Samenvattingen / Résumés / Summaries
Guillaume Baclin
Les “traîtres” devant La justice miLitaire
L’activité du conseil de guerre de Mons au sortir de la Grande Guerre
(1918-1919)
La fin de la Première Guerre mondiale constitue un tournant décisif dans l’histoire de
la Belgique. Ébranlé par quatre années de conflit et d’occupation de la majeure partie
de son territoire, l’État belge entame une reconstruction particulièrement complexe de
sa légitimité. Le rôle de l’appareil judiciaire au sein de ce processus est essentiel. La guerre
s’est achevée sur de lourdes tensions. Le ressentiment de la population, à l’encontre de
ceux qui ont trahi leur patrie, les ‘inciviques’, est énorme. L’exigence d’une répression
sévère apparaît dès les premiers jours de la Libération.
Si l’essentiel de ce travail judiciaire est l’œuvre des cours d’assises et des tribunaux
correctionnels, il échoit à la justice militaire dans les premiers mois suivant l’armistice.
Cette contribution analyse, à travers l’exemple hennuyer, la mise en œuvre de la
répression de ‘l’incivisme’ par les tribunaux militaires. À travers des sources originales
(dossiers judiciaires, presse et statistiques pénales), la problématique s’organise autour
des questions de légitimité et d’activité des conseils de guerre.
Les deux premières parties de cet article décrivent succinctement l’atmosphère vengeresse
de la fin de la guerre dans la province du Hainaut et font le point sur les premiers
travaux réalisés sur la problématique de la répression de ‘l’incivisme’, laissant apparaître
certaines carences concernant la courte période durant laquelle la justice militaire a la
main (novembre 1918-mai 1919).
La troisième partie constitue l’essentiel de l’article. Après avoir détaillé l’évolution
législative et institutionnelle de la question durant le conflit, l’action de l’auditeur
militaire et du conseil de guerre du Hainaut est examinée. L’aspect transitoire de la
juridiction militaire ressort nettement de l’analyse. Pratiquement 70 % des affaires
n’aboutissent pas à une conclusion à Mons. La majorité d’entre elles est transmise
à la justice ordinaire, qui retrouve ses compétences à la fin du mois d’avril 1919. La
légitimité des décisions du tribunal militaire divise opinion publique, magistrature
et pouvoir politique. La première apprécie, outre le prestige des militaires, la célérité
et la ‘justesse’ des sentences, les autres contestent notamment la non-séparation de la
poursuite et de l’instruction dans le cadre militaire, ainsi que l’inexpérience juridique
des jurés militaires.
La dernière partie replace le cas hennuyer dans le cadre national, démontrant la part
minime de la répression de l’incivisme dans la globalité du travail des conseils de guerre.
Elle révèle par ailleurs la spécificité des affaires jugées dans les provinces wallonnes
(Hainaut, Namur, Liège-Luxembourg) et le taux de condamnation hennuyer nettement
inférieur à celui de l’ensemble du pays.