LA SUPERVISION
Jacques GUDIN
« Boiter n'est pas pêcher »
Lucien Israël +
Préambule à la supervision
La supervision est considérée comme un impératif à la fois éthique et professionnel, par tous
les organismes de psychothérapie ou de psychanalyse. Mais ce n'est que depuis les années
1980 qu’elle est reconnue en tant que pratique spécifique et distincte de la psychothérapie.
la supervision constitue le pré requis pour la reconnaissance et la qualification du
professionnel, pour leur enregistrement ou leur accréditation, pour la poursuite de leur
pratique, ainsi que pour découvrir son identité professionnelle qui se construit selon un
processus de confrontations et de remise en cause, d'ouverture à l'autre et à soi, pour sa
propre protection et la protection du client/patient.
La supervision c'est quoi ?
Un professionnel de la thérapie est constamment en contact avec le mal être, la souffrance,
l’angoisse, la mort, à tel point que nous en sommes imprégnés. Le supervisé comme tout un
chacun est confronté aux limites de ses connaissances intellectuelles, expérientielles et
techniques.
La supervision est une activité qui a pour finalité de permettre au supervisé d’apprendre et
se former à la pratique professionnelle. C’est un lieu de réflexion et un espace d’aide.
Les différents registres de la connaissance « savoir » « savoir faire » « savoir être »
« savoir devenir », sont convoqués dans l’exercice de son métier et sont donc interrogées
dans celui de la supervision.
Pour cette vision en recul, l’aide d’un collègue plus expérimenté, ayant l’expérience des
mécanismes de projections transférentiels est indispensable et d’une aide précieuse. Le
supervisé apprend à entendre quelles sont ses limites, « mais aussi ses richesses », c’est
une acceptation de se remettre en question dans sa pratique. Elle vise tout autant la
protection du thérapeute que du patient. Ainsi la supervision est un espace qui permet de
déposer ses difficultés de lâcher ses tensions et reprendre des forces.
Alors que la formation en psychothérapie ou psychanalyse part de la théorie pour aller
vers la pratique, la supervision part de la pratique vers l'intégration de la théorie.
Espace d'aide qui part d'un professionnel plus expérimenté vers un professionnel moins
expérimenté sont les conditions incontournables d'une bonne pratique de la psychothérapie
et l'ancrage dans le développement professionnel.
+ Lucien Israël, est un médecin psychanalyste. (Boiter n’est pas pécher, Denoël, 1989)
La supervision est un lieu dans lequel le psychothérapeute ou le psychanalyste réfléchit sur
sa pratique, s'interroge sur la relation thérapeutique, analyse son contre-transfert en prenant
du recul. La supervision et un temps que le collègue prend pour lui-même, temps de parole,
de partage, de réflexion et d'approfondissement.
Le fait que le praticien supervisé parle de ses patients devant un collègue, le superviseur qui
lui, ne le connaît pas, provoque un dynamisme tout à fait particulier avec des jeux de
distance et de proximité qui permet à la relation thérapeutique de s'éclairer. Cela se lie, ce
délie, s’alchimise, et donne du sens.
La supervision est un cadre qui passe par le rapport à l'argent, qui offre une régularité, un
lieu garant de la loi et de l'éthique. Espace dans lequel se développeront des liens entre le
supervisé et le superviseur, creuset se vit le transfert et le contre-transfert, mais cette
fois-ci au service de la pratique professionnelle et non de la thérapie personnelle.
Dans la supervision individuelle, il y a passage à un système triadique. Le superviseur, le
supervisé, chacun étant en relation avec une troisième personne le consultant/patient. Le
travail de supervision va modifier la communication intrapsychique et les intérêts relationnels
de chacun des membres de la triade.
La supervision est aussi un lieu de transmission pour le superviseur, un espace
d'apprentissage pour le supervisé et le superviseur chacun est acteur et observateur
d'une expérience mutuelle de transformation enrichissante.
La supervision qui consiste à l'analyse de la relation entre le praticien et le patient peut
amener à une reprise d'un travail sur soi. Pour le praticien qui poursuit un travail
thérapeutique et qui est en supervision dans un autre lieu, il est simple, lorsqu'émerge une
problématique de nommer celle-ci et de l'inviter à continuer à travailler dans son lieu
thérapeutique. Mais la difficulté pour le superviseur sera de tenir le cadre : s'arrête la
supervision et ou commence la psychothérapie ?
Pour le praticien qui ne serait pas en psychothérapie par ailleurs, c'est plus difficile encore,
car quand il entre en résonance avec son passé, se confronte à ses peurs, ses blocages, ou
ses patterns répétitif, aura-t-il la capacité d'élaborer, de passer par la prise de conscience et
d'intégrer?
Dans certaines écoles de psychothérapie ou de psychanalyse, une congruence est possible
entre les deux dans la supervision. Une complémentarité entre la thérapie et la supervision
est possible, des problématiques personnelles vont se présenter et des prises de conscience
peuvent apparaître.
Plus le psychothérapeute/analyste progresse, atteint un niveau d'être, se sais à sa juste
place, connaissant ses richesses et ses limites, plus ses patients auront la possibili
d'accoucher deux même. La limite n'est pas seulement sur le divan mais aussi sur le
fauteuil. On ne peut pas accompagner quelqu'un sur le chemin plus loin que l'endroit l'on
est parvenu soi-même.
La supervision est un garde-fou contre l'inflation et la toute-puissance.
Le psychothérapeute est investi d'une valeur qui lui donne du pouvoir. Que fait-il de ce
pouvoir? La conscience de ce pouvoir sera-t-elle mise au service de l'autre ou non ? La
question est d’autant plus brulante et vive l’inflation en devenant connu et sollicité.
Notre instrument de travail est notre propre personne, comment la maintenir en bonne santé
physique, psychique, spirituelle ? La supervision est une manière mais évidemment pas la
seule de contribuer à l'hygiène mentale du psychothérapeute.
Y a-t-il une fin à la supervision ?
S'il est évident que pour le débutant la supervision est nécessaire, l’est-elle pour le
thérapeute confirmé, pour le praticien senior ? La profession répond par l'affirmative, mais
pas sous la même forme, ni au même rythme. C'est qu'intervient la liberté, la créativité du
praticien, comment trouver un espace individuel ou collectif qui le dynamisera ? Cela fait
partie de la quête du prendre soin de soi-même.
Les objectifs de la supervision
- La supervision est un lieu de cadrage, de parole, de réflexion, qui a pour objectif :
-parler des patients et de leur processus
-suivre un cas sur une certaine durée
-analyser la relation thérapeutique et les dynamiques transférentielles (qu'est-ce qui
se joue en ce moment en moi et qui réagit face aux patient) supervision dite didactique.
-débloquer les situations qui échappent
-accueillir les résonances et les utiliser de façon thérapeutique
-reprendre le travaille sur des notions de base comme : le premier entretien; le cadre;
la demande; la confiance; l'alliance thérapeutique; la sécurité; l'engagement; la patience; la
flexibili; les dyades consciente-inconscient ; distance-proximité ; ouverture-enracinement ;
écoute-intervention
-s'autoriser à s'enraciner dans ses bases personnelles et professionnelles, trouver
son propre style.
-Approfondir ses connaissances théoriques (lieu de transmission)
-se questionner sur l'éthique
-analyser la fin de la relation thérapeutique et faire le deuil de l'analyse.
-réfléchir sur la profession, les différents courants
Les modalités
Il est conseillé au praticien sortant d'une école de formation de choisir un superviseur dans la
même méthode d'appartenance. Pourquoi ? Les débuts sont difficiles, il est rassurant d'avoir
le même langage, cela permet de faire des liens entre la théorie et la pratique. Mais la
supervision n'est pas une fixation, une routine sécurisante, elle est évolution, dynamisme,
croissance et approfondissement de la pratique. Elle prendra donc des formes diverses,
permettra de nouvelles rencontres et l'ouverture à de nouveaux langages afin d'éviter
l'endogamie (Son propre groupe son propre clan).
-Les différentes associations professionnelles demandent toutes un certain nombre d'heures
de supervisions. (Voir la position de L'EREL et de L'ADREL)
-le rythme de la supervision individuelle et choisie d'un commun accord entre le superviseur
et le supervisé la fréquence pouvant aller d'une heure par semaine à 1:00 par mois. (Voir la
position de L'EREL et de L'ADREL)
La supervision de groupe, réuni de deux à huit collègues pour une durée allant de 3:00 à la
journée de travail. À un rythme bimensuel, mensuel, ou tous les deux mois.
La régularité et structurante, une séance ou un groupe auquel on ne vient pas est due.
Le supervisé peut demander une facture et la passer dans ses frais professionnels.
Renforcement de son être créateur.
Il est bon de ne pas oublier qu'à longueur d'année nous côtoyons le mal-être, la souffrance,
l'angoisse, la pulsion de mort, et malgré-nous nous en sommes imbibés. La supervision
permet de lâcher, déposer, faire circuler ses énergies. Il est intéressant de remarquer que,
dans un groupe de supervision ou une personne ne parle pas faute de temps, ou parce que
ce n'est pas son jour, elle sera pourtant mieux qu'à son arrivée. Il s'est donc passé un
mouvement en elle, à un niveau inconscient à travers l'écoute de la parole des autres, dans
l’espace de la dynamique du groupe.
En individuel et en groupe.
Il y a plusieurs formes de supervision, en individuel et en groupe. Les deux sont possibles
pour un même supervisé, ceux qui préfèrent la supervision en groupe recherchent un niveau
collégial, une rencontre avec les pairs, et le sentiment d'appartenance à une profession.
Dans un groupe se partagent les difficultés, on y rencontre des problématiques apportées
par d'autres et la façon dont un praticien peut y faire face. Le groupe permet de se
reconnaître entre pairs, de créer une famille d'appartenance, de progresser ensemble, de
s'adresser des patients les uns les autres parce que les participants ont appris à se
connaître, et à se faire confiance, à connaître les bases et les limites de chacun, il se dégage
une notion de solidarité.
La supervision individuelle est un lieu protégé, un lieu de soutien, un lieu on peut
s'enraciner dans la pratique ou le superviseur pourra éclairer le contre-transfert et ainsi peu à
peu le supervisé pourra prendre confiance en lui-même. Le positionnement du superviseur
par rapport au supervisé est alors déterminant c'est une responsabilité et un engagement.
Il arrive également le passage de la supervision de groupe vers l'individuelle, notamment
lorsque les cas cliniques se diversifient. Les deux formes de supervision en même temps
peuvent créer une expérience de complémentarité. Il m'est par exemple arrivé d'approfondir
en supervision individuelle une cure de REL, ce que l'on ne pouvait pas faire en supervision
de groupe.
La supervision comme formation professionnelle continue.
La supervision est un processus de transmission et d'apprentissage, celui d'acquis des
connaissances et de la flexibilité nécessaire pour travailler comme analyste ou thérapeute.
Développer sa propre présence, un savoir être dans l'accueil et l'écoute, un savoir-faire
fondé sur la pratique et les techniques/méthodes, à savoir agir au juste moment, à savoir
être en relation avec son contre-transfert, sa résonance, sont la des objectifs de la
supervision.
On peut concevoir différents niveaux d'écoute et d'intervention qui allient la fonction
maternelle et la fonction paternelle. D'une part aider le collègue a démarrer, le soutenir,
parfois le rassurer, lui remonter le moral, lui redonner confiance ce qui relève de la mère
symbolique. D'autre part le reconnaître, le questionner, trancher, exiger, cadrer, analyser,
poser la loi ce qui relève du père symbolique. Une difficulté pour le superviseur est de ne
pas imposer ses croyances, son système de valeurs. Or souvent, voir inconsciemment nos
collègues nous pousse à le faire en termes de : est-ce que j'ai bien fait ?, Est-ce que j'ai mal
fait?. Comment sortir de ce questionnement et renvoyer le collègue à l'analyse de son
contre-transfert, au positionnement juste par rapport à son patient. Le collègue a-t-il
conscience de ses croyances et système de valeurs, ainsi que du comment il respecte il
questionne ceux du patient ? On pourra aussi aider le collègue à débusquer les contre-
transferts sociaux et culturels, les comportements sociaux propres au groupe
d'appartenances, pour l'ouvrir et s'ouvrir avec lui à une vision du monde plus altruiste et
accueillante. (Exemple : la posture masculine ou féminine, le rôle de la mère ou du père
dans d'autres cultures, dont on évitera de projeter la vision occidentale, pour s'ouvrir à
d'autres visions du monde).
La responsabilité (Porteur du sens)
Lorsqu’un collègue arrive en difficulté face à un patient, ayant fait une erreur technique ou
éthique, le superviseur s'interroge aussi. Parfois il y a des urgences face à des situations
dramatiques. Comment aider le psychothérapeute à faire face ? Il nous est demandé en tant
que superviseur, d'avoir un certain bon sens. La responsabilité est de même partagée,
comment et quand le collègue va-t-il trouver en lui la base sur laquelle il appuiera sa pratique
? Est-il honnêtement passé par l'épreuve de lui-même, peut-il dialoguer avec son ombre,
peut-il recevoir le transfert aussi bien positif que négatif, a-t-il assez travaillé sur sa
motivation de devenir thérapeute ?
Comment réagissons-nous quand un supervisé n'est pas à sa juste place, qu'il commet un
manquement éthique ou bien qu'il tombe dans la routine ? Notre place n'est-elle pas d'aider
l'autre à progresser ? Cette fonction est délicate comment être exigeant et humain à la fois ?
La fonction symbolique du superviseur peut en l'occurrence recouvrir la responsabilité du
grand-père ; le père (le praticien), et l'enfant (le patient). Il y a donc des fonctions
symboliques différentes. Le grand-père ou la grande mère représente le lien avec la société,
les anciens, en termes de filiation. Le superviseur peut aussi être considéré comme un frère
ou une sœur aînée ; le superviseur est donc porteur du sens ; il interroge le supervisé sur
le sens de pratiquer ce métier, sur le prix à payer, sur les bénéfices psychiques qu'il retire
etc.. C'est avant tout la distance qui permet au superviseur de questionner le collègue, il en
ressort des visions différentes qui peuvent s'enrichir les unes, les autres.
Faire et Etre
Le praticien débutant arrive parfois en supervision avec des questions telles que : « qu'est-ce
que je dois faire ? » La peur du mal faire, la peur du silence, la peur du vide, sa difficulté à
suivre le processus décrivant une séance puis une autre. Le superviseur est souvent amené
alors à le faire travailler sur :
- L'accueil du patient, l'empathie
- La qualité de son écoute
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