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Moisés NA ÍM
Jean-Louis LEVET
Jean-Christophe CAMBADÉLIS
Mathieu GALLET
20 euros
Apartés
Mathieu GALLET
La France et lEurope face à lenjeu du Big Data
Jean-Christophe CAMBADÉLIS
Barack Obama et le nouveau monde
Moisés NA ÍM
La n de la puissance
Jean-Louis LEVET
France-Algérie : un futur commun à construire
Village global
Jacques MYARD
Révolution arabe : l’histoire continue
Marina GLAMOTCHAK
Diplomaties gazières dans les Balkans : la Russie et l’Union européenne
Emmanuel NIAMIEN N’GORAN
Réconciliation, justice et croissance économique en Côte dIvoire
i Minh-Hoang NGO
Pour ne pas avoir peur de la Chine, il faut comprendre lhistoire de son présent
Horizons
Antoine BRUNET
La stratégie conquérante de Pékin : l’enjeu de la monnaie du monde
Jean-Christophe BEAUJOUR
Et si la France gagnait la bataille de la mondialisation...
Michel SANTI
Euro : le péché originel
Olivier KEMPF
Stratégie des réseaux : le cas des réseaux électriques intelligents
| Jean-Christophe CAMBADÉLIS |
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Barack Obama
et le nouveau monde
Jean-Christophe CAMBADÉLIS
Député de Paris, Jean-Christophe Cambadélis est secrétaire national à
l'Europe et à l'international du Parti socialiste (PS) et vice-président du
Parti socialiste européen (PSE)
« Nous devons livrer les combats qui doivent l’être, et non
ceux qui ont la préférence des terroristes les déploiements
à grande échelle qui nous épuisent et qui pourraient bien alimenter
l’extrémisme, au bout du compte. (…) L’Amérique ne doit plus
être sur un pied de guerre permanent. (…) Notre leadership n’est
pas déni seulement par notre défense contre les dangers qui nous
menacent ; il l’est aussi par les possibilités considérables de faire le
bien et de promouvoir l’entente de par le monde – de forger une plus
grande coopération, d’élargir les nouveaux marchés (…) ».
Et si, dans ce discours prononcé sur l’état de lunion le 28
janvier 2014 devant le Congrès, se trouvaient les ressorts de la
vision de Barack Obama. Il est de bon ton chez les spécialistes
opolitiques de penser le président américaincevant, « mou du
genou », hésitant. Il est vrai quaprès les chevauchées messianiques
néo-conservatrices de Georges W. Bush, la « politique modeste1 » de
1. M. Landler, “Rice Oers a More Modest Stragtegy for Mideast”, e New York Times, 26
septembre 2013.
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Barack Obama porte moins à controverses tonitruantes. Et si cela
était précisément l’objectif de la double présidence du démocrate
américain, par ailleurs prix Nobel de la paix ?
Barack Obama a pris acte de la n de l’américanisation du
monde. Il a parfaitement anticipé un monde apolaire2 et la n de son
monopole occidental.
La fusion de la mondialisation et de laméricanisation avait
été portée à incandescence par le consensus de Washington
en 2000 : avec le oliralisme comme doctrine économique,
l’uniformisation des modes de vie, la domination de langlais,
l’hyperpuissance messianique de l’Amérique de George Bush. Ce
moment est révolu. Il s’est eondré dans les faubourgs de Bagdad
et la crise des subprimes. La première élection de Barack Obama se
t donc sous le signe de la rupture. Le fait qu’il fut noir en était la
manifestation physique. Le but était la régénérescence américaine et
sa réorientation stratégique.
C’est le temps du désengagement au Moyen-Orient pour
une « coexistence dans le Pacique ». Les États-Unis se pensent
indépendants énergétiquement et veulent d’abord relancer leur
économie pour un nouveau siècle américain qui passe par la
compétition en Asie, zone de croissance et demain de puissance.
En septembre dernier, M. Obama exposait à l’ONU, ses priorités
en matière de politique étrangère : négocier un arrangement
nucléaire avec lIran, conclure un accord de paix avec Israeliens
et Palestiniens et atténuer la querelle en Syrie3. Selon Susan Rice,
sa nouvelle conseillère pour la sécurité nationale : « L’objectif du
président est d’éviter d’avoir, des problèmes au Moyen-Orient qui
accapareraient son agenda d’aaires étrangères » an de prêter
attention à de nouvelles zones géographiques « nous avons intérêts
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2. J.-C. Cambadélis , « La tentation d’un monde apolaire », in La Revue socialiste, Géopolitique
du monde contemporain, n°53, janvier 2014.
3. M. Landler, “Rice Oers a More Modest Strategy for Mideast, e New York Times, 26
septembre 2013.
| Jean-Christophe CAMBADÉLIS |
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et opportunités »: l’Asie4.
Les États-Unis ne se sentent plus engagés sur les accords de
Quincy de 1945 Roosevelt garantissait au roi saoudien, Ibn
Saoud, la protection militaire contre le pétrole à bas prix, ce qui
nança la formidable croissance de l’empire américain, lui permit de
supplanter l’Europe au sortir de la guerre et de prendre la tête de la
Guerre froide. Mais le 11 septembre jeta sur cette « entente protable »
le voile des doutes sur les méandres de la pensée saoudienne. Le gaz
de schiste et le pétrole découverts aux États-Unis rent le reste. Ils
ont cidé de tourner la page avec le même peu d’intérêt pour les
dommages collatéraux que lors de leurs engagements militaires.
L’Arabie l’a d’ailleurs bien compris manifestant sa mauvaise humeur
en boudant le Conseil de sécurité.
C’est à laune de cela qu’il faut analyser les initiatives de Barack
Obama. Il ny a pas de faiblesse. Il y a un virage stratégique.
Prenant acte que l’Amérique s’est fourvoyée durant les huit
années de mandat de George W. Bush en passant de la légitime
défense face au terrorisme à la croisade du monde occidental sur le
asco irakien, Barack Obama a eectué une réorientation dans tous
les domaines :
- d’abord en privilégiant la reconstruction économique, industrielle
et nancière des Etats-Unis ;
- ensuite, en prenant soin de ne plus être en première ligne dans
les conits, en se désengageant des précédents à marche forcée, se
souciant fort peu des conséquences comme en Irak ;
- enn, en cherchant face à des milliards d’individus et leurs
économies émergentes, à créer un espace de libre-échange euro-
atlantique pour garder l’hégémonie dans la bataille des brevets, de
l’innovation et de la norme.
4. Ibid.
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Il faut ajouter à ceci la méance américaine après le 11 septembre
vis-à-vis du monde sunnite et la concurrence acharnée entre le
Qatar et l’Arabie saoudite, par les Frères musulmans et les salastes
interposés, alternativement soutenus par l’un ou l’autre suivant le
pays.
En mai 2010, la secrétaire d’État Hillary Clinton résumait ainsi
cette réorientation : « Nous ne sommes pas moins puissants, mais
nous devons appliquer notre puissance de diérentes façons. Nous
sommes en train de passer de l’exercice et de l’application directe de
la puissance à un mélange plus sophistiqué et dicile de puissance et
d’inuence indirectes ».
C’est ainsi que les États-Unis ont participé de loin à la chute de
Khada, que l’Administration américaine n’a pas contrarié les
mouvements révolutionnaires dans le monde arabo-musulman,
qu’ils se sont retirés d’Afghanistan et d’Irak, que les relations avec le
Pakistan ont connu une décélération, que les négociations secrètes
avec les Pachtounes et les talibans ont été menées, qu’ils furent
seulement observateurs des évènements en Birmanie et en aïlande.
Ils inventèrent « la stratégie du paravent », cherchant dans chaque
conit un acteur de première ligne, et délaissant même parfois
laction comme au Mali, en Centrafrique, au Yémen et en Somalie,
derniers legs laissés par la stratégie des années 2000.
Tout commença par le discours historique du 5 juin 2009 au
Caire, celui du « nouveau départ » écartant l’image d’une supériorité
occidentale telle qu’elle était perçue dans cette partie du monde.
Ce discours fut suivi par celui du 9 novembre 2010 à luniversité
de Djakarta en Indonésie. « Nous pouvons choisir d’être dénis par
nos diérences (…) pour un avenir de suspicion et de méance ou
nous pouvons choisir de faire le travail dicile de trouver un terrain
d’entente, et nous engager à la poursuite constante du progrès ».
En 2011, Barack Obama persiste et signe dans une intervention
au département d’État américain dans le sillage des soulèvements du
« Printemps arabe » et la mort de Ben Laden.
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