La Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 7 - septembre 2011 | 429
Résumé
La chimiothérapie néo-adjuvante dans le cancer du sein vise avant tout à favoriser le taux de traitement
conservateur mammaire. Cet article, qui passe en revue les principales études publiées justifiant cette
pratique, s’efforce de proposer au clinicien les principaux axes de réflexion sur les types de chimiothérapie,
la réponse tumorale obtenue ainsi que son interprétation en termes de contrôle de la maladie systémique.
Mots-clés
Cancer du sein
Chimiothérapie néo-
adjuvante
Réponse histologique
complète
Thérapie ciblée néo-
adjuvante
Summary
The first aim of neoadju-
vant chemotherapy in breast
cancer is to increase the rate
of conservatory surgical treat-
ment. This article summarizes
the major published trials to
justify neoadjuvant chemo-
therapy and provides the
clinician with the main ideas
concerning the type of chemo-
therapy, the tumoral response
and its interpretation in terms
of systemic disease control.
Keywords
Breast cancer
Neoadjuvant chemotherapy
Pathological complete
response
Neoadjuvant targeted
therapy
Les principales études sont résumées dans le
tableau, p. 430.
En 1985, L. Mauriac et al. (4) ont étudié l’impact
sur la SG d’un traitement par 3 cycles d’épirubicine,
vincristine et méthotrexate, suivis de 3 cycles de
mitomycine C, thiotépa et vindésine administrés
soit en préopératoire soit en postopératoire. Au final,
272 patientes présentant une tumeur du sein de plus
3 cm de diamètre (T2-T3, N0-N1, M0) ont été rando-
misées entre ces 2 bras de traitement (138 versus
134 patientes). Le traitement locorégional a consisté
en une chirurgie non conservatrice (mastectomie
radicale modifiée) dans le bras adjuvant. Dans le
bras néo-adjuvant, une RT exclusive (sein et aires
ganglionnaires) était réalisée en cas de réponse
clinique complète ; si le résidu tumoral clinique
était inférieur à 2 cm, une chirurgie conservatrice
associée à une irradiation était effectuée ; enfin, si
le résidu tumoral clinique était supérieur à 2 cm,
une mastectomie radicale modifiée était pratiquée.
Les auteurs n’ont mis en évidence aucune différence
significative de SG entre les 2 bras de traitement
après plus de 10 ans de suivi médian.
L’essai S6 de l’institut Curie mis en place en 1986
(5-7) visait à mettre en évidence l’absence de diffé-
rence en termes de SG entre un traitement par CT
néo-adjuvante et un traitement identique appliqué
en phase adjuvante. Un total de 390 patientes non
ménopausées présentant un cancer du sein non
métastatique avec une tumeur entre 30 et 70 mm
de diamètre ont été randomisées entre 4 cycles d’une
association de 5-FU, adriamycine et cyclophospha-
mide (FAC) précédant le traitement locorégional
ou lui succédant. Ce traitement a essentiellement
consisté en une RT. La chirurgie n’a été utilisée que
dans les cas de persistance d’une masse tumorale
après RT. Une première publication, avec un suivi
médian de 54 mois, semblait démontrer un bénéfice
en termes de SG du traitement néo-adjuvant (5).
Une mise à jour après 66 mois de suivi médian,
puis 120 mois, n’a pas retrouvé de différence signi-
ficative (6, 7). Ces données ont été récemment
confirmées (Senechal C et al., soumis), et cela indé-
pendamment du statut des récepteurs hormonaux
de la tumeur.
L’essai NSABP-B18, débuté en 1988, visait à
comparer l’impact sur la SG et la SSR d’un trai-
tement par adriamycine et cyclophosphamide
(AC) administré soit en néo-adjuvant soit en
adjuvant (8). Au total, 1 523 patientes présentant
une tumeur du sein opérable d’emblée (T1-T3,
N0-N1, M0) ont été randomisées entre ces 2 bras
de traitement (763 versus 760 patientes). Le trai-
tement locorégional a consisté en une chirurgie,
conservatrice ou non, dont le choix était initia-
lement posé par le chirurgien (indépendamment
de la réduction tumorale éventuelle par le trai-
tement néo-adjuvant). En cas de traitement
conservateur, une irradiation mammaire totale
était effectuée. Aucune différence significative n’a
été mise en évidence entre les 2 bras de traite-
ment. Des mises à jour à 9 ans (9) puis à 18 ans de
suivi (10) ont été publiées, démontrant l’absence
de différence significative en termes de SG et de
SSR. De façon intéressante, l’analyse de la SG à
18 ans, met en évidence une nette tendance béné-
fique mais non significative d’un traitement néo-
adjuvant chez les patientes de moins de 50 ans
(61 versus 55 %) et, inversement, d’un traitement
adjuvant chez les patientes de plus de 50 ans
(55 versus 50 %).
L’essai européen de l’EORTC (European Organization
for Research and Treatment of Cancer) [11], publié
en 2001, comparait l’administration de 4 cycles
de FEC 60 (5-FU, épirubicine, cyclophosphamide)
avant ou après prise en charge chirurgicale chez
698 patientes randomisées ; cette étude ne montrait
aucune différence de SG à 48 mois.
L. Gianni et al. (12) ont publié une étude compa-
rant un traitement par 4 cycles de doxorubicine
(A) avec ou sans paclitaxel suivis de 4 cycles de
l’asso ciation CMF (cyclophosphamide, méthot-
rexate, 5-FU) administrés en néo-adjuvant ou en
adjuvant (European Cooperative Trial in Operable
Breast Cancer [ECTO]). L’étude comportait 3 bras
de traitement : chirurgie + 4 cycles d’A + 4 cycles
de CMF ; chirurgie + 4 cycles d’AT + 4 cycles de CMF ;
4 cycles d’AT + 4 cycles de CMF + chirurgie. Dans
cet essai, 1 348 patientes ont été randomisées. Il
n’y avait pas de différence significative en termes
de récidive, de récidive à distance ou de SG entre
les 2 bras de traitement systémique comportant
du paclitaxel, que la CT soit administrée en pré- ou
en postopératoire.