
pourrait être double d’après N. Kumar et al. (13).
Tout d’abord, les cavités ectopiques du LCR sont
constituées de vaisseaux friables, qui sont potentiellement à l’origine de saignements répétés. D’autre
part, en générant une hypotension du LCR, ces
cavités pourraient entraîner un engorgement des
veines intradurales et épidurales, et provoquer ainsi
une extravasation d’hématies.
Traitements
Les traitements médicamenteux
Aucun de ces traitements, objets uniquement
d’utilisations ponctuelles, n’a fait la preuve de son
efficacité.
◆◆ Les chélateurs du fer
La déféroxamine et la triéthylène tétramine sont
d’efficacité inconstante.
◆◆ Les corticoïdes
La littérature ne rapporte que 2 cas d’amélioration
liée à la prise de corticoïdes (14, 15). Tout d’abord,
un patient chez lequel il a été mis en évidence des
anticorps anti-Ri fortements positifs, dont les symptômes seraient peut-être au moins en partie liés à un
syndrome paranéoplasique possiblement amélioré
par la corticothérapie. Il était noté plusieurs atypies
cliniques chez l’autre patiente, et l’on peut s’interroger sur l’existence d’une pathologie associée à la
sidérose superficielle qui aurait pu également être
améliorée par les corticoïdes.
◆◆ Les anti-oxydants
La destruction des couches superficielles du cortex
pourrait être en rapport avec la production de radicaux libres. Des anti-oxydants tels que la vitamine C,
la vitamine E, la sélégiline et des IMAO-B ont donc
été employés. Mais il n’y a pas assez de cas rapportés
pour juger de leur efficacité.
◆◆ Les inhibiteurs de l’hème-oxygénase-1
Il s’agit de certaines protoporphyrines. La principale
difficulté tient au fait qu’elles ne sont pas capables
de traverser la barrière hémato-encéphalique. Elles
ne sont donc pas employées en pratique courante.
Chirurgie
Traiter la source du saignement est probablement
l’approche la plus efficace. Pour J.M. Fearnley et al.,
elle ne permet pas d’amélioration, mais elle vise à
empêcher l’aggravation de la maladie (2).
Certaines séries, avec un nombre restreint de
patients et un recul de quelques mois, signalent
une amélioration clinique après chirurgie (16).
M.O. McCarron et V.H. Patterson ont émis l’hypothèse,
en 2004, qu’en réalisant un shunt du LCR, on pouvait
en diminuer la concentration de sang en le “diluant”,
et ainsi ralentir la progression de la maladie (17). ■
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