Interview avec Nuno Matos, coach travaillant avec des parents de

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La psychologie appliquée au sportif et à l'entraîneur
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Interview avec Nuno Matos, coach travaillant avec des
parents de sportifs
Pour clôturer ce dossier sur le sportif et ses parents, je vous propose un entretien avec Nuno
Matos, que je connais depuis plusieurs années. Nuno a eu un Doctorat en Sciences du Sport, a
fait des recherches sur le surentraînement chez les sportifs et a été formé par l'Institut de
coaching Integral au Canada où il est diplômé "Performance coach". Il propose des séances de
coaching sur Skype en Anglais et Portugais. Il vit actuellement en Grande-Bretagne et je l'ai
donc interviewé sur Skype et traduit ses propos. Il nous parle de son travail, du coaching qu'il
fait avec les parents de sportifs et des résultats qu'il a pu observer.
Pourquoi et comment tu as décidé de travailler avec les parents
dans le sport?
Mon parcours n’a pas été direct. Pendant mon doctorat, j’ai effectué des recherches sur le
surentraînement et le burn-out dans le sport et je me suis aperçu que les parents avaient une
influence sur le développement du sportif et qu'ils pouvaient mettre parfois trop de pression sur
leurs enfants. Après mon doctorat, je me suis donc plus intéressé sur ses parents qui pouvaient
être une source de pression pour leur enfant. Ensuite, j’ai intégré une académie de tennis où je
devais sensibiliser et éviter le surentraînement chez les joueurs en travaillant avec les
entraîneurs. Dans cette académie, les entraîneurs étaient formés à une approche théorique du
coaching, qui s’appelle la «Théorie Intégrale» et j’ai commencé à appliquer cette théorie pour
comprendre ce phénomène dans le tennis.
J’ai ensuite fait un diplôme pour être coach, ce qui m’a donné une méthodologie pour pouvoir
intervenir avec les parents. J’ai commencé à proposer des séances aux parents dans
l’académie et à en faire aussi un objet d’étude appliquée pour mes recherches. Je voulais
savoir si l’évolution du comportement des parents aurait un effet positif sur le comportement de
l’enfant. Au delà du sport, cette approche du coaching permet aux parents d’être plus épanoui
dans leur vie également.
Peux tu nous résumer un peu cette théorie pour comprendre un
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peu ton cadre de travail?
La théorie intégrale a été crée par un philosophe, Ken Wilbert qui a fait de nombreuses années
de recherche en essayant de prendre en compte toutes les approches théoriques sur l’être
humain (religion, sciences, philosophie, psychologie etc) et a recherché les connexions entre
toutes ces approches théoriques. Il a pensé que chaque approche avait quelque chose à dire
mais que chacune pensait détenir leur vérité. Il a donc réalisé que sur un problème en
particulier, par exemple dans les sciences du sport, chaque approche théorique (technique,
physique, sociologique, psychologique, biomécanique) a une idée pour approcher ce domaine
mais l’idée avec cette théorie c’est de regrouper tous les paramètres en même temps qui
permettent d’avoir une approche plus globale du problème. La théorie intégrale prend en
compte 4 aspects fondamentaux qui forment une réalité dans un cadre cohérent: il y a des
facteurs subjectifs, objectifs, individuels et collectifs qui sont tous inter-connectés et qui
permettent d’avoir une vision intégrale d’un être humain.
Comment tu travailles avec les parents?
Je me base sur 3 choses pour travailler avec les parents. 1. Ma connaissance scientifique
(c’est à dire mon cadre théorique), 2. Ma méthodologie du coaching. 3. Mon affectivité (mes
propres émotions et sentiments).
La première séance, je parle avec les parents et j’essaye de détecter les problèmes à
résoudre. On parle de tout, des facteurs subjectifs (les parents), objectif-individuel (leur
comportement), objectif-collectif (les aspects financiers). Après cette séance, je prends en
compte ces 4 facteurs mais aussi les facteurs d’intelligence (émotionnelle, cognitive). Cela me
donne une information sur ce qui leur manque. Par exemple, s’ils n’ont pas conscience de
leurs propres émotions, ils ne peuvent pas comprendre les émotions de leur enfant. Au niveau
somatique, ils peuvent être crispés, tendus, cela donne aussi des informations.
Enfin, je me mets à leur place. J’essaye de prendre tous ces paramètres et de les comprendre
à partir de leur point de vue. Je prends en compte aussi leur étape dans le développement
psychologique, j’essaye de savoir s’ils ont une vision égocentrique ou altruiste et aussi si c’est
un homme ou une femme. Dans cette théorie, il y a 9 types de personnalité différents. Je fais
donc un profil de chaque parent.
A partir de là, je leur propose 2 métaphores qui va leur permettre de comprendre le problème
d’une manière imagée et qui va les toucher également affectivement. La première métaphore
parle du présent (de leur comportement) et la deuxième parle de la «nouvelle» façon de se
comporter, celle qui va donner la direction pour le changement.
C’est très important de parler de leur comportement actuel, de leur manière de faire qui peut
avoir un impact négatif et je vais leur proposer des comportements plus adaptés. Pour cela, il
faut qu’ils suppriment leurs anciens comportements. Il faut savoir qu’ils sont rarement
conscients de leur comportement au présent.
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Ensuite, dans la deuxième séance, je mets en place des objectifs de changement qui sont
basés sur leur profil. Après on fait au moins trois séances pour leur donner les clés pour se
comprendre, les actions à entreprendre et ils doivent également remplir un journal entre les
séances. Ce journal parle de leurs progrès, de leurs comportements pendant les 2 semaines où
l’on ne s'est pas vu. Donc le parent est engagé activement dans le coaching.
A la dernière séance, je regarde si le parent a avancé dans le processus de changement. Pour
moi, 6 séances est un minimum. Je préfère faire 10 séances. Donc je regarde les objectifs, s’ils
ont été atteints ou non. On prend conscience des avancées et changements du comportement.
C’est souvent une séance très émouvante parce que les parents sont surpris de leurs progrès.
J’aime bien donné l’exemple d’un oiseau qu’on retrouve dans la rue avec une jambe cassée,
on le ramène à la maison, on en prend soin, on le nourrit mais on ne le garde jamais avec soi
pour toujours, car on ne veut pas l’attacher. C’est meilleur s’il retrouve le monde dans lequel il
a l’habitude de vivre. C’est un peu la même image pour les parents. Ils peuvent explorer leur
nouvelle façon de voir les choses, leurs nouveaux comportements et continuer à évoluer sans
moi par la suite. C’est ce qui rend intéressant ce processus de changement. On prend en
compte ses comportements et on les dépasse.
Est-ce qu’ils comprennent que leur comportement peut être
néfaste pour leurs enfants?
Dans le cadre de l’académie, c’est moi qui vais vers eux. Quand je leur propose une séance
de coaching, je dois être très attentif à ma manière de les approcher. Parce qu’ils ne sont pas
souvent conscients de ce qu’ils font, de leurs comportements. J’essaye de leur faire
comprendre qu’ils sont responsables de ces comportements d’une manière subtile. Ils ont
besoin de prendre du recul. Ils sont rarement conscients qu'ils peuvent avoir un impact négatif
sur leur enfant.
Est-ce que cela fonctionne toujours?
Certains parents arrêtent au bout de la deuxième séance. Peut être que c’est ma manière de
faire, mon coaching qui ne convient pas. Parfois je leur montre une image d’eux-mêmes qui
leur font peur et ils préfèrent abandonner. Ou alors ils ne sont pas encore prêts à évoluer. Je
comprends et je respecte cela. Quand je viens vers eux, ils ne me connaissent pas, ils n’ont
pas d’à-priori sur moi et mon rôle est très différent de celui d’un entraîneur. Je ne suis pas
impliqué directement sur le terrain. Je reste dans mon rôle de coach et de chercheur et je n’ai
pas encore eu de problèmes pour le moment avec des parents.
Quels résultats tu remarques chez eux?
Par exemple, j’ai travaillé avec un père qui était très stressé par son travail. Son problème
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n’est pas qu’il mettait trop de pression sur son fils, mais plutôt le contraire. Il était
complètement désengagé dans la pratique de son fils. Il ne faisait que travailler pour subvenir
financièrement à sa famille. Il venait au club, prenait son café et n’allait jamais voir son fils
s’entraîner ou même faire un match. Il m’a dit «mon fils est un grand compétiteur et c’est ça
son problème, il se comporte mal sur un terrain». Quand j’ai commencé à travailler avec lui, ce
qui m’a frappé est qu’il était lui-même un grand compétiteur dans son travail. Il était très
stressé et avait des réactions émotionnelles négatives. Il a commencé à réaliser que son propre
comportement pouvait induire le même comportement chez son fils.
Je lui ai donné la métaphore du «lion solitaire». Les caractéristiques du lion sont de subvenir
aux besoins, de défendre sa famille, d’être le chef. C’était son rôle. Mais il était «seul». Et cela
l’a interpellé. Il se sentait en fait très isolé dans sa famille, dans sa relation avec sa femme
aussi. Il s’est rendu compte qu’il n’avait pas beaucoup de soutien. Il avait envie d’avoir une
relation plus proche avec son fils mais ne savait pas comment s’y prendre. On a travaillé là
dessus et il a compris qu’il a envie de faire pleins de choses mais il ne savait pas comment
faire pour y arriver. C’était un défi pour lui parfois.
Il a progressé et il est maintenant beaucoup plus proche de son fils et il va maintenant le voir à
l’entraînement et il sait rester calme. Une des raisons pour lesquelles il s’était empêché d’aller
voir son fils était parce qu’il avait peur de se mettre en colère quand il voyait son fils mal se
comporter sur un terrain. Il avait peur de mal réagir et d’aller le chercher et le ramener
directement à sa maison. D’une manière très ferme.
Il a progressé dans sa communication avec son fils, il est beaucoup moins stressé de manière
générale et plus heureux.
Les séances de coaching ont eu des répercussions sur tous les paramètres de sa vie.
Et son fils, qui était très talentueux, avait l’habitude de faire n’importe quoi pendant ses
entraînements. Il est maintenant dans les meilleurs joueurs de son âge dans le pays, il est plus
calme, plus gentil. On le voit beaucoup plus relâché. Maintenant que la tension a été relâché du
côté de son père, cela a eu un effet sur sa propre tension aussi: inconsciemment, il attendait
que son père soit moins stressé également. L’impact que cela a eu sur l’enfant a été
phénoménal, sans même intervenir sur l’enfant.
Quels conseils tu pourrais donner à des parents qui sont
impliqués dans le sport?
C’est une question difficile! Ce que je leur suggère est de rester humble. On a tous une
humilité au fond de nous. Cela permet d’être plus conscient des effets que l’on peut avoir sur
les autres. Il faut avoir l’humilité de se dire qu’il faut peut-être que je sois aidé. On peut donner
beaucoup de conseils aux parents, de ne pas trop stresser, de ne pas avoir d’émotions
négatives, mais il faut commencer d’abord par ce qu'ils aient cette humilité, qu’ils prennent
conscience qu’ils peuvent être aidés, que cela peut être positif pour eux et pour leur enfant.
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