28 novembre 2015, Paris, Siège de l’OIF Atelier préparatoire des négociateurs et des représentants de la société civile francophones à la CdP21 Allocution de Mme Michaëlle Jean, Secrétaire générale de la Francophonie Seul le texte prononcé fait foi 1 Monsieur le Chef de la Délégation du Sénégal, Mesdames et Messieurs les chefs des délégations francophones, Mesdames et Messieurs les négociatrices et négociateurs, Mesdames et messieurs les Représentantes et Représentants des organisations internationales et de la société civile, Mesdames et Messieurs des organes de presse Mesdames et Messieurs, Je voudrais tout d’abord vous féliciter, toutes et tous pour ce long parcours, parsemé d’embûches et de doute, que vous avez suivi jusque-là pour sauver la planète. Nous y sommes presque, mais que de chemin parcouru : de Rio à Kyoto… Copenhague… Durban… Varsovie, Lima et aujourd’hui Paris. Vous avez représenté la Francophonie, vous avez défendu les positions de nos pays avec acharnement et assiduité. Nous devons continuer ce travail ici à Paris et faire en sorte que les contributions des pays francophones et de l’ensemble des 195 pays réunis nous permettent de maintenir l’augmentation de la température moyenne en dessous de 2°C. À ce propos, je voudrais vous exprimer ma satisfaction et ma fierté à l’endroit de nos pays francophones. L’ensemble des membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), qui compte 80 Etats et gouvernements, ont en effet remis leurs contributions nationales au Secrétariat de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques! Plus d’un tiers des Contributions Prévues Déterminées au niveau National (CPDN) deposées sont francophones! Vous vous souvenez, dès les premières heures du processus, l’Organisation Internationale de la Francophone (OIF), à travers son organe subsidiaire l’Institut de la Francophonie pour le développement durable (IFDD), s’est tenue à vos côtés. 2 Les pays membres ont bénéficié d’un accompagnement technique dans cet exercice qui vous a permis de préparer et de soumettre au Secrétariat de la Convention, vos ambitions de réduction, donc d'atténuation, des émissions et vos attentes en matière d’adaptation aux effets dévastateurs du dérèglement climatique, en tenant compte de vos priorités nationales. Les CPDN constituent une base solide pour la mise en œuvre sérieuse de l'accord de Paris. Mais, nous sommes toutes et tous d’accord que leur mise en œuvre exige un financement conséquent et accessible, l’accès également aux innovations technologiques et leur transfert des pays développés vers les pays en développement, ainsi que des efforts de renforcement des capacités appropriés pour que les pays francophones puissent remplir les objectifs fixés dans leurs CPDN. Au cours des sessions intermédiaires de négociations, vous êtes restés en étroite collaboration avec nos équipes techniques à l’IFDD. Vous avez discuté souvent de l’état d’avancement des négociations et des enjeux. Il a été mis à votre disposition des outils d’aide à la négociation ainsi que la traduction de certains documents pertinents comme le texte de base de négociations. En marge d’une des sessions, vous avez également discuté, à bâtons rompus, de la préparation et des enjeux de la Conférence avec la Présidence de la CDP-COP 21. J’ai moi-même lancé une campagne intitulée « J’ai à cœur ma planète » au mois de mars, à destination des jeunes. Près de 10 000 jeunes de francophones y ont adhéré. Ils ont manifesté leur engagement afin que le monde dans lequel ils vivront après nous ne soit pas un monde dévasté par le dérèglement climatique. Aujourd’hui, c’est votre tour de négocier, vous avez nos destins entre vos mains. Nous avons confiance en vous. Mesdames et messieurs, Chefs de délégation, experts, membres de la société civile, Nous voilà donc à un moment clé du processus des négociations : la 21ème session de la Conférence des Parties à la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CdP21) se tiendra du 30 novembre au 11 décembre. 3 Nous sommes encore là avec vous. Nous organisons plusieurs évènements dont l’atelier préparatoire de ce jour et la concertation francophonie de haut niveau du 8 décembre 2015. La Francophonie, ses 80 États et Gouvernements membres, Constitue une force mobilisée, une force d'influence appelée à jouer un rôle clé dans ces négociations cruciales. Avec nos partenaires, nous avons ainsi prévu un dispositif de traduction simultanée de toutes les langues vers le français. Les modalités de ce dispositif vous seront présentées dans la suite de l’atelier. Cela permettra de pallier les insuffisances d’interprétariat dans certaines salles de réunion. Ainsi chaque Etat, quelles que soient ses ressources, pourra prendre pleinement sa part dans les discussions informelles, où souvent tout se joue dans les dernières heures des conférences internationales. C’est une question d’équité, c’est une question de démocratie internationale, et l’OIF devait répondre présent. C’est aussi cela la Francophonie des solutions. Mesdames et Messieurs, Nous sommes avec vous et nous vous soutiendrons dans les moments difficiles durant ces deux semaines. Nous voilà aujourd’hui, comme les autres années, à l’atelier des négociateurs francophones. C’est l’occasion pour vous et pour nous de discuter de l’état des négociations et des enjeux de la Conférence de Paris. Nous avons mobilisé des experts chevronnés pour cet exercice. Beaucoup de ces experts francophones ont gracieusement accepté de contribuer à ce guide des négociations, nous en sommes très reconnaissants et nous les saluons vivement leur engagement. C’est le moment de partager ensemble les connaissances, les expériences et nos visions sur plusieurs questions, qui font encore débat à la veille de l’ouverture de la conférence. 4 En particulier, chacun d’entre vous sait que pour garantir la trajectoire à long terme vers un réchauffement inférieur à 2°C, l’accord que l’on espère à Paris, s’appuyant sur toutes les contributions nationales, devra être assorti d’un mécanisme de révision. Seul un processus de révision solide, transparent, avec une périodicité régulière, permettra non seulement de maintenir la trajectoire mais aussi d’augmenter au fil du temps les engagements de réduction des émissions. Il est important que les pays francophones poussent à l’adoption d’un tel dispositif, qui est l’une des clés du succès de la CdP 21. D’autres sujets importants ne sont pas encore tranchés : la place des fameuses CPDN, les pertes et préjudices, ou encore le format juridique de l’accord. Toutefois, c’est la question des financements, en lien avec l’adaptation, qui reste la plus épineuse alors qu’elle est si importante pour nos pays en développement. L’objectif des 100 milliards par an en 2020 est à portée de main. Je compte sur vous pour saisir cette occasion d’un bond en avant dans le financement de l’adaptation, en cohérence avec les nouveaux Objectifs du développement durable (ODD), récemment adoptés. Nous le savons, il faudra aussi être vigilant sur la soutenabilité des annonces qui seront faites, et militer pour que les financements additionnels soient transparents, prévisibles, et que le recours au secteur privé, indispensable, soit encadré par des règles claires. C’est l’occasion aussi pour nous d’aborder la suite : la mise en œuvre de l’accord qui sera adopté à Paris. Nous sommes donc très optimistes et nous nous réjouissons d’ailleurs que la prochaine Conférence (CdP-CoP 22) se tienne à Marrakech au Maroc, un autre pays francophone. Vous devez être prêts pour défendre nos pays. Nous avons préparé plusieurs outils comme le Guide des Négociations, le Résumé pour les décideurs et la Note de décryptage. Ces outils, qui vous seront présentés au cours de cet atelier, vous seront d’une grande utilité durant les séances de discussion durant la CdP21. 5 Mesdames et Messieurs, Je voudrais compter sur chacune et chacun de vous pour défendre les intérêts de la Francophonie, de nos pays, nombre d'entre eux sont si vulnérables, et pour sauver notre planète. Les priorités de nos pays doivent être prises en compte. Pensons à nos États insulaires. En effet, l’atténuation est pour ces pays une question critique et des plus urgentes, une question de survie avec la montée du niveau des océans. Mais ce sont aussi les efforts consentis en matière d’adaptation, qui leur permettront de se développer et de se projeter dans l’avenir. Qui mieux que les Etats insulaires peut dire l’importance du développement durable comme source de croissance économique? Pour les pays industrialisés les emplois verts peuvent être un appoint bienvenu, mais pour les petits Etats insulaires, l'économie verte et l'économie bleue dans des filières créatrices d'emplois constituent des moteurs essentiels de leur croissance. Le tourisme durable en particulier conjugue la création d’emplois qualifiés avec la préservation de ressources naturelles, notamment la biodiversité, à la fois si riche et si fragile, dans de nombreuses îles. L'accès au financement pour l'atteinte de ces objectifs de développement est impératif. La question de l'énergie est aussi cruciale, l'électrification du continent africain plongé, on le voit en le survolant, dans l'obscurité est un enjeu déterminant. Les pays africains qui produisent très peu de gaz à effet de serre, moins de 4%, sont parmi les plus dramatiquement touchés par les effets du réchauffement climatique. Ils souhaitent penser leur développement humain et économique de manière durable et écologique, notamment leur développement industriel, en optant pour des énergies propres et renouvelables, en misant non pas sur les énergies fossiles et le charbon si polluant, mais sur l'hydroélectricité, le solaire, les nouvelles technologies de stockage d'énergie. Assurons-nous que les financements tiennent compte de cette dimension capitale, vitale, pour le mieux vivre de tant de populations. Ce continent de tous nos espoirs, avec la solidarité internationale, veut être celui de la différence, du développement vert et responsable. La Francophonie sera avec vous pour qu’ensemble nous arrivions à un accord global, inclusif et ambitieux à la fin des négociations de la Conférence de Paris. En vous souhaitant de fructueux et constructifs travaux, je vous remercie. 6