L’existence ou l’absence des tissus dentaires
se manifestent dans de nombreuses lignées sans
que l’on puisse y corréler un régime alimentaire
précis.
Ainsi, chez les dinosaures, si le plus grand car−
nivore qu’était le Tyrannosaurus rex était pourvu
de dents de 18 cm, les Hadrosaures, qui étaient des
herbivores, avaient jusqu’à 960 dents (soit 480
dents par mâchoire) [1].
Pourtant dans toutes les classes de vertébrés, il
existe certaines catégories qui voient leurs tissus
dentaires régresser et même disparaître. Chez ces
anodontes, des organes cornés peuvent jouer le
rôle de denture: c’était le cas de l’Oviraptor, dino-
saure herbivore, dont la tête impressionnante
dotée de mâchoires édentées était munie d’un bec
pouvant broyer un crustacé [1].
S’il existait des oiseaux dentés à l’époque du
Jurassique supérieur, les espèces que nous con-
naissons actuellement en sont dépourvues. Ainsi
les ancêtres des tortues étaient dentées, mais les
spécimens actuels présentent un bec corné.
Les cétacés ont une évolution régressive des
dents: le cachalot n’a que 40 à 50 dents et elles se
trouvent seulement à la mandibule. Le narval
n’a que 2 incisives, celle de gauche chez le mâle
étant la célèbre «dent de licorne» qui peut atteindre
2 mètres. Les dauphins n’ont qu’une seule denture
temporaire (il est vrai qu’elle comporte 200 dents)
présente et fonctionnelle tout au long de leur vie,
alors que la denture permanente n’existe jamais.
Chez les mammifères, la baleine est anodonte
bien que les germes dentaires se développent avant
la naissance mais ils ne font jamais leur éruption;
à leur place existent environ 600 fanons, sortes de
lames cornées au rebord effrangé qui pendent à la
mâchoire supérieure [2]. Enfin, l’ornithorynque,
qui se situe au carrefour des reptiles, oiseaux et
mammifères, est anodonte, mais il est pourvu d’un
bec dit «de canard» [2].
Chez l’homme, la formule dentaire est stable
et comporte 20 dents temporaires et 32 dents per−
manentes [3]. Comme celle des mammifères, elle
est hétérodonte comprenant incisives, canines,
prémolaires et molaires [4, 5].
Si leur nombre varie, c’est le plus fréquem−
ment dans le sens d’une réduction numérique [6]:
c’est en 1880 que l’absence congénitale d’une in−
cisive latérale maxillaire est signalée pour la pre−
mière fois dans la littérature. Cette absence peut
s’exprimer d’un seul ou des deux côtés, mais elle,
est souvent associée à des défauts de forme ou, de
volume (par exemple une 12 absente peut s’ac-
compagner d’une 22 «riziforme») [4, 3].
Ces anomalies dentaires par défaut ont été
désignées par l’assemblage de préfixes et de mots
d’origine grecque [2]:
– a (devant une consonne) ou an (devant une vo−
yelle) exprime l’idée d’absence,
– hypo indique une intensité inférieure à la nor-
male (contraire: hyper),
– oligo signifie peu nombreux,
– genesis: développement d’un organe dès la vie
embryonnaire,
– odons, odontos: dent.
Ainsi:
– l’agénésie dentaire qualifie l’absence de
développement d’une dent,
– l’hypodontie est un nombre de dents
inférieur à la normale (elle touche souvent les
dents de fin de série, c’est à dire la dernière for-
mée d’un groupe, souvent la plus petite),
– l’oligodontie qualifie l’existence de dents
peu nombreuses,
– l’anodontie est l’absence totale des dents.
Ainsi le terme anodontie totale est un pléonasme
et celui d’anodontie partielle une erreur sémanti−
que!
Les théories de l’anomalie
dentaire par défaut…
Deux théories sont le plus souvent évoquées
pour expliquer la diminution du nombre de dents:
– L’une phylogénétique [7] qui estime que la
denture évolue vers une diminution de la surface
masticatoire: le stade actuel (2 Incisives, 1 Cani−
ne, 2 Prémolaires, 3 Molaires) serait un stade de
transition entre le stade précédent (3 I, 1 C, 4 P, 3
M) et le stade futur de 1 I, 1 C, 1 P, 1 M. La réduc−
tion numérique par disparition de la dernière dent
de chaque série est observée chez les primates au
cours de l’évolution. Elle s’accompagne d’un rac-
courcissement des maxillaires entre les premiers
hominidés et «l’homosapiens»; il serait encore
plus significatif depuis les 400 dernières années
car une cause environnementale viendrait sans
doute s’ajouter à cette mutation phylogénétique [4].
– L’autre théorie est la théorie héréditaire qui
s’exprime suivant son mode de transmission:
–le gène déterminant [8] peut être porté
par un autosome ou un gonosome (X ou
Y) et il peut se comporter soit comme un
gène dominant ou récessif,
– en outre sa pénétrance et son expressivité
peuvent varier.
Ainsi, dans la transmission autosomique do−
minante, si un des parents est malade, il y aura
50% des descendants atteints sans saut de généra−
tion, et les sujets sains ne transmettront jamais la
maladie.
Un défaut de pénétrance peut faire sauter une
M.−M. ROUSSET−CARON et al.
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