ORTHO-RHUMATO | VOL 15 | N°2 | 2017 5
Des changements dans le mode de vie peuvent être utiles,
mais sont parfois difficiles à réaliser dans la pratique. En
outre, certains éléments laissent penser que les facteurs
environnementaux peuvent exercer un effet plusieurs
années avant que la maladie ne soit cliniquement visible.
L’étude des propriétés immunomodulatrices potentielles
de différents micro-organismes intestinaux, tels que des
souches de Bacteroides fragilis ou des bactéries apparte-
nant aux groupes IV et XIVa des Clostridium, constitue
une approche intéressante. Même s’il convient de pour-
suivre les recherches dans ce domaine, l’administration
de souches de Clostridia, par exemple, a déjà donné des
résultats prometteurs dans des modèles murins (29). Les
résultats du Human Microbiome Project (1), entre autres,
ont confirmé que la flore microbienne résidente joue un
rôle crucial dans notre santé. À l’inverse, une dysbiose est
associée à des problèmes de santé potentiels. Dès lors, les
stratégies biothérapeutiques visant à préserver ou à réta-
blir le microbiote humain représentent une approche inté-
ressante dans le traitement des maladies rhumatismales.
Ces 20 dernières années, les pré- et probiotiques ont fait
l’objet de nombreux travaux de recherche. L’utilisation
de prébiotiques vise à enrichir les nutriments destinés
aux micro-organismes bénéfiques pour la santé. Avec les
probiotiques, les micro-organismes immunomodulateurs
favorables sont directement administrés. L’application la
plus simple de ce concept est la transplantation fécale, une
technique qui consiste à administrer du matériel microbien
fécal provenant d’un donneur en bonne santé à un individu
malade dans le but de remplacer le microbiote dysbiotique
de ce dernier. Toutefois, le risque de transmission de mala-
dies pose un certain nombre de questions quant à l’utilisa-
tion de cette technique en cas d’affections n’engageant pas
le pronostic vital du patient. Une option alternative consiste
à utiliser des systèmes microbiens synthétiques contenant
les principaux taxa des bactéries intestinales, comme dans
l’exemple précité où un mélange de souches de Clostridia
a été utilisé pour le traitement de MII (29). La démons-
tration de l’efficacité de cette approche et la production,
par la suite, de moyens thérapeutiques constituent un défi
pour les années à venir, même s’il faudra avant tout prou-
ver l’existence d’un lien de causalité entre l’altération du
microbiote et l’apparition de la pathologie (30).
CONCLUSION
De plus en plus d’éléments prouvent que le microbiote
exerce une influence sur différentes maladies rhumatis-
males, telles que les SpA, l’arthrite psoriasique et la PR.
Pour l’instant, il semble peu probable que la modulation
du microbiote ne devienne, à elle seule, une solution pour
le traitement de ce type d’affections. Toutefois, lorsque la
maladie est d’origine multifactorielle, une approche théra-
peutique multifactorielle peut être une stratégie utile.
Outre la modulation d’autres facteurs (génétique, immu-
nité et environnement), la modulation du microbiote et de
son interaction avec son hôte peut constituer une straté-
gie intéressante pour le contrôle ou la prévention des affec-
tions rhumatismales.
À l’heure actuelle, on ne sait pas si les modifications du
mode de vie qui influencent les micro-organismes (tels que
l’hygiène, la prise d’antibiotiques, l’alimentation et le taba-
gisme) contribuent au développement et à l’évolution de la
maladie. La recherche sur les mécanismes via lesquels des
micro-organismes «thérapeutiquement» modifiés peuvent
moduler des affections rhumatismales, par exemple en
activant les cellules immunitaires régulatrices, n’en est
qu’à ses balbutiements, mais il s’agit là d’une piste intéres-
sante à explorer.
* Traduction de l’article: Van de Wiele T, Van Praet JT, Marzorati M,
Drennan MB, Elewaut D. How the microbiota shapes rheumatic
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