La Lettre du Gynécologue • n° 371 -avril 2012 | 21
DOSSIER
congélation, ce qui en réduisit considérablement l’appli-
cation clinique. Cette technique fut quasi abandonnée.
Ce n’est que 13 ans plus tard, en 1999, qu’on assiste à
la première grossesse humaine obtenue cette fois après
congélation ultrarapide d’ovocytes (9).
Cette technique, appelée vitrification, est non seulement
applicable sur les embryons mais aussi sur les ovocytes.
Elle consiste en une congélation cellulaire ultrarapide qui
empêche la formation de cristaux intracytoplasmiques
à l’origine des dommages après décongélation (10).
Nous disposons ainsi d’une technique utile, reproductible
et couronnée de succès, qui obtient des taux de survie après
décongélation entre 85 et 95 %, jusqu’à 75 % de fécon-
dations ovocytaires et entre 15 et 18 % d’implantations.
Autrement dit, cette technique présente des résultats
comparables à ceux obtenus avec des ovocytes frais (11).
Par ailleurs, les enfants conçus après la décongélation
d’ovocytes vitrifiés présentent une incidence de malfor-
mations similaires à la population générale (12).
La vitrification a ainsi révolutionné les laboratoires de
biologie de la reproduction et a permis d’élargir les
indications de la congélation ovocytaire au-delà des
pratiques médicales habituelles.
L’âge moyen de la première grossesse s’est situé pour
la première fois en Espagne au-dessus des 31 ans. Au
Royaume-Uni, on estime que le risque de ne pas parvenir
à avoir d’enfant est de 6 % si une femme commence à
essayer de concevoir à partir de 30 ans, de 14 % si elle
commence à 35 ans et de 35 % à partir de 40 ans. Il ne
faut pas oublier que les résultats en FIV avec ses propres
ovocytes sont âge-dépendants. La FIV ne pourra donc
pas toujours être la solution à un problème de fertilité.
En Catalogne, le nombre de cycles de don d’ovocytes est
passé de 613 à 6 280 entre 2001 et 2008. Devant ces
données indiscutables, qui reflètent la tendance sociale et
démographique actuelle, pourrions-nous alors proposer la
vitrification ovocytaire de convenance ? Réduirions-nous
ainsi le nombre de patientes qui ont recours à un don
d’ovocytes comme solution à leur problème de fertilité ?
Même si, en médecine, aucune technique n´est idéale face
à un problème donné, la vitrification ovocytaire pourrait
partiellement résoudre le problème de l’infertilité inhérent
à l’âge (13).
La préservation de la fertilité chez les femmes qui vont
devoir avoir recours à un traitement gonadotoxique est
une pratique de plus en plus proposée, même si la stérilité
après traitement n’est pas certaine. Ce que nous savons,
en revanche, de manière incontestable, c’est que si une
grossesse est retardée pour des raisons médicales ou
personnelles, la fertilité diminuera de façon dramatique et
inéluctable. En plus, il est établi que le diagnostic d'infer-
tilité a le même impact émotionnel pour la femme que
le diagnostic de cancer (14).
En Espagne, nous disposons d’un cadre légal qui nous
permet de proposer cette technique. Pour cela, chaque
centre doit obtenir un permis spécifique du ministère de
la Santé. La loi espagnole 02/2010 sur la santé sexuelle
et reproductive et sur l’interruption volontaire de gros-
sesse stipule que : “[…] La décision d’avoir des enfants et
quand les avoir constitue un des enjeux les plus intimes
et personnels auxquels les personnes font face au cours
de leur vie…”
La vitrification ovocytaire, l’utilisation des ovocytes et
la prolongation de leur conservation sont spécifiées et
réglementées par cette loi espagnole en vigueur.
Aux arguments précédents, il faut ajouter que la conser-
vation de ses propres ovocytes permettrait de diminuer
le nombre de cycles de don d’ovocytes. Il ne faut pas
oublier que le don d’ovocytes, même avec des indica-
tions claires, irréfutables et indiscutables, suppose un
traitement complexe, non sans risques pour la donneuse
et, par ailleurs, coûteux pour la receveuse. L’impact
psychologique et éthique du don-réception d’ovocytes
arrête certaines patientes qui ne peuvent surmonter
cette barrière et, de fait, accomplir leur projet de gros-
sesse (15). Enfin, il existe un réel obstacle géographique.
L’impossibilité d’avoir accès à un cycle de don d’ovocytes
dans leur propre pays oblige les patientes à se rendre à
l’étranger. Des articles récents recommandent la vitrifica-
tion ovocytaire seulement pour les femmes de moins de
35 ans, mettant en avant la balance bénéfice-risque de
cette technique et demandent aux cliniques de dissuader
celles qui la solliciteraient passé cet âge (16). Cependant,
il s’agit là d’une option toute récente. Les femmes ne
connaissent pas toutes l’existence de cette technique,
elles ne disposent pas non plus forcément de la solvabilité
économique et donc de l’accès à une préservation de leur
fertilité au moment désiré.
Les raisons qui conduisent une femme à avoir recours
à la vitrification d’ovocytes ne doivent pas uniquement
être discutées en termes de taux absolu de grossesse,
mais doivent aussi prendre en compte le préjudice moral
causé par la nécessité de recourir au don d’ovocytes. Il
faut informer clairement la patiente des chances de succès
relatif à son âge au moment de la procédure de conser-
vation. Il est par ailleurs fort probable qu’à mesure que la
population sera informée sur la possibilité de vitrification
des ovocytes, le profil des femmes, qui la solliciteront se
rapprochera de plus en plus de ses applications et de ses
performances idéales (17). Nous devons aussi considérer
que l’accès à la préservation de la fertilité de convenance
sera difficilement pris en charge par la Sécurité sociale, ce
qui engendrera des inégalités. Chaque société et pays
devraient donc débattre sur la place de la vitrification
d’ovocyte pour convenance et s’il est souhaitable que
les centres d’AMP la proposent et, si oui, dans quelles
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