ment au discours médical sur le traitement et le suivi des soins
mais ne pourront finalement s’y tenir. L’évaluation du degré de
vulnérabilité sociale n’est pas toujours facile. Aux urgences,
contrairement à une consultation, il est habituel de ne pas se
renseigner sur la couverture sociale d’un patient admis.
Adapter la prescription
Confronté à la grande précarité, le médecin doit adapter au
mieux le traitement. Il doit bien connaître le type d’épilepsie à
traiter, en tenant compte des difficultés de l’interrogatoire, et
des multiples étiologies possibles mais aussi des effets secondai-
res, indications et contre-indications des traitements antiépi-
leptiques. Le médecin doit être soucieux d’adapter sa prescrip-
tion et le suivi en harmonie avec les conditions de vie, de
ressource du patient et sa personnalité. Aux urgences, il sera
préférable d’utiliser un seul antiépileptique à large spectre avec
le minimum d’effets secondaires, tout particulièrement hépati-
ques, et sans risque de potentialisation toxique par l’alcool. Au
mieux, ce traitement ne nécessitera ni surveillance biologique,
ni dosage thérapeutique. Une seule prise orale et quotidienne (le
matin de préférence) d’un antiépileptique doit être préférée,
quitte à perdre en efficacité. Mieux vaut un traitement bien
suivi
à doses faibles qu’un traitement mal suivi à doses optimales.
Adapter le suivi
La création d’un réseau
L’observance aléatoire d’un traitement prescrit au long
cours, antiépileptique ou autre, est une caractéristique fonda-
mentale des personnes dans l’exclusion : perte des médica-
ments, des ordonnances, absence de ressources, faible niveau
intellectuel, troubles du comportement (alcool, toxicomanie).
Dans ces conditions, assurer le suivi tient du défi. D’une façon
générale, les difficultés d’accès aux structures de santé qui s’im-
posent à cette population entraînent une consommation moin-
dre de soins. Lorsqu’il y a recours aux soins, il est difficile de bien
connaître les stratégies sanitaires. Le choix des structures de
soins fréquentées dépend en partie de l’orientation du patient
par les travailleurs sociaux et le réseau de professionnels.
Assurer le suivi d’un patient épileptique en grande précarité
passe par la création d’un réseau simple, coordonné, facile
d’accès et gratuit permettant l’échange rapide d’informations
médicales et sociales (carnet de suivi, fiche informatique com-
mune par exemple). Le service d’urgence de l’hôpital public
constitue le point d’ancrage de ce réseau auquel vient se ratta-
cher une permanence d’accès aux soins de santé (PASS). II reste
à situer le rôle du neurologue au sein de ce réseau triangulaire.
Le service d’accueil des urgences
Tout patient épileptique en grande précarité sera admis un
jour ou l’autre dans un service d’urgence, parfois il s’agira de son
seul contact avec le système de santé. Le service d’accueil des
urgences se positionne donc comme la pierre angulaire du
réseau. Il assure la prise en charge urgente de la crise d’épilepsie
et détermine le type de prévention ; il facilite l’accès à un réseau
de soins gratuits, en organisant les rendez-vous.
Les structures de soins gratuits
La loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions
du 29 juillet 1998 prévoit la création de permanence d’accès aux
soins de santé (PASS) dans les établissements de santé publics et
les établissements de santé privés participant au service public
hospitalier. Les PASS sont des cellules de prise en charge médico-
sociale destinées à faciliter l’accès des personnes démunies au
système hospitalier ainsi qu’aux réseaux institutionnels et asso-
ciatifs. Elles ont également pour fonction d’accompagner les
personnes en difficulté dans les démarches nécessaires à la
reconnaissance de leurs droits sociaux. Cette approche qui
intègre une offre de soins médicaux et sociaux garantit la
fréquentation du réseau.
Les contacts médicaux sont autant d’occasions pour sortir
de la clandestinité, créer un lien social, faire connaître ses droits.
La création des PASS permet de combler progressivement le
fossé qui est apparu, depuis plus de 20 ans, entre le « médical »
et le « social » et redonne à l’hôpital sa mission asilaire pre-
mière. En dehors de ses PASS, et bien que la déontologie l’im-
pose au médecin, la prise en charge de santé globale du patient
à savoir l’acte curatif lui-même mais aussi l’élaboration d’un
partenariat avec les travailleurs sociaux sont, en pratique de
ville, peu reconnues et encore moins valorisées.
Le fonctionnement et le financement des PASS restent très
hétérogènes. Elles sont habituellement rattachées aux services
d’urgence des établissements publics et font intervenir au mini-
mum une assistante sociale qui fait appel aux médecins d’ur-
gence présents. Dans d’autres conditions, une véritable consul-
tation quotidienne est mise en place avec un personnel dédié
composé de médecins généralistes, d’infirmières, d’une psycho-
logue, d’un secrétariat.
La place du neurologue
Dans le cadre de la prise en charge des patients épileptiques
en grande précarité, il est souhaitable que le neurologue exerce
dans l’établissement public de santé qui accueille les urgences et
dont dépend la PASS. Il appartient, ainsi, au réseau en tant que
neurologue référent. Il est disponible et facilement joignable.
En dehors de l’état de mal, l’épilepsie n’est pas une urgence
neurologique et justifie rarement la présence du neurologue. La
très grande majorité des avis neurologiques dispensés sont télé-
phoniques. Ils peuvent concerner l’instauration d’un nouveau
traitement qui doit toujours être expliqué, sa majoration ou sa
diminution, la décision de réaliser un scanner cérébral, un EEG
ou toute autre question sur la nature même des signes et leur
cause. D’une façon générale, les patients épileptiques en grande
précarité sont des « habitués » des services d’urgence et bien
connus des médecins qui les accueillent. En cas de première
crise, le passage aux urgences doit être suivi rapidement par une
consultation spécialisée. En dehors de l’urgence, le neurologue
référent renseigne les médecins sur les modifications de traite-
ment ou la nécessité de réaliser des examens complémentaires
et assure les consultations de suivi.
Modalités du suivi selon le type d’épilepsie
Caractéristiques propres au suivi des patients épileptiques en
grande précarité
J. Servan
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E
´pilepsies, vol. 17, n° 3 juillet, août, septembre 2005
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