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entreprendre en Scic
)Dossier(
10 ans des Scic
Un bilan positif et
porteur de perspectives
S
Picture tank/ Raphael Trapet
Créé par la loi du 17 juillet 2001 (suivie par le décret du 21 février
2002), le statut Scic, Société coopérative d’intérêt collectif, fête
son 10e anniversaire. Avec près de 200 entreprises sous statut
Scic à fin 2010 dans tous les métiers et deux nouvelles créations
chaque mois, la pertinence du statut n’est plus à démontrer. Le
bilan des dix années passées permet aussi d’identifier les améliorations nécessaires pour répondre aux enjeux d’un développement économique multi-partenarial dans de nombreuses filières
en France.
« … il manquait
en France un
échelon pour des
entreprises d’utilité
sociale »
i l’aventure a commencé avec la loi de 2001
pour les toutes premières Scic, qui ont
chacune leur histoire particulière et étonnante, elle était un peu antérieure pour
tous ceux qui ont œuvré à la naissance
d’un statut d’entreprise dédiée à l’intérêt
collectif. Trois courants de réflexion ont
donné naissance à la Scic : le programme
européen Digestus, grâce auquel les Français ont appris à connaître les formes existantes ailleurs, comme les coopératives
sociales italiennes ; l’expérimentation territoriale menée par la Confédération générale des Scop et le Groupement national
de la coopération (aujourd’hui Coop FR,
qui représente toutes les familles coopératives en France) ; et enfin les apports de la
Délégation interministérielle à l’économie
sociale. L’idée d’une loi pour un nouveau
statut était dans l’air.
L’arrivée-surprise d’un secrétaire d’Etat
PARTICIPER Octobre . Novembre . Décembre 2011
à l’Économie solidaire en 2000 a permis
au projet de loi de griller les étapes. A
l’époque délégué interministériel, Hugues
Sibille a participé à l’élaboration du projet :
« il manquait en France un échelon pour des
entreprises d’utilité sociale, qui garde l’équilibre entre l’activité économique et l’utilité
sociale. On voulait aussi impliquer des collectivités locales dans le tour de table, tout en
continuant à être candidat à des subventions.
Il y a dix ans, et encore aujourd’hui, on a besoin d’entrepreneurs motivés, parce qu’il n’y a
pas d’avantage particulier à se mettre en Scic.
Il n’y a que de l’intérêt collectif ! »
Alix Margado, délégué Scic à la CG Scop et
l’un des meilleurs connaisseurs du statut
en France, rappelle les objectifs initiaux
des promoteurs du statut : « réunir plusieurs
acteurs dans une même structure, plutôt que
de créer des groupements avec des statuts
différents, autrement dit faire un projet éco-
11
Participer 641
)Dossier(
nomique global ; réaliser ce projet dans une
logique décentralisée, c’est-à-dire soit sur un
marché local, soit dans une filière spécialisée pallier les manques statutaires des autres
types d’entreprises quant à l’utilité sociale
(ni les associations, ni les coopératives de
consommateurs ne peuvent avoir de salariés
dans la gouvernance ; les Scop ne peuvent
y associer leurs clients) et enfin anticiper le
désengagement financier programmé des
pouvoirs publics ». Si les Scic ont connu
quelques échecs, comme pour tout type
de création d’entreprise, c’était le plus
souvent parce que le modèle économique
n’était pas assez solide. En revanche, la
complexité apparente du sociétariat a plutôt aidé les porteurs à affiner leur projet et
à régler leurs priorités.
Sur le terrain, après quelques réticences
initiales, des collectivités territoriales ont
mis un pied, et même les deux, dans les
Scic. Ancien dirigeant de la Scop Scodec,
le député des Deux-Sèvres, Jean Grellier
s’est tout de suite intéressé à cette innovation juridique. Il a suscité la création de
Scic, comme Cinémas Bocage et continue
de soutenir de nouveaux projets, comme
un centre d’accueil pour la petite enfance
ou une société de bois-énergie. À l’Assemblée nationale, Jean Grellier essaye de
convaincre ses collègues des atouts des
Scic.
Hugues Sibille : « la simplification de
l’agrément préfectoral serait une bonne
chose ».
Agriculture
Le boom des circuits courts
Proximité, agriculture biologique, circuit court, coopérative d’intérêt collectif, voilà
des mots qui vont bien ensemble. La filière agricole est sûrement une des voies
pour lesquelles la formule Scic peut apporter de bonnes réponses. Depuis plusieurs
années, la CG Scop a notamment noué des partenariats avec la Fédération
nationale des Cuma (coopératives d’utilisation de matériel agricole), pour trouver
d’autres façons de faire localement, et plus récemment avec la FNAB (Fédération
nationale de l’agriculture biologique). En lien avec le milieu agricole, plusieurs Scic
de production et de commercialisation de bois-énergie (des plaquettes de chauffage issues des haies) ont trouvé leur modèle économique et leur public.
En Normandie, les acteurs de l’agriculture bio, réunis au sein d’Inter Bio Normandie, ont créé en 2008 une Scic, nommée presque à l’identique Inter Bio Normandie
Services pour développer des actions auprès de la restauration collective des deux
régions normandes. La volonté des agriculteurs et transformateurs bio était de
construire un outil économique pour subvenir aux besoins de la restauration collective, en créant une plateforme logistique pour faciliter les livraisons de produits
bio normands dans les restaurants. Un pari déjà gagné avec deux salariés et une
soixantaine de clients : lycées, collèges, restaurants scolaires, cuisines centrales.
Cela constitue autant de nouveaux débouchés pour les agriculteurs bio.
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Simplification et développement
en filières
Beaucoup d’idées fleurissent pour arriver
à faire passer les Scic de 200 à 500 dans
les trois prochaines années, comme le
souhaite Hugues Sibille : « la simplification
de l’agrément préfectoral serait une bonne
Environnement
Inventer les métiers verts de demain
Dans les secteurs de l’environnement, du recyclage ou des
énergies renouvelables, beaucoup de techniques ou de process
restent à inventer. Le multisociétariat de la Scic est un terreau
particulièrement adapté pour des innovations qui touchent
notre vie quotidienne. À Angoulême, deux Scic jumelles, Revi
+ et Envie 2E s’occupent de la question des déchets, des professionnels ou des particuliers. « Revi + nous a permis de faire
notre réputation, évoque Jean-Pierre Caume, le gérant. Nous
sommes reconnus pour la qualité de notre travail et pour la
rigueur de notre gestion. » Revi + est une association qui s’est
transformée en coopérative en 2004. C’est aussi une entreprise
d’insertion, qui fait 600 000 euros de chiffre d’affaires, avec
une dizaine de salariés, dont la moitié en insertion. Pour franchir de nouvelles étapes, elle vient de s’installer, avec Envie 2E,
dans des locaux flambant neufs.
Les collectivités locales, en particulier le Grand Angoulême, se
sont associées à l’aventure dès le départ, en entrant au capital.
La Chambre de commerce est aussi entrée au capital, dans la
catégorie des usagers. Toutefois, dans ce secteur, les besoins
en capitaux restent importants. « Les investissements pour
les nouveaux locaux se sont élevés à 2 millions d’euros, mais
l’intérêt collectif en vaut la chandelle. »
PARTICIPER Octobre . Novembre . Décembre 2011
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Santé
Un secteur à défricher
La santé est un autre secteur dans lequel la gestion privée avec un
intérêt collectif en associant toutes les parties prenantes devrait
apporter une réponse adaptée. De nombreuses Scic oeuvrent en
particulier à l’insertion des personnes handicapées. En 2009, l’Atelier des gens de mer, à Oléron (Charente-Maritime), est devenu la
première entreprise adaptée sous forme Scic. Elle donne du travail
à des personnes handicapées, le plus souvent d’anciens marinspêcheurs «débarqués», ayant subi des accidents. Aujourd’hui, ils
réalisent des prestations haut de gamme, en réparant des filets de
pêche. « Depuis le début, nous avons le soutien des élus locaux
et de la SNSM (Société nationale de sauvetage en mer) qui ont
compris l’intérêt de notre projet », souligne Thierry Leques, le fondateur de toutes ces structures qui vont bientôt réunir 80 salariés
en insertion et 30 encadrants. Il faut dire qu’avec les coopératives
maritimes, la Scic ne leur paraît pas si éloignée. « Le statut nous
a permis de nous positionner comme des entrepreneurs, des professionnels et pas simplement comme des travailleurs sociaux »,
affirme Thierry Leques. Le Québec et le Japon ont déjà lancé des
projets d’entreprises dans le secteur de la santé, liant implication
des usagers, construction autour de besoins locaux et ancrage
territorial. Avec l’Atelier des gens de mer, on assiste au démarrage
de telles initiatives en France.
PARTICIPER Octobre . Novembre . Décembre 2011
toyens sur l’économie ». Par exemple, dans la
Scic Centre d’abattage de Chalais Sud Charente, agriculteurs, bouchers, salariés et
élus, qui sont présents dans les catégories
d’associés de la Scic, débattent ensemble
de toutes les décisions économiques, qui
doivent être bonnes pour l’entreprise, et
aussi pour les usagers et pour le territoire.
Beaucoup d’autres secteurs apparaissent
ainsi propices à un développement des
Scic dans les territoires. On peut penser à
l’eau, l’énergie ou la santé, mais aussi à la
culture, à la garde d’enfants ou aux maisons de retraite.
Pascal Trideau, directeur général de la CG
Scop, insiste pour sa part sur la dimension
du vivre-ensemble : « dans une Scic, on coconstruit le projet. L’approche entrepreneuriale n’empêche pas de prendre en compte
les besoins des différentes parties prenantes.
© Pascal Langlois
Jacques Cottereau : « les Scic apportent
des solutions nouvelles aux territoires ».
chose. En parallèle, il faut aussi améliorer
l’accompagnement, comme le font déjà les
Unions régionales des Scop, et aussi l’accès
aux financements pour les coopératives qui
atteignent une taille critique. Enfin, il faudrait peut-être faire co-exister deux types
de coopératives d’intérêt collectif : celle qui
existe actuellement et une seconde, dans une
logique de partenariat public-privé, comme il
existe deux modèles de coopératives sociales
en Italie ».
De son côté, Jacques Cottereau, vice-président de la CG Scop, confirme le potentiel
des Scic dans les territoires : « elles apportent des solutions nouvelles aux territoires,
des solutions qui sont à la fois économiques
et sociales. Dans une coopérative, les gens
s’écoutent et discutent. Cela permet d’aboutir
aux meilleurs services et aux meilleurs coûts
sur un territoire. Il y a une attente forte des ci-
Culture
Concilier l’art et l’économie
Le secteur culturel et artistique est lui aussi fortement coopératif. L’artistique et l’économique y sont liés sans que l’un l’emporte sur l’autre, les
artistes sont impliqués dans la gouvernance de l’entreprise et des collectifs
se créent là où les personnes sont souvent isolées. « Avant de passer de Sarl
en Scic, nous étions déjà proches des valeurs et des pratiques de l’économie
sociale, se souvient Noëlle Tatich, gérante de la Scic Atla, la première école
de musiques actuelles en France, située dans le 18e arrondissement parisien.
Nous avions une vingtaine d’associés, qui acceptaient de ne pas recevoir
de dividendes. Quand ce nouveau statut est apparu, c’est l’habit qui nous
allait. Nous sommes sortis de la notion de pouvoir pour aller vers une
entreprise partagée. » L’Ecole Atla donne des possibilités de développement
artistique à des musiciens professionnels et leur trace des pistes pour qu’ils
vivent de leur métier. Le Village Atla regroupe plusieurs structures, dont
la coopérative d’activités et d’emploi Clara, qui s’occupe aussi d’artistes
en difficulté. Depuis qu’elle a été retenue par la Ville de Paris pour gérer le
centre musical Barbara, qui accueille des nouveaux groupes, son activité
s’est accrue. L’équipe monte désormais jusqu’à une quarantaine de professeurs et les élèves sont toujours plus nombreux. Elle est une des premières
Scic en termes de chiffre d’affaires.
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Participer 641
)Dossier(
La Scic apporte de la valeur ajoutée économique et sociale. Il faut amplifier l’approche
par filières dans les nouveaux secteurs : santé,
environnement, éducation ». Bâtir des projets économiques citoyens, cela rejoint les
ambitions d’autres réseaux depuis longtemps impliqués dans des partenariats
avec les coopératives, comme la FN Cuma
ou plus récemment la Fnab (agriculture
biologique), l’Acepp (Association des collectifs enfants parents professionnels), des
réseaux d’éducation populaire ou encore
des Ehpad (établissements d’hébergement
pour personnes âgées dépendantes). La
première crèche de l’Acepp sous forme
Scic est par exemple née cette année. Un
signe annonciateur de l’arrivée prochaine
de nouveaux bébés Scic ? Éric Larpin
Rapport Warsmann :
des avancées pour les Scic ?
Label Route, plate-forme de logistique urbaine, marque sa volonté d’être efficace
écologiquement
ENQUÊTE DE LA CG SCOP : Qui sont les Scic ?
Depuis le dépôt, le 28 juillet dernier, d’une
Les Scic en activité au 31 décembre 2010
Le service études de la
200
Scic selon leur
proposition de loi Répartition
du député des
Jean-Luc
CGâge
Scop a mené une
190
Warsmann sur « la simplification du droit 38 % enquête nationale
de
toutes
les
au service de la croissance et de l’emploiEntre
», 2 et 5auprès
ans
150
Scic afin d’en dresser
dans la lignée d’un rapport remis au Prési133
un bilan après 10
dent de la République, les
35 Scic
% attendent
ans
d’existence.
Au
Moins
2 ans
pour la fin de l’année,
desdeavancées
sur
100
27 %
98
nombre
leur statut. La proposition de loi est en Plus de
5 ans de 190 à fin
décembre
2010,
les
Scic
discussion à l’Assemblée nationale et au
55
en activité ont presque
50
Sénat.
doublé au cours de
La première simplification proposée porte
ces trois dernières
9
sur l’aménagement, voire la suppression
0
années, augmentant
2002
2006
2004
2008
2010
de l’agrément. Selon les termes du rapen moyenne au rythme
port, « une telle mesure serait de nature
de deux nouvelles Scic
Les Scic ont presque doublé ces 3 dernières années.
à encourager la création de Sociétés coopar mois (cf. visuel 1).
pératives d’intérêt collectif dont le nombre
Actuellement, plus
a augmenté de 220 entre 2002 et 2010,
d’une Scic sur quatre
des cas). Par ailleurs, 68 % sont des Scic
soit en moyenne deux créations par mois…
est en activité depuis plus de cinq ans
SARL et les autres des SA.
Ce type de sociétés permet de créer ou de
(cf. visuel 2). Sur le territoire métropolitain,
En termes de gouvernance, les assemblées
maintenir bon nombre d’activités qui dison note une relative concentration des Scic
générales des Scic comptent en moyenne
dans la moitié sud.
paraîtraient ou n’existeraient pas sans un
80 personnes physiques ou morales assoLes créations de Scic sont pour 59 % d’entre
ciées . En plus des salariés et des bénéfipartenariat décloisonné au niveau local ».
elles des créations ex-nihilo, les autres étant
ciaires, de nombreux autres types d’assoLa deuxième mesure propose de faire bénéissues de transformations d’organisations
ciés participent au pilotage de l’entreprise,
ficier les Scic des régimes fiscaux du mécéexistantes, souvent une association (31 %
et parmi eux, des collectivités territoriales
nat et d’autres agréments, pour avoir droit
au sein de 37 % des Scic.
à des aides à l’emploi réservées à des orgaLes Scic en activité au 31 décembre 2010
200
Aujourd’hui,
une
Scic sur six est active
Répartition des Scic selon leur âge
nismes reconnus pour leur gestion désindans
un
domaine
scientifique ou tech190
téressée. Rappelons que les Scic, comme
38 %
nique,
souvent
en
rapport
avec
les
métiers
Entre 2 et 5 ans
150
toutes les entreprises de droit commun,
de l’environnement. L’industrie, y compris
133
ne peuvent bénéficier de mécénat et sont
35 %
la distribution d’électricité et la gestion des
Moins de 2 ans
par ailleurs soumises à la règle européenne
100
27 %
déchets, ainsi que le commerce
occupent
98
Plus de 5 ans
dite de minimis. Enfin, la dernière propochacun plus de 10 % des Scic. D’autres
55
sition porte sur les collèges de vote et les
50 se distinguent
secteurs
tels les services, la
quorums en assemblée générale.
santé et l’action sociale, la culture, l’ensei9
En savoir plus : www.economie.gouv.fr/
gnement.
0
2002
2006
2004
2008
2010
files/rap-warsmann.pdf
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PARTICIPER Octobre . Novembre . Décembre 2011
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