THERE IS NO ALTERNATIVE, COMME LE
DISENT NOS AMIS ANGLO-SAXONS?
Eh bien si, affirme le Labo de l’ESS, le think tank
qui œuvre en faveur d’une meilleure reconnaissance
de l’économie sociale et solidaire et d’une trans-
formation sociale de l’économie. Oui, il y a une al-
ternative à un modèle dominé par le pouvoir fi-
nancier qui bute de plus en plus sur ses impacts en
matière d’inégalité sociale, d’impasse écologique
et de dilution du lien social.
Et cette alternative pourrait bien trouver sa source
dans les myriades d’initiatives, ancrées dans les
territoires, qui associent finalité d’intérêt général,
innovation sociale, implication citoyenne et réa-
lisme économique. Initiatives bien souvent inscrites
dans l’ESS, qui reposent sur une inversion des
valeurs par rapport au modèle dominant : plutôt
la coopération, la solidarité et la responsabilité
citoyenne que la compétition et la recherche sys-
tématique du profit, plutôt l’impact social que la
lucrativité, plutôt une économie au service de
l’homme que l’inverse.
Alors, certes, cette autre façon de penser l’économie
reste encore bien minoritaire, souvent morcelée,
souffrant de nombreuses faiblesses, et elle peine
à exister dans le débat public, malgré les récents
LE LABO
DE LECONOMIE
SOCIALE
ET SOLIDAIRE
PAR M. CLAUDE ALPHANDERY,
PRÉSIDENT, FONDATEUR DU LABO DE L’ESS
coups de projecteur dont elle a bénéficié. Mais
c’est bien là que le projet du Labo de l’ESS prend
tout son sens : il a pour ambition de montrer
qu’une sortie positive de la crise ne se fera pas en
rafistolant les vieilles recettes, mais plutôt en
puisant dans toutes ces initiatives les bases d’un
changement de paradigme. De façon ouverte et
plurielle, il vise à en distiller les meilleurs principes
et pratiques pour leur permettre de changer
d’échelle et, plus largement, de polliniser pro-
gressivement d’autres pans de l’économie, de
constituer un levier de transformation sociale.
Pour contribuer activement à cet objectif, le
Labo de l’ESS a choisi ce métier de think tank,
mais l’a dès le départ appréhendé de façon ré-
solument originale. Plutôt que de recourir uni-
quement à de brillants experts, au risque de tra-
vailler en chambre, il privilégie une approche
bottom-up en s’appuyant sur les acteurs et les in-
novateurs de terrain. C’est en partant du réel, des
pratiques, des initiatives citoyennes, qu’il veut
faire émerger de nouveaux principes susceptibles
d’inspirer les politiques publiques. Sans fausse
modestie, il ambitionne de briser le plafond de
verre qui empêche les innovations locales de re-
monter et d’être ferment de véritables mutations
de la société.
1
LE “MODÈLE” FRANÇAIS, TYPOLOGIE DES ACTEURS
Cette volonté de prendre racine dans les initiatives
de terrain s’est manifestée dès ce qui a été, en
quelque sorte, l’acte fondateur du Labo de l’ESS :
les Etats généraux de l’ESS. Pendant des mois,
des milliers d’acteurs des quatre coins du territoire
ont élaboré, à partir de leurs pratiques, quelque
400 « Cahiers d’espérance », témoignant de la ri-
chesse et de la diversi de ces initiatives. Construits
avec une méthodologie participative, ils se sont
répartis selon neuf grandes thématiques, couvrant
le champ des préoccupations des citoyens (consom-
mer et se nourrir, se loger et habiter, travailler et
entreprendre, financer et épargner, etc.). Des
groupes de travail les ont analysées et en ont
extrait de multiples propositions qui ont été mises
en débat lors du point d’orgue de ces Etats géné-
raux, un vaste rassemblement de trois jours, en
juin 2011, organisé (clin d’œil rafraîchissant) au
Palais Brongniart, ex-siège de la Bourse. A la clé,
un « Appel commun pour une autre économie »,
signé par de multiples organisations et personnalités
du secteur, formulant toute une série de proposi-
tions à l’intention des décideurs politiques, mais
aussi de l’opinion publique.
DANS CETTE EXTRAORDINAIRE MATIÈRE
RECUEILLIE, LE LABO DE L’ESS A PUISÉ
LES THÈMES QUI ONT STRUCTURÉ SON
ACTION DES ANNÉES SUIVANTES…
- les Pôles territoriaux de coopération économique
(PTCE), regroupements sur un même territoire
d’acteurs de l’ESS, d’entreprises classiques et
de collectivités, basés sur la coopération et la
mutualisation, pour développer des projets éco-
nomiques et sociaux innovants, porteurs d’un
développement local durable ;
- les circuits courts, mode d’échanges direct,
basé sur la transparence et la coopération entre
producteur, consommateur et financeur de biens
et services ;
- les outils financiers solidaires, qui mettent la fi-
nance au service de l’utilité sociale et de l’intérêt
général ;
- banques et territoires enfin, ou comment ré-
orienter l’épargne collectée par les banques vers
les projets du territoire dont elle est issue, qui
travaillent au bien commun.
Ces thèmes étaient, d’ailleurs, déjà présents dans
la toute première publication du Labo de l’ESS,
point de départ de la marche des Etats généraux
de l’ESS : « Pour une autre économie60 propo-
sitions pour changer de cap » (Alternatives éco-
nomiques, hors série poche46 bis novembre
2010). Leur approfondissement passe par une
méthodologie souple et systématiquement parti-
cipative : groupe de travail réunissant porteurs
d’initiatives, chercheurs, élus et économistes, pla-
teforme collaborative sur le web, enqtes, rapports
et publications, événements de valorisation et
tribunes dans la presse.
Ainsi, sur le thème des PTCE, le Labo de l’ESS
anime une marche associant cinq grands seaux
impliqués dans l’expérimentation de ce concept
en émergence, qui renouvelle l’approche du dé-
veloppement local dans le sens de la solidarité et
de la participation citoyenne (voir www.lelabo-
ess.org/?-Poles-territoriaux-de-cooperation-). Le
travail d’analyse et de caractérisation a donné
lieu à toute une série de livrables : un référentiel
d’actions, deux journées nationales, des études
sur le rôle des collectivités territoriales et sur les
dynamiques économiques, la participation à
l’appel à projets interministériel, plusieurs publi-
cations dont la toute dernière (septembre 2014)
fait le point du savoir sur ce thème et formule
une rie de propositions, notamment à l’intention
des pouvoirs publics. On y voit comment les
PTCE contribuent à renforcer le tissu économique
local, apportent des réponses innovantes aux be-
soins des entreprises et des citoyens, participent
à la reconversion écologique du territoire et gé-
nèrent de nouvelles formes de coopération entre
acteurs de l’ESS, PME et collectivités territoriales.
Même démarche s’appuyant sur un groupe de
travail pluridisciplinaire pour analyser en pro-
fondeur l’impact (social, économique, environ-
nemental et territorial) des circuits courts. Avec à
la clé rencontres territoriales, journées nationales,
outil d’auto-évaluation en ligne, publications
(voir en particulier « Les circuits courts de l’ESS
Le Labo juin 2013) et propositions pour fa-
voriser l’essor de ces modes d’échange en pleine
effervescence. Ce travail a notamment permis de
montrer que les circuits courts passent largement
le champ, bien connu, de l’alimentation (avec
l’exemple des AMAP), pour toucher également
la finance (type épargne solidaire, comme les Ci-
gales), l’habitat (avec les coopératives d’habitants),
la culture (avec les AMACCA et leurs specta-
teurs-citoyens-mécènes), ou encore la santé et le
commerce équitable. Il a également conduit à
LE LABO DE L’ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE (SUITE)
2
formuler une nouvelle définition des circuits
courts dans l’ESS, caractérisés par une relation
transparente entre plusieurs acteurs de l’économie,
obéissant à quatre critères incontournables : la
création de liens sociaux et de coopération, l’équité
dans les échanges financiers, une approche parti-
cipative et une logique pédagogique. Leur caractère
novateur réside ainsi probablement dans une ré-
appropriation par les citoyens des bases de léchange
économique.
Face aux dérives persistantes de la finance spé-
culative, mue par la recherche sans fin de profit,
face à leurs conséquences dramatiques sur l’éco-
nomie et la société, le besoin d’une autre finance,
plus éthique, se fait jour. Le Labo de l’ESS s’est
ainsi attaché à la finance solidaire, qui a pour but
de rapprocher des investisseurs souhaitant utiliser
leur argent de manière responsable et des activités
utiles à la cohésion sociale, à la lutte contre l’ex-
clusion ou au développement durable. A travers
diverses publications, il a dressé un panorama
montrant la cohérence et la complémentarité des
différents outils et acteurs de la finance solidaire :
capital-risque, prêts d’honneur, garantie bancaire,
monnaies locales et complémentaires, financement
participatif (dit aussi crowdfunding), clubs d’in-
vestisseurs, soctés financres ou foncières, l’éven-
tail est large. Recourant toujours à une démarche
participative, avec notamment des questionnaires
en ligne, il peut ainsi formuler une série de pro-
positions visant à favoriser le changement d’échelle
de cette finance patiente.
Dans ce même domaine financier, enfin, le travail
sur la thématique Banques et territoires a amené
le Labo de l’ESS à proposer des amendements à
la loi bancaire (2013), visant à inciter les banques
à une plus grande transparence et à des engage-
ments sur la mobilisation de leurs ressources au
profit des acteurs de leur territoire, en particulier
TPE et structure de l’ESS.
UNE MISSION PÉDAGOGIQUE
ET D’INFLUENCE
Mais, au-delà de ces chantiers structurants, le
Labo de l’ESS poursuit également sa mission de
pédagogie et d’influence pour lever les verrous
qui séparent le monde institutionnel de la société
civile, pour faire reconnaître la capacité de trans-
formation de la société portée par l’ESS. Il s’est
ainsi largement impliqué dans la préparation de
la loi relative à l’ESS (en particulier sur ses thèmes
de prédilection, comme les PTCE) et s’attelle à
faire passer une tonalité plus sociale et solidaire
dans des textes impactant la société : loi de
finances, transition énergétique, réforme territoriale,
pacte de responsabilité…
Il a également interpelé les économistes qui, bien
souvent, raisonnent selon le seul mole dominant,
ignorant les pistes reposant sur un autre rapport
à l’argent que propose l’ESS. Grâce à deux sémi-
naires et plusieurs publications, ils ont pu s’in-
terroger sur sa contribution à la sociéen matière
de réparation et de transformation sociale, ap-
profondir le rôle de l’ESS dans la préservation
des « biens communs », questionner sa place
dans une société post-croissance à inventer. Et
force est de constater que cette lecture, peut-être
dérangeante pour certains économistes, est loin
de faire consensus dans le milieu. Du pain sur la
planche en perspective !
EN CETTE FIN 2014, LE LABO DE L’ESS
EST À UN TOURNANT DE SON,
ENCORE JEUNE, HISTOIRE
En passant le relais de sa présidence à Hugues Si-
bille, personnalité reconnue du secteur, je suis
convaincu qu’il va, à la fois, continuer à creuser
le sillon tracé et élargir ses perspectives d’inter-
vention. Nous sommes conscients qu’il nous faut,
face à la montée croissante du chômage et de la
pauvreté, aux exclusions, aux risques financiers,
économiques, sociaux, environnementaux, forcer
le pas, élargir, approfondir les actions entreprises
et se fixer d’ambitieux objectifs pour les années à
venir.
Le Labo de l’ESS ne croit pas que nous reviendrons
comme avant la crise. Sa responsabilité pour
demain reste de contribuer de façon plurielle, ou-
verte, tolérante, à ouvrir de nouvelles voies, à
montrer quelles sont praticables, à les faire reprendre
par les décideurs politiques pour leur redonner
une crédibilité dont elles manquent parfois. Parce
qu’il y a urgence. Urgence à faire grandir les utopies
créatives, urgence à gagner la bataille des idées, à
faire sortir les innovations sociales et expérimen-
tations locales de la marge dans laquelle on se
plaît à les enfermer. Résolument, le Labo de l’ESS
veut être un diffuseur d’ambition et de détermi-
nation pour une transition socio-économique du-
rable. n
LE LABO DE L’ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE (SUITE)
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