Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides
77 avenue Denfert-Rochereau, F-75014 Paris, France
Observatoire de Paris - CNRS
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Note Technique n°3
PHEMU
v. du 16/05/2008
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L'OBSERVATION PHOTOMETRIQUE DES PHENOMENES MUTUELS
J.-E. Arlot (a), J., Lecacheux (b)
(a) Institut de mécanique céleste, UMR 8028 du CNRS, 77 avenue Denfert-Rochereau, F-
75014 Paris
(b) LESIA, Observatoire de Paris-Meudon, place J. Janssen, F-92190 Meudon
I - Introduction
L'observation des phénomènes mutuels ne peut avoir lieu que pendant une période favorable très courte.
Chaque phénomène lui-même ne dure que peu de temps et on se doit d'être prêt à observer avant chaque
phénomène. Toute hésitation peut être fatale à l'obtention de données utilisables. Le but de cette note
technique est de passer en revue tous les problèmes à résoudre pour l'observation des phénomènes
(rappelons qu'il s'agit d'observations photométriques) et de permettre à chacun d'établir une procédure très
stricte à suivre absolument et adaptée au type de récepteur utilisé. Nous ne le répèterons jamais assez:
testez matériel et procédure d'observation AVANT les premières observations de phénomènes, en
observant les satellites galiléens en dehors des phénomènes ou durant une éclipse par Jupiter, ce qui est
un très bon banc d'essai.
II - La datation des observations
Indépendamment de la mesure de quantités photométriques, il est aussi nécessaire de dater chaque point
des courbes obtenues en Temps Universel coordonné (UTC, c'est l'horloge parlante moins une ou deux
heures) afin de pouvoir relier entre elles toutes les observations ainsi mesurées dans la même échelle de
temps. En particulier, il est plus prudent de ne pas se fier au temps sidéral ou à une horloge interne à la
coupole : il est préférable de se caler dès le début sur UTC. L'expérience a prouvé qu'il ne faut pas
attendre car après le phénomène tout peut arriver (en particulier des pannes...)! Malheureusement, tous les
observatoires ne possèdent pas le UTC en permanence. Le mieux est donc de se caler sur UTC avant
l'observation ou de noter l'écart entre l'échelle de temps disponible et UTC en appelant l'horloge parlante
ou grâce aux récepteurs GPS et d'appeler à nouveau après l'observation pour voir s'il y a eu une dérive. Le
calage absolu doit être fait à mieux que 0,1s. Autrement dit, chaque point de la courbe enregistrée doit en
effet être daté avec une précision meilleure que 0,1 seconde de temps. C'est tout à fait faisable. En 0,1s,
Io, par exemple, parcourt 1,7 km; une précision d'une seconde correspond alors à une précision de 17,2km
dans l'espace ce qui est impossible à atteindre par tout autre moyen d'observation.
N'oublions pas non plus que les prédictions ne sont pas totalement exactes. Les quelques phénomènes
durant plus de 20 minutes peuvent se produire de 5 à 10 minutes avant ou après l'heure prédite. Aussi, il
importe de commencer l'enregistrement suffisamment longtemps en avance. De plus, les prédictions sont
en TT (temps terrestre) qui diffère d'UTC d'un peu plus d'une minute (TT - UTC ~ 66 seconds in 2009).
III- Le choix des phénomènes à observer
Si l'on ne peut observer qu'un nombre limité de phénomènes, lesquels choisir de préférence ? On peut
pour cela appliquer les règles suivantes :
- choisir les phénomènes ne se produisant pas au crépuscule (sauf si vous utilisez un CCD et si un satellite
de référence est présent dans le champ enregistré) et ceux pour lesquels Jupiter est assez haut dans le ciel,
- éviter les phénomènes rasants (ils peuvent être inobservables du fait de l'imprécision du modèle
théorique utilisé pour la prédiction) et préférez les phénomènes dont la chute en magnitude se situe entre
10 et 90%.
- choisir les phénomènes se produisant plutôt loin de Jupiter (à plus de 3 rayons joviens)
- préférez les occultations aux éclipses, et les éclipses pour lesquelles le satellite éclipsant est loin du
satellite éclipsé
- choisissez en priorité les phénomènes impliquant le satellite 4, Callisto
- évitez les phénomènes trop longs si vous ne pouvez pas les observer en entier (Jupiter peut se coucher
pendant un phénomène…)
Cependant, lorsque c'est possible, il faut évidemment tenter le maximum d'observations.
IV - Les récepteurs utilisables
Le but de l'observation est d'enregistrer la variation de flux reçu des satellites concernés et d'obtenir une
courbe de lumière dont l'échantillonnage temporel optimal doit être entre 5 points par secondes et un
point toutes les 2 secondes. Cet échantillonnage dépendra de la durée des phénomènes.Pour cela divers
récepteurs sont utilisables::
- le photomètre photoélectrique à un canal ;
- le photomètre photoélectrique multicanal ;
- le photomètre photoélectrique à plusieurs entrées spatiales ;
- le spectrophotomètre ;
- le récepteur bidimensionnel type CCD ou caméra vidéo.
Nous ne donnerons pas d'informations sur les récepteurs eux-mêmes (des notes techniques seront
consacrées aux récepteurs) mais sur leur utilisation pour l'observation des phénomènes mutuels et sur la
technique d'observation.
a) la bande passante utilisée pour l'observation
La longueur d'onde dans laquelle on observera pourra dépendre du photomètre utilisé; disons que l'on
peut observer les phénomènes mutuels dans n'importe quelle longueur d'onde, ce sera toujours utile.
Cependant on peut chercher à désigner quelques longueurs d'onde plus favorable.
- pour l'intérêt de l'observation astrométrique des phénomènes mutuels, les bandes V, R ou I sont celles
qu'il faut choisir de préférence (plutôt R si on est dans un site urbain, cf. ci-après).
- pour éviter la lumière parasite de Jupiter pour les phénomènes ayant lieu très près de la planète, on peut
utiliser les filtres interférentiels "CH4 " (7260 Å , 8300 Å , 8900 Å , ...) mais ce n'est pas efficace que
pour les phénomènes très proches de la planète car on perd beaucoup de flux et la photométrie
bidimensionnelle est préférable dans ce cas (récepteur CCD ou vidéo).
- pour les observations que l'on fait dans une ville très éclairée, il semble intéressant d'être dans la bande
5000 à 5300 Å. La figure 1 donne la brillance d'un fond de ciel urbain en fonction de la longueur d'onde.
- cas d'un photomètre multicanal: si vous pouvez observer dans plusieurs longueurs d'onde
simultanément, faites-le. C'est un moyen de décorréler les accidents photométriques locaux ainsi que
d'analyser plus précisément la nature des sols des satellites.
- cas d'un recepteur bi-dimensionnel (CCD, vidéo), on peut rester en "pleine lumière" c'est-à-dire se
placer dans la bande de sensibilité du récepteur, surtout avec une petit instrument: on aura plus de flux.
b) temps d'intégration et échantillonage temporel de l'observation
- le temps d'intégration ne doit pas être trop court (il faut avoir un bon rapport signal/bruit) ni trop long
(les phénomènes sont courts et il faut un bon échantillonnage de la courbe de lumière enregistrée.
L'expérience montre que le temps d'intégration peut varier, selon les récepteurs, de 0,1 à 2 secondes de
temps.
- l'échantillonage temporel de la courbe de lumière enregistrée va dépendre tout d'abord du temps
d'intégration mais aussi du phénomène.Un phénomène court, durant seulement quelques minutes doit être
échantillonné avec plusieurs points par seconde. Un phénomène long, durant plus d'une demi-heure peut
être échantillonné avec un point toutes les 2 secondes. Un photomètre multicanal permettant l'observation
dans plusieurs longueurs d'ondes nécessite plus de lumière et plus de temps: il sera plus efficace lors des
phénomènes longs.
- ne pas oublier de tenir compte du temps de lecture et de stockage de l'observation, image ou flux.
L'échantillonnage est la somme du temps d'intégration et du temps de lecture.
c) le diaphragme
Le diaphragme correspond au champ, défini par le logiciel ou par le matériel, dont on va mesurer le flux
lumineux pendant toute la durée du phénomène. Ce diaphragme va pouvoir contenir un, deux ou même
trois satellites. Il contiendra aussi le fond de ciel. Par exemple, dans le cas d'une occultation, il contiendra
obligatoirement les deux satellites impliqués, avec éventuellement un troisième si celui-ci est très proche
(à éviter!). Dans le cas d'une éclipse, le satellite éclipsant ne sera dans le diaphragme que s'il est très
proche. L'enregistrement des satellites indépendamment les uns des autres avant et après le phénomène
est indispensable. Attention aussi aux phénomènes longs, durant lesquels un satellite supplémentaire
arrive dans le diaphragme! Préparez avec soin l'observation! Plusieurs diaphragmes sont très utiles pour
mesurer le phénomène, l'objet de référence et le fond de ciel simultanément. C'est de ce qui sera mesurer
dans le ou les diaphragmes que dépendra la qualité de l'observation.
Le diaphragme dépend en fait du type de récepteur:
- dans le cas d'un récepteur bi-dimensionnel de type CCD qui va enregistrer une série d'images
successives, le problème du diaphragme est plus facile à résoudre puisqu'il sera défini par logiciel après
l'observation lors de l'analyse des images. En cas de mauvais choix, on peut recommencer... Il est facile
par ailleurs de définir plusieurs diaphragmes simultanés et donc d'avoir le satellite occulté ou éclipsé, un
objet de référence et le fond de ciel simultanément pour reconstruire une bonne courbe de lumière.
- dans le cas d'un photomètre multi canal, les diaphragmes doivent être définis avec soin avant
l'observation: un pour le satellite occulté ou éclipse en incluant les objets trop proches (attention à
l'arrivée d'un autre satellite en cours de phénomène), un ou plusieurs pour le fond de ciel autour du
phénomène (attention au gradient) et un ou plusieurs pour le ou les objets de référence.
- dans le cas d'un photomètre à une voie, il n'y aura qu'un seul diaphragme pour enregistrer le flux de
lumière pendant toute l'observation. Pendant tout le phénomène, on mettra le satellite éclipsé ou occulté
dans le diaphragme (incluant si besoin un objet trop proche). On enregistrera l'objet de référence puis le
fond de ciel avant et après le phénomène. Pendant un phénomène long, on peut interrompre le phénomène
pour enregistrer rapidement quelques instants de fond de ciel et d'objet de référence en déplaçant le
télescope et en revenant sur l'e phénomène.
Ainsi pour un récepteur bidimensionnel, on enregistre des images d'un champ plus ou moins grand: il faut
bien définir ce champ avant l'observation bien qu'il soit possible de déplacer légèrement le télescope
pendant l'observation en conservant le satellite occulté ou éclipsé dans le champ. Il faut s'assurer de
pouvoir disposer d'un objet de référence pendant toute l'observation, surtout si le phénomène est long.
Attention, un diaphragme trop grand contiendra trop de fonds de ciel et dégradera le rapport signal/bruit.
Un diaphragme trop petit rendra difficile l'observation du fait du risque de sortie de diaphragme des
satellites (surtout en cas d'agitation atmosphérique).
L'étude du champ des satellites au moment des phénomènes peut se faire à l'aide des logiciels
d'éphémérides relatives des satellites accessibles sur le site web de l'IMCCE à l'adresse www.imcce.fr/sat.
V - L'observation
L'observation des satellites galiléens est aisée pour plusieurs raisons:
- ils sont brillants (magnitude 5)
- ils orbitent loin (en distance apparente) de la planète Jupiter (jusqu'à 14 minutes de degré)
Ci-après, une image du système de Jupiter dans un petit télescope.
Figure: le système de Jupiter (champ: 20 minutes de degré)
Bien que ces observations soient faciles à réaliser, les nuits sont trop courtes pour faire tous les préparatifs
à une observation de phénomènes. L'improvisation n'est pas souhaitable et il est préférable de se préparer
à 'avance et de disposer d'une procédure écrite à suivre scrupuleusement afin de ne rien oublier
(calibrations, ...).
L'observation des satellites de Saturne est plus difficile comme le montre l'image du champ ci-dessous. La
magnitude des satellites va de 8 à 14.
Figure: le système de Saturne (champ: 10 minutes de degré)
Malgré cette difficulté et au besoin d'un télescope un peu plus puissant, le principe des observations de
phénomènes et le même que pour les satellites galiléens.
a) la préparation
Bien que la courbe puisse être utilisée de manière relative, la calibration et les rattachements
photométriques à des étoiles connues (de type quasi-solaire) peuvent être utiles. Tout cela doit
impérativement être fait avant le phénomène si ce dernier a lieu en fin de nuit. Pendant le phénomène, un
autre satellite peut servir d'objet de référence. Attention à bien identifier les satellites surtout dans le cas
d'un montage optique un peu compliqué. On trouvera ci-dessous le principe du choix des diaphragmes,
fondamental dans le cas de photomètre à un ou plusieurs canaux.
Attention pour le guidage durant l'observation (surtout dans le cas de phénomènes longs) : il faut prévoir
les mouvements relatifs des satellites, qui peuvent ne pas être linéaires ; là encore, les configurations
calculées pour une heure avant et une heure après le phénomène vous aideront.
Les magnitudes des satellites galiléens sont mal connues dans les couleurs non-standard; de plus, elles
varient très sensiblement avec la position orbitale des satellites. Il importe donc d'enregistrer chaque
satellite individuellement avant et après chaque phénomène.
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