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Le commerce électronique des médicaments face au
droit européen
le 7 mars 2013
ADMINISTRATIF | Droit économique
AFFAIRES | Commerce électronique
EUROPÉEN ET INTERNATIONAL | Marché intérieur - Politique communautaire
SOCIAL | Santé publique
Le juge des référés suspend une disposition visant à restreindre le commerce en ligne des
médicaments aux seuls médicaments non soumis à prescription et en accès direct, disposition non
conforme au droit européen.
CE, ord., 14 févr. 2013, n° 365459
En droit français, le monopole pharmaceutique est très étendu et la vente des médicaments
largement réglementée. Certaines de ces dispositions se heurtent au droit européen en tant
qu’elles restreignent, de fait, la libre concurrence. La question se pose notamment en matière de
vente de médicament sur internet.
La France a été amenée à transposer la directive 2011/62/UE du 8 juin 2011 via l’ordonnance n°
2012-1424 du 19 décembre 2012 qui a inséré au sein du code de la santé publique un chapitre V
bis relatif au « commerce électronique de médicament par une pharmacie d’officine ».
C’est à la suite de cette transposition qu’un pharmacien exploitant d’un site internet de vente en
ligne de médicaments a déposé une requête auprès du juge des référés. Il conteste deux
dispositions insérant les articles L. 5125-34 et L. 5125-36 dans le code de la santé publique, le
premier relatif aux catégories de médicament pouvant faire l’objet d’une vente sur internet, le
second relatif à la nécessité d’obtenir une autorisation de l’agence régionale de santé (ARS) pour
pouvoir exercer un tel commerce.
S’agissant de l’article L. 5125-34, le requérant soutenait que la disposition restreint la
commercialisation en ligne aux seuls médicaments en accès direct et qu’elle méconnaît en cela la
directive 2011/62/UE. En effet, le code communautaire relatif aux médicaments à usage humain
(art. 70 à 72) distingue deux catégories de médicaments : les médicaments à prescription médicale
obligatoire (PMO) et les médicaments à prescription médicale facultative (PMF). Le droit français,
lui, fait une distinction supplémentaire parmi les médicaments PMF : les médicaments qui sont en
accès direct et dont la liste est posée à l’art. R. 5121-202, CSP) et ceux qui ne le sont pas. En
limitant la possibilité de vendre en ligne les seuls médicaments PMF en accès libre, le droit français
est, selon lui, trop restrictif, puisque la directive pose que les États membres ne peuvent exclure de
la vente à distance au public via internet les seuls médicaments soumis à prescription. Le juge des
référés, à la lumière de ces arguments et de la décision de laCour de justice desCommunautés
européennesdu 11 décembre 2003 (aff. C-322/01, Deutscher Apothekerverband c. DocMorris NV,
AJDA 2004. 315, chron. J.-M. Belorgey, S. Gervasoni et C. Lambert ; D. 2004. 732 ; ibid. 2554,
chron. E. Gardner de Béville ), qui avait conclu à une violation du droit communautaire par les
autorités allemandes en interdisant la vente par correspondance de médicaments PMF, a accueilli
la demande du pharmacien et suspendu l’exécution de l’article L. 5125-34. Il est à noter que la
condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension a été
considérée comme remplie par les juges, puisque la disposition contestée portait préjudice « de
manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public (l’intérêt des consommateurs), à la
situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre (la vente de médicament PMF non
accessibles librement représentait en effet près de 60 % de son chiffre d’affaires) ».
S’agissant de l’article L. 5125-36, le requérant soulevait que le texte pose un régime d’autorisation
alors que la Directive ne prescrit qu’une simple notification. Le juge des référés a rejeté cette
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seconde requêtes considérant qu’elle ne créait pas de doute sérieux quant à sa légalité.
Dans cette décision, le juge des référés ne remet pas en cause le régime d’autorisation sanitaire
propre au droit français, mais est davantage réservé quant aux dispositions qui touchent aux
catégories de médicaments ouvertes à la vente en ligne. Cette position s’explique sans doute par le
fait que l’organisation des systèmes de santé relève classiquement des droits nationaux alors que
la libre concurrence, elle, est bel est bien l’affaire de l’Union européenne.
La présente décision pose de nombreuses questions. D’abord, celle du consumérismedans le
secteur de lasanté. Le droit français y est très réticent et réglemente largement les activités de
santé et notamment pharmaceutiques en ce sens. La vente en ligne présente le double avantage
de permettre au consommateur de comparer les prix et au pharmacien d’augmenter son chiffre
d’affaires et le reconnaître suppose justement de considérer le patient-usager comme un
consommateur. Mais le pharmacien n’a-t-il pas déjà la qualité de commerçant ?
De cette question découle celle, plus pragmatique, du conseil. Il est, en effet, un devoir du
pharmacien qui est, avant tout, un professionnel de santé. Comment s’assurer que ce dernier soit
rempli lors d’une vente en ligne ?
Enfin, et plus généralement, la vente de médicaments sur internet, quels qu’ils soient, pose la
question de leur libre circulation au sein de l’Union européenne (V. CJCE 11 déc. 2003, préc.) et par
là même celle de la stricte préservation du monopole pharmaceutique en France.
Les juges du Conseil d’État devront statuer au fond mais cette décision illustre l’étendue des
interrogations que suscite le commerce des médicaments face au droit européen et, bien que
provisoire, elle annonce les évolutions qui auront inéluctablement lieu en la matière.
Site du Conseil d’État
par Laura Bertignac
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