humaine quelconque, en général en vue de saisir l'enchaînement dans
la succession des événements ou simplement en vue de les décrire.
L'histoire des historiens de métier repose sur cette définition générale
sauf que, comme discipline scientifique, elle instruit cette connaissan-
ce de manière méthodique dans le respect d'une neutralité critique.
Tout autre est la conception qui a cours dans les cercles de certains
sociologues contemporains. L'histoire yest appréhendée de façon
éva-
luative, en ce sens que le passé est ce qu'il faut rejeter sous prétexte
qu'il serait celui de sociétés condamnables au regard de la société à
venir qu'ils prétendent construire sur la base d'une révolution et de
normes inédites. Aussi envisagent-ils l'histoire au sens propre d'un
point de vue moral, puisqu'il s'agit d'orienter l'enchaînement des faits
de façon unilatérale pour montrer que les sociétés du passé ont toutes
été défectueuses, du fait que l'homme yvivait sous le régime de l'alié-
nation, de l'exploitation, de la domination et de la superstition, et
que le moment serait venu, grâce aux possibilités de la société moder-
ne, de passer à 1'édification révolutionnaire de la nouvelle société, soit
par une modification radicale des structures ou par une altération de
la nature de l'homme qui entrerait ainsi dans la véritable histoire. On
assiste ainsi à une inversion de la signification du concept d'histoire :
elle devient la connaissance simulée du futur, donc d'un projet de so-
ciétés qui n'existent pas et qui n'existeront peut-être jamais. Alors que
l'histoire au sens classique portait sur des événements réels du passé,
sur ce qui a existé effectivement, elle devient désormais l'ensemble des
fictions intellectuelles qui n'ont aucune existence sinon dans l'abstrac-
tion utopique d'une spéculation. Ces deux sens sont inconciliables
puisqu'ils donnent àl'histoire deux contenus absolument contraires.
Dans le premier cas elle se fonde sur des documents objectifs, qu'il
s'agisse de relations littéraires, d'archives ou d'autres traces laissés par
les hommes, dans le second elle ne se fonde sur rien d'autre que des
aspirations, des espérances et finalement sur des désirs qui ne se sont
pas matérialisés et qui ne sont peut-être même pas matérialisables.
Dans le premier cas elle est formée de 1'ensemble du vécu collectif des
hommes, donc de faits repérables dans l'espace et le temps et par
conséquent relativement déterminables et contrôlables, dans l'autre
elle n'est qu'un imaginaire, sans aucune caractéristique spatiale ou
temporelle, qui échappe à toute vérification, à toute constatation em-
pirique et àtoute observation. Ou encore, dans le premier cas l'histoire
est faite, mais il faut l'interpréter, dans le second elle est àfaire, au
besoin en cherchant àforcer le cours des choses ou en violant la spon-
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