Politique et médias sont désormais inextricables, comme en témoigne un terme créé de toutes
pièces qui circule actuellement en Allemagne : “Medienkanzler”. En désignant le charme médiatique
de l'actuel chancellier allemand, le mot associe deux éléments qui tendent à fusionner de plus en
plus étroitement, y compris dans la réalité.
Ailleurs, l’“union” du politique et des médias trouve d’autres expressions : barons des médias
devenus leaders politiques ou monopoles d’Etat pérennisés sur les médias.
Le droit du discours politique, garanti par la Convention européenne des Droits de l’Homme, est
exercé avec l’appui des médias, traditionnels et nouveaux, qui servent d’interface entre les locuteurs
et les allocutaires de leurs messages.
Le rôle des médias ne se limite aucunement à celui d’un “intermédiaire”. Les médias “peuvent”
bien plus que cela. Ils peuvent servir un débat politique équilibré et donc la démocratie. Aussi le
Conseil de l’Europe soutient-il par exemple les activités des médias professionnels, indépendants et
pluralistes à travers divers programmes. Mais les médias ont aussi le pouvoir d’influencer l’issue des
élections. Et si les radiodiffuseurs sont soumis à une batterie de dispositions réglementaires pendant
les campagnes électorales, ce n’est pas innocent : les médias peuvent favoriser une carrière politique,
comme la briser. Ceci explique pourquoi le détracteur de Bush, Michael Moore, a eu les pires
difficultés pour distribuer son film aux Etats-Unis. Les médias ont le pouvoir d’influencer l’opinion
publique à court comme à long terme. Si tel n’était pas le cas, les téléspectateurs néerlandais
auraient-ils élu Pim Fortuyn “plus grand homme de tous les temps” ? Pim Fortuyn était le leader
charismatique d’un parti nationaliste appelé à disposer d’une forte représentation au Parlement
néerlandais, mais peu de temps avant les élections parlementaires, il a été victime d’un attentat qui
fut largement commenté dans les médias, et pas seulement néerlandais.
Ce numéro d’IRIS Spécial pose une question essentielle : les médias doivent-ils exercer l’influence
qu’ils peuvent exercer sur l’expression politique ?
IRIS Spécial s’intéresse d’abord à la notion de “discours politique”, ainsi qu’au devoir de l’Etat de
le protéger. Une publicité politique à la télévision relève-t-elle de l’expression politique et, dans
l’affirmative, mérite-t-elle une protection particulière ? Ou bien doit-elle être traitée comme un cas
de pure et simple publicité ? Que doit faire l’Etat pour garantir le droit à la liberté d’expression ? Doit-
il aussi garantir, au plan juridique ou même institutionnel, l’accès du publique à l’information ?
Dès lors, la question des restrictions éventuelles posées à la liberté d’expression est de la plus
haute importance. A quel titre des restrictions peuvent-elles être considérées comme légitimes ?
Impossible de ne pas évoquer d’autres domaines protégés par le droit, comme la vie privée, la dignité
et même la sûreté nationale. L’Etat a-t-il par exemple le droit d’interdire la diffusion de messages
qui émanent de terroristes ? Parmi les restrictions imposées, dans le cadre de la lutte antiterroriste,
aux médias – et en conséquence à l’opinion publique –, quelles sont celles vraiment nécessaires et
justifiées ?
Il est un fait que les médias peuvent être utilisés aux fins de manipulation des débats politiques
et cette publication s’y intéresse aussi. Mais quelles en sont les retombées juridiques ? Les médias
Débat politique
et rôle des médias
La fragilité de la liberté d’expression
Édité par l’Observatoire européen de l’audiovisuel