Énergie Est : un projet déraisonnable auquel il faut opposer un NON retentissant Mémoire présenté par le Comité Vigilance Hydrocarbures de Montréal à la Commission du BAPE sur le projet d’oléoduc Énergie Est de TransCanada, section québécoise Marie-Pascale Deegan Montréal Le 20 avril 2016 Table des matières À propos de nous………………………………………………………………………………………………………. 2 Le projet n’est pas nécessaire ……………….…………………………………………………………………. 2 Le projet n’est pas pertinent……………………………………………………………………………………… 3 Erreur économique Erreur climatique 3 3 Le projet menace notre fleuve et notre eau potable…………………………………………………… 4 Conclusion : Énergie Est, un projet auquel il faut opposer un NON retentissant………….. 4 À propos de nous Le Comité Vigilance Hydrocarbures de Montréal (CVH de Montréal) est un regroupement de citoyennes et de citoyens préoccupés par la recherche, l’exploration, l’exploitation et le transport des hydrocarbures au Québec, spécialement dans la région de Montréal. Formé à l’automne 2015, il est composé de personnes qui n’ont aucun lien financier ni professionnel avec le secteur de l’énergie. Vivement inquiets de l’importance croissante que l’industrie pétrolière et gazière prend au Québec, au moment où la planète doit entamer sa sortie de l’ère des énergies fossiles, les membres du comité ont consacré un nombre considérable d’heures à comprendre les enjeux liés à ce dossier afin de pouvoir fournir des opinions éclairées. Le projet n’est pas nécessaire Lors des séances d’information que la Commission du BAPE a organisées en mars dernier, seule la raffinerie Irving a confirmé qu’elle a conclu une entente d’approvisionnement avec Énergie Est et ce, pour un maigre 50 000 barils par jour sur les 1,1 million que le pipeline transporterait. La raffinerie Suncor de Montréal et la raffinerie Jean-Gaulin (Valero) de Lévis ont indiqué, pour leur part, qu’elles ne sont pas prêtes à signer une telle entente et que si elles le faisaient, leurs engagements totaux ne dépasseraient pas 150 000 barils par jour. En même temps, nous avons appris que nos raffineries bénéficient de sources d’approvisionnement bien diversifiées, un peu partout dans le monde, et ne sont pas près de les laisser tomber. Irving a même été jusqu’à confirmer, tout récemment, qu’elle continuerait à acheter du brut saoudien, qu’Énergie Est soit construit ou non. En résumé, on est forcé de conclure que le projet n’est d’aucune manière nécessaire pour sécuriser l’approvisionnement de nos raffineries et de notre secteur pétrochimique, malgré les cris d’orfraie qu’on entend fréquemment en ce sens. En réalité, les raffineries achètent le pétrole le meilleur marché qu’elles peuvent trouver, et ce n’est pas demain la veille du jour où le pétrole bitumineux de l’Alberta sera le moins cher au monde! Et si elles préfèrent un jour s’approvisionner en grande partie dans l’Ouest, le pipeline d’Enbridge est là pour ça de toute façon. 2/4 Le projet n’est pas pertinent Erreur économique Il est démontré qu’il sera très difficile, pour l’Ouest canadien, d’augmenter sa production de pétrole brut en flèche si les pétrolières n’ont pas accès à un nouvel oléoduc. Le train pourrait sans doute absorber une certaine hausse, mais plus restreinte, à cause des coûts et des limites du réseau ferroviaire. Ainsi, en somme, on peut dire qu’Énergie Est permettrait aux producteurs de l’Ouest canadien d’atteindre leurs cibles de production de pétrole des sables bitumineux d’ici 15 ans. Or, quand les prix du pétrole se sont effondrés et ont entraîné l’économie albertaine dans leur chute, le premier ministre d’alors, Jim Prentice, a déclenché des élections en admettant qu’il avait failli à diversifier convenablement l’économie de la province et en promettant de faire mieux la prochaine fois. « Les Albertains ne seront plus tenus en otage par les fluctuations du prix du pétrole », a-t-il promis1. Aujourd’hui, c’est l’ensemble de la population canadienne qu’on semble vouloir ligoter encore plus solidement en construisant Énergie Est, une infrastructure qui augmenterait encore l’importance du pétrole dans l’économie albertaine, dont les soubresauts se répercutent partout au pays. N’oublions pas que les Albertains ne sont pas les seuls à avoir subi les contrecoups de la baisse du prix du pétrole : si l’Ontario et le Québec n’avaient pas perdu une foule d’emplois liés aux produits d’exportation, à cause des pétrodollars trop élevés pendant la période d’euphorie pétrolière, le gouvernement fédéral n’aurait peut-être pas, aujourd’hui, à faire face à une économie dévitalisée autant dans l’Est que dans l’Ouest du pays, L’heure est venue de diversifier réellement l’économie albertaine et de renforcer ainsi la résilience de l’économie canadienne dans son ensemble. On a même appris récemment que près de 30 % du pétrole qui serait transporté serait du pétrole américain! Qui nous dit qu’Énergie Est ne servirait pas un jour à sortir du pétrole 100 % américain, si le secteur canadien des sables bitumineux finissait de s’effondrer? Erreur climatique Au cours des audiences de la Commission, en mars, certains experts ont suggéré que le pétrole produit au Canada ne le serait peut-être pas ailleurs, et vice versa. Ces propos ont été contestés par plusieurs, qui les ont qualifiés de « spéculation ». Quoi qu’il en soit, assurément, le Canada ne contrôlera pas directement ce qui se passera ailleurs au monde, mais cela ne peut pas être un prétexte justifiant le maintien des politiques passées du pays : le Canada peut à tout le moins tenter d’exercer un leadership en se transformant de pays délinquant en pays modèle. Il n’est plus justifiable pour le Canada de soutenir une hausse de l’extraction de pétrole. Le faire en sachant qu’il s’agit de pétrole des sables bitumineux, le plus intense au monde en matière de contribution au réchauffement planétaire, serait scandaleux. Le faire en se présentant comme un champion mondial du plafond climatique de 1,5 % serait honteux. 1 Edmonton Sun, 7 avril 2015, http://www.edmontonsun.com/2015/04/07/premier-prentice-calls-alberta-election-for-may-5 3/4 Le projet menace notre fleuve et notre eau potable Quels que soient les efforts de TransCanada pour nous convaincre de la sécurité de son éventuel oléoduc, son porte-parole se voit toujours forcé, ultimement, d’admettre que le risque zéro n’existe pas. A-t-on déjà vu des tuyaux qui ne finissent pas par fuir ou se rompre? « Le fleuve coule dans nos veines », disait une bannière lors de la manifestation contre Énergie Est à Cacouna le 11 octobre 2014. Le Saint-Laurent occupe effectivement une place irremplaçable au Québec, qu’il s’agisse d’identité collective, d’eau potable, de qualité de vie ou d’économie. Risquer de lui porter une grave atteinte est une perspective intolérable à nos yeux. Pour la suite du monde, il faut le protéger. Et si cela ne suffit pas aux yeux de certains, nous leur rappelons que le déversement qui a fait suite à l’explosion de la plate-forme Deepwater Horizon, dans le golfe du Mexique, a coûté 54,6 milliards $ à BP2, sans que ces sommes aient empêché des dommages graves à l’écosystème3. Conclusion : Énergie Est, un projet auquel il faut opposer un NON retentissant Pour qu’un projet aussi risqué, à sa face, mérite d’être pris en considération, il faudrait qu’il donne l’espoir de pallier à un problème d’une gravité tout aussi pharaonique. Or, il appert que loin de régler les problèmes économiques du Canada, il les amplifierait. Qu’il donnerait une généreuse poussée aux émissions de gaz à effet de serre du Canada, alors que l’urgence de les réduire se fait pressante. En écoutant les récentes audiences du BAPE, on apprend aussi que les raffineries du Québec ne sont pas spécialement intéressées par le pétrole qu’il leur amènerait. Que l’infrastructure servirait à transporter du pétrole américain. Que le pipeline ne remplacerait donc pas les trains, puisque l’industrie vise une hausse de 1,1 million de barils par jour au Canada et que 30 % de la capacité d’Énergie Est serait réservée au pétrole américain. Qu’il pourrait toujours y avoir un port au Québec et donc une croissance des pétroliers sur le Saint-Laurent, alors que le promoteur a été complètement silencieux à ce sujet. Disons les choses sans détour : nous avons l'impression de faire les frais d'une mauvaise farce. Fin du mémoire CNN, 6 octobre 2015, http://money.cnn.com/2015/10/06/news/companies/deepwater-horizon-bp-settlement/ US Department of Commerce, Office of Response and Restoration, NOAA Studies Documenting the Impacts of the Deepwater Horizon Oil Spill, http://response.restoration.noaa.gov/deepwater-horizon-oil-spill/noaa-studies-documenting-impacts-deepwaterhorizon-oil-spill.html 2 3 4/4