Mobile Bay - confederate historical association of belgium

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CONFEDERATE HISTORICAL ASSOCIATION OF BELGIUM
MOBILE ET LA BAIE DE MOBILE
Mobile est situé à l’extrême sud de l’Etat de l’Alabama, en lisière de la baie qui porte
son nom. C’est un port naturel sur le golfe du Mexique. La baie de Mobile mesure 53
kilomètres de profondeur sur 37 kilomètres de largeur. Elle se prolonge vers l’est par la
baie de Bon Secours. Elle est fermée par l’île Dauphin à l’Ouest et une autre bande de
terre, le Mobile Point à l’est. Entre ces deux sites, une passe de trois miles (5 km)
permet l’entrée dans la baie. La ville portuaire de Mobile est barrée par une ligne de
hauts-fonds, la Dog River Bar, qui empêche les navires à fort tirant d’eau de s’en
approcher à portée de canon.
Mobile avait été fondée par les Français en 1702 pour devenir la capitale de la
Louisiane jusqu’en 1720. En 1763, aux termes du traité de Paris, la partie de la
Louisiane à l’est du Mississipi fut cédée par la France à l’Angleterre, dont Mobile. En
1780, les Espagnols, alliés des Continentaux américains et des Français, s’emparèrent
de la ville. Ils assuraient ainsi la jonction entre la Louisiane à l’ouest du Mississippi, exfrançaise devenue espagnole en 1762, et leur colonie de Floride1.
En 1813, le général américain Wilkinson enleva sans grande difficulté la place aux
Espagnols, devenus alliés - quoique fort passifs - des Anglais durant la guerre de 1812.
A cette époque, Mobile était un village de 300 habitants ! En 1819, l’Alabama devint le
1
La Floride, initialement possession espagnole, avait été cédée à l’Angleterre aux termes du traité de Paris de
1763, pour être rétrocédée à l’Espagne aux termes du traité de Paris (!!) de 1783. Elle deviendra définitivement
américaine en 1819, pour obtenir le statut de 27e Etat de l’Union en 1845.
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22e Etat de l’Union. Mobile ne comptait encore que 809 habitants. La ville de Mobile
devint plus tard très prospère grâce au commerce du coton, des esclaves et des activités
portuaires diverses. En ville et sur les bateaux confortables sillonnant la rivière Mobile,
l’argent circulait en masse et le whisky, les vins fins et la bière coulaient à flot. Aux
tables de poker, il arrivait que certaines plantations changeassent de mains ! Au
recensement de 1860, la ville était peuplée de 29.258 habitants, dont 69 % de blancs,
3 % de noirs affranchis et 28 % esclaves. Elle se classait 27e ville la plus peuplée des
Etats-Unis, ce qui, à l’échelon sudiste, était considérable. En effet, la capitale
confédérée Richmond, Virginie, en comptait alors moins de 40.000. Au recensement de
2.000, la population de Mobile s’élevait à 198.000 habitants.
L’Alabama fit sécession le 11 janvier 1861 et fut le quatrième Etat du Deep South à
rejoindre la Confédération2. Le drapeau confédéré flottait dès lors sur Mobile. Comme
partout, la population masculine s’engagea en masse dans les armées confédérées. Les
milices d’avant guerre furent réactivées, telles que les Creole Guards, Southern Guards,
Mobile Cadets et autres Pelham Cadets. Mobile occupait également une place
déterminante dans le système ferroviaire du sud de la Confédération. En effet, de la cité
portuaire filaient vers le Nord-Ouest la ligne Mobile & Ohio, vers le Nord-Est, la ligne
Mobile & Grand Northern et, vers l’Est, pour faire jonction avec la ligne Alabama &
Florida, la ligne Mobile & Pensacola.
A Mobile, on construisait également des navires en tout genre pour la marine
confédérée, dont le fameux sous-marin CSS3 Hunley. En juillet 1863, sous les yeux de
l’amiral Buchanan en personne, le submersible simula avec succès une attaque contre
une barge chargée de charbon. Ce qui augurait des meilleurs auspices pour le combat
contre les navires en bois de la flotte de l’Union4. Les canonnières cuirassées CSS
Gaines et Morgan sortirent également des chantiers navals locaux. Mobile ne subit
aucune attaque durant les trois premières années de la guerre. La cité constituait un rare
havre de tranquillité et de relative prospérité dans une Confédération sudiste partout en
ébullition et en détresse. Des milliers de civils et de militaires blessés ou malades seront
soignés confortablement à Mobile dans les Civil et Marine Hospitals qui existent
toujours aujourd’hui. Cependant, en 1862 et 1863, à toutes fins utiles, trois lignes de
retranchements furent établies côté terre. De plus, l’obsolète fort espagnol de 17805,
ancien comptoir français de 1712, était réhabilité à l’est tandis que le nouveau Fort
Blakely était édifié au nord-est de la place.
Entre-temps, le blocus nordiste finit par toucher les couches défavorisées de la
population. En avril et septembre 1863, le manque chronique de produits de base
provoqua des émeutes, comme à Richmond, Virginie, à la même époque. A partir de
1862, la défense navale de Mobile était assurée par le seul CSS Baltic, remorqueur
fluvial à aubes construit à Philadelphie en 1860 et reconverti en cuirassé avec les
moyens du bord. Il ressemblait plus à un monstre marin sorti d’un autre âge qu’à un
navire de guerre ! En 1863, il fut déclaré hors service. L’année suivante, il fut démantelé
2
Après la Caroline du Sud, le 20 décembre 1860, le Floride, le 9 janvier 1861 et le Mississippi le lendemain 10
janvier.
3
CSS pour "Confederate States Ship", en français : "navire des Etats confédérés", désignant officiellement les
bâtiments de la marine sudiste.
4
Le CSS Hunley sera transféré ultérieurement à Charleston, Caroline du Sud. Il y trouvera son tragique destin
aux termes de son unique engagement, le 17 février 1864, après avoir coulé le sloop USS Housatonic.
5
Le bien nommé "Spanish Fort".
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et son blindage servit à cuirasser le CSS Nashville. Le 10 mai 1865, la carcasse du
Baltic fut finalement récupérée sur la rivière Tombigbee en Alabama.
Le 19 avril 1861, le président Lincoln décréta le blocus des côtes rebelles. Il ne sera
levé que le 23 juin 18656. Le 29 octobre 1861, fut créé le Gulf Blockade Squadron7. Le
20 février 1862, le dédoublement de l’escadre donna naissance à un nouveau West Gulf
Blockade Squadron8. Sa mission consistait à surveiller et bloquer la côte de Pensacola
en Floride jusqu’au Rio Grande au Texas. Mobile était inclus dans son secteur. La
nouvelle escadre était commandée par David Farragut.
Le gouvernement de Richmond décida judicieusement de ne pas défendre la totalité
de ses milliers de kilomètres de côtes. Ce qui était de toute manière matériellement
impossible et en tout cas une pure folie. Il concentra ses efforts sur la défense de ses
principaux ports de mer. Malgré ces logiques dispositions, le 25 avril 1862, l’importante
place portuaire de New Orleans en Louisiane tomba aux mains du flag-officer9 David
Farragut. Mobile devint alors le port confédéré le plus important sur le golfe du
Mexique10. La majeure partie du trafic entre la Confédération et Cuba et les Caraïbes
passait par Mobile. Des dizaines de navires forçant de blocus y débarquaient quantité de
marchandises civiles ou militaires bien nécessaires à l’effort de guerre. Sans oublier les
produits de luxe : parfums et cognacs français et autres cigares cubains, tout aussi
nécessaires au moral des états-majors et surtout, nettement plus rentables que les
uniformes et les fusils Enfield importés d’Angleterre pour le soldat de base ! Pour la
durée de la guerre, on recensa 2.500 entrées réussies par les forceurs de blocus11 dans
les ports du golfe du Mexique contre seulement 500 échecs.
Le 4 septembre 1862, le croiseur CSS Florida12, fortement endommagé par les tirs de
la marine de l’Union, parvint de justesse à entrer dans la baie de Mobile. Réparé, il
reprit la mer dès le 16 janvier 1863 et accrocha à son tableau de chasse 38 bateaux
ennemis capturés ou détruits ! Dès la chute de New Orleans, Farragut considéra avec
clairvoyance que Mobile devait être l’objectif suivant. Les autorités fédérales à
Washington en décidèrent autrement et expédièrent leur marin de choc le long du fleuve
Mississippi pour aller harceler Vicksburg. L’union devra immanquablement s’intéresser
un jour à Mobile et la place devra obligatoirement être défendue.
Entre le 18 mai et le 26 juillet 1862, le déjà célèbre David Farragut s’offrit en effet le
luxe de bombarder Vicksburg, aussi baptisé le « Gibraltar confédéré »13 du Mississippi
6
Ce même 23 juin 1865, dans le Territoire Indien (Oklahoma), l’Indien Cherokee Stand Watie fut le tout dernier
général confédéré à déposer les armes.
7
L’escadre de blocus du Golfe … du Mexique, bien entendu !
8
L’escadre de blocus de la partie occidentale du même golfe.
9
Grade utilisé aux Etats-Unis entre 1857 et 1862, époque de l’apparition du grade d’amiral dans la marine de
l’Union (nordiste). Sans correspondance dans les marines européennes, il était attribué au capitaine le plus ancien
commandant une escadre en plus de son propre bâtiment, sur lequel un pavillon spécifique (flag) flottait afin que tout
un chacun puisse le reconnaître comme tel.
10
Galveston, Texas, de moindre importance, rendit également de bons services.
11
En Anglais : blockade runners.
12
Le CSS Florida fut commandé par le capitaine John Mafitt, surnommé le "Prince des Corsaires", du 17 août
1862 jusqu’au 12 février 1864. Le 7 octobre 1864, le navire fut capturé illégalement dans le port brésilien de Bahia
par l’USS Wachusett.
13
La comparaison entre Vicksburg et le vrai Gibraltar, enclave britannique située à l’extrême sud de l’Espagne,
est largement exagérée ! Les Anglais avaient pris la place aux Espagnols en 1704. Ces derniers ont vainement tenté
de récupérer militairement la position en 1727 et 1779. Pendant, la seconde guerre mondiale, une opération hispanoallemande fut envisagée pour s’emparer de la place et resta sans suite. A l’heure actuelle Gibraltar est toujours une
importante base navale britannique particulièrement fortifiée et où les petits singes règnent en maîtres ! L’Espagne
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encore faiblement défendu. Le 4 juillet 1863, Vicksburg capitula finalement dans les
mains du général Grant14. Le 9 juillet, ce fut le tour de Port Hudson, dernière place
confédérée sur le fleuve Mississippi, entre Vicksburg, Etat du même nom, et New
Orleans, Louisiane. L’Union contrôlait désormais sans partage le « Grand Fleuve » et la
Confédération était définitivement coupée en deux. A partir de ce moment, David
Farragut allait à nouveau porter son attention sur Mobile. Il savait, en plus du reste, que
les Confédérés construisaient, dans ce port et en amont de celui-ci, leurs redoutables
cuirassés à éperon15 contre lesquels les navires en bois classiques n’avaient
théoriquement que peu de chance d’en sortir indemne. Il fallait donc en finir au plus vite
avec ce très gênant port sudiste. Mais Farragut allait devoir faire preuve de patience.
En août 1863, il rentra chez lui à New York où il resta six mois pour profiter d’une
permission bien méritée. En janvier 1864, de retour dans le Golfe, il effectua une
reconnaissance en règle et étudia en détail les forts gardant la passe. Il estimait que
5.000 fantassins devraient suffire à neutraliser l’obstacle terrestre. Il prépara alors
soigneusement son opération. Farragut partait du principe que, pour bloquer
définitivement un port ennemi, il faut l’occuper. Pour cela, des troupes d’infanterie sont
nécessaires. Cependant, au printemps 1864, l’Union amorçait ses grandes offensives
terrestres finales en Louisiane, en Géorgie et en Virginie. Le généralissime Grant
ratissait large. Les effectifs disponibles de l’Union en Louisiane pour un coup de force
sur Mobile s’effritèrent d’autant et l’armée n’était apparemment plus en mesure de
fournir l’infanterie nécessaire.
En mai 1864, le général William Sherman entamait sa campagne contre Atlanta. Il
avait imaginé de s’emparer de Mobile pour lui servir de base arrière. Ce projet n’aura
pas de suite. Le 20 mai 1864, le cuirassé CSS Tennessee fit son apparition dans la baie.
Farragut craignit quelque peu pour sa flotte en bois et la levée du blocus de Mobile. En
juin 1864, le général Edward Canby16 élabora un plan pour débarquer sur l’île Dauphin
et s’emparer de Fort Gaines. Mais le projet ne dépassa pas le stade de l’esquisse.
Finalement, la période s’étalant de janvier à août 1864 sera nécessaire pour rassembler
des moyens et mettre au point une opération offensive de grand style.
MOBILE ET SA BAIE DANS LA TOURMENTE
Pour assurer une défense quelque peu cohérente de Mobile, les Confédérés
disposaient malgré tout de quelques éléments. Mobile était situé dans le district du
Golfe, composante du département confédéré de l’Alabama, Mississippi et Louisiane
orientale placé sous la responsabilité du très efficace général Richard « Dick » Taylor17.
Le district du Golfe était commandé depuis le 27 avril 1863 par le major général
tente de longue date d’obtenir la rétrocession de son ancien territoire par la voie diplomatique, mais sans succès à ce
jour !
14
Le même jour, Robert Lee abandonnait le site de Gettysburg. Triste "Independance Day" (fête nationale en
Amérique du Nord) 1863 chez les Confédérés !
15
En Anglais : ram ironclads.
16
Edward R. Canby (1817-1873), promu de l’Académie de West Point de 1839 (30/31). Au printemps 1862, il
mit à mal la force d’invasion texane confédérée du Nouveau-Mexique commandée par son beau-frère Henry Sibley.
17
Richard Taylor (1826-1879) avait de qui tenir : il était le fils du général Zachary Taylor, grand vainqueur des
Mexicains durant la guerre de 1846-1848. Etrangement, il ne fréquenta pas l’académie militaire de West Point, mais
étudia à Edinburgh, Ecosse, en France et à Harvard et Yale. En 1862, il avait commandé avec brio des troupes
louisianaises dans la Vallée virginienne de la Shenandoah sous les ordres de Stonewall Jackson. En 1863 et 1864, il
se distingua le long de la Red River, Louisiane, battant l’ennemi à Mansfield, le 8 avril 1864.
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Dabney Maury. Maury était un militaire professionnel expérimenté18. Il était
malheureusement doté de peu de moyens.
La baie de Mobile était défendue par trois forts. A l’est, on trouvait le petit fort
Powell, armé de 18 canons avec une garnison de 140 hommes. Il avait déjà été
copieusement bombardé par les canonnières de Farragut en février 1864. Sur l’île
Dauphin était établi le Fort Gaines, armé de 26 canons et occupé par 600 hommes. Il
était trop éloigné pour fermer complètement la passe ou de croiser ses tirs avec ceux du
fort Morgan. Sur Mobile Point, de l’autre côté de la passe, était érigé le plus important
ouvrage : le fort Morgan, tenu par 600 hommes. En 1813, dans le cadre de la guerre de
1812, une redoute en terre et bois avait été construite à cet endroit par les Américains.
En 1834, l’armée construisit un fort plus conséquent en briques, bastionné « à la
Vauban ». En 1861, les Confédérés reprirent évidemment la position à leur compte. En
1864, l’ouvrage était armé de 46 canons calibres 32 livres, soit 15 kg (poids du
projectile), 10 pouces (254 mm) du type Columbiad19, 7 et 8 pouces du type Brooke20,
(respectivement 178 et 203 mm). Bizarrement, seules les sept pièces de la nouvelle
Water Battery (batterie installée au bord de l’eau) étaient dirigées directement vers la
passe !
Le 1er régiment d’infanterie du Tennessee, le 21e régiment d’infanterie de l’Alabama,
les Pelham Cadets, des marines et des réservistes, composaient l’infanterie des
garnisons. Les pièces étaient servies par les hommes du 1er bataillon d’artillerie de
l’Alabama. Le moral des défenseurs était au plus bas car chaque homme sentait la
défaite finale du Sud approcher irrémédiablement. Il ne fallait donc pas s’attendre à des
miracles d’héroïsme. La défense des forts était confiée au général de brigade Richard
Lucian Page21. Confiné jusqu’alors dans des charges administratives, on ne l’avait
jamais vu sur un champ de bataille. Il installa son quartier général au fort Morgan.
La marine n’était pas restée inactive. Dans un premier temps, elle avait posé de
nombreuses obstructions et le CSS Baltic avait mouillé 180 mines sur trois lignes à l’est
de la passe. Un étroit passage de 200 m à l’est avait été laissé libre pour les forceurs de
blocus et autres navires confédérés. La fin du champ de mines était clairement signalé
par une bouée rouge. Le nordiste Farragut était lui aussi tout autant renseigné sur le
dispositif ennemi. L’idée était d’attirer l’assaillant sous le feu des canons du fort
Morgan. Si l’ennemi allait s’empêtrer malgré tout dans le champ de mines, c’était tant
mieux !
Pour ce qui était des bâtiments, la marine confédérée disposait d’abord de trois
petites canonnières cuirassées à aube. Le CSS Selma, initialement baptisée Florida, était
au départ un caboteur construit en 1856 à Mobile pour le compte de la compagnie
Mobile Mail Line. La canonnière fut incorporée dans la marine confédérée dés juin
1861. En juillet 1862, elle fut rebaptisée Selma après le lancement du croiseur CSS
Florida. L’équipage s’élevait à 100 hommes. Son armement consistait en deux canons
lisses calibre 9 pouces (228 mm), un canon lisse calibre 8 pouces (203 mm) et un canon
18
Dabney H. Maury (1822-1900), promu de l’Académie de West Point en 1846 (37/59). Officier de cavalerie, il
fut chef d’état-major du général Earl Van Dorn et combattit dans le département du Trans-Mississippi.
19
Le canon à âme lisse Columbiad avait été développé dès 1811. Amélioré dans les années 1850 par le capitaine
Thomas J. Rodman, il fut en 1860 le canon lourd par excellence de la défense côtière aux Etats-Unis. Il fut produit en
calibres 8, 10 et 15 pouces (203 mm, 254 mm et 381 mm). Le canon Rodman-Columbiad calibre 15 pouces tirait un
projectile de 320 livres (145 kg) à 5.730 yards (4.240 m) !
20
Le canon rayé Brooke était - à peu de chose près - la copie confédérée du très britannique canon Parrott.
21
Richard L. Page (1807-1901). Neveu du général Robert Lee, ancien officier de la marine des Etats-Unis et de la
marine confédérée, promu brigadier général le 1er mars 1864.
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rayé calibre 6,4 pouces (163 mm). Le CSS Morgan était une canonnière à vapeur
construite en 1861-1862. L’auteur ne connaît pas le nombre des membres de son
équipage. Son armement se composait de 10 canons, de types et calibres non connus de
l’auteur. La canonnière CSS Gaines avait été construite hâtivement en 1861-1862. Son
équipage rassemblait 130 hommes. Son armement réunissait un canon rayé de calibre 8
pouces (203 mm) et 5 canons de calibre 32 livres (15 kg).
Cependant, la marine confédérée comptait principalement sur le CSS Tennessee pour
faire la différence avec l’ennemi. Le Tennessee était un navire à vapeur à éperon, à
casemate rectangulaire unique fortement cuirassée à plans inclinés et lourdement armés.
Sa construction avait commencé en octobre 1862, mais il fallut attendre avril 1864 pour
qu’il fût opérationnel. Il suivait le schéma du cuirassé confédéré type. Avec un équipage
de 133 hommes, il était armé de 6 pièces rayées, soit deux canons Brooke calibre 7
pouces (178 mm) et quatre canons Brooke calibre 6,4 pouces (163 mm). Il était protégé
par une cuirasse composée de madriers en bois et de plaques d’acier de 6 pouces
(152 mm) d’épaisseur. Le bâtiment présentait cependant deux gros défauts : il était trop
lent et les chaînes de transmission et le gouvernail étaient mal protégés. Ce qui lui sera
fatal. Toutes pièces confondues, la flotte confédérée n’alignait guère que 26 bouches à
feu ! Ce n’était pas grand chose !
Ces forces navales étaient commandées par l’amiral Franklin Old Buck Buchanan,
qui était loin d’être un novice. Il était né en 1800. Aspirant dès 1815, il avait participé à
la deuxième guerre Barbaresque en Méditerranée avec son collègue et futur adversaire
l’aspirant David Farragut. Il prit également part à la guerre contre le Mexique de 1847 à
1848. En 1854, il accompagnait le commodore Perry au Japon. En mars 1862, avec le
cuirassé CSS Virginia, il avait mis en difficulté la flotte de l’Union à Hampton Road,
Virginie, mais il fut blessé dans l’engagement. Il fut promu amiral en 1862 et envoyé à
Mobile pour superviser le théâtre naval du golfe du Mexique. Le cuirassé CSS
Tennessee lui servira de navire amiral.
En face, on avait nettement mieux les moyens de sa politique.
L’élément prépondérant était fourni par la force navale, essentiellement dans le chef
du West Gulf (of Mexico) Blockade Squadron (voir supra). L’escadre était commandée
par une « grosse pointure » de la marine de l’Union, l’amiral David Glasgow Farragut.
Il était né en 1801. Dès 1810, il rejoignait la marine avec le grade d’aspirant
(midshipman). Il participa à la guerre de 1812, au cours de laquelle il ramena une prise.
David Farragut fut le premier officier de marine américain, à recevoir le grade de
contre-amiral en 1862, pour devenir vice-amiral en 1864 et amiral en 1866.
L’amiral Farragut disposait de dix-huit unités. D’abord quatre monitors22, navires
cuirassés bas sur l’eau à tourelles blindées tournant à 360°, grande nouveauté navale
« made in USA », dont deux engins à une tourelle et deux autres à deux tourelles. La
tourelle du USS23 Tecumseh portait deux canons lisses Dahlgren24 de calibre 15 pouces
(381 mm) tandis que les deux tourelles du USS Chickasaw avaient chacune deux canons
22
Du nom du premier navire de ce type, le USS Monitor qui entra en action à Hampton Roads, Virginie, le 9 mars
1862 contre le CSS Virginia (ex-USS Merrimac(k)), pour sombrer accidentellement au large du Cap Hatteras,
Caroline du Nord, le 31 décembre 1862.
23
USS pour United States Ship, en Français : navire des Etats-Unis, appellation officielle des navires de guerre de
la marine de l’Union (nordiste) pendant la Guerre civile (1861-1865) ou des Etats-Unis, jusqu’à l’heure actuelle.
24
Canon de marine mis au point par John A. Dahlgren, chef de l’Ordonnance (artillerie) et contre-amiral de la
marine de l’Union en 1863. Il existait également une monstrueuse pièce du calibre de 20 pouces (504 mm), jamais
égalé dans aucune marine du monde !
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lisses Dahlgren de calibre 11 pouces (280 mm). Suivaient sept sloops de guerre à
hélice25, sorte de grosses frégates à vapeur et à voile armées de canons de gros calibre. Il
s’agissait de puissants navires récents, partiellement cuirassés, construits entre 1858 et
1862. A citer parmi eux le USS Hartford, navire amiral, lancé en 1858. Son imposante
artillerie consistait en vingt canons lisses Dahlgren calibre 9 pouces (230 mm), deux
canons rayés Parrott calibre 20 livres et deux pièces calibre 12 livres. Et finalement,
étaient encore alignées sept canonnières partiellement cuirassées, armées de façon plus
hétéroclite. L’artillerie de marine comptait environ 200 pièces.
Afin d’assurer la liaison indispensable avec l’armée de terre, des officiers du Signal
Corps26 étaient répartis sur les principaux navires. C’était une grande première et la
mesure se révélera d’une grande efficacité. Le XIXe Corps27 fournit finalement une
petite division d’infanterie de 2 400 hommes. Elle était commandée par le général
Gordon Granger, vétéran des campagnes dans le Tennessee. Elle se composait de trois
brigades. On y remarquait notamment un régiment d’artillerie lourde de siège, une
brigade de pionniers, deux régiments de soldats noirs et plus bizarrement … le 3e
régiment de cavalerie du Maryland ! Les troupes terrestres débarquèrent sans encombre
sur l’île Dauphin le 4 août 1864.
BATAILLE NAVALE
La flotte de l’Union était bel et bien positionnée dans le golfe du Mexique, face à
l’entrée de la baie de Mobile. L’avant garde était formée par les quatre monitors.
Ensuite venaient les sept gros sloops. Sur leur flanc bâbord (gauche) étaient arrimées les
canonnières. Cette tactique avait été décidée par Farragut dès le 12 juillet et était
destinée à protéger les plus petits navires des tirs ennemis et pour faciliter le passage
dans l’étroit goulet. Finalement, à l’aube du 5 août 1864, les conditions idéales étaient
réunies pour lancer une attaque. La marée était montante, ce qui permettait de réduire la
pression et la brise du sud-ouest allait déplacer la fumée de la flotte vers les artilleurs du
fort Morgan. Pour leur part, les navires confédérés étaient en position, prêts à intercepter
la flotte de l’Union au-delà du champ de mines. La première phase consistait à passer
les forts. A 5 h 30, Farragut et Drayton, capitaine de l’USS Hartford, terminaient leur
petit-déjeuner et à 5 h 45, la flotte de l’Union se mit en mouvement. A la même heure,
l’amiral confédéré Buchanan se levait à son tour. Quelques instants plus tard, il
exhortait ses hommes au combat dans un style très « nelsonien ».
A 6 h 35, la flotte nordiste croisait Sand Island et son phare. A 6 h 47, le monitor
USS Tecumseh tira le premier projectile sur le fort Morgan. A 7 heures, l’escadre de
Farragut n’était plus qu’à 1,5 mile nautique (2 780 m). C’est alors que le général Page
ordonna au fort Morgan de riposter. Cinq minutes plus tard, le monitor USS Manhattan
tira sur le fort Morgan, imité par le navire amiral, le sloop USS Hartford. A 7 h 10, le
monitor USS Chickasaw canonnait à son tour Fort Morgan. Cinq minutes après, le
monitor USS Winnebago et l’USS Brooklyn ouvraient également le feu. L’action devint
alors générale.
25
En Anglais : screw-sloop of war
Corps des transmissions, responsable des signaux, généralement par fanions.
27
Dès juillet 1864, deux divisions du XIXe corps avaient été transférées vers Washington, DC, pour aider à
repousser l’attaque du général confédéré Jubal Early.
26
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A 7 h 22, le fort Morgan infligea ses premiers dommages au Hartford. La fumée
diminuait sensiblement la visibilité. Sur le pont, Farragut ne voyait plus grand-chose. Il
lui fallait observer l’action. Inaperçu, et malgré ses 63 ans, il escalada les cordages
jusqu’à quinze mètres de hauteur. Finalement, le capitaine Drayton s’en rendit compte
et envoya un homme dans les cordages pour arrimer l’amiral. Jumelles en mains,
Farragut continuait à diriger la bataille, lançant ses ordres vers le pont. A 7 h 30, le
monitor Tecumseh doublait le fort Morgan et se dirigeait vers sa cible désignée, le
cuirassé CSS Tennessee. Cependant au lieu de se tenir à l’est du champ de mines
comme prévu, il fonça en plein dedans. Le pilote n’avait probablement pas vu la bouée
rouge. Presque immédiatement, une mine explosa sous sa coque, provoquant une
importante brèche dans laquelle l’eau s’engouffra. En 2 ou 3 minutes, le Tecumseh
sombra, emportant avec lui 93 membres d’équipage, parmi eux le capitaine Tunis
Craven. Seuls 21 hommes survécurent. On ne saura finalement jamais pourquoi le
Tecumseh s’était engagé délibérément dans le champ de mines.
Entre-temps, le capitaine Alden du Brooklyn, en tête de la colonne des vaisseaux en
bois, ne savait plus trop ce qu’il devait faire. Il crut voir des mines et arrêta son navire
au milieu du chenal, attendant des instructions de Farragut. Il commença même à
manœuvrer pour virer de bord. Il risquait en tout cas de provoquer un beau
carambolage, car on n’arrête pas si facilement un navire en mouvement. Il était 7 h 52 et
Farragut ne voulait pas s’arrêter. « Au diable les mines ! Les machines en avant toutes »
s’écria-t-il ! Il ordonna au capitaine Drayton de contourner le Brooklyn et le Hartford
prit la tête de la colonne. Voilà le navire amiral également au milieu du champ de
mines. Allait-t-il connaître le même sort tragique que le monitor Tecumseh ? Farragut
estimait que les mines ennemies devaient être mouillées depuis longtemps et que la
plupart des détonateurs devaient être corrodés par l’eau de mer, rendant la plupart des
mines inoffensives. Par miracle, pas une mine n’explosa ! Farragut avait gagné son pari
et voilà la colonne entière des quatorze navires en bois, qui apparaissait dans la baie de
Mobile tandis que l’artillerie lourde des trois monitors continuait à bombarder le fort
Morgan.
De son côté, la flottille confédérée attendait l’escadre ennemie de pied ferme. Elle
concentra ses tirs sur le Hartford, navire amiral. Les canons du fort participaient à
l’action, sur le Hartford, les marins tombaient par dizaines. C’est à ce moment que le
cuirassé sudiste CSS Tennessee entra en scène. Il déboucha de derrière le fort Morgan.
Trop lent, il ne pouvait rattraper le trop rapide Hartford. Il dut se rabattre sur les autres
navires. Il lui fallut dès lors utiliser son artillerie. Des tirs sporadiques eurent lieu contre
les treize autres navires ennemis, causant des pertes sensibles à leurs équipages. D’autre
part, les boulets nordistes rebondissaient sur la casemate cuirassée, n’entraînant pas le
moindre dommage au Tennessee. Cependant, le cuirassé sudiste ne parvenait ni à
éperonner ni à couler aucun navire en bois, alors qu’il avait été lui-même légèrement
touché par l’éperon en acier du sloop USS Monongahela. En tout cas, à 8 heures, tous
les navires de l’Union avaient dépassé le fort Morgan. Farragut fit mettre la flotte à
l’ancre à 4 miles nautiques (7,5 km) au nord du fort Morgan. A 8 h 30, les hommes
s’apprêtèrent à préparer leur petit déjeuner.
Entre-temps, le sort de la flottille confédérée avait été scellé. A 8 heures, la
canonnière USS Metaconet fut désolidarisée du Hartford et prit en chasse la canonnière
confédérée CSS Selma, occupée à harceler le navire amiral adverse. Un tir heureux au
canon de calibre 9 pouces (228 mm) tua huit marins sudistes et en blessa sept autres. A
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9 h 10, le Selma abaissa ses couleurs. Le même soir l’ancien CSS Selma fut rebaptisé
USS Selma. La canonnière participera plus tard au bombardement des forts défendus
par ses anciens camarades de combat confédérés. Trois autres canonnières nordistes
partirent également en chasse. La canonnière CSS Gaines fut aisément rejointe par sa
poursuivante et trouée comme une écumoire. Elle aurait sombré si elle ne s’était pas
échouée. Pour faire bonne mesure, l’équipage incendia finalement l’épave. Le CSS
Morgan n’offrit pas la moindre résistance et vint se placer sous la protection des canons
du fort. La nuit suivante, il se faufila à travers la flotte de l’Union à l’ancre et rejoignit
la ville de Mobile le lendemain28.
Restait à solutionner le problème que représentait le toujours menaçant cuirassé
sudiste Tennessee. Les matelots nordistes n’avaient pas encore avalé leur café que la
vigie signalait l’approche du navire confédéré. Buchanan envisageait de rééditer
l’exploit de Hampton Roads en Virginie, en mars 1862. Cependant, les paramètres
avaient changé. A l’époque, les navires de l’Union étaient à l’ancre, donc immobiles.
Dans la baie, ils étaient en mouvement. En Virginie, Buchanan n’avait été confronté
qu’à un seul monitor. Ici, il y en avait trois ! Farragut avait également aperçu le
Tennessee. Il détacha dans un premier temps deux sloops, plus rapides que les monitors,
pour l’affronter. Le navire amiral les suivait. Le Tennessee se dirigeait directement sur
le Hartford, tentant d’éviter les deux premiers attaquants, en vain. A 9 h 25, le sloop
Monongahela frappa pour la deuxième fois le cuirassé confédéré de son éperon.
Cependant, la manœuvre apporta peu car, frappant à angle oblique, il ne causa pas grand
dommage. Cinq minutes plus tard, le sloop USS Lackawanna agissait de même, sans
plus de résultat. Les deux sloops avaient été plus ébranlés que le cuirassé qui leur
envoya encore quelques projectiles alors qu’ils se dégageaient péniblement.
Sans désemparer, le Tennessee continuait sa lente progression vers le Hartford. La
collision frontale semblait inévitable, ce qui aurait entraîné les deux navires par le fond.
Au dernier moment, le cuirassé sudiste infléchit légèrement sa marche sur tribord. A
9 h 35, les deux navires amiraux se percutèrent sur bâbord (gauche), puis se frôlèrent
sur toute leur longueur. Le Hartford tira à bout portant toute une bordée de boulets
pleins qui ricochèrent sans dommage sur la cuirasse du Tennessee. Ce dernier ne parvint
à envoyer qu’un seul obus, pour cause d’amorces défectueuses. Cinq hommes furent
malgré tout tués et huit autres blessés dans l’équipage nordiste. Où se trouvait l’amiral
Farragut pendant tout ce temps ? Il était remonté pour la deuxième fois dans les
cordages, évidemment !
La fin de l’action s’échelonna de 9 h 40 à 10 heures. Alors que le Hartford
manœuvrait pour éperonner à son tour le Tennessee, il fut lui-même percuté
accidentellement par le sloop USS Lackawanna. Heureusement le choc eut lieu audessus de la ligne de flottaison. Sans cela, le Hartford aurait été bel et bien coulé par un
navire nordiste. Ce qui aurait été le comble, alors que les Sudistes n’y étaient pas
parvenus ! Farragut échappa de peu à la mort et les dégâts furent finalement sans
gravité.
Entre-temps, les monitors USS Chickasaw et Manhattan étaient arrivés sur le lieu du
combat. A partir de ce moment, la balance allait pencher irrévocablement en faveur des
Nordistes. Les monitors bombardèrent leur cible à bout portant pendant 20 longues
minutes. L’équipage du Tennessee vécut alors l’enfer sur mer. La cheminée du cuirassé
28
La canonnière participera encore à la bataille pour le fort Blakely en avril 1865. Le bâtiment se rendit
finalement à la marine de l’Union, le 4 mai 1865.
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fut mise en pièces et la pression diminua tragiquement. Le navire devint presque
immobile. Le mât portant le pavillon disparut. Les chaînes de transmission et le
gouvernail furent également atteints et le navire ne put plus être gouverné. Le
mécanisme d’ouverture des sabords fut faussé. On ne put plus les ouvrir et l’artillerie
devint inutilisable. Un mécanicien était courageusement sorti pour tenter de les réparer,
mais il fut réduit en bouillie par un obus de 11 pouces (280 mm). Si le blindage
métallique résista, le choc des tirs ennemis fit sauter une partie de la structure intérieure
en chêne. Les éclats de bois blessèrent et tuèrent quelques hommes. Parmi les blessés
figurait l’amiral Buchanan qui s’en tira avec une jambe cassée.
Le sloop USS Ossipee s’apprêtait à donner le coup de grâce au cuirassé sudiste
immobilisé. Il n’aura pas à aller jusqu’au bout de sa course. En effet, à 10 heures,
n’ayant plus aucun moyen de combat, le capitaine Johnston obtint de Buchanan
l’autorisation de se rendre. Le drapeau blanc fut hissé et les canons se turent. Après 3
heures et 15 minutes d’affrontement intense, le combat naval prenait fin. L’USS
Ossipee détacha une chaloupe, et un détachement de marines monta à bord du cuirassé
vaincu. Buchanan blessé remit son épée et fut fait prisonnier avec l’équipage. Transféré
sur la canonnière USS Metacomet, il fut emmené à l’hôpital de Pensacola, Floride29.
REDUCTION DES FORTS
Maintenant qu’il n’avait plus rien à redouter de la marine confédérée complètement
anéantie, Farragut accentua son action contre les forts. Le monitor USS Chicasaw s’en
alla tirer quelques obus sur le petit fort Powell. La garnison en fut rapidement
démoralisée. Malgré les ordres du général Page de combattre à outrance, le colonel
Williams estima qu’il était vain de résister. La troupe s’activa à enclouer les canons et à
faire exploser les magasins puis détala vers la ville de Mobile sans demander son reste.
La division Granger s’approcha sans péril à courte distance du fort Gaines. Son artillerie
était protégée par les dunes et tirait sur le fort sudiste en toute impunité. Le 8 août 1864,
après quatre jours de bombardement, le colonel Anderson rendit le fort Gaines.
Le sort du fort Gaines étant réglé, le général Granger déplaça ses troupes de l’île
Dauphin vers l’arrière du fort Morgan. Il débarqua sans opposition à Pilot Town, le 9
août 1864. Le général nordiste se préparait à mener le siège de façon classique, c’est-àdire une subtile combinaison de tranchées, parallèles, bombardements, brèches et
assauts. Il bénéficiait du soutien des trois monitors de la flotte, bientôt rejoints par un
étrange cuirassé répondant au nom de l’USS Tennessee. Ce bâtiment n’était rien d’autre
que le cuirassé sudiste capturé le 5 août, déjà réparé, aussi vite rebaptisé et renvoyé au
combat sous de nouvelles couleurs !
Le 16 août, Granger fut gratifié d’un cadeau fort apprécié : une ligne de tranchées
creusées à l’extérieur par les Confédérés et abandonnée pour des raisons inconnues. Il
fit installer ses mortiers lourds à 450 m et ses canons rayés de 30 livres à 1 100 mètres.
Le 20 août, une violente tempête empêcha toute opération. Le temps revint au beau et,
pendant toute la journée du 22 août, le fort Morgan subit un bombardement intensif par
16 mortiers de siège, 18 canons divers, les trois monitors et le cuirassé USS Tennessee à
courte portée et par les vaisseaux en bois à longue portée. Sous un tel déluge de feu, le
général Page craignit que ses magasins renfermant 36 tonnes de poudre n’explosassent.
29
Il sera échangé en février 1865 et sera toujours en convalescence à la fin de la guerre.
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Il ordonna alors de jeter la poudre à la mer ! Il était grand temps car, sous le tir ennemi,
les structures boisées du fort prirent feu et l’incendie fut maîtrisé à grand peine ! La
cause était entendue : le 23 août à 6 heures du matin, le général Page n’eut guère d’autre
choix que de faire hisser le drapeau de la reddition et le siège prit fin. Page préféra
briser son épée sur son genou plutôt que de la rendre à un officier de l’Union. Il fut
immédiatement arrêté et emprisonné, suspecté d’avoir fait effectuer des destructions
après la reddition, ce qui n’est pas autorisé par les lois de la guerre. Traduit en court
martiale à New Orleans, il sera finalement acquitté.
Aucun assaut n’avait dû être lancé. L’action de la seule artillerie avait suffi pour
obtenir la reddition des ouvrages. Ainsi se terminaient les épiques combats pour la
possession de la baie de Mobile. La victoire de l’Union était totale. Le port de Mobile
était bloqué de près. Il n’apportera plus rien à la cause confédérée. En proportion de
l’intensité des combats, de la puissance de feu et du poids de métal et d’explosif
échangé, les pertes furent étonnamment faibles. Dans la flotte de Farragut, on déplora la
perte d’un monitor coulé et définitivement perdu. Les dégâts infligés aux navires en
bois, quoique pour certains d’une certaine importance, n’avaient rien d’irrémédiable et
seront vite réparés. Les équipages avaient perdu 150 tués et 170 blessés sur environ
3 500 officiers et marins. La division Granger du XIXe corps s’en tira encore à meilleur
compte, ne perdant qu’un seul soldat tué et sept autres blessés.
L’escadre de Buchanan avait cessé d’exister. Les CSS Selma et Tennessee avaient été
capturés puis réactivés pour le service de l’Union. Le CSS Gaines s’était échoué puis
avait été incendié par son équipage. Les rescapés avaient tous été faits prisonniers. Seul
le CSS Morgan avait pu s’échapper et avait rejoint le port de Mobile. Le bilan humain
était nettement plus léger qu’en face. On comptait 12 marins tués et 19 autres blessés
sur un effectif d’environ 500 hommes. Les forts confédérés étaient définitivement ruinés
par le sévère bombardement terrestre et naval et n’avaient plus aucune valeur militaire.
On ne connaît pas l’état exact des pertes des garnisons. On les imagine assez faibles. Ce
qui est plus sûr, c’est que tous les défenseurs, abrutis par les coups innombrables de
l’artillerie adverse, rejoindront les camps de prisonniers de l’Union avec leurs
camarades de la marine, sauf les 140 hommes du fort Powell et l’équipage du CSS
Morgan.
CAMPAGNE TERRESTRE FINALE CONTRE MOBILE
Fin mars 1865, la guerre touchait à sa fin, mais le drapeau confédéré flottait toujours
sur la grande ville de Mobile. Le général Dabney Maury tenait toujours la place avec
10 000 hommes, 300 canons et 5 canonnières. Cependant les choses allaient s’accélérer.
Quarante-cinq mille soldats furent mis à la disposition du général Edward Canby pour
opérer contre Maury. Deux colonnes terrestres se dirigeaient vers Mobile par l’Est.
L’une de 13 000 hommes, commandée par le général Frederick Steele venait de
Pensacola, Floride. L’autre, forte de 32 000 soldats commandés par Canby lui-même,
démarra du fort Morgan. Spanish Fort et Fort Blakely furent pris d’assaut les 8 et 9 avril
186530. Le 12 avril, le général Canby entra dans Mobile sans résistance. La veille, le
général Dabney Maury avait en effet judicieusement évacué la place indéfendable avec
les 4 500 hommes et les 27 canons qui lui restaient.
30
Funeste journée pour la Confédération, car ce même 9 avril 1865, le général confédéré Robert Lee était
contraint à la reddition à Appomattox, bien loin au Nord, en Virginie.
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Le 4 mai 1865, à Citronnelle, Alabama, à 40 miles au nord de Mobile, le général
Richard « Dick » Taylor se vit contraint à la reddition des 12 000 derniers soldats du
département de l’Alabama, Mississippi et Louisiane Orientale, mettant un terme à la
résistance confédérée organisée à l’est du Mississippi. Mais à Mobile, la guerre n’était
pas tout à fait terminée. En effet, le 25 mai 1865, un dépôt de munitions nordiste
explosa rue Beauregard. L’inattendue déflagration entraîna la mort de 300 personnes !
Un cratère de neuf mètres de profondeur marqua l’endroit des ruines du dépôt. Des
bateaux à quai le long de la rivière Mobile sombrèrent et la partie nord de la ville fut
détruite par le feu.
Le général Grant déclarera bien après, dans ses mémoires, avec peu de bonne foi :
« Pendant deux ans, j’ai essayé d’envoyer une expédition contre Mobile quand sa
possession par nous aurait été d’un grand avantage. Cela a finalement coûté des vies
pour la prendre quand sa possession était sans importance. » Il avait tout à fait raison.
Cependant, il avait probablement oublié qu’il n’avait pas été en mesure de fournir en
temps utiles l’infanterie nécessaire réclamée par Farragut !
Bibliographie
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Boatner III M.M. : Civil War Dictionary, New York, 1987.
Chaitin P.M. :The Coast War, Time-Life Books, Alexandria, 1984
Johnson R.U. & Buel C.C. : Battles & Leaders of the Civil War, vol. III, NY, 1884.
Gibbons T. : Warships & Naval Battles of the Civil War, New York, 1989.
Review Naval History, Naval Institute, décembre 2009.
Rebel & Yankees, the Battlefields of the Civil War, National Geographic.
Atlas of the Official Records.
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