IV - LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE

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CARRIERE
IV - LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE (CSM)
Textes applicables :
Article 65 de la Constitution ;
Ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la
magistrature ;
Loi organique n°94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature ;
Loi organique n°2001-539 du 25 juillet 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil
supérieur de la magistrature ;
Loi organique n°2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la
responsabilité des magistrats ;
Loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la
Vème République ;
Loi organique n°2010-830 du 22 juillet 2010 modifiant la loi organique du 5 février 1994.
Le CSM est un organe constitutionnel dont la composition et les attributions sont définies
à l’article 65 de la Constitution.
La question de la composition et des pouvoirs du CSM est fondamentale et conditionne
l’indépendance effective de l’autorité judiciaire et des magistrats du siège et du parquet.
A - Composition
1 - Jusqu’à la fin de l’année 2010
La loi organique du 5 février 1994 prévoyait que le CSM était composé de deux formations,
une pour le siège, une pour le parquet.
Il était présidé par le Président de la République qui, de fait, n’exerçait pas cette mission ;
son vice-président était le garde des Sceaux.
Chacune des formations était composée de dix membres : 6 magistrats et 4 non magistrats.
Les non magistrats, membres communs qui siégeaient dans les deux formations, étaient
désignés respectivement par le Président de la République, le président du Sénat, le président de l’Assemblée nationale et par l’assemblée générale du Conseil d’Etat.
La formation du siège comptait en outre cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet,
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la formation du parquet comptait cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège.
Pour chacune des formations, les magistrats de la Cour de cassation élisaient un des leurs,
il en allait de même des chefs de cour et de juridiction.
Les 3 autres membres magistrats de chaque formation étaient élus par un collège des
magistrats du parquet et par un collège des magistrats du siège eux-mêmes élus par
l’ensemble des magistrats du parquet et par l’ensemble des magistrats du siège des cours
et tribunaux, à l’exception des présidents et procureurs et des premiers présidents et
procureurs généraux.
3
Bien que l'existence de la réunion plénière ne fût pas inscrite dans les textes, les membres
des 2 formations avaient pris l'habitude de se réunir pour harmoniser leurs pratiques,
débattre des questions relatives au fonctionnement de la Justice et des éventuelles atteintes
à l'indépendance des magistrats et élaborer le rapport annuel d'activité. Le CSM exerçait
par le biais de cette réunion plénière sa mission d'assistance au Président de la République
dans son rôle de gardien de l'indépendance de l'autorité judiciaire.
Chaque formation élisait en son sein un président parmi ses membres, pour les séances
de travail à l’occasion desquelles le garde des Sceaux ne présidait pas le CSM.
2 - Actuellement
Le Conseil supérieur de la magistrature issu de la réforme constitutionnelle de 2008
comprend une formation compétente à l’égard des magistrats du siège, une formation
compétente à l’égard des magistrats du parquet et une formation plénière.
La formation compétente à l’égard des magistrats du siège est présidée par le premier
président de la Cour de cassation. Elle comprend en outre cinq magistrats du siège et un
magistrat du parquet, un conseiller d’Etat désigné par le Conseil d’Etat, un avocat ainsi que
six personnalités qualifiées qui n’appartiennent ni au Parlement, ni à l’ordre judiciaire, ni à
l’ordre administratif. Le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale
et le président du Sénat désignent chacun deux personnalités qualifiées.
En matière disciplinaire, elle est complétée par le magistrat du siège membre de la formation
du parquet.
La procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution est applicable aux
nominations des personnalités qualifiées. Celles-ci sont entendues au Parlement et leur
candidature peut faire l’objet d’un veto à la majorité des 3/5èmes.
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CARRIERE
Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée du Parlement sont
soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l’assemblée intéressée.
La formation compétente à l’égard des magistrats du parquet est présidée par le procureur
général près la Cour de cassation. Elle comprend en outre cinq magistrats du parquet et
un magistrat du siège ainsi que le conseiller d’Etat, l’avocat et les six personnalités qualifiées
mentionnées ci-dessus.
En matière disciplinaire, elle est complétée par le magistrat du parquet membre de la
formation du siège.
La formation plénière comprend trois des cinq magistrats du siège (de la formation du
siège), trois des cinq magistrats du parquet (de la formation du parquet) ainsi que le conseiller
d’Etat, l’avocat et les six personnalités qualifiées. Elle est présidée par le premier président
de la Cour de cassation, que peut suppléer le procureur général près cette Cour.
Sauf en matière disciplinaire, le ministre de la Justice peut participer aux séances des
formations du Conseil supérieur de la magistrature. L’USM, a tenté de s’opposer à cette
évolution de la composition du CSM, qui constitue une régression institutionnelle majeure.
L’Association Européenne des Magistrats, dont l’USM est membre fondateur, qui dispose
par le biais de l’Union Internationale des Magistrats, d’une représentation permanente
auprès de l’ONU et du Conseil de l’Europe, a adopté un communiqué et adressé un courrier
aux plus hautes autorités françaises pour attirer leur attention sur les dangers de la réforme.
Par ailleurs l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, dans une résolution en date
du 29 septembre 2009 adoptée suite au rapport de la Commission des questions juridiques
et des droits de l’homme, qui a travaillé ces questions avec l’USM, demande notamment à
la France de revenir sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature.
Retrouvez la composition du Conseil supérieur de la magistrature sur notre site :
http://www.union-syndicale-magistrats.org/
L’action de l’USM contre la mise en minorité des magistrats au CSM
L'USM s'est toujours battue, et notamment lors des débats parlementaires relatifs à la
discussion de la réforme constitutionnelle de 2008 et de la loi organique du 22 juillet
2010 sur le CSM, pour que la France respecte les standards européens en matière de
justice. Elle a toujours soutenu, contrairement à d'autres organisations syndicales de
magistrats, que les magistrats devaient être majoritaires au sein du CSM.
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C'est pourquoi elle participe activement aux travaux de l'Association Européenne des
Magistrats, présidée depuis novembre 2012 par Christophe Regnard dont elle est membre fondateur et dont les représentants participent aux travaux du Conseil Consultatif
des Juges Européens. La réforme constitutionnelle de 2008, en consacrant la mise en
minorité de magistrats au sein du CSM, met la France au ban des nations européennes.
Le mode de désignation des membres extérieurs, tel que prévu par cette réforme est
également contraire aux standards européens
3
Extrait de la résolution 1685 (2009) du 30 septembre 2009 relative aux
allégations d’abus du système pénal, motivé par des considérations
politiques dans les Etats membres du Conseil de l’Europe
Les conseils de la magistrature doivent avoir une influence décisive en matière de
recrutement et de promotion des juges et des procureurs, ainsi qu’en matière disciplinaire
à leur encontre. Les représentants élus parmi les juges et les procureurs devraient être
au moins aussi nombreux que les membres représentants d’autres groupes de la société.
L’assemblée invite la France à envisager de rétablir une majorité de juges et de procureurs
au sein du Conseil supérieur de la magistrature.
Extraits du courrier du Président de l’Association Européenne des
Magistrats (AEM) au Président de la République française du 4 juin 2008
Dr Virgilius Valancius, Président de l’AEM,Vice-Président de l’Union Internationale des
Magistrats, Président de la Cour Suprême Administrative de Lithuanie
A Monsieur le Président de la République Française
Monsieur le Président,
L’Association Européenne des Magistrats (…) a adopté à l’unanimité une résolution
relative aux modifications envisagées par le gouvernement français de la composition
du Conseil supérieur de la magistrature. Vous trouverez cette résolution en pièce
jointe. (…) L’AEM a ainsi dans ses attributions de surveiller la situation de la Justice et
des magistrats dans les Etats membres de l’Union Européenne. C’est pourquoi des
discussions permanentes ont lieu sur l’indépendance de la Justice et le statut des juges
dans leur pays.
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CARRIERE
L’AEM souhaite attirer votre attention sur ces éléments essentiels et exprime son
inquiétude relativement aux développements législatifs envisagés, tels qu’ils sont
exposés dans la résolution ci-jointe.
Résolution de l’Association Européenne des Magistrats (AEM), adoptée à
l’unanimité le 23 mai 2008.
1.L'Association Européenne des Magistrats a pris connaissance des évolutions envisagées
par le gouvernement français de la composition du Conseil supérieur de la magistrature, rendant les magistrats minoritaires dans l’organe chargé en France de leurs
carrières et de leur discipline, au profit de membres nommés en grande partie par
les pouvoirs exécutif et législatif.
2.L'Association Européenne des Magistrats souligne que pour ce qui est de l’autorité
compétente en matière de sélection, de carrière et de discipline des magistrats,
les instances européennes ont depuis des années imposé des règles incontournables
destinées à assurer l’indépendance et l’impartialité de la Justice.
3.L’AEM entend ainsi rappeler que :
- La recommandation n°R94-12 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe
impose que l’autorité compétente soit indépendante du gouvernement et de
l’administration.
- La charte européenne sur le statut des juges édictée par le Conseil de l’Europe en
1998 impose une instance indépendante des pouvoirs exécutif et législatif au sein
de laquelle siègent au moins pour moitié des juges élus par leurs pairs.
- L’avis n°10 du Conseil Consultatif des Juges Européens adopté à Strasbourg en
octobre 2007 impose une instance comptant une majorité substantielle de juges
élus par leurs pairs.
4.L’AEM rappelle que ces standards n’ont pas été érigés dans l’intérêt des magistrats
et par corporatisme mais parce qu’ils permettent seuls de s’assurer de la nécessaire
indépendance de la Justice dans une société démocratique.
5.L’AEM exprime sa grave préoccupation face à de tels développements. Elle appelle
les autorités françaises à observer scrupuleusement les standards universellement
reconnus d’une justice indépendante, seuls à même d’assurer la confiance que les
citoyens mettent en celle-ci.
3. Le projet de loi constitutionnelle déposé le 14 mars 2013
et les revendications de l’USM
3.1 - La présidence
De nombreux Conseils de justice en Europe sont présidés par les présidents des cours
suprêmes.
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L’octroi de la présidence du CSM au premier président de la Cour de cassation constituait
un des rares points positifs de la réforme constitutionnelle de 2008.
Il ne peut aisément se concevoir que l'organe destiné à présider aux nominations et à la
discipline des magistrats de l'ordre judiciaire soit présidé par une personnalité extérieure
à la magistrature, sauf à afficher une réelle défiance à l'égard de celle-ci.
Ainsi, qui pourrait imaginer que la commission consultative du Conseil d’Etat, le Conseil
supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le Conseil
supérieur de la Cour des comptes et le Conseil supérieur des chambres régionales des
comptes soient présidés par d’autres que le vice-président du Conseil d’Etat ou le premier
président de la Cour des comptes, ou leurs représentants ?
3
Le projet de réforme constitutionnelle prévoit la présidence des trois formations
(plénière, siège et parquet) par un non-magistrat élu par la formation plénière parmi les
5 personnalités qualifiées désignées par un collège de personnalités indépendantes.
L’USM est opposée à cette solution. Elle considère que :
- La présidence du CSM doit revenir au premier président de la Cour de cassation pour
la formation du siège et la formation plénière et au procureur général près la même
Cour pour la formation du parquet.
- Dans la seule hypothèse où le CSM serait composé d’une majorité substantielle de
magistrats, il pourrait être admis que chaque formation (siège, parquet et plénière) élise
en son sein un président, lequel pourrait être un magistrat ou un membre extérieur.
3.2 - Les membres magistrats
3.2.1 - Un rétablissement d’une majorité de magistrats dans chaque formation
Jusqu'à la rupture accomplie par la réforme de 2008, qui marque un profond recul,
l'évolution de l'institution était marquée par l'acquisition d'une plus grande indépendance
du Conseil par rapport au pouvoir politique, avec un accroissement du nombre des
magistrats élus par leurs pairs devenus légèrement majoritaires en 1993 avec 6 magistrats
pour 4 membres extérieurs, dont 3 désignés directement par le pouvoir politique.
Outre qu'elle déroge aux standards européens que la France, pionnière en la matière,
a largement contribué à développer, l'instauration d'une majorité de non magistrats
au Conseil supérieur de la magistrature contrevient également au principe retenu pour
la composition des organes chargés de missions similaires pour les juridictions des
autres ordres.
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Ainsi, la commission consultative du Conseil d'État est composée exclusivement de
membres du Conseil d'État, le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours
administratives d'appel, le Conseil supérieur de la Cour des comptes et le Conseil
supérieur des chambres régionales des comptes comportent majoritairement des
membres des juridictions administratives ou financières.
Ce sont les mêmes principes qui guident la composition des organes disciplinaires des
professions libérales (médecins, pharmaciens, avocats, vétérinaires), exclusivement ou très
majoritairement composés des membres desdites professions.
Ces principes sont induits par l'idée que pour des fonctions ou des professions de haute
technicité qui requièrent des connaissances et un savoir-faire spécifiques, ce sont les pairs
qui sont les mieux placés pour apprécier les manquements par l'un des leurs aux règles,
usages ou bonnes pratiques du corps ou de la profession.
Pour les magistrats des trois ordres de juridiction, ce sont également des considérations
liées à l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif qui doivent être
prises en considération pour imposer une composition majoritaire des représentants de
la profession.
La profession d’avocat avait d’ailleurs, par la voix de son président, récusé en 2008 la mise
en minorité des magistrats dans l’organe régulateur du corps.
Dans un courrier du 30 avril 2008, adressé par Paul-Albert Iweins, président du Conseil
National des Barreaux au président de l’USM, il était indiqué : « Si une composition mixte
des Conseils de Justice, mêlant magistrats et non magistrats, est la règle et naturellement souhaitable
afin de favoriser la représentativité des différents courants d’opinion et l’ouverture de la magistrature, elle ne saurait aboutir à y mettre les magistrats en minorité. Au regard de ces éléments,
la profession d’avocat n’estime pas souhaitable que les dispositions du projet de loi constitutionnelle
de modernisation des institutions de la Vème République prévoient que les magistrats ne soient
plus majoritaires au sein du Conseil supérieur de la magistrature ».
L'application des standards internationaux précédemment rappelés, l'alignement sur le
modèle des grandes démocraties qui nous entourent et le sens général de l'évolution
historique doivent conduire, ainsi que l’a souligné le Président de la République dans son
discours de janvier 2013 à la Cour de cassation, au rétablissement d'une majorité
substantielle de magistrats au sein du CSM.
A cet égard, le projet de loi constitutionnelle, qui prévoit des formations « siège » et
« parquet » composées de 8 magistrats et 7 non-magistrats, est satisfaisant.
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3.2.2 - Une représentation du corps plus équilibrée
Il convient également d'assurer, ainsi que le prévoient les recommandations européennes
précitées, une représentation plus égalitaire des magistrats au sein du CSM en fonction de
leur grade et d'éviter une surreprésentation de la hiérarchie, comme c'est le cas actuellement.
En effet, dans chacune des formations, les 36 premiers présidents et procureurs généraux
de cour d'appel ainsi que le président et le procureur du TSA disposent d'un représentant.
Il en va de même des 161 présidents et procureurs des tribunaux de grande instance ainsi
que des 4 présidents et procureurs de tribunaux de première instance. Les magistrats hors
hiérarchie de la Cour de cassation (environ 180) disposent enfin également d'un représentant.
Le reste du corps, qui comprend 8081 magistrats, est représenté par seulement 3 membres
par formation.
3
Au cours de la concertation, il a été évoqué la possibilité de modifier les dispositions de
l’article 1er de la loi organique du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature.
Il était envisagé d’organiser les élections des magistrats membres du CSM autour de
3 collèges pour le siège et 3 collèges pour le parquet :
- un collège des magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation, composé de ceux-ci
et des chefs de cour (qui sont juridiquement déjà nommés à la Cour de cassation pour
exercer leurs fonctions de premier président ou de procureur général), qui élirait un
représentant,
- un collège des chefs de juridictions, qui élirait un représentant,
- un collège pour les autres magistrats qui élirait 6 représentants.
Cette structuration des membres magistrats du CSM paraît satisfaisante et préférable au
premier projet qui proposait une fusion des collèges des chefs de cour et de juridiction.
3.2.3 - Un mode d'élection garantissant la représentativité
et la légitimité des membres
Les modalités d'élection à l'intérieur de chaque collège doivent à la fois conduire à une
participation maximale des magistrats pour asseoir la représentativité des élus et permettre
aux candidats de recueillir un nombre de voix significatif pour fonder leur légitimité.
Dans le collège des magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation et des chefs de
cour ainsi que dans le collège des chefs de juridiction, l'élection par un scrutin uninominal
à 2 tours (et non plus à un tour comme actuellement) permettrait, en cas de candidatures
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nombreuses divisant les voix, d'éviter l'élection d'un candidat avec un nombre relativement
faible de voix, ce qui pourrait faire douter de sa légitimité.
S'agissant des cours et tribunaux, actuellement les magistrats du siège et du parquet membres
du Conseil supérieur sont élus par un collège de magistrats du siège et par un collège des
magistrats du parquet, composés de membres élus au sein de chaque cour d'appel.
Ce système permet de mobiliser les magistrats, qui s’impliquent dans les élections régionales.
En effet, il ne faut pas perdre de vue que les carrières se déroulent le plus souvent dans
un même ressort ou dans des ressorts limitrophes. À l'intérieur des cours d'appel, les
magistrats se connaissent et s'apprécient. L'élection des membres du collège au sein des
cours d'appel permet la désignation de magistrats dont la valeur professionnelle et éthique
est reconnue par leurs pairs. C'est au sein de ces deux collèges que seront désignés les
membres du Conseil. Ce système a par conséquent le double avantage de reposer sur
le maillage traditionnel des cours, auquel les magistrats sont attachés, et de permettre
l'élection de magistrats dont la valeur professionnelle et éthique est reconnue.
3.3 - Les membres extérieurs
Dans son discours lors de l’audience solennelle de la Cour de cassation, le Président de la
République a indiqué que le deuxième enjeu de la réforme porterait sur le mode de
nomination des membres du CSM, notamment des personnalités extérieures. Il a précisé
que celles-ci devraient être « proposées par un collège indépendant et non plus par le pouvoir
politique. Les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat devront approuver leur
désignation aux trois cinquièmes. Cette étape permettra de lever le soupçon sur l’intervention du
pouvoir exécutif dans les nominations et le déroulement des carrières des magistrats ».
L'application des standards internationaux conduit à éviter toute immixtion du pouvoir
politique dans la désignation des membres du CSM.
Leur désignation par un collège de personnalités indépendantes, comme le prévoit le projet
de loi constitutionnelle, et non, comme c'est le cas actuellement, par le Président de la
République et les présidents des deux assemblées contribuerait assurément à écarter les
soupçons de politisation et constituerait une avancée certaine par rapport au dispositif
existant.
Au cours de la concertation, l’USM avait néanmoins considéré que la composition du
collège, qui excluait alors le premier président de la Cour de cassation et le procureur
général près ladite Cour, n’était pas satisfaisante.
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En effet, alors que les plus hautes autorités de l’Etat en faisaient partie, les magistrats de
l’ordre judiciaire en étaient exclus. Si cette exclusion pouvait se concevoir, dans l’hypothèse
où le premier président de la Cour de cassation et le procureur général près ladite Cour
auraient été membres de droit du CSM, rien ne peut justifier leur absence dès lors qu’il
est envisagé qu’ils ne siègeront au CSM que pour présider les audiences disciplinaires.
L’argument, selon lequel il conviendrait d’éviter qu’une même autorité soit à l’origine de
la nomination de plusieurs membres, ne saurait être retenu. Il convient en effet de relever
que le vice-président du Conseil d’Etat est membre de ce collège, alors que l’assemblée
générale du Conseil d’Etat, qu’il préside, désigne l’un des membres du CSM.
3
Le projet retient que les personnalités qualifiées sont désignées conjointement par le viceprésident du Conseil d'Etat, le président du Conseil économique, social et environnemental,
le premier président de la Cour de cassation, le procureur général près la Cour de cassation,
le premier président de la Cour des comptes et un professeur des universités.
Il est par ailleurs essentiel de s’assurer que les personnes désignées soient connues pour
l'intérêt qu'elles portent à la justice, et n'appartiennent ni au Parlement, ni à l'ordre
judiciaire, ni à l'ordre administratif, ni aux barreaux. Leurs connaissances techniques et
juridiques, indispensables pour exercer ces fonctions, pourraient être vérifiées au cours
des auditions publiques devant les commissions des assemblées appelées à valider les
propositions du collège.
L’USM considère néanmoins que le dispositif retenu pour associer le parlement à la
désignation des membres non magistrats du CSM est inadapté et inacceptable.
Le projet de loi prévoit que dans chaque assemblée parlementaire une commission
permanente désignée par la loi se prononce par un avis public sur la liste des personnes
désignées. Il s'agit donc de commissions ad hoc et non des commissions des lois, comme
c’est actuellement le cas en application de l’article 5-2 de la loi organique du 5 février 1994.
Par ailleurs, alors qu’il était initialement envisagé une validation des propositions du collège
par les 3/5ème des suffrages exprimés par les commissions des lois des deux assemblées,
le texte finalement présenté maintient uniquement un droit de veto des 3/5ème des suffrages
exprimés au sein des 2 commissions. Pire, plutôt que de prévoir que les commissions
ad hoc puissent, après audition, valider les candidatures de certaines personnalités proposées,
tout en refusant certaines autres, il est désormais prévu un scrutin bloqué sur la liste
complète. Cette option entrave en réalité le pouvoir de contrôle des commissions :
celles-ci, confrontées à des difficultés tenant à une seule des personnes proposées,
n’auront en effet d’autre solution que de rejeter l’ensemble de la liste.
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L’USM est très attachée à une validation individuelle des candidatures à une majorité
qualifiée, celle-ci imposant à la majorité et à l’opposition de s’entendre et permettant ainsi
des nominations davantage exemptes de considérations politiciennes.
Ces évolutions négatives, d’un texte à l’origine acceptable, rendent en réalité illusoires les
pouvoirs octroyés au Parlement.
L’USM demande à ce que le Parlement revienne sur ce point au texte de l’avant-projet qui
a été présenté aux organisations syndicales, qui assure davantage de garantie et donne un
réel pouvoir de contrôle au Parlement : « Les désignations des personnalités qualifiées ne sont
validées que si elles réunissent la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein
des commissions chargées des lois constitutionnelles de l’Assemblée nationale et du Sénat ».
Il devrait en outre être précisé que cette validation s’effectue nominativement et non sur
la liste proposée par le collège.
3.4 - La composition de la formation plénière
Dans le seul but de rendre les magistrats minoritaires au sein d'une formation dont le rôle
premier consiste à veiller à ce qu'il ne soit pas porté atteinte à l'indépendance des juges
et procureurs par les pouvoirs exécutif et législatif, sujet politiquement sensible, la réforme
constitutionnelle de 2008 avait évincé deux des magistrats de la formation du siège et
deux des magistrats de la formation du parquet de la formation pourtant dite plénière.
Il convient bien évidemment de restituer à cette formation la composition qu'impose son
qualificatif.
Au demeurant, le Conseil issu de la réforme constitutionnelle de 2008, qui a pris ses
fonctions en février 2011, a, dans la pratique, continué à se réunir en « réunion générale ».
Le projet de réforme constitutionnelle conforte l’existence d’une formation vraiment
plénière composée des huit membres magistrats de la formation siège, des huit membres
magistrats de la formation parquet et des sept membres non-magistrats.
L’USM soutient pleinement cette partie de la réforme.
Extrait de la Charte européenne sur le statut des juges adoptée par le
Conseil de l’Europe le 10 juillet 1998
Pour toute décision affectant la sélection, le recrutement, la nomination, le déroulement
de la carrière ou la cessation de fonctions d'un juge ou d'une juge, le statut prévoit
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l'intervention d'une instance indépendante du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif
au sein de laquelle siègent au moins pour moitié des juges élus par leurs pairs suivant
des modalités garantissant la représentation la plus large de ceux-ci.
Extrait de l’avis de l’Assemblée générale du Réseau Européen
des Conseils de la Justice, Budapest 21-23 mai 2008
En ce qui concerne la composition des Conseils de Justice, lorsque la composition est
mixte, le Conseil doit compter une majorité de magistrats, sans être inférieure à 50%…
dans tous les cas (composition mixte ou non) les magistrats, membres du Conseil,
doivent représenter tous les magistrats.
3
Extrait de la Magna Carta des Juges européens
adoptée à Strasbourg le 17 novembre 2010
par le Conseil Consultatif des Juges Européens (CCJE)
Instance chargée de garantir l’indépendance :
13. Pour assurer l’indépendance des juges, chaque Etat doit créer un Conseil de la
Justice ou un autre organe spécifique, lui-même indépendant des pouvoirs exécutif
et législatif, doté des prérogatives les plus étendues pour toute question relative
à leur statut, ainsi qu’à l’organisation, au fonctionnement et à l’image des institutions
judiciaires. Le Conseil doit être composé soit exclusivement de juges, soit au moins
d’une majorité substantielle de juges élus par leurs pairs. Le Conseil de la Justice
est tenu de rendre compte de ses activités et de ses décisions.
Extrait de la Recommandation 2010(12) du 17 novembre 2010
du Comité des ministres aux Etats membres sur les juges :
indépendance, efficacité et responsabilités
Les conseils de Justice sont des instances indépendantes, établies par la Loi ou la
Constitution, qui visent à garantir l’indépendance de la Justice et celle de chaque juge
et ainsi promouvoir le fonctionnement efficace du système judiciaire. Au moins la
moitié des membres de ces conseils devrait être des juges choisis par leurs pairs issus
de tous les niveaux du pouvoir judiciaire et dans le plein respect du pluralisme au sein
du système judiciaire.
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B - Attributions
1 - Le CSM et les nominations
La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats
du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de
cassation, pour celles de premiers présidents de cours d'appel et pour celles de présidents
de tribunaux de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur avis
conforme.
La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats
du parquet donne son avis sur les nominations qui concernent les magistrats du parquet.
Il s'agit d'un avis simple qui ne lie pas l'autorité de nomination.
Le projet de réforme constitutionnelle prévoit que les magistrats du parquet sont nommés
sur avis conforme de la formation du parquet.
Ce point sera traité plus précisément dans la 2nde section du présent chapitre.
2 - Le CSM et la discipline
La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats
du siège statue comme conseil de discipline des magistrats du siège.
La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats
du parquet donne son avis sur les sanctions disciplinaires qui les concernent.
Le projet de réforme constitutionnelle prévoit qu'elle statue comme conseil de discipline
des magistrats du parquet.
Ce point sera traité plus précisément dans le chapitre 7.
3 - Le CSM et l’indépendance de l’autorité judiciaire
3.1 - Jusqu’à la fin 2010
L’article 64 de la Constitution disposait : « le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Il est assisté du Conseil supérieur de la magistrature ».
Le Conseil pouvait être saisi par le Président de la République de questions touchant à l’indépendance de l’Autorité Judiciaire. C’est ainsi que François Mitterrand avait saisi le CSM de la
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tentative de déstabilisation d’Eric Halphen dans le cadre de l’affaire dite Schueller/Maréchal.
Le CSM avait ultérieurement été saisi à trois reprises par le Président Chirac.
Le Conseil avait également considéré, depuis la réforme constitutionnelle de 1993, qu’il
lui appartenait, toujours sur le fondement du texte constitutionnel précité, d’émettre des
avis, spontanés, ou des communications, non sollicitées, dès lors que l’indépendance de
l’autorité judiciaire était en cause.
Les CSM successifs depuis cette date avaient émis un certain nombre d’avis, très importants,
rappelant parfois à l’ordre les plus hautes autorités de l’Etat. Ils peuvent être consultés sur
le site internet du CSM ou dans les rapports annuels du Conseil.
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Saisi par l’USM, après la convocation et l’audition nocturnes par l’Inspection des Services,
de collègues, à Thionville et à Metz, suite au suicide d’un mineur condamné par le Tribunal
Pour Enfants, le CSM avait par exemple mené de véritables investigations et auditions
puis avait rendu une communication, le 27 novembre 2008, fortement motivée, grâce
notamment à l’action des élus de l’USM. Le CSM avait, à cette occasion, rappelé à l’ordre,
de façon inédite, le ministre de la Justice.
Pour exercer cette mission (tout comme pour la rédaction de son rapport), les CSM
successifs avaient instauré la réunion plénière de tous les membres, c'est-à-dire que
l’intégralité des membres du Conseil (magistrats des deux formations et membres
communs) se réunissait à intervalles réguliers au moins une fois par mois.
Pour faciliter l’efficacité et la coordination de ses travaux, la pratique du CSM avait
également prévu l’élection d’un président de la réunion plénière qui était, traditionnellement, un membre commun aux deux formations, c'est-à-dire un non magistrat.
Cette mission constitutionnelle du CSM et le courage dont avaient fait preuve, notamment,
les élus de l’USM, pour faire en sorte que le CSM émette des avis ou des communications
fortement motivés, dénonçant notamment les critiques faites par les plus hautes autorités
de l’Etat contre les magistrats ou la Justice, ont fortement déplu au pouvoir et sont à
l’origine de dispositions très contestables de la réforme constitutionnelle de 2008.
3.2 - Actuellement
Mesure de rétorsion directe contre la hardiesse du CSM, l’article 65 de la Constitution
énumère limitativement les autorités qui peuvent solliciter un avis.
La réforme de 2008 dispose que le Conseil se réunit en formation plénière pour répondre
aux demandes d’avis formulées par le Président de la République, au titre de l’article 64-3.
Alors que les atteintes à l’indépendance de la magistrature émanent le plus souvent du
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CARRIERE
pouvoir exécutif, il est révélateur de la volonté de museler le CSM de lui ôter la faculté de
s’auto-saisir et de disposer qu’il ne pourra être saisi que par ceux-là mêmes dont peuvent
provenir les atteintes les plus importantes.
3.3 Le projet de loi constitutionnelle
Il prévoit que le CSM se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d'avis
formulées par le Président de la République au titre de l'article 64 de la Constitution
et se prononce dans la même formation, sur les questions relatives à la déontologie des
magistrats ainsi que sur toutes les questions relatives au fonctionnement de la Justice dont
le saisit le ministre de la Justice.
Le projet de loi restitue toutefois au CSM le pouvoir de se saisir d'office des questions
relatives à l'indépendance de l'autorité judiciaire et à la déontologie des magistrats. En cela,
il ne peut qu'être approuvé par l'USM. Mais, il est néanmoins nécessaire d’aller plus loin et
de permettre également aux magistrats de saisir directement le CSM de toutes questions
touchant à leur indépendance et/ou à leur déontologie.
Le Conseil supérieur de la magistrature
consulte les organisations syndicales de magistrats
En février 2013, la garde des Sceaux a saisi, conformément aux dispositions de l’article
65 alinéa 8 de la Constitution, la formation plénière du CSM d’une demande d’avis
relative à l’interprétation de dispositions du statut de la magistrature.
La question portait sur l’application de l’article 28-3 de l’ordonnance du 22 décembre
1958 portant statut de la magistrature aux magistrats spécialisés qui occupaient au
1er janvier 2002, au premier grade, dans les juridictions de Paris, Nanterre, Bobigny et
Créteil, des fonctions spécialisées, et qui, postérieurement à cette date auraient été
nommés par décret du Président de la République, après avis du Conseil supérieur de
la magistrature, dans la même juridiction et aux mêmes fonctions, mais selon le nouveau
régime.
L’USM s’est félicitée de cette démarche, qui crée un précédent, qu’elle espère être
appelé à se renouveler chaque fois que la formation plénière sera saisie d’une demande
d’avis du Président de la République ou du garde des Sceaux.
L’USM y voit une avancée importante dans la reconnaissance de la représentativité
syndicale au sein de la magistrature et de sa capacité à porter des idées et des valeurs.
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Le Conseil supérieur de la magistrature
et le discrédit jeté sur une décision de justice
En mars 2013, l'USM a été la seule organisation syndicale à rappeler l'indispensable
respect des décisions de justice dans un Etat de droit, après les scandaleux propos
d’un parlementaire, stigmatisant un juge d'instruction ayant procédé, en collégialité, à
la mise en examen de Nicolas Sarkozy. Le ministre de la Justice a finalement saisi le
Conseil supérieur de la magistrature sur le fondement de l'article 65 de la Constitution
d'une demande d'avis.
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Communiqué de la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature,
du 27 mars 2013
La formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature vient d’être saisie en fin de
matinée par Mme la garde des Sceaux, en application de l’article 65 de la Constitution,
d’une demande d’avis sur « les conséquences (…) sur le bon fonctionnement de l’institution
judiciaire et sur la sérénité de la Justice » de propos récemment tenus au sujet d’une
« procédure judiciaire suivie au tribunal de grande instance de Bordeaux ».
Parallèlement, la formation du CSM compétente à l'égard des magistrats du siège a
rendu un communiqué rappelant que les pouvoirs exécutif et législatif doivent éviter
toute critique portant atteinte à l'indépendance du pouvoir judiciaire ou entamant la
confiance du public dans la Justice. Les élus de l'USM ont pesé pour l'adoption de ce
communiqué, reprenant les critères internationaux régulièrement rappelés par l’USM.
Communiqué de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente
à l’égard des magistrats du siège, du 27 mars 2013
À la suite de commentaires de récentes décisions judiciaires, la formation du Conseil
supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège rappelle le
respect qui est dû au principe d’indépendance de la Justice, consacré à l’article 64 de la
Constitution et commun aux traditions juridiques des Etats européens.
La Recommandation du Comité des ministres aux Etats membres du Conseil de l’Europe,
adoptée le 17 novembre 2010, explicite ainsi les exigences concrètes inhérentes à la
séparation des pouvoirs : « S’ils commentent les décisions des juges, les pouvoirs exécutif
et législatif devraient éviter toute critique qui porterait atteinte à l’indépendance du pouvoir
judiciaire ou entamerait la confiance du public dans ce pouvoir ».
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CARRIERE
4 - Le CSM et la déontologie des magistrats
Aux termes de la réforme de 2008, le CSM se prononce en formation plénière telle
qu’issue du nouvel article 65 de la constitution, sur les questions relatives à la déontologie
des magistrats, ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la Justice dont
le saisit le ministre de la Justice.
L’article 17 de la loi organique du 22 juillet 2010 avait toutefois prévu que le Conseil
supérieur de la magistrature pouvait se prononcer sur les questions relatives à la déontologie
des magistrats, ce qui lui laissait une possibilité d’autonomie sur cette question. Cependant,
dans sa décision du 19 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a censuré cette décision au
motif qu’elle méconnaissait l’article 65, nouveau, de la Constitution.
Le projet de loi constitutionnelle de 2013 restitue toutefois au CSM le pouvoir de se saisir
d'office des questions relatives à la déontologie des magistrats et doit donc être soutenu
sur ce point.
La loi organique du 5 mars 2007, issue des travaux de la commission d’enquête parlementaire relative à l’affaire dite d’Outreau a introduit dans la loi organique relative au CSM
un article 20 qui dispose que le CSM « élabore et rend public un recueil des obligations
déontologiques des magistrats ».
Cette obligation, imposée par le législateur au Conseil a évité de justesse l’élaboration
d’un véritable code disciplinaire dont un projet avait été rédigé par le président de la
commission des lois de l’Assemblée nationale de l’époque.
Conforme aux standards européens, l’élaboration d’un recueil par le conseil de justice
compétent, a été, pour ce qui concerne le Conseil supérieur de la magistrature français
rendu public en juin 2010, publié chez Dalloz et diffusé à l’ensemble des magistrats.
Loin de constituer un code disciplinaire, comme l’auraient souhaité certains, ce recueil
constitue davantage un guide pour les magistrats du siège et du parquet. Il décline des
principes, commentaires et recommandations qui ont pour objectif d’établir des références
déontologiques, conçues pour soutenir et orienter les magistrats français.
Il peut d’ailleurs servir de rempart aux magistrats en cas de mise en cause injustifiée et
leur apporter un éclairage concret lorsqu’ils s’interrogent sur leurs propres pratiques.
Les élus de l’USM ont dû batailler fermement au cours de l'élaboration du recueil pour qu'il
constitue un guide de référence pour les collègues et non un code de règles impératives.
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Ils se sont par ailleurs attachés à réaffirmer les principes constitutionnels et légaux existants
en faveur des magistrats (liberté d'expression dans le cadre syndical par exemple-point F5)
et à introduire de nombreuses dispositions protectrices des collègues.
Par exemple, dans chaque chapitre décliné dans le guide, référence est faite aux devoirs
des chefs de juridiction vis-à-vis des magistrats de leur juridiction (information et dialogue
avec les collègues de la juridiction - point C11 -, devoir de protection des magistrats mis
en cause - points C31-D10-F9 -).
La liberté de parole à l’audience est érigée en principe déontologique (point A18).
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De même, le fait pour un magistrat du parquet de demander dans une affaire individuelle
des instructions écrites de poursuivre du ministre de la Justice ou du procureur général
est érigé en principe déontologique ne pouvant constituer un manquement ni à la loyauté
ni au principe de subordination hiérarchique (point A19).
Est également précisé que « l'impartialité appelle des moyens matériels, budgétaires et humains
qui procurent aux magistrats et aux juridictions des conditions de travail et de fonctionnement
excluant toute dépendance à l'égard des personnes publiques ou privées, même dans des situations
exceptionnelles ».
La nécessité de la présence du greffier à l'audience, sans cesse rappelée par l'USM, est
affirmée comme une sécurité pour le justiciable et le juge (point E8).
Le projet de loi constitutionnelle qui rétablit une majorité de magistrats au sein de la
formation plénière et restitue au CSM sa liberté de parole en matière de déontologie,
gomme les aspects les plus choquants de la réforme de 2008 et mérite à cet égard d’être
soutenu.
Section 2.
LE DÉROULEMENT DE LA CARRIÈRE
L'entrée dans le corps de la magistrature est possible par concours ou intégration, avec
éventuelle prise en compte d'un exercice professionnel précédent. Au cours de la carrière,
le principe d'inamovibilité du magistrat connaît des atténuations selons les fonctions exercées.
Le magistrat peut évoluer, en grade et en fonction, selon un processus de nomination
différent pour le siège et le parquet. Enfin, l'activité du magistrat sera évaluée régulièrement
durant sa carrière.
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