Une nouvelle géographie politique

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4LIVRES ET IDÉES
4DOSSIER
ÉTATS-UNIS
MICHEL GOUSSOT
*
Une nouvelle
géographie politique
Le paysage politique a profondément changé aux ÉtatsUnis depuis une décennie. Les positions se radicalisent,
et la montée des idéologies favorise les fractions les plus
dures de chaque parti. Une nouvelle ligne de fracture
sépare l’Amérique « bleue » (démocrate) de l’Amérique
« rouge » (républicaine), et cette division se retrouve au
niveau géographique, avec un nouveau découpage du
pays. Les républicains ont étendu leur influence dans de
nombreux États : ils dominent désormais une large
bande qui va de la frontière canadienne occidentale à
la Floride. Les démocrates conservent les bastions très
peuplés du Nord-Est et ont conquis une partie de la côte
Pacifique.
L
a dernière décennie est certainement,
pour les États-Unis, l’une de celles où
se sont produits les changements politiques les plus importants, tant sur le plan
des idées que de la géographie politique,
avec une division spatiale beaucoup plus
nette qu’auparavant. Nombre d’événements marquants ont eu lieu depuis 1990 :
la fin de la guerre froide (qui avait figé jusque-là les positions politiques sur
une sorte de consensus national) ; la
démission de deux speakers à la Chambre
des représentants ; la création d’une
commission du Congrès visant à frapper
d’impeachment un président démocrate ;
l’élection présidentielle de 2000 qui a
abouti à une sorte d’impasse politique ;
les attentats du 11 septembre 2001 ;
l’engagement militaire en Afghanistan puis
en Irak ; la fronde actuelle contre un président dont les actions, notamment en
Irak, sont contestées dans le monde.
Le changement s’est accéléré depuis la
présidentielle de 2000. Les élections de
mid-term de novembre 2002 ont donné à
G.W. Bush une courte majorité au
Congrès. Le pays est passé d’une
période d’euphorie économique (celle
de la « nouvelle économie » initiée sous
la présidence démocrate), de paix, d’engagement limité des États-Unis à l’exté-
* Maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Paris.
rieur (sauf au Kosovo), à une période
d’incertitude grandissante et de doutes
qui radicalisent les positions politiques
des candidats pour l’élection de 2004.
des intérêts Locaux
contradictoires
A
u plan régional, l’« Amérique profonde », comme celle du Middle
West ou des États en difficulté économique, est coupée de celle des
grandes métropoles du Nord-Est et de
Nouvelle-Angleterre. Les leaders politiques se trouvent face à des intérêts
locaux divers, souvent contradictoires :
fermiers du Middle West attentifs à la
politique commerciale des États-Unis et
au maintien de leurs revenus ; entreprises dépendant du complexe militaroindustriel issu de la guerre froide
(Californie, Nord-Est) ; États du Sud attachés au respect des traditions, notamment dans la « Bible Belt » (en matière
d’avortement, de droits accordés aux
gays, etc.). Les politiciens doivent aussi
tenir compte de l’importance de l’électorat senior, qui participe plus que les
jeunes aux élections, et se soucie particulièrement des enjeux de couverture
sociale (États du Sud, mais aussi grandes
métropoles californiennes et du NordEst). Sans oublier l’émergence d’une
culture « latino » dans l’Ouest, le Sud et
les grandes métropoles du Nord-Est. Les
candidats, enfin, ne peuvent ignorer l’importance du religieux dans un pays dont
90 % des habitants se déclarent croyants
et les deux tiers pratiquants (certains
Sociétal N° 45 g 3e trimestre 2004
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4CONJONCTURES
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4LIVRES ET IDÉES
ÉTATS-UNIS
parlent même d’une « spiritualisation
rampante du politique »). Quant aux
défenseurs de l’écologie et de l’environnement dans les États frappés de plein
fouet par la crise industrielle, ou dans
ceux de l’Ouest, Alaska compris, ils
savent aussi se faire entendre.
Autre élément à prendre en compte, le
basculement du centre de gravité
démographique et politique, dont on
peut voir un signe dans la région d’origine des présidents successifs. Au XIXe
siècle et durant la première moitié du
XXe, à l’exception d’Andrew Johnson en
1865 et 1869, qui venait du Tennessee,
et de Hoover en 1928, issu de
Californie, tous étaient originaires d’un
État situé dans l’Est. Depuis 1976,
ils viennent de Géorgie (Carter),
de Californie (Reagan), de l’Arkansas
(Clinton) et du Texas (Bush père et fils).
Pour compléter le paysage, il faut rappeler la forte mobilité entre États, et le fait
que quelque 10 % des électeurs sont
des Américains intégrés récemment à
l’Union, venus de l’étranger, et pour lesquels les messages politiques n’ont pas
forcément de sens. Enfin, en matière
d’élection, la constitution fédérale donne
d’importantes prérogatives aux États :
ce sont eux qui organisent le scrutin
(seul le nombre des grands électeurs,
des représentants et des sénateurs, ainsi
que le calendrier des élections fédérales,
sont fixés par Washington). Aux ÉtatsUnis, la perception politique est donc
assez « locale ».
Ainsi mises à l’épreuve par les transformations sociologiques et démographiques, les institutions politiques sont
actuellement critiquées de l’intérieur.
Le système des « primaires » induirait des
choix qui ne sont pas issus d’un débat
vraiment populaire et collectif, mais d’individus regroupés pour la circonstance.
Les candidats seraient devenus les représentants d’une sorte de « political and corporate America », prêts à se faire soutenir
par tout lobby un peu influent. De plus, le
système des « grands électeurs » est
contesté (voir encadré).
Ces critiques trouvent une confirmation dans la baisse à peu près constante
Sociétal N° 45
g
3e trimestre 2004
Le système controversé des grands électeurs
Avec le système du winner takes all (« le vainqueur prend tout »), un candidat à la présidence doit recueillir 270 voix de Grands électeurs pour l’emporter. En fait, ce nombre ne correspond pas à celui des voix issues des urnes : ainsi, aux élections de 1960,
Kennedy n’a obtenu que 118 500 voix d’avance (sur 68,3 millions de votants) sur son
adversaire, le vice-président sortant Richard Nixon. Il fallut attendre tard dans la nuit
pour que les suffrages de l’Illinois, étroitement contrôlés par le maire de Chicago,
apportent à JFK les suffrages qui ont fait pencher la balance en sa faveur. De fait,
il aurait suffi que 13 000 électeurs votent différemment dans cinq États pour faire
basculer le résultat. Pourtant, le collège électoral a donné 303 voix à Kennedy contre
219 à Nixon. Cela s’est produit à d’autres reprises dans l’histoire.
Ce système des grands électeurs est qualifié par beaucoup de commentateurs
comme Bill Frenzel d’« anachronique, une négation d’un système électoral démocratique ». La composition globale n’a pas changé depuis cent ans, mais la répartition des
grands électeurs entre les États évolue en fonction de la population. Aujourd’hui 13
États en détiennent moins de 5 du fait de leur faible représentation à la Chambre des
représentants, alors que 7 États « poids lourds » en comptent plus de 20 (Californie,
Texas, New York State, Floride, Illinois, Pennsylvanie, Ohio) et entrent pour plus de
36 % dans la composition du collège électoral. Le record est détenu par la Californie
avec ses 55 grands électeurs, soit plus de 10 % du collège électoral. Un net basculement démographique et politique s’est produit au profit des États qui forment le
grand croissant périphérique et dynamique allant du Nord-Ouest au Sud.
du taux de participation électorale,
pour le scrutin présidentiel, depuis quatre décennies. En 1992, l’arrivée sur la
scène politique d’un tiers-parti puissant
avec Ross Perot l’avait fait progresser
de 5 %, mais il est retombé ensuite en
dessous de la barre des 50 %. Beaucoup
pensaient que ce taux allait remonter
en 2000 du fait d’un véritable combat
électoral entre Gore et Bush : effectivement, un peu plus de 51 % des adultes
ont voté. On est cependant très loin
des 63 % de participation obtenus en
1960. Cette année-là, 68,8 millions d’adultes avaient voté, plus de 40 millions
s’étaient abstenus. En 1996, il y eut pour
la première fois plus d’abstentionnistes
que de votants (100 millions contre
96,3). Enfin, si le taux de participation
est de quelque 50 % à la présidentielle,
il est de 40 % pour les élections de midterm et de 15 à 20 % dans les élections
« hyper-locales » comme celle du gouverneur, ou lors des référendums.
L’amérique
en « bLeu et rouge »
L’
Amérique politique et électorale
d’aujourd’hui est plus que jamais divisée, une division nourrie par les efforts de
marketing politique des deux grands partis qui paraissent sclérosés dans des campagnes sans compromis. Selon la plupart
des analystes politiques, le résultat très
serré de l’élection présidentielle de 2000
a créé une sorte d’impasse à la Maison
Blanche mais également au Congrès, avec
un Sénat à 50/50 et une majorité républicaine étroite à la Chambre des représentants. Cet équilibre reflète une nouvelle
géographie politique, une « Amérique en
bleu et rouge ».
Selon un article récent et remarqué
de Hans Noel, un politologue de l’Université de Californie (« The Road to Red
and Blue America »), l’Amérique est bien
un pays de classes moyennes, aux opinions politiques plutôt modérées ; mais
depuis quelques années, on assisterait
à une polarisation autour des positions
des conservateurs du Parti républicain et
des « libéraux » démocrates (qui représentent la gauche du parti) ; la tendance
plus conservatrice du Parti démocrate,
qui était apparue au cours des années
1980 (les « Reagan Democrats »), serait
à présent en voie de disparition au profit
de cette « nouvelle gauche ». Selon John
Kenneth White, auteur de The Values
Divide1, les « rouges » (les républicains)
UNE NOUVELLE GÉOGRAPHIE POLITIQUE
sont plus rouges que par le passé et les
« bleus » (les démocrates) plus bleus.
Comme le remarquent de façon symétrique le sénateur James M. Jeffords, ancien
républicain du Vermont, ou le sénateur
Zell
Miller,
un
démocrate
« pro-Bush », il y aujourd’hui peu de
place dans les politiques nationales pour
un « républicain libéral » ou un « démocrate conservateur ».
Ce clivage serait même sensible sur le
plan géographique, les Américains, très
mobiles, étant attirés par les régions qui
partagent leurs positions politiques, ce
qui expliquerait l’accentuation de la coupure spatiale. James Gimpel, analyste statisticien et politologue de l’Université du
Maryland, a même dessiné un patchwork
national où les différentes communautés
politiques formeraient des îlots de pensée identifiables géographiquement. Une
récente analyse demandée par Austin
American Statesman, comparant les
résultats des élections de 1976 et de
2000, conclut que l’Amérique s’est engagée sur la voie d’une « ségrégation politique volontaire ».
Les deux candidats, Bush et Kerry, ont
perçu l’importance de cette concentration géographique, et leur campagne
renforce la polarisation de l’Amérique.
Les supporters de Kerry attaquent Bush
sur les stéréotypes républicains, mais
l’accusent aussi d’être ignorant, de n’être qu’un « cow-boy » du Texas et surtout d’être entiché de religion. De
même, les supporters de Bush attaquent
Kerry sur les stéréotypes démocrates,
mais l’accusent dans le même temps
d’être snob, élitiste, de ne pas être sorti
souvent du Nord-Est et d’être plein
de contradictions dans son parcours
politique.
D’une certaine façon, d’ailleurs, le choix
par chaque parti de son candidat reflète
les archétypes du « rouge » et du
« bleu ». Certes, les deux prétendants
à la Maison Blanche font bien partie
du même establishment : issus de bonnes
familles, ils sont passés tous les deux par
Yale en 1965 et 1966, ils ont la même
culture universitaire. C’est ensuite que
leurs sentiers politiques divergent. Bush
quitte la Nouvelle-Angleterre pour le
L’élection de 2000
Pourcentage de votes en faveur des deux principaux candidats
Bush
Gore
Hommes
Femmes
53 %
43 %
42 %
54 %
Blancs
Noirs
Hispaniques
Asiatiques
Autres
54 %
9 %
35 %
41 %
39 %
42 %
90 %
62 %
55 %
55 %
Niveau d’éducation
Primaire
Secondaire
Universitaire
Post-graduate
39
49
51
44
%
%
%
%
59
48
45
52
%
%
%
%
Revenus annuels
Moins de 15 000 dollars
15 000 à 30 000 dollars
30 000 à 50 000 dollars
50 000 à 75 000 dollars
75 000 à 100 000 dollars
Plus de 100 000 dollars
37
41
48
51
52
54
%
%
%
%
%
%
57
54
49
46
45
43
%
%
%
%
%
%
Religion
Protestants
Catholiques
Juifs
Autres
Athées
56
47
19
28
30
%
%
%
%
%
42
50
79
62
61
%
%
%
%
%
Texas et entre dans l’activité pétrolière.
Le Texas, c’est le Wild West, l’ancien État
confédéré, la zone de la « Bible Belt ».
Bush adhère aux valeurs qui, selon
Stanley Greenberg2, constituent l’essence même de l’idéologie républicaine :
la foi en Dieu et la foi dans les entrepreneurs. Il insiste sur la baisse des
impôts, se proclame born again et en
appelle aux normes traditionnelles de
la famille (pour le mariage, contre
l’avortement, contre les droits des
homosexuels). Kerry, l’homme de
Boston, porte le drapeau de l’Amérique
« bleue » en embrassant les causes
de l’environnement, du syndicalisme,
de la régulation, du contrôle fédéral, de
l’internationalisme en politique extérieure, donnant la préférence à la tolérance sur la tradition.
une fracture
idéoLogique
C
ertes, cette thèse de la division
d’une Amérique en « bleu et rouge »
a ses détracteurs. Les populations éduquées des grandes métropoles refusent
de se laisser enfermer dans des positions
extrêmes et mettent l’accent sur le
« main street of America » (le pays réel).
Certains spécialistes des sondages repèrent d’ailleurs des « États pourpres » (purple States), où se mêlent le « bleu » et le
« rouge », et qui ont contribué à l’impasse
The Values Divide. American Politics and Culture in
Transition, Chatham House, 2002.
2 The Two Americas : our Current Political Deadlock
and How to Break it.,Thomas Dunne Books, 2004.
1
Sociétal N° 45 g 3e trimestre 2004
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ÉTATS-UNIS
électorale de la présidentielle de 2000 : la
Floride, l’Iowa, le Minnesota, le Missouri, le
Nevada, le New Hampshire, le NouveauMexique, l’Oregon, la Pennsylvanie, le
Tennessee et le Wisconsin.
Il est clair, cependant, que la division du
pays s’est accentuée depuis l’élection présidentielle de 1960. En 1960, le candidat
démocrate John Kennedy avait emporté
des États dans presque toutes les grandes
régions du pays ; alors qu’en 2000, le
démocrate Al Gore était éliminé de tout
le Sud, des États des Grandes Plaines et, à
l’exception du Nouveau-Mexique, de tout
l’arc montagneux de l’Ouest. Les États
que Gore emporte, par rapport à 1960,
sont ceux de la côte Ouest (Californie,
Oregon, Washington State), ceux des
Grands Lacs (Minnesota, Iowa,Wisconsin,
Michigan, Illinois) à l’exception de l’Indiana
et de l’Ohio, ainsi que la NouvelleAngleterre (sauf le New Hampshire).
Les électeurs de G.W. Bush en 2000
étaient plutôt âgés, mariés, assidus à
la pratique religieuse et en général
born again christians comme se définit
Bush lui-même. L’électorat « bleu », lui,
regroupe plutôt des femmes éduquées,
des athées, ou non-pratiquants, des syndicalistes, et les résidents des grandes
métropoles autour de New York, en
Nouvelle-Angleterre ainsi que dans les
aires métropolitaines californiennes. Cela
explique les différences entre les scores
de Gore et ceux de Kennedy, qui avait
ratissé plus large dans des couches politiques plus modérées.
Bell, dans The End of Ideology, paru en
1990, explique qu’on « faisait alors front
commun contre un ennemi commun et
identifié » ; l’effondrement du bloc soviétique redistribue les cartes politiques et
donne lieu à des positions plus radicales.
Certes, les divisions politiques ne sont
pas nouvelles aux Etats-Unis. On peut
retrouver des lignes de fracture idéologique sur deux cents ans de vie politique : le Nord contre le Sud, le rural
contre l’urbain, les populistes contre les
élitistes, le religieux contre le laïc… Mais
ces fractures n’ont pas toujours coïncidé avec les lignes des partis : les ÉtatsUnis ont été conduits durant deux
décennies par la coalition issue du New
Deal de Roosevelt ; les présidents républicains comme Eisenhower, Nixon ou
même Ford ont été plutôt centristes et
ont gouverné pragmatiquement. En
revanche, Reagan s’est éloigné de ce
cadre plus ou moins consensuel en
introduisant davantage d’idéologie en
politique. Bref, du temps de la guerre
froide, le consensus était la règle : Daniel
G
L’avancée des
répubLicains
lobalement, le fait électoral se
régionalise, avec de forts contrastes par rapport aux années 1960 (voir
les cartes). La méthode de calcul
de l’America Votes and Federal Election
Commission permet de cerner le score
des deux grands partis en fonction de
leur « marge de victoire » l’un par rapport à l’autre. Trois niveaux sont retenus : moins de 10 % d’écart, 10 % à 20 %
et plus de 20 %. La carte de 1960 montre qu’un parti l’emporte rarement avec
plus de 20 % des voix sur son adversaire.
Les démocrates ont alors de meilleurs
scores (de plus grandes marges de victoire) dans quatre États, dont deux bastions démocrates du Sud (Louisiane et
Géorgie) et deux États symboliques du
Nord-Est (Massachusetts et Rhode
Island). Les républicains ne dépassent
Les résultats des élections présidentielles en 1960
et les marges de victoire
ME
WASH
ND
MONT
OR
VT
MIN
MICH
SD
RI
PENN
WYO
IOWA
NEV
WV
UTAH
COL
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KAN
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LA
Marges de victoire
HAWAI
10 %
Républicains
Democrates
g
3e trimestre 2004
MD
(D.C.)
GA
FLO
Sociétal N° 45
DEL
SC
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TEXAS
CONN
OHIO
IND
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CAL
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ID
20 %
UNE NOUVELLE GÉOGRAPHIE POLITIQUE
Les résultats des élections de 2000 et les marges de victoire
WASH
ME
MONT
OR
ND
ID
VT
MIN
WYO
PENN
COL
CAL
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OKL
ALASKA
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IOWA
NEV
MASS
NY
WIS
SD
ALA
D.C.
GA
LA
FLO
Marges de victoire
HAWAI
10 %
20 %
Républicains
Democrates
20 % que dans deux États du Middle
West (Nebraska et Kansas). Les dominations moyennes (10 % à 20 % d’écart)
sont rares chez les démocrates avec
seulement deux États (Mississippi et
Alabama), mais plus nombreuses pour
les républicains : l’Oklahoma, l’Iowa, les
deux Dakotas, le Wyoming et l’Arizona,
ainsi que l’Indiana, le Vermont et le
Maine, soit neuf États. Dans l’ensemble,
les marges de victoire sont faibles dans
une majorité d’États.
La carte de 2000 montre une situation
très différente. Le Parti républicain réalise un « tir groupé » (plus de 20 % de
marge de victoire) dans dix États, situés
en gros entre le Mississippi et les États
de la côte Ouest, englobant une bonne
partie des Rocheuses, ainsi qu’en Alaska.
Les marges de victoire de 10 % à 20 %
pour les républicains se trouvent dans
presque tous les États du Sud, selon une
diagonale allant du Mississippi à la
Caroline du Nord, ainsi que le Kentucky
et l’Indiana plus au Nord. En revanche,
les démocrates ne dépassent le seuil de
20 % que dans quatre États (New York,
Rhode Island, Massachusetts et Illinois)
et le District of Columbia (qui n’avait pas
d’élection de grands électeurs en 1960).
Le seuil des 10 % n’est dépassé que
dans quatre États de la côte Est (New
Jersey,
Delaware,
Maryland
et
Connecticut) et à Hawai ; partout
ailleurs, la marge des démocrates est
inférieure à 10 %, y compris en
Californie, le poids lourd de la vie politique américaine.
Ainsi, en quarante ans, les républicains
ont conforté leurs positions (élargi leurs
marges de victoire), beaucoup plus que
les démocrates. Cela ne leur a cependant pas donné une nette victoire globale en 2000, car leurs forces n’étaient
pas concentrées dans les États « poids
lourds ».
Le Sud est un bon exemple de glissement politique radical : fidèle aux démocrates durant des décennies, il vote
désormais républicain et s’inscrit dans la
nouvelle vague conservatrice, alors que
le Nord-Est reste un fief démocrate, et
même « libéral ». Dans le Sud, depuis
1960, les candidats à la présidentielle ont
toujours cherché à se concilier un
électorat qui a peut-être la plus forte
identité « historique » de l’Union. Le
« sécessionnisme » du Sud n’est plus à
l’ordre du jour depuis à peu près quarante ans, mais d’autres critères identitaires entrent en jeu, religieux ou
ethniques. Ainsi, la Floride se partage à
50/50 entre démocrates et républicains,
mais donne toujours un léger avantage
aux républicains (avec une très faible
marge de victoire). Ce n’est pas nécessairement la minorité noire qui fait la différence : les communautés cubaine et
haïtienne pèsent aussi dans les élections.
G.W. Bush a ainsi eu le soutien des
Cubains, tandis que les Noirs sont restés
attachés aux démocrates.
Au total, en 2000, les républicains l’emportent dans 31 États sur 50. Leur
influence s’est installée dans une large
diagonale, de la frontière canadienne
occidentale à la Floride. Quant aux
démocrates, ils dominent dans les deux
extrêmes géographiques, Nord-EstGrands Lacs et côte Pacifique. Tout le
reste est « rouge », à l’exception du
Nouveau-Mexique en raison du vote
latino. Le scrutin de novembre dira si la
polarisation de la vie politique américaine
est une tendance de très long terme, ou
une phase d’un mouvement cyclique. g
Sociétal N° 45 g 3e trimestre 2004
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