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Le projet n’est pas pertinent
Erreur économique
Il est démontré qu’il sera très difficile, pour l’Ouest canadien, d’augmenter sa production de
pétrole brut en flèche si les pétrolières n’ont pas accès à un nouvel oléoduc. Le train pourrait sans
doute absorber une certaine hausse, mais plus restreinte, à cause des coûts et des limites du
réseau ferroviaire. Ainsi, en somme, on peut dire qu’Énergie Est permettrait aux producteurs de
l’Ouest canadien d’atteindre leurs cibles de production de pétrole des sables bitumineux d’ici 15
ans.
Or, quand les prix du pétrole se sont effondrés et ont entraîné l’économie albertaine dans leur
chute, le premier ministre d’alors, Jim Prentice, a déclenché des élections en admettant qu’il avait
failli à diversifier convenablement l’économie de la province et en promettant de faire mieux la
prochaine fois. « Les Albertains ne seront plus tenus en otage par les fluctuations du prix du
pétrole », a-t-il promis
.
Aujourd’hui, c’est l’ensemble de la population canadienne qu’on semble vouloir ligoter encore plus
solidement en construisant Énergie Est, une infrastructure qui augmenterait encore l’importance
du pétrole dans l’économie albertaine, dont les soubresauts se répercutent partout au pays.
N’oublions pas que les Albertains ne sont pas les seuls à avoir subi les contrecoups de la baisse
du prix du pétrole : si l’Ontario et le Québec n’avaient pas perdu une foule d’emplois liés aux
produits d’exportation, à cause des pétrodollars trop élevés pendant la période d’euphorie
pétrolière, le gouvernement fédéral n’aurait peut-être pas, aujourd’hui, à faire face à une
économie dévitalisée autant dans l’Est que dans l’Ouest du pays,
L’heure est venue de diversifier réellement l’économie albertaine et de renforcer ainsi la résilience
de l’économie canadienne dans son ensemble.
On a même appris récemment que près de 30 % du pétrole qui serait transporté serait du pétrole
américain! Qui nous dit qu’Énergie Est ne servirait pas un jour à sortir du pétrole 100 % américain,
si le secteur canadien des sables bitumineux finissait de s’effondrer?
Erreur climatique
Au cours des audiences de la Commission, en mars, certains experts ont suggéré que le pétrole
produit au Canada ne le serait peut-être pas ailleurs, et vice versa. Ces propos ont été contestés
par plusieurs, qui les ont qualifiés de « spéculation ». Quoi qu’il en soit, assurément, le Canada ne
contrôlera pas directement ce qui se passera ailleurs au monde, mais cela ne peut pas être un
prétexte justifiant le maintien des politiques passées du pays : le Canada peut à tout le moins
tenter d’exercer un leadership en se transformant de pays délinquant en pays modèle. Il n’est
plus justifiable pour le Canada de soutenir une hausse de l’extraction de pétrole. Le faire en
sachant qu’il s’agit de pétrole des sables bitumineux, le plus intense au monde en matière de
contribution au réchauffement planétaire, serait scandaleux. Le faire en se présentant comme un
champion mondial du plafond climatique de 1,5 % serait honteux.
Edmonton Sun, 7 avril 2015, http://www.edmontonsun.com/2015/04/07/premier-prentice-calls-alberta-election-for-may-5