Etude sur la surveillance
dans le champ de la santé mentale
Rapport final
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Ce rapport est le fruit d’une étude commanditée par le Département des maladies chroniques et des
traumatismes (DMCT) de l'Institut de veille sanitaire (InVS). Elle fait suite à la deuxième consultation sur
les priorités de veille sanitaire au cours de laquelle la santé mentale a été classée parmi les 10 priorités
du DMCT. Cette étude a eu pour objectif l’établissement du bilan actuel de l’existant et des besoins de
connaissance et d’information ainsi que la production de propositions concrètes pour la mise en œuvre
d’un programme de surveillance en santé mentale à l’InVS, dans le cadre de la préparation du deuxième
contrat d’objectifs et de moyens de l’InVS.
L’étude définit la surveillance en santé mentale comme étant la prise en compte, par des outils et des
dispositifs valides, de l’état de santé mentale de la population et de son évolution. La surveillance
suppose des indicateurs fiables et valables ainsi que des mesures prises de façon systématique et
répétée. Les indicateurs incluent les mesures des différents aspects de la santé mentale ainsi que les
déterminants sociaux et les autres facteurs ayant un rapport avec elle, par exemple, l’expression des
besoins de soin ou l’utilisation des services (chapitres 1, 2).
Pour réaliser cette mission, quatre méthodes ont été mobilisées : (1) des entretiens avec des décideurs
et des acteurs du champ de la santé mentale, (2) l’identification et l’analyse de la littérature scientifique,
des rapports d’enquêtes et d’études, (3) l’identification de systèmes de recueil d’information
médico-administratifs et d’enquêtes ; (4) l’examen du système de surveillance en santé mentale au
Royaume-Uni. En tout, 57 personnes ont été interviewées en France et à l’étranger et 12 autres ont fait
l’objet d’un échange par courrier. Suite aux recherches bibliographiques, une analyse a été faite sur un
corpus assez complet de la littérature scientifique et de la littérature « grise » dans les domaines
connexes à la surveillance en santé mentale : santé publique, épidémiologie psychiatrique, sociologie et
anthropologie de la santé mentale. Le comité de pilotage nommé par l’InVS a joué un rôle essentiel de
consultation et de ressource tout le long du déroulement de l’étude (chapitre 3).
Malgré la transition en France d’une politique de la psychiatrie vers une politique de santé mentale –
transition appuyée par le législateur – la délimitation du champ de la santé mentale reste insuffisamment
précise. L’ambiguïté des notions de « trouble mental » et de « santé mentale », la sensibilisation
croissante du grand public aux problèmes de santé mentale, la tendance à exprimer toute une série de
troubles et difficultés, y compris sociaux, en termes de « souffrance psychique », ont pour effet de créer
une population-cible potentielle pour la psychiatrie et pour les professions connexes qui est en
expansion constante et indéfinie. Ces problèmes de définition, ainsi que ceux attenants aux indicateurs
de mesure, fragilisent la fiabilité que l’on peut accorder y compris aux plus importantes enquêtes
d’épidémiologie psychiatrique dont nous disposons par ailleurs.
Ceci étant dit, une partie des définitions de la santé mentale proposées aujourd’hui en France intègrent
un ensemble de déterminants relatifs aux interactions entre les individus et leur environnement. Elles
mettent l’accent sur la dimension collective de l'état de détresse, en cherchant les conditions sociales
qui en sont à l'origine. Cette approche rejoint les grandes lignes de la santé publique moderne et son
approche plus axée sur les populations que sur l’individu. A travers la surveillance, il est actuellement
possible de repérer le trouble mental, la santé mentale et la souffrance psychique (a) avec des outils de
mesure standardisés, (b) en prenant compte des déterminants sociaux, et (c) en cherchant, à travers des
perspectives sociologiques, à mieux comprendre le sens de l’apparition de ces phénomènes dans la
société d’aujourd’hui (chapitre 5). Mais aucun critère scientifique ne peut résoudre le problème de la
délimitation des phénomènes, des états, des conditions à prendre en compte dans une politique de
santé mentale. L’objet d’une telle politique relève nécessairement d’un consensus et d’une décision
politique. Ce rapport vise à fournir des éléments essentiels pour éclairer la constitution d’un tel
consensus et les prises de décision.
Avant de pouvoir hiérarchiser les problèmes devant faire l’objet d’une surveillance et apprécier l’intérêt
des différentes sources d’information pour la surveillance en santé mentale, il est nécessaire de
comprendre les étapes par lesquelles se manifeste un problème de santé mentale. Différentes étapes
existent, en effet, entre le moment de la reconnaissance par les sujets (ou leur entourage) d’un problème
de santé mentale, l’expression d’un besoin d’aide ou de soin ou encore la demande, d’une part, et le
Synthèse