Épidémiologie de la lithiase urinaire chez les militaires français au

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Progrès en urologie (2014) 24, 764—770
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ARTICLE ORIGINAL
Épidémiologie de la lithiase urinaire chez
les militaires français au cours de
l’opération Serval
Epidemiology of urinary stones in the French military during the
operation Serval
H. Abdourahman a,∗, F.-R. Desfemmes a,b,
A. De Chaumont a, B. Molimard a, M. Dusaud a,
A. Houlgatte a, X. Durand a
a
Service de chirurgie urologique, hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce, 74,
boulevard du Port-Royal, 75005 Paris, France
b e
9 antenne chirurgicale aérotransportable, France
Reçu le 6 juin 2014 ; accepté le 24 juillet 2014
Disponible sur Internet le 22 août 2014
MOTS CLÉS
Lithiase urinaire ;
Épidémiologie ;
Opération
extérieure ;
Traitement
∗
Résumé
Objectifs. — La crise de colique néphrétique est une pathologie fréquemment rencontrée au
cours des opérations extérieures (Opex) menées récemment par l’armée française et peut
nécessiter un rapatriement sanitaire en métropole. Les soldats déployés dans les zones arides
sont exposés à un risque accru de survenue de lithiases urinaires. Le but de notre étude
est d’analyser les facteurs de risque, la fréquence et les modalités de prise en charge de la
maladie lithiasique urinaire symptomatique chez les militaires français rapatriés pour colique
néphrétique au cours de l’opération Serval.
Méthodes. — Notre étude a porté sur les militaires français rapatriés du Mali pour colique
néphrétique entre le 11 janvier et le 30 novembre 2013. Pour chaque patient, nous avons
recensé : âge, sexe, date de déploiement, date de la crise, antécédents personnels et familiaux
de lithiase urinaire, traitement médical initial, diagnostic et traitement au retour en France.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (H. Abdourahman).
http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2014.07.017
1166-7087/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Lithiase urinaire chez les militaires français
765
Résultats. — Sur les 348 soldats rapatriés sanitaires en métropole durant cette période initiale
de l’opération Serval, 41 l’ont été en raison d’une crise de colique néphrétique (11,7 %). Vingtneuf pour cent des patients avaient un antécédent personnel de maladie lithiasique rénale
symptomatique. Le temps moyen passé sur le territoire au moment de la crise était de 60 jours
(10—120 jours). Quatre-vingt-quinze pour cent des patients étaient asymptomatiques à leur
arrivée en France et 39 % des patients n’avaient pas de calcul retrouvé à la TDM. La taille
moyenne des calculs retrouvés à l’imagerie était de 2,71 mm (1—8 mm). Une seule patiente
(2 %) a nécessité un drainage par endoprothèse urétérale JJ.
Conclusion. — Les militaires français participant à l’opération Serval sont exposés à de multiples
facteurs favorisants la lithiase urinaire comme la déshydratation et les fortes températures.
L’analyse de notre série révèle néanmoins que l’antécédent de maladie lithiasique rénal est le
facteur favorisant principal et que le traitement médical a été efficace dans la quasi-totalité
des cas de colique néphrétique. L’impact opérationnel lié à cette pathologie fréquente en zone
sahélienne mérite une sensibilisation des praticiens de terrain au dépistage et à la prise en
charge de cette pathologie en situation précaire et une réflexion des états-majors sur l’accès
sur le théâtre d’opération à des moyens diagnostiques et thérapeutiques adaptés qui pourraient
faciliter le retour à l’unité de combat.
Niveau de preuve. — 4.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS
Urinary calculi;
Epidemiology;
Foreign operation;
Treatment
Summary
Objectives. — The renal colic crisis is a pathology frequently encountered in foreign operations
recently conducted by the French army and often requires a medical repatriation in mainland
France. Soldiers deployed in arid areas are at increased risk of developing urolithiasis. The purpose of our study is to analyze the risk factors, the frequency and the methods of management
of symptomatic urinary stone disease for French military returnees for renal colic during Serval
operation.
Methods. — Our study focused on French soldiers repatriated from Mali for a renal colic care
between January 11th and November 30th, 2013. For each patient, we recorded: age, sex,
deployment date, crisis date, personal and family histories of urolithiasis, initial medical treatment, diagnosis and treatment to return to France.
Results. — Three hundred and forty-eight soldiers were evacuated during Serval operation,
among which 41 were due to the occurrence of renal colic crisis (11.7%). Twenty-nine percent of
patients had a personal history of kidney stone disease symptomatically. The average residence
time when the crisis appears is 60 days (10—120 days). Ninety-five percent of patients were
asymptomatic at their arrival in France and 39% of patients had no stone found in CT scan. The
average size of the stones found on the imaging was 2.71 mm (1—8 mm). One patient required
drainage by JJ ureteral endoprothese in order to have a quick ureteroscopy for recovery of its
capacity.
Conclusion. — The French military sent to Serval operation are exposed to multiple contributing
factors of urolithiasis as the dehydration and the strong temperature. The analysis of our series
reveals that the history of renal stone disease is the main factor favoring and the medical
treatment is effective in almost all renal colic cases. The operational impact associated with
this common condition in the Sahel region deserves an awareness of field practitioners to the
screening and management of this disease in a precarious situation and a reflection of the staffs
concerning the access onto the operating theater to appropriate diagnostic and therapeutic
means that could facilitate the return to the combat unit.
Level of evidence. — 4.
© 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction
Les antécédents personnels et familiaux, la déshydratation
et la chaleur sont des facteurs de risque reconnus de la
maladie lithiasique rénale dans la population générale. La
population militaire déployée en opération en Afrique est
donc particulièrement à risque de développer des calculs
urinaires. Ainsi, la crise de colique néphrétique est une
pathologie fréquemment rencontrée chez les militaires en
opérations extérieures et peut nécessiter un rapatriement
sanitaire en métropole. Le but de notre étude est d’analyser
les facteurs de risque, la fréquence et les modalités de prise
766
H. Abdourahman et al.
en charge des militaires français évacués en France en raison
d’une colique néphrétique au cours de l’opération Serval au
Mali.
Patients et méthodes
Il s’agit d’une étude de cohorte, rétrospective, monocentrique de 41 patients qui ont présenté une crise de colique
néphrétique nécessitant un rapatriement sanitaire entre le
11 janvier 2013, date de déclenchement de l’opération Serval et le 30 novembre 2013. Pour chaque patient, nous avons
recensé : âge, sexe, date de déploiement, date de la crise,
antécédents personnels et familiaux de maladie lithiasique
rénale, traitement médical initial, symptômes lors du rapatriement sanitaire, prise en charge médicale et chirurgicale
à l’arrivée. Tous les patients avaient bénéficié d’une visite
médicale d’aptitude avant le départ en opération extérieure, mais tous n’avaient pas bénéficié de la réalisation
d’une bandelette urinaire à la recherche d’une hématurie
microscopique, conformément aux textes réglementaires en
vigueur [1]. Tous les patients ont bénéficié d’un bilan clinique, biologique et scannographique à leur arrivée dans le
service d’urologie de l’hôpital d’instruction des armées du
Val-de-Grâce.
Résultats
Parmi les 348 militaires français rapatriés en France pour
raison sanitaire au cours de l’opération Serval durant cette
période, 41 l’ont été en raison d’une crise de colique
néphrétique (11,7 %). Nous avions 39 hommes pour 2 femmes
soit un sex-ratio de 19,5. L’âge moyen était de 31,1 ans
(23—50 ans). Vingt-neuf pour cent des patients avaient un
antécédent personnel de maladie lithiasique rénale symptomatique et 20 % avaient un antécédent familial connu.
Lors de la visite médicale d’aptitude précédant le départ
en opération extérieure, 51 % des patients n’avaient pas
bénéficié de la réalisation d’une bandelette urinaire à la
recherche d’hématurie microscopique, selon les recommandations de la direction centrale du service de santé des
armées (Article 14 du décret : la visite médicale périodique
est un bilan médical qui repose sur : un entretien médical
individuel, basé notamment sur l’exploitation d’un questionnaire médico-biographique signé par l’intéressé et de la
fiche prérenseignée par son commandement ; l’analyse de
tout document apporté par le patient ; l’étude du dossier
médical ; l’examen clinique ; des examens complémentaires
systématiques, dont la liste est fixée par instruction, sous
timbre du service de santé des armées, hormis les cas prévus par la loi ou la réglementation, aucun bilan biologique
ou paraclinique ne doit être prescrit à titre systématique de
façon non discriminée) [1] contre 49 % qui avaient bénéficié
de la réalisation d’une bandelette urinaire (46 % bandelette
négative et 3 % présence de sang dans les résultats), parmi
lesquels 20 % avaient des antécédents personnels ou familiaux de maladie lithiasique rénale.
Le temps moyen passé sur le territoire au moment
de la crise était de 60 jours (10—120 jours). Les
motifs d’évacuation étaient soit la persistance d’une
douleur malgré le traitement médical symptomatique
Figure 1.
Localisation des calculs.
soit une dilatation des cavités pyélocalicielles majorée
à l’échographie. Les radiographies standard d’abdomen
sans préparation n’étaient pas disponibles et à notre
connaissance, aucune urographie intraveineuse (UIV) n’a
été réalisée sur le théâtre malien.
Ils étaient dans la très grande majorité des cas asymptomatiques à leur arrivée dans le service d’urologie de
l’hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce (95 % des
patients). Plus d’un tiers des patients (34 %) avaient spontanément évacué un calcul sur les données de l’interrogatoire.
Le scanner abdomino-pelvien sans injection réalisé de façon
systématique retrouvait la présence de calculs urinaires
chez 25 patients (61 %) avec persistance d’une dilatation des
cavités pyélocalicielles dans 8 cas. Les calculs étaient localisés soit dans les cavités calicielles (17/25 patients) soit dans
l’uretère pelvien (11/25 patients), avec possibilité d’une
double localisation (Fig. 1). La taille moyenne des calculs
était de 2,71 mm (1—8 mm).
Tous les patients ont été traités médicalement lors de
leur hospitalisation dans le service d’urologie de l’hôpital
d’instruction des armées du Val-de-Grâce avec une durée
moyenne de séjour de 24 h avant de rejoindre leur garnison
sauf une patiente qui a nécessité un drainage de la voie
excrétrice urinaire supérieure par endoprothèse urétérale
JJ (2 %).
Discussion
Il s’agit de la 1re étude colligeant les cas de colique néphrétique ayant nécessité une évacuation sanitaire au sein d’un
contingent militaire français en opération extérieure, en
l’occurrence de l’opération Serval au Mali dans sa phase initiale. Les études récentes publiées dans la littérature sur
la lithiase urinaire parmi le personnel militaire déployé en
missions extérieures sont le fait d’auteurs américains rapportant leurs expériences des conflits de ce début de XXIe
siècle : Operation Iraqi Freedom (OIF) lors de la seconde
guerre du Golfe et Operation Enduring Freedom (OEF) en
Afghanistan.
Les principaux facteurs de risque rapportés dans la littérature sont la déshydratation et les fortes températures
[2]. Nos soldats étaient exposés au Mali à de fortes chaleurs
avec une moyenne de 50 ◦ C à l’ombre à partir de midi, associées à un rationnement en eau potable, ce qui accentue le
phénomène de déshydratation. Nous avons ainsi constaté un
Lithiase urinaire chez les militaires français
767
Figure 2. Chaîne santé opérationnelle avec les différentes unités médicales opérationnelles (UMO) : rôle 1 : PM = poste médical (intrathéatre) ; rôle 2 : ACA = antenne chirurgicale aérotransportable (intrathéatre) correspond au FST américain (Forward Surgical Team) ; rôle
3 : HMC = hôpital médico-chirurgical (intrathéatre) correspond au CSH américain (Combat Support Hospital) ou MTF (Medical Treatment
Facility) ; rôle 4 : HIA = hôpital d’instruction des armées (France).
délai moyen de survenue de la crise assez rapide dans notre
série de 60 jours versus 93 jours dans la série de Evans et
Costabile au sein du 47th Combat Support Hospital lors de
la seconde guerre du Golfe [3].
Une enquête à grande échelle menée chez les vétérans
de l’OIF (> 10 000 questionnaires envoyés avec un taux de
réponse de 60 %) a rapporté que la probabilité de développer un épisode symptomatique de lithiase urinaire pendant
leur déploiement était 30 fois plus élevée chez les patients
ayant des antécédents personnels de maladie lithiasique
et 2,5 fois plus élevée chez les patients ayant des antécédents familiaux de maladie lithiasique [4]. En revanche,
il n’y avait aucune différence selon la saison où les soldats étaient déployés. Dans notre série, 29 % des patients
avaient des antécédents personnels de maladie lithiasique
rénale. Ce résultat et les données de la littérature justifient
selon nous de modifier nos pratiques avec une évaluation
ciblée de nos soldats avant leur projection en Opex dans
des pays chauds. La question de pousser les explorations
diagnostiques jusqu’au scanner pour ces patients ayant des
antécédents personnels de maladie lithiasique rénale est
légitime et ce d’autant que d’autres catégories professionnelles sont déjà soumises à de telles règles pour des raisons
opérationnelles (personnel naviguant soumis aux normes
d’aptitudes médicales de l’aviation civile). L’aptitude serait
alors obtenue si et seulement si le patient est stone free.
En revanche, d’autres questions ne manqueraient pas de se
poser : dans le cas particulier —– fréquent —– d’un diagnostic
d’imagerie évocateur de plaques de Randal, la conduite à
tenir serait sujet à débat : intervention puis aptitude opérationnelle ou abstention — surveillance ?
La colique néphrétique est une pathologie fréquente lors
des opérations extérieures en pays chauds (Moyen-Orient,
Afrique). Dans notre étude, les crises de colique néphrétique
ont représenté 11,7 % du total des rapatriements sanitaires
hors théâtre au cours des 11 premiers mois de l’opération
Serval. Les Américains ont eux rapporté deux expériences
intéressantes au sein de leurs hôpitaux déployés sur le
théâtre lors de l’OIF (rôle 3, Fig. 2).
Baker et Costabile [5] ont pris en charge 218 cas de
lithiases urinaires symptomatiques chez 182 patients au sein
du 47th Combat Support Hospital déployé au Koweït de
mars à août 2003, ce qui représentait un total de 5 % de
l’ensemble des admissions pour la période. Le principal
moyen d’imagerie utilisé était le scanner à 68 %, 24 % avaient
bénéficié d’une urographie intraveineuse, 5 % d’un ASP et 3 %
d’une pyélographie rétrograde. Dans cette étude, 16 % des
patients avaient été hospitalisés et avaient bien répondu
au traitement médical qui consistait en l’administration par
voie intraveineuse d’antalgiques et d’anti-inflammatoires,
30 % avaient été suivis en ambulatoire et avaient été perdus
de vue par la suite, et 54 % avaient bénéficié d’une évacuation sanitaire aérienne hors du théâtre vers un rôle 4. Seuls
3 patients (1,6 %) avaient nécessité la pose d’une endoprothèse urétérale JJ, réalisée sur le théâtre au sein du rôle
3.
Rozanski et Edmondson [6] ont eux rapporté 84 patients
admis pour crise de colique néphrétique au sein du 21th
Combat Support Hospital déployé à Mosul de mai à septembre 2003, ce qui représentait 8 % des admissions. Leur
moyen d’imagerie était soit le couple échographie + ASP soit
l’urographie intraveineuse (UIV). Dans cette série, 86 % des
patients étaient repartis dans leur unité de combat après
un traitement médical efficace à base d’antalgiques, d’antiinflammatoires, d’antiémétique et d’une réhydratation par
voie intraveineuse. Douze patients (14 %) avaient une
colique néphrétique compliquée définie par de multiples
lithiases ou un calcul > 10 mm ou une douleur réfractaire au
traitement médical ou de la fièvre. Parmi ces patients, 7
(8 %) avaient bénéficié de la pose d’une endoprothèse urétérale JJ au rôle 3 puis d’une évacuation sanitaire dans un rôle
4 pour la suite de la prise en charge urologique car ils présentaient de multiples lithiases ou un calcul > 10 mm. Cinq
patients (6 %), qui présentaient un calcul < 8 mm avec une
douleur réfractaire aux antalgiques, anti-inflammatoires et
aux morphiniques, avaient bénéficié de la pose d’une endoprothèse urétérale JJ au sein du rôle 3 et avaient rejoint par
la suite leur unité de combat.
Par ailleurs, 80 % des patients pris en charge pour colique
néphrétique entre janvier 2004 et décembre 2007 au cours
de ces deux guerres (OEF et OIF) ont pu retourner au
sein de leur unité de combat après un traitement médical
symptomatique par antalgiques et anti-inflammatoires [7].
Pour ce qui est de l’opération Serval, le service de santé
des armées ne dispose malheureusement pas de données
exhaustives permettant de colliger l’ensemble des coliques
néphrétiques survenues parmi les soldats français déployés
au Mali durant cette période. En particulier, il n’existe pas
de registre épidémiologique centralisé qui aurait permis de
connaître le nombre de patients traités médicalement et
soulagés au niveau des UMO de rôle 1 ou de rôle 2, le nombre
d’évacuations sanitaires intrathéatres pour colique néphrétique et le nombre de patients qui ont pu rejoindre leur
unité de combat.
768
Figure 3.
H. Abdourahman et al.
9e antenne chirurgicale aérotransportable déployée sous tentes à Tessalit au Mali de février à avril 2013.
Parmi les patients pris en charge dans le service, 80 %
n’avaient pas d’obstacle sur la voie excrétrice urinaire supérieure et 39 % n’avaient pas de calcul retrouvé dans les voies
urinaires au scanner abdomino-pelvien sans injection réalisé
lors de leur arrivée en France. La taille moyenne des calculs
était de 2,71 mm.
Contrairement aux études de l’armée américaine suscitées réalisées au sein de véritables hôpitaux de campagnes
(Combat Support Hospital = unité médicale opérationnelle
de rôle 3) avec présence de chirurgiens urologues et accès
pour certains rôle 3 au scanner, l’armée française a déployé
au Mali des structures chirurgicales souples et mobiles
(antennes chirurgicales aérotransportables [ACA] déployées
sous tente) constituées d’équipes chirurgicales restreintes
(12 personnes minimum dont un chirurgien viscéraliste et un
chirurgien orthopédiste) (Fig. 3).
Ces ACA ont fait la preuve de leur efficacité sur les différents théâtres d’opération mais ne permettent pas de
multiplier les spécialités chirurgicales et les équipements
d’imagerie. Leur finalité est la stabilisation d’un blessé
de guerre hémorragique en vue d’une évacuation sanitaire
rapide. Les moyens d’imagerie accessibles au sein d’une
ACA sont limités à des appareils mobiles de radiographie et
d’échographie (Fig. 4 et 5). Le produit de contraste radiologique n’est pas en dotation systématique au niveau des ACA
ce qui ne permettait pas la réalisation d’UIV au Mali.
À la lumière des données cliniques et paracliniques de
nos soldats évacués en France et des expériences rapportées par l’armée américaine lors des OIF et OEF, on peut
raisonnablement penser que l’accès à une imagerie par
UIV ou par scanner sur le théâtre aurait permis de limiter
le nombre d’évacuation sanitaire hors théâtre. Doter les
antennes chirurgicales aérotransportables systématiquement d’un manipulateur électroradiologiste et de produit
de contraste radiologique, et former les médecins et
chirurgiens de l’avant à poser l’indication et à interpréter
une UIV pourraient être une voie à étudier pour le SSA.
La problématique de l’accès à la tomodensitométrie est
plus complexe. Le SSA a mis au point un équipement adapté :
un « abri modulaire avec scanographe intégré (AMS) » mais
destiné uniquement aux unités médicales opérationnelles de
rôle 3. Projetable par voie aérienne ou maritime, le conteneur est déployable avec deux extensions latérales intégrées
pour permettre la mise en œuvre d’un scanographe Philips
Brilliance 64 barrettes, des moyens d’injections de produit
de contraste et d’une station d’interprétation complète
(Fig. 6 et 7). Le premier exemplaire AMS devrait être projeté
au cours de l’été 2014 au sein du centre médico-chirurgical
Épervier de Ndjamena en remplacement d’un scanner monobarette.
La doctrine de déploiement de ce module d’imagerie
uniquement au niveau d’une unité médicale opérationnelle
de niveau 3 (hôpital médico-chirurgical de l’avant, rarement déployé par l’armée française) mérite d’être discutée.
Sa mise à disposition selon les théâtres dès le niveau 2
(antenne chirurgicale aérotransportable qui est alors considérée comme un rôle 2+) surtout en l’absence de rôle 3 sur
Figure 4.
en ACA.
Appareil de radiographie mobile Stephanix disponible
Lithiase urinaire chez les militaires français
769
Figure 7. Abri modulaire à scanographe intégré, vue intérieure.
http://www.defense.gouv.fr/sante/a-la-une/2014/un-scannernouvelle-generation-pour-les-opex.
Photo service de santé des armées, ministère de la Défense, France,
2014.
Figure 5.
ACA.
Échographe portable Sonosite M-Turbo® disponible en
le théâtre paraît plus pertinente, bien au-delà du problème
de la colique néphrétique évoqué dans cet article.
À notre connaissance, aucun soldat français n’a nécessité de drainage en urgence de la voie excrétrice urinaire
supérieure sur le théâtre malien. Une seule patiente (2 %)
a justifié la pose d’une endoprothèse urétérale JJ sur un
calcul obstructif de l’uretère pelvien de 8 mm au rôle 4 et
par la suite une urétéroscopie rigide permettant une extraction endoscopique du calcul afin de récupérer rapidement
son aptitude opérationnelle. Même si cette éventualité est
rare, l’indication d’un drainage en urgence sur un théâtre
Figure 6. Abri modulaire à scanographe intégré, vue extérieure.
http://www.defense.gouv.fr/sante/a-la-une/2014/un-scannernouvelle-generation-pour-les-opex.
Photo service de santé des armées, ministère de la Défense, France,
2014.
d’opération d’une colique néphrétique hyperalgique ou
d’une obstruction aiguë fébrile de la voie excrétrice s’est
déjà rencontrée récemment pour les chirurgiens militaires
français sur d’autres missions (Afghanistan, Centrafrique)
et les expériences américaines sont à ce propos démonstratives. Au niveau d’un rôle 2, la seule possibilité est un
drainage par néphrotomie percutanée : la dotation systématique en produit de contraste radiologique et en kits de
néphrotomie est donc nécessaire. Au niveau d’un rôle 3,
le plateau technique (endoscope rigide, amplificateur de
brillance, produit de contraste et consommable adapté) permet un drainage endoscopique rétrograde par endoprothèse
urétérale JJ. Toutes ces techniques de drainage sont enseignées aux chirurgiens militaires depuis 2011 lors du cours
avancé de chirurgie en mission extérieure (Cachirmex) dispensé par l’école du Val-de-Grâce [8].
Conclusion
Les militaires français projetés en zone sahélienne sont
exposés à de multiples facteurs de risque de lithiase urinaire. L’analyse de notre série révèle que le traitement
médical est efficace dans la quasi-totalité des cas avec
pourtant un nombre de rapatriements sanitaires important
discordant avec le tableau clinique à leur arrivée en France.
Dans la littérature, il existe essentiellement des données
de l’armée américaines rapportant de faibles taux de rapatriements sanitaires en cas de colique néphrétique au prix
de moyens diagnostiques et parfois thérapeutiques lourds
déployés sur le théâtre d’opération. L’impact opérationnel
est loin d’être négligeable puisqu’une grande majorité de
ces patients peut ensuite retourner à son poste de combat.
Les pistes de travail pour maintenir au mieux la capacité
opérationnelle de l’armée française en mission extérieure
sont :
• sur le plan de la prévention, préciser quel sera le bilan
médical le plus pertinent avant projection d’un patient
ayant un antécédent personnel de colique néphrétique ;
• sur le plan épidémiologique, améliorer le recueil épidémiologique en opération extérieure afin de le rendre
mieux exploitable scientifiquement ;
770
• sur le plan diagnostique, doter les antennes chirurgicales en produit de contraste radiologique et préciser
la doctrine d’emploi des nouveaux abris modulaires avec
scanographe intégré ;
• sur le plan chirurgical, s’assurer que le plateau technique
nécessaire à un drainage des voies excrétrices urinaires
supérieures est toujours disponible soit par néphrotomie
percutanée soit par drainage endoscopique rétrograde.
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
Références
[1] Arrêté du 20 décembre 2012 relatif à la détermination et au
contrôle de l’aptitude médicale à servir du personnel militaire. Legifrance; 2012 http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.
do?cidTexte=JORFTEXT000026952134&categorieLien=id
H. Abdourahman et al.
[2] Al-Hadramy MS. Seasonal variations of urinary stone colic in
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[3] Evans K, Costabile R. Time to development of symptomatic urinary calculi in a high risk environment. J Urol
2005;173(3):858—61.
[4] Pugliese JM, Baker KC. Epidemiology of nephrolithiasis in
personnel returning from Operation Iraqi Freedom. Urology
2009;74(1):56—60.
[5] Baker K, Costabile RA. Demographics, stone characteristic, and
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[6] Rozanski TA, Edmondson JM. Treatment of urinary calculi in the
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[7] Cohen SP, Brown C, Kurihara C, Plunkett A, Nguyen C,
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Freedom: a prospective cohort study. Lancet 2010;375(9711):
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[8] Pons F. Chirurgien des armées. La nécessité d’une formation particulière. e-memoire Acad Natl Chir 2007;6(4):
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