Bernard AUGERE Page 3 22/11/11
Les polychlorbiphényles (PCB), interdits depuis plus de 20 ans mais encore présents dans l’environnement, sont des
perturbateurs de la fonction thyroïdienne. Ils constituent un bon exemple de la multitude des voies d’action des
perturbateurs endocriniens. Ils rentrent en compétition avec les protéines de transport sanguin des hormones
thyroïdiennes comme la transthyérétine chez le rat ou les globulines chez l’homme, pour lesquelles les PCB ont moins
d’affinité. Par conséquent la perturbation endocrinienne est forte chez le rat mais quasiment nulle chez l’homme.
Leurs métabolites modifient aussi la fonction des oestrogènes en activant leurs récepteurs tandis que d’autres
métabolites se fixent sur les récepteurs des corticoïdes, perturbant le fonctionnement des glandes surrénales. Par
ailleurs, certains métabolites inhibent les enzymes qui inactivent l’oestradiol dont la quantité reste élevée, provoquant un
effet féminisant.
Les récepteurs hormonaux, des cibles majeures
Les récepteurs sont des facteurs de transcription (en orange) qui se fixent par deux sur la séquence régulatrice d’un
gène au niveau d’une région notée ERE (Estrogène Responsive Element). En absence de l’hormone, des corépresseurs
inhibent l’expression du gène. En présence d’hormone (en bleu), la surface du récepteur fixe des coactivateurs qui
permettent la transcription du gène.
Certains perturbateurs peuvent se loger dans la poche de fixation du ligand à la place de l’hormone dont l’affinité est
toutefois plus forte. Ainsi le bisphénol A se fixe sur les récepteurs des oestrogènes avec une affinité 1000 fois plus faible
que celle du ligand naturel, le 17-!"oestradiol. La conformation du récepteur change avec chaque ligand. Ainsi la
génistéine, principal antioxydant du soja, est un agoniste positif tandis que le tamoxifène, utilisé dans le traitement du
cancer du sein, est tellement volumineux qu’il empêche le repliement correct du récepteur, empêchant l’activation du
gène cible.
Certains perturbateurs agissent sur plusieurs récepteurs comme le bisphénol A qui se fixe aussi bien sur les récepteurs
des oestrogènes que sur ceux des androgènes qu’il bloque avec une affinité 1000 fois moindre à celle du ligand naturel.
Les conséquences sur la santé humaine
Ces perturbateurs agissent au cours du développement embryonnaire. Ainsi la génistéine provoque la mort de certaines
cellules au cours du développement du poisson zèbre, provoquant des anomalies du développement. Certains
pertubateurs traversent la barri ère materno-fœtale et un lien commence à être fait entre la perturbation endocrinienne et
l’inflation des phénomènes d’allergies ou « l’épidémie » d’obésité dans les pays industralisés.
Le dibromochlorophénol, un nématocide a rendu stériles plus de 11000 ouvriers des bananeraies au Costa Rica et au
Nicaragua. Il entraîne l’augmentation de l’hormone folliculo-stimulante qui réduit la quantité et la qualité du sperme. De
même, le chlorordécone un insecticide utilisé aussi dans les bananeraies, présente une activité oestrogénique et diminue
la quantité et la mobilité des spermatozoïdes.
S’il est avéré aujourd’hui que les perturbateurs endocriniens induisent des effets délétères sur les animaux, l’incidence
sur la santé humaine continue à faire débat. En effet, les animaux de laboratoire (souris, rat, xénope, poisson zèbre,
poissons) ont une durée de vie courte et une physiologie de la reproduction différente de celle de l’homme. Toute
extrapolation des résultats de laboratoire à l’espèce humaine reste encore compliquée. Toutefois, tant que la science
n’aura pas précisé la nature et l’étendue des dégâts par ces molécules, il est sage de prendre des précautions lors de
leur utilisation.