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I. Charles de GAULLE : « une guerre de Trente ans »
« A mon avis, la France ne peut être la France sans la grandeur ».
Une aussi noble conviction ne peut se traduire dans le comportement que par la force
du caractère et une lucidité aiguë. La chronologie établie par J.L. Barré dans la réédition des
Mémoires … en 2005 est un guide utile qui permet de suivre la constance des qualités de
Charles de Gaulle, le développement de ses conceptions militaires.
A Saint-Cyr, sous-lieutenant en 1912, il rejoint le 33ème Régiment d’Infanterie d’Arras,
où il avait déjà passé une année de service, sur les conseils de son père Henri de Gaulle,
ancien engagé volontaire en 1870. Le lieutenant-colonel Pétain est à la tête du régiment et de
Gaulle, promu lieutenant le 1er octobre 1913, a déjà des conceptions distinctes de celles de son
supérieur en faisant prévaloir l’esprit d’offensive et la souplesse des mouvements.
Pendant la guerre de 1914-1918, après une blessure en Belgique, opéré à Paris, de
retour au 33ème régiment, il connaît la guerre des tranchées. Croix de guerre en 1915, promu
capitaine, blessé et évacué, après des soins au Mont-Dore il revient dans l’Aisne.
En février 1916, son régiment est dirigé sur Douaumont, le général Pétain défend
Verdun. Blessé par baïonnette, de Gaulle est fait prisonnier, soigné à Mayence puis interné en
Westphalie. Après quelques tentatives, il réussit à s’évader en compagnie d’un autre officier
mais les deux hommes sont repris près d’Ulm en novembre.
Le capitaine de Gaulle expose à ses compagnons les erreurs du haut-commandement
au cours de conférences. De 1917 à 1918 il s’évadera 5 fois, sera repris et sanctionné de plus
en plus sévèrement. L’Armistice du 11 novembre, s’il le remplit de joie, lui fait éprouver le
«regret indescriptible de n’avoir pas pris [à la guerre] la meilleure part». 1919 est pour de
Gaulle une année riche d’enseignements, de réflexion, d’expériences nouvelles.
En avril il est détaché en Pologne, instructeur des troupes aux prises avec l’Armée
rouge, il est aussi à l’État-major des opérations et encadrement. Rattaché en 1920 au cabinet
du Ministre de la guerre, sa conduite en Pologne lui vaut en 1921 une citation élogieuse. C’est
aussi l’année de son mariage avec Yvonne Vaudroux, alors qu’il est professeur d’histoire à
l’école St-Cyr.
Admis à l’École Supérieure de guerre en 1922, il en sortira en 1924 avec la mention
minimale «Bien» à laquelle n’est pas étrangère l’affirmation de son indépendance d’esprit à
l’égard des doctrines traditionnelles. Les années suivantes il publie, d’abord dans la "Revue
militaire française", une contestation de l’enseignement de l’école de guerre, suivie de 3
leçons données dans cette école qui dressent contre lui la majeur partie de sa hiérarchie. On
lui refuse un poste de professeur à cette école et il est mis à la disposition du général des
troupes du Levant. Il sera chef des 2ème et 3ème bureaux de l’État-major à Beyrouth.
De retour en France en 1931, il sera plongé dans l’activité politique, administrative et
technique du Secrétariat général de la Défense nationale, et en retirera le bénéfice de
l’expérience vécue d’un haut niveau de décision. Outre des revues, il présente dans des
ouvrages comme "Le Fil de l’épée" l’essentiel de sa pensée militaire ; son avancement n’est
pas affecté, de commandant il passe au grade de lieutenant-colonel en 1933, année de la
publication dans la Revue politique et parlementaire de "Vers une armée de métier" reproduite
dans l’ouvrage paru en 1934, sans demander l’autorisation de ses supérieurs. Il lui vaut
l’opposition du Haut-État-major, de Pétain, de Weygand, de Blum qui évoluera, mais
l’adhésion de Paul Reynaud, Léo Lagrange …, l’intérêt approbateur de quelques chefs qui ne
s’expriment pas, tel le général Delestraint.
Devant la menace renouvelée de la puissance militaire allemande, par l’accession
d’Hitler au pouvoir, il préconise «un instrument de manœuvre préventif et répressif» qu’est le