[Analyse] Qualité Avec son projet filières de soins, l'Anap entend fluidifier les prises en charge complexes Publié le 23/04/15 - HOSPIMEDIA Le fait Depuis plus d'un an, l'Anap expérimente sur trois territoires son projet filières de soins. Face à la complexité croissante des prises en charge, il a pour objectifs d'identifier les dysfonctionnements et mettre en place des dispositifs d'accompagnement. L'un des trois volets du projet concerne la fluidification du parcours des personnes âgées. L'analyse Lancé début 2014, le projet filières de soins de l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) vise à un meilleur accompagnement des patients dans une logique de parcours, et cela grâce à un appui des acteurs en place. L'agence a retenu trois territoires pour une première expérimentation : Strasbourg (Bas-Rhin), le nord Essonne et la ville de Pontoise (Val-d'Oise). En mars dernier, l'Anap a lancé un appel à projets pour développer, en 2015, de nouvelles expérimentations. La réunion de lancement a eu lieu le 21 avril pour les territoires de Chambéry (Savoie), Marseille (Bouches-du-Rhône), Yvelines sud, Oise ouest et Pays Charolais-Brionnais (Saône-et-Loire). Améliorer la prise en charge des personnes âgées Après une phase d'objectivation des prises en charge — afin de déterminer les filières à accompagner —, les possibilités à agir sur chaque territoire ont été identifiées. En Île-de-France comme en Alsace, "trois segments de prise en charge ont été retenus, que sont l'amélioration de la fluidification autour de l'accident vasculaire cérébral (AVC), des pathologies coronariennes et des personnes âgées", explique Jacques-Henri Veyron, chef de projet à l'Anap. Sur le volet personnes âgées, afin d'identifier les outils à développer, un questionnaire a été soumis à environ 1 500 personnes et près de 450 réponses ont été collectées. "En février et mars 2014 nous avons organisé des séminaires de restitution des grands enseignements, sur lesquels nous avons basé les consensus de territoire, ajoute le chef de projet. Concernant les outils à mettre en place, nous avons retrouvé des éléments que nous connaissons bien : l'échange d'informations systématique, les systèmes d'information partagés ou encore le travail sur le repérage des signes précoces de la fragilité." Par la suite, l'Anap a proposé aux acteurs des territoires de les accompagner pendant un an pour développer les outils identifiés comme nécessaires. Une gouvernance spécifique a alors été installée, comprenant un comité de pilotage stratégique, un comité de pilotage opérationnel et des groupes de travail composés d'acteurs du terrain. Une plateforme pour un accès rapide aux informations Parmi les dispositifs développés, deux se retrouvent sur le nord Essonne et à Pontoise. Le premier consiste en un référentiel commun et un échange d'informations systématique. L'objectif est alors de permettre un accès rapide aux informations, en cas d'hospitalisation en urgence ou bien lors d'une sortie programmée. "Il s'agit de proposer à l'ensemble des acteurs concernés un référentiel composé de 58 champs qui détaillent la prise en charge de la personne : qui est le médecin traitant, est-ce qu'il y a un service d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad) ou encore un centre communal d'action sociale (CCAS)", détaille JacquesHenri Veyron. Pour chacun des acteurs, les coordonnées doivent être renseignées. "Ensuite, la plateforme est alimentée via les remontées d'informations, avec le consentement du patient, poursuit-il. Sont également intégrées les données des logiciels métiers des différents professionnels." Environ 3 500 patients sont aujourd'hui concernés par ce dispositif. "Il est opérationnel au sens où il reçoit les informations d'une petite dizaine de structures et plus de 80 accès sécurisés sont créés pour les acteurs des territoires." Le deuxième dispositif commun aux deux territoires franciliens, lancé en septembre, a pour objectif d'identifier, qualifier, puis suivre les personnes dites en fragilité. Beaucoup de grilles existent pour définir cet état et l'outil n'en crée pas une nouvelle. Il s'appuie au contraire sur les travaux de la Haute Autorité de santé (HAS). Le dispositif comprend une plateforme de déclaration et d'orientation vers un pilote de la prise en charge. "C'est une nouveauté, signale Jacques-Henri Veyron. Il existe un grand nombre de pilotes qui peuvent être responsables de la coordination." Médecin traitant, centre local d'information et de coordination (Clic), Maia*, pharmacien, équipe médico-sociale du département sont autant d'acteurs qui peuvent être sollicités pour réaliser un plan d'action. "L'outil permet dans un premier temps d'identifier vers qui se tourner en fonction des cas. Les patients sont qualifiés par une dizaine de critères, tels que le déclin cognitif, le nombre de médicaments ou le nombre d'hospitalisations dans les dix derniers mois." Trois pilotes pour trois situations Trois cas de figure sont alors possibles. Si la prise en charge doit être plutôt médicale, elle sera pilotée par le médecin traitant, qui devra réaliser un plan personnalisé de soins. Deuxième possibilité, l'accompagnement doit avoir un caractère social. Alors, le CCAS ou le Clic sera mobilisé pour la mise en place d'un plan coordonné. Enfin, le gestionnaire de cas complexe de la Maia peut réaliser un projet de suivi individualisé. "Nous avons voulu créer un outil très simple, qui peut être utilisé par tous les professionnels du territoire, ajoute Jacques-Henri Veyron. Il va directement, en fonction de la qualification réalisée en quelques secondes, faire une proposition d'orientation. Le professionnel concerné choisit ensuite de la valider ou non." Le deuxième objectif de ce dispositif est le suivi des personnes fragiles, grâce à l'implication des services d'aide à domicile. Grâce à un smartphone, ils peuvent renseigner des éléments sur la personne âgée, afin d'anticiper une situation de risque d'hospitalisation en urgence ou bien de réhospitalisation. Là encore, le repérage ne doit prendre que quelques minutes et est basé sur des constatations simples : la personne âgée ne reconnaît pas l'intervenant à domicile, elle a perdu l'appétit ou paraît triste, ou bien au contraire elle se sent mieux. "L'arrivée de nouveaux expérimentateurs devrait permettre d'obtenir des résultats plus robustes." La dernière étape du projet filières de soins de l'Anap va être l'analyse médico-économique, dont les résultats sont attendus à l'automne. Trois critères vont présider à cette évaluation : la qualité de la prise en charge, les conditions de travail des professionnels et l'efficience économique. "Les premiers éléments sont relativement positifs, c'est pourquoi nous allons le déployer sur d'autres territoires, affirme le chef de projet. L'arrivée de nouveaux expérimentateurs devrait alors permettre d'obtenir des résultats plus robustes." En Essonne, l'HPGM veut poursuivre le dispositif Sur le territoire nord Essonne, la démarche filières de soins est tournée sur le volet personnes âgées. L'hôpital privé gériatrique des Magnolias (HPGM) s'est associé au projet dès son commencement. L'HPGM dispose d'une "filière gériatrique quasi complète sur les champs sanitaire et médico-social, rappelle Isabelle Burkhard, la directrice générale de l'établissement. Nous avons une vision de l'hôpital hors les murs et cette expérimentation avec l'Anap était pour nous une opportunité de progresser sur ce sujet." "Quelques mois après le début du projet, nous constatons une dynamique d'ensemble avec les partenaires qui porte ses fruits", indique Michelle Clerget, responsable du pôle coordination et parcours patient à l'HPGM. Isabelle Burkhard également dresse un premier bilan positif. "L'une des caractéristiques de l'organisation actuelle de la prise en charge des personnes âgées est qu'il y a beaucoup de dispositifs, d'intervenants et de cloisonnements. Avec ce projet, on voit bien comment il est possible d'articuler tous ces éléments. Une organisation qui paraît un peu conceptuelle et théorique prend alors un sens de manière opérationnelle". Second point positif pour la directrice générale, l'utilisation de nouvelles technologies : "C'est une vraie expérience sur laquelle nous allons pouvoir capitaliser." L'HPGM ne bénéficie pour cette expérimentation d'aucun financement extérieur. Elle a créé pour la mettre en œuvre un poste de chargé de mission. L'établissement souhaite, au terme des douze mois d'accompagnement de l'Anap, asseoir cette organisation en filière. "Il va falloir continuer à convaincre les partenaires extérieurs, institutionnels mais aussi libéraux de poursuivre dans cette voie", affirme la directrice de l'établissement. Cécile Rabeux Ecrire à l'auteur