Journée des jeunes chercheurs de l’ARC 8 3 avril 2014 – IEP de Lyon Le non-recours et le raccrochage à l’offre publique d’insertion chez les jeunes Benjamin Vial Sous la direction de Philippe Warin Doctorat en science politique Plan I. II. Le phénomène du non-recours a. Définition du non-recours, ampleur du phénomène b. Les 4 types de non-recours Le non-recours chez les jeunes a. Les jeunes ni en emploi, ni en formation, ni dans le système scolaire b. Le temps entre la « fin » de l’Ecole et l’inscription en Mission Locale III. Comprendre l’expérience du non-recours a. Penser le non-recours comme une expérience b. Les enjeux de la connaissance et de la demande c. Les conditions de « retour vers » la Mission Locale 2 Définition du non-recours, ampleur du phénomène Le non-recours renvoie à toute personne qui – en tout état de cause – ne bénéficie pas d’une offre publique, de droits et de services, à laquelle elle pourrait prétendre. Quelques chiffres sur le non-recours : RSA = : 50 %; Activité : 68%; Socle : 35 %. Cmu C : 26% ; ACS : 70%. DALO, 115, tarifs sociaux de l’énergie, aides facultatives… 4milliards d’€ de fraudes aux prestations sociales vs. 5,3 milliards d’€ de nondépenses liées au RSA. (Source : ODENORE, « L’envers de la fraude sociale », La Découverte, 2012). 3 Les 4 types de non-recours Le non-recours par non connaissance : l’offre publique n’est pas connue. Le non-recours par non demande : l’offre publique est connue, mais n’est pas demandée. Le non recours par non proposition : l’offre publique n’est pas proposée par les intermédiaires sociaux. Le non-recours par non réception : l’offre publique est connue et demandée, mais n’est pas reçue. (Source : WARIN P., « Le non-recours : définitions et typologies », Working Paper de l’Odenore, n°1, 2010). 4 Les jeunes ni en emploi, ni en formation, ni dans le système scolaire 1,9 million de « Neets » en France début 2013, soit 17% des 15-29 ans (de 20 à 25% pour les pays d’Europe du sud, autour de 7% pour les pays nordiques), dont : 1 million de personnes de 15-29 ans en France Neets qui recherchent un emploi (« actifs » au sens INSEE/BIT). 900 000 personnes de 15-29 ans qui ne recherchent pas d’emploi (« inactifs » au sens de l’INSEE et du BIT). (Source : CAHUC P., CARCILLO S. et ZIMMERMAN K. F., « L’emploi des jeunes peu qualifiés en France », Les Notes du CAE, n°4, avril 2013). Un cumul de fragilités (faible niveau de diplôme, origine sociale modeste, environnement familial fragile, ruralité, origine immigrée). Un désengagement politique et social politique, découragement vis-à-vis de l’emploi). (faible confiance dans les institutions, détachement (Source : EUROFOUND, « Young People NEETs: Characteristics, costs and policy responses in Europe », Eurofound, 2012). 5 Le temps entre la « fin » de l’Ecole et l’inscription en Mission Locale 28 mois en moyenne entre la sortie du système scolaire et l’entrée en mission locale en Rhône-Alpes. (Source : PRAO, « Mission d’observation du raccrochage en formation et en faveur de l’emploi », octobre 2013). Entre la sortie du système scolaire et l’entrée en Mission Locale, 46% déclarent n’avoir reçu aucune proposition d’aide dont la plupart auraient souhaité en recevoir une. 62% des propositions d’aide reçues entre la sortie du système scolaire et l’entrée en Mission Locale proviennent du réseau personnel. (Source : ARML, CEREQ, MRIE, ODENORE et PRAO, « Entre Ecole et Mission Locale, quels parcours? », rapport à la région Rhône-Alpes, 2014). 6 Penser le non-recours comme une expérience Des questions « simples » : Que se passe-t-il pendant ce temps entre la sortie du système scolaire et l’entrée en mission locale ? Qui sont les personnes concernées ? Comment vivent-elles leur situation? Pourquoi ne viennent-elles pas nécessairement en Mission Locale ? Sont-elles pour autant en contact avec d’autres professionnels de l’insertion ? Ont-elles des besoins sociaux ou des attentes non-satisfaites ? Pourquoi certaines personnes entreprennent-elles finalement de s’inscrire en Missions Locale ? Dans quelles conditions le parcours institutionnel peut-il alors se réaliser ? Enjeux scientifiques : Situer l’expérience du non-recours par rapport aux formes contemporaines d’individuation (la jeunesse comme âge du non-recours, le non-recours comme preuve d’autonomie…). Envisager la dimension politique du non-recours (rapport aux institutions et aux droits sociaux, perceptions des inégalités et sentiment d’injustice, aspiration à la reconnaissance…). Interroger le « non-recours » et l’ « accès aux droits sociaux » comme catégories d’action et de pensée du champ professionnel de l’insertion des jeunes. Méthodologie qualitative : Entretiens semi-directifs de jeunes de 18 à 25 ans peu ou pas diplômés (2 ent. espacés de 6 mois). Entretiens semi-directifs de professionnels de l’insertion des jeunes. Observation des entretiens « premier-accueil » en mission locale. 7 Le non-recours à la mission locale : l’enjeu de la connaissance Et si tous les « éligibles » prenaient connaissance de l’existence des missions locales et y arrivaient demain ? Intérêt politique pour le phénomène vs. moyens et modes de fonctionnement des institutions. Le non-recours comme régulation naturelle des moyens de l’offre publique d’insertion ? L’étude du non-recours pour pointer les contradictions et dysfonctionnements des politiques publiques. Parler des droits et de ses droits : la logique du déficit. Un sentiment partagé de méconnaissance. Des critiques sur la restriction de l’accès aux droits pour les moins de 25 ans. Le « gap » institutionnel entre Ecole et mission locale. La peur de l’appel d’air dans l’Education Nationale. La logique de distinction des conseillers d’insertion. Les effets du « non-dit » institutionnel. 8 Le non-recours à la mission locale : l’enjeu de la demande De la conflictualité avec l’institution scolaire à la distance vis-à-vis des institutions publiques ? L’expérience originelle de l’institution scolaire. La « fin » de l’Ecole : entre regrets et amertume (intériorisation de l’échec, inappétence scolaire). Passer de l’étiquette de « décrocheur » à celle d’« éligible à l’aide sociale d’insertion » (une trajectoire vécue par la « négative »). Le sentiment d’illégitimité par rapport aux droits, entre stratégie d’évitement et (dé)valorisation de soi. L’expérience du refus, le sentiment d’incompréhension/d’injustice, la crainte de la demande L’effacement pour autrui La peur de ne pas être à la hauteur Non-recours et autonomie dans la construction du « devenir adulte ». Le non-recours, de l’affirmation de soi à la preuve d’autonomie? Le non-recours, une critique politique (droits sociaux vs. droit au travail) ? 9 Les conditions de « retour vers » la mission locale Importance du réseau personnel dans les propositions d’aide et dans la prise de connaissance de l’existence des missions locales. Paradoxe du recours : les plus isolés (donc potentiellement les plus vulnérables) seraient les moins susceptibles de connaitre la mission locale. Cheminement personnel de retour vers la mission locale: Décrochage scolaire puis « rentrée » à la maison. Isolement, désœuvrement, sentiment d’inutilité. Sentiment de culpabilité (poids économique et symbolique de la dépendance familiale, d’autant plus dans les milieux populaires). Effet d’entraînement des pairs ? Le non-recours comme expérience collective en milieu urbain (effets d’enfermement?). La dynamique amicale (effets de groupe?). La présence dans l’institution, en l’occurrence l’inscription en mission locale ne signifie pas nécessairement le recours, sauf à considérer la relation en tant que telle comme l’offre disponible et si tant est qu’elle s’instaure dans le temps. 10 Merci à vous! Les études de l’Observatoire sur http://odenore.msh-alpes.fr 11