Ch. 3 Magistrats - vos droits 2013_Mise en page 1 29/04/13 14:25 Page96 CARRIERE IV - LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE (CSM) Textes applicables : Article 65 de la Constitution ; Ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ; Loi organique n°94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature ; Loi organique n°2001-539 du 25 juillet 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature ; Loi organique n°2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats ; Loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Vème République ; Loi organique n°2010-830 du 22 juillet 2010 modifiant la loi organique du 5 février 1994. Le CSM est un organe constitutionnel dont la composition et les attributions sont définies à l’article 65 de la Constitution. La question de la composition et des pouvoirs du CSM est fondamentale et conditionne l’indépendance effective de l’autorité judiciaire et des magistrats du siège et du parquet. A - Composition 1 - Jusqu’à la fin de l’année 2010 La loi organique du 5 février 1994 prévoyait que le CSM était composé de deux formations, une pour le siège, une pour le parquet. Il était présidé par le Président de la République qui, de fait, n’exerçait pas cette mission ; son vice-président était le garde des Sceaux. Chacune des formations était composée de dix membres : 6 magistrats et 4 non magistrats. Les non magistrats, membres communs qui siégeaient dans les deux formations, étaient désignés respectivement par le Président de la République, le président du Sénat, le président de l’Assemblée nationale et par l’assemblée générale du Conseil d’Etat. La formation du siège comptait en outre cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, 96 Ch. 3 Magistrats - vos droits 2013_Mise en page 1 29/04/13 14:25 Page97 la formation du parquet comptait cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège. Pour chacune des formations, les magistrats de la Cour de cassation élisaient un des leurs, il en allait de même des chefs de cour et de juridiction. Les 3 autres membres magistrats de chaque formation étaient élus par un collège des magistrats du parquet et par un collège des magistrats du siège eux-mêmes élus par l’ensemble des magistrats du parquet et par l’ensemble des magistrats du siège des cours et tribunaux, à l’exception des présidents et procureurs et des premiers présidents et procureurs généraux. 3 Bien que l'existence de la réunion plénière ne fût pas inscrite dans les textes, les membres des 2 formations avaient pris l'habitude de se réunir pour harmoniser leurs pratiques, débattre des questions relatives au fonctionnement de la Justice et des éventuelles atteintes à l'indépendance des magistrats et élaborer le rapport annuel d'activité. Le CSM exerçait par le biais de cette réunion plénière sa mission d'assistance au Président de la République dans son rôle de gardien de l'indépendance de l'autorité judiciaire. Chaque formation élisait en son sein un président parmi ses membres, pour les séances de travail à l’occasion desquelles le garde des Sceaux ne présidait pas le CSM. 2 - Actuellement Le Conseil supérieur de la magistrature issu de la réforme constitutionnelle de 2008 comprend une formation compétente à l’égard des magistrats du siège, une formation compétente à l’égard des magistrats du parquet et une formation plénière. La formation compétente à l’égard des magistrats du siège est présidée par le premier président de la Cour de cassation. Elle comprend en outre cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d’Etat désigné par le Conseil d’Etat, un avocat ainsi que six personnalités qualifiées qui n’appartiennent ni au Parlement, ni à l’ordre judiciaire, ni à l’ordre administratif. Le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat désignent chacun deux personnalités qualifiées. En matière disciplinaire, elle est complétée par le magistrat du siège membre de la formation du parquet. La procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution est applicable aux nominations des personnalités qualifiées. Celles-ci sont entendues au Parlement et leur candidature peut faire l’objet d’un veto à la majorité des 3/5èmes. 97 Ch. 3 Magistrats - vos droits 2013_Mise en page 1 29/04/13 14:25 Page98 CARRIERE Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée du Parlement sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l’assemblée intéressée. La formation compétente à l’égard des magistrats du parquet est présidée par le procureur général près la Cour de cassation. Elle comprend en outre cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège ainsi que le conseiller d’Etat, l’avocat et les six personnalités qualifiées mentionnées ci-dessus. En matière disciplinaire, elle est complétée par le magistrat du parquet membre de la formation du siège. La formation plénière comprend trois des cinq magistrats du siège (de la formation du siège), trois des cinq magistrats du parquet (de la formation du parquet) ainsi que le conseiller d’Etat, l’avocat et les six personnalités qualifiées. Elle est présidée par le premier président de la Cour de cassation, que peut suppléer le procureur général près cette Cour. Sauf en matière disciplinaire, le ministre de la Justice peut participer aux séances des formations du Conseil supérieur de la magistrature. L’USM, a tenté de s’opposer à cette évolution de la composition du CSM, qui constitue une régression institutionnelle majeure. L’Association Européenne des Magistrats, dont l’USM est membre fondateur, qui dispose par le biais de l’Union Internationale des Magistrats, d’une représentation permanente auprès de l’ONU et du Conseil de l’Europe, a adopté un communiqué et adressé un courrier aux plus hautes autorités françaises pour attirer leur attention sur les dangers de la réforme. Par ailleurs l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, dans une résolution en date du 29 septembre 2009 adoptée suite au rapport de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme, qui a travaillé ces questions avec l’USM, demande notamment à la France de revenir sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Retrouvez la composition du Conseil supérieur de la magistrature sur notre site : http://www.union-syndicale-magistrats.org/ L’action de l’USM contre la mise en minorité des magistrats au CSM L'USM s'est toujours battue, et notamment lors des débats parlementaires relatifs à la discussion de la réforme constitutionnelle de 2008 et de la loi organique du 22 juillet 2010 sur le CSM, pour que la France respecte les standards européens en matière de justice. Elle a toujours soutenu, contrairement à d'autres organisations syndicales de magistrats, que les magistrats devaient être majoritaires au sein du CSM. 98 Ch. 3 Magistrats - vos droits 2013_Mise en page 1 29/04/13 14:25 Page99 C'est pourquoi elle participe activement aux travaux de l'Association Européenne des Magistrats, présidée depuis novembre 2012 par Christophe Regnard dont elle est membre fondateur et dont les représentants participent aux travaux du Conseil Consultatif des Juges Européens. La réforme constitutionnelle de 2008, en consacrant la mise en minorité de magistrats au sein du CSM, met la France au ban des nations européennes. Le mode de désignation des membres extérieurs, tel que prévu par cette réforme est également contraire aux standards européens 3 Extrait de la résolution 1685 (2009) du 30 septembre 2009 relative aux allégations d’abus du système pénal, motivé par des considérations politiques dans les Etats membres du Conseil de l’Europe Les conseils de la magistrature doivent avoir une influence décisive en matière de recrutement et de promotion des juges et des procureurs, ainsi qu’en matière disciplinaire à leur encontre. Les représentants élus parmi les juges et les procureurs devraient être au moins aussi nombreux que les membres représentants d’autres groupes de la société. L’assemblée invite la France à envisager de rétablir une majorité de juges et de procureurs au sein du Conseil supérieur de la magistrature. Extraits du courrier du Président de l’Association Européenne des Magistrats (AEM) au Président de la République française du 4 juin 2008 Dr Virgilius Valancius, Président de l’AEM,Vice-Président de l’Union Internationale des Magistrats, Président de la Cour Suprême Administrative de Lithuanie A Monsieur le Président de la République Française Monsieur le Président, L’Association Européenne des Magistrats (…) a adopté à l’unanimité une résolution relative aux modifications envisagées par le gouvernement français de la composition du Conseil supérieur de la magistrature. Vous trouverez cette résolution en pièce jointe. (…) L’AEM a ainsi dans ses attributions de surveiller la situation de la Justice et des magistrats dans les Etats membres de l’Union Européenne. C’est pourquoi des discussions permanentes ont lieu sur l’indépendance de la Justice et le statut des juges dans leur pays. 99 Ch. 3 Magistrats - vos droits 2013_Mise en page 1 29/04/13 14:25 Page100 CARRIERE L’AEM souhaite attirer votre attention sur ces éléments essentiels et exprime son inquiétude relativement aux développements législatifs envisagés, tels qu’ils sont exposés dans la résolution ci-jointe. Résolution de l’Association Européenne des Magistrats (AEM), adoptée à l’unanimité le 23 mai 2008. 1.L'Association Européenne des Magistrats a pris connaissance des évolutions envisagées par le gouvernement français de la composition du Conseil supérieur de la magistrature, rendant les magistrats minoritaires dans l’organe chargé en France de leurs carrières et de leur discipline, au profit de membres nommés en grande partie par les pouvoirs exécutif et législatif. 2.L'Association Européenne des Magistrats souligne que pour ce qui est de l’autorité compétente en matière de sélection, de carrière et de discipline des magistrats, les instances européennes ont depuis des années imposé des règles incontournables destinées à assurer l’indépendance et l’impartialité de la Justice. 3.L’AEM entend ainsi rappeler que : - La recommandation n°R94-12 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe impose que l’autorité compétente soit indépendante du gouvernement et de l’administration. - La charte européenne sur le statut des juges édictée par le Conseil de l’Europe en 1998 impose une instance indépendante des pouvoirs exécutif et législatif au sein de laquelle siègent au moins pour moitié des juges élus par leurs pairs. - L’avis n°10 du Conseil Consultatif des Juges Européens adopté à Strasbourg en octobre 2007 impose une instance comptant une majorité substantielle de juges élus par leurs pairs. 4.L’AEM rappelle que ces standards n’ont pas été érigés dans l’intérêt des magistrats et par corporatisme mais parce qu’ils permettent seuls de s’assurer de la nécessaire indépendance de la Justice dans une société démocratique. 5.L’AEM exprime sa grave préoccupation face à de tels développements. Elle appelle les autorités françaises à observer scrupuleusement les standards universellement reconnus d’une justice indépendante, seuls à même d’assurer la confiance que les citoyens mettent en celle-ci. 3. Le projet de loi constitutionnelle déposé le 14 mars 2013 et les revendications de l’USM 3.1 - La présidence De nombreux Conseils de justice en Europe sont présidés par les présidents des cours suprêmes. 100 Ch. 3 Magistrats - vos droits 2013_Mise en page 1 29/04/13 14:25 Page101 L’octroi de la présidence du CSM au premier président de la Cour de cassation constituait un des rares points positifs de la réforme constitutionnelle de 2008. Il ne peut aisément se concevoir que l'organe destiné à présider aux nominations et à la discipline des magistrats de l'ordre judiciaire soit présidé par une personnalité extérieure à la magistrature, sauf à afficher une réelle défiance à l'égard de celle-ci. Ainsi, qui pourrait imaginer que la commission consultative du Conseil d’Etat, le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le Conseil supérieur de la Cour des comptes et le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes soient présidés par d’autres que le vice-président du Conseil d’Etat ou le premier président de la Cour des comptes, ou leurs représentants ? 3 Le projet de réforme constitutionnelle prévoit la présidence des trois formations (plénière, siège et parquet) par un non-magistrat élu par la formation plénière parmi les 5 personnalités qualifiées désignées par un collège de personnalités indépendantes. L’USM est opposée à cette solution. Elle considère que : - La présidence du CSM doit revenir au premier président de la Cour de cassation pour la formation du siège et la formation plénière et au procureur général près la même Cour pour la formation du parquet. - Dans la seule hypothèse où le CSM serait composé d’une majorité substantielle de magistrats, il pourrait être admis que chaque formation (siège, parquet et plénière) élise en son sein un président, lequel pourrait être un magistrat ou un membre extérieur. 3.2 - Les membres magistrats 3.2.1 - Un rétablissement d’une majorité de magistrats dans chaque formation Jusqu'à la rupture accomplie par la réforme de 2008, qui marque un profond recul, l'évolution de l'institution était marquée par l'acquisition d'une plus grande indépendance du Conseil par rapport au pouvoir politique, avec un accroissement du nombre des magistrats élus par leurs pairs devenus légèrement majoritaires en 1993 avec 6 magistrats pour 4 membres extérieurs, dont 3 désignés directement par le pouvoir politique. Outre qu'elle déroge aux standards européens que la France, pionnière en la matière, a largement contribué à développer, l'instauration d'une majorité de non magistrats au Conseil supérieur de la magistrature contrevient également au principe retenu pour la composition des organes chargés de missions similaires pour les juridictions des autres ordres. 101 Ch. 3 Magistrats - vos droits 2013_Mise en page 1 29/04/13 14:25 Page102 CARRIERE Ainsi, la commission consultative du Conseil d'État est composée exclusivement de membres du Conseil d'État, le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le Conseil supérieur de la Cour des comptes et le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes comportent majoritairement des membres des juridictions administratives ou financières. Ce sont les mêmes principes qui guident la composition des organes disciplinaires des professions libérales (médecins, pharmaciens, avocats, vétérinaires), exclusivement ou très majoritairement composés des membres desdites professions. Ces principes sont induits par l'idée que pour des fonctions ou des professions de haute technicité qui requièrent des connaissances et un savoir-faire spécifiques, ce sont les pairs qui sont les mieux placés pour apprécier les manquements par l'un des leurs aux règles, usages ou bonnes pratiques du corps ou de la profession. Pour les magistrats des trois ordres de juridiction, ce sont également des considérations liées à l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif qui doivent être prises en considération pour imposer une composition majoritaire des représentants de la profession. La profession d’avocat avait d’ailleurs, par la voix de son président, récusé en 2008 la mise en minorité des magistrats dans l’organe régulateur du corps. Dans un courrier du 30 avril 2008, adressé par Paul-Albert Iweins, président du Conseil National des Barreaux au président de l’USM, il était indiqué : « Si une composition mixte des Conseils de Justice, mêlant magistrats et non magistrats, est la règle et naturellement souhaitable afin de favoriser la représentativité des différents courants d’opinion et l’ouverture de la magistrature, elle ne saurait aboutir à y mettre les magistrats en minorité. Au regard de ces éléments, la profession d’avocat n’estime pas souhaitable que les dispositions du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Vème République prévoient que les magistrats ne soient plus majoritaires au sein du Conseil supérieur de la magistrature ». L'application des standards internationaux précédemment rappelés, l'alignement sur le modèle des grandes démocraties qui nous entourent et le sens général de l'évolution historique doivent conduire, ainsi que l’a souligné le Président de la République dans son discours de janvier 2013 à la Cour de cassation, au rétablissement d'une majorité substantielle de magistrats au sein du CSM. A cet égard, le projet de loi constitutionnelle, qui prévoit des formations « siège » et « parquet » composées de 8 magistrats et 7 non-magistrats, est satisfaisant. 102 Ch. 3 Magistrats - vos droits 2013_Mise en page 1 29/04/13 14:25 Page103 3.2.2 - Une représentation du corps plus équilibrée Il convient également d'assurer, ainsi que le prévoient les recommandations européennes précitées, une représentation plus égalitaire des magistrats au sein du CSM en fonction de leur grade et d'éviter une surreprésentation de la hiérarchie, comme c'est le cas actuellement. En effet, dans chacune des formations, les 36 premiers présidents et procureurs généraux de cour d'appel ainsi que le président et le procureur du TSA disposent d'un représentant. Il en va de même des 161 présidents et procureurs des tribunaux de grande instance ainsi que des 4 présidents et procureurs de tribunaux de première instance. Les magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation (environ 180) disposent enfin également d'un représentant. Le reste du corps, qui comprend 8081 magistrats, est représenté par seulement 3 membres par formation. 3 Au cours de la concertation, il a été évoqué la possibilité de modifier les dispositions de l’article 1er de la loi organique du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature. Il était envisagé d’organiser les élections des magistrats membres du CSM autour de 3 collèges pour le siège et 3 collèges pour le parquet : - un collège des magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation, composé de ceux-ci et des chefs de cour (qui sont juridiquement déjà nommés à la Cour de cassation pour exercer leurs fonctions de premier président ou de procureur général), qui élirait un représentant, - un collège des chefs de juridictions, qui élirait un représentant, - un collège pour les autres magistrats qui élirait 6 représentants. Cette structuration des membres magistrats du CSM paraît satisfaisante et préférable au premier projet qui proposait une fusion des collèges des chefs de cour et de juridiction. 3.2.3 - Un mode d'élection garantissant la représentativité et la légitimité des membres Les modalités d'élection à l'intérieur de chaque collège doivent à la fois conduire à une participation maximale des magistrats pour asseoir la représentativité des élus et permettre aux candidats de recueillir un nombre de voix significatif pour fonder leur légitimité. Dans le collège des magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation et des chefs de cour ainsi que dans le collège des chefs de juridiction, l'élection par un scrutin uninominal à 2 tours (et non plus à un tour comme actuellement) permettrait, en cas de candidatures 103 Ch. 3 Magistrats - vos droits 2013_Mise en page 1 29/04/13 14:25 Page104 CARRIERE nombreuses divisant les voix, d'éviter l'élection d'un candidat avec un nombre relativement faible de voix, ce qui pourrait faire douter de sa légitimité. S'agissant des cours et tribunaux, actuellement les magistrats du siège et du parquet membres du Conseil supérieur sont élus par un collège de magistrats du siège et par un collège des magistrats du parquet, composés de membres élus au sein de chaque cour d'appel. Ce système permet de mobiliser les magistrats, qui s’impliquent dans les élections régionales. En effet, il ne faut pas perdre de vue que les carrières se déroulent le plus souvent dans un même ressort ou dans des ressorts limitrophes. À l'intérieur des cours d'appel, les magistrats se connaissent et s'apprécient. L'élection des membres du collège au sein des cours d'appel permet la désignation de magistrats dont la valeur professionnelle et éthique est reconnue par leurs pairs. C'est au sein de ces deux collèges que seront désignés les membres du Conseil. Ce système a par conséquent le double avantage de reposer sur le maillage traditionnel des cours, auquel les magistrats sont attachés, et de permettre l'élection de magistrats dont la valeur professionnelle et éthique est reconnue. 3.3 - Les membres extérieurs Dans son discours lors de l’audience solennelle de la Cour de cassation, le Président de la République a indiqué que le deuxième enjeu de la réforme porterait sur le mode de nomination des membres du CSM, notamment des personnalités extérieures. Il a précisé que celles-ci devraient être « proposées par un collège indépendant et non plus par le pouvoir politique. Les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat devront approuver leur désignation aux trois cinquièmes. Cette étape permettra de lever le soupçon sur l’intervention du pouvoir exécutif dans les nominations et le déroulement des carrières des magistrats ». L'application des standards internationaux conduit à éviter toute immixtion du pouvoir politique dans la désignation des membres du CSM. Leur désignation par un collège de personnalités indépendantes, comme le prévoit le projet de loi constitutionnelle, et non, comme c'est le cas actuellement, par le Président de la République et les présidents des deux assemblées contribuerait assurément à écarter les soupçons de politisation et constituerait une avancée certaine par rapport au dispositif existant. Au cours de la concertation, l’USM avait néanmoins considéré que la composition du collège, qui excluait alors le premier président de la Cour de cassation et le procureur général près ladite Cour, n’était pas satisfaisante. 104 Ch. 3 Magistrats - vos droits 2013_Mise en page 1 29/04/13 14:25 Page105 En effet, alors que les plus hautes autorités de l’Etat en faisaient partie, les magistrats de l’ordre judiciaire en étaient exclus. Si cette exclusion pouvait se concevoir, dans l’hypothèse où le premier président de la Cour de cassation et le procureur général près ladite Cour auraient été membres de droit du CSM, rien ne peut justifier leur absence dès lors qu’il est envisagé qu’ils ne siègeront au CSM que pour présider les audiences disciplinaires. L’argument, selon lequel il conviendrait d’éviter qu’une même autorité soit à l’origine de la nomination de plusieurs membres, ne saurait être retenu. Il convient en effet de relever que le vice-président du Conseil d’Etat est membre de ce collège, alors que l’assemblée générale du Conseil d’Etat, qu’il préside, désigne l’un des membres du CSM. 3 Le projet retient que les personnalités qualifiées sont désignées conjointement par le viceprésident du Conseil d'Etat, le président du Conseil économique, social et environnemental, le premier président de la Cour de cassation, le procureur général près la Cour de cassation, le premier président de la Cour des comptes et un professeur des universités. Il est par ailleurs essentiel de s’assurer que les personnes désignées soient connues pour l'intérêt qu'elles portent à la justice, et n'appartiennent ni au Parlement, ni à l'ordre judiciaire, ni à l'ordre administratif, ni aux barreaux. Leurs connaissances techniques et juridiques, indispensables pour exercer ces fonctions, pourraient être vérifiées au cours des auditions publiques devant les commissions des assemblées appelées à valider les propositions du collège. L’USM considère néanmoins que le dispositif retenu pour associer le parlement à la désignation des membres non magistrats du CSM est inadapté et inacceptable. Le projet de loi prévoit que dans chaque assemblée parlementaire une commission permanente désignée par la loi se prononce par un avis public sur la liste des personnes désignées. Il s'agit donc de commissions ad hoc et non des commissions des lois, comme c’est actuellement le cas en application de l’article 5-2 de la loi organique du 5 février 1994. Par ailleurs, alors qu’il était initialement envisagé une validation des propositions du collège par les 3/5ème des suffrages exprimés par les commissions des lois des deux assemblées, le texte finalement présenté maintient uniquement un droit de veto des 3/5ème des suffrages exprimés au sein des 2 commissions. Pire, plutôt que de prévoir que les commissions ad hoc puissent, après audition, valider les candidatures de certaines personnalités proposées, tout en refusant certaines autres, il est désormais prévu un scrutin bloqué sur la liste complète. Cette option entrave en réalité le pouvoir de contrôle des commissions : celles-ci, confrontées à des difficultés tenant à une seule des personnes proposées, n’auront en effet d’autre solution que de rejeter l’ensemble de la liste. 105 Ch. 3 Magistrats - vos droits 2013_Mise en page 1 29/04/13 14:25 Page106 CARRIERE L’USM est très attachée à une validation individuelle des candidatures à une majorité qualifiée, celle-ci imposant à la majorité et à l’opposition de s’entendre et permettant ainsi des nominations davantage exemptes de considérations politiciennes. Ces évolutions négatives, d’un texte à l’origine acceptable, rendent en réalité illusoires les pouvoirs octroyés au Parlement. L’USM demande à ce que le Parlement revienne sur ce point au texte de l’avant-projet qui a été présenté aux organisations syndicales, qui assure davantage de garantie et donne un réel pouvoir de contrôle au Parlement : « Les désignations des personnalités qualifiées ne sont validées que si elles réunissent la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des commissions chargées des lois constitutionnelles de l’Assemblée nationale et du Sénat ». Il devrait en outre être précisé que cette validation s’effectue nominativement et non sur la liste proposée par le collège. 3.4 - La composition de la formation plénière Dans le seul but de rendre les magistrats minoritaires au sein d'une formation dont le rôle premier consiste à veiller à ce qu'il ne soit pas porté atteinte à l'indépendance des juges et procureurs par les pouvoirs exécutif et législatif, sujet politiquement sensible, la réforme constitutionnelle de 2008 avait évincé deux des magistrats de la formation du siège et deux des magistrats de la formation du parquet de la formation pourtant dite plénière. Il convient bien évidemment de restituer à cette formation la composition qu'impose son qualificatif. Au demeurant, le Conseil issu de la réforme constitutionnelle de 2008, qui a pris ses fonctions en février 2011, a, dans la pratique, continué à se réunir en « réunion générale ». Le projet de réforme constitutionnelle conforte l’existence d’une formation vraiment plénière composée des huit membres magistrats de la formation siège, des huit membres magistrats de la formation parquet et des sept membres non-magistrats. L’USM soutient pleinement cette partie de la réforme. Extrait de la Charte européenne sur le statut des juges adoptée par le Conseil de l’Europe le 10 juillet 1998 Pour toute décision affectant la sélection, le recrutement, la nomination, le déroulement de la carrière ou la cessation de fonctions d'un juge ou d'une juge, le statut prévoit 106 Ch. 3 Magistrats - vos droits 2013_Mise en page 1 29/04/13 14:25 Page107 l'intervention d'une instance indépendante du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif au sein de laquelle siègent au moins pour moitié des juges élus par leurs pairs suivant des modalités garantissant la représentation la plus large de ceux-ci. Extrait de l’avis de l’Assemblée générale du Réseau Européen des Conseils de la Justice, Budapest 21-23 mai 2008 En ce qui concerne la composition des Conseils de Justice, lorsque la composition est mixte, le Conseil doit compter une majorité de magistrats, sans être inférieure à 50%… dans tous les cas (composition mixte ou non) les magistrats, membres du Conseil, doivent représenter tous les magistrats. 3 Extrait de la Magna Carta des Juges européens adoptée à Strasbourg le 17 novembre 2010 par le Conseil Consultatif des Juges Européens (CCJE) Instance chargée de garantir l’indépendance : 13. Pour assurer l’indépendance des juges, chaque Etat doit créer un Conseil de la Justice ou un autre organe spécifique, lui-même indépendant des pouvoirs exécutif et législatif, doté des prérogatives les plus étendues pour toute question relative à leur statut, ainsi qu’à l’organisation, au fonctionnement et à l’image des institutions judiciaires. Le Conseil doit être composé soit exclusivement de juges, soit au moins d’une majorité substantielle de juges élus par leurs pairs. Le Conseil de la Justice est tenu de rendre compte de ses activités et de ses décisions. Extrait de la Recommandation 2010(12) du 17 novembre 2010 du Comité des ministres aux Etats membres sur les juges : indépendance, efficacité et responsabilités Les conseils de Justice sont des instances indépendantes, établies par la Loi ou la Constitution, qui visent à garantir l’indépendance de la Justice et celle de chaque juge et ainsi promouvoir le fonctionnement efficace du système judiciaire. Au moins la moitié des membres de ces conseils devrait être des juges choisis par leurs pairs issus de tous les niveaux du pouvoir judiciaire et dans le plein respect du pluralisme au sein du système judiciaire. 107 Ch. 3 Magistrats - vos droits 2013_Mise en page 1 29/04/13 14:25 Page108 CARRIERE B - Attributions 1 - Le CSM et les nominations La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de premiers présidents de cours d'appel et pour celles de présidents de tribunaux de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur avis conforme. La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet donne son avis sur les nominations qui concernent les magistrats du parquet. Il s'agit d'un avis simple qui ne lie pas l'autorité de nomination. Le projet de réforme constitutionnelle prévoit que les magistrats du parquet sont nommés sur avis conforme de la formation du parquet. Ce point sera traité plus précisément dans la 2nde section du présent chapitre. 2 - Le CSM et la discipline La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège statue comme conseil de discipline des magistrats du siège. La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet donne son avis sur les sanctions disciplinaires qui les concernent. Le projet de réforme constitutionnelle prévoit qu'elle statue comme conseil de discipline des magistrats du parquet. Ce point sera traité plus précisément dans le chapitre 7. 3 - Le CSM et l’indépendance de l’autorité judiciaire 3.1 - Jusqu’à la fin 2010 L’article 64 de la Constitution disposait : « le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Il est assisté du Conseil supérieur de la magistrature ». Le Conseil pouvait être saisi par le Président de la République de questions touchant à l’indépendance de l’Autorité Judiciaire. C’est ainsi que François Mitterrand avait saisi le CSM de la 108 Ch. 3 Magistrats - vos droits 2013_Mise en page 1 29/04/13 14:25 Page109 tentative de déstabilisation d’Eric Halphen dans le cadre de l’affaire dite Schueller/Maréchal. Le CSM avait ultérieurement été saisi à trois reprises par le Président Chirac. Le Conseil avait également considéré, depuis la réforme constitutionnelle de 1993, qu’il lui appartenait, toujours sur le fondement du texte constitutionnel précité, d’émettre des avis, spontanés, ou des communications, non sollicitées, dès lors que l’indépendance de l’autorité judiciaire était en cause. Les CSM successifs depuis cette date avaient émis un certain nombre d’avis, très importants, rappelant parfois à l’ordre les plus hautes autorités de l’Etat. Ils peuvent être consultés sur le site internet du CSM ou dans les rapports annuels du Conseil. 3 Saisi par l’USM, après la convocation et l’audition nocturnes par l’Inspection des Services, de collègues, à Thionville et à Metz, suite au suicide d’un mineur condamné par le Tribunal Pour Enfants, le CSM avait par exemple mené de véritables investigations et auditions puis avait rendu une communication, le 27 novembre 2008, fortement motivée, grâce notamment à l’action des élus de l’USM. Le CSM avait, à cette occasion, rappelé à l’ordre, de façon inédite, le ministre de la Justice. Pour exercer cette mission (tout comme pour la rédaction de son rapport), les CSM successifs avaient instauré la réunion plénière de tous les membres, c'est-à-dire que l’intégralité des membres du Conseil (magistrats des deux formations et membres communs) se réunissait à intervalles réguliers au moins une fois par mois. Pour faciliter l’efficacité et la coordination de ses travaux, la pratique du CSM avait également prévu l’élection d’un président de la réunion plénière qui était, traditionnellement, un membre commun aux deux formations, c'est-à-dire un non magistrat. Cette mission constitutionnelle du CSM et le courage dont avaient fait preuve, notamment, les élus de l’USM, pour faire en sorte que le CSM émette des avis ou des communications fortement motivés, dénonçant notamment les critiques faites par les plus hautes autorités de l’Etat contre les magistrats ou la Justice, ont fortement déplu au pouvoir et sont à l’origine de dispositions très contestables de la réforme constitutionnelle de 2008. 3.2 - Actuellement Mesure de rétorsion directe contre la hardiesse du CSM, l’article 65 de la Constitution énumère limitativement les autorités qui peuvent solliciter un avis. La réforme de 2008 dispose que le Conseil se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d’avis formulées par le Président de la République, au titre de l’article 64-3. Alors que les atteintes à l’indépendance de la magistrature émanent le plus souvent du 109 Ch. 3 Magistrats - vos droits 2013_Mise en page 1 29/04/13 14:25 Page110 CARRIERE pouvoir exécutif, il est révélateur de la volonté de museler le CSM de lui ôter la faculté de s’auto-saisir et de disposer qu’il ne pourra être saisi que par ceux-là mêmes dont peuvent provenir les atteintes les plus importantes. 3.3 Le projet de loi constitutionnelle Il prévoit que le CSM se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République au titre de l'article 64 de la Constitution et se prononce dans la même formation, sur les questions relatives à la déontologie des magistrats ainsi que sur toutes les questions relatives au fonctionnement de la Justice dont le saisit le ministre de la Justice. Le projet de loi restitue toutefois au CSM le pouvoir de se saisir d'office des questions relatives à l'indépendance de l'autorité judiciaire et à la déontologie des magistrats. En cela, il ne peut qu'être approuvé par l'USM. Mais, il est néanmoins nécessaire d’aller plus loin et de permettre également aux magistrats de saisir directement le CSM de toutes questions touchant à leur indépendance et/ou à leur déontologie. Le Conseil supérieur de la magistrature consulte les organisations syndicales de magistrats En février 2013, la garde des Sceaux a saisi, conformément aux dispositions de l’article 65 alinéa 8 de la Constitution, la formation plénière du CSM d’une demande d’avis relative à l’interprétation de dispositions du statut de la magistrature. La question portait sur l’application de l’article 28-3 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant statut de la magistrature aux magistrats spécialisés qui occupaient au 1er janvier 2002, au premier grade, dans les juridictions de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil, des fonctions spécialisées, et qui, postérieurement à cette date auraient été nommés par décret du Président de la République, après avis du Conseil supérieur de la magistrature, dans la même juridiction et aux mêmes fonctions, mais selon le nouveau régime. L’USM s’est félicitée de cette démarche, qui crée un précédent, qu’elle espère être appelé à se renouveler chaque fois que la formation plénière sera saisie d’une demande d’avis du Président de la République ou du garde des Sceaux. L’USM y voit une avancée importante dans la reconnaissance de la représentativité syndicale au sein de la magistrature et de sa capacité à porter des idées et des valeurs. 110 Ch. 3 Magistrats - vos droits 2013_Mise en page 1 29/04/13 14:25 Page111 Le Conseil supérieur de la magistrature et le discrédit jeté sur une décision de justice En mars 2013, l'USM a été la seule organisation syndicale à rappeler l'indispensable respect des décisions de justice dans un Etat de droit, après les scandaleux propos d’un parlementaire, stigmatisant un juge d'instruction ayant procédé, en collégialité, à la mise en examen de Nicolas Sarkozy. Le ministre de la Justice a finalement saisi le Conseil supérieur de la magistrature sur le fondement de l'article 65 de la Constitution d'une demande d'avis. 3 Communiqué de la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature, du 27 mars 2013 La formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature vient d’être saisie en fin de matinée par Mme la garde des Sceaux, en application de l’article 65 de la Constitution, d’une demande d’avis sur « les conséquences (…) sur le bon fonctionnement de l’institution judiciaire et sur la sérénité de la Justice » de propos récemment tenus au sujet d’une « procédure judiciaire suivie au tribunal de grande instance de Bordeaux ». Parallèlement, la formation du CSM compétente à l'égard des magistrats du siège a rendu un communiqué rappelant que les pouvoirs exécutif et législatif doivent éviter toute critique portant atteinte à l'indépendance du pouvoir judiciaire ou entamant la confiance du public dans la Justice. Les élus de l'USM ont pesé pour l'adoption de ce communiqué, reprenant les critères internationaux régulièrement rappelés par l’USM. Communiqué de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège, du 27 mars 2013 À la suite de commentaires de récentes décisions judiciaires, la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège rappelle le respect qui est dû au principe d’indépendance de la Justice, consacré à l’article 64 de la Constitution et commun aux traditions juridiques des Etats européens. La Recommandation du Comité des ministres aux Etats membres du Conseil de l’Europe, adoptée le 17 novembre 2010, explicite ainsi les exigences concrètes inhérentes à la séparation des pouvoirs : « S’ils commentent les décisions des juges, les pouvoirs exécutif et législatif devraient éviter toute critique qui porterait atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire ou entamerait la confiance du public dans ce pouvoir ». 111 Ch. 3 Magistrats - vos droits 2013_Mise en page 1 29/04/13 14:25 Page112 CARRIERE 4 - Le CSM et la déontologie des magistrats Aux termes de la réforme de 2008, le CSM se prononce en formation plénière telle qu’issue du nouvel article 65 de la constitution, sur les questions relatives à la déontologie des magistrats, ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la Justice dont le saisit le ministre de la Justice. L’article 17 de la loi organique du 22 juillet 2010 avait toutefois prévu que le Conseil supérieur de la magistrature pouvait se prononcer sur les questions relatives à la déontologie des magistrats, ce qui lui laissait une possibilité d’autonomie sur cette question. Cependant, dans sa décision du 19 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a censuré cette décision au motif qu’elle méconnaissait l’article 65, nouveau, de la Constitution. Le projet de loi constitutionnelle de 2013 restitue toutefois au CSM le pouvoir de se saisir d'office des questions relatives à la déontologie des magistrats et doit donc être soutenu sur ce point. La loi organique du 5 mars 2007, issue des travaux de la commission d’enquête parlementaire relative à l’affaire dite d’Outreau a introduit dans la loi organique relative au CSM un article 20 qui dispose que le CSM « élabore et rend public un recueil des obligations déontologiques des magistrats ». Cette obligation, imposée par le législateur au Conseil a évité de justesse l’élaboration d’un véritable code disciplinaire dont un projet avait été rédigé par le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale de l’époque. Conforme aux standards européens, l’élaboration d’un recueil par le conseil de justice compétent, a été, pour ce qui concerne le Conseil supérieur de la magistrature français rendu public en juin 2010, publié chez Dalloz et diffusé à l’ensemble des magistrats. Loin de constituer un code disciplinaire, comme l’auraient souhaité certains, ce recueil constitue davantage un guide pour les magistrats du siège et du parquet. Il décline des principes, commentaires et recommandations qui ont pour objectif d’établir des références déontologiques, conçues pour soutenir et orienter les magistrats français. Il peut d’ailleurs servir de rempart aux magistrats en cas de mise en cause injustifiée et leur apporter un éclairage concret lorsqu’ils s’interrogent sur leurs propres pratiques. Les élus de l’USM ont dû batailler fermement au cours de l'élaboration du recueil pour qu'il constitue un guide de référence pour les collègues et non un code de règles impératives. 112 Ch. 3 Magistrats - vos droits 2013_Mise en page 1 29/04/13 14:25 Page113 Ils se sont par ailleurs attachés à réaffirmer les principes constitutionnels et légaux existants en faveur des magistrats (liberté d'expression dans le cadre syndical par exemple-point F5) et à introduire de nombreuses dispositions protectrices des collègues. Par exemple, dans chaque chapitre décliné dans le guide, référence est faite aux devoirs des chefs de juridiction vis-à-vis des magistrats de leur juridiction (information et dialogue avec les collègues de la juridiction - point C11 -, devoir de protection des magistrats mis en cause - points C31-D10-F9 -). La liberté de parole à l’audience est érigée en principe déontologique (point A18). 3 De même, le fait pour un magistrat du parquet de demander dans une affaire individuelle des instructions écrites de poursuivre du ministre de la Justice ou du procureur général est érigé en principe déontologique ne pouvant constituer un manquement ni à la loyauté ni au principe de subordination hiérarchique (point A19). Est également précisé que « l'impartialité appelle des moyens matériels, budgétaires et humains qui procurent aux magistrats et aux juridictions des conditions de travail et de fonctionnement excluant toute dépendance à l'égard des personnes publiques ou privées, même dans des situations exceptionnelles ». La nécessité de la présence du greffier à l'audience, sans cesse rappelée par l'USM, est affirmée comme une sécurité pour le justiciable et le juge (point E8). Le projet de loi constitutionnelle qui rétablit une majorité de magistrats au sein de la formation plénière et restitue au CSM sa liberté de parole en matière de déontologie, gomme les aspects les plus choquants de la réforme de 2008 et mérite à cet égard d’être soutenu. Section 2. LE DÉROULEMENT DE LA CARRIÈRE L'entrée dans le corps de la magistrature est possible par concours ou intégration, avec éventuelle prise en compte d'un exercice professionnel précédent. Au cours de la carrière, le principe d'inamovibilité du magistrat connaît des atténuations selons les fonctions exercées. Le magistrat peut évoluer, en grade et en fonction, selon un processus de nomination différent pour le siège et le parquet. Enfin, l'activité du magistrat sera évaluée régulièrement durant sa carrière. 113