Deux partenaires de la relation de santé sont particulièrement concernés: les patients et les
médecins. Les sentiments des premiers ont été sondés en 2008 par le Centre d’évaluation des
choix technologiques, au moyen de groupes de discussion. Ils saluent la possibilité d’accéder à
une meilleure maîtrise de leur dossier médical et voient dans le dossier électronique une
innovation adaptée à leurs pratiques – mobilité accrue qui les conduit à changer souvent de
médecin, usage toujours plus important d’Internet pour leurs achats et leurs opérations
bancaires. Les problèmes de sécurité, estiment-ils, ne devraient pas être plus insolubles que pour
les banques – avec un intérêt potentiel nettement moins important de la part d’éventuels
hackers.
Cela n’implique toutefois pas une mise à l’écart du médecin. Ce dernier reste indispensable,
selon les personnes interrogées, pour expliquer les informations consignées dans le dossier, pour
annoncer les résultats d’examens – surtout s’ils sont mauvais – et bien sûr pour discuter du
traitement.
Les réticences sont nettement plus marquées du côté des praticiens. Moins d’un sur dix, estime-
t-on, utilise un dossier électronique. Les autres devront changer non seulement leurs habitudes
en matière de communication mais leur façon de prendre des notes. On n’écrit pas la même
chose en travers d’une feuille de papier et sur un fichier Word. Et physiquement, on n’a pas le
même rapport avec son patient lorsqu’on regarde un écran d’ordinateur – un point que Marc-
André Raetzo, coresponsable du réseau de soins Delta, relativise: «On ne note pas tout et il reste
largement le temps de regarder le patient», assure-t-il.
Mais la question principale, au début, sera ailleurs: que verser dans le dossier électronique? De
nombreux médecins sont réticents à l’idée de livrer toutes leurs observations à des patients mal
préparés, hypocondriaques ou quérulents. Et tous craignent le poids pratique d’un archivage
électronique de tous leurs dossiers.
Sur ce dernier plan, Adrian Schmid se veut rassurant: «Nous ne voulons pas constituer des
cimetières de données. L’idée est de démarrer avec des informations de base et de laisser le
dossier électronique se consolider au fil du temps.» Même option pour l’essai pilote lancé à
Genève, où l’on a également renoncé à concevoir, à ce stade, de dossier médical partagé,
utilisant un logiciel et une mise en forme uniques que chacun pourrait alimenter: le pas serait
trop grand.
C’est pourtant ce pas franchi, estime Marc-André Raetzo, que le dossier électronique devient
vraiment intéressant pour les médecins. «Au Groupe médical d’Onex, que je dirige, nous avons
un dossier électronique qui suit le patient et fournit également aux médecins une aide au
diagnostic. C’est un outil performant que tout le monde est content de pouvoir utiliser.»
L’utilité pratique du nouveau système, pour Pierre-Alain Schneider, sera la clé du succès. Les
praticiens, qui voient leurs revenus stagner, voire régresser, veulent du retour sur
investissement. Pour le moment, cela signifie toutefois qu’ils sont réticents à investir dans des