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Lille 2, université du droit et de la santé
Ecole doctorale n° 74
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
LA DIGNITE DU MOURANT
Mémoire présenté en vue de l’obtention du Master Droit Recherche,
mention droit des personnes et de la famille
Par Zouheir ZAIRI
sous la direction de Monsieur le professeur DUPUIS
Année 2004-2005
Mémoire publié après autorisation du jury sur http://edoctorale74.univ-lille2.fr
Sommaire
Introduction......................................................................................................... 3
Titre 1 – La reconnaissance de la dignité du mourant.................................. 18
Chapitre 1 – La reconnaissance de la dignité autonomie du mourant...................................19
Section 1 – Les enjeux de la reconnaissance.....................................................................20
Section 2 – Les critères de la reconnaissance................................................................... 28
Chapitre 2 – La consécration de la dignité accompagnement............................................... 39
Section 1 – Le droit à une qualité de vie du mourant et souffrance physique...................40
Section 2 – Droit à une qualité de vie du mourant et souffrance sociale.......................... 47
Titre 2 – Les limites de la dignité du mourant................................................54
Chapitre 1 – La dignité autonomie à l’épreuve du droit à la vie........................................... 55
Section1 – Le rejet d’un aspect négatif du droit à la vie.................................................. 55
Section 2 – Les atteintes à la vie du mourant....................................................................72
Chapitre 2 – L’altération de la dignité accompagnement du mourant.................................. 82
Section 1 – Les atteintes à la liberté de choisir son traitement......................................... 82
Section 2 – L’article 35 alinéa 2 du Code de déontologie médicale : une atteinte à la
liberté du malade en fin de vie.......................................................................................... 87
CONCLUSION.................................................................................................. 93
BIBLIOGRAPHIE............................................................................................ 97
2
Introduction
Un nouveau principe directeur est apparu sur la scène juridique : la dignité du mourant.
Cette notion a été introduite notamment dans le nouveau Code de déontologie médicale de
1995. En effet, l’article 38 de ce Code dispose que : « Le médecin doit accompagner le
mourant jusqu’à ses derniers moments. Le médecin doit (…) assurer par des soins et mesures
appropriés la qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade ». Les deux
termes du sujet seraient problématiques. Pourtant, la dignité du mourant n’est définie nulle
part. La notion de dignité humaine appartient à l’ordre des valeurs éthiques ; elle réveille les
sentiments les plus humains. C’est le principe directeur d’un ordre que l’on voudrait
humaniste. Le mourant, quant à lui, est un vivant particulier puisqu’il est proche de la mort.
A priori, la dignité un concept polymorphe ou un terme polysémique.
En effet, « la » définition du petit Larousse est la suivante : « 1 Fonction éminente dans l’Etat
ou dans l’église. 2 Se dit des choses où l’on sent éminence et noblesse. 3 Respect qu’on se
doit à soi-même : « compromettre sa dignité ». 4 Gravité dans les manières. 5 Affectation
d’importance ». La dignité a fait son entré dans notre vocabulaire contemporain ; on l’emploi
dans de nombreux domaines mais peut être pas toujours à bon escient. Quelles sont les
origines de ce concept ? Historiquement, la dignité est un concept religieux et philosophique.
En effet, « l’affirmation de la dignité de la personne humaine trouve son origine dans la
religion »1 2. Mais le concept de dignité est certainement aussi un concept philosophique.
KANT affirme ainsi que : « la dignité de la personne humaine est une valeur intérieure
absolue par laquelle l’homme force au respect de lui-même comme de toutes les autres
1
BOSSU (B.), Collection Lamy Droit civil- Lamy Droit des personnes et de la famille, Mai 2000, p°208-1.
Selon Monsieur Lustiger, cardinal et Archevêque du diocèse de Paris : « La dignité de la personne humaine, a
son fondement dans cette définition biblique de l’homme ». LUSTIGER (J-M.), Recueil Dalloz Sirez, 1995,
Chronique, p°9
2
3
créatures raisonnables (c’est à dire tous les autres êtres) (…) l’homme est responsable de
l’humanité en sa propre personne »3. Quant à Pascal, il estime que : « Toute la dignité de
l’homme est en sa pensée. Mais qu’est-ce que cette pensée ? » ; « L’homme est visiblement
fait pour penser, c’est toute sa dignité et son mérite »4
La dignité est communément définie comme « la défense de ce qui fait l’humanité de
l’homme »5 La dignité : « n’est autre que la qualité de l’appartenance au genre humain. Si
tous les êtres humains composent l’humanité, c’est qu’ils ont tous cette qualité de dignité dans
les plan de l’humanité, nous disons qu’ils sont tous humains et dignes de l’être »6Par
conséquent, « Le droit va donc protéger ce qui, en chaque personne, fait qu’elle est personne
humaine »7
le terme « mourant » serait vague8. Doit-on préciser qui sont les mourants ? Peut-on définir la
dignité de la personne humaine ? Pour nombre de juristes, l’exercice serait vain, hasardeux ou
trop complexe au regard de la diversité des conceptions. Pourtant, le législateur a très
récemment consacré la notion de dignité du mourant9. Certains juristes pensent que la dignité
est une référence propre aux seules lois bioéthique de 199410. C’est à cette occasion en effet
que la notion fut introduite dans le Code civil en tête d’un chapitre intitulé « Du respect du
corps humain » : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité
de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de la vie » (art16). Ce
texte est jugé « grandiloquent »11, « emphatique »12 , « incantatoire »13 et même « assez
prétentieux »14 par la doctrine. Dans l’ordre juridique international, le concept de dignité
humaine a été reconnu par la déclaration universelle des droits de l’homme qui proclame « la
3
EISNER (R.), Kant-Lexikon, Gallimard, 1994, p280.
PASCAL, Pensées, édition Brunschwig .
5
MOLFESSIS (N.), La dignité de la personne humaine, Economica, 1999, p.114.
6
EDELMAN (B.), « La dignité de la personne humaine, un concept nouveau », Recueil Dalloz 1997, 23e cahier.
7
BOSSU (B.), « La dignité de la personne humaine, Collection Lamy Droit civil- Lamy Droit des personnes et de
le famille- Lamy, Mai 2000, p.208-217.
8
(B) LEGROS, « Les malades en fin de de correspondent aux mourants (…) Les textes utilisent des variantes
pour qualifier les malades en fin de vie : personnes ou patients en fin de vie, malades en phase terminale, voire
personnes proches de la mort. Mais c’est la formulation « malades en fin de vie »qui exprime le mieux ce que
recouvre ce terme : ce sont les mourants, qui, par euphémisme, ne sont plus que rarement désignés comme tels
dans les textes récents qui les concernent », Les droits des malades en fin de vie, Les études hospitalières, 2000,
p.1.
9
Loi n°2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie J.O n°95 du 23 avril 2005, p.
7089.
10
DREYER (E.), « Les mutations du concept juridique de dignité »,RRJ 2005 I,p.19.
11
FENOUILLET (D.), « Protection de la personne-Principes »,J.Cl civ. Art. 16 à 16-12, Fasc. 10,2. 1997, n°
32,p9.
12
MOLFESSIS (N.), « La dignité de la personne humaine en droit civil », in La dignité de la personne humaine,
sous la dir. De PAVIA (M-L) et REVET (T.),Economica 1999,p.120.
13
NEIRINCK(C.), « La dignité de la personne humaine ou le mauvais usage juridique d’une notion
philosophique », in Ethique, droit et dignité de la personne, Mél. Bolze C., Economica, 1999,p.24.
14
DREYER (E.) ,préc.,note10,p.20.
4
4
reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine » et affirme
« sa foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans sa dignité et la valeur de la personne
humaine ». La Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés
fondamentales du 4 novembre 1950 n’emploie pas le terme de dignité mais y fait référence
implicite en prohibant les traitements inhumains et dégradants. La charte des droits
fondamentaux de l’union européenne a été solennellement proclamée lors du sommet de Nice
des 7 et 8 décembre 2000, conjointement par le Parlement européen, la commission et le
conseil. Cette charte indique dans son chapitre 1 intitulé : « dignité », article 1 (relatif à la
dignité) : « La dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée »15.
De plus, certains droits européens ont directement reconnu le principe de dignité dans leur
ordre juridique constitutionnel en tant que partie intégrante des droits fondamentaux. C’est le
cas notamment de la constitution italienne de 1947 qui dispose dans son article 3 : « Tous les
citoyens ont une même dignité sociale et sont égaux devant la loi », formule que reprend la
constitution portugaise de 1976 à son article 13-1, ou encore de la constitution Allemande,
adoptée le 23 mai 1949, qui dispose dans son article premier : « La dignité de l’être humain
est intangible ». Citons encore la déclaration universelle des droits de l’homme du 10
décembre 1948 qui proclame dans son préambule : « la reconnaissance de la dignité inhérente
à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le
fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ».
Mais cette « inflation » de la notion en droit international ne doit pas cacher les ambiguïtés qui
entourent la formulation de la dignité dans les conventions et les résolutions internationales16.
Le concept de dignité de la personne humaine a été intégré dans de nombreux textes de droit
interne. La notion de dignité est reprise, on l’a vu, dans les articles 16 du Code civil et 38 du
Code de déontologie médicale. La même acception est retenue par la loi n°99-477 du 9 juin
1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs, l’objet de ses soins étant de
« sauvegarder la dignité de la personne malade ». Enfin, l’article premier de la loi du 22 avril
2005 qui impose aux médecins de ne pas faire d’obstination déraisonnable (aussi appelé
acharnement thérapeutique ou encore dysthanasie) dispose que « Le médecin sauvegarde la
dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l’article L111010 » Le principe de la dignité du mourant est ensuite rappelé trois fois dans cette même loi
15
Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2000/C 364/01), J.O.C.E., série C, n°
364 du 18 décembre 2000,p.1.
16
BENCHINCK (M.), « La dignité de la personne humaine ou le mauvais usage juridique d’une notion
philosophique », in Ethique, droit et dignité de la personne, Mél. Bolze C., Economica, 1999,. P.38.
5
(articles 4 et 6 :refus de soins article 9 :procédure de limitation ou d’arrêt d’un traitement
inutile, disproportionné ou n’ayant d’autre objet que la seule prolongation artificielle de la
vie).
Depuis le 27 juillet 1994, le Conseil constitutionnel, à l’occasion d’une saisine aux fins de la
recherche de la constitutionnalité des lois bioéthique, a fait passer cette notion du domaine de
l’éthique à celui du droit en lui donnant une valeur constitutionnelle17. Le Conseil
constitutionnel a énoncé que « la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute
forme d’asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle ». La
dignité est donc entrée dans la sphère du droit au plus haut niveau de sa hiérarchie : au niveau
constitutionnel. La dignité semble être un principe qui ordonne sans condition c’est à dire un
principe indérogeable, ce qui emporterait comme conséquence qu’il n’a pas à être concilié
avec les autres. La dignité s’est diffusée dans toutes les branches du droit, tant le droit privé
que le droit public depuis cette consécration. La loi et la jurisprudence se sont emparées afin
de rendre le droit « digne ». Sur la base de ce « principe absolu s’il en est », le droit public
s’en est emparé en abandonnant une conception strictement matérielle de l’ordre public c’est à
dire en y incluant le respect de la dignité de la personne humaine18 ; Dans cette arrêt de
l’assemblée générale du Conseil d’Etat rendus le 27 octobre 1995, ce principe apparaît ainsi
comme une limite à l’exercice de la liberté individuelle. Le principe est présent en droit du
travail : il faut sauvegarder la dignité du salarié19.
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel affirme que les dispositions des lois bioéthiques
n’ont pas leur dignité propre, mais il assure que « les principes ainsi affirmés tendent à assurer
le respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité humaine » La biologie est le
domaine qui se rapproche le plus de celui de la vie et de la mort ; L’appréhension de ce
domaine par le principe de la dignité a été entérinée ; et pourtant, cette appréhension a fait
l’objet d’assez virulentes critiques. Selon Madame THOUVENIN : « La fonction véritable de
la dignité est la fixation des limites qui peuvent être apportées à la protection de la
personne »20. La dignité ne devrait pas être un principe se donnant comme un absolue.
Mademoiselle LEGROS estime que cette législation introduit : « une dignité à la carte de la
société »21 et que « l’acceptation de cette position conduit à faire de l’argumentation de cette
17
DUPRAT (J.P), « A la recherche d’une protection constitutionnelle du corps humain : la décision n°94-343344 DC du 27 juillet 1994 », petites affiches 14 déc 1994.p34
18
Cons .d’Et .27 oct 1995,JCP.1996.II.22630, note Hamon
19
BOSSU (B.), «La dignité de la personne humaine ». Lamy droit personne et de la famille études 208p8.
20
THOUVENIN (D.), Les lois n°94-548 du 1er juillet 1994, n°94-653 et n°94-654 du 29 juillet 1994 ou comment
construire un droit de la bioéthique, ALD.1995,n°70,p162
21
LEGROS (B.), Dignité et législation en éthique biomédicale, Cerf 1994, p.69
6
organisation, même si elle ne s’en rend pas comte, un véritable cheval de Troie dans un but de
s’approprier les organes notamment des personnes aux frontières de la vie et de la mort »22. La
problématique est là, la dignité à d’abord servi à « protéger les faibles » ; de nos jours, le
concept de dignité est utilisé à tout va. Les horreurs de la deuxième guerre mondiale ont fait
prendre conscience au monde que la dignité inhérente à la personne humaine pouvait être
bafouée. Les textes d’après-guerre ont donc juridiciser ce concept ; Les polémiques nées de la
brevetabilité du génome humain et le retentissement provoquée par le clonage de la célèbre
brebis ‘dolie` ont entraîné la nécessité pour l’homme de se protéger par rapport à son
appartenance à l’humanité entière23. On sait dorénavant que certains actes bien précis sont à la
dignité. La difficulté réside dans le fait de savoir qui est juge de ma dignité : moi ou les
autres ?
Pour certains, la notion de dignité humaine est flexible. Le risque est qu’au nom de la dignité,
on ose affirmer que certaines personnes qui n’ont plus aucune qualité de vie ne font plus
partie de l’humanité. Le Conseil d’Etat dans sa décision sur l’attraction du « lancer de nain »,
a considéré que le respect de la dignité s’imposait, »en tant que tel, par son objet même »,
comme une composante de l’ordre public et s’impose à l’individu, qui se trouve protége
contre lui-même24. Le commissaire du gouvernement FRYDMAN exprime clairement cette
compréhension du principe : « Le respect de la dignité humaine ne saurait s’accommoder de
quelconques concessions en fonction des appréciations subjectives que chacun peut porter à
son sujet »25. L’idée est de considérer la dignité comme intrinsèque c’est à dire de rejeter toute
appréciation car toute appréciation fait appel à un jugement. La dignité devrait être une notion
intrinsèque en particulier dans le domaine de la fin de vie parce que toute démarche de soins
serait incompatible avec un point de vue moral : « la dignité de l’homme est inaliénable,
propre à la condition de l’homme. Tant que l’homme est vivant, il reste digne. Parler de la
dignité ou de l’indignité de l’autre comporte un point de vue moral, un jugement de valeur
normatif tout à fait incompatible avec une démarche de soins26. Ce premier courant doctrinal
considère que la dignité est un principe dont la personne humaine n’est pas maître, qui
s’impose à elle et même, comme dans l’affaire du « lancer de nain », qui la protège contre
elle-même.
Si la personne n’est pas libre d’apprécier ce qui est ou non digne d’elle et pour d’elle, il faut
que la définition de sa dignité lui soit donnée de l’extérieur, par une « autorité ». Laquelle ?
22
LEGROS (B.),préc., note 8,p.8.
DUMONT(F.), Le sexe, élément de la dignité du salarié »,Mémoire de DEA, lille2,2001,p.5.
24
ROUAULT (M.C), L’interdiction par un maire de l’attraction dite de « lancer de nain », petites 1996 n°11,p.29
25
FRYDMAN (P.), concl sous l’arrêt du 27 oct 1995,AJDA 1995,p.942
26
GROSBOIS (P.), Vieillir et mourir : de la déchéance à la mort, Jalmav 1992, n°31, p.29
23
7
Comme le note Monsieur FROMENT : « Qui pourrait songer aujourd’hui à contester que le
problème économique et sociaux est au cœur d’une vie digne, que le principe de la dignité
réside précisément dans les moyens de mener une vie économiquement et socialement
décente ? Nous ne voyons pas (…) ce qu’il y a moralement aggravant, d’indigne, dans la
volonté d’échapper au chômage, au RMI, à la solitude et au mépris de la société toute
entière ». « Transposée » dans le domaine de la fin de vie, la question de la nature objective
(« un principe absolu s’il en est ») ou subjective (un nouveau droit subjectif ?) de la dignité se
pose avec une acuité particulière. Le principe de dignité de la personne humaine milite-t-il
pour un droit de mourir dans la dignité ou au contraire pour une interdiction de
l’euthanasie ?27.
Certains considèrent que, même diminué, l’homme est toujours un être unique auquel on ne
peut volontairement retirer la vie28. La dignité serait donc une notion absolue, Quels que
soient les dommages infligés par la maladie, nul être humain ne peut perdre sa dignité29. Peuton infliger une mort atroce à un individu ? Pour d’autres, la dignité est une notion relative et
le droit de mourir dans la dignité milite en faveur de l’euthanasie30. L’ambivalence de la
notion de dignité se manifeste avec le problème de l’euthanasie.
Il est impossible de dire ce qu’est la dignité ; pourtant ce concept est une notion centrale du
débat sur l’euthanasie. La preuve en est : la dépénalisation de l’euthanasie aux Pays-Bas a été
considérée comme un « viol de la dignité humaine » pour le Vatican31 et comme l’apogée de la
dignité humaine pour l’ADMD. On peut donc affirmer que « deux conceptions de la dignité
peuvent être retenues, l’une objective à laquelle l’euthanasie porte ou porterait atteinte, l’autre
subjective que l’euthanasie promeut »32.D’un côté, l’association pour le droit de mourir dans
la dignité, l’ADMD, propose une théorie séduisante basée sur la dignité. Ces objectifs sont
généraliser la lutte contre la douleur, faire admettre le droit au refus de l’acharnement
thérapeutique mais aussi de rendre légal le testament de vie c’est à dire une déclaration de
volontés à laquelle le corps médical serait tenu de se conformer. Enfin, l’ADMD milite pour
que l’euthanasie soit dépénalisée « comme c’est le cas dans de nombreux pays »33. Selon
27
Définition de petit Larousse : Pratique consistant à abréger la vie d’un malade incurable, pour lui épargner des
souffrances inutiles.
28
NEIRINCK(C.), La dignité de la personne humaine ou le mauvais usage juridique d’une notion philosophique,
in Ethique, droit et dignité de la personne, Mél. Bolze C., Economica, p.41
29
GUILLOTIN(A.), La dignité du mourant, in Ethique, dr et dig de la pers, p318
30
MOLFESSIS (N.), La dignité de la pers hum en dr civil, in La dig de la pers humaine, Economica, 1999,
p.125,note
31
Le monde 30 septembre 2000, « Les Pays-Bas sont le premier pays au monde à légaliser l’euthanasie », p2
32
RYCKEWAERT(G) , « L’euthanasie face au droit » Mémoire DEA lilleII 2001,p42
www.ADMD.fr
33
8
l’ADMD, « il est incontestable que les soins palliatifs apportent dan l’accompagnement des
mourants une solution appréciable et humaine. Cependant, même en espérant qu’ils puissent
atteindre dans les années à venir un développement suffisant pour répondre au besoins du plus
grand nombre des malades, ils ne peuvent pas répondre à toutes les situations et n’apportent
pas de solution à ceux qui, atteints de maladies incurables et invalidantes ou en situation
pathologique irréversible, formulent le souhait de voir s’arrêter une vie jugée par eux vide de
sens »34. L’ADMD propose une théorie selon laquelle chacun est juge de sa dignité ce qui
implique la reconnaissance éventuelle d’indignité justifiant une demande de mort ce qui
représenterait « un triomphe sur la mort ». On triomphe alors de la mort en décidant de son
moment. Or l’individu a lui-même la possibilité d’un tel « triomphe ». C’est évidemment le
suicide, qui peut avoir le sens d’un refus de la maladie ou d’un insupportable vieillissement,
c’est-à-dire d’un abandon de la vie à son cours naturel ou biologique, et d’une volonté de
contrôle sur ce qui, normalement, échappe au pouvoir humain. Choisir de mourir en se
supprimant, c’est-à-dire quand et comme on le décide, c’est maîtriser l’événement même de la
mort et transformer en un effet de la volonté. Alors que, ordinairement, la mort intervient
toujours au mauvais moment, dans la mesure où elle interrompt tout projet ou action en
supprimant l’avenir, celui qui choisit le moment de sa mort l’intègre dans son propre projet et
la transforme en résultat d’une action qui est bien la sienne. Selon l’ADMD, choisir de
mourir, c‘est mourir dans la dignité. Qu’il s’agisse de Sénèque ou de Montherlant, le suicidé
prouve sa capacité à exercer sa volonté jusque dans le domaine qui, d’ordinaire, lui échappe.
Mais le suicide pose un problème moral : le rigorisme kantien en conteste la validité, puisqu’il
n’est évidemment pas « universalisable » : il témoigne d’une attitude peu compatible avec le
pari sur une humanité universelle35. A contrario, on peut penser qu’il y a dans le suicide un
désir d’échapper, beaucoup plus qu’à la mort elle-même, aux conditions habituelles de
l’existence humaine.
D’un autre côté, le « drame de l’euthanasie » qui a été condamné dans l’Encyclique papale de
1995. Pour le Pape, l’euthanasie est un des symptômes les plus alarmants de la « culture de
mort ». L’euthanasie est définit comme « une action ou une omission qui, de soi et dans
l’intention, donne la mort afin de supprimer ainsi toute douleur » La tentation de l’euthanasie
est la tentation « de se rendre maître de la mort en la provoquant par anticipation ». Mais Dieu
a dit : « c’est moi qui fait mourir et qui fait vivre ». JEAN-PAUL II qualifiait les Etats qui
légalisent l’euthanasie de « tyrans ». En revanche, JEAN-PAUL II différenciait l’euthanasie
34
Proposition de loi « relative à l’aide à la délivrance volontaire en fin de vie » a été enregistrée à la présidence
de l’assemblée nationale le 4 février 2004 ».www.ADMD.fr
35
ISRAEL (J-J), Droit des libertés fondamentales, LGDJ, 1998,p2.
9
du renoncement à l’acharnement thérapeutique. Lorsque la mort s’annonce imminente et
inévitable, « on peut en conscience renoncer à des traitements qui ne procurerait qu’un sursis
précaire et pénible de la vie ». Les soins palliatifs sont tolérés. Jean-Paul II lançait également
un appel aux familles. La famille. La famille est le « sanctuaire de la vie », elle est donc la
première à devoir promouvoir la « culture de vie » Signalons l’opposition de toutes les autres
religions à l’euthanasie. Pour le Judaïsme, « il faut, dans tous les cas, continuer les soins
normaux exigés par la maladie »36 ; pour l’Islam, « le médecin est habilité à sauver les vies et
non à les abréger »37.
La position du droit français est actuellement assez nette : « Il refuse à la fois l’euthanasie
passive, c’est à dire la recherche délibérée du malade par une décision d’abstention
thérapeutique, et l’euthanasie active, qui consiste à administrer des médications anesthésiantes
et létales à la demande ou non du patient »38.
La loi du 22 avril 2005 n’a pas dépénalisé l’euthanasie qui continue donc à relever du droit
pénal ordinaire c’est à dire à être très sévèrement réprimée…. en théorie. Toutefois, la dignité
du mourant soulève bien d’autres questions.
La reconnaissance de la dignité de la personne malade en général est issue d’une longue
maturation39 et s’est faîte sous l’impulsion du droit international et européen40. Par exemple,
on peut citer la Déclaration des droits du malade de 1981 de Lisbonne, la résolution du
Parlement européen du 19 janvier 1984 formulant la charte européenne des droits des patients,
la Déclaration d’Amsterdam de 1994 sur la promotion des droits des patients en Europe
élaborée sous l’égide de l’OMS et la Convention sur les droits de l’homme et la bio-médecine
signée à Oviedo le 4 mars 1997.
En France, la loi et la jurisprudence ont admis progressivement un ensemble de droits
subjectifs au patient. La loi n°2002-303 du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la
qualité du système de santé41 a « cristallisée »42 certains de ces droits et en a crée de nouveaux
dans un souci de « démocratie sanitaire »43, ce qui a été perçue comme le signe d’une
36
Conseil de l’Europe, « La santé face aux droits de l’homme, à l’éthique et aux morales », p173. Editions du
conseil de l’Europe, 1996
37
Id.p.175
38
GUILLOTIN(A.) ,préc., note28 , p.324.
39
PONSEILLE (A.) , « Le droit de la personne malade au respect de sa dignité » Revue générale de droit médical
n°11 2003 p159
40
PINET (G.), « La promotion des droits des patients en Europe », Petites Affiches, 1997, n°61,.27 et s
41
J.O, 5 mars 2002, p4118 et suiv.
42
PONSEILLE(A.), « Le droit de la personne malade au respect de sa dignité ». Revue générale de droit
médicaln°11,2003.p.159.
43
ENFEL(F.) , « Santé publique : demain, une démocratie sanitaire ? », Décision santé, n°185, p.11-12
10
consumérisation du contrat médical44. Le droit de la personne malade au respect de sa dignité
a été affirmée par cette loi ; il n’avait pas été jusqu’alors formellement et spécialement énoncé
dans la législation française. Cette consécration fait suite à la « découverte »45 du concept de
dignité par le droit à propos duquel, on l’a vu, la doctrine se montre très prolixe. Cette
consécration ne fait qu’entériner la reconnaissance tacite du droit de la personne malade au
respect de sa dignité dans la jurisprudence. En effet, ce droit de la personne malade au respect
de sa dignité était « en germe » tant dans des décisions des juridictions judiciaires que dans
celles des juridictions administratives46.
Tout d’abord, ce droit à été reconnu par la jurisprudence à propos du malade envisagé de
manière générale. Certaines juridictions judiciaires du fond s’étaient référées expressément au
concept de dignité du malade. Par exemple, il a été jugé que, « l’obligation d’obtenir le
consentement du patient repose sur le respect de la liberté humaine »47. De même, le médecin
est tenu « (...) d’obtenir le consentement du malade avant de pratiquer une opération(..) ; en
violant cette obligation imposée par le respect de la personne humaine, il commet une atteinte
grave aux droits du malade »48. Ou encore, « l’absence de consentement du malade est
incompatible avec la dignité humaine »49. Ensuite, la première chambre civile de la Cour de
cassation, dans un arrêt en date du 9 octobre 2001 a déclaré que « le devoir d’information du
médecin vis-à-vis de son patient trouvait son fondement dans l’exigence du respect du
principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine »50. Le Conseil
d’Etat, quant à lui, a reconnu qu’en donnant à un patient des indications volontairement
erronées et susceptibles d’avoir des conséquences fâcheuses sur son traitement, un médecin
avait manqué aux obligations qui sont siennes par rapport à un malade, notamment de
respecter sa dignité51.
Enfin, cette référence jurisprudentielle à la dignité à été remarquable dans des hypothèses plus
spécifiques. En particulier, le respect de la dignité de la personne malade a été reconnu à
l’égard des patients dans le coma. La cour d’appel de Bordeaux a énoncé qu ‘« à moins de la
considérer comme une personne morte civilement et simple objet de soins assurant son
maintien en une vie devenue artificielle, la victime d’atteintes gravissimes et maximales à la
44
PONSEILLE (A.),préc., note 41,p.161.
PAVIA (M.L) , « La découverte de la dignité de la personne humaine », p.3 et suiv., in La dignité de la
personne humaine(sous la dir. De (M.L) Pavia et (Th). Revet), Paris, Economica, 1999, 181 p.
46
PONSEILLE(A.),préc., note 41,p.163.
47
C.A Douai, 10 juill. 1946, D. 1946, juris., p. 351 et suiv.
48
Req., 28 janv. 1942, Teyssier, D. 1942, juris ., p.63 et suiv.
49
C.A. Lyon, 27 juin 1913, Gaz. Pal., 1913, p.507.
50
Droit et Patrimoine, 2002, n°103, p. 92 et suiv., obs. CHABAS (F.).
51
C.E., 30 sept. 1988, M.Fock Yee c./ Conseil national de l’Ordre des médecins, n°66.223.
45
11
conscience doit être respectée dans sa dignité humaine et protégée dans l’ensemble de ses
droits en tant que personne »52 La deuxième chambre civile a statuée dans le même dans une
espèce similaire, mais sans faire référence à la dignité53 mais les commentateurs de cette
décision sont convaincus que l’idée de dignité était sous-jacente54.
En réalité, bien avant la loi de 2002, le droit de la personne malade au respect de sa dignité
était inscris dans les textes, mais cette inscription était partielle et négative55. En effet,
l’énonciation de ce droit était fragmentaire et visait surtout la protection du mourant ou
malade en fin de vie. L’article L.1111-4 du Code de la santé publique devenu l’article L.111010 indiquait que les soins palliatifs visent notamment à sauvegarder la dignité de la personne
malade. On peut aussi citer l’article 37 du code de déontologie médicale qui interdit
l’acharnement thérapeutique. De plus, la doctrine visait les obligations incombant au
personnel soignant en parlant de ses « devoirs d’humanisme »56 orientés vers le respect de la
personne et de la dignité humaine57, et dont les violations constituaient des fautes contre
l’humanisme58.
C’est le drame de Vincent HUMBERT (jeune tétraplégique qui, selon ses proches, demandait
le droit de mourir) qui a crée une très forte médiatisation sur le problème de l’euthanasie, et
souvent d’ailleurs les évolutions sur les problèmes de société partent d’événements fortement
médiatisés, mais ce n’est jamais par hasard ! C’est que cela interpelle de nombreuses familles
qui vivent des cas tout aussi dramatiques. Dès lors, l’assemblée nationale s’est préoccupé du
problème, ce qui l’a conduit à créer une mission d’information parlementaire composée de 31
membres représentant toutes les formations politiques. Cette mission a procédé à 81
auditions ; elle a écouté des historiens, des philosophes, des sociologues, des représentants des
religions monothéistes, des représentants des loges maçonniques, des professionnels de santé,
des représentants du monde associatif et des responsables politiques.
La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à l’accompagnement de la fin de vie
contient pour l’essentiel trois séries de dispositions qui complètent le Code de la santé
publique. Les trois axes de la loi nouvelle sont les suivants : la lutte contre la souffrance, le
refus de l’obstination déraisonnable et le renforcement des droits des malades, en particulier
52
C.A. Bordeaux, 18 avril 1991,D. 1992, II, juris., p.14 et suiv., nota S. Gromb
Civ. 1ére, 22 févr. 1995(2 espèces), JCP., éd G, 1996, II, 22570, note Y. Dagorne-labbé
54
MATHIEU (B.), « La dignité de la personne humaine : quel droit ? quel titulaire ? », D. 1996, p.285.
55
PONSEILLE(A.) , « Le droit de la personne malade au respect de sa dignité »p159 n°11 2003 Revue générale
de droit médical
56
GROMB (S.), « De l’influence du consumérisme sur l’humanisme médical », Gaz. Pal., 1997, II, doct., p. 768
57
CLEMENT(C.), p. 17,sous Civ. 1ére, 9 oct. 2001
58
HARICHAUX(M.), « La responsabilité médicale. Les fautes contre l’humanisme », Droit médical et
hospitalier, 2001, 18-1, p.1
53
12
des mourants. Telles sont les réponses du législateur aux attentes de la société relatives à
l’accompagnement de la fin de vie. Ces réponses sont-elles adaptées à nos valeurs, à notre
système juridique et aux pratiques médicales ?
Les réflexions que les membres de la mission d’information sur l’accompagnement de la fin
de vie concernent la mort, la liberté et la dignité. Les mourants devraient quitter la vie chez
eux, entouré de leur famille et de leurs amis, bien souvent vêtus de noir. Aujourd’hui, ils
meurent à l’hôpital entouré d’inconnus vêtus de blanc. « Chaque société a la mort qu’elle
mérite ».
Notre société moderne nie la mort, cette mort est occultée par sa médicalisation et par la
technicité des soins. Il n’en fût pas toujours ainsi ; la revendication d’un droit à la mort
apparaît récente à la lumière de l’histoire et aurait été impensable à une certaine époque.
La perception de la mort a profondément évolué. Les historiens la décrivent comme un
phénomène familier. Pendant des siècles : « La mort était (…) presque toujours annoncée en
un temps où les maladies un peu graves étaient presque toujours mortelles »59. La mort
familière impliquait que normalement, l’on savait que l’on allait mourir et que l’on avait le
temps de s’y préparer : « On ne meurt pas sans avoir eu le temps de savoir qu’on allait mourir.
Ou alors c’était la mort terrible, comme la peste ou la mort subite, et il fallait bien la présenter
comme exceptionnelle, n’en pas parler »60. On attendait la mort au lit, « gisant au lit,
malade »61. «Au contraire un décès brutal était une fin redoutée »62 parce qu’elle privait
l’homme de sa mort en ne permettant pas le repentir.
La mort faisait l’objet d’une cérémonie publique et organisée par le mourant lui-même qui la
présidait et en connaissait le protocole. On entrait librement dans sa chambre ; même les
passants suivaient le cortège mortuaire qu’ils rencontraient dans la rue en entrant à sa suite
dans la chambre du malade63. On cohabitait avec la mort : « L’attitude traditionnelle devant la
mort apparaît comme une masse d’inertie et de continuité. L’attitude ancienne où la mort est à
la fois familière, proche et atténuée, indifférente »64. La mort était « apprivoisée » selon
l’expression d’ARIES. Selon ARIES, on attendait paisiblement la mort entouré de sa famille.
D’autres historiens critiquent cette idéalisation et cette généralisation de la mort bourgeoise ;
certains doutent que les gens du peuple eussent droit à une mort paisible en raison des
59
ARIES (P.), Essais sur l’histoire de la mort en occident. Du moyen-âge à nos jours, Coll. Points 1975,p.18et s.
Id. p.167.
61
Id. p.18.
62
DEMORY (J.L), « Les réactions sociales devant la mort, in Manuel de soins palliatifs sous dir. (M.L). Lamau,
Privat 1994, p8
63
ARIES(P.),préc., note59,p.23.
64
ARIES(P.),préc.,note59,p.24.
60
13
souffrances endurées. « Evoquer la mort comme cruelle sans doute, au temps de la vie brève,
mais attendue, assumée, naturelle somme toute, et prise en charge par le tissu des solidarités
communautaires, c’est peut-être céder à une certaine idéalisation, qui risque de ne refléter que
nos ignorances, encore profondes sur une période de la source rare, où les traces de
l’archéologie ne pallient que partiellement les silences de l’écrit »65.
Une évolution progressive a conduit de la mort apprivoisée à la mort escamotée. Tout
d’abord, à partir du XIIe siècle, on prend conscience de sa propre mort. Ensuite, à partir du
XVIIIe siècle, « l’homme des sociétés occidentales tend à donner à la mort un sens nouveau.
Il l’exalte, la dramatise, la veut impressionnante et accaparante (…) La mort est désormais de
plus en plus considérée comme une transgression qui arrache l’homme à sa vie quotidienne, à
son travail monotone, pour le soumettre à un paroxysme et le jeter alors dans un monde
irrationnel, violent et cruel »66. Désormais, la mort devient une rupture.
La mort fait peur et est perçue comme le mal absolu. Pour Monsieur THOMAS, « L’occident
d’aujourd’hui vit la mort comme obscène et scandaleuse (…) Car dorénavant la mort cesse
d’appartenir au monde naturel ; c’est une agression venue du dehors (…) Ne dit-on pas
spontanément de quelqu’un qui vient de mourir : qu’est-ce qui l’a tué ? De quoi est-il mort ?
(…) L’homme moderne pratique en permanence une stratégie de la coupure : vie/mort
pensées en termes antinomiques »67. ARIES a écrit que « ce ne sont plus les enfants qui
naissent dans les choux, mais les morts qui disparaissent parmi les fleurs »68. Les familles et
les malades qui montrent leurs difficultés à vivre des moments difficiles dérangent les bien
portants. Aujourd’hui, il est presque indécent de montrer sa peine. Cette gêne de notre société
justifie le mensonge fait aux mourants. Très souvent, les personnes en fin de vie ne sont pas
informées sur leur état de santé. L’origine de ce mensonge réside dans le désir de l’entourage
de ne pas faire souffrir le malade. Mais ce souci, « dû à l’intolérance à la mort de l’autre et à la
confiance nouvelle du mourant dans son entourage, a été recouvert par un sentiment différent,
caractéristique de la modernité : éviter non plus au mourant mais à la société, à l’entourage
lui-même, le trouble et l’émotion trop forte, insoutenable, causés par la laideur de l’agonie et
la simple présence de la mort »69. Pourtant, l’article L. 1111-2 du Code de la santé publique
reconnaît au malade le droit d’être informé sur son état de santé.
65
VOVELLE(M.), l’heure du grand passage. Chronique de la mort, Découvertes Gallimard, n°171, 1993, p.15
ARIES (P.)préc.,note59,p.46.
67
THOMAS (L.V), La mort , Que sais-je ? PUF, 2003 p23
68
ARIES (P.), L’homme devant la mort, Seuil, 1977, p581
69
Id.p.584.
66
14
Face à cette mort désocialisée, notre société s’interroge depuis de longues années sur les choix
qu’elle doit proposer aux personnes en fin de vie, à leurs familles et à ceux qui les soignent.
Comment donc appréhender la notion de dignité du mourant ? Comment expliquer les
revendications contradictoires auxquelles elle donne lieu ? L’euthanasie, par exemple,
apparaît aux uns attentatoire à la dignité humaine mais est revendiquée par les autres au nom
du « droit » de mourir dans la dignité. La dignité du nain dans l’affaire du « lancer de nains »
apparaît ainsi comme une limite à l’exercice de la liberté individuelle alors que celle de la
personne qui cherche un logement décent serait plutôt une garantie d’épanouissement.
Comment dépasser ces paradoxes ? Comment concilier l’idée de protection minimale et celle
de liberté reconnue à chacun dans le domaine de la fin de vie ? Deux idées se dégagent.
La dignité constitue d’abord une garantie du bon ordre social c’est à dire un principe qui
ordonne sans condition. Il s’agit d’un impératif qui assure la protection minimale à laquelle
toute personne a droit en tant qu’être humain ; cette dignité là est d’appréciation objective.
Cette conception de la dignité est implicitement présente dans un nombre important de textes
depuis 1986.
Ensuite, on peut concevoir la dignité comme une garantie d’épanouissement offerte à tous à
condition de l’envisager de côté de l’individu et non de la société ; on peut avoir une
conception subjective de la dignité. Ainsi, la volonté du malade est davantage prise en compte
depuis la loi KOUCHNER du 4 mars 2002.
Il y aurait donc deux approches pour un même concept. L’une des deux n’est-elle pas de trop
sous cette appellation ? L’affirmation du nécessaire respect de dignité de la personne humaine
comme garantie du bon ordre social n’est certainement pas nouvelle70. L’intolérable ne peut
conduire en effet qu’à la révolution. Il s’agit d’éviter le recours à cette extrémité71. En ce sens,
le respect de la dignité était déjà assuré grâce aux notions d’ordre public, de bonnes mœurs,
d’intangibilité et d’indisponibilité de la personne. En revanche, dans sa dimension subjective,
le principe de dignité réalise un progrès considérable parce qu’elle consiste à mettre en avant,
au-delà de ce qui rassemble les hommes, ce qui les distingue et fait leur richesse.
Quel est le rôle de la dignité dans le domaine de la fin de vie ? L’affirmation de la dignité du
mourant renforce l’autonomie de la personne. Mais il est bien évident que le médecin ne peut
consulter qu’un malade apaisé. Par conséquent, la dignité subjective est aussi une exigence
d’accompagnement. En effet, il faut prêter attention aux angoisses et aux souffrances du
malade en fin de vie afin de connaître ses aspirations. Il nous semble que le concept peut se
70
71
CORNU (G.), Droit civil, Introduction, les personnes, les biens, Montchrestien, 2001, 10ème éd.,p.195,n°457.
DREYER (E.), « Les mutations du concept juridique de dignité » RRJ-2005I p20
15
subdiviser encore une fois. Là est la spécificité de la dignité du mourant. Une double idée se
dégage.
La dignité du mourant correspond à l’idée d’autodétermination de la personne. Même
lorsqu’elle concerne un malade en fin de vie, la décision médicale ne doit jamais être
clandestine. Deux modèles s’opposent dans la relation médecin-malade : le modèle
paternaliste et le modèle autonomiste. Sauf exceptions, le modèle paternaliste, fondé sur le
principe de bienfaisance, n’est plus acceptable aujourd’hui. Dans la seconde moitié du XXe
siècle, le modèle autonomiste s’est peu à peu imposé. Nous appellerons ce principe selon
lequel le mourant est le maître de sa mort comme il a été le maître de sa vie, le principe de
« dignité autonomie » du mourant. Nous verrons que la loi du 22 avril 2005 reconnaît de
nouveaux droits aux futurs mourants.
Toutefois, dans quelle mesure peut-on dire que l’on respecte la dignité (subjective) des
malades souffrant d’une affection dont le pronostic peut être létal et qui ne bénéficient pas des
soins et de l’accompagnement dont ils ont besoin ? En ce qui concerne la prise en charge de la
douleur, une loi72 fait désormais obligation aux établissements de santé et aux établissements
médico-sociaux de prendre en charge la douleur des patients qu’ils accueillent. L’amélioration
du traitement de la douleur constituait un préalable pour les personnes en fin de vie : il ne peut
pas y avoir de respect de la « dignité autonomie », de réponse aux aspirations du mourant, si la
douleur n’est pas correctement prise en charge. Mais le traitement de la douleur ne suffit pas :
les concepts de « soins palliatifs » et « d’accompagnement », désormais très bien définis73,
sont l’expression d’une prise en charge globale qui n’est que très insuffisamment développée
en France. En bref, il s’agit d’accompagner le mourant pour qu’il ne se retrouve pas face à une
simple alternative : la souffrance jusqu’au bout ou la mort. Nous appellerons « dignitéaccompagnement » ce principe qui réveille les sentiments les plus humains selon lequel le
mourant à droit à une qualité de vie. De toute évidence, cette dignité reste à construire.
Le vieillissement de la population nous impose de réfléchir sur les soins qu’attendent des
personnes de plus en plus âgées. S’il y a 200 ans, 8% de la population franchissaient le cap
des 75 ans, ils sont aujourd’hui 58% dans ce cas. Dans le même temps, l’apparition de
maladies comme le sida a touché des personnes jeunes, peu préparées à affronter la mort.
Le débat sur la fin de vie est au confluent de multiples données démographiques, sociales et
médicales.
72
73
Loi n°95-116, du 4 février 1995, portant diverses dispositions d’ordre social, J.O., 5 février 1995, p.1992.
LEGROS (B.), préc., note8 p.446.
16
Le flou dans la définition expose des médecins réanimateurs qui arrêtent chaque année entre
75000 et 100000 appareils de réanimation, à des risques de poursuites judiciaires non
négligeables, faute de règles en la matière. Une stricte définition de cette dignité du mourant
constituerait néanmoins la meilleure des garanties pour la sécurité juridique des médecins.
Le droit au respect de la personne mourante présente les caractères suivants : il exprime la
solidarité entre les humains et sa reconnaissance entraîne des interdits et des limites. Nous
étudierons donc dans un premier temps, la reconnaissance de la dignité du mourant (titre
premier) et dans un second temps, les limites de celle-ci (titre second).
17
TITRE 1 – LA RECONNAISSANCE DE LA DIGNITÉ DU
MOURANT
En réalité, les deux approches ne sont pas opposées mais complémentaires. Dans un premier
cas, la dignité s’affirme dans la liberté (Chapitre 1) ; dans le second cas, elle génère des droits
subjectifs (Chapitre 2). Dans un cas, elle relève de la liberté individuelle en modifiant le
contrat médical, dans l’autre de la créance envers l’Etat.
18
Chapitre 1 – La reconnaissance de la dignité
autonomie du mourant
HOERNI74 distingue trois périodes dans l’histoire de la relation médecin-malade. La médecine
« traditionnelle », d’HIPPOCRATE au 18éme siècle maintient le malade en position
d’obéissance vis-à-vis du médecin. C’est seulement dans la seconde moitié du 20éme siècle
que, le modèle « autonomiste » va peu à peu s’imposer : il inspire la jurisprudence (dès le 20
mai 1936 un arrêt de la Cour de cassation édictait les conditions du consentement informé du
patient) et le législateur, mais aussi les recommandations des comités d’éthique notamment
celle du comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé en date
du 12 juin 1998 concernant le « consentement éclairé et l’information des personnes qui se
prêtent à des actes de soin ou de recherche »75.
L’idée est que la liberté est nécessaire à la dignité de l’individu. Il ne saurait y avoir de respect
de la personne, et donc de reconnaissance de sa dignité dans une situation de contrainte
d’oppression76.Cette idée de dignité autonomie ressort très bien de la décision rendue par le
Conseil constitutionnel lors de l’examen des premières lois « bioéthique »77La conception de
la dignité comme convenance personnelle envers soi s’appuie sur la liberté individuelle.
Laissée à la libre appréciation de la personne, la dignité est une façon pour l’individu
d’exprimer sa liberté et d’exercer son autodétermination.
D’autres textes récents formulent de façon quasiment identique le lien entre l’autonomie du
patient et l’obligation du médecin de respecter sa dignité, notamment la loi HURIET sur la
protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales78 et la loi du 29 juillet
1994 relative au respect du corps humain79. La référence constante des textes cités au respect
de l’autonomie du patient ne laisse aucun doute quant à l’adhésion des juristes et
déontologistes aux principes qui sous-tendent le modèle autonomiste. Comme le souligne
Monsieur FROMENT, Le soignant se doit de « restituer toute sa liberté de vivant au soigné,
74
HOERNI (B.), L’autonomie en médecine. Nouvelles relations entre les personnes malades et les personnes
soignantes. éd Payot.Paris1991.
75
Rapport et recommandations n°58 du Comité Consultatif national d’éthique.Cahiers du CCNE 1998,178,3-22
76
V.continuant,néanmoins,d’opposer dignité et liberté :B.Edelman, »La dignité de la personne humaine, un
concept nouveau ».D1997,Chron.,p.187.
77
CC.27 juill.1994.D.1995,Jurisp.p237,note MATHIEU (B.).
78
Loi n°88-1138 du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches
biomédicales.JO 22 déc 1988
79
Loi n°94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain.JO 20 juillet 1994.p11056-11059.
19
pour demeurer dans la situation du face à face éthique, sans profiter de la faiblesse d’un
homme pour exercer un pouvoir sur lui »80.
Il n’en reste pas moins qu’en ce qui concerne les malades en fin de vie, de nombreuses
difficultés ont subsisté. Obliger quelqu’un à vivre n’est-ce pas, d’une certaine façon, attenter à
sa liberté ? La lutte contre la douleur ne pouvant résoudre tous les problèmes, il est des
situations qu’un individu peut juger insupportables à vivre mais avons-nous le droit de refuser
une vie jugée indigne ? Le problème est celui du choix des conditions et du moment de sa
mort. La place qu’occupe ce modèle « autonomiste » peut paraître ambivalente.
Cependant, au cours de ces brefs développements, nous allons tenter de démontrer que le
mourant n’est plus cet individu passif qui se déchargeait entièrement sur le médecin de la
responsabilité de la décision le concernant. La dignité autonomie du mourant est donc un
principe à la fois recherché pour lutter contre les nouvelles peur de la souffrance et de la
déchéance (section 1) et un principe nécessaire pour poser des critères relatifs aux décisions
de la fin de vie (section 2).
Section 1 – Les enjeux de la reconnaissance.
Faut-il respecter la volonté d’un mourant de refuser les soins indispensables ? Le refus de soin
exprimé par le patient dont l’état de santé requiert des soins urgents peut entrer en conflit avec
les obligations du médecin. La volonté du malade peut entrer en opposition avec le devoir de
toute personne, et surtout celui du médecin de porter assistance et secours (I). C’est pourquoi,
le droit reconnaît la dignité-autonomie du mourant pour condamner l’obstination
déraisonnable (II).
I – Les enjeux théoriques : peut-on disposer de sa
vie ?
Or, s’il est de principe que la volonté du malade en matière de soins doit être respectée, la loi
du 4 mars 2002 relative aux droits des malades ne prévoit pas la possibilité de passer outre
cette volonté clairement exprimée en cas de soins urgents(A) Cependant, les personnes
conscientes en fin de vie peuvent estimer à un moment donné que les traitements qui leur sont
administrés ne leur apportent plus aucun bénéfice. La loi du 22 avril 2005 autorise la personne
80
FROMENT(A.), Maladie , souffrance et médecine soignante. Ed des Archives contemporaines. Paris 2001.
20
en fin de vie à limiter ou à refuser des traitements qu’elle ne peut plus endurer en lui conférant
des droits spécifiques (B)
A – Une autonomie de décision soumise à conditions.
Le refus de soins a pendant longtemps été repoussé par la tradition médicale française fondée
sur le paternalisme médical. Si le refus de soins allait à l’encontre de la santé du patient, il
n’était pas admis même s’il était libre et éclairé. La jurisprudence a admis progressivement le
refus de soins avec réticence. Il résulte d’un arrêt de la Cour de cassation du 3 janvier 1973
que le refus persistant, obstiné et même agressif du patient permet au médecin de se dégager
de sa mission81. Dans ce cas, le respect de la volonté du malade ne fait pas encourir au
médecin des poursuites pour non-assistance à personne en danger. Dans un arrêts en date du
27 janvier 1982, le Conseil d’Etat énonce que « quels qu’aient été les motifs allégués par sa
cliente pour refuser l’intervention, le médecin devait s’abstenir ».
Cette jurisprudence qui reconnaît indirectement la dignité autonomie du mourant
(logiquement, si le motif est la recherche du trépas par abstention de soins, le médecin doit
s’incliner) est rare (et pour cause, les mourants n’ont pas le temps de faire une action en
justice) malgré la médicalisation de la mort.
Un médecin doit-il être sanctionné lorsqu’il porte atteint au corps d’une personne sans le
consentement d celle-ci afin d ‘en sauvegarder la santé ? L’article 16-3 alinéa 2 du Code civil,
inséré dans ce Code par la loi du 29 juillet 1994, dispose que « le consentement de l’intéressé
doit être recueilli » avant de porter atteinte à son corps humain « hors le cas où son état rend
nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir ». Le fait
d’être membre d’une secte place t-il la personne hors d’état de consentir ? Le Conseil d’Etat,
dans un arrêt du 26 octobre 2001, semble l’avoir considéré en refusant d’estimer fautif le
médecin qui avait pratiqué contre la volonté d’un témoin de Jéhovah une transfusion sanguine
dans le seul but de tenter de le sauver. La solution allait-elle être la même après la réforme
opérée par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades ? L’artile L.1111-4 du Code
de la santé publique, issue de cette loi, est très clair pour interdire au médecin d’intervenir
contre la volonté de la personne. Il dispose, en effet, que : « le médecin doit respecter la
volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de
la personne de refuser ou d’interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit
tout mettre en œuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables. Aucun acte
81
Cass.Crim.,3janv.1973,Bull.crim,n°2,p.4
21
médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la
personne et ce consentement peut être retiré à tout moment ».
Mademoiselle LEGROS estime qu’il ne faut pas prendre à la lettre l’article L1111-4 car la loi
pénale qui punit l’abstention de porter secours n’aurait plus de sens. Effectivement, les
juridictions administratives ont maintenu la solution selon laquelle les médecins peuvent
ignorer le refus d’un témoin de Jéhovah de recevoir une transfusion sanguine lorsqu’ils
accomplissent, dans le but de sauver le patient, un acte indispensable à sa survie et
proportionné à son état, après avoir tout mis en œuvre pour le convaincre d’accepter les soins
indispensables.
Cette jurisprudence administrative dite Senananayake-Feuillatey82, telle qu’elle ressort
notamment des arrêts du 26 octobre 200183, des arrêts rendus par la Cour administrative
d’appel de Paris le 9 juin 199884 ou encore de l’ordonnance rendue par le Tribunal
administratif de Lille le 25 août 200285, est fréquemment présentée comme fondée sur la
philosophie kantienne. Elle révèle une certaine conception de la dignité qui « permet le cas
échéant de faire prévaloir l’universel sur l’individuel »86. Il semble que le patient autonome est
celui qui veut conserver la vie, alors que le patient non autonome est celui qui refuse un
traitement vital. La volonté du témoin de Jéhovah n’accède pas à la protection juridique parce
qu’elle n’est pas autonome. On peut se demander s’il n’y a pas un vice interne au
raisonnement consistant à exclure de la protection juridique les « volontés non-autonomes ».
En effet, le droit « n’organise généralement pas une fiction juridique consistant en le fait de
laisser l’Etat décider, mais organise au contraire des systèmes privés de représentation de la
volonté de l’incapable »87. De plus, la volonté non autonome serait un non-sens du point de
vue de Kant.
Quoi qu’il en soit, le principe d’autonomie de volonté n’est pas absolu et si « la volonté doit
être respectée, c’est à la condition qu’elle respecte un ordre public plus impérieux »88.
Mademoiselle LEGROS distingue trois types de refus de soins auxquels le médecin peut être
confronté : « soit c’est un refus du traitement curatif proposé qui peut sauver le malade (par
exemple, un refus de se faire transfuser pour des motifs religieux), soit c’est un refus de tout
82
MATHIEU (B.), « De la difficulté de choisir entre la liberté et la vie », RGDM 2003-9,p.97s.
RTD civ. 2002,p.484,obs HAUSER (J.)
84
D.1999,jur.p.277,note PELISSIER (G.)
85
Gaz.pal.14 févr. 2003,p. 19-24 note GARAY (A.)
86
HENNETTE-VAUCHEZ (S.), « Kant contre Jéhovah ? Refus de soins et dignité de la personne humaine ».
Recueil Dalloz, 2004,n°44.p3154.
87
id.p.3156.
83
88
Dic.bioéth.,p.7187.
22
traitement curatif, soit c’est un refus de tout soin quel qu’il soit »89.Le premier cas ne
s’applique pas à une personne en fin de vie. Dans le second cas, le mourant veut mourir en
paix : il refuse l’obstination déraisonnable. Dans ces deux premiers cas, la personne se
contente des soins ordinaires. Dans le troisième cas, le malade refuse tous les soins, même
ceux de base, ce qui revient à faire une grève de la faim et donc à se suicider. Chez le
vieillard, ce phénomène est appelé syndrome du glissement90.
Est-ce que l’urgence peut se concilier avec les trois refus de soins précités ? Dans le second
cas, le refus de soins du mourant n’est que le corollaire du devoir du médecin de ne pas faire
d’obstination déraisonnable
« La tradition médicale française se perpétue donc et l’introduction du refus de soins dans des
textes législatifs n’a pas donner plus de poids au refus face à l’urgence (…).L’urgence ou le
péril constitue une des limites du malade lorsqu’il souhaite refuser les soins :C’est un fait
justificatif pour les médecins, empêchant toute autonomie absolue, dès lors qu’elle est, pour le
médecin, contraire à l’intérêt du malade ».
B – Le mourant capable de donner un consentement juridique
valable
Le nouvel article L1110-5 du Code de la santé publique est complété par une phrase ainsi
rédigé : Ils ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable, lorsqu’il
n’existe aucun espoir d’obtenir une amélioration de l’état de la personne et qu’ils entraînent
une prolongation artificielle de la vie. L’article 111-10 (incéré par la loi du 22 avril 2005)
dispose quant à lui que : Lorsqu’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection
grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, décide de limiter ou d’arrêter tout traitement,
le médecin doit respecter sa volonté après l’avoir informée des conséquences de son choix.
La décision du malade est inscrite dans son dossier médical.
Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en
dispensant les soins visés à l’article L.1110-10. Le complément du premier alinéa de l’article
L1110-5 du Code de la santé publique consiste, à la lumière de la nouvelle rédaction de
89
LEGROS (B.), l’euthanasie et le droit,.Les études hospitaliéres,éd 2004.p49
« Chez le sujet âgé, le suicide passif se traduit par la cessation volontaire (tout au moins au début), de deux
fonctions entretenant la vie, l’alimentation et l’hydratation, parfois, il peut s’agir de refus de soins curatifs. En
effet, le suicide passif des personnes âgées dévoile souvent une dépression sous-jacente qui doit être traitée, mais
ce type de suicide recouvre seulement en partie ce que l’on appelle en gériatrie le syndrome du glissement »,
PICAULT (L.), « Suicides et tentatives de suicides chez la personne agée »,Gériatrics, pratitiens et troisième
âge,1995,1-2,p.21.
90
23
l’article 37 du Code de déontologie médicale, à préciser le droit de chaque patient de recevoir
des soins appropriés et de bénéficier de thérapeutiques efficaces.
En faisant référence à une personne en phase avancée ou terminale d’une affection grave et
incurable quelle qu’en soit la cause, le critère de la fin de vie serait inspiré par celui qu’a
retenu l’agence nationale d’accréditation et d’évolution en santé (ANAES). Le nouvel article
L1111-10 est crée pour régie cette situation. Il autorise le médecin à limiter ou à arrêter tout
traitement, lorsque le malade en phase avancée ou terminale d’une affection grave et
incurable, quelle qu’en soit la cause, le décide. Dans cette hypothèse, le médecin doit
respecter sa volonté, après l’avoir informé des conséquences de son choix mais est tenu de
dispenser des soins palliatifs.
De surcroît, en autorisant le malade conscient à refuser tout traitement, le dispositif vise
implicitement le droit au refus à l’alimentation artificielle, celle-ci étant considérée par le
conseil de l’Europe, des médecins et des théologiens comme un traitement.
L’acharnement thérapeutique, appelé également dysthanasie, est défini par le professeur Braun
comme le fait de différer, de repousser la mort par des soins intensifs (ou extraordinaires), de
mettre au service du patient des méthodes connues dans des cas où le malade est condamné de
toute façon. La possibilité de refuser les soins a pendant longtemps été repoussée par la
tradition médicale française fondée sur le paternalisme médical. La loi du 4 mars 2002 a
consacré le refus de soins en tant qu’aspect du droit de prendre les décisions concernant sa
santé et la loi crée une obligation juridique pour le médecin de le prendre en compte. L’article
L1111-4, alinéa premier dispose que : toute personne prend avec le professionnel (…) les
décisions concernant sa santé (…) que le médecin doit respecter sa volonté de la personne
après l’avoir informé des conséquences de son choix Cet alinéa vise la personne majeure
capable ainsi que la personne sous curatelle. L’alinéa 2 précise que : si la volonté de la
personne de refuser ou d’interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout
mettre en œuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables. Dans ce cas, le
médecin a dorénavant l’obligation de moyens de le convaincre à consentir. Il ne pouvait pas
passer outre au refus quel que soit le type de soins, ordinaires ou extraordinaires.
L’article 5 de la loi du 22 avril 2005 confère t-il des droits spécifiques à la personne en fin de
vie ? Et d’abord, qu’est-ce qu’une personne en fin de vie ? Cette dernière, à laquelle le
législateur entend prêter une attention toute particulière est définie comme étant dans « la
phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable quelle qu’en soit la cause ». Dès
lors, les deux critères cumulatifs de « phase avancée ou terminale » et d’ »affection grave et
24
incurable quelle qu’en soit la cause », englobant les personnes pour lesquelles, à la suite d’une
maladie, d’un accident de la vie ou d’une extrême vieillesse, le pronostic vital est engagé et
qui se trouvent, soit au terme plus ou moins proche de leur vie, soit dans la phase avancée
mais encore consciente de leur affection grave ou incurable.
On aurait pu penser qu’il n’y avait pas besoin de loi pour dire aux médecins que les
obstinations déraisonnables ne font pas partie de leurs missions. De même, on peut s’étonner
du fait qu’il faille une nouvelle loi après la loi du 4 mars 2002 pour bien préciser que
lorsqu’une personne est en fin de vie, on ne peut pas la soigner contre son gré et qu’un malade
a le droit de refuser un traitement. Cette loi montre d’abord que les médecins avaient besoin
qu’on leur dise à quel moment s’arrête leurs missions et leurs pouvoirs car il y a pouvoirs.
Les dispositions de l’article 5 se comprennent à la lumière du rapport de la mission
d’information. Elles ont pour finalité de permettre à la personne consciente de refuser des
traitements insupportables, alors qu’elle considère que la mort doit désormais accomplir son
œuvre.
II – Les enjeux pratiques : le refus de l’obstination
déraisonnable
Dans les années 1970, l’avancement des technologies a permis de repousser la mort de
manière artificielle et presque indéfiniment, et de suppléer aux insuffisances de la machine
humaine91. Ce que l’on a d’abord appelée « l’acharnement thérapeutique » est alors apparu
comme le corollaire des progrès de la biotechnologie. Selon la société de réanimation de
langue française, « l’acharnement thérapeutique commence là où s’impose aux membres de
l’équipe soignante l’idée d’échec thérapeutique et d’incurabilité du patient, c’est-à-dire que la
poursuite du traitement ne permet pas d’espérer la survie du patient ou ne permet d’espérer la
survie qu’accompagnée de séquelles lourdes, incompatibles avec une qualité de vie acceptable
pour le patient »92. C’est donc un parti-prie, un comportement du médecin qui n’est pas
nuancé. Cette position systématique n’est pas forcément fondée sur des arguments
scientifiques puisque « l’obstination déraisonnable commence là où cesse l’utilité du
traitement ». Il est bien évident que l’obstination déraisonnable peut ne pas respecter la dignité
de la personne humaine. Alors, pourquoi cette attitude ? Selon Monsieur GLORION, cette
opiniâtreté médicale peut s’expliquer de trois manières différentes. D’abord, le progrès, en
91
92
BAUDOIN (J-L.)et BLONDEAU (D.) « Ethique de la mort et droit à la mort », PUF 1993p88
www.srlf.org/publications/ethique2.html
25
particulier en chirurgie et en cancérologie, a apporté des techniques nouvelles et prometteuses.
« Dans l’enthousiasme d’un élan généreux au départ on a voulu en faire bénéficier des patients
jusque là désespérés »93. Ensuite, les sentiments du médecin jouent un rôle de première
importance. Le médecin veut « accomplir son devoir jusqu’au bout : ne pas abandonner le
malade, faire plus pour avoir l’impression de faire bien ». Pour se déculpabiliser, le médecin
accorde un « baroud d’honneur » ( une dernière chance) au mourant.. Enfin, Monsieur
GLORION dénonce l’application aveugle de protocoles, sans faire de nuance entre le
raisonnable et le déraisonnable.
C’est pourquoi les malades en fin de vie ont revendiqué leur liberté face à la mort. On a
reproché aux médecins de maintenir en vie des malades au lieu de les laisser mourir en paix.
Le nouveau Code de déontologie médicale94 contenait déjà tous les éléments qui permettent de
s’opposer à l’obstination déraisonnable, aussi bien dans les traitements abusifs que dans les
investigations qui peuvent être pénibles pour le patient et n’apporter aucune solution. En effet,
le nouvel article 37 de ce Code dispose que : « le médecin doit s’efforcer (...) d’éviter toute
obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique » Le refus de »
s’acharner est donc dorénavant un devoir du médecin.
A – La notion d’obstination déraisonnable ou l’alignement du
droit sur la pratique médicale
L’article L. 1110-5 du Code de la santé publique reconnaissait déjà à chaque personne le droit,
compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, de
recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier de thérapeutiques efficaces. Il a donc
fallu une nouvelle loi après la loi du 4 mars 2002 pour bien préciser que lorsqu’une personne
est en fin de vie, on ne peut pas la soigner contre son gré. Il n’a donc pas fallu une loi mais
deux pour affirmer cette évidence !95 La loi du 22 avril 2005 montre que les médecins avaient
besoin qu’on leur dise à quel moment s’arrêtent leurs missions et leurs pouvoirs car il y a
pouvoirs. On estime que les décisions de limitation ou d’arrêt de traitement touchent
annuellement entre 75000 et 100000 personnes dans les services de réanimation. Mais
l’obstination déraisonnable nourrit aussi des courants de pensée qui, au nom de la dignité
humaine, réclament la dépénalisation de l’euthanasie.
93
www.bmlweb.org/JALMALV-MEDEC.html
Décret n°95-1000, du 6 septembre 1995, portant Code de déontologie médicale,JO, 8 sept. 1995,p. 13305.
95
Intervention de Madame DEKEUWER-DEFOSSEZ Conférence IEJ « Reflexions autour de la loi sur la fin de
vie » 2/12/2004
94
26
L’article premier de la loi du 22 avril 2005 répond donc à un double besoin : d’une part,
accorder une plus grande sécurité juridique au corps médical, d’autre part, offrir des garanties
à l’opinion publique qui craint l’obstination déraisonnable. Cet article premier tend à
compléter l’article L. 1110-5 en posant le principe selon lequel les actes médicaux « ne
doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles,
disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent
être suspendus ou ne pas être entrepris »96. Les critères de reconnaissance de l’obstination
déraisonnable sont donc l’inutilité médicale et la disproportion ; par exemple, on peut penser à
des examens tels que des prélèvements sanguins ou des thérapeutiques comme des
chimiothérapies renouvelées, alors que l’on sait pertinemment qu’aucun traitement
n’améliorera l’état de santé du malade.
Monsieur VERSPIEREN justifie ainsi l’abstention ou l’interruption des traitements : « Est
inutile et doit donc être arrêté le traitement qui n’apporte aucun bénéfice au malade, surtout
quand il crée douleur et inconfort; celui dont le bénéfice est disproportionné par rapport aux
effets nocifs qu’il va entraîner ou celui qui n’a pour but que de contrecarrer la mort en créant
des conditions très difficiles de survie. Dans ces hypothèses, l’arrêt du traitement est
consécutif au constat par le médecin de son impuissance et de la nécessité de laisser la mort
accomplir son œuvre, au contraire de l’euthanasie qui précipite la mort sans que, le plus
souvent, d’autres solutions aient été recherchées »97. Les soins curatifs peuvent alors être
suspendus. Le médecin doit alors dispenser au mourant les soins palliatifs qu’il requiert, afin
de préserver sa dignité et sa qualité de vie.
B – Les limites de la notion d’obstination déraisonnable
Le champ d’application de cet article premier est large car il s’intègre à l’article L.1110-5 qui
figure dans le chapitre préliminaire du Code la santé publique consacré aux droits de la
personne. La portée de l’interdiction est donc générale ; elle concerne toutes les pathologies et
tout les malades.
La condamnation générale de l’obstination déraisonnable des traitements, notamment de la
part du monde médical ne doit pas cacher le fait que les contours de cette notion juridique
restent flous. Cette notion est assortie de certains critères. La loi mentionne les actes
96
Loi n°2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. J.O n°95 du 23 avril 2005
p.7089..
97
Cité par le Rapport de l’assemblée nationale n°1708 fait au nom de la mission d’information sur
l’accompagnement de la fin de vie.www.assemblée.nationale.fr
27
« inutiles », ce qui paraît évident, ceux « disproportionnés », dont la définition est
particulièrement complexe, et ceux n’ayant « d’autre effet que le seul maintien artificiel de la
vie », ce qui peut être bien vaste98. D’un autre côté, on peut penser que seul le médecin peut
définir la notion d’obstination déraisonnable car il s’agit d’un exercice complexe ; il doit
décider pour chaque malade en fin de vie s’il arrête ses soins en deçà de ce que sa mission lui
impose ou s’il va au –delà de ses obligations
Certains praticiens qui refusent l’obstination déraisonnable ont pu avoir le sentiment de
transgresser la loi. Mais il est possible que leurs abstentions étaient déjà tout à fait légitime.
Par conséquent, cette nouvelle inscription du refus de l’obstination déraisonnable risque
d’aboutir à l’excès inverse de l’abandon thérapeutique précoce, redouté par les malades en
gériatrie, qui conduirait à proposer au patient des soins de qualité médiocre sous couvert de
compassion.
La dignité-autonomie de la personne mourante bénéficie, aujourd’hui, d’une reconnaissance
généralisée. Mais le législateur avait beau l’expliciter de façon catégorique, les médecins
s’interrogeaient sur les principes auxquelles il fallait se référer pour émettre une appréciation
sur l’autonomie de la volonté du mourant.
Section 2 – Les critères de la reconnaissance.
On postule que la dignité est le fondement de l’autonomie du mourant donc le seul titulaire est
la personne donc on ne catégorise donc pas. Quelles peuvent donc être les critères de la
reconnaissance de la dignité autonomie du mourant ? Certes, la dignité autonomie est
universelle mais lorsque la personne est hors d’état de manifester sa volonté, le processus
décisionnel est similaire, néanmoins il relève d’une réglementation spécifique. La question est
de savoir quels sont les textes applicables aux personnes incapables de fait (I) ou de droit (II).
I – Le mourant majeur hors d’état de manifester sa
volonté.
Qui sont ces interlocuteurs privilégiés avec lesquelles le médecin peut communiquer lorsque
le malade est hors d’état de manifester sa volonté en raison d’une incapacité de fait suite à son
état de santé ?
98
Etude du groupe socialiste du Sénat. www.sénat.fr
28
A – La personne de confiance
Créée par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, la personne de confiance est
une institution dont le statut était régi par l’article L1111-6 du Code de la santé publique. Il
prévoit, d’une part, que toute personne peut de son vivant, dès lors qu’elle est majeure,
désigner à tout moment une personne de confiance qui est chargée de témoigner de ses
sentiments ou de ce qu’elle souhaiterait faire lorsqu’elle ne pourra pas exprimer sa volonté
dans un cadre médical ; d’autre part, il confie aux hôpitaux le soin de proposer au patient, lors
de son admission, la désignation de cette personne de confiance.
De surcroît, les médecins peuvent recourir aux protecteurs naturels qui n’ont pas été
remplacée par la personne de confiance dont la désignation n’est que facultative. Les
protecteurs naturels sont les membres de la famille proches qui ont une autorité de fait sur
l’incapable. Ils tirent leur légitimité de l’intérêt et de l’affection qu’ils portent au sujet99.
En vertu de l’ancien article L1111-4, lorsque la personne était hors d’état d’exprimer sa
volonté, aucune intervention ou investigation ne pouvait être réalisée, sauf urgence ou
impossibilité, sans que la personne de confiance ou la famille, ou à défaut, un des proches, ait
été consulté. Néanmoins, elle n’avait aucun rôle décisionnel, elle était simplement consultée
et recevait l’information qu’aurait reçu le patient. La personne de confiance peut demander la
non-obstination déraisonnable et le passage aux soins palliatifs. La loi du 4 mars 2002 ne leur
accorde aucun droit de refuser les traitements, ni de consentir au lieu et place de leur
représentés. Leurs revendications seront prises en compte si elles sont en adéquation avec
l’avis médical. Selon Monsieur
DUPONT « La personne de confiance est un dispositif
consistant à désigner une personne de son vivant pour qu’à un moment donné, elle puisse
porter témoignage de sa conviction personnelle (…) On pourrait très bien imaginer que la
personne de confiance soit mandatée par un document avec des indications écrites du patient
sur ce qu’il lui confie réellement »100.
En pratique, le dispositif de la loi du 4 mars 2002 s’est heurté à 3 difficultés :
Qui devra parler avec le patient d’évènements assez désagréables qui son éventuel décès ou sa
perte de conscience ? A priori, c’est le rôle du médecin. »Beaucoup ont relevé la lourdeur de
la tâche, qu’elle requérait beaucoup de temps et qu’il n’était pas possible de la mener
rapidement car elle demandait une consultation approfondie avec le patient. Dans certaines
équipes, il n’existe pas d’empathie par rapport à ce dispositif »101. « Nos contemporains
99
Cass.civ. 1ére, 8 nov. 1955,JCP., 1955,II,9014, note SAVATIER (R.).
Droits des malades et fin de vie : le débats à l’assemblée nationale, collection « débats parlementaires,p15.
101
Id. p17.
100
29
peuvent avoir aussi de la difficulté à prévoir ou à prendre des décisions concernant un avenir
très négatif, à savoir la fin de vie »102 . Enfin, comme l’a relevé Monsieur BENABENT :
« Peut-on autoriser les proches pour employer une terminologie ouverte, à prendre cette
décision ? Les proches étant constitués par la famille, c’est-à-dire par des héritiers, des
confusions d’intérêt peuvent naître »103.Il faut insister sur cette question concernant la famille.
Lors des travaux parlementaires, on a abordé cette personne de confiance. A été abordé aussi
la collégialité médicale et la prise en compte de l’environnement du malade, dans lequel a
priori, on inclut la famille ce qui laisse plusieurs questions en suspens car la loi du 22 avril
2005 n’est pas assez précise.
Cette personne de confiance n’est peut-être pas une personne de la famille (parfois, il vaut
peut être mieux que ce soit une personne différente à cause des tensions familiales). Alors que
se passe-t-il si cette personne n’est pas en accord avec le médecin ? Cette personne de
confiance qui doit être désignée lorsque l’on rentre à l’hôpital, est-elle bien définie dans son
rôle ? N’est-elle pas présentée en arrivant à l’hôpital comme la personne à prévenir en cas de
problème ?104 Dans le cas de la personne âgée, qui est la personne de confiance ? Ce n’est pas
forcément le fils, la personne de confiance peut être l’épouse. On parle de collégialité, de
concertation avec le médecin, de prise en compte de le famille, et si la famille dit qu’elle ne
veut pas « débrancher » et que le médecin aidé de son collègue dit qu’il faut le faire, que se
passe-t-il ? La personne proche a-t-elle un recours ?
Malgré ces obstacles, la personne de confiance verrait son rôle renforcé. Son avis devrait
prévaloir sur tout autre avis non-médical. Cette institution garantirait au mourant que, le jour
où il sera dans l’incapacité d’exprimer sa volonté, une autre personne témoignera de ses
convictions personnelles et en discutera avec le médecin. A priori, on ne peut pas exclure le
fait que la personne de confiance soit médecin. Il n’est pas tout à fait sûr que lorsqu’on rentre
à l’hôpital on explique clairement au malade, ce qu’est une personne de confiance. Les
explications qui ont été données par la mission d’information sur l’accompagnement de la fin
de vie laissent perplexe. La loi paraît très floue, sans doute est-il souhaitable qu’il y ait des
décrets d’application. Certes, le rôle de la loi n’est pas de rentrer dans le détail mais les
mourants qui sont en phase d’être incapable de manifester leur volonté sont aujourd’hui dans
102
Id.p18.
Id.p25.
104
D’autant qu’il ne faut pas confondre personne de confiance et la personne à prévenir. D’ailleurs, l’article
R.1112-3 du Code de la santé publique différencie dans le dossier médical du patient la personne de confiance et
la personne à prévenir. Les médecins sont obligé dans le dossier de soins d’avoir deux rubriques. Intervention du
Docteur HEUCLIN, conférence IEJ, préc.,note94
103
30
une situation de carence. Il est certain que l’article 8 de la loi du 22 avril 2005 ne pose pas la
primauté de la personne de confiance sue le médecin.
Le nouvel article L1111-12 est ainsi rédigé : « Lorsqu’une personne, en phase avancée ou
terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause et hors d ‘état
d’exprimer sa volonté, a désigné une personne de confiance en application de l’article L11116, l’avis de cette dernière, sauf urgence ou impossibilité, prévaut sut tout autre avis non
médical, à l’exclusion des directives anticipées, dans les décisions d’investigation,
d’intervention ou de traitement prises par le médecin ».
Le législateur n’a pas dissipé toute ambiguïté avec le rôle de la famille. Les équipes médicales
sont en effet de plus en plus confrontées à des familles recomposées dont les membres
s’opposent les uns aux autres sur leurs aptitudes à témoigner des vœux que le mourant aurait
émis quant aux choix de ses traitements. Il aurait été plus opportun de reconnaître une
véritable primauté à la personne de confiance au lieu de prévoir que son avis prévaut sur tout
autre avis non médical, pour toutes « les décisions d’investigation, d’intervention ou de
traitement prises par le médecin(article 1111-11). Le mourant entreprend par une démarche
volontaire de désigner un témoin auquel il déclare accorder sa confiance ; il nous semble que
la reconnaissance d’une véritable primauté, c’est-à-dire d’une prévalence sur tout avis
médical, aurait été justifiée par la dignité autonomie du mourant. D’autant que le but du
législateur était de favoriser une véritable reconnaissance de la personne de confiance par les
familles. En effet, depuis son introduction, la désignation d’une personne de confiance n’est
pas encore entrée dans les mœurs ; alors même que la loi du 4 mars 2002 prévoyait que lors
de toute hospitalisation dans un établissement de santé, il est proposé au malade » de procéder
à sa désignation.
D’un autre côté, cet insuccès peut aussi s’expliquer par le refus général de prendre les
décisions relatives à la fin de vie : il n’est pas facile d’envisager l’éventuelle perte de sa
propre conscience !
B – Les directives anticipées
En droit français, une telle directive préalable n’avait aucune valeur juridique au motif que
l’homme pouvait tester sur son corps mort, mais pas sur son corps encore en vie, du moins
lorsqu’il n’est pas mort du point de vue du droit. La loi ne permettait pas de tester sur sa vie.
La prohibition résultait de l’inviolabilité du corps humain et de l’indisponibilité de sa vie.
Désormais les directives anticipées représentent les instructions que donnent par avance, des
31
personnes en bonne santé ou se sentant atteinte par l’âge ou par une maladie incurable, sur la
conduite à observer au cas où elles seraient dans l’incapacité d’exprimer leurs volontés (2).
Cette évolution envisagée des droits du malade en fin de vie conduit à s’interroger sur la
situation dans les pays étrangers (1).
1 – Eléments de droit comparé
Les directives anticipées sont reconnues dans de nombreux pays occidentaux et notamment en
Allemagne, en Angleterre et au pays de galles, en Belgique, au Danemark, en Espagne et en
suisse105. Chacun des 6 pays reconnaît au patient la faculté d’exprimer par avance son refus
d’un traitement visant uniquement la prolongation de la survie, sans perspective de guérison.
Cependant, la valeur juridique des directives anticipées n’est pas absolue dans tous les pays.
En Angleterre et au pays de galles, ainsi qu’en Belgique et en Espagne, on exige pas que les
directives aient été établies récemment. Il suffit que certaines conditions définies par la
jurisprudence (En Angleterre et au pays de galles) ou par la loi (en Belgique et en Espagne)
soient remplies. En revanche, la loi impose la forme écrite dans ces 3 pays.
En Allemagne, il faut que le malade se trouve en fin de vie pour que la validité des directives
anticipées soit reconnue. Exceptionnellement, la jurisprudence reconnaît aussi la validité des
directives anticipées des malades incurables qui ne se trouvent pas en phase terminale. Un
groupe de travail ad hoc prévoit d’introduire dans le Code civil un article sur les directives
anticipées et d’élargir l’application de celles-ci au malade dont la fin de vie ne paraît pas
imminente.
Les directives anticipées sont reconnues au Danemark depuis 1992, mais les directives
émanant des malades qui souffrent d’affections graves ou invalidantes n’ont qu’une valeur
indicative. Toutefois, la loi Danoise souligne la force obligatoire de ces documents lorsqu’ils
concernent des malades en phase terminale. Les vœux des patients sont consignés sur des
imprimés spéciaux qui sont enregistrés, et la loi oblige le personnel soignant à consulter le
registre des directives anticipées.
Les directives anticipées sont également reconnues depuis 1996 en suisse, dans les cantons de
Genève, Lucerne, Neuchâtel et Zurich (la santé publique relève de la compétence des
cantons). Le médecin doit tenir compte des directives anticipées. Les directives médicoéthiques de l’académie suisse des sciences médicales affirment cette obligation du médecin,
en particulier lorsque les directives sont récentes, formulées clairement, et qu’aucun indice ne
laisse supposer que l’intéressé a changé d’avis.
105
Etudes juridique du sénat.www.senat.fr.
32
2 – Droit français actuel.
La loi du 22 avril 2005 introduit les directives anticipées (qu’il ne faut pas confondre avec les
testaments de vie). L’association ADMD préconise de légaliser le testament de vie. Faire son
testament de vie, c’est écrire lorsqu’on est conscient et lucide que l’on souhaite, dans telle
circonstance, être aidé à faire soi-même un acte qui donne la mort. C’est un acte d’euthanasie
ou un suicide assisté lorsqu’on donne des substances mortifères à la personne qui désire
mourir. Le nouvel article L1111-11 est ainsi rédigé : « Toute personne majeure peut rédiger
des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté.
Ces directives anticipées indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie
concernant les conditions de la limitation ou l’arrêt de traitement. Elles sont révocables à tout
moment.
A condition qu’elles aient été établies moins de trois ans avant l’état d’inconscience de la
personne, le médecin en tient compte pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de
traitement le concernant.
Un décret en Conseil d’Etat va définir les conditions de validité, de confidentialité et de
conservation des directives anticipées.
De toute évidence, le législateur n’a pas légalisé le suicide assisté. La loi nouvelle tend à un
équilibre entre le respect de la vie et le respect de la liberté. Elle ne résout pas tout, en
particulier, elle ne règle absolument pas le cas des « futurs Vincent Humbert ». Les directives
anticipées indiquent les souhaits relatifs à sa fin de vie concernant la limitation ou l’arrêt des
traitements. Elles sont révocables à tout moment, et doivent avoir été établies moins de 3 ans
avant l’état d’inconscience. Ce délai de 3 ans a été institué pour protéger les personnes dont
l’ancienneté des instructions serait telle que l’on pourrait douter qu’elles souhaitent toujours
les faire appliquer. Ensuite, la fragilité, évoquée très souvent devant la mission d’information
d’accompagnement de la fin de vie, d’une opinion exprimée dans l’idéal et dans l’abstrait par
une personne en bonne santé semble avoir été prise en considération. Enfin, la loi tient compte
du délai moyen, qui s’écoule le plus souvent entre le diagnostic de la maladie grave et
incurable et la survenue des derniers moments. Les directives anticipées n’ont qu’une valeur
relative, elles fourniraient un éclairage des volontés de la personne à l’instant où elles sont
rédigées. Leur intitulé ne doit être ni standardisé ni général. Evidemment, des invitations à
« ne pas réanimer », à « ne pas mettre en place des appareils de survie artificielle » sont
contraire à l’intérêt du patient si elles sont formulées par crainte d’une survie longue et
douloureuse. En tout état de cause, elles sont nulles et non avenues si elles placent le médecin
33
dan l’illégalité. Il appartiendra à un décret en Conseil d’Etat de définir les conditions de
validité, de confidentialité et de conservation de ces directives. Un trop grand formalisme ne
saurit être exigé pour sa rédaction (d’autant plus que le médecin devra s’assurer de la validité
de ce document). Comme le suggère le rapport de la mission d’information « le dossier
médical » paraît être l’instrument le plus adapté pour accueillir ces directives sous réserve
d’une admission en urgence dans un établissement dans lequel le patient n’aurait pas été suivi
antérieurement »
3 – Appréciation et critique.
Le premier avantage des directives anticipées est de permettre au malade « de préparer sa fin
de vie, de s’exprimer de façon plus approfondie et de garder un contrôle sur son histoire ce
qui est probablement une bonne alternative à la demande de suicide assisté de certains
malades»106.
Cette pratique qui s’est développée dans de nombreux pays occidentaux a été consacrée par la
Convention sur les droits de l’homme et la bio-médecine (Convention d’Oviedo du 4 avril
1997) du Conseil de l’Europe dont l’article 9 dispose : « Les souhaits précédemment exprimés
au sujet d’une intervention médicale par un patient qui, au moment de l’intervention, n’est pas
en état d’exprimer sa volonté,, seront pris en compte ».
Le législateur reconnaît la dignité autonomie du mourant en assimilant les directives
anticipées à un contrat moral passé avec le médecin. Le mourant est ainsi rassuré sur la façon
dont ses derniers instants seraient susceptibles de se dérouler. Les directives anticipées
correspondraient à une planification des soins, établie après une discussion avec le médecin
traitant, lorsqu’une maladie grave et incurable a été diagnostiquée.
Ensuite, les directives anticipées sont une source utile de renseignements pour le médecin. Ce
rôle d’information se révélera extrêmement important en ce qui concerne les choix
thérapeutiques. Malgré la fragilité de ce qui est improprement qualifié de « testament de vie »
(celui-ci n’est pas reconnu par notre droit positif), cette disposition tend vers la
reconnaissance de la dignité autonomie du mourant puisqu’elle permet de constituer une
manifestation de volonté du malade s’il devient inconscient. Pour Monsieur LEMAIRE : « Le
testament de vie est un éclairage de ce qu’était la personne avant son état d’inconscience mais
il ne doit pas être comminatoire car il est souvent arrivé que des gens changent d’avis. C’est
une information utile et importante qui doit être prise en compte »107.
106
107
« Droits des malades et fin de vie : le débat à l’assemblée nationale », collection débats perlementaires,p12.
Id.p.13
34
Monsieur BENABENT observe que « techniquement, il est tout à fait possible d’organiser un
fichier ou une déclaration qui ait la même force ou la même valeur qu’un testament, qui
puisse être révoqué ou modifié à tout moment, notamment dans la désignation de la personne
de confiance »108.
Enfin, elles permettront au médecin de justifier un arrêt de traitement ou un refus de
réanimation. En effet, le médecin est souvent confronté à un entourage qui ne comprend pas
l’absence de réanimation.
Mademoiselle LEGROS estime que le principe de l’autonomie de la volonté, si influent soit-il
notamment en droit des obligations, est une fiction juridique dans ce domaine.109Selon
Monsieur MALAURIE, « La volonté du mourant est relative, changeante et facilement
altérée110 ».Monsieur BEIGNIER estime quant à lui qu ‘ « on peut considérer que c’est un acte
tout à fait licite dès lors que la personne stipulerait que, pour le jour où elle perdrait la
conscience ou ne pourrait s’exprimer, elle souhaite que le médecin qui aurait à la soigner
sache qu’elle accepte ses soins, qu’on lui épargne la souffrance, mais qu’elle affrontera la
mort à l’heure où elle viendra »111. De plus, comme l’observe Monsieur de SOLA : « La
volonté anticipée n’est appropriée que lorsque véritablement les conséquences d’une maladie
et notamment celles du traitement peuvent être anticipées ».
Selon mademoiselle LEGROS, il y a un grand risque de distorsion entre la volonté et le choix
manifestés dans une déclaration lorsqu’on bien portant et ce qu’on désire exprimer lorsqu’on
se trouve ensuite dans une situation de malade incurable conscient ou inconscient dans
l’impossibilité de communiquer. On ne peut jamais savoir comment on réagira dans de telles
situations de précarité : peut être que, même s’il ne reste qu’un laps de temps à vivre très court
ayant comme contrepartie d’horribles souffrances ou simplement une absence d’autonomie
physique, la malade souhaitera vivre jusqu’au bout, mais peut-être pas. En effet, la perception
de la qualité de via peut se modifier très rapidement, en particulier lorsque l’on devient
handicapé. On supporte des situations que l’on se serait cru incapable de vivre car on veut
continuer à vivre. Ce constat conduit à s’interroger sur la volonté exprimée dans les directives
anticipées. On ne peut pas savoir tant que l’on ne s’est pas trouvé dans une telle situation.
La création de ces articles L1111-10 à L1111-12 a renforcée notablement la dignité autonomie
du mourant en garantissant une plus grande sécurité juridique aux médecins. Par là même,
108
Id.p.15
LEGROS (B.),préc., note 89,p.88.
110
MALAURIE
(P.), « Euthanasie
et
droits
de
l’homme.
Quelle
liberté
Malade ? »,Defrenois,2002,art.37598,p.1132.
111
« Droits des malades et fin de vie : le débat à l’assemblée nationale »,préc., note105 ,p.21.
109
pour
le
35
l’article 122-4 du Code pénal, qui exonère de responsabilité pénale toute personne
accomplissant un acte prescrit ou autorisé par la loi ou le règlement trouverait toute sa
justification. En effet, le médecin qui satisferait ces obligations de transparence et de
collégialité, qui respecterait pleinement les demandes du mourant ne serait pas pénalement
responsable. Celui qui, en revanche, s’affranchirait de ces règles, s’exposerait à des poursuites
pour homicide involontaire ou non assistance à personne en péril ou empoisonnement112.
II – L’âge : les mineurs mourants sont-ils dotés
d’une dignité autonomie ?
Que va t-il arriver aux mineurs ? Vont-ils correspondre au statut des personnes
inconscientes ? On peut déjà affirmer que l’obstination déraisonnable vaut aussi pour les
mineurs. Chaque être humain a une dignité-autonomie, alors pourquoi un enfant n’aurait t-il
pas le droit de choisir ? En principe, « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et
compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant
sa santé (…) Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le
consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout
moment »113. Mais Dans quels cas le consentement du patient est-il obligatoire ? L’article 16-3
du Code civil précise que : « Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement
hors le cas où son état de santé rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il
n’est pas à même de consentir » Est-ce qu’un mineur peut rédiger des directives anticipées ?
A priori, il est incapable aussi pour cet acte juridique là. De plus, aucun texte n’accorde le
droit au refus de soins au mineur qui n’a donc pas le droit de prendre les décisions concernant
sa santé, mais il a le droit d’y participer s’il est apte à s’exprimer, « c’est un droit
d’expression »114
112
Id,p.22.
Article L.1111-4 du Code de la santé publique. Loi du 4 mars 2002.
114
DUPONT (M.), ESPER (C.) et PAIRE (C.), Droit hospitalier, Dalloz, 4éd., 2003,n°597.
113
36
Mais, dans le Code de déontologie115 et la loi du 4 mars 2002116, il est tout de même bien dit
que les équipes médicales doivent prêter la plus grande attention possible à la volonté propre
des mineurs…De plus, aucun texte n’accorde le droit au refus de soins au mineur qui n’a donc
pas le droit de prendre les décisions concernant sa santé, mais il a le droit d’y participer s’il est
apte à s’exprimer, « c’est un droit d’expression »117. La Belgique et les Pays-Bas ont légiféré
pour légaliser l’euthanasie lorsqu’elle est pratiquée dans certaines conditions. Les deux lois
traitent le cas particulier des mineurs118. La loi Belge du 28 mai 2002 assimile aux majeurs les
mineurs émancipés. Aucun mineur ne peut être émancipé avant d’avoir atteint l’âge de quinze
ans. En revanche, la loi néerlandaise 12 avril 2001 ne reconnaît la validité des demandes
d’euthanasie formulées par des mineurs âgés de seize à dix-huit ans que si les parents ont été
associés à la décision. Lorsque l’enfant a entre douze et seize ans, les parents doivent
approuver sa décision. En outre, l’enfant de moins de seize ans ne peut pas formuler de
demande anticipée.
Le législateur a-t-il décidé d’un statut particulier pour les mineurs ? Il semble qu’un
problèmes de droit subsistent encore : la question de l’applicabilité du texte aux mineurs et
aux adultes protégés. En effet, un seul article explicite sa portée à l’égard des mineurs et des
majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection juridique (l’article 7 exclut qu’un mineur
puisse valablement rédiger des directives anticipées). Pourtant, il s’agit d’actes non
thérapeutiques sur le corps d’un mineur ou d’un majeur protégé ; on sait que le droit de la
santé soit les exclut (don d’organe par une personne vivante), soit les encadre par des
garanties d’un niveau élevé (don de moelle osseuse, stérilisation contraceptive d’un majeur
protégé). Toutefois, Monsieur PERBEN a indiqué que la prochaine réforme des tutelles sera
l’occasion de clarifier ce point119.
Le législateur a conféré de nouveaux droits aux futurs mourants. C’est un véritable système de
codécision qui s’est substitué au « paternalisme médical ».Toutefois, l’amélioration du
traitement de la douleur constitue évidemment un préalable pour les personnes en fin de vie. Il
115
Article 42 du Code de déontologie médicale (Article R.4127-42 du Code de la santé publique) : « Un médecin
appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit s’efforcer de prévenir ses parents ou son
représentant légal et d’obtenir leur consentement. En cas d’urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le
médecin doit donner les soins nécessaires. Si l’avis de l’intéressé peut être recuelli, le médecin doit en tenir
compte dans toute la mesure du possible ».
116
Article L.1111-4, alinéa 5 du Code de la santé publique : « Le consentement du mineur ou du majeur sous
tutelle doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Dans
le cas où le refus d’un traitement par la personne titulaire de l’autorité parentale ou par le tuteur risque
d’entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les
soins indispensables »
117
DUPONT (M.), ESPER (C.) et PAIRE (C.), Droit hospitalier, Dalloz, 4éd., 2003,n°597.
118
Etudes de législation comparée n°139, novembre 2004. www.senat.fr
119
Audition de M. PERBEN Garde des sceaux, Ministre de la justice. commission des affaires sociales. Jeudi 31
mars 2005 www.senat.fr
37
faut accompagner le mourant pour qu’il puisse mourir avec une vraie qualité de vie et, par
conséquent, dans la dignité.
38
Chapitre 2 – La consécration de la dignité
accompagnement
Avec le temps beaucoup de droits ont été reconnus aux mourants dans un souci de protection
et de respect de la dignité humaine. Le droit à la vie et celui de recevoir des soins visant à
soulager la douleur sont toujours les premiers nommés. Les malades sont aujourd’hui protégés
par d’autres droits non négligeables notamment depuis la loi du 4 mars 2002120.Le droit de
recevoir des soins destinés à soulager la douleur, posé à l’article L1110-5, alinéa 3 du Code de
la santé publique, sa rattache incontestablement à l’idée de dignité. Ce principe de dignité de
la personne a un rôle de première importance dans le domaine de l’accompagnement car « la
prise en charge des personnes » ayant un « pronostic vital engagé » est un des maillons
nécessaires à l’expression d’une solidarité entre tous les citoyens d’un même pays certes, mais
aussi entre tous être humains au-delà des différences de quelque ordre que ce soit »121. On peut
définire les soins palliatifs comme « la médecine de la fin de vie ». Elle concerne les
personnes atteintes de maladie incurable (absence de traitement susceptible de la stabiliser),
au pronostic fatal à brève échéance. Ils se distinguent des soins curatifs par la certitude d’une
mort prochaine du patient. Les curatifs constituent une thérapeutique ayant pour vocation de
guérir. C’est dans un contexte particulier d’une « mort annoncée » que réside la spécificité des
soins palliatifs. Leur caractéristique est la prise en charge pluridisciplinaire personnalisée qui
permet une révision des besoins du patient. A l’origine, la création des soins palliatifs avait
pour but de contrecarrer l’acharnement thérapeutique. Le « mouvement des soins palliatifs »
se réfère au « mouvement des Hospices » de Grande-Bretagne du 19éme siècle, ensemble
d’établissements privés prenant en charge les mourants cancéreux rejetés par les hôpitaux.
Vers 1950, le docteur SAUNDERS se consacre au soulagement physique de la douleur
cancéreuse (utilisation de la morphine buvable) et à la description de ses autres composantes ;
elle constate alors que douleurs physiques et souffrances psychologiques sont en étroite
interférence en créant le concept de douleur totale (par exemple, la douleur physique fait
monter l’angoisse)122
123
. C’est au Canada que le mouvement va se poursuivre. En 1975, le
120
Loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé . JO 5 mars
2002,p4118 ;D2002,Lég.p.1022
121
VIALLARD (M.L) La presse médicale,p79 juin 2004.
122
SAUNDERS (C.),La vie aidant la mort, préface de l’édition anglaise, avril1982,Paris,Madsi cité par (B)
LEGROS (B.),préc., note 89,p.70.
123
LAMAU (M.L.), origine et inspiration, in Manuel de soins palliatifs, Privat,p34-35
39
docteur MOUNT fonde le premier « Service de soins palliatifs » au Royal Victoria Hospital
de Montréal. L’expression soins palliatifs, utilisée pour la première fois par le docteur
MOUNT a été retenu et consacré par l’usage malgré ses imprécisions124.
Ce mouvement a apporté une nouvelle conception des soins. « Le patient où qu’il se trouve,
doit pouvoir espérer à l’égard de ses souffrances ultimes, la même attention analytique que
celle qui lui est accordée lors du diagnostic initial et du traitement de sa maladie. Le but n’est
plus de guérir le malade, mais de lui permettre de vivre au maximum de ses possibilités en lui
assurant tant le confort et l’activité sur le plan physique que la garantie de relations
personnelles jusqu’à la mort ». Lorsqu’il n’y a rien à faire, il y a encore quelque chose à faire.
Ici, « mourir dans la dignité » signifie mourir avec une vraie qualité de vie.
Concrètement, il s’agit de soulager les douleurs, traiter les symptômes, prêter attention aux
angoisses et aux interrogations spirituelles du patient. Il s’agit aussi d’accompagner la famille
du mourant jusqu’au décès, mais aussi pendant le deuil.
La réglementation traduit-elle vraiment une volonté d’humanisation et de développement de la
prise en charge de la douleur, dans la logique du principe fondamental du respect de la dignité
de la personne humaine ? Si la consécration par le législateur de la dignité accompagnement
du mourant peut être globalement approuvée, elle n’en demeure pas moins critiquable sur
certains points.
Quand la maladie survient et que l’inéluctabilité de la pathologie rend le pronostic fatal
irréversible, comment se traduit alors la volonté des pouvoirs publics d’assurer une qualité de
vie aux malades en fin de vie ? Les soins palliatifs reposent sur deux éléments indissociables :
la maîtrise de la douleur physique (section 1) et un accompagnement qui ne saurait s’adresser
qu’a un malade calmé et dont la prise en charge se veut pluridisciplinaire (section 2).
Section 1 – Le droit à une qualité de vie du mourant
et souffrance physique
Lorsque le mourant souffre, personne ne conteste la nécessité de le soulager ; en va-t-il de
même si les doses nécessaires pour calmer la douleur peuvent avoir pour effet secondaire
d’abréger la vie ? Il est nécessaire d’envisager la légalisation de ce que l’on appelle le
124
DELBECQUE (H.), les soins palliatifs et l’accompagnement des malades en fin de vie, ministère des affaires
sociales, de la santé et de la ville, Documentation française, Paris, 1994, p.17
40
« double effet » (I) avant de s’intéresser à la mise en œuvre effective de l’obligation
d’admettre les mourants dans les établissements de soins (II).
I – La légalisation du double effet
Il arrive que la souffrance ne puisse être soulagée que par un traitement anti-douleur pouvant
abréger la vie. Certains traitements anti-douleur peuvent avoir un effet secondaire mortifère à
cause de la fragilité physiologique des personnes en fin de vie. Le comité consultatif national
d’éthique (CCNE) dans son rapport du 27 janvier 2000 concernant « La fin de vie, Arrêt de
vie, euthanasie » énonce notamment «la notion des soins palliatifs promue dans les années
1970 (…) visait surtout la fin de vie des patients atteints de cancer. Elle s’est progressivement
étendue au stade terminal d’autres affections et diversifiées (…) aussi, les soins palliatifs
visent-ils à contrôler la douleur et les autres symptômes d’inconfort en préservant autant que
faire se peut la vigilance et la capacité de relation du malade avec l’entourage » En France, la
question s’est posée de savoir si le médecin pouvait utiliser les techniques de la médecine
palliative pour combattre la douleur même si elles comportent un risque éventuel d’achever le
mourant. Nombre de pays reconnaissaient déjà cette pratique. Plusieurs exemples peuvent être
cités :

En Angleterre, la jurisprudence reconnaît le double effet, en tant que conséquence d’une
euthanasie indirecte. Le double effet ne constitue pas une raison de refuser à un malade un
traitement qui pourrait le soulager. En effet, en 1957, dans l’affaire du docteur BODKIN,
le juge déclara : « Un médecin est habilité à faire tout ce qui est nécessaire du patient,
même si les masures prises peuvent accessoirement abréger la vie ».

L’académie suisse des sciences médicales a émis plusieurs directives médico-éthiques sur
l’accompagnement des patients en fin de vie ou souffrant de troubles cérébraux extrêmes
en 1995. La portée juridique de ces directives est certaine. ; les tribunaux s’y réfèrent pour
apprécier les cas qui leur sont soumis. Ces directives admettent le double effet
(improprement) qualifié d’euthanasie indirecte : « S’agissant de personnes en fin de vie ou
souffrant de troubles cérébraux extrêmes (…) le médecin peut utiliser les techniques de la
médecine palliative pour combattre la douleur (…) même si elles impliquent un risque
éventuel d’abréger la survie du patient »125.
125
cité par SOMMACO (V.), « Euthanasie :peut-on reconnaître un « droit à la mort » ? »RGDM,2003,p.179.
41

En Allemagne, également, le double effet est admis par la jurisprudence. En effet, la Cour
fédérale suprême, dans une décision en date du 15 novembre 1996 a reconnu la dignité
accompagnement en même que la dignité autonomie du mourant en affirmant sa
préférence pour une mort digne, sans souffrance et conforme à la volonté du patient.
Une précision s’impose dans ce domaine si grave que celui des traitements anti-douleur
administrés au malade en fin de vie : le double effet est souvent qualifié d’euthanasie indirecte
mais comme l’a écrit madame Legros : «Une telle assimilation est une déformation, puisque
l’intention première n’est pas de tuer, mais de soulager. En outre, le malade n’est pas laissé à
l’abandon, puisque l’on substitue aux soins actifs, réévalués quotidiennement, même s’ils ont
un caractère palliatif ».126
Le dernier alinéa de l’article L1110-5 du Code de la santé publique encadre la pratique dite du
« double effet ». Cette disposition impose au médecin qui envisage un tel traitement une
obligation d’information à l’égard du malade mais l’article L1111-2 du même Code peut
toujours être opposé : le malade conserve donc le « droit de ne pas savoir. Le législateur veut
faire échec à clandestinité (en clair, à l’euthanasie passive) en exigeant du médecin une
information du malade, de la personne de confiance, de la famille ou d’un des proches.
Cette pratique est-elle respectueuse de la dignité accompagnement du patient ? On peut
craindre des désaccords entre le malade, la personne de confiance et les proches : si le malade
souffre, il est forcément conscient et son avis est donc nécessaire. De plus, le jugement du
mourant peut être altéré par la souffrance. C’est pourquoi, cet article introduit une hiérarchie
entre les personnes informées. Si le mourant est conscient et demandeur de vérité alors la
consultation des autres personnes est inutile. Le médecin informera la personne de confiance
ou un proche plutôt que le malade en cas d’altération de la lucidité du malade souffrant en fin
de vie. Le médecin passera outre à une opposition de la personne de confiance ou des proches
si l’intérêt du patient l’exige, par exemple, s’il se fonde sur la valeur rédemptrice de la douleur
(laquelle n’a plus cours dans la religion catholique depuis 1516). Il convient de lever toute
ambiguïté sur un point : le traitement peut avoir pour effet secondaire d’abréger la vie mais ce
n’est pas l’objectif poursuivi. Le législateur a affirmé la nécessité absolue de tout faire pour
que le mourant souffre le moins possible. Les termes de la loi sont très claires : aucun
médecin ne doit interpréter cette disposition qui s’est imposé comme une évidence comme
l’habilitant à pratiquer l’euthanasie. Enfin, cette procédure n’est applicable qu’au mourant
pour lesquels le traitement anti-douleur fait courir un risque vital. L’espérance de vie du
126
LEGROS (B.),préc., note 89,p.17.
42
mourant est en tout état de cause très limitée. La loi condamne même les pratiques qui
utilisent les morphiniques à dose volontairement mortelle.
Ainsi, une place importante est faite au double effet. Le double effet est justifié par la
souffrance du patient, les soins palliatifs ont vocation à pallier cette souffrance.
II – La mise en œuvre effective de l’obligation
d’admettre les mourants dans un établissement de
soins
La prise en charge de la douleur relève de la mise en œuvre de prescriptions. Mais s’agissant
de données si intime, le cadre normatif restera toujours général (A) et les règles de droit ne
prennent leur ampleur qu’à travers le jeu de le responsabilité (B).
A – Le droit à l’accompagnement et aux soins palliatifs.
Le droit positif permet aux malades en fin de vie de revendiquer des soins de la fin de vie.
Quand une personne arrive au terme de sa vie, les soins palliatifs vont permettre de traiter les
souffrances à défaut de pouvoir éradiquer le mal. C’est pourquoi les pouvoirs publics ont
organisé un droit d’accès aux soins palliatifs et un droit à l’accompagnement des derniers
jours de la vie de la personne malade.127
Les premiers pas des pouvoirs publics ont consisté à édicter la circulaire du 26 août 1986128
toujours en vigueur dispose que « Les soins d’accompagnement visent à répondre aux besoins
spécifiques des personnes parvenues aux termes de leur existence (…) Ils comprennent un
ensemble de technique de prévention et de lutte contre la douleur, de prise en charge
psychologique du malade et de sa famille, de prise en considération de leurs problèmes
individuels, sociaux et spirituels … » L’accompagnement des mourants suppose donc une
attitude d’écoute, de disponibilité, une mission menée en commun par toute l’équipe
intervenant auprès du malade ».
Toutefois, si les soins palliatifs deviennent une mission du service hospitalier, l’usager n’est
pas titulaire d’un véritable droit subjectif. C’est le Code de déontologie médicale de 1995 qui
a consacré la notion de soins palliatifs en tant que devoir du médecin qui peut donc faire
127
BOLOT (F.),gazette du palais 20 mars 2003 p12
Circulaire DGS/3D du 26 aout 1986, relative à l’organisation des soins et à l’accompagnement des malades en
phase terminale, B.O du ministère de la solidarité, de la santé et de la protection sociale, n°86/32 bis,1986
128
43
l’objet de poursuite disciplinaire. En effet, l’article 38 dispose que : « le médecin doit
accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments (…) Le médecin doit (…) assurer par
des soins et mesures appropriés, la qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du
malade ». Le médecin doit procurer une assistance morale à son patient en fin de vie.
La loi du 4 février 1995129impose aux établissements de santé de soulager la douleur physique
des patients, elle n’est donc pas spécifique aux malades en fin de vie. Désormais, l’inscription
de la lutte contre la douleur doit se concrétiser par des moyens concrets et à la réalisation
d’actions tangibles130. Les dispositions inscrites dans la loi du 9 juin 1999 vont en ce sens,
puisqu’elles prévoient qu’en ce qui concerne les établissements de santé privés, ces moyens
sont pris en compte par le « contrat d’objectifs et de moyens ». Concrètement, le malade est
maître de sa douleur grâce à une pompe à morphine qu’il actionne lui-même.
La circulaire DGS/DH/DAS n°99/84, du 11 février 99 (relative à la mise en place de
protocoles de prise en charge de la douleur aiguë par les équipes pluridisciplinaires médicales
et soignantes des établissements de santé et institutions médico-sociales permet à une
infirmière d’agir vite en cas de souffrance du malade sans être tributaire de la présence d’un
médecin.
Suite à deux affaires d’euthanasie très médiatisée (MALEVRE et DUFFAU), le législateur a
consacré une loi entière aux soins palliatifs parce que les textes précédents sont quasiment
restés lettre morte. Le législateur réitère implicitement son refus de l’euthanasie.131Quels sont
les apports de la loi du 9 février 1999 ? Tout d’abord, les soins palliatifs sont définis pour la
première fois. Il résulte de l ‘article L1110-9 que « toute personne malade dont l’état le
requiert a la droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement ». L’article L111010 ajoute que : » les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe
pluridisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la
souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son
entourage ».
La volonté du législateur est, à terme, de généraliser les soins palliatifs. Le décret du 3 mai
2002 relatif aux conditions d’exercice des professionnels de santé délivrant des soins palliatifs
à domicile pris pour l’application de l’article L162-1-10 du Code la sécurité sociale132.
129
JO n°95-116, du 4 février 1995, portant diverses dispositions d’ordre social, JO,5 fév 1995,p1992
NEUWIRTH(L.), Prendre en charge la douleur, « Les rapports du Sénat »n°138, commission des affaires
sociales,1994-1994,p.60.
131
LEGROS (B.),préc., note 88,p.56.
132
JO,5mai 2002
130
44
Comme l’a écrit madame Legros « Cet ensemble de texte épars est indigeste et on peut
s’interroger sur l’effectivité de droits et d’obligations brandis par ces réformes car, en général,
trop de textes tue les textes »
B – Une réponse en termes de responsabilité
La presse a souvent dénoncé des discriminations à l’entrée d’établissement de soins au
détriment des malades en fin de vie, car cette pratique n’existe pas seulement dans les pays
étrangers mais également en France. Quels sont les recours des malades en fin de vie ? Est-ce
que ces refus d’admission dans les établissements de soins sont légaux ? A priori, des refus
d’admission vont à l’encontre de l’article L.1110-3 du Code de la santé publique qui dispose
que : « Aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations dans l’accès à la prévention
et aux soins ». Les établissements de soins exerçant les missions du service public hospitalier
ont l’obligation de garantir l’égal accès de tous aux soins qu’ils dispensent.
En outre, ils doivent veiller à la continuité des soins. Ils ne peuvent établir aucune
discrimination en ce qui concerne les soins. Les malades ont donc en vertu de ces différentes
obligations légales le droit d’être admis dans un établissement public d’hospitalisation, dès
lors que leur état l’exige. En conséquence, des refus d’admission violent ces obligations
légales, et les patients sont donc fondés à mettre en cause la responsabilité de l’établissement
public (1) ou privé (2).
1 – Les recours contre participant au service public hospitalier
Devant la juridiction administrative, l’admission du malade par le directeur de l’établissement
de soins est un acte administratif individuel conférant au malade la qualité d’usager du service
public hospitalier. Un recours pour excès de pouvoir est donc possible contre cette décision
refusant la qualité d’usager d’un service public administratif, et si elle est fautive, elle peut
engager la responsabilité de l’établissement, voire celle du médecin hospitalier133. S’il s’agit
d’un établissement à but non lucratif participant au service public hospitalier, devant la
juridiction administrative, le refus d’admission est également considéré comme un acte
administratif individuel134.
Les responsabilités du directeur, personne physique et de l’établissement, personne morale,
pourront également être engagées pour discrimination, sur le fondement du nouveau code
133
134
LEGROS (B.),préc., note 8,p.381.
Cf Cass.crim.20 fév.1990 pourvoi n°87-80-208
45
pénal. Le malade pourra également engager la responsabilité civile de l’établissement si le
refus d’admission lui a causé un dommage, ou la responsabilité pénale de son directeur si les
conditions d’existence du délit de non assistance à personne en péril sont réunies135.
L’article 3 décret du 14 janvier 1974136 dispose que : « En cas de refus d’admettre un malade
qui remplit les conditions requises pour être admis, alors que les disponibilités en lits de
l’établissement permettent de le recevoir, l’admission peut être prononcée par le préfet ».
Ce texte consacre un droit à l’hospitalisation mais permet à l’hôpital de refuser un malade en
cas d’encombrement.
2 – Les recours contre les établissements privés à but lucratif
Tout d’abord, les responsabilités civiles et pénales de l’établissement et du directeur
pourraient être engagées dans les mêmes conditions que les établissements participant au
service public hospitalier.
Le malade en fin de vie (ou ses ayants droit) peut-il poursuivre le directeur de l’établissement
et/ou l’établissement et d’obtenir une condamnation pénale et des dommages et intérêts
devant la juridiction judiciaire ? A priori, il s’agit d’un refus d’une fourniture de service donc
d’une discrimination fondée sur l’état de santé incriminée à l’article 225-1 du nouveau code
pénal137.
Les médecins qui procèdent à une discrimination fondée sur l’état de santé de la personne,
sont susceptibles d’être poursuivis pour faute disciplinaire, conformément à l’article 7 du code
de déontologie médicale138.
Le mouvement des soins palliatifs a élargi la conception des soins en mettant en exergue le
caractère multidimensionnel de la douleur du mourant. La « souffrance totale » en fin de vie
n’est pas seulement physique, elle est aussi psychologique, spirituelle et sociale. La
préoccupation portée par législateur aux malades en fin de vie recourant aux soins palliatifs
l’a conduit à faire en sorte que le mourant ne soit pas rongé par la solitude et le désarroi.
135
Article 223-6 alinéa 2 du nouveau Code pénal : «Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient
volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait
lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours ».
136
Décret n°74-27 du 14 janvier 1974 relatif aux règles de fonctionnement des centres hospitaliers et des
hôpitaux locaux, JO, 16 janv,p.603.
137
Article 225-1 du nouveau Code pénal : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les
personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille (….) de leur état de
santé… »
138
Décret n°95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale, JO,8 sept. 1995,p.13305.
46
Section 2 – Droit à une qualité de vie du mourant et
souffrance sociale.
La loi du 9 février 1999 « visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs » reconnaît et
précise le rôle des bénévoles dans l’accompagnement des patients en fin de vie (art 10),
institue un congé d’accompagnement pour les proches (art 11 et 12). Elle a été votée à
l’unanimité des parlementaires des deux assemblées, fait suffisamment exceptionnel pour être
souligné. Elle témoigne de la prise de conscience sociale des problèmes d’accompagnement
des personnes en fin de vie (notamment après l’affaire de Mantes La Jolie) et de la volonté
politique d’y trouver des solutions. Cependant, elle peut susciter un certain nombre de
réflexions tant sur le rôle des bénévoles (II) que sur le congé des proches (I).
I – Le congé de solidarité familiale : la présence des
proches auprès du mourant
La loi du 9 juin 1999139 a insérée dans le Code du travail, aux articles L.225-15 et suivants, un
congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie au profit de tout salarié dont un
ascendant, descendant ou une personne partageant son domicile, d’une durée maximale de
trois mois non rémunéré. La loi du 21 août 2003 sur la réforme des retraites a remplacé le
congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie par le congé de solidarité familiale. Ce
nouveau dispositif est entré en vigueur à compter du 24 août 2003140. Le congé de solidarité
familiale est une disposition d’ordre public : toute convention contraire est nulle de plein
droit. Ce congé a vocation à s’appliquer dans toutes les entreprises quels que soient leur statut
juridique et leur effectif141 Après avoir présenté les salariés bénéficiaires du congé
d’accompagnement (1) nous verrons que ce droit reconnu n’est pas forcément applicable (2).
139
Loi n099-477 du 9 juin 1999 visanr à garantir l’accès aux soins palliatifs,JO 10 juin 18999,p.8487 ; D.
1999,lég. P. 305.
140
Article 38 (L225-15) «Tout salarié dont un ascendant, descendant ou une personne partageant son domicile
souffre d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital a le droit de bénéficier d’un congé de solidarité
familiale, dans des conditions définies par décret » Loi n°2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites
JO 22 août 2003 p 3187.
141
BOULMIER (D.), «Le nouveau congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie accordé à certains
salariés »Dalloz 2000,n°5.p84
47
A – Les salariés concernés par le congé d’accompagnement
de fin de vie
Il y a deux catégories de salariés bénéficiaires du congé : les ascendants ou descendants du
malade en soins palliatifs et ceux qui partagent le domicile avec ce malade142.
S’agissant des ascendants et descendants du mourant, il résulte de la loi que, d’une part, le
droit à congé est ouvert pour accompagner ses parents, ses grands-parents maternels et
paternels ou encore, ses arrières-grands-parents maternels et paternels et que, d’autre part, il
permet d’accompagner ses enfants, petits-enfants et pourquoi pas ses arrières-petits-enfants. A
priori, la possibilité, pour un membre du couple, de bénéficier d’un congé pour accompagner
un ascendant ou un descendant qui ne l’est qu’à l’égard du deuxième membre du couple est
exclus.
Le droit à congé est encore ouvert à tout salarié pour accompagner en fin de vie une personne
partageant son domicile. Il semble que plusieurs salariés partageant le même domicile avec la
personne accompagnée puissent prétendre en même temps à l’obtention d’un congé pour
l’accompagner en fin de vie. Il semble aussi que les chômeurs accompagnant sont oubliés.
Est-ce qu’un chômeur qui se consacrerait à l’accompagnement en fin de vie d’un ascendant ou
d’un descendant ou encore d’une personne partageant son domicile risque de perdre le
bénéfice de son inscription sur la liste des demandeurs d’emploi au motif qu’il ne serait pas
immédiatement disponible ? A priori, non. En effet, l’article L.351-17-1 du Code du travail
introduit par la loi contre les exclusions précise que « tout demandeur d’emploi peut exercer
une activité bénévole
B – La mise en œuvre du congé
Tout d’abord, la personne en fin de vie qui légitimera la prise du congé de solidarité familiale
n’est pas définie ; il s’agit logiquement de « la personne malade dont l’état requiert des soins
palliatifs », visée à l’article L1110-9 du Code de la santé publique.
Ensuite, il résulte de la lettre du texte de l’article L225-15 que ce congé est un « droit »143 :
l’employeur ne peut pas s’y opposer ni le différer. Le départ en congé se fait sans autorisation
préalable. Le salarié doit informer l’employeur de sa décision de bénéficier d’un congé de
solidarité familiale par lettre recommandée avec avis de réception, au moins quinze jours
142
143
Article L.225-15,alinéa 1er du Code du Travail
Article L225-15, alinéa 1er du Code du travail.
48
avant le début de ce congé, en y joignant un certificat médical attestant que la personne
accompagnée fait l’objet de soins palliatifs144.
Cependant, le congé de solidarité familiale débute sans délai à la date de réception du courrier
par l’employeur en cas d’urgence absolue constatée par écrit par le médecin145. Cette
disposition laisse perplexe : le salarié ne pourra prendre effectivement son congé que le
surlendemain (au mieux) du jour où l’employeur a été informé puisqu’il devra attendre le
retour de l’accusé de réception de son courrier146. La loi offre une certaine souplesse dans
l’aménagement de ce droit à congé, puisque le salarié « peut, avec l’accord de son employeur,
transformer ce congé en période d’activité à temps partiel »147. Que le congé soit à temps plein
ou à temps partiel, le salarié ne peut exercer aucune autre activité professionnelle pendant ce
congé148 qui peut prendre fin avant que les trois mois ne se soient écoulés, si le salarié en
décide ainsi149.
Il va de soi que le congé de solidarité familiale soit un congé non rémunéré ce qui freine le
recours à ce dispositif150. Malgré les différentes prises de position en ce sens, le législateur a
renoncé à mettre en place un mécanisme même partiel d’indemnisation151, n. En revanche, le
salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé152
et il doit retrouver son emploi, ou un emploi similaire assorti d’une rémunération
équivalente153. La jurisprudence précise qu’un congé ne peut faire obstacle à un licenciement
pour motif personnel dont la cause trouverait son fondement dans des motifs imputables au
salarié préalablement à son départ en congé : le licenciement doit être étranger à l’absence du
salarié154.
Le cadre fixé par la loi pour la mise œuvre du congé de solidarité familiale est-il satisfaisant ?
Tout d’abord, si ce congé est accordé aux fonctionnaires, les professions libérales sont exclus
du dispositif ; ils devront donc assumer les risques de perte de clientèle pour accompagner,
par exemple, leurs parents mourants.
144
Article L225-15, alinéa 4 du Code du travail.
Article L225-15, alinéa 5 du Code du travail.
146
BOULMIER (D.),préc., note140 ,p.86.
147
Article L225-15, alinéea 2 du Code du travail.
148
Article 225-16 du Code du travail.
149
Article L225-15, alinéa 3 du Code du travail.
150
Rapport de . NEUWIRTH (L.), au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, n°363, séance 19 mai
1999,obs.sous.art.10.www.senat.fr..
151
Conseil économique et social : l’accompagnement des personnes en fin de vie, les éditions du journal officiel,
99-5, février 1999
152
Article L.225-18 du Code du travail.
153
Article L225-17 du Code du travail.
154
Cass. Soc., 12 févr. 1997, n°93-42.510,Bull.civ.V,n°59.
145
49
Ensuite, la loi envisage les ayants droit à ce congé trop restrictivement. Pourquoi exiger que le
salarié accompagnant partage le même domicile que le mourant ? Le législateur ne s’immiscet-il pas dans les modes de vie de chacun ? La loi vise les ascendants et les descendants à
l’exclusion des collatéraux (frères et sœurs du malade) ce qui peut être préjudiciable pour les
malades qui n’ont ni parents ni enfants. Toutefois, cette restriction injustifiée peut facilement
être détournée si le collatéral s’installe chez le mourant.
Enfin, La loi de 1999 visait à « garantir » l’accès aux soins palliatifs, alors pourquoi ne pas
avoir reconnu à la personne mourante le droit de choisir son ou ses accompagnants ?Si la
situation antérieure était notoirement insatisfaisante, conduisant les accompagnants à réclamer
des certificats de complaisance155, il reste à démontrer dans la pratique que ce congé permet
aux proches de retrouver leur rôle d’accompagnement naturel.
II – La reconnaissance des bénévoles
Selon l’article L1110-11 du Code de la santé publique : « Des bénévoles, formés à
l’accompagnement de la fin de vie et appartenant à des associations, peuvent, avec l’accord de
la personne malade ou de ses proches(…) apporter leur concours à l’équipe soignante en
participant à l’ultime accompagnement du malade »156.La loi officialise le rôle que sont
amenés à jouer les bénévoles dans la démarche d’accompagnement des patients en fin de vie
(A) en leur attribuant un statut sous réserve de sélection (B).
A – Le rôle des bénévoles
La présentation courante du travail des bénévoles en soins palliatifs met l’accent sur son
caractère physique extrêmement contraignant. Lors des entretiens d’un sociologue avec des
bénévoles, « la dimension du « sale boulot » inhérente à l’activité auprès de malades en fin de
vie fût passée sous silence car renvoyée à un aspect du travail supposé évident »157. La
dimension physique qui constitue le trait le plus évident de ce « sale boulot » ; mais, on ne
peut pas négliger la charge émotionnelle qui résulte du contact quotidien avec la réalité de la
mort.
155
Conseil Economique et Social : « L’accompagnement des personnes en fin de vie », les éditions du journal
officiel,99-5, février 1999,p.45.
156
Article 10 de la loi n°99-477 visant à garantir l’accès aux soins palliatifs, JO 10 juin 1999,p.8487.
157
CASTRA (M.), Bien mourir. Sociologie des soins palliatifs, puf 2003,p.270.
50
La loi reconnaît les bénévoles, c’est à dire les personnes qui accompagnent gratuitement les
mourants. Ils ne peuvent intervenir qu’avec l’accord du malade et de son entourage. En
pratique, l’introduction du bénévole se fait naturellement : « il se présente uniquement avec un
prénom, en ajoutant « le bénévole ». C’est le mot de passe pour que le malade que vous ne
connaissez pas, accepte que vous cheminiez à ses côtés et que peu à peu il s’ouvre à vous de
sa peur, de son angoisse, de ses préoccupations, de ses désirs, de sa souffrance morale »158.
Les bénévoles complètent donc l’action des équipes soignantes, leur intervention relève de
l’accompagnement du mourant ; ils confortent l’environnement social et affectif du mourant
ainsi que celui de son entourage. La loi de 1999 précise que les bénévoles ont le devoir de ne
pas interférer avec la pratique des soins médicaux et para-médicaux. Il semble donc que les
bénévoles soient perçus par les infirmières et les aides-soignantes comme des concurrents
dans l’accompagnement159. Ensuite, les bénévoles doivent obtenir l’accord de la personne
malade ou de ses proches. Ce sera nécessairement l’accord des proches si le mourant ne sait
pas qu’il va mourir. En effet, la famille peut cacher au malade, dans son intérêt et pour des
raisons légitimes, un diagnostic ou un pronostic grave sauf si la maladie expose les tiers à un
risque de contamination. Comme le note mademoiselle Legros, ce mensonge légal,
« justifié » par l’application de l’article 35 alinéa 2 du Code de déontologie médicale » crée
une discrimination déontologique entre la personne atteinte d’un cancer qui ne connaît pas
forcément la vérité et celle atteinte du sida.
Si l’accord du patient est requis, il peut, mais dans des conditions non définies par le
législateur, être remplacé par celui de ses « proches », terme équivoque et mal défini.
Cela semble indiquer que dans certaines circonstances, le patient peut être tenu à l’écart de la
décision de faire appel à des bénévoles pour l’accompagner. L’opposition des proches au
recours à des bénévoles doit-il empêcher de solliciter l’avis du patient ? L’avis des proches
doit-il être obtenu avant de demander l’avis du patient ? Comment le bénévole doit-il se
présenter pour que le consentement du mourant ne soit pas vicié ? Ces difficultés montrent
que « l’intrusion du juridique dans le domaine médical peut conduire à des situations
inextricables »160
Au vu de ces imprécisions, il n’est pas certain que la loi simplifie la prise de décision au
quotidien ou modifie les pratiques existantes. Par ailleurs, la reconnaissance par le législateur
du rôle des bénévoles répond-il seulement à une vision humaniste, visant à suppléer l’absence
158
NEUWIRTH(L.), « Pour une politique de développement des soins palliatifs et de l’accompagnement », Les
rapports du Sénat», n°2à7, 1998-1999,p.11.
159
LEGROS (B.),préc., note 88,p.66.
160
LEGROS (B.),préc., note 8,p.47.
51
de support familial dans l’entourage du patient ? Dans la loi de 1999, leur rôle est de
« participer à l’ultime accompagnement du malade » et « conforter l’environnement
psychologique et social de la personne malade et de son entourage ». La notion traditionnelle
de bénévoles considérée en tant que membres de la famille par extension n’est pas reprise
explicitement. Il reste donc à définir en pratique la place exacte que doivent jouer les
bénévoles, ainsi reconnus et agrées par l’Etat. Ils devront trouver leur place entre les
indispensables aidant-naturels que sont les membres de l’entourage, parfois défaillants, et les
professionnels de santé- dont la formation et le temps dévolu à cette mission sont
actuellement insuffisants.
Toutefois, seuls pourront intervenir auprès des mourants les bénévoles faisant partie d’une
association « qui doit se doter d’une charte qui définit les principes qu’ils doivent respecter
dans leur action. Ces principes comportent notamment le respect des opinions philosophiques
et religieuses de la personne accompagnée, le respect de sa dignité, la confidentialité »161.
B – Les conditions d’intervention des associations
Ces associations doivent nécessairement conclure avec les établissements de santé et les
établissements sociaux et médico-sociaux, une convention type définie par le décret n°20001004, du 16 octobre 2000162. Ce décret en Conseil d’Etat définit les conditions d’intervention
et d’agrément des associations intervenant en soins palliatifs. Il s’agit d’une procédure
d’agrément de ces associations par les organismes d’assurance maladie qui assurent, en
contrepartie, la prise en charge forfaitaire des coûts de formation et de coordination des
bénévoles. Sans cette convention, ou en cas de manquement à l’une de ses dispositions, les
associations se soient interdire l’accès aux établissements ainsi que le droit d’intervenir à
domicile par le directeur de l’établissement ou par l’autorité sanitaire.
Enfin, l’article 10 du décret dispose que « L’association déclare être couverte en
responsabilité civile pour les dommages susceptible d’être causés par ses membres à
l’occasion de leurs interventions au sein de l’établissement par l’assurance. »
Si la proclamation par le législateur du droit au respect de la dignité accompagnement du
mourant peut être globalement approuvée, elle n’en demeure pas moins critiquable sur
certains points. C’est, en effet, une impression mitigée qui se dégage de cette consécration.
161
Article L.1110-11, alinéa 2 du Code de la santé publique.
Décret n°2000-1004, du 16 octobre 2000 relatif à la convention type prévue à l’article L.1111-5 du Code la
santé publique. J.O 18 octobre 2000 ;
162
52
Le caractère absolu de l’humanité de l’homme nécessite la possibilité, pour chaque homme,
sur le fondement de son appartenance à l’humanité, de pouvoir agir en justice. Or, une telle
conception de la dignité donnera lieu à des abus car la dignité est souvent évoquée par ceux
qui prônent l’euthanasie. Si la dignité est un principe absolu alors le revendication d’un droit à
la mort paraît légitime ; on ne peut plus combattre l’idée qu’il n’est pas important de défendre
ce qu’il y a d’humain dans l’homme.
Il apparaît alors souhaitable de relativiser le principe de sauvegarde de la dignité de la
personne mourante dans des domaines précis.
53
TITRE 2 – LES LIMITES DE LA DIGNITÉ DU
MOURANT
Il y a principalement deux limites à la dignité du mourant : l’euthanasie et l’altération de la
dignité accompagnement. Les deux sont légitimes mais une seule nous semble opportune.
S'il est une expression lourde d'équivoques, c'est bien « mourir dans la dignité » qui sert
d'étendard aux militants de la dépénalisation de l'euthanasie. Deux conceptions aussi
réductrices l'une que l'autre sont présentées. La première affirme que « c'est à chacun de
définir pour soi-même, ce qu'il considère comme digne ou indigne à vivre », la seconde estime
que « nous recevons notre dignité d'abord du regard que les autres portent sur nous ».
Notre société est passée de la réprobation à la compassion mais non pas à l'approbation, ni à
l'admiration, sauf dans les cas de sacrifice. Le droit français continue à réprimer l'incitation au
suicide et l’euthanasie relève du droit pénal ordinaire (Chapitre 1).
De plus, la dignité accompagnement est limitée (Chapitre 2) D’une part, les malades en fin de
vie ne seraient pas prêts à tout savoir, ils ne pourraient pas assumer ; il serait criminel d’ôter
au mourant toute espérance. L’article 35 alinéas 2 du Code de déontologie médicale suggère
au médecin de ne pas révéler le pronostic mortel. D’autre part, Les mourants se heurtent à des
difficultés pour choisir tant les soins de leur fin de vie que leur dernier espace de vie, La
maîtrise actuelle des dépenses de santé ne va-t-elle pas faire des soins palliatifs les parents
pauvres de notre politique de santé publique ?
54
Chapitre 1 – La dignité autonomie à l’épreuve
du droit à la vie
Le droit à la vie s’oppose clairement aux pratiques euthanasiques, mais en même temps, il est
légitime de se demander si ce n’est pas contraire au principe de dignité humaine d’empêcher
des personnes qui souffre de façon permanente de se suicider. Peut-on garantir un « droit de
mourir dans la dignité » ? Le droit l’écarte de peur qu’il ne dérive vers un simple « droit à
mourir »(II). Le droit de vivre dans la dignité est seul retenu car il est contradictoire de
justifier un prétendu droit de tuer par le droit à la vie (I).
Section1 – Le rejet d’un aspect négatif du droit à la
vie
Il apparaît que l’euthanasie, qui sous-entend la reconnaissance d’un droit à la mort, s’oppose
directement à l’article 2 de la convention européenne des droits de l’Homme et à l’article 6 du
pacte international relatif aux droits civils et politiques (I). D’ailleurs, la cour européenne des
droits de l’Homme estime que la condamnation de l’euthanasie n’est pas contraire aux droits
de l’homme (II)
I – Le caractère objectif du droit à la vie
A – Exégèse des textes relatifs au droit à la vie
Le droit à la vie est reconnu, garanti et consacré par les textes internationaux et notamment
par l’article 2 de la CESDH et l’article 6 du PIDCP163.La cour de Strasbourg a souligné à
163
Article 2, §1, de la Convention : « Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut
être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal
au cas où le délit est puni de cette peine par la loi »Article 6,§1, du Pacte : « (…)le droit à la vie est inhérent à la
personne humaine(…), ce droit est protégé par la loi. » Convention européenne des Droits de l’Homme, direction
générale des droits de l’homme, Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2001.
55
plusieurs reprises que l’article 2 de la convention se place parmi les principes primordiaux164
auxquels aucune dérogation ne saurait être autorisée en temps de paix.165De plus, quelques
rapports internationaux prohibent l’euthanasie au nom du droit à la vie. Le paragraphe 7 de la
Recommandation relative aux droits des malades et des mourants dispose que « le médecin
n’a pas le droit, même dans les cas qui lui semblent désespérés, de hâter intentionnellement le
processus naturel de la mort »166,l’article 12 du guide européen d’éthique médicale précise que
« la médecine implique en toutes circonstances le respect constant de la vie »167,le paragraphe
9 du Code international d’éthique médical que « le médecin devra toujours avoir à l’esprit le
souci de conserver la vie humaine »168, le comité d’experts de l’OMS est parvenu dans son
rapport à la conclusion que « l’euthanasie ne doit pas être légalisé »169. Il faut souligner que la
force obligatoire de ces textes relatifs à l’euthanasie ne vaut que s’ils respectent l’article 2 de
la CESDH relatifs au droit à la vie est inclus dans le « jus cogens » reconnu par la convention
internationale de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 qui prévoit qu’est nul tout
traité qui au moment de sa conclusion est en conflit avec une norme de droit international
général (à savoir) une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des Etats
dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne
peut être modifiée que par une nouvelle norme de droit international général ayant le même
caractère »170.L’étude de l’interprétation de l’article 2 de la CESDH doit donc être privilégiée.
L’article 2-1 dispose que « le droit de toute personne à la vie est protégée par la loi. La mort
ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf
en exécution d’une sentence
capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi ». Le
principe de la protection du droit à la vie impose aux Etats à la fois une obligation négative, à
savoir : l’interdiction de priver un individu de la vie ; et, parallèlement, une obligation
positive : l’obligation de prendre des mesures nécessaire à la protection de la vie des
personnes relevant de sa juridiction171.Ainsi, les Etats doivent se donner pour devoir
primordial d’assurer le droit à la vie en mettant en place une législation pénale concrète
dissuadant de commettre des atteintes contre la personne172. Il ressort également de la
jurisprudence de la cour de Strasbourg que l’intensité de la volonté de l’intéressé doit être
164
« L’importance de ce droit est considérable : il s’agit vraiment du premier des droits de l’homme »,RENUCCI
(J-F),Droit européen des droits de l’homme,LGDJ,Paris,2002,p.78
165
CEDH,27 septembre 1995,McCann c/Royaume-Uni ;CEDH,9octobre 1997, Andronicou et Constantinou
166
Recommandation 779 relative aux droits des malades et des mourants, Conseil de l’Europe,1976,§7
167
Guide européen d’éthique médicale n°141887, conférence internationale des ordres, janv.1987,art,12
168
Code international d’éthique médicales, Association internationale mondiale, 1982,§9
169
Rapport du comité d’experts de l’OMS relatif au traitement de la douleur cancéreuse et aux soins palliatifs,
p.64.
170
Convention internationale de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969,article52.
171
CEDH 9 juin 1988, LCBc/Royaume-uniJCP 1999-I-105n°7 obs.F SUDRE (F.).
172
CEDH,16 novembre 2000,Tanribilir ;CEDH,3avril2002,Keenanc/Royaume-uni
56
prise en compte ; l’importance de l’obligation de protéger le droit à la vie, qui incombe aux
autorités, doit s’interpréter notamment au regard du droit à l’autodétermination. L’obligation
des autorités est plus grande lorsqu’un individu est incapable de décider pour luimême173.L’article 3 de la DUDH dispose que « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la
sûreté de sa personne ». L’article 6 du PIDCP dispose quant à lui que « le droit à la vie est
inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être
arbitrairement privé de sa vie ». En réalité, seul l’article 2 de la CESDH mérite une exégèse
( les deux autres articles reprennent de façon moins approfondie ces dispositions). Le doit à la
vie est-il impératif au point que celle-ci devienne un devoir pour soi-même ? Face à ce
dilemme, deux types de critiques sont généralement exprimés, selon que l’on pense que
« mourir dans la dignité » implique un droit qui devrait être reconnu à qui en fait la
demande (cette position est soutenue notamment par l’ADMD174) ou que l’on s’appuie sur une
autre conception de la dignité que celles que l’on a étudié selon laquelle la vie est une réalité
transcendante qui ne peut être laissée à la libre disposition de l’homme175.
B – Appréciation et critique de l’interprétation officielle de
l’article 2
1 – Une critique négative de l’interprétation officielle du droit à la vie
La prohibition de l’euthanasie peut être fondée sur une interprétation du droit à la vie que
certains jugent critiquable176. Quels sont les arguments de ces « détracteurs » de
l’interprétation officielle du droit à la vie ?
La mort ne peut-être à « quiconque » intentionnellement. Les définitions du petit Larousse des
mots « quiconque » et « infliger » sont : « n’importe qui » et « frapper d’une peine par une
faute, pour un crime, faire subir quelque chose de pénible ». Si le droit à la vie justifie
vraiment la prohibition de l’euthanasie alors le suicide devrait être ré-incriminé en France ! En
effet, le fait de donner la mort à « n’importe qui » diffère de celui de donner la mort à
« autrui ». Le suicide ne peut-il pas être défini le fait de donner la mort à « quiconque » (en
l’occurrence à soi-même) ?177. On peut aussi considérer qu’un acte euthanasique n’est pas à
173
CEDH,24 septembre 1992,Herczegtolvy
Doc.travail Sénat,janvier 1999,n°99-166,p.6
175
ABIVEN (M.), CHARDOT (C.) et FRESCO (R.), Euthanasie, alternatives et controverses, presses de la
renaissance,Paris,2000,p.85.
176
RYCKEWAERT (G.),préc., note 32,p.35..
177
Id. P38.
174
57
proprement parler une infliction de la mort : on n’inflige pas la mort à celui qui se laisse tuer.
Selon Monsieur BENAR, « la mort ne peut être infligée, donc imposée d’office (…). Cette
rédaction n’interdit pas l’expression de la volonté de se laisser tuer ou de se tuer soi-même.
Nous sommes donc hors du champ d’application de cette interdiction d’ordre public
européen »178.
Il n’existe pas encore de définition légale générale de la mort cérébrale. Dans un décret de
1996179, certains critères scientifiques de la mort sont évoqués à propos des prélèvements
d’organes. Il faut réunir trois conditions cumulatives : Absence totale de conscience et
d’activité motrice spontanée ; abolition de tous les réflexes du tronc cérébral, et absence totale
de ventilation spontanée. Il y a un grand vide législatif face à la mort. Alors, pourquoi ne
prendre en compte une conception empirique et humanisée de la vie ? Comme le note
monsieur VERRET, sociologue, «droit n’est pas devoir »180. Comme le législateur ne
détermine pas le moment précis de la mort, on peut choisir une conception vitaliste de la vie, à
181
savoir une vie consciente ou encore une vie digne. La dignité n’est-elle pas « un principe
absolu s’il en est » ?
Le droit à la vie ne peut-il pas être considéré comme un droit subjectif c’est à dire « une
prérogative attribuée à un individu dans son intérêt lui permettant de jouir d’une chose, d’une
valeur ou d’exiger d’autrui une prestation »182. Certes, les droits de l’homme ont un caractère
objectif : ils sont attachés par principe à la seule qualité de personne humaine183et ils ne
peuvent faire l’objet de dénonciation. Les manuels d’introduction au droit classent le droit à la
vie au sein des droits privés subjectifs extra-patrimoniaux. Cela n’empêche pas que le droit à
la vie puisse faire l’objet d’une appréciation par la personne de son contenu et de son exercice.
Le caractère objectif du droit à la liberté serait réduit à néant si son contenu était prédéfini, la
liberté étant la consécration du subjectivisme184. L’euthanasie est-elle une renonciation au
droit
à
la
vie ?
Pas
nécessairement !
Comme
la
mis
en
exergue
Monsieur
RYCKEWAERT : «l’euthanasie est le paradoxe de la liberté »185, paradoxe du respect du droit
à la vie qui doit provoquer la mort pour se réaliser. Quand une personne demande
l’euthanasie, elle ne renonce pas au droit à la vie mais elle exerce ce droit en fixant las limites
de la protection qu’elle souhaite personnellement, « l’euthanasie, pour beaucoup, serait donc
178
BENAR (G.),Le droit à la vie :l’euthanasie. URL :http://perso.wannadoo.fr/credh.benar/droitvie.
Décret n°96-1041, du 2 décembre 1996, C.santé publ.,art.R-671-7-1
180
Le monde, 21 août 1998, Liberté de vivre et liberté de mourir, M.VERRET,p11
181
CE,27 oct.1995, Commune de Morsang sur Orge, RFDA 1996, p1204, concl. Frydman
182
Lexique des termes juridiques, Dalloz
183
CEDH 23 mars 1995, Loizidou contre turquie, JCP 1997-I4000n°6-7, obs (F)Sudre
184
COURBE (P.),introduction générale au droi,Mémento., 4éme éd 1995.p.74.
185
RYCKEWAERT (G.), préc., note 32,p.40.
179
58
la concrétisation du droit à la vie et serait par la même légitimée »186. Les personnes favorables
à l’euthanasie prétendent précisément respecter la vie.
Le droit à la vie n’est pas un droit intangible. Sa mise en œuvre est susceptible d’être
suspendue sous conditions au titre de l’article 15 de la CESDH. Il est donc permit de
s’interroger sur la portée de ce droit à la vie. De plus, l’alinéa 2 de l’article 2 précise que : « la
mort n’est pas considérée comme infligée en violation de l’article 2 dans les cas où elle
résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire :a pour assurer la défense de
toute personne contre la violence illégale ;b pour effectuer une arrestation irrégulière ou pour
empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue ;c pour réprimer, conformément à
la loi, une émeute ou une insurrection ». La vie est-elle vraiment une valeur absolue ?
L’euthanasie n’est pas une exception de l’article 2 mais on peut justifier cette absence en
considérant que l’euthanasie ne peut pas être prohibée au titre de l’article 17 de la CESDH
comme « une limitation plus ample des droits et libertés prévus à la convention ». Il ne s’agit
pas d’un « recours à la force ». On peut aussi se demander si le fait de maintenir en vie un
mourant artificiellement ne constitue pas un abus de droit au sens de l’article 17.
Il convient de préciser que le droit à la vie n’appartient qu’à une personne née et vivante et
qu’il est inhérent à toute personne. Si l’exégèse de l’article 2 permet de dire que le droit de
vivre n’implique aucune obligation, on ne peut pas avancer avec certitude qu’il implique le
droit à la mort.
2 – Une critique positive de l’interprétation officielle du droit à la vie
En réalité, la cour européenne des droits de l’homme (CEDH), fait preuve de prudence et de
mesure, en considérant que le droit à la mort n’est pas un droit de l’homme dont le respect est
garanti par la Convention. Elle considère donc que les Etats sont à même de décider s’il
convient de légiférer. Très récemment, la Cour a décidé que le point de départ du droit à la vie
contenu dans l’article 2 de la Convention relevait de l’appréciation des Etats187.
On peut affirmer que le droit à la vie est le premier des droits de l’homme En dehors des
exceptions prévues par le texte, le respect du droit à la vie est absolu. L’article 2 garantit
même les individus contre toutes les atteintes à leur intégrité physique menaçant plus ou
moins leur existence. En particulier, s’agissant des problèmes de santé publique, des
186
Id.p.40.
“A supposer même que l’article 2 trouve à s’appliquer, ne viole pas cette disposition le système juridique qui,
en présence d’autres garanties permettant la réparation du dommage, ne contient pas de recours de nature pénale
pour sanctionner l’atteinte involontaire portée à la vie du foetus”Cour EDH, 8 juill. 2004, °53924/00,V.c/France.
187
59
précautions doivent être prises par les autorités étatiques188. Jusqu’en 1995, la Cour n’avait été
que très rarement invitée a préciser la place et le contenu de l’article 2. C’est l’arrêt Mc Cann
c/Royaume-Uni du 27 septembre 1995 qui a fait la première application marquante de l’article
2. La Cour s’est prononcée sur le concept de « recours à la force absolument nécessaire » qui
d’après son deuxième paragraphe permet, dans quatre cas grave, d’infliger la mort sans
s’exposer à l’accusation d’avoir violé le droit consacré par son premier paragraphe189. « Il faut
donc que le droit à la vie soit particulièrement étendu pour que la mise à mort de terroristes
(…) soit subordonnée à des vérifications aussi scrupuleuses »190. Ainsi, le champ d’application
de l’article 2 de la Convention a été élargie aux relations interindividuelles191 et aux activités
de l’Etat de nature à mettre en danger la vie des personnes192 ; cette évolution a été permise
par le recours aux obligations positives. Enfin, Les Etats doivent protéger la vie des
personnes, éventuellement, contre leur propre volonté193. Ces principes s’appliquent aussi dans
le domaine de la santé publique. Selon Monsieur MURAT, « Les obligations positives
impliquent la mise en place par l’Etat d’un cadre réglementaire imposant aux hôpitaux, qu’ils
soient privés ou publics, l’adoption de mesures propres à assurer la protection de la vie des
malades »194
Ainsi, le droit à la vie est un principe essentiel, ce qui ne l’empêche pas d’être un principe
tempéré. En effet, la détermination des frontières du droit à la vie n’est pas facile. Nous avons
noté l’indécision de la Cour s’agissant de l’enfant à naître. Au plan européen, la Cour
observait que la question de la nature et du statut de l’embryon et/ou du fœtus ne faisait pas
l’objet d’un consensus. « Toute l’ambiguïté de l’article 2 (…) vient de la polysémie que le
mot « personne » traîne depuis son origine »195. De toute évidence, l’interprétation de l’article
2 à cet égard s’est faîte dans un souci d’équilibre. Las organes de la Convention prennent en
considération les différentes approches nationales du problème, c’est à dire la diversité des
cultures juridiques et des standards de protection nationaux ; cela laisse une large marge
d’appréciation de l’Etat en la matière. Selon le groupe européen d’éthique au niveau
communautaire : « les instances du groupe communautaire doivent aborder ces questions
188
Com.EDH,12 juill,1978, Association X c/RU, DR 14 p.31
« La Cour a dit devoir examiner de façon extrêmement attentive les cas où il est fait usage délibéré de la force
meurtrière et prendre en considération non seulement les actes des agents ayant utilisé la force mais également
des cieconstances de l’affaire notamment la préparation et le contrôle des actes en question », MARGUENAUD
(J.P), La Cour européenne des droits de l’homme, 2éd Dalloz 2002 p.50..
190
Id,p.53.
191
Cour EDH 28 oct. 1998, Osman c/ Royaume-Uni, JCP 1998-I-105 n°8 obs. SUDRE (F.).
192
Cour EDH, 9 juin 1998, LCB c/ Royaume-Uni, JCP 1999-I-105 n°7 obs .SUDRE (F.).
193
CourEDH, 16 nov.2000, Tanribilir c/ Turquie, JCP 2001-I-291 n°4 obs.SZUDRE (F.).
194
(P), Murat, « Les frontières de droit à la vie : l’indécision de la Cour européenne des droits de l’homme » Dr.
Famille n°11 2004 p43
195
Id. p.44.
189
60
éthiques en tenant compte des divergences morales et philosophiques reflétées par l’extrême
diversité des règles juridiques applicable(…) Il serait non seulement juridiquement délicat
d’imposer (…) une harmonisation des législations nationales mais, du fait de l’absence de
consensus, il serait également inopportun de vouloir édicter une morale unique, exclusive de
toutes les autres »196.
Une partie de la doctrine se demande si l’article 2 de la Convention européenne consacre une
valeur fondamentale compte tenu de l’imprécision des frontières du droit à la vie et d’une
certaine incertitude quant à son champ d’application. Il est vrai que la plupart des questions
qui se posent restent sans réponse. Pour Monsieur RENUCCI, il y a là une sorte de « no man’s
land »197 juridique. « Sans doute l’inquiétude est-elle excessive mais elle est significative de
certaines interrogations »198. En particulier, il est difficile de se prononcer sur la « fin » de
cette garantie fondamentale.
En tout état de cause, le droit à la vie n’est pas le droit à une vie que l’individu concerné peut
subjectivement qualifier de décente199 ; la cour européenne des droits de l’homme n’a pas une
telle conception du droit à la vie au sens de l’article 2. Par conséquent, comment la CEDH
pourrait-elle concilier le droit fondamental mis en cause par l’euthanasie et la reconnaissance
d’un « droit à la mort » ?
II – L’inexistence du droit au suicide
Dans tous les pays développés, les avancées de la médecine permettent de maintenir
artificiellement en vie, parfois pendant de longues années, des personnes plongées dans un
coma profond et irréversible. Par ailleurs, l'évolution des mentalités et la priorité donnée au
respect de la volonté individuelle conduisent certains à revendiquer le droit de pouvoir décider
eux-mêmes du moment de leur mort(A). D’un autre côté, la Cour européenne des droits de
l’homme juge que n’est pas contraire aux droits de l’homme la condamnation
du suicide
assisté (B).
196
Commission européenne, Groupe européen d’éthique des sciences et des nouvelles technologies, 14 nov.
2000, D.2001 Somp1430 obs (H.) Gaumont-Prat.
197
RENUCCI (J.F), « Droit européen des droits de l’homme »LGDJ 3éd p83 2003
198
ID. P.86.
199
Commission européenne des droits de l’homme, 9 mai 1990, « Volsem c/PaysBas »,RUDH,1990,p384,comm.critique SUDRE (F.) et TAVERNIER (P.).
61
A – Le suicide assisté en Europe.
1 – Les exemples de dépénalisation.
L’expérience néerlandaise
Nous allons étudier l’application d’une loi « présentée par certains comme la législation idéale
et par d’autres comme un risque majeur pour l’humanité »200. C’est la loi du 12 avril 2001201
qui a dépénalisé l’intervention médicale destinée à mettre fin à la vie d’une personne à sa
demande expresse.
La loi consiste à dépénaliser l’euthanasie considérée comme une
interruption de la vie pratiquée par un médecin à la demande du malade. En réalité, cette loi
ne fait que consacrer une pratique tolérée depuis vingt-cinq ans qui a progressivement été
encadrée par des règlements et enfin par une loi202.
La décision est prise collégialement, la demande du patient authentifiée, les souffrances jugées
insupportables et l’absence de possibilités d’amélioration avérée. La procédure est complexe
car ces critères qualifiés « de minutie » sont au nombre de 6, déclinés en 46 questions que le
médecin doit adresser a posteriori à une commission chargée de vérifier si les critères de la loi
ont été respectés.
Cette dépénalisation s’est faite grâce à la technique du fait justificatif spécial c’est à dire une
forme de dépénalisation (qui consiste à soustraire un agissement à la sanction du droit pénal)
créé pour des faits précis. Elle modifie en conséquence les articles 293 et 294 du Code pénal
qui concernent l’homicide sur demande de la victime et l’assistance au suicide, en ajoutant un
alinéa 2 introduisant le fait justificatif spécial. Le médecin, qui met fin aux jours d’une
personne, à sa demande expresse et sérieuse (art 293, al.2) ou qui, intentionnellement, l’aide à
se suicider ou lui procure les moyens de se suicider (art 294, al 2), « n’est pas punissable dans
la mesure où l’acte réalisée satisfait aux critères de minutie ».
L’action de donner la mort demeure illicite mais l’agent peut s’exonérer de sa responsabilité
en réunissant certaines conditions. A quelles conditions un médecin hollandais peut-il
s’exonérer de sa responsabilité lorsqu’il aide l’un de ses patients à se suicider ? D’abord, il
doit respecter six critères de minutie203 (proche de ceux dégagés par la jurisprudence et inscrits
200
LEONETTI (J.), Vivre ou laisser mourir, respecter la vie, accepter la mort ,éd Michalon p.962005.
Relative au contrôle de l’interruption de vie pratiquée sur demande et au contrôle de l’assistance au suicide, et
portant modification du Code pénal ainsi que de la loi sur les pompes funèbres. « Les documents du sénat. Etude
de législation comparée n°139 novembre 2004- Les droits des malades en fin de vie ».www.sénat.fr
202
LEGROS (B.),préc., note 89,p.110.
203
« Ils sont remplis lorsque le médecin : a- A acquis la conviction que le patient a formulé sa demande
librement, de façon mûrement réfléchie et constante ; b-A acquis la conviction que les souffrances du patient
201
62
dans un règlement du 27 mai 1998 instituant les commissions régionales de contrôle de
l’euthanasie). Le médecin doit adresser son rapport permettant de vérifier qu’il a respecté les
critères de minutie à l’une des cinq commissions régionales instituées par voie réglementaire
en 1998. Ces commissions, (chacune est composée d’un juriste qui préside, d’un médecin et
d’un spécialiste des questions éthiques), n’informent le ministère public que lorsqu’elles
estiment que les médecins ont méconnus les critères de minutie. Dans le cas contraire,
l’affaire est classée sans suite. « S’opère ainsi un glissement progressif de la dépénalisation
vers la légalisation »204.
Ensuite, il doit faire part de son intervention au médecin légiste de la commune, lequel
transmet ensuite l’information à une commission de contrôle spécialisée. Enfin, l’assistance
au suicide ne peut être pratiquée que par une personne exerçant légalement la médecine205.
L’une des originalités du droit néerlandais est la prise en compta de la demande de certains
mineurs : le mineur peut demander l’assistance au suicide à condition que ses parents
consentent à sa décision lorsqu’il a entre douze et seize ans. Lorsque le mineur a entre seize et
dix-huit ans, les parents sont seulement associés à sa prise de décision. De plus les demandes
d’interruption de vie du mineur inconscient qui a manifesté antérieurement sa volonté est
valable dès lors que le patient est âgé d’au moins seize ans.
La loi néerlandaise permet d’aider à la mort en se basant sur « des souffrances du patient (…)
sans perspectives d’amélioration et insupportables. ». Cette procédure est très critiquable.
Tout d’abord, le terme « souffrance» est très large, il n’exclut pas les souffrances d’origine
psychique ou dépressive. Selon une étude réalisée en 1997, entre 2 et 5 assistances au suicide
sont pratiquée chaque années pour raisons psychiques206. C’est la conséquence logique d’une
jurisprudence Chabot de la Cour suprême néerlandaise du 21 juin 1994207qui a ouvert la porte
étaient sans perspectives d’amélioration et insupportables ; c- A informé le patient de sa situation et de ses
perspectives ; d-Est parvenu, en concertation avec le patient, et compte tenu de la situation de ce dernier, à la
conviction qu’aucune autre solution n’était envisageable ; e- A consulté au moins un autre médecin indépendant
qui a examiné le patient et s’est fait une opinion quant aux critères de minutie ; f-A pratiqué l’interruption de la
vie avec toute la rigueur médicalement requise »(B) LEGROS,préc., note 89,p.111.
204
Id.p.112.
205
« Un non-médecin répondant à une demande bénéficie seulement d’une diminution de peine, c’est-à-dire
d’une dépénalisation partielle : Douze ans de prison ou une amende de cinqième catégorie pour l’euthanasie et
trois ans de prison ou una amende de quatrième catègorie pour l’assistance au suicide », Id. P.114.
206
« Les documents du Sénat »Etudes de législation comparée n°139, novembre2004- Les droits des malades en
fin de vie.www.senat.fr
207
« La cour suprême a considéré comme coupable un médecin qui a prêté assistance a l’une de ses patientes qui,
agée de cinquante ans, ne souffrant d’aucune maladie mentale ou physique, ne désirait plus vivre en raison de ses
expériences de vie traumatisantes. Elle a précisé que la justification était conditionnée par l’absence d’autre
possibilité de traitement. Or ce n’était pas le cas en l’espèce. Les conditions de la force majeure, système pouvant
justifier le médecin n’étaient pas remplies. Le médecin a néanmoins bénéficié d’une dispense de peine »
Supreme Court of the Netherlands, Criminal Chamber, 21 juin 1994, n°96.972.cité par (B.) Legros,préc.,note
89,p114..
63
à l’assistance au suicide, indépendamment de toute maladie, pour les personnes n’ayant plus
le goût de vivre.
Un autre élément contestable est l’interruption de vie sans demande qui correspond à la mort
des inconscients. La loi de 2001 n’évoque pas les nouveau-nés non viables ou à peine viables
ni les personnes dans un coma profond ou dans un état végétatif ni enfin les patients atteints
de démence grave ; leurs interruptions de vie est tout autant pratiquée aux Pays-Bas.
On constate aussi que l’autonomie de la volonté, qui justifie l’assistance au suicide, est
remplacée par la notion floue de « considérations qui ont déterminé la décision du médecin »
pour les personnes incapables d’exprimer leur volonté. « Peuvent donc être tuées
médicalement les personnes qui n’ont plus ou n’ont jamais eu de capacité volitive, par amour
ou plus précisément parce que leur vie ne vaut plus la peine d’être vécue, leur vie n’est plus
digne et n’est plus qu’une charge pour autrui »208. C’est l’effet de la pente glissante : pourquoi
priver les personnes incapables du bénéfice de l’assistance au suicide ?
Lors d’une rencontre entre une délégation hollandaise à la Haye et des membres de la mission
d’information sur l’accompagnement de le fin de vie, il est apparu que « 40% des euthanasies
pratiquées l’étaient de manière clandestine sans respecter la procédure et que 10% des
questionnaires étaient mal remplis sans que pour autant une quelconque procédure n’ait été
entamée envers les médecins hors la loi »209. La délégation hollandaise a insisté sur un point :
la loi concerne le contexte particulier de la Hollande. La loi votée en 2001 est consensuelle
puisqu’elle résulte de trente ans de maturation ; la médecine hollandaise serait très particulière
(les hollandais meurent majoritairement à domicile), tout comme la culture (protestante, très
orientée vers le respect du libre-arbitre).Le non-respect de la loi ne paraît pas constituer un
problème majeur car la loi a, à leurs yeux, une valeur essentiellement pédagogique ; elle est
considérée comme un Code de bonne conduite.
Ces échanges ont montrés à la mission d’information française à quel point il est difficile voir
impossible de définir des critères objectifs dans la loi. On peut effectivement s’interroger sur
l’utilité d’une loi qui n’est respectée que dans la moitié des ces et dont les infractions ne sont
pas suivies de sanctions.
Il faut noter l’évolution des pratiques de la fin de vie. La culture des soins palliatifs se
développe et, parallèlement, on constate une diminution des demandes d’euthanasie. En
Hollande, les soins palliatifs ont longtemps été isolés en raison du faible nombre de décès à
208
209
Id.p116.
LEONETTI (J.),préc., note 2000,p.97.
64
l’hôpital210et de l’acceptation de l’euthanasie. Les soins palliatifs n’ont commencé à se
développer que dans les années 1990. C’est pourquoi, l’adoption d’une loi sur l’euthanasie a
été interprétée par certains néerlandais comme un palliatif au sous développement des soins
palliatifs211. Mais une alternative à la souffrance physique et morale des mourants se profile
enfin ; depuis 1997, le gouvernement néerlandais crée des centres pour conduire au
développement des soins palliatifs au sein du pays. les commissions régionales ont
enregistrées 2123 demandes d’euthanasie en 2000 ; en 2001, 2054 cas ; et en 2002, 1882 cas.
On peut supputer que cette baisse notable des demandes d’euthanasie aux Pays-Bas est dû au
développement des soins palliatifs.
La loi belge sur l’euthanasie
La loi relative à l’euthanasie du 28 mai 2002, qui n’a pas modifié le Code pénal, assure la
protection juridique du médecin qui assiste le suicide de son patient, majeur ou mineur
émancipé, dès lors que certaines conditions de fond et de procédure ont été sont respectées.
Dans les autres cas, l’assistance au suicide peut être qualifiée de non-assistance en personne
en danger (elle tombe alors sous le coup des articles 422 bis et 422 ter) La loi définit
l’euthanasie comme « l’acte pratiqué par un tiers, qui met intentionnellement fin à la vie d’une
personne, à la demande de celle-ci ». L’euthanasie fondée sur la demande du patient ne
constitue pas une infraction pénale, lorsque les conditions de fond et de procédure décrites à
l’article 3 de la loi sont respectées par le médecin. Les conditions de fond se rapportent au
patient qui doit être « capable et conscient », formuler sa demande de façon « volontaire,
réfléchie et répétée », et être libre de toute contrainte, se trouver « dans une situation médicale
sans issue et (faire) état d’une souffrance physique ou psychique constante et insupportable
qui ne peut être apaisée et qui résulte d’une affection accidentelle ou pathologique grave et
incurable ». Quant à la forme, la loi se calque sur la procédure néerlandaise : demande
expresse réitérée devant plusieurs médecins, critères de justification, contrôle a posteriori par
une commission fédérale qui informera le ministère public si elle estime que la loi n’a pas été
respectée.
La loi s’applique également aux mineurs émancipés (pour être émancipés, un mineur doit être
âgé d’au moins quinze ans).
210
FRAISSE-COLCOMBET (H.) , « La législation de l’euthanasie aux Pays-Bas »,R.D sanit.soc.,2000,p.325.
Intervention d’Ineke Knape, « Définition et évolution de l’euthanasie au Pays-Bas », in L’euthanasie aux PaysBas, colloque Espace Ethique, 18 juin 2001, www.espace-éthique.org/dossiers.
211
65
Le Code pénal n’a pas été modifié mais vidé de sa substance. La loi a crée un fait justificatif
spécial hors Code pénal ; or, un fait justificatif ne rejaillit-t-il pas forcément sur le Code
pénal ?
Les souffrances envisagées sont très générales, elles englobent non seulement les malades en
fin de vie mais aussi certains handicapés, les patients souffrant de la maladie
d’ALZHEIMER…Le médecin doit informer le patient sur son état de santé et son espérance
de vie, et évoquer avec lui « les possibilités thérapeutiques encore envisageables ainsi que les
possibilités qu’offrent les soins palliatifs et leurs conséquences. Il doit arriver, avec le patient,
à la conviction qu’il n’y a aucune autre solution raisonnable dans sa situation et que la
demande du patient est entièrement volontaire ». Mademoiselle LEGROS en déduit que le
médecin n’est aucunement obliger de prodiguer des soins palliatifs.Le médecin ne devrait pas
pouvoir « arriver avec le patient à la conviction qu’il n’y a pas d’autre solution raisonnable »
car il ne peut pas se mettre à sa place ! A priori, le patient st le seul à pouvoir apprécier ses
souffrances …
Quant à la forme, elle se calque sur la procédure néerlandaise : critères de justification,
contrôle a posteriori par une commission fédérale, demande expresse réitérée devant plusieurs
médecins et information du ministère public si la commission estime que la loi n’a pas été
respectée. La loi s’applique également aux mineurs émancipés (pour être émancipé, un mineur
doit être âgé d’au moins quinze ans
2 – Quelques législations intermédiaires
L’évolution des droits des malades en fin de vie a conduit à s’interroger sur la situation dans
les pays étrangers. Le service des études juridiques du sénat a étudié les règles en vigueur en
Allemagne, en Angleterre et au pays de Galles, au Danemark, en Espagne et en Suisse. Il est
apparu que la situation juridique du médecin qui décide de l’arrêt des soins sur un patient
inconscient n’est clairement définie qu’au Danemark. Le Danemark a légalisé l’euthanasie
passive dans le cas de patients mourants. Lorsque le patient, devenu inconscient, est mourant
et qu’il n’existe aucune perspective de guérison, la loi prévoit la possibilité pour l’équipe
médicale de s’abstenir de commencer ou de poursuivre un traitement qui vise seulement la
survie. Heureusement, l’application de cette disposition est limitée aux mourants. Une
circulaire a défini les patients dont la mort devrait survenir dans le délai de quelques jours ou
de quelques semaines.
66
En Allemagne et en suisse, des conditions restrictives sont posées aux demandes d’arrêt de
soins émanant du représentant du patient inconscient. En effet, lorsque le patient n’est pas en
mesure d’exprimer sa volonté et qu’il n’a pas rédigé de directives anticipées, un représentant
spécialement désigné à cette fin peut demander l’arrêt des soins au nom du patient, mais dans
des conditions restrictives lorsque la décision risque d’entraîner le décès212.Toutefois, lorsque
les décisions du représentant thérapeutique paraissent contraires à l’intérêt du patient, le
médecin doit entrer en contact avec le tribunal des tutelles. En Allemagne, la jurisprudence et
la doctrine sont d’accord pour reconnaître au malade incurable le droit de refuser des soins s’il
est en fin de vie. Mais, en l’absence d’indices de la volonté de l’intéressé, le médecin doit
maintenir le patient en vie. Dans le doute, l’Allemagne donne la priorité au maintien de la vie
En Angleterre et au pays de Galles, la jurisprudence reconnaît le droit pour un malade capable
de refuser un traitement pour un motif irrationnel ; par conséquent, le médecin commet une
faute en passant outre ce refus. En revanche, la valeur juridique du testament de vie fait l’objet
de controverses.
L’affaire Airedale NHS Trust v.Bland a relancé le débat en l’absence de testament de vie. En
présence d’une personne dans un état végétatif, la chambre des lords a autorisé le 4 février
1993 l’arrêt des médicaments dès lors qu’il y a accord en ce sens entre l’équipe médicale et la
famille. Dans un second arrêt dont la légalité n’est pas clairement établie, elle a autorisé l’arrêt
de l’alimentation et de l’hydratation artificielle. En effet, certains considèrent que
l’alimentation et la nutrition constituent des soins fondamentaux ; c’est pourquoi l’association
médicale britannique conseille aux médecins d’obtenir au préalable une décision de justice.
En Espagne, la loi 21/2000 du 21 décembre 2000 reconnaît à chacun le droit de refuser un
traitement médical ; la loi 41/2000 du 14 novembre 2002 permet au patient de faire connaître
par avance son refus de tout acharnement thérapeutique. Le Code de déontologie médicale
enjoint aux médecins de tenir compte de la volonté explicite du patient de refuser un
traitement visant à prolonger la vie et de mourir dans la dignité. La référence à la « dignité »
signifie l’abstention de tout acharnement thérapeutique. Les professionnels de santé ne
peuvent pas tomber sous le coup de l’article 143 du Code pénal, relatif à l’assistance au
suicide, lorsqu’ils respectent la volonté du mourant de refuser des soins, puisque celui-ci ne
vise que les cas de participation active à un suicide. La loi 41/2002 reconnaît la valeur
contraignante des directives anticipées, dont l’existence doit être indiquée sur le dossier
médical de l’intéressé. Mais la plupart des communautés autonomes espagnoles ont adopté
des dispositions spécifiques : un document valable dans une communauté peut être considéré
212
Etudes de droit comparé n°139 www.senat.fr
67
comme nul dans une autre. Enfin, lorsque le médecin estime que l’état du patient ne lui
permet pas de prendre lui-même une décision, le consentement aux soins est donné par un
tiers (un membre de la famille ou un proche).
3 – La position française.
La France ne s’est pas engagée dans la voie de la dépénalisation de l’euthanasie. En effet, la
loi du 22 avril 2005 reconnaît au patient la possibilité de refuser un traitement nécessaire au
maintien de la vie et institue l’obligation de suivre une procédure collégiale pour l’arrêt des
soins pour une personne inconsciente. La prise en compte de la volonté du malade dépend à la
fois de la capacité de l’intéressé à s’exprimer et de son état. Le malade conscient se voit
reconnaître le droit de refuser tout traitement s’il est « en phase avancée ou terminale d’une
affection grave ou incurable ». Le médecin doit alors respecter le vœu du patient (respect de la
dignité autonomie oblige) tout en dispensant les soins palliatifs nécessaires (respect de la
dignité accompagnement oblige). De plus, les actes médicaux « ne doivent pas être poursuivis
par une obstination déraisonnable, lorsqu’il n’existe aucun espoir d’obtenir une amélioration
de l’état de la personne et qu’ils entraînent une amélioration artificielle de la vie ». Lorsqu’il
n’y a aucun espoir de guérison, l’avis de la personne de confiance prévaut « sur tout autre avis
non médical ». La loi prévoit par ailleurs la possibilité pour toute personne majeure de rédiger,
« pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté », des directives
anticipées qui énoncent les « souhaits relatifs à la fin de vie concernant les conditions de la
limitation ou de l’arrêt de traitement ». Ces directives n’ont pas de valeur obligatoire, mais
elles doivent être prise en compte par le médecin.
Le droit au refus de traitement n’entraîne pas les même conséquences dans l’hypothèse où le
patient conscient n’est pas en fin de vie : le médecin peut consulter un confrère et, si le patient
réitère sa demande après un « délai raisonnable », celle-ci est inscrite au dossier médical.
En revanche, si le malade est incapable d’exprimer sa volonté, le médecin garde son pouvoir
de décision, que le patient soit ou non « en phase avancée ou terminale d’une affection grave
ou incurable »
La douloureuse et très médiatique affaire PRETTY, relative au suicide assisté, a donné à la
Cour européenne des droits de l’homme l’occasion d’affirmer la prééminence de l’article 2
parmi les dispositions de la Convention qu’elle juge primordiale. Cette installation du droit à
la vie au sommet de la hiérarchie des droits de l’homme était d’autant plus spectaculaire que
c’est toute la question du droit de mourir dans la dignité qui se posait alors que les législations
68
européennes abordait (et aborde) très différemment l’euthanasie et que toutes sont liées par la
Convention européenne.
B – Le droit au suicide assisté et la Convention européenne
des droits de l’homme : la mort confisquée ?
Cette affaire délicate mérite que l’on s’arrête sur les éléments retenus par les magistrats
britanniques (1) et européens (2). Ce contentieux européen montre le souci de rechercher un
point d’équilibre entre le respect de la dignité autonomie des individus et la protection des
personnes qualifiées de « vulnérable » qui pourraient devenir victime d’un droit au suicide
assisté (3).
1 – La position éthique de la chambre des lords
La Haute cour a souligné les limites de son rôle. « Nulle personne de sensibilité ne peut rester
indifférente devant le sort épouvantable qui attend Madame PRETTY(…) les questions de
vastes portées soulevées par le présent recours sont l’objet d’une préoccupation profonde et
entièrement justifiée chez de nombreuses personnes ». La chambre des Lords s’est donc
refusée à s’instituer en juge de la moralité de l’acte d’assistance à suicide. Selon elle, « les
questions de savoir si les malades en phase terminal ou d’autres doivent avoir la faculté de
solliciter une aide pour se suicider et, dans l’affirmative, dans quelles conditions et moyennant
quels garde-fous, revêtent une importance sociale, éthique et religieuse considérable…Il existe
à leur sujet des convictions et conceptions largement divergentes et souvent très marquées ».
Le comité restreint d’éthique médicale de la Chambre des Lords publia un rapport désigné HL
Paper 21-1. Ce rapport s’intéressait à la question de savoir si le fait d’abréger la vie d’une
personne pouvait se justifier en raison d’une demande de la personne en cause. Le comité
condamna l’assistance au suicide en référence aux arguments suivants : « La prohibition de
l’homicide intentionnel, édictée par la société, est la pierre angulaire du droit et des relations
sociales (…) Nous craignons tous que les personnes vulnérables (…) ne se sentent obligées,
par l’effet de pression, réelles ou imaginaire, de solliciter une mort prématurée. Nous croyons
que le message que la société envoie aux personnes vulnérables et celles qui sont défavorisées
ne doit pas, même indirectement, les encourager à donner la mort, mais doit les assurer de
notre présence et de notre soutien dans la vie ».
69
2 – La motivation de la CEDH.
La CEDH a refusé de déduire de l’article 2 (le droit de toute personne à la vie) de la
Convention européenne des droits de l’homme un droit à mourir que ce soit de la main d’un
tiers ou avec l’assistance d’une autorité publique.
La Cour précise que l’article 3 (qui prohibe les traitements inhumains et dégradants) ne peut
faire peser sur l’Etat défendeur une telle obligation positive.
S’agissant de la violation de l’article 8, la Cour reconnaît que « les Etats ont le droit de
contrôler (…) les activités préjudiciables à la vie (…) et que la nature générale de
l’interdiction du suicide assisté n’est pas disproportionnée ». Néanmoins, elle précise qu’elle
ne peut pas exclure que cela représente une atteinte aux droits de l’intéressée au respect de sa
vie privée ; elle reconnaît aussi que l’autonomie de la personne fonde l’article 8 et que cette
autonomie inclut la notion de qualité de vie.
Enfin, la Cour analyse la non-violation de l’article 14 (jouissance de ses droits sans
discrimination) en énonçant que « s’il y a une justification objective et raisonnable à l’absence
de distinction juridique entre les personnes qui sont physiquement capables de se suicider et
celles qui ne le sont pas, la frontière entre les deux catégories est très souvent très étroite et
tenter d’inscrire dans une loi une exception pour les personnes jugées ne pas être à même de
se suicider ébranlerait sérieusement la protection de la vie (…) et augmenterait de manière
significative le risque d’abus ».
Finalement la cour européenne des droits de l’homme refuse de créer une pression pour que
les Etats légifèrent en donnant un support juridique au droit au suicide parce qu’il n’y a pas de
consensus inter-étatique. Cette matière relève donc du pouvoir souverain de chaque Etat du
Conseil de l’Europe213.
3 – Appréciation et critique
On peut considérer que la Cour a adopté une position équivoque et juridiquement contestable
en refusant de reconnaître un droit à la mort, tout en ne se prononçant pas sur la conformité au
droit à la vie du suicide assisté et du suicide214. En effet, le suicide est bien un « droit de
choisir la mort plutôt que la vie » qui est reconnu par la plupart des pays européens. Si l’on
suit l’argumentation des juges, la seule façon de justifier le suicide serait qu’il soit au nombre
des restrictions au droit à la vie apportée par le § 2 de l’article 2, or il n’en est rien ? Mme
213
214
SOMMACO(V.), « Euthanasie : peut-on reconnaître un droit à la mort ? »,RGDM. ,n°9,p. 167.
ROCHER (D.). Gazette du palais. 20 juin 2002 p37 « La mort confisquée ».
70
PRETTY considère en outre que si la Cour refuse de reconnaître un droit à la mort, les pays
qui autorisent le suicide assisté violent l’article 2 de la Convention européenne. La Cour ne
répond pas à ce problème et se contente de dire que la procédure ne lui permet pas de se
prononcer sur cette question. Juridiquement, cette argumentation peut paraître très fiable, la
Cour refuse de reconnaître un droit à mourir, et n’évoque pas le suicide, alors même que la loi
que conteste Mme PRETTY concerne le suicide. Cette décision est sans aucun doute motivée
par des considérations éthiques215 et par la difficulté qui existe à tracer la frontière entre
homicide volontaire d’une personne en situation de faiblesse et euthanasie (difficulté qu’elle
évoque à propos de l’article 14).
En réalité, la Cour a fait preuve de prudence216 et de mesure217 en considérant que «
l’assistance au suicide n’est pas un droit de l’homme dont le respect est garanti par la
convention ». La Cour n’interdit pas aux Etats de modifier leur législation mais elle ne leur
impose pas non plus d’obligation positive sur ce point. Les Etats sont donc à même de décider
s’il convient de légiférer ou bien de laisser aux juges compétents le soin d’apprécier les
circonstances dans les différents cas pouvant leur être soumis. Certains pays, comme les PaysBas et la Belgique, se sont dotés d’une loi autorisant le recours à l’euthanasie ; notre pays,
quant à lui, maintient l’interdit mais des groupes de pressions continuent de demander une
intervention du législateur218.
Si la Cour, dans sa décision, n'admet pas un droit à la mort, elle ne s'est pas prononcée sur la
question de savoir si une loi peut autoriser l'euthanasie active ou le suicide assisté, sous
certaines conditions.
En fin, il faut noter qu’en France, il n y a pas vraiment de « droit au suicide ». Une personne
qui veut mourir en France peut se suicider car elle bénéficie d’une permission ; elle dispose
donc de sa vie, même pour y mettre fin mais il ne s’agit certainement pas d’un « droit à » car
la personne suicidaire ne peut pas demander à un tiers de l’aider219 ou d’y procéder220 ; le fait
d’y procéder constitue simplement un homicide volontaire.
215
PETTITI(C.), «Droits de l’homme ».Gazette du palais 5 octobre 2002 p45 n°278
GARAY (A.), « Le droit au suicide assisté et la Cour européenne des droits de l’homme : le « précédent » de
la dramatique affaire Pretty. »Gazette du palais 15 aout 2002 n°227 p2
217
MALAURIE
(P.),
« Euthanasie
et
droits
de
l’homme :
quelle
liberté
pour
le
malade ? »,Defrénois,2002,doct.art.n°37598,p.1131
218
SOMMACO (V.),préc., note 216,p.167.
219
En effet, si une personne fournit des substances mortifères à une autre qui, par la suite, se suicide ou tente de
se suicider, elle pourra être poursuivie au titre du délit de provocation au suicide Article 223-13 Code pénal.
220
Ce fait constitue simplement un homicide volontaire. CHVIKA (E.), « Euthanasie : le droit au suicide assisté
doit-il être ajouté sur la liste des droits de l’homme ? »,Dr. Famille, mars 2003,chr.n°9
216
71
Section 2 – Les atteintes à la vie du mourant.
La revendication d’un droit à l’euthanasie c’est à dire d’un droit de disposer de sa vie est
ambigu car sous le terme « euthanasie » se trouvent mélangées trois attitudes différentes221 :
l’administration de substances létales, l’administration de morphine à hautes doses pour
soulager la douleur et l’arrêt ou la limitation des techniques de réanimation222. La première
attitude constitue certainement un acte euthanasique. La seconde et la troisième ont été
légalisées le 22 avril dernier (il s’agit du double effet et du refus de l’obstination
déraisonnable), correspondaient déjà a l’un des deux aspects des soins palliatifs ( la prise en
charge de la douleur physique) et s’analysent dorénavant, non seulement comme des devoirs
des médecins, inscrits dans le Code de déontologie médicale, mais comme des droits du
malade, inscrit dans le Code de la santé publique. L’administration de substances létales n’est
certainement pas la seule manière de tuer par compassion. Alors, qu’est-ce que l’euthanasie ?
Nous verrons que si la détermination des contours de la notion est extrêmement délicate (I),
le régime juridique de l’euthanasie relève du droit pénal ordinaire(II).
I – La détermination des contours de la notion
d’euthanasie.
Non seulement la définition de l’euthanasie est ambiguë (A), mais par ailleurs l’acte
euthanasique présente des implications spécifiques ne relevant pas toutes du droit pénal(B).
A – Une définition ambiguë
L’euthanasie, au sens étymologique, a une filiation grecque qui veut dire « façon heureuse de
mourir ». « Avec, sans doute, trois accentuations possibles : de mort belle, de mort bonne, de
mort douce. Cependant, l’intention première du préfixe eu est de signifier noblement.
Euthanatos thanatos, se traduit : une mort qui est une noble fin »223. Au XVIIe siècle, le terme
a été réintroduit dans le langage moderne par le chancelier anglais FRANCIS BACON (15611626) qui, le premier, eu l’idée que le progrès scientifique facilitera la mort224 : « il appartient
au seul médecin de faciliter et d’adoucir de leurs mains les souffrances de l’agonie et de la
221
DE HENNEZEL (M.), Mission « Fin de vie et accompagnement », oct, 2003,p.17.
(B.) Legros, préc., note 89,p.13.
223
DUPUIS (J.), De l’euthanasie», Pierre Téqueli Editeur, 1991,p.16
224
cité par LEGROS (B).,préc., note 89,p.14.
222
72
mort » Au XIXe siècle, l’idée d’un acte médical donnant la mort sans souffrance apparaît dans
las pays anglo-saxons car la médecine dispose de moyens efficaces pour aider le malade à
moins souffrir grâce aux apports de la chimie. Mais l’efficacité des opiacés divers pour
soulager la douleur était limitée ; il n’y avait donc qu’une alternative : laisser souffrir ou
donner la mort. Au début du XXe siècle, l’euthanasie a suscité un vif intérêt en Angleterre et
aux Etats-Unis mais avec un changement radical de sens : l’euthanasie signifiait désormais le
meurtre par compassion.
L’euthanasie eugénique (au nom de la race comme dans le nazisme) et l’euthanasie
économique (concernant les incurables inutiles pour la société au nom du coût excessif des
soins) sont des variantes de l’euthanasie sociale. Ce mouvement a été arrêté par la seconde
guerre mondiale. Le premier septembre 1939, HITLER signa un décret a l’effet d’accorder la
délivrance par la mort aux personnes incurables, ce qui aboutit à une véritable standardisation
de la mort des aliénés et des enfants déficients225. « Ce n’était pas la douleur qui nous
intéressait,
c’était
la
condition
mentale
tout
entière,
la
désintégration
de
la
personnalité »déclarera le Dr BRANDT KARL au procès de Nuremberg226. L’euthanasie a été
assimilée au fait de donner une précoce et volontaire à des personnes dont la vie est jugée
indigne d’être vécue. C’est pourquoi le terme est devenu péjoratif.
Cette évolution sémantique a continué au XXe siècle en raison des « miracles » de la
technologie médicale permettant de maintenir en vie artificiellement dans le coma des
personnes dont la situation était antérieurement désespérée. A la suite de cette évolution est
apparue la distinction euthanasie active et passive. L’euthanasie active suppose l’intervention
spécifique d’un tiers dans le but de mettre fin aux jours d’une personne par l’administration
délibérée de substances létales dans l’intention de provoquer la mort. Elle peut être demandée
par le malade mais elle peut aussi être administrée sans son consentement ou une
manifestation expresse de volonté. L’euthanasie passive consiste à arrêter ou ne pas fournir un
traitement nécessaire au maintien de la vie humaine227 ; cette notion est critiquée notamment
par Monsieur THOMAS parce qu’elle contient deux attitudes radicalement différentes :
« d’une part, l’abstention du médecin reconnaissant chez son patient le caractère inéluctable
du processus naturel de la mort, et, d’autre part l’abstention du médecin en vue de hâter la
mort »228. « Dans le premier cas, il n’y a aucune euthanasie en ce sens que l’abstention du
médecin n’exprime aucune volonté de mise à mort, de raccourcissement de la vie, le praticien
225
Id. p.16.
Id. p.17.
227
DUPUIS (J.),préc.,note 226,p.17.
228
THOMAS (L.V), « La mort »,Coll. Que sais-je ?,PUF,1991,p.18.
226
73
se contente de cesser tous les soins extraordinaires. C’est dans le deuxième cas qu’il y a une
volonté d’euthanasie (élément moral) nettement déterminé. Il y a volonté de raccourcir la vie
dans l’abstention des soins ordinaires qui entretiennent la vie du malade en fin de vie »229.
Ensuite, la distinction entre les deux formes d’euthanasie est critiquée : où s’arrête
l’euthanasie passive et où commence l’euthanasie active qui consiste à administre la mort ?
Cette distinction peut paraître artificielle ; l’intention, donner la mort, est toujours la
même230. « Quelle différence entre débrancher les appareils et poser la perfusion qui tue ? On
s’interroge donc sur le fait de savoir si s’abstenir d’un geste qui prolonge la vie n’équivaut
pas, dans la pratique, au geste qui l’arrête »231.
Deux auteurs, le père VERSPIEREN et le professeur SCHAERER proposent une définition
unique de l’euthanasie. Pour le premier, il s’agirait de « tout comportement suivi d’effet dont
l’objectif est de provoquer la mort d’une personne, pour lui éviter ainsi des souffrances que la
personne l’ait demandée ou non »232. Cette définition insiste sur l’aspect volontaire de
l’euthanasie et évite de confondre le refus de l’obstination déraisonnable qui est un devoir
déontologique du médecin avec l’euthanasie. Autre avantage, cette définition permet de
sanctionner l’arrêt des soins de base (nutrition, alimentation, hydratation) Mais, « même ainsi
défini, le terme reste, dans certains cas frontières, de maniement délicat. Tout un travail
d’analyse des gestes posés et des intentions qui ont guidé l’action est alors indispensable pour
discerner si ce qui a été fait appartient au domaine du soin ou à celui de la recherche d’une
mort accélérée »
233
.
Pour le second, chef de cancérologie à l’hôpital des Sablons de Grenoble, l’euthanasie
« consiste à administre volontairement à un malade, un handicapé, ou à un blessé incurable,
dans le but d’abréger la durée de leur souffrance, une drogue ou un produit toxique qui met
rapidement fin à la vie »234. Il y a clairement une faille volontaire dans cette seconde définition
avec l’exclusion de l’euthanasie passive. Monsieur SCHAERER considère effectivement que
la frontière entre l’euthanasie passive et l’arrêt du traitement est délicate. Mademoiselle
LEGROS estime que la définition de Monsieur SCHAERER est inadéquate car « elle ne
229
LEGROS (B.),préc., note 89,p.18.
SCHOOYANS (M.), L’Evangile face au désordre mondial,Préface du Cardinal Ratzinger,Ed. Fayard 1997,p.
184.
231
THOMAS (L.V),préc.,note231,p.21
232
VERSPIEREN (P.), RICHARD (M.S) et RICOT (J.),« La tentation de l’euthanasie : repères éthiques et
expériences soignantes , éd 2004 Desclée de Brouwer.p20.
233
Id.p.27
234
SCHAERER (R.), « Euthanasie…De quoi parlons-nous ? » Jalmalv n°13 juin 1988,p.7
230
74
permet pas de sanctionner l’arrêt des soins ordinaires, or le fait de laisser mourir quelqu’un de
faim ou de le priver de son respirateur nécessite une répression »235.
Au terme de cet aperçu des définitions de l’euthanasie, nul doute qu’il n’y a pas de véritable
consensus sur la définition à retenir de l’euthanasie. Le rapport DE HENNEZEL propose
d’éviter le terme d’euthanasie qui sème la confusion236
B – Des implications spécifiques
Quelles sont les incidences civiles d’une éventuelle condamnation pénale ?
Tout d’abord, l’article 955 du Code civil dispose que : « La donation entre vifs (…) pourra
être révoquée pour cause d’ingratitude (…) si le donataire a attenté à la vie du donateur ».
L’action en révocation des donations pour cause d’ingratitude intéressant l’ordre public, le
donateur ne peut renoncer avant que le fait constitutif d’ingratitude se soit produit237.
Ensuite, toute personne qui donne ou tente de donner la mort, quels que soient ses motifs, peut
être poursuivie par la victime ou ses ayant droits d’une demande de dommages et intérêts si
elle est condamnée par une juridiction pénale238.
Cette personne encourt une autre sanction civile si elle fait partie de la famille de la victime
ou si elle a bénéficié de la part de la victime d’une libéralité. En effet, l’article 726 du Code
civil dispose qu’ «est automatiquement déclaré indigne de succéder et, comme tel, exclu de la
succession, celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour
avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt ». L’indignité successorale
est obligatoire ou facultative selon que la qualification retenue soit criminelle ou
correctionnelle. L’indignité peut être demandée, lors de l’ouverture de la succession, par un
autre héritier ou, en l’absence d’héritier, par le ministère public, contre l’héritier qui est
condamné, comme auteur ou complice, à une peine correctionnelle pour avoir volontairement
donné ou tenté de donner la mort au défunt239. Cette sanction civile s’applique à tous les
auteurs ou complices d’un homicide volontaire. Toutefois, la sanction de l’indignité
successorale est une peine de nature personnelle et d’interprétation stricte ; elle est
inapplicable au père du meurtrier déclaré indigne de succéder à ses propres enfants240.
235
LEGROS (B.),préc., note 8,p.505.
DE HENNEZEL (M.), Mission “ fin de vie et accompagnement”, oct, 2003,p.17.
237
Civ. 1ere, 22 nov. 1977: Bull. Civ. I,n°431
238
Article 1382 du Code civil : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui
par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».
239
Article 727 du Code civil.
240
Civ.1ere, 18 déc. 1984.Bull.civ.I,n°340 ;R.,p.58.
236
75
II – Le régime juridique de l’euthanasie
Une grande diversité de textes sont susceptibles de s’appliquer à l’encontre d’un geste
euthanasique (A). La très grande clémence dans la répression s’explique par différents
éléments pris en compte sur le plan juridique (B).
A – Des incriminations nombreuses.
Les incriminations sont souvent jugées choquantes parce que l’euthanasie implique en général
le consentement de la victime. Mais « le consentement de la victime ne peut pas plus justifier
l’euthanasie qu’il ne justifie d’autres infractions : il s‘agit en effet d’un homicide qui n’est
conforme, quoiqu’on dise parfois241, ni à l’intérêt général li même à l’intérêt de la victime.
Toutes ces raisons se conjuguent pour enlever à l’euthanasie la moindre valeur justificative :
l’euthanasie est un assassinat ou un meurtre, car nul n’a le droit de tuer, fût-ce par charité »242
243
. Le consentement fait disparaître l’infraction dans les cas exceptionnels où la victime a la
libre disposition de l’intérêt protégé par la loi pénale. Autrement dit, le consentement de la
victime n’est pas une cause d’irresponsabilité générale pénale. Le motif, même charitable,
comme la pitié ou la compassion, est donc indifférent et explique seulement l’élément
intentionnel de l’infraction commise. La personne humaine ne dispose pas de sa vie qui n’est
pas un intérêt privé, mais public. A priori, l’euthanasie est toujours un homicide volontaire.
Pourtant, les qualifications pénales utilisées par les magistrats judiciaires ne sont pas toujours
criminelles (1) ; elle sont parfois correctionnelles (2).
1 – Les qualifications relevant de la cour d’assises
Les qualifications criminelles pouvant être utilisées dépendent des méthodes utilisées pour
donner la mort. A chaque fois, il faut prouver l’élément intentionnel (l’état d’esprit de l’auteur
des faits) et l’élément matériel (le mode d’exécution) de l’infraction.
Tout d’abord, la qualification la moins sévère est le meurtre incriminé par l ‘article 221-1 du
Code pénal : « Le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre. Il est
puni de trente ans de réclusion criminelle ». Par exemple, l’élément matériel est caractérisé
241
« La presse a rendu compte d’un congrès médical, tenu en septembre 1984, au cours duquel des médecins ont
revendiqué le droit de donner la mort à des malades incurables et se sont même vantés d’avoir usé de ce droit »,
MERLE (R.) et VITU (A.), « Problèmes généraux de la science criminelle », Droit pénal général, Cujas, 7éd.,
1997,n°477,p.602.
242
Id.p.572.
243
Cf Crim.22 juin 1837.I.465.
76
quand une infirmière en milieu hospitalier, obéissant aux ordres d’un médecin, décide de
débrancher le respirateur ou l’alimentation artificielle. Selon mademoiselle LEGROS, le délit
d’omission de porter secours244 ne peut pas être utilisé du point de vue de la rigueur juridique
car c’est une infraction d’omission, or en débranchant l’auteur des faits est actif245. Cette
qualification est utilisée dans un souci de clémence juridique. L’acte euthanasique commis par
la personne doit être de nature à entraîner la mort et l’auteur doit avoir eu l’intention de
donner la mort (animus necandi). Bien que la preuve de l’intention appartienne au ministère
public, la présomption d’intention criminelle résulte le plus souvent de l’interprétation des
faits eux-mêmes. En général, la qualification de meurtre simple n’a pas vocation à s’appliquer
car la personne apportant sa participation active ne le fait qu’après avoir mûrement réfléchi.
L’article 223-1 du Code pénal prévoit en effet que : « le meurtre commis avec préméditation
constitue un assassinat. Il est puni de la réclusion à perpétuité ».
Ensuite, lorsque l’acte euthanasique est commis par l’administration de substances mortifères
(par une piqûre ou par une perfusion), la répression relève de l’article 221-5 qui dispose : « Le
fait d’attenter à la vie d’autrui par l’emploi ou l’administration de substances de nature à
entraîner la mort constitue un empoisonnement ». A propos de l’élément moral, la question
s’est posée de savoir si un dol général suffisait246 (l’intention d’administrer des substances
mortifères) ou si un dol spécial (l’intention de tuer) était nécessaire. Dans deux arrêts en date
du 2 juillet 1998247 et du 18 juin 2003248, la chambre criminelle de la Cour de cassation semble
avoir opté pour le dol spécial. Mais la doctrine reste dubitative sur cette évolution de
l’élément moral249. Cette évolution de l’élément moral règle le problème que la légalisation du
double effet aurait pu poser. Il faut avoir l’intention de donner la mort pour empoisonner alors
que le but de la pratique du « double effet » est de soulager la douleur (et celui de la loi du 22
avril était de paralyser des actions pénales). Il y a empoisonnement même si les substances
prises isolément n’étaient pas de nature à donner la mort, mais peuvent, associées, parvenir à
ce résultat250. L’élément matériel est constitué même si la substance mortifère administrée
n’entraîne la mort qu’à long terme car l’empoisonnement est une infraction formelle c’est à
dire que sa consommation est indépendante est résultat (la mort). La tentative interrompue en
raison de circonstances indépendantes de la volonté de l’auteur et la complicité sont
244
Article 223-6 du Code pénal
LEGROS (B.),préc., note 89,p.290.
246
PROTHAIS (A.), « Dialogue de pénalistes sur le SIDA », Dalloz 1988, chron.,p25.
247
Cass. crim.2 juill. 1998,II,10132,note RASSAT (M.L).
248
Cass. crim.,18 juin 2003,JCP., 2003,325.
249
RASSAT (ML), Droit pénal spécial, Infractions des et contre les particuliers , précis Dalloz, 4éd., 2004,n°
283,p.295-296.
250
Cass. crim.,8 juin 1993,Bull.crim.,n°203,p.507.
245
77
punissable. Le médecin est souvent complice par instigation et l’infirmière fait la piqûre
mortelle sur ses ordres251.
Le meurtre et l’empoisonnement sont punis de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’ils
sont commis sur un mineur de quinze ans, sur un ascendant ou sur une personne dont la
particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience
physique ou psychique est apparente ou connue de son auteur252. Notons en outre que la
remise à la victime, en vue de leur absorption, de médicaments susceptibles d’entraîner son
décès, a pu être considérée non pas comme une tentative, mais comme l’acte
d’administration253. L’infraction est consommée dès l’administration ; par conséquent, le fait
d’administrer un antidote s’analyse en un repentir actif inefficace, tout comme le fait de retirer
avant toute conséquence une perfusion. La complicité d’une infraction simplement tentée est
punissable et, depuis la loi du 9 mars 2004254, la tentative de complicité est également
punissable uniquement pour l’assassinat et l’empoisonnement mais la répression est moindre.
En cas de complicité, la peine peut être aggravée par des circonstances qui sont personnelles
au complice et qui ne concernent pas l’auteur principal. Par exemple, le fils qui fait tuer son
père par un tiers sera passible des mêmes peines que s’il l’avait tué lui-même. Le complice est
puni comme auteur255 ; il ne subira pas les circonstances aggravantes personnelles à l’auteur.
En réalité, les poursuites se fondent le plus souvent sur le meurtre ou l’assassinat même
lorsqu’il y a administration de substances létales. Les poursuites pénales furent fondées sur la
qualification de meurtre dans le cas d’un infirmier qui donna la mort à une patiente en
introduisant du chlorure de potassium dans sa perfusion256. Autre exemple, Une infirmière a
été condamnée en appel pour assassinat257, choix constituant une erreur de qualification mais
comme l’empoisonnement est presque toujours prémédité, la répression est la même que celle
de l’assassinat. Il faut cependant noter qu’une juridiction a attribué sa juste qualification à
l’acte incriminé. En effet, la Cour d’assises d’Ille-et-Vilaine a condamné le 11 mars 1998 pour
empoisonnement à cinq ans d’emprisonnement avec sursis l’auteur d’un acte d’euthanasie258.
251
SIMEON (A-M), « Euthanasie : un médecin et une infirmière mis en examen », Le Monde, 27 novembre 2003.
Article 221-4 du Code pénal.
253
Cass.crim., 8 juin 1993,Bull.crim.,n°203
252
254
Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolution de la criminalité. JO n°59 du 10
mars 2004 p.4567.
255
Article L121-6 du Code pénal.
Cour d’assises du département du Bas-Rhin, 4 oct. 1985,n°29/85.
257
Cour d’assises,1ére section, Paris, 16 oct 2003,n°03/0083.
258
En l’espèce, un petit-fils a abrégé les souffrances de sa grand-mère hospitalisée depuis six ans après un
accident vasculaire cérébral. Cour d’assises d’Ille-et-Vilaine, 11 mars 1998, arrêt n°1798, Dict. Permanent
Bioéthique et Biotechno., Bull.n°61,12 mai 1998,p.8504.
256
78
La réclusion criminelle à perpétuité est la répression de principe en matière d’euthanasie.
Certes, le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation mais la peine plancher est de deux ans
d’emprisonnement, éventuellement avec sursis. C’est certainement la raison pour laquelle on
constate de nombreuses erreurs de qualification en matière d’euthanasie.
2 – Les qualifications relevant du tribunal correctionnel.
L’euthanasie est un homicide volontaire mais, parfois, le ministère public suivi par les juges
du fond préfère opter pour des qualifications relevant du tribunal correctionnel dans un souci
de clémence. Un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation met en évidence le
laxisme dans l’application de la loi259. En l’espèce, un médecin anesthésiste n’a pas ordonné le
transfert d’accidentée de la route dans un centre universitaire et a décidé seul d’ex tuber et
d’arrêter la réanimation. Il faut noter que ce sont les infirmières traumatisées qui ont fait un
rapport à la direction. On peut affirmer que sans cette absence de concertation, aucune
poursuite pénale n’aurait été diligentée car le ministère public n’en aurait jamais eu
connaissance. Une qualification correctionnelle est approuvée par la Cour de cassation, celles
d’homicide involontaire260. Il est reproché au médecin deux types de fautes. Le fait de ne pas
avoir transféré la patiente dans un établissement de soins disposant d’un plateau technique
adapté à son état et le fait de n’avoir pas vérifié le « diagnostic avancé des lésions bulbaires ».
Ces deux fautes sont analysées par la Cour de cassation comme deux fautes d’imprudence et
de négligence. Selon la Cour de cassation, le médecin « n’a pas accompli les diligences
normales qui lui incombaient compte tenu de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du
pouvoir et des moyens dont il disposait ». La qualification pénale choisie est très critiquable
parce qu’il s’agissait bien d’un cas d’euthanasie : la victime n’était pas en état d’exercer son
droit de refus de soins et le médecin anesthésiste a commis un acte positif et réfléchi. En effet,
l’infraction était nécessairement volontaire puisque le médecin savait que le processus mortel
était irréversible. La qualification d’assassinat aurait dû être retenue.
La mère de Vincent Humbert a ajouté un produit toxique dans une sonde gastrique de son fils.
Le produit n’a pas eu l’effet mortifère escompté. Une information judiciaire a été ouverte en
octobre 2003261 ; la qualification actuellement retenue est celle d’administration de substances
259
Crim.19 fév. 1997, Dalloz 1998,p236, note LEGROS (B.); JCP éd Gén. 1997.II.22889,note CHEVALLIER
(J-Y.).
260
Article 221-6 du Code pénal : « Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à
l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité
ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire puni de
trois ans d’emprisonnement et de 45000 d’amende ».
261
LEGROS (B.),préc., note 89,p.30.
79
nuisibles262. C’est une infraction formelle qui est soumise au régime des violences volontaires
c’est à dire que sa qualification criminelle ou délictuelle dépend de l’évaluation du préjudice
et des circonstances aggravantes. Elle devrait être poursuivie pour empoisonnement avec
préméditation.
Les affaires d’euthanasie sont rares alors que, selon des études récentes, la moitié des décès en
réanimation sont précédés d’une décision d’arrêt ou de limitation des soins actif263. En
général, il y a concertation de l’ensemble de l’équipe soignante.
B – Une répression modérée
Selon Monsieur PY, « Les recueils de jurisprudence sont pauvres en condamnations pour
euthanasie, parce que le contentieux est peu important en volume et surtout parce que les
décisions de justice montrent une fréquente clémence à l’égard des auteurs d’euthanasie »264.
Tout d’abord, le mobile et le consentement de la victime ont une influence évidente au niveau
du prononcé de la peine alors qu’ils n’en ont aucune au niveau de l’établissement de la
culpabilité. Lorsqu’il y a des poursuites, la jurisprudence265 opte pour des faibles peines
assorties du sursis ou pour des acquittements. Toutefois, il existe un cas particulier, celui de
l’infirmière qui a été reconnue coupable de 6 patients à l’hôpital de Mantes-la-Jolie, entre
1997 et 1998, et condamnée à douze ans de réclusion criminelle par la Cour d’assises de Paris,
le 16 octobre 2003.
Ensuite, « si le coupable a agi pour des motifs particulièrement louables, la poursuite peut
présenter plus d’inconvénient que d’avantages pour l’ordre public »266. L’opportunité des
poursuites est un principe jurisprudentiel et doctrinal, rappelé à l’article 40 du Code de
procédure pénal. En effet, le ministère public peut décider de ne pas engager des poursuites et
d’opérer un classement sans suite de l’affaire, notamment s’il n’y a pas de partie civile. Cela
signifie simplement que la décision s’est faite en concertation avec la famille et qu’elle ne
souhaite pas se constituer partie civile. La médiatisation de l’affaire HUMBERT en septembre
2003 a obligé le ministère public à procéder à des poursuites ; cette affaire douloureuse aurait
dû se « régler » dans l’intimité.
262
Article 222-15 du Code pénal : « L’administration de substances nuisibles ayant porté atteinte à l’intégrité
physique ou psychique est punie des peines mentionnées aux articles 222-7 à 222-14 suivants les distinctions
prévues par ces articles ».
263
FLORENNE (Y ), « Le tabou de l’euthanasie », Le Monde 13 avril 2001, Editorial.
264
PY (B), « La mort et le droit », Que sais-je ?, PUF, 1997,p51.
265
Cf., pour l’acquittement d’une mère qui a empoisonné son nouveau né, Cour d’assises, Liège, 5
nov.1962,Rev.sc.crim.,1963,83 ;celui d’un infirmier, Cour d’assises du département du Bas-Rhin,4 oct. 1985n°
29/85.
266
STEFANI (G.), LEVASSEUR (G.) et BOULOC (B.), procédure pénale, précis Dalloz, 2001,n°592,p.526
80
Enfin, selon Mademoiselle LEGROS, la très grande modération des juges s’explique par le
recours implicite à l’état de nécessité qui est une cause générale d’irresponsabilité pénale.
Certains actes d’euthanasie pourraient être ainsi justifiés si les conditions d’application sont
remplies267. « Elle relève plus de l’équité que du droit. Elle permet aux juridictions du fond de
faire fléchir le droit devant la réalité et d’éviter de prononcer des condamnations qui
heurteraient le sens commun. Elle constitue, d’une certaine manière, la possibilité donnée aux
juridictions de prolonger le pouvoir d’opportunité des poursuites reconnu aux seul ministère
public, en relaxant l’auteur d’une infraction qu’il aurait été plus sage de na jamais déférer
devant les tribunaux répressifs »268.Pour être admis, la mort devra être le seul moyen pour
éviter le péril, c’est-à-dire les souffrances physiques intolérables269.Par conséquent, un
médecin ne peut pas bénéficier de cette de justification s’il n’a pas utilisé tous les moyens
pour lutter contre la douleur, d’autant plus qu’il viole ainsi son propre Code de déontologie270.
Ce mécanisme expliquerait implicitement l’absence de sanction disciplinaire d’un médecin,
poursuivi devant sa juridiction disciplinaire pour avoir pratiqué une euthanasie271
Finalement, le choix du législateur de ne pas légitimer l’euthanasie nous semble opportun. La
loi est d’ordre générale, on ne légifère pas sur du particulier272. Toutefois, L'intervention d'un
contrôle a priori social pourrait être envisagée (Une fois que l'acte d'euthanasie a été commis,
il importe peu en effet de savoir s'il était ou non légitime).
Mais, comme l’a constaté Monsieur PROTHAIS « Un contrôle social a priori n'est pas
suffisant non plus, car toute appréciation par anticipation dans de telles circonstances, est
contestable ; les conditions de la justification doivent être réunies à l'instant même de
l'accomplissement de l'acte apprécié. Un contrôle social préalable équivaudrait à un permis en
blanc de donner la mort »273. Seul le développement des soins palliatifs constitue un problème
de santé publique.
267
Article 122-7 du Code pénal : « N’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou
imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne
ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ».
268
DESPORTES (F.) et LE GUNEHEC (F.), Le nouveau Droit pénal, Economica,6éd.,1999,n°751,p.603.
269
LEGROS (B.),préc., note 89,p.245.
270
Article 32 du Code de déontologie médicale (article R.4127-32 du Code de la santé publique) : « Dès lors
qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins
consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de
tiers compétents ». Article 37 du Code de déontologie médicale (article R.4127-37 du Code de la santé
publique) : « En toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances de son malade,
l’assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique ».
271
Cons.nation.ordre.méd.,sect.disc.,8 juillet 1999,dossier n°7114 Méd. et Droit,2000,n°42,p.32.
272
BEIGNIER (B.), « La mort, respect et protection du corps humain », J-cl civil., art 16 à 16-2, fasc 70,n°
71,p.23.
273
PROTHAIS (A.), « Crimes et délits. Accompagnement de la fin de vie et droit pénal » ;JCP, la semaine
juridique.I, 130, 28 avril 2004, .
81
Chapitre 2 – L’altération de la dignité
accompagnement du mourant.
Il est nécessaire de réhabiliter la dernière phase de la vie. D’une part, du point de vue
structurel car l’accès aux soins palliatifs est actuellement inégal selon les régions (Section 1).
D’autre part, du point de vue humain, le mourant doit savoir qu’il va mourir. A défaut, on lui
vole sa mort (Section 2).
Section 1 – Les atteintes à la liberté de choisir son
traitement
La maîtrise actuelle des dépenses de santé ne va-t-elle pas faire des soins palliatifs les parents
pauvres de notre politique de santé publique ? On assiste à des refus d’accorder des soins
curatifs, derniers recours pour une éventuelle guérison274, en raison de l’âge. Le système de
santé français est sur la pente descendante (I), et de nouvelles discriminations vont devenir un
problème d’actualité aiguë dans un futur proche ; il est donc nécessaire de diffuser la
démarche palliative (II).
I – La maîtrise des dépenses de santé
En France, on a longtemps argué haut et fort qu’on prohibait toutes les discriminations mais at-on encore les moyens financiers pour tenir un tel discours ? Il s’agit d’un conflit entre
éthique collective et éthique individuelle : on assiste à des débuts de discrimination en raison
de l’âge. Des personnes agées sont privées abusivement de chance de guérison ou de
rémission en étant écartées des soins curatifs en raison de « pénuries ».
Le domaine où la pénurie est croissante est celui des organes. Actuellement, les sélections
entre les patients est fondée sur la gravité de l’état du patient et les chances de succès que l’on
peut espérer. Quand un patient est responsable de sa pathologie, y a t-il un refus d’opérer
274
LEGROS (B.),préc.,note8,p481.
82
fondé sur une idée de punition ? Quelle éthique fait-on prévaloir lorsqu’une dépendance, par
exemple le tabac ou l’alcool, rend nécessaire la greffe ? Officiellement, l’argument de la faute
n’est pas utilisé pour refuser une action thérapeutique utile. Cependant, les chirurgiens
français ont en générale une exigence : l’abandon préalable de la dépendance275. On peut
penser que cette exigence est légitime : on augmente ainsi les chances de guérison.
Bien que la greffe soit quelque chose vital, les malades en fin de vie n’ont quasiment aucune
prérogative : La greffe ne constitue pas un droit même si les mourants doivent, bien sûr,
donner leur consentement à l’opération. Quels sont les principes généraux d’attribution des
greffons ? L’équipe médico-chirurgicale doit inscrire le patient en attente d’un organe sur une
liste nationale sous peine de ne pas en recevoir276. C’est l’établissement français des greffes
( qui a remplacé l’association France-Transplant en 1994277) qui est chargé notamment de
l’enregistrement de l’inscription des patients sur la liste nationale, de la gestion de celle-ci et
de l’attribution des greffons. Cet établissement public doit établir et soumettre à
l’homologation par arrêté du ministre chargé de la santé les règles de répartition et
d’attribution des greffons, celles-ci devant prendre en considération le caractère d’urgence que
peuvent revêtir certaines indications de greffe278. « Les principales contre-indications absolues
à la transplantation sont le refus du malade, les affections malignes de caractère récent et
évolutif et certaines affections virales, d’où la nécessité d’un bilan sérologique complet,
accompagné de la recherche d’une éventuelle réplication virale dans certains cas ? En effet, il
ne faut jamais perdre de vue l’immuno-suppression post-transplantoire »279.
L’arrêté du 6 novembre 1996 portant homologation des règles de répartition et d’attribution
des greffons prélevés sur une personne décédée en vue de transplantation d’organes280 fait
passer ceux dont la vie est menacée à très court terme en priorité. En effet, il dispose que : »
les règles de répartition et d’attribution de ces greffons doivent respecter les principes
d’équité, l’éthique médicale et viser l’amélioration de la qualité des soins […]. L’objectif de
ces règles est de tenir compte de l’urgence de la greffe ». Or, il est bien évident qu’un mourant
en attente de greffe correspond bien à cette situation. En théorie, les malades en fin de vie ne
sont donc pas victime de discrimination. . Actuellement, il n’y a aucun contentieux, mais on
275
MAJNONI D’INTIGNANO (B.), « Conflits d’éthiques », Le Monde 9 sept 1993, P.2.
Article 56 de la loi n°94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale, J.O 19
janvier. 1994, p.960
277
Décret n°94-870 du 10 octobre 1994 relatif à l’établissemnt français des greffes et modifiant le Code de la
santé publique, J.O 11 oct 1994, p.14375.
278
Article 56 de la loi 18 janv 94.
279
CLAQUIN (J.)et FOISSAC (M.N.), Les greffes d’organes et de tissus , Médecine de l’homme. 1994,p.9.
280
Arrêté du 6 novembre 1996 portant homologation des règles de répartition et d’attribution des greffons
prélevés sur une personne décédée en vue de transplantation d’organes, J.O. 10nov.1996, p.16475.
276
83
peut imaginer qu’un tel malade (ou sa famille s’il est mort) intente une action contre
l’établissement français de greffes, personne morale, fondée sur la discrimination en raison de
l’état de santé. Une telle discrimination consiste dans le refus d’une fourniture de service
conformément aux articles 225-1 et 225-2 1° du nouveau Code pénal.
En revanche, la « pénurie » financière risque de se généraliser car « il est faux de croire que
les médecins agissent sous l’empire de l’idéal thérapeutique. Le critère d’efficacité et
l’obligation des choix imprègnent les pratiques cliniques »281. Une pénurie va se faire sentir en
raison de la politique actuelle de maîtrise des dépenses de santé. Certes, il ne faut pas que la
prise en charge des malades en fin de vie soit tributaire d’un problème d’argent ; il ne faut pas
privilégier l’euthanasie par manque de moyens. Mais les pouvoirs publics disposent-ils d’une
capacité financière suffisante ? Monsieur MOATTI montre que deux séries de choix
conditionnent tous les autres : la répartition entre la santé et le reste de l’économie ; le
répartition des ressources à l’intérieur du champ de la santé. C’est la politique britannique :
quand on décide d’engager un traitement, on sacrifie la possibilité d’apporter le réponse
correspondante à d’autres usagers282. La position britannique consiste à estimer le bénéfice de
toutes les interventions médicales en terme de nombre d’années de vie gagnée283. C’est la
technique adjusted life years ; ainsi, « on obtient (…) plus d’années de survie de bonne qualité
pour un coût donné »284.
En France, la transparence des coûts conduit certains établissement à chiffrer avec précision
les dépenses induites par chaque pathologie ce qui modifie les rapports entre praticiens285.
Cela va-t-il amener à refuser systématiquement certains malades en fin de vie, sachant qu’ils
seront soignés ailleurs ? Pour certains, l’opposition entre éthique individuelle et éthique
collective doit être dépassée, « à défaut, les choix risquent d’être plus tragiques encore. Nous
serions en effet devant cette alternative : renonciation à la solidarité collective face au risque
maladie au profit du marché ou renforcement du contrôle technocratique direct sur les choix
médicaux »286.
Il faut donc renouveler l’éthique médicale. Mais comment faire réaliser des économies à le
Sécurité Sociale sans encourager la sélection des pathologies et donc des malades ? Pour
281
MOATTI (J.P), « Le temps des chois tragiques », Supplément La Recherche n°281, nov. 1995, p.29.
MOATTI (J.P),préc.,note 284 ,p.29.
283
REYNAUD (M.) et VASSY (C.), « Conséquences de la réforme du système de santé britannique sur la vie
d’un hôpital général », Solidarité Santé n°3, 1995, p.90.
284
FAGOT-LARGEAULT (A.), «Réflexions sur la notion de qualité de vie, in Archives de philosophie du
droit », Droit et Science, t.30, Sirey 1991, p.137.
285
NORMAND (J.M), « Une expérience de transparence des coûts menée par un établissement mutualiste
parisien : les contraintes économiques posent de nouvelles questions d’éthique médicale, Le Monde 30-12-1994,
p.7
286
(J.P.) MOATTI (J.P),préc.,note 284 ,p.32.
282
84
d’autres, il faut établir un tarif de référence adapté à chaque pathologie fin de ne pas choisir
entre les malades287. En tout état de cause, le désir de la majorité des malades en fin de vie est
dé bénéficier des soins palliatifs sans que l’on abandonne trop vite les soins curatifs. Or, on
rejoint ici les préoccupations des gestionnaires !288Le coût des soins palliatifs est peu élevé,
surtout lorsqu’ils sont dispensés à domicile289.
II – La nécessité de diffuser la démarche palliative
Du point de vue structurel, la France dispose de 1000 lits de soins palliatifs-U.SP et lits
identifiés. Il faudrait 50 lits par million d’habitants, soit 3000 lits ; il manque donc 2000 lits à
pouvoir soit dans les U.S.P, soit sous la forme de lits identifiés. Quelles sont les propositions
du rapport DE HENNEZEL ? En date d’octobre 2003, ce rapport élaboré par Madame DE
HENNEZEL, à la demande du ministre de la Santé, de la famille et des personnes handicapées
est intitulé : « Mission fin de vie et accompagnement ». Il met en exergue la nécessité
d’appliquer la circulaire du 19 février 2002 dont l’objectif est de diffuser la démarche
palliative dans tous les services de gériatrie et dans les hôpitaux locaux. Madame DE
HENNEZEL souhaite donc un développement plus étendu des soins palliatifs tant en
institution qu’à domicile (d’autant qu’à domicile le coût est moindre pour la collectivité).
Elle souhaite la création d’une USP par région et la poursuite du développement des UMSP (il
y en a 291, elle préconise de monter ce chiffre à 400). Elle appelle les pouvoirs publics à
rappeller aux agences régionales d’hospitalisation (ARH) la volonté nationale lors des contrats
passés entre le ministère et ces agences qui rédigent et mettent en œuvre les schémas
régionaux d’organisation sanitaire (SROS). Il faut que les régions aient un volet obligatoire
soins palliatifs dans leur SROS (seules 18 régions en disposent à ce jour) conformément à la
circulaire.
Ensuite, les soins palliatifs sont quasiment absents dans les services d’urgence et de
réanimation. Madame DE HENNEZEL propose que tous les professionnels confrontés à des
fins de vie bénéficient d’un séminaire de réflexion éthique. Elle propose également la
formation de référents éthiques et la constitution à terme d’une cellule de réflexion éthique,
rassemblant les personnels formés à l’éthique, car, la légitimité des comités d’éthiques n’est
pas reconnue.
287
(J.M) NORMAND (J.M),précit.,note 288,p.9.
BARRAU (A.)et (J.P) POINDRON (J.P), « Le coût de la mot », Science & Vie Economie, n°48, mars 1989,
p.37
289
Id. P.38.
288
85
Enfin, Madame DE HENNEZEL propose la création d’un numéro vert à destination des
malades et de leurs familles afin de diffuser la connaissance du contenu des soins palliatifs.
Mais le médecin est également un homme qui a sa propre histoire par rapport à ce que les
sociologues appellent « le mourir »290, il faut donc former les médecins à la réflexion éthique
dès le début de leurs études et même créer une spécialité médicale. S’agissant du congé
d’accompagnement, Madame DE HENNEZEL suggère qu’il soit rémunéré afin que la prise
en charge du mourant ne soit pas tributaire d’un problème d’argent (et pour éviter la pratique
illégale des faux arrêts maladie).
Finalement, la loi du 22 avril 2005 contribuerait à « diffuser une culture palliative ». D’après
les informations recueillies par le rapporteur, les efforts devraient se traduire par la
mobilisation sur 3 ans par le ministère de la Santé de 65 millions d’euros. Ces crédits sont
destinés au « financement des actions de formation des professionnels de santé et le
développement des matériels nécessaires à ces soins ». L’article 10 de la loi (article L6114-2
CSP) concerne les contrats pluriannuels conclus entre les ARH et les établissements de santé
publics ou privés et les établissements de santé. Il définit le contenu de ces contrats qui
doivent désormais identifier à l’intérieur des établissements hospitalier, les services « au sein
desquels sont dispensés des soins palliatifs » et introduire des formations de référents et des
lits identifiés. Est-ce que la loi nouvelle rend effectif le droit de « toute personne malade dont
l’état le requiert (…) d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement »291 ? Aux
termes du nouvel article L6114-2 du Code de la santé publique, les ARH élaborent
obligatoirement un volet spécifique aux soins palliatifs dans les SROS.
Le législateur suit donc le rapport DE HENNEZEL sur ce point mais l’article 10 ne privilégie
pas le développement de structures palliatives (unités de soins palliatifs, équipes mobiles de
soins palliatifs, réseaux ». Le rapport DE HENNEZEL préconisait le maillage de tout le
territoire en structure de soins palliatifs ou de réseaux, ce qui aurait permit de respecter le
choix des malades sur les conditions et lieux de leur fin de vie ( en structure ou à domicile).
De plus, ce maillage aurait dû être réalisé en 2005, selon le Comité de suivi du programme
nationale de développement des soins palliatifs 2002-2005 ; cet objectif avait été renforcé par
les directives du plan « CANCER » qui préconisait la création de 200 USP d’ici 2007.
Il nous semble que le législateur s’est contenté de former des référents et d’identifier des lits.
S’agissant de la dignité accompagnement, cette loi nous laisse un goût d’inachevé. le
290
291
(C.) Michel Castra, « Bien Mourir », Sociologie des soins palliatifs, p283
Article L1110-9 do Code de la santé publique
86
législateur a choisit de « développer une culture palliative ». Malheureusement, il ne s’agit
nullement de crées des structures spécialisées dans les soins à apporter aux mourants.
Comme l’a écrit Madame DE BEAUPRE, « Les soins palliatifs sont, une fois encore, les
parents pauvres. Un soutien médiatique leur serait utile, mais ils demeurent sur leur terrain de
discrétion, efficaces et effacés »292.
Les mourants se heurtent à des difficultés pour choisir tant les soins de leur fin de vie que leur
dernier espace de vie, ce qui n’est pas satisfaisant. En effet, la fin de vie n’est pas un moment
inutile mais, comme le souligne Madame DE HENNEZEL, c’est un moment douloureux mais
indispensable pour que le deuil puisse se faire dans de bonnes conditions. Encore faut-il que le
mourant sache qu’il va mourir.
Section 2 – L’article 35 alinéa 2 du Code de
déontologie médicale : une atteinte à la liberté du
malade en fin de vie
Le médecin doit-il dire le caractère irréversible de sa maladie à un malade en fin de vie ? C’est
l’une des questions les plus douloureuses qui puisse advenir dans la relation entre médecins et
malades. A priori, un mensonge est toujours juridiquement une faute, mais n’y a-t-il pas des
« vérités qui transpercent les cœurs ? La majorité des médecins français considèrent en
pareille situation que le fait de ne pas annoncer la vérité est un devoir d’humanité qui prévaut
sur le devoir d’informer293. Les médecins américains, quant à eux, annoncent
systématiquement la vérité et leur brutalité verbale est notoire294.
En droit français, le seul texte faisant référence implicitement au malade en fin de vie est
l’article 35 alinéa 2 du Code de déontologie médicale ; il suggère au médecin de ne pas
révéler le pronostic mortel. Doit-on dire la vérité au mourant ? A priori, la décision appartient
d’abord au médecin puisque c’est lui qui a accès direct à l’information. Cet article serait une
exception à l’obligation d’informer295. Mais ce refus de transmettre l’information fatale n’estil pas contraire à la liberté du malade en fin de vie.
292
DE BEAUPRE (A), « la loi sur la fin de vie » Dalloz 2005, n°3; P365
FRESCO (R.), EXTREMET (J.), FONDARAI (J.A), KOUPERNIK (C.),TATOSSIAN(A.)etSERAFINO(X.),
Enquête sur les attitudes médicales vis-à-vis des malades cancéreux en phase terminale, Paris,Masson,1978.
294
SCHWARTZENBERG (L.) et VIANSON-PONTE (P.), Changer la mort, Albin Michel, 1977, p.190.
295
THOUVENIN (D.), « Le rôle du consentement dans la pratique médicale », Médecine &Droit n°6mai/juin
1994,p.57.
293
87
Nous nous attarderons, dans un premier temps, sur ce devoir du médecin de ne pas dire la
vérité (I) avant d’évoquer les fondements juridiques qui le neutralise (II)
I – Le devoir de ne pas dire la vérité
L’article 35 alinéa 2 du Code de déontologie médicale dispose que : « Dans l’intérêt du
malade et pour des raisons légitimes que le médecin apprécie en conscience, un malade peut
être laissé dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic grave ». Le médecin décide
dons de ne pas dire la vérité au malade si, « en conscience », il détermine qu’il y a « des
raisons légitimes » de mentir. Cet article a une portée très large : les mourants ne sont pas les
seuls concernés car un pronostic peut être grave sans être mortel. Cet article ne constitue-t-il
qu’une faculté laissée au médecin ? Est-il largement utilisé ? Il semble que la grande majorité
des médecins (environ 60%) savent au moins de quoi ils vont mourir296. Mais quels sont les
arguments qui militent pour le devoir de ne pas dire la vérité ?
Le premier argument est celui de l’intérêt du malade : les malades en fin de vie ne seraient pas
prêts à tout savoir, ils ne pourraient pas assumer ; il serait criminel d’ôter au mourant toute
espérance. On rappelle d’ailleurs la réaction de Freud à son médecin lui révélant qu’il était
porteur d’un Cancer au visage : « de quel droit me dites-vous cela ? ». Pour Monsieur
SAVATIER : « Le droit du malade à la vérité a pour première limite sa capacité de la
connaître sans dommage majeur. La fragilité de certains est telle que la révélation du
diagnostic peut réellement et sérieusement aggraver leur état. Tant qu’il en est ainsi, le
médecin peut user, à l’égard du malade, des restrictions mentales et ne révéler son diagnostic
qu’à sa famille »297.
Ensuite, on évoque le suicide ; c’est une peur injustifiée, selon Mademoiselle LEGROS car :
« le taux de suicide dans les populations, tous au moins dans celles des malades cancéreux,
est identique à celui d’une population en bonne santé de même âge et de même condition
socio-économique »298. L’argument du suicide est surtout invoqué par la famille qui ne sait pas
comment réagir. Dans notre société, on l’a vu, la mort est devenu taboo. En réalité, cette
politique de dissimulation est guidée par la peur de la mort car dans la mort de l’autre on voit
toujours sa propre mort. Juridiquement, le véritable fondement de l’article 35 alinéa 2 est le
296
CHEVILLARD (F.), Information, communication, vérité. A propos d’une étude réalisée à la maison médicale
Jean XXIII, Mémoire de DEA,lille,1993,p.30.
297
SAVATIER (R.) cité par LEGROS (B.),préc.,note 8,p.275.
298
LEGROS (B.),préc.,note 8,p.279.
88
paternalisme médical (ou impérialisme médical)299. C’est la doctrine selon laquelle le patient
se remet entre les mains du médecin ; ce dernier décide seul des soins à donner au malade.
Cette dissimulation de la vérité est une atteinte évidente à la dignité accompagnement car la
famille a besoin de se recueillir avec le mourant. La fin de vie est un moment difficile,
nécessairement douloureux mais nécessaire pour réaliser le travail de dueil.
Certes, la vérité doit être adaptée à chaque cas ; le médecin doit cerner son patient dans son
individualité. Selon Monsieur VERSPIEREN, c’est le malade qui devrait être le « maître du
jeu » c’est à dire qu’il devrait imposer les modalités de l’information et son rythme car le
patient doit rester sujet et non objet de soins, condition sine qua non pour que la dignité
accompagnement du mourant soit respecter. Si la mourant est une fin et non un moyen, il faut
lui permettre de diriger lui-même sa fin de vie300. Dans le même ordre d’idée, Monsieur
HOERNI préconise que le mourant soit informé avec « tact » et « douceur »301.
Evidemment, le mourant a la faculté de ne pas savoir. D’ailleurs, cette faculté est reconnue
dans la nouvelle charte du patient hospitalisé.
Respecter la dignité accompagnement du mourant c’est éviter sa mort psychologique et
sociale ; il faut donc éviter d’anticiper la mort. Mais traiter le mourant comme un mineur,
n’est-ce pas une marque de mépris ? Comment peut-on obtenir que le mourant connaisse la
vérité ?
II – Les fondements juridiques du devoir d’informer
Tout d’abord, l’article 35 du Code de déontologie médicale consacre une obligation pour le
médecin de transmettre la vérité à son patient. Il ne s’agit plus d’un droit à l’information du
malade comme dans l’ancien Code. Ensuite, d’autres textes consacrent l’obligation de
transmettre l’information dans la relation patient et établissement de soins : le décret du 14
janvier 1974 relatif au fonctionnement des établissements publics de santé302 ; puis, la loi du
31 juillet 1991, portant réforme hospitalière303 qui vise l’information dans les établissements
de santé publics ou privés.
299
RAMEIX (S.), « Du paternalisme à l’autonomie des patients ? L’exemple du consentement aux soins en
réanimation » Médecine &Droit n°12-1995,p.1
300
VERSPIEREN (P.) cité par (B.) LEGROS (B.),préc.,note 8,p.304.
301
HOERNI (B.), « Paroles et silence de médecin », in La Gazette Médicale, n°35, déc-1995,p.44.
302
Décret n°74-27 du 14 janv 1974 relatif au fonctionnement des centres hospitaliers et des hôpitaux locaux, J.O
16 janv 1974,p.603.
303
Loi n°91-748 du 31 jullet 1991 portant réforme hospitalière, J.O 2 août 1991,p.14176.
89
Dans le décret, l’information couvre : « toutes les informations qui (...) seront utiles (au
malade) pendant son séjour ». L’hospitalisé est créancier d’une obligation générale
d’information dont il a connaissance grâce à un dépliant, la charte du patient hospitalisé »304.
L’article 41 du décret, qui se combine avec le Code de déontologie médicale, impose aux
médecins hospitaliers de « donner aux malades, dans les conditions fixés par le Code de
déontologie médicale ». Ensuite, la loi du 31 juillet 1991 reconnaît également l’obligation
d’informer le malade dans un établissement de santé public ou privé qui se combine aussi
avec le Code de déontologie médicale. « Dans le respect des règles déontologiques qui leur
sont applicables, les praticiens des établissements assurent l’information des personnes
soignées »305. Cette disposition permet de « réduire à néant le devoir de ne pas dire la
vérité »306.
La loi et le décret ont une valeur supérieure au Code de déontologie médicale qui n’est que
« le règlement intérieur de la profession »307. Ce Code n’a qu’une portée limitée, malgré sa
forme réglementaire. Pour Monsieur le doyen AUBY : « L’exercice de ce pouvoir doit
respecter les impératifs de la légalité. Le règlement ordinal ne doit pas être contraire à une
règle de valeur juridique supérieure, tels une loi ou un règlement »308, sans oublier le bloc de
constitutionalité et les conventions internationales.
Le Code de déontologie médicale n’a donc de valeur juridique et de force obligatoire que si
ses dispositions ne sont pas contraires aux lois (sens large) en vigueur. Les dispositions
illégales sont susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le
Conseil d’Etat309. Il y a aussi le contrôle de la conventionnalité du décret en vertu de l’article
55 de la constitution. Le texte le plus intéressant est l’article 8 de la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l’Homme qui dispose que : « toute personne à droit au respect de
sa vie privée ». Le droit de savoir que l’on va mourir n’est-il pas un aspect de sa vie privée ?
Si le Conseil d’Etat refusait d’annuler l’article 35 du Code de déontologie médicale, un
plaignant pourrait saisir les organes de la Convention européenne des droits de l’Homme sous
réserve de remplir des conditions de délai et de procédure. Certes, la cour européenne des
droits de l’Homme n’annulerait pas l’article 35 du Code de déontologie médicale mais cela
304
circulaire DGS/DH n°95-22 du 6 mai 1995 relative aux droits des patients hospitalisés et comportant une
charte du patient hospitalisé, NOR : SAN 95101 26 C, B.O. min. Des Affaires sociales, de la santé et de la Ville,
n°95/21
305
CAILLET (R.) et DELAETER (B.), comprendre la réforme hospitalière du 31 juillet 1991 : présentation
codifiée et commentaires, 2éd 1992. Aspeps Editions, p.15.
306
LEGROS (B.),préc.,note8,p.311.
307
THOUVENIN (D.), Le secret médicale et l’information du malade , PUF Lyon.1982,p.61.
308
MEMETEAU (G.), «Droit médical et déontologie : Suggestions prudentes en faveur d’un rapprochement », in
Etudes offertes à Jean Marie Auby, Dalloz Sept. 1992, p.765
309
(J.) Rivero et (J.) Waline, Droit administratif précis Dalloz 20éme éd.2004,p.210.
90
constituerait une pression internationale. Le plaignant recevrait une satisfaction équitable
(article 50) c’est – dire des dommages et intérêts et les pouvoirs publics français devraient
abroger eux-même la disposition (article 53 de la Convention).
Ensuite, on peut songer à l’exception d’illégalité puisqu’un texte instituant l’obligation
d’informer dans les établissements publics et privés n’a pas été respecté. L’établissement de
soin public serait poursuivi devant le juge administratif ; le médecin exerçant dans une
clinique privée serait poursuivi devant le juge judiciaire. Les juges pourraient déclarer ainsi la
disposition litigieuse inapplicable à l’espèce et accorder au plaignant ou à ses ayants droit, s’il
est décédé, des dommages et intérêts pour le préjudice moral qu’a causé le défaut
d’information.
La loi du 22 avril 2005 n’a pas consacré le droit à l’information du malade en fin de vie. Le
rapporteur de la commission spéciale qui a examiné les articles de la proposition de loi a
rappelé l’obligation générale d’information à laquelle le médecin ne pouvait se dérober. Il a
jouté que ce droit devait être satisfait avec tact et mesure car il est « des vérités qui
transpercent les cœurs », selon le mots de Monsieur RICOT310 devant la mission
d’information. Madame GENISSON311 a souligné que les malades étaient, dans la majorité
des cas, très demandeurs d’un langage de vérité. Elle a ajouté deux arguments favorables à la
légitimation du double effet qui milite aussi pour le devoir de dire la vérité aux mourants :
d’une part, l’information du mourant permet d’éviter les situations de clandestinité dans
lesquelles l’incompétence de l’équipe soignante se traduit par des actes provoquant
délibérément la mort ; d’autres part, cela permet de soulager la souffrance dans le respect de la
dignité humaine. Mais de quelle dignité s’agit-il ? Il s ‘agit des deux dignités personnelles que
nous avons étudiées : la connaissance de la vérité permet à la famille de faire son deuil et au
mourant d’exercer sa liberté jusqu’à la fin ? Madame GUERISSON a donc considéré que cet
amendement comme fondamental pour l’équilibre du texte contrairement à Madame
GREFFE312 qui s’est dite choquée par l’obligation ainsi faite au médecin d’informer le
malade. Monsieur DUBRAC313, quant à lui, a jugé l’association du malade à la décision
d’administrer un traitement anti-douleur ayant éventuellement un effet secondaire mortifère «
psychologiquement inhumaine ». Enfin, le rapporteur a fait observer qu’en tout état de cause,
le médecin devait apprécier « les degrés de la vérité en fonction de la personnalité du
310
Droits des malades et fin de vie : le débats à l’assemblée nationale, collection « débats parlementaires,p45.
Id.p.46
312
Id.p.48
313
Id.p.50.
311
91
malade ». Mais il a concédé qu’il ne fallait pas laisser le mourant dans une « ignorance
coupable ».
Les textes ne facilitent pas la transmission de l’information et donc de la vérité sur la fin de
vie. C’est d’autant plus génant qu’elle conditionne le choix du type de soins des malades en
fin de vie.
92
CONCLUSION
Selon Monsieur PEDROT, « la notion de dignité est dans l’air du temps. Délaissée hier, on
l’invoque constamment aujourd’hui. Dignité des exclus et dignité des travailleurs. Dignité des
sans logis et dignité des sons voix. Dignité des malades et dignité des mourants… Dignité,
dignité, j’écris ton nom, pourrait-on proclamer, paraphrasant le poème de Paul Eluard »314
« Le juge voit de la dignité partout » et de nombreux textes législatifs récents s’y
réfèrent. « Et alors ? Qui va se plaindre que ce principe idéal, tout droit descendu du ciel, soit
devenu aujourd’hui du droit positif ? Qui peut combattre l’idée qu’il n’est pas important de
défendre ce qu’il y a d’humain dans l’homme ? »315. Certains s’interrogent sur le sens de
l’inflation de la dignité et sur ses éventuels risques. Mais quels seraient donc les dangers de
l’abondance de la dignité ? Le flou qui entoure le concept permettrait d’adopter toutes les
postures normatives ; les juges pourraient condamner tout et son contraire avec le dignité.
L’autre danger serait celui de la promotion d’une société « aseptisée »
De toute évidence ce genre de propos sur la dignité n’a pas de raison d’être dans le domaine
de la fin de vie. La peur de perdre sa dignité lors de ses derniers instants est en effet une peur
très généralement ressentie par la population. Ce principe de dignité de la personne a un rôle
de première importance dans le domaine de la prise en charge des personnes ayant un
pronostic vital engagé
Le droit au respect de la personne mourante peut faire l’objet de deux approches
complémentaires. La dignité exprime la solidarité entre les humains (elle génère des droits
subjectifs) et sa reconnaissance entraîne des interdits et des limites (elle s’affirme dans la
liberté). Dans un cas, elle relève de la liberté individuelle en modifiant le contrat médical,
dans l’autre, elle relève de la créance envers l’Etat.
Néanmoins, il faut reconnaître que le concept est « utilisé à tout va » et qu’il ne suscite pas
l’unanimité quant à sa signification.
Le concept de dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de
dégradation proclamé par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 27 juillet 1994 est-il
314
La dignité de la personne humaine : principe consensuel ou valeur incantatoire ?, PEDROT (P.), Mélanges
BOLZE (C.) : « Ethique, droit et dignité de la personne », Economica,1999,p.11..
315
BRUGUIERE (J-M.) « La dignité schizophrène » Recueil Dalloz,n°18. p.1169.
93
à l’heure actuelle assuré suffisamment par les dispositions du Code de la santé publique ? La
dignité est un principe qui ordonne sans condition et qui devrait donc bénéficier d’une
défense intangible.
Comme l’explique Monsieur MATHIEU : « si l’on considère que la protection de la personne
humaine est un impératif catégorique, il faut que la dignité de la personne humaine soit un
principe rigoureux. Au contraire, si le principe de dignité s’épuise dans la liste des règles qui
en dérivent, s’il enfle jusqu’à perdre toute spécificité, envahissant non seulement le champ de
la bioéthique, mais aussi le domaine social ou politique, la reconnaissance de son caractère
absolu est privée de sens »316.Pour Monsieur PEDROT : « il faut bien prendre conscience que
la défense de la dignité de la personne humaine peut dissimuler un éclatement à l’infini du
droit en normes individuelles »317 Monsieur GAUCHET souligne les conséquences négatives
de ce phénomène : « un revers à la lutte naïve pour l’accroissement de la sphère des droits de
l’individu : le renforcement du rôle de l’Etat, l’approfondissement de l’anonymat social,
l’aggravation encore du désintérêt pour la chose public et de la banalisation angoissée des
conduites »318.
Le droit semble donc obligé de relativiser le caractère absolu du principe de dignité de la
personne humaine dans un but d’efficacité et de pragmatisme. Le droit limite le principe en
incriminant l’euthanasie et en dissimulant la vérité au mourant. Le problème majeur est que
l’humanité de l’homme est un principe absolu.
D’un autre côté, ne pourrait-on pas considérer que la législation actuelle protège la dignité du
mourant par la condamnation de pratiques qui prennent en considération la souffrance du
mourant comme fondement d’un prétendu « droit à la mort ». Les dispositions réprimant
l’euthanasie participeraient alors aussi à assurer la dignité du malade en fin de vie en ce
qu’elles empêchent le traitement d’un individu comme moyen, une chose qui souffre et qui
nous dérange, mais au contraire à traiter ce dernier comme une fin en soi, comme un homme
digne.
A la réflexion, l’analyse est contestable car le principe de dignité de la personne humaine
n’interdit pas toute action euthanasique. L’association pour le droit de mourir dans la dignité
milite pour que l’euthanasie soit dépénalisée et inscrite dans de strictes règles légales, comme
316
MATHIEU (B.), La dignité de la personne humaine : quel droit ? quel titulaire ?, Recueil Dalloz Sirez, 1996,
33éme Cahier, Chronique, p 286.
317
PEDROT (P.), La dignité de la personne : principe consensuel ou valeur incantatoire, Mélanges Christian
BOLZE (C.), Ethique, Droit et dignité de la personne, Economica, 1999, XV ;
318
GAUCHET (M.), «Les droits de l’homme ne sont une politique » in Le débat, 1982 cité par D DUMONT(F.),
« Le sexe, élément de la dignité du salarié »Mémoire de DEA , lille.,2001,p.94.
94
c’est déjà le cas dans un certain nombre de pays. Il faut défendre ce qu’il y a d’humain dans
l’homme ? Précisément, les partisans de l’euthanasie prétendent que « respecter vraiment la
vie humaine, c’est lui permettre de rester humaine jusqu’au bout »319. On peut aussi rétorquer
qu’aux Etats-Unis, on a invoqué la dignité humaine pour « légitimer » l’euthanasie : a quoi
bon prolonger une vie humaine qui a perdu l’essentiel de sa dimension humaine ? D’ailleurs,
cette possibilité de bénéficier du suicide assisté en Oregon est issue de la loi relative à la mort
dans la dignité320 (« Death with dignity act »)
.En réalité, il faut revenir au bon sens : l’euthanasie est une atteinte à la vie du mourant, c’est
donc le droit à la vie qui s’oppose à l’euthanasie. La preuve en est : le code pénal réprime
comme une atteinte à la dignité de la personne les discriminations (section I), le proxénétisme
et les infractions assimilées (section II), les conditions de travail et d’hébergement contraire à
la dignité de la personne (section III)….Il n’existe pas d’incrimination spécifique pour
l’euthanasie dans ce chapitre V intitulé : « des atteintes à la dignité de la personne »321 du livre
II relatif aux « crimes et délits contre les personnes » du nouveau code pénal de 1994.
Le droit à la vie n’est pas donc un élément constitutif de la dignité de la personne humaine.
Par conséquent, le principe de dignité est forcément limité puisqu’il ne peut pas fonder un
« droit à la mort ».
Mais la dignité est-elle le fondement de l’intervention du législateur ?322
Si on postule que la dignité est le fondement des droits fondamentaux, le seul titulaire est la
personne ; on ne catégorise donc pas. Il est réducteur de partir de la dignité parce que le fait
d’être en fin de vie n’est pas source de dignité. Une atteinte à la dignité n’est pas une situation
de vulnérabilité. Peut être faut-il rechercher l’universalité comme point d’arrivé. La dignité
serait un principe directeur qui poserait des exigences de dignité. La « dignité autonomie » et
la « dignité accompagnement » seraient donc des exigences de dignité…
Placée sous le signe de la « sauvegarde de la dignité du mourant », la loi du 22 avril 2005
clarifie l’état du droit existant en distinguant entre le patient en fin de vie (conscient ou
inconscient) et celui qui n’est pas en fin de vie. En effet, la loi prévoit une procédure de refus
de traitement applicable à la personne consciente qui n’est pas en fin de vie. L’arrière-pensée
est certainement l’affaire HUMBERT : certains malades ont des perspectives de vie peu
319
COMPTE-SPONVILLE (A.) « dépénaliser l’euthanasie ».www.ADMD.fr.
BARON (C.) « De Quinlan à Schiavo : le droit à la mort et le droit à la vie en droit américain ». RTD civ
Octore-Décembre 2004 p673.
321
Articles 225-1 à 225-24 du nouveau code pénal.
322
M’BALA (F.) « La dignité, fondement de l’intervention du droit ? ».Intervention dans la journée d’études du
LERADP du 12 mai 2005 organisée en salle E.3.02 : «La loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des
droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ».
320
95
enviables, mais ne sont pas mourants. Le rapport de la mission d’information sur
l’accompagnement de la fin de vie met en exergue que cela peut comprendre l’arrêt d’une
alimentation artificielle, le danger euthanasique réapparaît323.
323
LEONETTI (J.) « Peut-on imaginer le cas Vincent Humbert confronté à la nouvelle loi ? On pourrait
concevoir (c’est plus facile a posteriori) que les médecins considéreraient collégialement que les traitements de
réanimation sont inutiles ou disproportionnés et qu’ils ne le laisseraient pas en survie avec ce terrible handicap.
Peut-être peut-on imaginer (c’est moins difficile) que Vincent refuserait l’alimentation artificielle ; qu’après avoir
tenté de le persuader, avoir attendu un délai raisonnable, consulté un autre médecin, on accède à sa demande.
Une équipe de soins palliatifs l’aurait alors pris en charge et il se serait éteint en quelques jours sans souffrance,
sans douleur, entouré de tous les siens et de sa mère (…) Cette loi n’est pas une « loi Vincent Humbert », elle est
une loi de la République et n’a pas à porter de nom » Vivre ou laisser mourir. Respecter la vie, accepter la mort.
Editions Michalon 2005.p80
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108
Table des matières
Introduction......................................................................................................... 3
Titre 1 – La reconnaissance de la dignité du mourant.................................. 18
Chapitre 1 – La reconnaissance de la dignité autonomie du mourant...................................19
Section 1 – Les enjeux de la reconnaissance.....................................................................20
I – Les enjeux théoriques : peut-on disposer de sa vie ?............................................... 20
A – Une autonomie de décision soumise à conditions..............................................21
B – Le mourant capable de donner un consentement juridique valable....................23
II – Les enjeux pratiques : le refus de l’obstination déraisonnable............................... 25
A – La notion d’obstination déraisonnable ou l’alignement du droit sur la pratique
médicale.................................................................................................................... 26
B – Les limites de la notion d’obstination déraisonnable......................................... 27
Section 2 – Les critères de la reconnaissance................................................................... 28
I – Le mourant majeur hors d’état de manifester sa volonté......................................... 28
A – La personne de confiance................................................................................... 29
B – Les directives anticipées.....................................................................................31
1 – Eléments de droit comparé..............................................................................32
2 – Droit français actuel........................................................................................ 33
3 – Appréciation et critique...................................................................................34
II – L’âge : les mineurs mourants sont-ils dotés d’une dignité autonomie ?.................36
Chapitre 2 – La consécration de la dignité accompagnement............................................... 39
Section 1 – Le droit à une qualité de vie du mourant et souffrance physique...................40
I – La légalisation du double effet.................................................................................41
II – La mise en œuvre effective de l’obligation d’admettre les mourants dans un
établissement de soins...................................................................................................43
A – Le droit à l’accompagnement et aux soins palliatifs.......................................... 43
B – Une réponse en termes de responsabilité............................................................45
1 – Les recours contre participant au service public hospitalier........................... 45
2 – Les recours contre les établissements privés à but lucratif............................. 46
Section 2 – Droit à une qualité de vie du mourant et souffrance sociale.......................... 47
I – Le congé de solidarité familiale : la présence des proches auprès du mourant........47
A – Les salariés concernés par le congé d’accompagnement de fin de vie...............48
B – La mise en œuvre du congé................................................................................ 48
II – La reconnaissance des bénévoles............................................................................50
A – Le rôle des bénévoles......................................................................................... 50
B – Les conditions d’intervention des associations.................................................. 52
Titre 2 – Les limites de la dignité du mourant................................................54
Chapitre 1 – La dignité autonomie à l’épreuve du droit à la vie........................................... 55
Section1 – Le rejet d’un aspect négatif du droit à la vie.................................................. 55
I – Le caractère objectif du droit à la vie.......................................................................55
A – Exégèse des textes relatifs au droit à la vie........................................................55
B – Appréciation et critique de l’interprétation officielle de l’article 2....................57
109
1 – Une critique négative de l’interprétation officielle du droit à la vie............... 57
2 – Une critique positive de l’interprétation officielle du droit à la vie................ 59
II – L’inexistence du droit au suicide............................................................................61
A – Le suicide assisté en Europe...............................................................................62
1 – Les exemples de dépénalisation...................................................................... 62
L’expérience néerlandaise.................................................................................62
La loi belge sur l’euthanasie..............................................................................65
2 – Quelques législations intermédiaires...............................................................66
3 – La position française....................................................................................... 68
B – Le droit au suicide assisté et la Convention européenne des droits de l’homme :
la mort confisquée ? ................................................................................................. 69
1 – La position éthique de la chambre des lords................................................... 69
2 – La motivation de la CEDH..............................................................................70
3 – Appréciation et critique...................................................................................70
Section 2 – Les atteintes à la vie du mourant....................................................................72
I – La détermination des contours de la notion d’euthanasie........................................ 72
A – Une définition ambiguë......................................................................................72
B – Des implications spécifiques.............................................................................. 75
II – Le régime juridique de l’euthanasie........................................................................76
A – Des incriminations nombreuses......................................................................... 76
1 – Les qualifications relevant de la cour d’assises.............................................. 76
2 – Les qualifications relevant du tribunal correctionnel......................................79
B – Une répression modérée..................................................................................... 80
Chapitre 2 – L’altération de la dignité accompagnement du mourant.................................. 82
Section 1 – Les atteintes à la liberté de choisir son traitement......................................... 82
I – La maîtrise des dépenses de santé............................................................................82
II – La nécessité de diffuser la démarche palliative...................................................... 85
Section 2 – L’article 35 alinéa 2 du Code de déontologie médicale : une atteinte à la
liberté du malade en fin de vie.......................................................................................... 87
I – Le devoir de ne pas dire la vérité............................................................................. 88
II – Les fondements juridiques du devoir d’informer................................................... 89
CONCLUSION.................................................................................................. 93
BIBLIOGRAPHIE............................................................................................ 97
Ouvrages généraux :..............................................................................................................97
Ouvrages spéciaux................................................................................................................ 98
Articles et doctrines :............................................................................................................ 99
Rapports et documents officiels.......................................................................................... 103
Français........................................................................................................................... 103
Internationaux................................................................................................................. 104
Jurisprudence ..................................................................................................................... 105
Française......................................................................................................................... 105
Internationale...................................................................................................................106
PRESSE.............................................................................................................................. 107
Sites internet........................................................................................................................107
110
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