La Lettre du Gynécologue 371 -avril 2012 | 19
DOSSIER
Diagnostic génétique
préimplantatoire,
vitrification ovocytaire
de convenance et double don
Preimplantation genetic diagnosis,
oocytes cryopreservation and embryon donation
Amelia Rodriguez*, Marta Colodrón*, Juanjo Guillén*, Fleur Poisot*, Oriol Coll*,
Valérie Vernaeve*
D
epuis la publication de la première naissance
obtenue par fécondation in vitro (FIV) en 1978,
l´assistance médicale à la procréation (AMP) a
évolué rapidement, tant d’un point de vue technologique
que sociétal. Les avancées médicales ont été marquées
par le passage de la FIV en cycle naturel à la FIV en cycle
stimulé avec notamment de nombreuses possibilités
thérapeutiques, du fait de protocoles de stimulations
différents et d´une grande diversité de gonadotrophines.
Les changements ont aussi été notables au sein des
laboratoires de biologie de la reproduction qui ont su
développer la congélation de gamètes et d’embryons
tout en conservant un taux de survie élevé, mais aussi la
technique de micro-injection intracytoplasmique (ICSI) du
spermatozoïde, et, dernièrement, la possibilité de réaliser
une sélection génétique des embryons. Cette évolution n’a
pas uniquement été technologique, elle a de fait entraîné
un changement de mentalités au sein de la société. Les
bénéficiaires des techniques de reproduction assistée ne
sont plus seulement des couples infertiles. Il existe doréna-
vant une demande des femmes seules, ou avec un parte-
naire féminin, ou simplement des femmes qui désirent
préserver et retarder leur maternité en cryopréservant
leurs ovocytes. L’application de ces méthodes dépend
actuellement de divers facteurs : techniques, éthiques,
légaux et économiques.
Au sein des différents pays européens, il existe des limites
et des particularités qui font que toutes les techniques
d’AMP ne sont pas accessibles de manière équivalente.
Dans certains pays par exemple, elles ne sont envisa-
geables que pour les couples hétérosexuels, mariés
ou concubins, avec ou non des restrictions d’âge. Les
couples homosexuels, les femmes seules et les femmes
d’un certain âge ne peuvent alors pas bénéficier de l’aide
de la médecine pour répondre à leur désir d’enfant. Les
législations varient aussi en ce qui concerne le don de
gamètes : pleinement autorisé, complètement interdit
ou limité au don de sperme. Quand la donation est auto-
risée, elle peut être anonyme ou signifiée, voire au choix
du patient selon les pays.
En Espagne, la loi en vigueur de mai 2006 est progres-
siste et essaie de réguler et d’intégrer ces nouvelles offres
médicales à la demande sociale, en tenant compte des
besoins des minorités. En particulier le diagnostic préim-
plantatoire (DPI), le double don et la vitrification ovocy-
taire de convenance sont de bons exemples des avancées
technologiques et sociales qui sont autorisées en Espagne
moyennant un cadre législatif strict, spécifique et clair.
Dans cet article nous discuterons de ces différentes
procédures d’AMP d’accès restreint dans certains pays,
au regard de notre expérience espagnole.
Diagnostic préimplantatoire
En 1990, Handyside a publié le cas de la première gros-
sesse avec transfert d’embryons sélectionnés génétique-
ment (1). Cette technique a été appelée DPI. Jusque-là,
les couples porteurs d’une maladie génétique avérée
avaient comme options en matière de reproduction :
le diagnostic prénatal pendant le premier trimestre de
grossesse (avec interruption médicale de grossesse si le
fœtus était affecté), le don de gamètes ou l’adoption.
Initialement, cette technique fut décrite pour l’étude
des maladies monogéniques en utilisant seulement des
méthodes d’amplification de l’ADN (PCR). Puis l’intro-
duction de l’hybridation in situ (FISH) a permis l’étude des
aneuploïdies pour un nombre limité de chromosomes (2).
* Clínica Eugin, Travessera de
Les Corts 322, 08029 Barcelone
(Espagne).
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Points forts
Quelques années plus tard, Wilton a relaté la première
naissance issue d’un embryon sélectionné par la puce
d’hybridation génomique comparative (array Comparative
Genomic Hybridization [CGH-array]) [3], technique qui
permet l’étude de l’ensemble des chromosomes. Au début
de cette technique, l’inconvénient était la durée de l’ana-
lyse (3 à 4 jours). Il était donc nécessaire de congeler les
embryons et, par conséquent, le transfert en frais n’était
pas possible. L’autre solution a été l’étude du premier
globule polaire, biopsié immédiatement après l’ICSI. On
obtient le résultat génétique sans avoir besoin de congeler
les embryons, mais seules les anomalies d’origine fémi-
nines sont détectables (4).
La CGH-array a depuis été améliorée. On peut actuelle-
ment en obtenir le résultat en 1 ou 2 jours, ce qui permet
de faire la biopsie embryonnaire au 3
e
jour et le transfert
de l’embryon frais au 5
e
jour (5). L’autre grand progrès de
la CGH-array est la possibilité d’utiliser un seul blastomère
pour étudier en même temps une maladie monogénique
et la cartographie chromosomique de l’embryon. Avec les
techniques précédentes, il était nécessaire de biopsier 2
blastomères pour avoir les 2 résultats, ce qui diminuait
les chances d’implantation (6).
Cette capacité à dépister des embryons porteurs d’ano-
malies chromosomiques a fait apparaître de nouvelles
indications au DPI, nommé dans ce cas screening géné-
tique préimplantatoire (PGS). Il est proposé dans des
situations à risque d’aneuploïdies : âge maternel avancé
(> 38 ans), fausses couches à répétition, échecs d’implan-
tation et facteur masculin sévère. La société européenne
de reproduction et d’embryologie (ESHRE) déclarait en
1997-1998, 116 cycles avec PGS contre 3 900 en 2006.
Une méta-analyse récente publiée par Mastenbroek
en 2011, incluant toutes les études randomisées de PGS,
a conclu qu’il n’apportait pas d’amélioration évidente sur
le taux d’enfants nés vivants par rapport à la FIV simple
(7). Dans le sous-groupe des femmes d’âge avancé, on
observe même un taux d’enfants nés vivants moindre
lorsqu’elles ont bénéficié du PGS. Il est opportun de
noter que toutes les études incluses utilisaient la tech-
nique de FISH, capable de ne détecter qu’un nombre
limité de chromosomes. En conclusion, à ce jour, la
FIV avec PGS par FISH ne devrait pas être proposée
dans le but d’augmenter les taux de réussite en FIV.
Il faudra attendre les résultats des prochaines études
randomisées et des futures méta-analyses sur l’intérêt
du PGS après l’application de techniques capables de
détecter tous les chromosomes, comme la CGH-array.
Le DPI offre un espoir aux couples porteurs d’une altération
génétique. Mais il ne faut pas oublier qu’en fonction de
leurs caractéristiques (âge maternel, réserve ovarienne,
qualité spermatique), étant donné les limites de la FIV, le
don de gamètes est l’autre option envisageable dans ce cas.
L’ESHRE a publié en 2002 les taux de grossesses avec DPI
pour maladies monogéniques. Il était de 21 % par ponc-
tion folliculaire et de 25 % par transfert embryonnaire. La
sélection génétique des embryons nest pas une technique
autorisée dans tous les pays européens. En Espagne, elle
est autorisée, mais seulement dans certaines circonstances
règlementées par la Loi. Selon l’article 12 de la loi 14/2006,
le DPI peut s’appliquer dans les indications suivantes :
la détection de maladies héréditaires graves, d’appa-
rition précoce et pour lesquelles il n’existe pas de traite-
ment curatif postnatal, conformément aux connaissances
scientifiques actuelles. Les maladies comme la mucovis-
cidose, le syndrome de l’X-fragile, le syndrome de Turner,
la myopathie de Duchenne et l’anémie de Fanconi, entre
autres, remplissent ces conditions ;
la détection d’autres altérations qui peuvent
compromettre la viabilité de l’embryon : anoma-
lies chromosomiques de structure ou de nombre
(trisomie 21, trisomie 13…) et autres gains ou pertes
de chromosomes qui rendent l'embryon non viable ;
si les conditions ci-dessus ne sont pas remplies ou s’il
y a une indication à déterminer le système HLA d'histo-
compatibilité (à des fins thérapeutiques pour autrui), il
faut demander l'autorisation de la commission nationale
de reproduction humaine assistée (Comisión Nacional de
Reproducción Humana Asistida).
Dans tous les autres cas, ni le centre d’AMP ni le patient
ne peut décider de la réalisation d’un DPI. Le DPI pour
détermination de sexe sans indication médicale, par
exemple est clairement interdit en Espagne.
Au sein des différents pays d’Europe, il n’y a pas d’attitude
consensuelle en ce qui concerne le DPI, du fait notamment
de l’absence de réglementation à l’échelle européenne.
En Espagne, on peut combiner le diagnostic de maladie
monogénique avec le dépistage d’aneuploïdie vu que
celles-ci compromettent la viabilité de l’embryon. Dans
certains pays, comme la France, cela est interdit en
raison de la peur de potentielles dérives vers l’eugénisme.
Vitrification ovocytaire
de convenance
La première grossesse humaine après cryopréservation
ovocytaire par congélation lente a eu lieu en 1986 (8). On
estima qu´il y avait en moyenne besoin de 100 ovocytes
pour aboutir à une grossesse avec cette technique de
Mots-clés
Diagnostic
préimplantatoire
Congélation
ovocytaire de
convenance
Double don de
gamètes
Fécondation in vitro
Highlights
Preimplantation genetic diag-
nosis, double gamete dona-
tion and social egg freezing,
are the latest innovations in
the field of ART, but there is as
yet no consensus as to their
indications and applications.
The techniques are used very
differently accross European
countries for technical, ethical,
legal and economic reasons
which call for further discus-
sion among practitioners.
Keywords
Preimplantation genetic
diagnosis
Oocyte social freezing
Double gamete donation
Fertilization in vitro
»
Le diagnostic préimplantatoire, le double don de gamètes et la vitrification ovocytaire de convenance sont
les derrières avancées de l´assistance médicale à la procréation, mais il n´existe pas encore un consensus sur
leurs indications et applications. On observe des grandes disparités d´exercices de ces techniques en Europe
pour des raisons techniques, éthiques, légales et économiques, qui mériteraient une réflexion collective.
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DOSSIER
congélation, ce qui en réduisit considérablement l’appli-
cation clinique. Cette technique fut quasi abandonnée.
Ce nest que 13 ans plus tard, en 1999, qu’on assiste à
la première grossesse humaine obtenue cette fois après
congélation ultrarapide d’ovocytes (9).
Cette technique, appelée vitrification, est non seulement
applicable sur les embryons mais aussi sur les ovocytes.
Elle consiste en une congélation cellulaire ultrarapide qui
empêche la formation de cristaux intracytoplasmiques
à l’origine des dommages après décongélation (10).
Nous disposons ainsi d’une technique utile, reproductible
et couronnée de succès, qui obtient des taux de survie après
décongélation entre 85 et 95 %, jusqu’à 75 % de fécon-
dations ovocytaires et entre 15 et 18 % d’implantations.
Autrement dit, cette technique présente des résultats
comparables à ceux obtenus avec des ovocytes frais (11).
Par ailleurs, les enfants conçus après la décongélation
d’ovocytes vitrifiés présentent une incidence de malfor-
mations similaires à la population générale (12).
La vitrification a ainsi révolutionné les laboratoires de
biologie de la reproduction et a permis d’élargir les
indications de la congélation ovocytaire au-delà des
pratiques médicales habituelles.
L’âge moyen de la première grossesse s’est situé pour
la première fois en Espagne au-dessus des 31 ans. Au
Royaume-Uni, on estime que le risque de ne pas parvenir
à avoir d’enfant est de 6 % si une femme commence à
essayer de concevoir à partir de 30 ans, de 14 % si elle
commence à 35 ans et de 35 % à partir de 40 ans. Il ne
faut pas oublier que les résultats en FIV avec ses propres
ovocytes sont âge-dépendants. La FIV ne pourra donc
pas toujours être la solution à un problème de fertilité.
En Catalogne, le nombre de cycles de don d’ovocytes est
passé de 613 à 6 280 entre 2001 et 2008. Devant ces
données indiscutables, qui reflètent la tendance sociale et
démographique actuelle, pourrions-nous alors proposer la
vitrification ovocytaire de convenance ? Réduirions-nous
ainsi le nombre de patientes qui ont recours à un don
d’ovocytes comme solution à leur problème de fertilité ?
Même si, en médecine, aucune technique n´est idéale face
à un problème donné, la vitrification ovocytaire pourrait
partiellement résoudre le problème de l’infertilité inhérent
à l’âge (13).
La préservation de la fertilité chez les femmes qui vont
devoir avoir recours à un traitement gonadotoxique est
une pratique de plus en plus proposée, même si la stérilité
après traitement nest pas certaine. Ce que nous savons,
en revanche, de manière incontestable, c’est que si une
grossesse est retardée pour des raisons médicales ou
personnelles, la fertilité diminuera de façon dramatique et
inéluctable. En plus, il est établi que le diagnostic d'infer-
tilité a le même impact émotionnel pour la femme que
le diagnostic de cancer (14).
En Espagne, nous disposons d’un cadre légal qui nous
permet de proposer cette technique. Pour cela, chaque
centre doit obtenir un permis spécifique du ministère de
la Santé. La loi espagnole 02/2010 sur la santé sexuelle
et reproductive et sur l’interruption volontaire de gros-
sesse stipule que : “[…] La décision d’avoir des enfants et
quand les avoir constitue un des enjeux les plus intimes
et personnels auxquels les personnes font face au cours
de leur vie…”
La vitrification ovocytaire, l’utilisation des ovocytes et
la prolongation de leur conservation sont spécifiées et
réglementées par cette loi espagnole en vigueur.
Aux arguments précédents, il faut ajouter que la conser-
vation de ses propres ovocytes permettrait de diminuer
le nombre de cycles de don d’ovocytes. Il ne faut pas
oublier que le don d’ovocytes, même avec des indica-
tions claires, irréfutables et indiscutables, suppose un
traitement complexe, non sans risques pour la donneuse
et, par ailleurs, coûteux pour la receveuse. L’impact
psychologique et éthique du don-réception d’ovocytes
arrête certaines patientes qui ne peuvent surmonter
cette barrière et, de fait, accomplir leur projet de gros-
sesse (15). Enfin, il existe un réel obstacle géographique.
L’impossibilité d’avoir accès à un cycle de don d’ovocytes
dans leur propre pays oblige les patientes à se rendre à
l’étranger. Des articles récents recommandent la vitrifica-
tion ovocytaire seulement pour les femmes de moins de
35 ans, mettant en avant la balance bénéfice-risque de
cette technique et demandent aux cliniques de dissuader
celles qui la solliciteraient passé cet âge (16). Cependant,
il s’agit là d’une option toute récente. Les femmes ne
connaissent pas toutes l’existence de cette technique,
elles ne disposent pas non plus forcément de la solvabilité
économique et donc de l’accès à une préservation de leur
fertilité au moment désiré.
Les raisons qui conduisent une femme à avoir recours
à la vitrification d’ovocytes ne doivent pas uniquement
être discutées en termes de taux absolu de grossesse,
mais doivent aussi prendre en compte le préjudice moral
causé par la nécessité de recourir au don d’ovocytes. Il
faut informer clairement la patiente des chances de succès
relatif à son âge au moment de la procédure de conser-
vation. Il est par ailleurs fort probable qu’à mesure que la
population sera informée sur la possibilité de vitrification
des ovocytes, le profil des femmes, qui la solliciteront se
rapprochera de plus en plus de ses applications et de ses
performances idéales (17). Nous devons aussi considérer
que l’accès à la préservation de la fertilité de convenance
sera difficilement pris en charge par la Sécurité sociale, ce
qui engendrera des inégalités. Chaque société et pays
devraient donc débattre sur la place de la vitrification
d’ovocyte pour convenance et s’il est souhaitable que
les centres d’AMP la proposent et, si oui, dans quelles
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DOSSIER Procréations et don d'ovocytes à l'étranger
conditions (18). En tant que professionnels de la santé,
nous avons un rôle d’éducation de la population. Nous
devons encourager la maternité à un âge plus précoce,
mais aussi informer les femmes sur les possibilités de
préservation de la fertilité, notamment du fait de l’avè-
nement de cette technique.
Double don
Il existe certaines situations qui nécessitent un recours
aux dons conjoints d’ovocytes et de sperme : l’insuf-
fisance ovarienne associée à une infertilité masculine
sévère, ou en cas d’une femme seule ou en couple
homosexuel. Les échecs d’implantation à répétition
sans facteur féminin ou masculin clairement incriminé
peuvent aussi en être une indication. On peut enfin le
proposer à des couples qui présentent un risque élevé
de transmission à leur descendance d’une maladie géné-
tique, pour laquelle le DPI n’est pas faisable (exemple
d’une femme avec insuffisance ovarienne et de son
conjoint atteint d’une maladie génétique dont le gène
n’est pas clairement identifié) [19].
Il existe plusieurs façons de changer les 2 gamètes
simultanément : l’accueil d’embryon ou le double
don. Dans le premier cas, il s’agit de couples ayant eu
recours à un traitement d’AMP qui nont plus l’utilité de
leurs embryons congelés et en font don. Ces embryons
peuvent être issus des 2 gamètes du couple ou déjà d’un
don de sperme ou d’ovocytes selon la cause de leur
infertilité. L’autre possibilité consiste en la conception
d’embryons avec à la fois du sperme de donneur et des
ovocytes de donneuse, c’est ce qu’on appelle le double
don. Il n’y a pas de données officielles sur le nombre
de doubles dons réalisés en Europe. L’ESHRE a seule-
ment publié le nombre d’inséminations avec sperme
de donneurs (24 339 en 2006) et le nombre de cycles
de don d’ovocytes (12 685 en 2006).
En Espagne, il existe 2 registres – le registre national
déclaratif non obligatoire publié par la Société espa-
gnole de fertilité (SEF) et, en Catalogne, le registre
(fivecat.net), obligatoire lui –, qui nous permettent
d’avoir accès à ce type de renseignements. Pour l’année
2009, la SEF a communiqué 219 transferts avec don
d’embryons congelés, ce qui représente 0,5 % de
l’ensemble des cycles d’AMP. Et, en 2008, d’après le
registre catalan, il y a eu 44 transferts d’embryons
(frais ou congelés, dans le cadre d’un double don ou
d’un accueil d’embryons), soit 0,3 % des transferts
réalisés dans cette région. Il s’agit donc d’une technique
minoritaire et de dernier recours en AMP.
La législation sur le double don et l’accueil d’embryons est
variable selon les différents pays européens. En Espagne,
les 2 sont permis (loi 14/2006), alors que seul l’accueil
d’embryons est autorisé en France, selon la loi de bioé-
thique. En Italie les 2 sont interdits.
La donation d’embryons en Espagne doit remplir les
mêmes conditions légales que la donation d’ovocytes
ou de sperme (décret royal 412/1996). Le donneur
doit se soumettre au moment du don à une évaluation
exhaustive de ses antécédents médicaux personnels et
familiaux ainsi qu’à des tests de dépistage des maladies
transmissibles (VIH 1 et 2, VHB, VHC et syphilis). Le don
est volontaire, anonyme et altruiste. Il n’y a pas besoin de
l’accord d’une commission médicale pluridisciplinaire, ni
des instances juridiques comme en France (validation par
un CECOS et le tribunal de grande instance).
Afin de diminuer le risque d’aneuploïdies et d’aug-
menter les chances de grossesse, une donneuse doit
avoir moins de 35 ans et un donneur moins de 50 ans.
En ce qui concerne les questions de filiation, la mère
de l’enfant est celle qui donne naissance et les parents
sont reconnus conformément au consentement signé
au début de la prise en charge.
En Espagne, il est possible que la filiation de l’enfant
soit partagée entre 2 femmes si elles sont mariées
(approbation de la loi sur le mariage entre personnes
du même sexe le 30 juin 2005).
Le nombre d’embryons congelés est important dans la
plupart des pays développés et les centres d’AMP sont
confrontés à un problème de conservation (stockage)
des embryons surnuméraires. En Espagne, quand un
couple ne souhaite plus utiliser ses embryons congelés
pour ses propres fins reproductives, il a la possibilité de
demander leur destruction, d’en faire don à un autre
couple ou, enfin, à la science (dans le cadre de proto-
coles de recherche). Ces embryons initialement conçus
à des fins reproductives personnelles servent alors à
l’intérêt général quand ils sont donnés à des fins de
recherche ou répondent à la demande individuelle
d’un autre couple infertile.
En Espagne, la destruction embryonnaire n’est envi-
sageable que dans des conditions très strictes et
spécifiques, et donc dans des situations limitées. Elle
nécessite l’accord au cas par cas de spécialistes indé-
pendants et extérieurs à chaque centre. Il faut justifier
que la receveuse initiale ne puisse plus bénéficier d’un
transfert embryonnaire du fait de contre-indications
médicales.
En 2009, l’Agence de la biomédecine a reporté
165 591 embryons congelés dans les centres d’AMP
français et on estime que ce chiffre devrait augmenter
de 20 000 chaque année (20). Dans 16 % des cas, les
embryons ne sont plus l’objet d’un projet de gros-
sesse pour les couples qui en sont à l’origine, ce qui
correspond à plus de 26 000 embryons. Pourtant, le
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DOSSIER
pourcentage d’embryons électifs au don est relativement faible (21).
Cette faible proportion peut s’expliquer par la difficulté de remplir
toutes les conditions médicales et légales du don, mais aussi par un
blocage psychologique des parents, qui perçoivent l’embryon comme
un enfant virtuel qui serait élevé par d’autres. Le don peut alors être
vécu comme un acte d’abandon. Il est en effet difficile de dissocier
l’origine génétique de la lignée familiale. C’est le dilemme entre la
parenté biologique et la transmission éducative. Les dernières études
montrent cependant un pourcentage croissant de patients qui choi-
sissent de faire don de leurs embryons surnuméraires, surtout s’ils
proviennent d’un don d’ovocytes (22).
La solution au problème pratique, éthique et psychologique qu’est le
devenir de ces embryons congelés est peut-être d’en créer moins par
cycle, voire de vitrifier certains ovocytes au-delà d’un certain nombre
au décours de la ponction ? D’un autre côté, l’accueil d’embryon peut
s’envisager comme une alternative intéressante au double don, notam-
ment à moindre coût.
Il faut enfin noter qu’il existe des couples demandeurs de double don
par soucis d’égalité vis-à-vis du conjoint infertile : aucun des 2 parents
ne transmettant son patrimoine génétique. Mais, dans ce cas, la mère
gestante, légale et éducative nest-elle pas la “mère porteuse” de son
propre enfant ? Il reste bien sûr à évaluer les résultats de la grossesse
avec un double don ou avec un accueil d’embryons en fonction de l’âge
de la receveuse et de l’indication du don. Keenan a publié très récem-
ment une étude dont le taux de naissances était de 28 % avec l’accueil
d’embryons (sur 7 042 cycles), de 46,8 % avec un don d’ovocytes
(81 050 cycles) et de 31 % avec la FIV (avec ses propres ovocytes) [23].
Le taux d’enfants vivants nés d’un accueil d’embryons serait donc
similaire à celui des enfants nés par FIV, mais moindre que celui
des enfants nés par un don d’ovocytes (et sans doute moindre que
celui des enfants nés grâce à un double don). Ce taux relative-
ment élevé de naissances par accueil d’embryons pourrait s’expli-
quer par la bonne qualité des embryons transférés (1 grossesse au
moins a probablement déjà été obtenue de ce même cycle avec
des embryons de la même cohorte, puisqu’il s’agit d’un embryon
surnuméraire donné).
Le double don de gamètes, bien que minoritaire, a de nos jours ses
indications et une demande. D’un point de vue pratique, il peut
prendre la forme d’un accueil d’embryons ou d’un double don, mais
cette dernière possibilité n’est pas autorisée dans tous les pays.
Elle présente pourtant de meilleurs résultats du fait de l’utilisation
d’embryons frais, issus de gamètes a priori fertiles.
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Claudie Damour-Terrasson
et
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