Ma deuxième vie- Texte journal

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Ma deuxième vie
Je suis un apprenant à Alphare. J’ai dû commencer à travailler très jeune puisque ma
mère était morte et que je devais aider mon père à arriver. Je ne suis donc jamais allé à
l’école, mais j’ai occupé plusieurs emplois comme : bûcheron, mécanicien-débosseleur,
et menuisier.
Je crois que le fait de ne savoir ni lire, ni écrire c’est un peu comme être sourd, muet et
AVEUGLE. En fait, nous ne sommes pas vraiment aveugle, c’est plutôt comme si on
nous mettait un bandeau devant les yeux pour lire un texte : on n’a aucun point de
repère. On est très limité et on ne peut pas se prononcer sur rien par manque
d’instruction. Je crois que c’est un don du Bon Dieu que j’ai toujours su me débrouiller.
Les gens ne peuvent pas comprendre ce que c’est de ne pas savoir lire ou écrire et nous
prennent pour des ignorants, c’est humiliant.
À 65 ans, j’ai décidé d’apprendre à lire et à écrire. Au départ, je ne savais presque pas
l’alphabet. L’apprentissage fut assez difficile, il m’a fallu beaucoup de courage. Plus
j’apprends, plus je vois combien lire et écrire c’est important et combien ça me
manquait. Je n’ai jamais caché le fait que je ne savais pas lire ou écrire et les
employeurs ne se gênaient pas pour prendre avantage là-dessus. Je devais me méfier
tout le temps, surtout lorsque l’on me demande de signer un papier.
Lire a changé ma vie, ça ne se dit même pas à quel point. Aujourd’hui, je peux lire les
journaux, le livre de messe, des histoires et des romans. Parfois, il m’arrive d’écrire des
«fantaisies» et des Valentins pour mon plaisir.
Même si je ne savais pas ce qu’un verbe, un sujet ou un complément étaient, je savais
bien d’autres choses. J’ai développé ma débrouillardise avec beaucoup de misère. C’est
bon, mais c’est aussi l’enfer. Aujourd’hui, c’est de l’autonomie et de l’indépendance
que j’ai développées. Tout cela m’apporte énormément à tous les niveaux.
Mon message aux jeunes, c’est de se passer de l’argent et d’aller à l’école parce que lire
et écrire vaut plus que l’argent. L’argent fond, l’école reste. Je finis en vous disant qu’il
n’y a pas d’âge pour apprendre à lire et écrire. Il ne faut pas être gêné de ça, car les gens
qui nous apprennent sont avenants et compréhensifs. N’oubliez pas aussi, qu’on en sait
jamais trop.
Un apprenant d’Alphare
Saint-Georges
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