CAS CLINIQUE
Figure 1.
Tumeur hypodermique
surmontée d’un épiderme
et d’un derme normaux
(hématéine-éosine-
safran, x 50).
Figure 3.
Les cellules ont des noyaux ronds
renfermant une chromatine fine,
avec de petits nucléoles,
et nombre d’entre elles
sont écrasées.
Il y a de nombreuses mitoses
(flèche) et images d’apoptose
(pointe de flèche)
[hématéine-éosine-safran, x 400].
Figure 2.
La tumeur est constituée
d’une prolifération dense
de cellules rondes peu
différenciées envahissant
l’hypoderme (hématéine-
éosine-safran, x 100).
104 | La Lettre du Cancérologue Vol. XVIII - n° 2 - février 2009
À propos d’une tumeur cutanée
maligne à cellules rondes1
Round cell malignant tumor arising in the skin
N. Ortonne*
U
ne patiente âgée de 63 ans avec pour antécédent un
cancer du sein gauche traité par tumorectomie, curage
axillaire et radiothérapie consulte pour un nodule sous-
cutané localisé sur la face externe de la jambe et droite, mesu-
rant 2 centimètres de grand axe et évoluant depuis plusieurs
semaines.
Examen
Lexamen clinique est normal et ne retrouve pas d’autre lésion.
Une biopsie cutanée profonde, chirurgicale, est réalisée. Elle
montre sous un épiderme et un derme normaux (figure 1), une
tumeur occupant l’hypoderme, constituée d’une prolifération
diffuse de cellules rondes (figure 2). Les cellules tumorales
ont un noyau rond renfermant une chromatine fine et un cyto-
plasme peu abondant aux limites floues (figure 3). On note
des artéfacts d’écrasement cellulaire, des mitoses (figure 3,
flèche) et des figures d’apoptose (figure 3, pointe de flèche).
L’aspect histologique est donc celui d’une tumeur maligne à
cellules rondes. Un tel aspect histologique soulève plusieurs
hypothèses diagnostiques, avec, en première intention, celles
d’un mélanome à petites cellules, et de la localisation cutanée
primitive ou secondaire d’une hémopathie lymphoïde ou
myéloïde (en particulier une hématodermie CD4+-CD56+),
d’un carcinome (en particulier d’un carcinome de Merkel) ou
d’un sarcome (notamment une tumeur neuroectodermique ou
sarcome d’Ewing extra squelettique). La négativité des marqueurs
mélanocytaires (PS100 et melan-A) et de l’antigène panleuco-
cytaire (CD45) [figure 4] permet d’éliminer les deux premières
hypothèses, respectivement. En revanche, la positivité forte du
marquage des cytokératines (figure 5) permet de classer cette
1 © Images en Dermatologie 2008;I(1):6-7.
* Département de pathologie, groupe hospitalier Henri-Mondor-Albert-Chenevier,
Créteil).
Mots-clés
Tumeur de Merkel - Carcinome neuroendocrine cutané primitif - Tumeur à cellules rondes
Keywords
Primitive cutaneous neuroendocrine carcinoma - Merkel cell carcinoma
Tumeur maligne à cellules rondes
CAS CLINIQUE
La Lettre du Cancérologue Vol. XVIII - n° 2 - février 2009 | 105
tumeur dans le groupe des carcinomes. L’expression particulière
des cytokératines, sous la forme d’un amas paranucléaire, et la
positivité des marqueurs neuroendocrines, comme la synapto-
physine (figure 6), la chromogranine et le CD56, permettent
de porter le diagnostic de localisation cutanée d’un carcinome
neuroendocrine, faisant discuter alors une forme primitive
(carcinome de Merkel) ou une métastase (notamment d’origine
pulmonaire, en rapport avec un carcinome à petites cellules).
Ces résultats éliminent par ailleurs un carcinome basocellulaire
ou spinocellulaire ou annexiel indifférencié. Enfin, la positivité
nette de la cytokératine 20 (figure 7) ainsi que la négativité de
la cytokératine 7 (figure 8) et du facteur de transcription TTF-1
caractérisent un carcinome neuroendocrine cutané primitif, ou
carcinome de Merkel.
Discussion
Les carcinomes neuroendocrines cutanés sont des tumeurs rares
de l’adulte et du sujet âgé qui se développent en zone exposée,
notamment sur les membres, la tête et le cou. On considère que ces
tumeurs dérivent des cellules de Merkel, justifiant la dénomination
souvent utilisée de carcinomes à cellules de Merkel. Les carci-
nomes neuroendocrines cutanés sont parfois appelés carcinomes
à petites cellules cutanés primitifs en raison de leur ressemblance
avec les carcinomes à petites cellules du poumon, qui partagent
leur différenciation neuroendocrine. L’aspect histologique, qui est
celui d’une tumeur à cellules rondes, de localisation généralement
dermique, permet de faire le diagnostic, qui doit être confirmé par
les marqueurs immuno histochimiques. Ces derniers permettent
notamment de faire le diagnostic différentiel avec toutes les autres
tumeurs malignes à cellules rondes qui peuvent se développer
primitivement ou secondairement dans la peau.
Récemment, un nouveau virus appartenant à la famille des poly-
omavirus humains a été découvert dans le carcinome de Merkel
et baptisé
MCV
pour
Merkel carcinoma virus
. Les auteurs ont
utilisé une technique d’hybridation soustractive à partir de trans-
criptomes obtenus d’un carcinome de Merkel et de la peau saine
chez un même malade. La recherche de séquences virales était
positive dans 8 des 10 carcinomes de Merkel étudiés alors qu’elle
n’était positive que dans moins de 10% des tumeurs contrôles. Les
explorations moléculaires ont par la suite démontré l’intégration
du génome viral au génome cellulaire suggérant que l’infection ait
précédé l’expansion tumorale. Il est certain que cette découverte
qui apporte un nouveau regard sur la physiopathologie de cette
tumeur rare qui survient parfois dans les situations d’immuno-
dépression (transplantation notamment) doit être confirmée par
des études complémentaires.
Pour en savoir plus...
Feng H, Shuda M, Chang Y, Moore PS. Clonal integration of a polyomavirus in
human Merkel cell carcinoma. Science 2008; online.
Marqueurs neuroendocrines + :
synaptophysine (représenté en figure 6),
chromogranine et CD56
Figure 6.
Le marqueur de différenciation
neuroendocrine synaptophysine
est positif dans la majorité
des cellules de la tumeur
(immunohistochimie, x 200).
Carcinome neuroendocrine
Cytokératine 7 –
TTF-1 –
Figure 7.
La cytokératine 7
n’est pas exprimée
(immunohistochimie, x 400).
Cytokératine 20 +
Figure 8.
La cytokératine 20
est fortement exprimée
par les cellules tumorales
(immuno histochimie, x 200)
Carcinome
neuroendocrine cutané
primitif
(tumeur de Merkel)
Cytokératines +
Figure 5.
L’immunomarquage
des cytokératines
est nettement positif, avec une
expression particulière, sous la
forme d’un amas paranucléaire
(immunohistochimie, x 400).
CD45 –
PS100 –
Figure 4.
L’immunomarquage de
l’antigène commun leucocytaire
(CD45) est négatif, ne montrant
que quelques lymphocytes
intratumoraux dispersés
(immunohistochimie, x 200).
Tumeur maligne
épithéliale (carcinome)
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