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Quand les neurones manquent à l'appel
En résumé donc : lorsqu'Elongator est inactif, on crée du stress cellulaire et on active la voie UPR. « Or il
s'avère que l'activation excessive de l'UPR perturbe la neurogenèse », révèle Laurent Nguyen. « La cellule
souche dans laquelle il y a une trop grande activation d'UPR va avoir tendance à faire de la neurogenèse
directe et pas de neurogenèse indirecte ». Explication. Dans le cortex de la souris, les progéniteurs apicaux
qui bordent le ventricule peuvent donner des neurones directement ou indirectement. En effet, au début de
la corticogenèse, les cellules qui se divisent vont générer une cellule souche et un neurone (neurogenèse
directe). Mais, au fur et à mesure que la corticogenèse avance et que le besoin en neurones grandit, ces
cellules souches vont choisir un autre mode de division différenciative. Plutôt que de produire un neurone,
elles vont avoir tendance à produire un progéniteur intermédiaire qui a la capacité de proliférer avant de donner
naissance à des neurones et d'amplifier in fine le nombre total de neurones produits (neurogenèse indirecte).
« Quand Elongator ne fonctionne pas, il y a une réduction du pool de progéniteurs intermédiaires et on perd
l'amplificateur de neurones. C'est pour cela qu'au final il y a moins de neurones dans le cortex et cela se traduit
par de la microcéphalie », explique Laurent Nguyen.
Le mécanisme moléculaire qui contrôle le choix de cette division différenciative de la cellule souche restait
jusqu'ici méconnu. Pourquoi et comment cette cellule choisit de donner un neurone et une cellule souche ou
un progéniteur intermédiaire et une cellule souche ? Cette question restait en suspens dans la littérature.
Forcer l'amplification de neurones
« Nous nous sommes demandé s'il n'y avait pas une fonction physiologique de l'UPR pour le contrôle de
cette transition pendant la corticogenèse », continue le scientifique. « Et c'est le cas ! Nous avons isolé les
progéniteurs apicaux à différents stades du développement et nous avons montré qu'il existe une voie UPR
qui est plus active au début de la corticogenèse. Au fur et à mesure de la formation du cortex, l'activité de cette
voie de signalisation diminue ». Ainsi l'UPR est très active lors de la neurogenèse directe et l'est moins lors de
la neurogenèse indirecte. Afin de tester le rôle potentiel de l'UPR dans cette balance entre production directe et
indirecte de neurones, les scientifiques ont ciblé précocement la voie UPR. « Nous voulions voir si cela altère
la capacité de division différenciative des cellules souches car à ce stade-là elles devraient quasiment toutes
produire des neurones directement », précise Laurent Nguyen. « Et bien si on réduit l'intensité de la voie UPR
au début de la corticogenèse, on force le progéniteur à donner naissance à un progéniteurs intermédiaires
plutôt qu'à un neurone! ». Il existe donc une voie UPR physiologique qui contrôle la transition du comportement
de neurogenèse directe au comportement de neurogenèse indirecte. C'est précisément l'importance de l'UPR
physiologique dans le contrôle de la corticogenèse que les chercheurs ont mis en lumière dans un article
publié dans la revue Trends in Neurosciences (1). Ils y ont également rassemblé l'ensemble des informations
qui vont dans le même sens pour d'autres systèmes tel que la contribution de l'UPR dans la formation du
neurectoderme chez la drosophile, dans le choix des récepteurs lors de la formation des bulbes olfactifs, etc.
« Il y a toute une série de choses dans la littérature qui renforcent l'idée qu'une voie de signalisation qu'on
pensait être juste une réponse homéostatique au stress pourrait en réalité tenir un rôle clé dans la construction
du système nerveux », souligne Laurent Nguyen.