Révéler les situations de stigmatisation : un enjeu de

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Révéler les situations de stigmatisation :
un enjeu de citoyenneté
Olivier NOËL
1996
Résumé
Cet article, interrogeant les pratiques et les stratégies professionnelles des agents
intermédiaires (formateurs, correspondants en Mission Locale, agents ANPE, etc.) entre les
jeunes d'origine étrangère et les entreprises, dévoile des systèmes de codage qui traduisent
des situations de discrimination à l'occasion d'une recherche d'emploi ou de stage de
formation. Il propose un basculement de la problématique telle qu’elle est (im)posée par les
pouvoirs publics, à savoir que les jeunes, notamment ceux issus de familles immigrées,
présentent un déficit de citoyenneté. L’auteur considère que l’enjeu de citoyenneté est de
révéler, à la fois aux jeunes et à l'opinion publique, que l'origine étrangère, réelle ou supposée,
constitue indéniablement un obstacle supplémentaire dans l'accès à l'emploi. Cet article
s’appuie sur quatre années d'observation (1992-96) en tant que chargé de mission "jeunesse"
à l'Observatoire de l'intégration en Languedoc-Roussillon. Il a été publié dans AGORA
Débats/jeunesses, n°6, 4ème trimestre 1996, pp. 69-82.
Révéler les situations de stigmatisation :
un enjeu de citoyenneté
JEUNESSES ET EMPLOI
Qui sont les jeunes "immigrés" ? Existe-t-il des spécificités dans leur
processus d'intégration ?
La jeunesse comme transition(s)
Pierre Bourdieu a dit de la jeunesse qu'elle n'était qu'un "mot". Pourtant,
comme l'ont montré Olivier Galland1 ou encore Gérard Mauger, la jeunesse se dessine
comme un nouvel âge de la vie. Au départ de ce mouvement, il y a bien entendu la
prolongation de la scolarité. Elle a pris, depuis la Libération, une réelle ampleur. On
peut parler jusqu'aux années 70 d'une véritable explosion scolaire (l'explosion
universitaire suit à 10 ans d'intervalle). C'est le premier élément constitutif de la
jeunesse.
La jeunesse s'est constituée sur fonds de "crise économique" (ou du moins ce
que l'on a nommé comme tel) depuis le début des années 70. Cette crise dont on
parle depuis plus de 20 ans, symptôme du passage à une économie de service, a de
nombreux effets sur le volume d'emploi disponible. Il n'est plus suffisant pour
absorber la population active, ceci est particulièrement vrai pour la jeunesse qui se
construit désormais comme un monde à part pendant ce temps d'insertion, de
transition qui devient une donnée majeure de nos sociétés contemporaines. La
jeunesse joue un rôle de révélateur. Le retard dans l'accès à l'emploi, ce que Gérard
Mauger nomme la transition professionnelle, est le second élément constitutif de la
jeunesse. La nouvelle représentation associée à la jeunesse est désormais celle de la
génération sacrifiée sur "l'autel de l'emploi".
L'apparition d'un "nouvel âge de la vie", celui que l'on nomme désormais
jeunesse, transforme les conditions de cet âge ; il a des facettes multiples : c'est tout
d'abord un allongement de la transition école-emploi.
En 1954, 59% des jeunes étaient actifs à 16 ans et 80% à 18 ans, en 1987, ils
ne sont plus que 1% à 16 ans et 27% à 18 ans.
De la même façon, en 1968, on a 49% d'actifs contre 36% de scolarisés chez
les moins de 25 ans, en 1990, ces données sont inversées, on compte 27% d'actifs
contre 60% de scolarisés.
C'est aussi un allongement de la transition familiale (surtout dans la période
récente), qui est corrélatif à l'allongement de la transition professionnelle : le recul de
l'âge du mariage est de 3 ans entre 1972 et 1987. De la même façon, l'âge médian de
formation d'un couple est retardé de 1 an entre 1982 et 1987 et, de 1982 à 1989, le
% de jeunes qui vivent chez leurs parents passe de 21 à 27%. Ce phénomène est
révélateur du maintien de la dépendance économique tardive vis-à-vis de la famille.
Doit-on parler de la jeunesse ou des jeunesses ?
L'existence d'une nouvelle phase de la vie aux traits culturels communs (la
socialisation dans la consommation) m'amènerait à penser qu'il existe une jeunesse.
1
GALLAND O., Sociologie de la jeunesse: l'entrée dans la vie, éd. Armand Colin, Paris, 1991.
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2
Pourtant le maintien des clivages sociaux et l'affrontement de cette période de
transition avec des "atouts" (culturels, familiaux, économiques...) très différenciés
m'amènent à dire qu'il existe plusieurs jeunesses au sein de la jeunesse. Je ferai
mienne cette esquisse de typologie d'Olivier Galland qui distingue trois jeunesses :
celle qu'il nomme la "Jeunesse traditionnelle" issue de la bourgeoisie et du milieu
ouvrier artisanal, elle reproduit sans heurt le système qu’on lui a légué. La "Jeunesse
prolongée" se compose d'étudiants issus des classes moyennes et d'ouvriers qualifiés,
pour laquelle on observe une prolongation volontaire de cette transition pour
repousser les engagements familiaux et développer la sociabilité amicale. Enfin une
"Jeunesse en voie d'exclusion" qui connaît un allongement subi de cette phase de
transition, fait de galère, chômage, petits boulots, précarité...
La jeunesse est devenue la catégorie à insérer
Le chômage juvénile se stabilise malgré une multiplication des "mesures" et
une diminution importante du taux d'activité de cette catégorie d'âge. Le
fonctionnement du marché du travail reporte, plus que dans d'autres pays, la pénurie
d'emploi sur les moins de 25 ans. La plus importante des mutations dont rend compte
le chômage juvénile est la tendance croissante de la jeunesse à rester au seuil de la
vie active.
Cela résulte d'une modification des conditions d'insertion professionnelle des
jeunes. La part des jeunes actifs passe de 19% en 1970 à 12% en 1987. La part des
moins de 25 ans dans les recrutements passe de 14% en 1977 à 8% en 1987. Cela se
traduit par un développement des statuts précaires : seulement 56% de jeunes
"stables" en 1990.
Est-ce qu'on peut donner une définition de la jeunesse ? Pour Gérard Mauger2,
« la jeunesse, c'est la séquence biographique qui s'étend de la sortie de l'appareil
scolaire à l'entrée dans la vie active. Être jeune, c'est ne plus être à l'école et pas
encore marié. C'est donc le moment de l'insertion professionnelle et des "choix", de la
conquête de l'autonomie et des stratégies matrimoniales, le moment où "l'héritage"
(capital économique, scolaire culturel, social, corporel) est convoqué pour que tout se
joue et quand rien n'est encore joué ».
Cette définition nous amène à envisager la jeunesse comme le processus d'une
double transition : la transition professionnelle qui s'effectue de la sortie du système
scolaire à l'obtention d'un emploi et la transition familiale qui s'opère entre la famille
d'origine et la famille de procréation, selon les termes employés par Gérard Mauger.
Une autre jeunesse ?
Au sein de la jeunesse, il y a une jeunesse désignée spécifiquement : ce sont
les jeunes dits "immigrés". Pour ces derniers, l'enjeu d'un accès à l'emploi et la
création d'un foyer est double car il est le marqueur d'une insertion sociale et
professionnelle et d'une intégration à la société d'installation. Il semble que l'on soit
confronté à une véritable difficulté à décrire ce groupe social alors qu'il existe un
consensus sur sa désignation.
Doit-on les nommer jeunes d'origine étrangère, jeunes issus de l'immigration
ou jeunes de la deuxième génération ?
La première spécificité que l'on peut leur accorder réside dans le fait qu'au-delà
de la double transition qui s'opère durant la jeunesse, entre le monde de la formation
et le monde du travail et entre la famille d'origine et la nouvelle famille (de
procréation), les jeunes issus de l'immigration effectuent une troisième transition, qui
2
MAUGER G., Les définitions sociales de la jeunesse : discontinuités sociales et évolutions historiques les politiques d'intégration des jeunes issus de l'immigration, éd. CIEMI/L'Harmattan, Paris, 1989.
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se greffe sur les deux précédentes, entre la culture d'origine traditionnelle (dont de
nombreux travaux ont montré qu'elle était plus figée encore dans les familles en
situation d'émigration) et une nouvelle culture que l'on peut nommer "plus moderne".
Cette dernière transition est bien souvent génératrice d'une crise identitaire auprès de
cette partie de la population jeune, le refuge dans une identité religieuse étant parfois
la solution adoptée par certains.
Pour Brigitte Fichet3, le fait de les désigner différemment devrait signifier qu'il
existe une spécificité dans leur processus d'intégration et s'il n'y a pas de spécificité
dans leur processus d'intégration, alors pourquoi les distinguer ? Ne serait-on pas en
présence de ce que Erving Goffman4 nomme un processus de stigmatisation ?
La tentative de Brigitte Fichet de mettre en perspective à la fois l'unité et la
diversité de ce groupe social nommé particulièrement nous conduit à examiner les
différents registres d'une manifestation éventuelle de cette spécificité.
Premièrement, les catégories juridiques et statistiques (découpage opéré par
les économistes ou encore les sociologues) ont une réelle utilité analytique. Pour
autant, ces découpages ne correspondent pas à un découpage sociologique suivant les
contours d'un groupe réellement existant.
Deuxièmement, la nationalité et le lieu d'habitation sont des critères de
discrimination de la catégorie "personnes issues de l'immigration". Or ces critères sont
de moins en moins valables et conduisent à une absence de visibilité des populations
d’origine étrangère.
Donc, il semble qu'un certain nombre d'éléments (caractéristiques statistiques
communes, situations sociales semblables et distinction, par les conditions sociales et
économiques, d'autres ensembles de la population) nous permettent de définir une
entité analytique pour le groupe des jeunes issus de l'immigration. En aucun cas, ces
critères utiles à l'analyse ne permettent de définir l'existence d'un réel groupe social
qui impliquerait d'autres éléments (interrelations entre ses membres, la conscience
d'un "nous" différent et opposé à d'autres, la conscience d'intérêts communs,
l'existence de stratégies de groupe et des organisations collectives ou politiques
susceptibles de les porter).
Une forte assimilation culturelle et une faible intégration professionnelle
A cet égard, Didier Lapeyronnie5 a montré que les jeunes d'origine maghrébine
ont des difficultés à construire un mouvement social autonome car ils sont privés
d'une identité spécifique du fait de leur forte assimilation culturelle. Leur action
collective entamée en 1983 ne porte pas sur une identité ou une culture, elle ne fait
pas référence à un héritage, elle est plutôt fondée sur un ancrage territorial et
concerne essentiellement le monde de la "banlieue". Le point de vue d'Ali Rachedi en
1986 (alors vice-président de l'association Chabab à Nanterre), qui a été un des
acteurs de l'action collective des jeunes Maghrébins en France, souligne que « Les
jeunes viennent dans les associations car ils sont stigmatisés, mais il n'y a pas dans
les associations de revendications de type culturel, religieux ou identitaire ».
D'ailleurs W. Thomas et F. Znaniecki insistent bien sur le fait que « ce n'est pas
tant l'idée d'une origine commune qui détermine l'unité du groupe, que le groupe qui
invoque ses origines comme facteur d'unification lorsque celle-ci apparaît
problématique ».
3
FICHET B., "Peut-on parler d'une spécificité propre aux jeunes issus de l'immigration?", Les cahiers du
CEMRIC, n°2, 1993.
4
GOFFMAN E., Stigmate, les usages sociaux du handicap, éd. de Minuit, Paris, 1975.
5
LAPEYRONNIE D. et DUBET F., Les quartiers d'exil, éd. du Seuil, Paris, 1992.
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Pour François Dubet6, nous nous trouvons face à un processus paradoxal : à la
fois une forte assimilation culturelle et une faible intégration sociale due
essentiellement à la massification du chômage. Nous entendons par assimilation la
« distance culturelle (cette notion imprécise est à discuter et à approfondir) qui existe
entre les groupes migrants et les groupes de la société d'accueil avec lesquels ils sont
en relation ». La forte assimilation culturelle des jeunes immigrés se mesure par des
attitudes culturelles plus proches des attitudes des jeunes Français de souche que des
jeunes du pays d'origine. En effet, en France, les jeunes issus de l'immigration
maghrébine notamment sont souvent porteurs des phénomènes de modes provenant
des USA (tenues vestimentaires, musique...). Il semble que cette culture propre aux
jeunes issus de l'immigration est une culture d'opposition à la fois à la culture du pays
d'origine mais également à la culture adulte du pays d'accueil.
On peut d'ailleurs se poser la question de savoir s'il s'agit d'une véritable
assimilation culturelle au sens où l'entend François Dubet ou tout simplement une
phase de transition culturelle qui viendrait renforcer la période d'indétermination
(transition professionnelle et transition familiale) pour cette partie spécifique de la
jeunesse que représentent les jeunes issus de l'immigration maghrébine. Cette forte
assimilation des jeunes issus de l'immigration élève leur niveau d'aspiration sociale au
moment où les conditions économiques y sont très défavorables.
Le marché du travail n'a plus la capacité à intégrer sa propre classe ouvrière et
les jeunes d'origine immigrée entrent, pour une partie importante, dans des secteurs
économiques et sociaux de la société française les plus atteints par la crise.
J'émettrai donc l'hypothèse que c'est cette situation paradoxale entre une forte
assimilation culturelle et une faible intégration sociale et professionnelle qui crée le
stigmate. La définition du stigmate donnée par Erving Goffman est la suivante : c'est
« la situation de l'individu que quelque chose disqualifie et empêche d'être pleinement
accepté par la société ». Je préfère la notion de stigmatisation (qui renvoie à une
interaction entre deux individus) à celle de discrimination qui implique "le fait de
séparer un groupe social d'un autre en le traitant plus mal". On est bien ici dans une
relation individuelle employeur-demandeur d'emploi. D'ailleurs, ce quelque chose qui
disqualifie le jeune Africain, Maghrébin ou Asiatique est un stigmate "tribal" (comme
les nomme E. Goffman) lié à la couleur de sa peau, à son faciès. En l'absence de ce
signe distinctif, la stigmatisation est moindre. La représentation des jeunes d'origine
immigrée doit donc sa prégnance à la fonction qu'elle remplit de critère de stigmatisation. En ce sens, les jeunes issus de l'immigration sont devenus un objet de la
pensée sociale ou une population-cible et c'est en ce sens qu'on peut leur prêter une
seconde spécificité, au-delà de la spécificité transitionnelle culturelle.
ACCÈS A L’EMPLOI DES JEUNES ÉTRANGERS OU D’ORIGINE ÉTRANGÈRE
Face à une difficulté d'accès à l'emploi, les jeunes étrangers ou d'origine
étrangère manifestent-ils une éventuelle spécificité dans les stratégies qu'ils
adoptent ? Leurs conditions d'accès à l'emploi sont-elles spécifiques ?
L'attitude discriminante des entreprises comme obstacle à l'intégration des jeunes
d'origine étrangère
Un rapport de l'IGAS sur "les difficultés d'insertion sociale et professionnelle des
jeunes étrangers ou d'origine étrangère" a apporté les conclusions suivantes sur leurs
difficultés spécifiques.
6
DUBET F., "Quelques caractéristiques sociologiques des jeunes issus de l'immigration", Revue MigrantsFormation, n°86, Sept. 1991.
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Elles sont de cinq ordres :
- l'application en matière de titre de séjour ;
- l'attitude de certaines entreprises qui refusent l'embauche de jeunes étrangers ou
d'origine étrangère ;
- le comportement des jeunes eux-mêmes ;
- l'emprise de la famille sur les jeunes filles qui les empêche de sortir de la maison ;
- l'absence de maîtrise de la langue française pour les jeunes venus tardivement en
France dans le cadre du regroupement familial.
Les conclusions de ce rapport7 m'ont amené à m'interroger plus
particulièrement sur la relation entre d'une part le monde de l'entreprise et d'autre
part les jeunes étrangers ou d'origine étrangère en recherche d'emploi, voire de
stage.
La préférence pour un réseau d'accès informel
Dans leur mode d'accès à l'entreprise, les jeunes d'origine étrangère se
caractérisent par une sous-utilisation des solutions institutionnelles (dispositif, lieu
d'accueil, aide sociale) pour accéder à l'emploi.
Dans une étude conduite à Cergy-Pontoise sur l'accès à l'emploi des jeunes
d'origine étrangères8, Anne-Marie Fréaud écrit : « Les jeunes étrangers ou d'origine
étrangère disent avoir trouvé un emploi grâce à des amis, à la famille, à des voisins.
L'ANPE ou les missions locales n'ont quasiment pas été citées. Dans leur discours,
accéder à l'emploi, c'est l'affaire du réseau relationnel. Selon eux, il y a si peu de travail disponible qu'il n'est possible de compter que sur les personnes que l'on
connaît ».
Cet accès au marché du travail par le réseau relationnel correspond bien à une
réalité du fonctionnement du marché du travail comme l'a montré par ailleurs Claude
Dubar.
Une autre étude conduite à Roubaix, Tourcoing et Marseille par l'Observatoire
des mutations et des migrations internationales de la Région Nord Pas-de-Calais9
dresse un constat quelque peu différent et constate que « L'aggravation de la
situation de l'emploi pénalise les jeunes sans qualification, qui, ne pouvant plus
compter sur les filières informelles d'introduction au marché du travail (relations
familiales et personnelles), passent par les circuits officiels qui leur sont
défavorables ».
Ce constat m'amène à soulever plusieurs questions :
- Le fait de privilégier les "réseaux", correspond-il à une pratique qui serait spécifique
aux jeunes d'origine étrangère ?
- Est-elle liée à une intériorisation du phénomène de stigmatisation de la part des
jeunes ?
- Les jeunes dits "immigrés" ont-ils constaté l'inopérationnalité du "dispositif" face aux
problèmes de stigmatisation ?
Les jeunes étrangers ou d'origine étrangère privilégient toujours le réseau
proche (familial ou amical) et c'est la disparition progressive de ce dernier qui
constitue un véritable obstacle à leur intégration professionnelle. De nombreuses
études ont d'ailleurs montré une sélectivité de chacun des dispositifs mis en place en
direction des jeunes : sélection systématique en fonction du niveau de qualification en
7
LEMOINE M., "L’accès à l’emploi des jeunes étrangers", Revue Française des Affaires Sociales, n° hors
série, déc. 1992, pp. 173-180.
8
FRÉAUD A.-M., "L'insertion professionnelle et l'accès à l'emploi des jeunes d'origine étrangère à CergyPontoise", Migrations Études, janv. 1993.
9
OMINOR, "La situation au regard de l'insertion professionnelle et à l'accès à l'emploi des jeunes
d'origine étrangère à Roubaix, Tourcoing et Marseille", Migrations Études, n°38-39, 1993.
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privilégiant des jeunes qui ont un niveau de formation le plus élevé au détriment du
public prioritaire de la mesure mise en oeuvre.
Inopérationnalité du "dispositif" : position, rôle et comportement des institutions en
interface
Avec la disparition des possibilités d'accès à l'emploi par le réseau informel, le
rôle des agents intermédiaires (formateurs, correspondants, agents ANPE...) dans
l'interface entre les jeunes d'origine étrangère et les entreprises est accru.
Une relation biaisée des "agents intermédiaires" au jeune. Une série
d'entretiens"10 conduits avec des intervenants sociaux chargés de l'insertion professionnelle des jeunes nous a permis de dégager quelques réactions-types
concernant la question de pratiques stigmatisantes.
Face à ce phénomène de stigmatisation, on peut analyser la façon dont
réagissent les opérateurs chargés de favoriser leur intégration sociale et
professionnelle (accueillants PAIO, agents ANPE, formateurs...). En effet, bien souvent
ils peuvent anticiper sur telle ou telle réaction stigmatisante voire raciste de la part de
tel ou tel chef d'entreprise. Donc de ce point de vue, leur rôle est crucial si l'on veut
éviter une intériorisation trop forte de ce sentiment de stigmatisation chez les jeunes
d'origine immigrée.
Une stratégie d'évitement
Les intermédiaires, la plupart du temps, évitent d'aborder la question du
racisme et de la discrimination éventuelle que le jeune risque de rencontrer dans
l'entreprise. La question est occultée et nombre de formateurs avouent chercher
d'autres causalités à l'échec d'un jeune dans son accès à l'entreprise ; sont invoqués :
- la mauvaise présentation lors de l'entretien ;
- le faible niveau de qualification ;
- la morosité de la situation économique.
Un premier type de réaction, face aux pratiques discriminatoires de la part des
entreprises, consiste à protéger les jeunes gens. Par exemple, cette orientatrice de
PAIO qui connaît les entreprises qui ont ce genre de pratiques et évite d'y envoyer les
jeunes : « On laisse le jeune faire un petit peu sa démarche, de trouver son lieu de
stage lui-même mais si on voit que c'est un petit peu trop difficile et qu'il va essuyer
des affronts supplémentaires... là je crois que les formateurs sont assez vigilants pour
aider le jeune à franchir cette étape, toujours difficile et frustrante pour les jeunes ».
Malgré un constat quotidien de situations de stigmatisation
Certains acteurs font le constat quotidien de la discrimination de chefs
d'entreprise, comme cette directrice de PAIO qui nous raconte : « Je vais vous citer
un exemple, une jeune fille qui est partie en entreprise, qui est venue me voir pour
me dire qu'elle était très contente de son entreprise, que ça marchait bien et puis
j'étais un petit peu surprise de l'endroit où elle se trouvait en lui disant "tu n'as
vraiment pas de problèmes ?" et elle me dit non non, j'ai dit que j'étais espagnole...c'était une jeune maghrébine, algérienne mais je lui ai dit attention quand il va
voir tes papiers et que tu as menti, ça risque… "oh bien ça fait rien parce qu'il aura eu
le temps de m'apprécier alors il verra que ça fait rien..." ».
10
NOËL O., Représentations et stratégies d'intégration des jeunes de premiers niveaux de classification
du quartier de La Paillade à Montpellier, Mémoire de Maîtrise AES - Développement Social, sept. 1992.
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7
Dans ce premier type de stratégie, il y a une volonté d'occulter la question du
racisme. Les motivations des agents intermédiaires pour refuser de confronter un
jeune d'origine étrangère à une entreprise sont diverses :
- Volonté de protéger le jeune d'une discrimination ;
- Sentiment d'une inadaptation du jeune à la vie en entreprise ;
- Volonté de préserver un réseau d'entreprises (qui représente une source de
débouchés pour d'autres stagiaires).
Les diverses stratégies adoptées par les agents intermédiaires vont en fait
répondre à un double jugement sur la capacité d'accueil de l'entreprise et la capacité
d'un jeune à répondre aux exigences de la vie en entreprise.
Une stratégie de confrontation
Pour d'autres, la question de la stigmatisation est niée. Il n'y a pas de
traitement spécifique pour les jeunes étrangers ou d'origine étrangère. La difficulté
d'accès de cette partie de la jeunesse au monde du travail est liée avant tout à la
situation du marché de l'emploi. De plus les jeunes, par leur faible niveau scolaire,
sont inadaptés à ce marché, donc cette situation est jugée transitoire et le problème
d'accès à l'emploi passager.
Même si de nombreux acteurs de l'intégration refusent d'aborder ce sujet ou le
nient, il est évident que ce phénomène est assez fréquent. Pour cet agent de l'ANPE,
la stigmatisation des entreprises est inexistante car celles-ci privilégient la logique
économique par rapport à l'idéologie ; il refuse d'admettre l'existence de pratiques
discriminantes : « Le patron, ça ne lui pose pas de problème de savoir que le gars est
français ou arabe. Son problème, c'est de savoir si le jeune tient la route ou s'il ne
vaut pas un clou » et il ajoute : « je n'ai jamais vu de gens au niveau de l'employeur
qui aient vraiment un a priori qu'ils font passer avant l'intérêt de l'entreprise.
Exemple : si la fille est hyper compétente et qu'elle est pas chère... tiens ça peut
s'arranger, elle est arabe mais pas vraiment ! ».
Ce type d'attitude consiste à susciter la confrontation entre le jeune et le chef
d'entreprise, l'agent intermédiaire adopte ici la démarche du laisser-faire : « Il y a
parfois des entreprises où il y a de véritables problèmes raciaux, des entreprises qui
nous disent j'ai une équipe d'Espagnols, je ne veux pas d'Arabes. Moi, service public,
je lui envoie tout le monde mais je sais que je vais déplacer des gens pour rien. Je le
sais, mais que puis-je y faire ? ».
La position de ces intervenants consiste à penser que si le jeune est compétent,
capable d'accomplir efficacement sa tâche, son accès à l'entreprise ne pose plus de
problème. Dans ce cadre, la responsabilité est renvoyée totalement au jeune. Les
intervenants vont donc jouer sur les potentialités du jeune (sérieux, compétence,
séduction).
Une stratégie d'intervention juridique
Un dernier type de stratégie adoptée serait une attitude juridique ; c'est l'exemple
d'un formateur : « Un chef d'entreprise me dit l'autre jour "Ne m'envoyez pas
d'Arabes", qu'est-ce que je peux lui dire ? J'en profite pour lui dire que le délit raciste,
c'est 5000f d'amendes voire 6 mois de prison. En général, il révise son comportement
ou sinon il s'arrange avec la loi ».
Ce dernier type de stratégie qui consiste à positionner le problème de
discrimination vis-à-vis de la loi est rarement mis en oeuvre, car une volonté d'éviter
le conflit avec l'entreprise prédomine.
Pour conclure, face aux pratiques stigmatisantes d'une partie des entreprises,
on peut observer des comportements des acteurs de l'intégration sociale et
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Révéler les situations de stigmatisation
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professionnelle fort différents allant de la résignation à la réaction forte en passant par
l'indignation sans qu'il y ait pour autant concrétisation dans l'action.
Le dispositif d'insertion en situation de dépendance vis-à-vis du monde de l'entreprise : seule clef d'explication ?
Les intervenants sociaux sont dans une situation de dépendance vis-à-vis du
monde de l'entreprise. En effet, ce sont les entreprises qui maîtrisent l'offre de stages
d'alternance. Ainsi, même lorsqu'un employeur signifie clairement sa volonté de ne
pas recevoir de stagiaires de couleur (par exemple pas de "31", qui correspond au
code ANPE de la case étranger), les organismes de formation ont une stratégie de
préservation de leur réseau d'entreprises car une place de stage est toujours
précieuse. Il s’en suit plusieurs interrogations :
Les opérateurs intermédiaires indignés par ces attitudes et souhaitant les
dénoncer bénéficient-ils d'un appui institutionnel émanant de leur structure ? Les
organismes de formation et les structures d'accueil n'ont-ils pas à poser certaines
exigences éthiques dont ils pourraient faire état auprès des pouvoirs publics qui les
mandatent ? Cela ne conditionne-t-il pas la qualité de la formation des autres jeunes ?
Doivent-ils accepter que des jeunes "bon teint" soient envoyés dans des entreprises
ayant une pratique visiblement raciste et discriminatoire ?
Des problèmes de stigmatisation au moment de l'embauche
Le moment du recrutement est déterminant pour l'insertion socioprofessionnelle d'un jeune d'origine étrangère. Il apparaît que la stigmatisation se
joue essentiellement au moment du recrutement et le niveau de formation initiale ou
encore le manque d'expérience invoqués apparaissent bien souvent comme des
prétextes. L'exemple de cette jeune fille en témoigne : « Pendant l'année scolaire, je
voulais faire du baby-sitting pour avoir de l'argent. Par téléphone tout allait bien et
puis, quand je me présentais, on me disait n'importe quoi pour ne pas m'embaucher
parce que je suis noire. Pour le SIVP cela a été pareil. Dans le milieu de la restauration où je cherchais, quand je me présentais, il n'y avait rien pour moi. Et puis
quand mes amis blancs passaient juste derrière moi, ils étaient pris tout de suite ».
Il semble donc ici que le caractère identifiable (la couleur de peau) soit le
véritable stigmate, d'autres cas montrent que, pour des jeunes ne présentant pas de
caractéristiques ethniques identifiables, la progression de l'entretien de sélection s'est
poursuivie de façon satisfaisante jusqu'à la demande du nom patronymique où
l'entretien a basculé négativement. II est ici évident que les critères d'appartenances
apparents seront d'autant plus présents qu'il n'y aura pas d'autres critères de choix.
Tout travail précis sur la définition et les profils de poste, les compétences et
qualification du jeune tendront à mettre au second rang des critères relevant plus de
la subjectivité.
Peu de problèmes de stigmatisation identifiés pendant la période en entreprise
Lorsque l'obstacle du recrutement est passé, l'enquête conduite par le CIMERSS
(Centre interdisciplinaire méditerranéen de recherches en sciences sociales) en 1987 a
montré qu'une fois le stage ou l'emploi obtenu les choses se passent généralement
bien. Les cas d'exclusion ou de stigmatisation sont exceptionnels. Les seuls cas
identifiés sont venus le plus souvent de la volonté du patron d'éviter le contact avec la
clientèle, lorsque celui-ci était inclus dans la définition de poste.
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Révéler les situations de stigmatisation
9
Le constat a également été fait que dans l'hôtellerie et la restauration les
emplois proposés étaient le plus souvent des postes de cuisine, de plonge ou de
ménage en chambre. Les argumentations développées par le chef d'entreprise pour ne
pas embaucher un jeune étranger ou d'origine étrangère sont souvent liées au rapport
avec la clientèle. Il semble ici que l'entreprise stigmatisante invoque toujours une
contrainte extérieure pour justifier sa pratique.
ENJEUX ET RÉPONSES POSSIBLES DANS LA PRISE EN COMPTE
DES SITUATIONS DE STIGMATISATION
Les pratiques discriminantes des entreprises et les
représentations stéréotypées vis-à-vis des jeunes, en
particulier ceux d'origine étrangère.
Il y a une
interaction
permanente
entre
Le rôle des agents
intermédiaires: enseignants,
formateurs, orientateurs,
accueillants,
travailleurs sociaux...
Les comportements au sein de l'entreprise d'une partie
des jeunes (en particulier d'origine étrangère) et les
stéréotypes véhiculés sur le monde de l'entreprise.
Mon hypothèse centrale est que les agents intermédiaires, ne renvoyant pas
aux jeunes d'origine étrangère la réalité de la stigmatisation de certaines entreprises,
renforcent l'intériorisation du vécu de la stigmatisation.
LES RISQUES D’INTÉRIORISATION DES SITUATIONS DE STIGMATISATION
La rupture de lien d’une partie de la jeunesse avec la société française ? Un
refus de confrontation avec le monde de l’entreprise ?
L'occultation de la question de la stigmatisation dans les entreprises risque
d'entraîner auprès de certains jeunes un véritable refus, voire un prétexte, pour éviter
la confrontation avec le monde de l'entreprise, comme l'atteste l'exemple de ce jeune
Maghrébin intégré dans le champ social qui dit ne pas avoir tenté de démarches dans
le secteur privé par peur du racisme : « Je n'ai pas été confronté directement à ce
problème, mais d'avoir vu mes copains maghrébins se faire refuser par les
employeurs ne m'incite pas à tenter l'épreuve ».
L'intégration des jeunes issus de l'immigration dans la société française passe
par la reconnaissance de leur propre différence et son acception par eux-mêmes et
par les autres. Des travaux conduits en 1981 par Hanna Malewska-Peyre11 au Centre
Interdisciplinaire de Vaucresson (CRIV) ont permis de constater une meilleure
insertion sociale et un moindre degré de déviance sociale chez les jeunes qui ont
11
MALEWSKA-PEYRE H., L'expérience du racisme et de la xénophobie chez les jeunes immigrés. Crise
d'identité et déviance chez les jeunes immigrés, éd. CRIV, Vaucresson, 1981, pp. 53-64.
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gardé un lien avec leurs familles et les valeurs de la culture d'origine. Les pratiques
déviantes sont observées surtout chez des jeunes issus de l'immigration "sans
racines", c'est-à-dire méconnaissant et rejetant la culture de leurs parents, dévalorisant ainsi leur propre identité.
L'existence de pratiques stigmatisantes de la part de certaines entreprises
entraînent pour un certain nombre de jeunes un refus de confrontation avec le monde
de l'entreprise et les conduit à s'orienter soit vers un milieu plus "protégé" ou plus
favorable à leur intégration (action sociale, animation), soit à abandonner toute
recherche d'emploi.
L'attitude stigmatisante de certains chefs d'entreprise concourt à une crise
identitaire des jeunes issus de l'immigration. Ils sont confrontés à un dilemme entre
l'inscription dans la lignée culturelle de leurs parents (attachement à la religion
musulmane, plus culturel que politique qui constituerait une sorte de fidélité familiale
et serait porteur d'un certain conservatisme social) et les conditions de leur
intégration sociale et professionnelle (bien qu'aggravées par un surplus de
stigmatisation des entreprises, elles sont en de nombreux points semblables à celles
que connaissent les jeunes de souche française dans les milieux populaires : mêmes
types de trajectoires scolaires, mêmes difficultés d'entrée sur le marché du travail,
mêmes lieux de résidence).
Le rejet d'un traitement spécifique de la part des jeunes
Il est d'ailleurs intéressant de souligner que le traitement spécifique est souvent
rejeté par les jeunes d'origine étrangère qui expriment très souvent une volonté de
traitement égalitaire. Une éventuelle spécificité est rejetée par les jeunes qui « se
considèrent la plupart du temps comme Français à part entière et ne font que
rarement état des difficultés qu'ils auraient pu rencontrer du fait de leur origine
ethnique »12.
La question se pose alors de savoir si cela correspond à une volonté des jeunes
de minimiser les problèmes et de jouer ainsi coûte que coûte la carte de l'intégration,
ou bien apparaît comme le résultat d'une absence de problèmes rencontrés du fait de
la spécificité liée à l'origine ?
L'impérative nécessité de prendre en compte les situations de stigmatisation
Dans le cadre de l'apprentissage, la sélection au faciès est prégnante (la
responsable emploi d'une Mission locale a enregistré que, sur 31 offres
d'apprentissage, 21 d'entre elles spécifiaient vouloir un européen !). Cette situation
est préoccupante lorsque l'on sait que des choix politiques ont été faits pour favoriser
l'apprentissage au détriment des dispositifs publics. L'importance du problème doit
être prise en compte par les pouvoirs publics afin d'éviter un rejet définitif d'une partie
de la jeunesse déjà confrontée à des problèmes d'accès à l'emploi et qui doit de
surcroît faire face à des problèmes de stigmatisation. Ces différentes observations
témoignent d'une difficulté permanente spécifique aux jeunes d'origine immigrée :
l'origine étrangère constitue indéniablement un obstacle supplémentaire et augmente
la difficulté d'accès à l'emploi.
La loi contre le racisme date de 1972, Martine Aubry a introduit dans le Code du
travail un certain nombre de clauses anti-discriminatoires, mais il s'agit de situation
de discrimination directe dont il faut faire la preuve or, sans preuve, nombre de
procès se sont retournés contre les plaignants et ont été portés en diffamation.
12
CIMERSS, "Les jeunes étrangers et les mesures d'insertion sociale et professionnelle. Le cas des TUC et
des SIVP des Bouches du Rhône", Migrations Études, n°8, Fév. 1990.
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Autre fait à souligner, malgré l'introduction de clauses anti-discriminatoires
dans le Code du travail, les syndicats n'ont à ce jour pas modifié leurs statuts pour se
porter partie civile dans des situations de discrimination.
Reconnaître les situations de stigmatisation : un enjeu de citoyenneté
L'ensemble du système (les opérateurs intermédiaires, les employeurs, les
agents publics...) concourt à :
- euphémiser la question de la stigmatisation, en partie parce qu'elle repose sur un
rapport individuel;
-bloquer en organisant un discours sur la négation du racisme alors que des codes
implicites circulent : "pas de 31" (qui correspond au code personne étrangère au sein
de l'ANPE) signifie que l'on ne souhaite pas avoir une personne "de couleur";
- empêcher une reconnaissance du problème en le renvoyant à une série d'anecdotes
qui ne font pas sens et n'ont rien de structurel.
Si l'on revient à l'analyse de Goffman, « L'individu stigmatisé, privé de
l'information salutaire que pourraient lui renvoyer les rapports sociaux quotidiens,
l'isolé volontaire risque de s'enfoncer dans les soupçons, la dépression, l'agressivité,
l'angoisse et le désarroi... ». Il semble donc que le travailleur social, l'agent ANPE, le
correspondant de PAIO et de Mission Locale, ou le formateur aient un rôle
prépondérant à jouer afin d'éviter une intériorisation du phénomène de rejet. À un
moment où la citoyenneté est brandie comme un vecteur fort de l'intégration, il
semble difficile de contourner cette question. L'agent intermédiaire en occultant la
question de la stigmatisation au sein des entreprises ne rend plus le jeune titulaire de
sa propre intégration.
Enfin, la reconnaissance de ce phénomène passe par la réalisation d'études et
de recherches autour du vécu de celui qui est "stigmatisé", "racisé" en tant qu'individu
avant qu'il ne devienne "discriminé" en tant personne appartenant à un "groupe".
Olivier Noël
1996
Indications bibliographiques:
DE RUDDER V., "Le racisme dans les relations inter-ethniques", revue L'Homme et la Société,
État et société civile, n° 4, 1991, pp. 75-90.
DE RUDDER V., "La prévention du racisme dans l'entreprise en France. Les immigrés face à
l'emploi et la formation", Cahier du GREC, n°12, 1995, pp.31-38.
JOIN-LAMBERT T. et LEMOINE M., Enquête sur l'insertion des jeunes immigrés dans l'entreprise, éd. IGAS, janv. 1992.
LORREYTE B. et al., Les politiques d'intégration des jeunes issus de l'immigration, éd.
CIEMI/L'Harmattan, Paris, 1989, 411 p.
NOËL O., "Une catégorie à insérer : la jeunesse. Jeunesse et citoyenneté", revue Hommes et
Migrations, n°1196, mars 1996.
NOËL O., Citoyenneté(s) entre parenthèses pour jeunesse(s) en mal d'insertion, Mémoire de
DEA en Science politique "État et Politiques publiques", Université Montpellier I, sept. 1995.
PAPADOPOULO D., "La situation au regard de l'insertion professionnelle et à l'accès à l'emploi
des jeunes d'origine étrangère à la cité des Indes de Sartrouville", revue Migrations Études,
n°38-39, 1993
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