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Richard III (ou presque), c’est l’histoire d’une rencontre entre un auteur
et une troupe, un auteur et un metteur en scène. De Paris à Avignon,
Timothy Daly a suivi toute l’aventure française du spectacle Le bal de
Kafka (première adaptation française de sa pièce Kafka dances) avec une
implication rare et généreuse, comme un auteur qui voit son texte et/ou
son rêve s’épanouir dans l’interprétation qui en est donnée sur le pla-
teau. Il nous a fait confiance en nous proposant – et quand je dis « nous
» je parle en effet de la troupe du Bal – son autre pièce L’homme dans le
plafond afin qu’elle soit jouée par ces mêmes acteurs réunis autour du
même metteur en scène la saison prochaine. Et puis, Timothy et moi en
sommes venus à caresser l’idée d’un Richard III pour deux acteurs, soit
une pièce faite sur mesure, sur commande… Timothy est rentré en Aus-
tralie et après plusieurs échanges de mails, je recevais cette incroyable
variation shakespearienne autour du thème de Richard III pour deux for-
midables comédiens qui font l’irrésistible duo de Monsieur de Pourceau-
gnac : Daniel Jean, l’acteur « du Conservatoire », avec ses ruptures et son
jeu tout en dentelle d’intentions et de nuances, et Pierre-Yves Le Louarn,
avec sa générosité folle, son énergie débordante, et un langage déjanté
du corps que complète une véritable intelligence du texte.
« Considérez des pièces comme "Richard III". Qu’est ce qui leur donne leur
mystère et leur terreur suprêmes, qui les élève au-dessus de simples tragé-
dies de l’ambition, de l’assassinat, de la folie, de la défaite ? N’est-ce pas pré-
cisément cet élément surnaturel qui domine l’action de bout en bout : cette
fusion du matériel et du mystique ; ce sens de figures en attente, intangibles
comme la mort, de mystérieux visages sans traits qu’il nous semble entrevoir
en regardant de côté, bien que, si nous nous retournons, nous ne voyons rien
? » Gordon Craig
Richard III (ou presque) sera monté comme une partition théâtrale pour
deux acteurs avec : une estrade en verre et miroir qui est comme un ring
de lumière où se jouent les extraits tirés de l’œuvre de Shakespeare, tré-
teaux où se reflètent les acteurs mais aussi où s’illuminent leurs ombres,
dans un jeu de lumières très cinématographique. Des costumes qui sont
accrochés partout autour d’eux et d’où ils exhument les fantômes de
l’impossible pièce qu’ils cherchent mais ne parviennent pas à jouer ; des
rampes, mais des rampes partout, au sol, suspendues, qui enserrent les
acteurs dans une lueur théâtrale qui se dénonce elle-même et qui projette
des ombres portées en décor « naturellement » théâtral de Richard III.
« J’estime que les décors de Shakespeare doivent se réduire à la présentation
d’un lieu dont les dispositions, les lignes, les formes, les couleurs forment un
ensemble tel que l’acteur puisse y évoluer avec le plus de simplicité possible ;
où la plastique du décor donne au verbe un cadre qui soit digne. Qu’il emprunte
au décor du théâtre de Shakespeare son unité et transpose les écriteaux sous
des formes plastiques de sa structure.» Pitoeff
Isabelle Starkier