La Dermatillomanie Trouble caractérisé par le triturage ou grattage impulsif de la peau et se traduisant par des lésions des tissus. Document pour les professionnels 1 2 La Dermatillomanie connaît plusieurs noms en France : acné excoriée, grattage impulsif, triturage incontrôlé, grattage pathologique, acne urticata, excoriations neurotiques, skinorexie, cueillette de la peau, acné excoriée de la jeune fille. La personne affectée est généralement atteinte d’une acné légère, mais à cause de ses tendances anxieuses, elle la considère comme plus grave qu’elle ne l’est réellement. Cela se traduit par un grattage impulsif et incontrôlé de la peau qui s’accompagne d’un sentiment de plaisir ou de soulagement au moment de l’impulsion, précédé d’un sentiment croissant de tension, d’anxiété ou de stress. Ces impulsions de grattage ou de triturage sont des séries de gestes reconnus comme irrationnels par la personne, mais sont pourtant répétés de façon ritualisée, non contrôlée et deviennent envahissants. Ce trouble peut entraîner des conséquences néfastes pour la vie quotidienne et devenir handicapant dans la vie personnelle, sociale, professionnelle ou scolaire de l’individu. La Dermatillomanie est une manie de soulagement des tensions internes et psychiques. C’est une compensation entre l’envie de faire mal (colère, agressivité) retournée contre soi dans un acte autopunitif (honte de soi, culpabilité de ressentir certaines émotions ou pulsions). Ce comportement témoigne d’un malaise affectif et d’une faible estime de soi, qui peut être accentué par l’anxiété, la solitude, la déprime ou l’ennui. C’est une décharge impulsive et psychomotrice de tensions internes et psychologiques. Les grattages ou triturages peuvent se faire seul devant un miroir, en marchant, dans les transports ou pendant les activités dites « sédentaires » : en lisant, en conduisant, en travaillant, devant la télévision, devant l’ordinateur, au téléphone… Les impulsions s’apparentent à des crises pouvant durer de plusieurs minutes à plusieurs heures par jour, parfois sans que la personne ne s’en rende compte (état de semi-conscience ou dits « hypnotique »). Le Dermatillomane reste devant le miroir à la recherche de ses imperfections, ou passe la main sur la peau de son corps afin de se gratter, alors qu’il sait que c’est mauvais pour lui et que s’ensuivra un grand sentiment de honte et de culpabilité. La personne a l’impression à ce moment de purifier son corps et de se débarrasser de ses imperfections. Mais en réalité elle attaque l’épiderme et crée des plaies qui risquent de s’infecter, et créeront de nouvelles impuretés, que la personne voudra à nouveau combattre. Les déclencheurs sont multiples : stress, anxiété, contrariété, émotions négatives, colère refoulée, ennui, culpabilité, honte de soi, sensation de vide, tabous, non-dits, déception de soi, manque d’affirmation. 2 Le trouble du contrôle des impulsions est un trouble très complexe. Beaucoup de préjugés sont associés à ces troubles puisqu’on croit à tort que la personne peut décider de cesser ses comportements déviants du jour au lendemain… Il est difficile de déterminer quand le triturage de la peau devient une « Dermatillomanie ». Mais généralement, on peut diagnostiquer cette pathologie quand le temps passé au triturage et les dommages causés par ce comportement commencent à affecter la vie personnelle, familiale, conjugale et/ou professionnelle de la personne. Un triturage devient pathologique quand la personne évite certaines activités (p. ex. aller à la piscine/plage, les rapports intimes, voir des amis etc.), manque ou évite des évènements à cause des dommages sur sa peau causés par le triturage, du fait qu’elle n’arrive plus à cacher ses plaies. La Dermatillomanie, comme la trichotillomanie (arrachage impulsif des cheveux), peut parfois ressembler à un Trouble Obsessionnel Compulsif (TOC) en raison des comportements répétitifs et non contrôlables. Mais il s’agit en fait d’un Trouble du Contrôle des Impulsions (TCI). Les deux troubles ont des symptômes distincts et nécessitent des traitements différents. Le trouble du Contrôle des Impulsions (TCI) est un trouble très complexe. Beaucoup de préjugés sont associés à ces troubles puisqu’on croit à tort que la personne peut décider de cesser ses comportements déviants du jour au lendemain. Les autres pathologies connues de ce trouble sont : la trichotillomanie, la pyromanie, la kleptomanie, le jeu pathologique et le trouble explosif intermitent ou colère pathologique. Dans le TCI, la personne n’a plus aucun contrôle sur ses impulsions. Bien au contraire, elle a le sentiment d’être complètement contrôlée par elles. Après avoir « agi » par impulsion, la personne est souvent envahie par un sentiment d’impuissance, de colère, de honte et de culpabilité. De l’extérieur, on a l’impression qu’elle devrait être en mesure de cesser ses comportements et qu’il s’agit simplement d’un manque de volonté, mais ce n’est pas le cas. La culpabilité et le sentiment d’échec sont d’autant plus grands qu’elle a l’impression d’être impuissante face à ses impulsions. L’impulsion est une tendance impérieuse et irrésistible à exécuter un acte brutal précis, généralement nocif, délictueux, agressif/auto-agressif ou absurde. Il s’agit d’un acte inattendu, irréfléchi, sans aucun caractère d’utilité, échappant au contrôle volontaire, plus ou moins conscient, et souvent répété sous la même forme. 3 Dermatillomanie, dermatologie et psychologie : Le Dr Alibert (1802) écrivait que « le praticien qui néglige la doctrine des causes est comme un homme privé de sa vue. » Il sera parmi les premiers à mettre en exergue la dualité et les interactions qui se complètent et s’opposent dans le corps humain : le physique et le moral. Dans les années 60, les Dr De Graciansky et De Poligny écrivaient « Psychosomatique en dermatologie » (1970). Puis, Didier Anzieu écrivit « Le Moi-peau » (1974), cet ouvrage est la percée de la psychologie en dermatologie. En 1974, le Dr Pomey-Rey créa la première consultation de psychiatrie-psychanalyse en dermatologie à l’hôpital Saint-Louis et en 1989 parut son ouvrage « Bien dans sa peau, bien dans sa tête ». Elle y explique qu’il faut s’intéresser aux souffrances psychiques et proposer un remède à ces souffrances qui s’avèrent plus graves que celles générées par la peau. Aujourd’hui encore, de nombreux praticiens admettent difficilement les interactions étroites entre la peau et le système nerveux, ou mésestiment leur importance. Des découvertes fondamentales ont pourtant été faites. Les cellules nerveuses présentent des connexions très proches des cellules cutanées. Une vingtaine de neuromédiateurs communs à la peau et au cerveau ont été recensés. On comprend donc bien comment le psychisme agit sur la peau. Le système nerveux peut traduire stress, émotions et pensées en langage biochimique avec les neuromédiateurs. Les Dermatologues rencontrent encore des difficultés à faire en sorte que le patient s’exprime. Mais cela est nécessaire, car mêmes les lésions bénignes peuvent être d’origine purement psychologique. La parole du malade reste très importante. Le système nerveux intervient dans un certain nombre de dermatoses, en particulier dans les dermatoses inflammatoires. Les relations entre cellules nerveuses et cellules cutanées sont très précoces puisque la peau et le système nerveux proviennent du même tissu embryonnaire : l’ectoblaste. Les fibres nerveuses ont donc des connexions anatomiques étroites avec les cellules cutanées, les unes et les autres pouvant sécréter les mêmes neuromédiateurs. Paul Mc Lean fut le premier à mettre en évidence dans les années 5060 le rôle du système limbique comme centre émotionnel du cerveau. Puis trente ans plus tard, Le Doux mena des recherches plus précises sur Signes et symptômes : ✓ Incapacité de résister à la recherche des imperfections réelles ou perçues de la peau ✓ Montée d’une tension avant le triturage ✓ Satisfaction et apaisement pendant le triturage ✓ Honte et culpabilité après le comportement de triturage ✓ Plaies visibles ou cicatrices sur la peau ✓ Détresse et honte qui interfèrent dans la vie quotidienne pouvant entrainer des incapacités à participer à certaines activités familiales/sociales/professionnelles. l’amygdale et confirma ce rôle. En 1994, Allan Shore, psychologue au département de psychiatrie de l’université du Wisconsin, décrit le rôle joué par l’amygdale au cours de l’enfance. Si les émotions et les leçons des premières années de la vie possèdent une telle force, c’est parce qu’elles sont imprimées dans l’amygdale sous forme de schémas directeurs à un moment où l’enfant est encore incapable de traduire ses expériences par des mots. On retrouve souvent chez les patients dermatillomanes des cas d’abandon. On parle d’ailleurs de « tic de consolation » chez les chiens abandonnés ou mal traités, ils se lèchent les pattes jusqu’à l’os (travaux du Dr Bourdin à MaisonsAlfort). Dans le cas de la Dermatillomanie, l’appel à l’aide par le biais de la peau couverte de boutons est déplacé, la parole faisant défaut. Le processus thérapeutique « répare » alors cette carence par la mobilisation de la parole (les mots qui manquent). Ainsi, un second étayage se met en place et permet de revivre les émotions refoulées. Lorsqu’un dermatologue constate une Dermatillomanie chez un patient, après son traitement dermatologique, il devrait être conseillé par ce professionnel une consultation chez le psychologue, au même titre que les analyses biologiques (Pomey-Rey, 1999). Les patients appellent à l’aide par le biais de la peau ou des cheveux. Il faut savoir reconnaître cet appel le plus tôt possible chez le patient au risque d’une vie gâchée, sur le plan affectif et de l’estime de soi le plus souvent. 4 La Dermatillomanie fait partie des CRCC (Comportements Répétitifs Centrés sur le Corps) qui sont des gestes répétitifs d’auto-toilettage (self-grooming) consistant à se tirer les cheveux, se gratter, se triturer ou se mordre la peau… au point de se causer des blessures. La Dermatillomanie est à différencier des grattages qui seraient dû à : des maladies dermatologiques (eczéma, prurigo, dermatite factice, zona, urticaire, psoriasis, dermatite atopique), une affection organique (gale), des parasites, une toxicomanie (sevrage des opiacés), des scarifications ou automutilations, des troubles auto-immunes, des troubles du développement (autisme), des hallucinations tactiles dans un contexte psychotique ou un syndrome de Prader-Willy. Les personnes atteintes de Dermatillomanie vivent souvent une grande solitude. Elles ont honte de leur comportement, refusent d’en parler et cherchent à camoufler leur problème (comme elles cachent également leur peau). Beaucoup de personnes en souffrent, se sentent isolées, sont confuses et hésitent à chercher des traitements ou des conseils auprès des professionnels. Malheureusement, cette attitude contribue à propager la fausse perception que ce comportement est rare. Les dermatillomanes ont généralement des problématiques de perfectionnisme, de non-dits, de honte de soi, de culpabilité, de colère rentrée, de mauvaise estime de soi et de contrôle de leur image. Les émotions négatives qui ne sont pas évacuées sont soulagées par des actes autoagressifs (et non d’auto-mutilation). Les dermatillomanes peuvent être amenés à utiliser des outils spécifiques pour tenter de mieux purifier leur peau: pinces à épiler, aiguilles, ciseaux, tire-comédons etc. Malheureusement, l’utilisation de ces outils donne souvent des résultats opposés à ceux attendus. Car malgré lui, le dermatillomane va finalement se charcuter et laisser des traces, plutôt que purifier sa peau comme il le souhaitait. La Dermatillomanie est un trouble encore peu connu en France et en Europe, aussi bien des professionnels que des patients. Cette pathologie est en revanche plus étudiée aux Etats-Unis et au Canada où plusieurs recherches ont déjà été effectuées. En anglais : Skin Picking, Skin Picking Syndrome, Excoriation Disorder, Neurotic Excoriation, Acne Excoriée, Psychogenic Skin Excoriations, Dermatillomania, Compulsive Skin Picking (CSP), Psychodermotosis, Self Injurious Skin Picking (SISP). 5 Cabinet de Psychologie et de Psychothérapie (Paris) Pour avoir plus d’informations sur la Dermatillomanie ou sur les formations proposées aux professionnels : www.dermatillomanie-france.com Alexandra RIVIERE-LECART Psychologue clinicienne et Psychothérapeute 1O rue Pergolèse 75116 Paris, France Tel : 01.45.00.04.86 www.dermatillomanie-france.com www.psychologue-riviere.com