Étendre les indications de la thrombolyse

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Éditorial
N e u ro l o g i e . c o m 20 09 ; 1 ( 8 ) : 2 05
Étendre les indications de la thrombolyse
Extending thrombolysis indications
É
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tendre les indications de la thrombolyse, c’est avant tout augmenter le nombre de
patients traités. Aux États-Unis, 13 ans après la mise sur le marché du rTPA, seuls 3 à
8 % des patients sont thrombolysés. Dans la Hesse, État allemand où la déclaration des
AVC est obligatoire, 8,1 % des patients ont bénéficié d’une thrombolyse en 2008, alors
qu’un objectif de 20-25 % est considéré comme raisonnable par les experts. On en est
loin en France. Les 50 « meilleurs hôpitaux » du Point ont pris en charge 51 759 patients
victimes d’un AVC en 2008, dont 2,8 % ont été thrombolysés. Que faire pour améliorer la situation ?
Étendre la fenêtre thérapeutique, bien sûr, mais aussi et surtout, augmenter le nombre de patients
arrivant pendant la fenêtre thérapeutique et le nombre de structures pratiquant la thrombolyse.
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.... Yves Samson
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.... AP-HP et UPMC Paris VI,
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.... Urgences cérébro-vasculaires,
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.... Groupe hospitalier
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.... la Pitié-Salpêtrière, Paris
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.... <[email protected]>
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ECASS 3 a montré que la fenêtre pouvait être étendue jusqu’à 4 h 30, confirmant les résultats de la
méta-analyse des grands essais randomisés du r-tPA intraveineux. Cet allongement de la fenêtre est préconisé par les dernières recommandations américaines de l’AHA. Elle doit entrer en pratique et pourrait permettre de doubler immédiatement le nombre de patients thrombolysés. En effet, à la Salpêtrière où la fenêtre est, après IRM (sans perfusion), de 5 heures depuis 2000, 54 % des patients ont été
thrombolysés entre 3 et 4 h 30 sans que la « sécurité patient » n’en soit affectée : 6,8 % d’hémorragies
symptomatiques et 35 % de décès-handicap grave (mRs 4-5) à 3 mois dans cette fenêtre vs 5,1 % d’hémorragie et 36 % de décès-handicap grave dans les 3 heures pour des NIHSS médians de 17 et 18.
Étendre la fenêtre au-delà de 4-5 heures est une voie de recherche intéressante. Ceci pourrait être
facilité par l’imagerie de perfusion en IRM comme l’explique l’article du Dr Jean Marc Olivot et al.,
dont l’enthousiasme n’est cependant pas partagé par tous les experts [1]. En outre, l’histoire naturelle de la pénombre suggère que les « bonnes indications » de la thrombolyse tardive pourraient
être relativement rares.
On peut aussi étendre la fenêtre thérapeutique en raccourcissant le délai de traitement : la thrombolyse
est deux fois plus efficace dans les 90 premières minutes que dans les 3 heures suivantes. Le challenge
des 90 minutes est difficile et l’objectif peut paraı̂tre déraisonnable. Pourtant, dans le registre SITS-most,
11 % des patients étaient déjà traités dans les 90 minutes et plus de 30 % dans les 2 heures. Trois éléments
seront déterminants pour améliorer la situation : les délais intra- et préhospitaliers et la télémédecine.
Références
1. Schäbitz WR. MR Mismatch Is Useful for Patient Selection for Thrombolysis No Stroke. Stroke 2009 ; 40 :
2908-9.
2. Bouckaert M, Lemmens R, Thijs V.
Reducing prehospital delay in acute
stroke. Nat Rev Neurol 2009 ; 5 :
477-83.
3. Demaerschalk BM, Miley ML, Kiernan TE, et al. Stroke telemedicine.
Mayo Clin Proc 2009 ; 84 : 53-64.
DOI : 10.1684/nro.2009.0139
L’objectif est ambitieux : un délai intrahospitalier de moins de 30 minutes et un délai préhospitalier
de moins de 60 minutes. Il faut encourager la mesure systématique de ces délais en utilisant un critère simple pour les différencier, tel que le passage de la porte de l’hôpital par l’ambulance par exemple. Réduire le délai intrahospitalier est relativement facile. Tout est affaire de coordination avec la
régulation et d’organisation interne entre l’UNV et la neuroradiologie. L’arrivé programmée du
patient directement en neuroradiologie facilite les choses. Réduire le délai préhospitalier sera plus
difficile [2]. Pour atteindre 60 minutes, il faudra apprendre à compter les secondes à chaque étape :
délai d’appel du patient, premier contact médical, transport vers la structure adaptée. Parmi les multiples actions envisageables, les plus immédiatement efficaces portent sur la régulation : campagnes
de promotion de l’appel au 15, formation des permanenciers aux scores préhospitaliers de l’AVC.
Mais il faudra aussi qu’elle se mesure en kilomètres ou en minutes d’encombrements, s’attaquer à
la distance entre le lieu de survenue de l’AVC et l’hôpital. La solution est la télémédecine. Une revue
récente [3] a répertorié une vingtaine de réseaux organisés selon un modèle dit « Hub and Spoke »,
c’est-à-dire une ou quelques UNV de « référence » connectées à plusieurs hôpitaux régionaux dépourvus d’expertise neurovasculaire. Le nombre de thrombolyses faites dans les hôpitaux régionaux
excède rapidement celles réalisées en UNV, avec des critères d’efficacité et de sécurité similaires. En
outre, ces réseaux contribuent rapidement à la diffusion des « bonnes pratiques cliniques ».
On voit donc que le meilleur moyen d’augmenter le nombre de patients traités est, paradoxalement,
de s’attaquer à la réduction du délai de thrombolyse et, plus logiquement, au développement des
réseaux de télémédecine qui devraient, à terme, contribuer aussi à faciliter l’organisation de la
recherche clinique et l’évaluation de la qualité des soins.
neurologie.com | vol. 1 n°8 | décembre 2009 205
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