Grammaire : Comparatif in Essai
Le Chaos Par Ivar Ekeland
12/06/2014
71. représenter sur les écrans graphiques, un certain nombre de trajectoires que nous avons
suivies aussi longtemps que notre patience le permettait.
72. Le problème que je soulève ici est beaucoup plus général, et certains lecteurs se sont peut-
être posé la question d’eux-mêmes : les inévitables arrondis que fait l’ordinateur au long du calcul,
et qui sont autant de petites erreurs par rapport à la trajectoire exacte, ne vont-ils pas la dénaturer
très rapidement ?
73. Je prétends que la première trajectoire est tout aussi « fausse » que la seconde.
74. Certes, descendre de onze chiffres à six est moins grave que de descendre de six à trois : la
précision retenue qui était de un millionième dans le premier cas, n’est que de un millième dans le
second.
74. Et si l’erreur de Lorenz a eu de telles conséquences, combien plus les erreurs d’arrondi, qui
s’accumulent tout au long de la trajectoire, devraient-elles en avoir ! Certes, elles sont plus petites,
de l’ordre du millionième plutôt que du millième ; mais, en dehors même du fait qu’elles
s’accumulent, nous avons déjà vu que la taille ne fait rien à l’affaire. Une erreur mille fois plus
petite qu’une autre se fera sentir tout autant ; il faudra simplement attendre un peu plus
longtemps, trois fois le temps caractéristique pour être tout à fait précis.
76. Quelle que soit la précision retenue pour les calculs, la trajectoire calculée s’en écartera au
bout d’un temps plus ou moins long, mais s’en écartera sûrement.
77. Ni Laskar ni personne ne prétend connaître les données avec cette précision, qui est, comme
nous l’avons vu, non seulement inaccessible à la mesure mais dépourvue de signification
physique.
80. Toute cette accumulation d’erreurs d’arrondis successives peut être compensée par un simple
déplacement du point de départ, déplacement qui lui aussi sera insensible au niveau de précision
retenu, mais qui n’en est pas moins réel, et dont les effets amplifiés corrigeront toutes les
inexactitudes.
80. Tout se passe donc comme si l’ordinateur ne calculait pas la trajectoire correspondant aux
données qu’on lui a fournies, mais à d’autres données,
80./81. Il est remarquable, et pour le moins paradoxal, que ce soit l’instabilité même des systèmes
chaotiques qui ouvre cette possibilité. Elle en ouvre également d’autres : nous verrons par la suite
comment calculer les probabilité des divers types de trajectoire, et comment nous prémunir contre
les erreurs de modélisation.