L’arthropathie tabétique est une affection dégénérative chronique qui touche une ou plusieurs articulations, dépourvues de leur innervation sensitive douloureuse et proprioceptive, et continuellement soumise aux traumatismes de la vie courante. Sur le plan topographique, l’atteinte du rachis figure en troisième rang après celle du genou et de la hanche. Homme de 56 ans présentant des douleurs lancinantes, intermittentes des membres évoluant depuis un an, associées à une monoarthrite chronique du genou droit. À l’examen somatique, une marche talonnante, une hypo-esthésie vibratoire aux membres inférieurs, un signe de Romberg positif, sans douleurs à la mobilisation du genou droit, ni de syndrome rachidien. Les radiographies standards ont montré une destruction ostéoarticulaire avec calcifications au niveau du genou droit (figure 1), des lésions ostéolytiques étendues avec un pincement de l’espace intervertébral de L1 à S1 (figure 2). L’IRM était compatible avec une spondylodiscite de L1 à S1 (figure 3). Nous soulignons que le patient n’avait aucune douleur rachidienne. La biologie révéla un discret syndrome inflammatoire biologique, une sérologie syphilitique positive dans le sang, le liquide articulaire et le liquide céphalorachidien (LCR). La biopsie synoviale a révélé une synovite non spécifique. Le bilan phtysiologique (3 BK crachats et IDR à la tuberculine) était négatif. Devant ce caractère indolore, associé à la sérologie syphilitique positive dans le LCR, le diagnostic d’arthropathie tabétique du genou droit et du rachis était établi. Un traitement par pénicilline G a été démarré mais le patient a présenté une réaction allergique nécessitant l’arrêt de la pénicilline et l’instauration de la céphalosporine de troisième génération. L’évolution a été marquée par une régression du syndrome radiculo cordonal posterieur, et de l’épanchement articulaire. La sérologie syphilitique de contrôle avait montré une TPHA positive eu une VDRL négative dans le sang, le liquide articulaire et dans le LCR. Figure 1 : Radiographie du genou droit, F,P: pincement de l’interligne articulaire avec irrégularité de l’os sous chondral , subluxation externe du tibia, calcifications periarticulaires T1 Figure 2: Radiographie standard du rachis dorsolombaire, face: irrégularités des plateaux vertébraux, pincement discal associé à des ostéophytes bilatéraux. T1 + injection de gadolinium T2 Figure 3: IRM du rachis dorsolombaire, coupe sagittale: irrégularité des plateaux vertébraux, géodes sous chondrales, rehaussées après injection de gadolinium Présence d’anomalie du signal des corps vertébraux de D12 et L1 avec fractures des corps vertébraux de L2, L3, L4 , L5 , en hyposignal T1 et hypersignal T2, rehaussées après injection de gadolinium Pincement discal aux étages L1-L2, L2-L3, L4-L5, L5-S1 avec prise de contraste discale hétérogène à l’étage L2-L3 Importantes ostéophytes postérieures étagées L’arthropathie tabétique est une affection dégénérative chronique qui touche une ou plusieurs articulations, dépourvues de leur innervation sensitive douloureuse et proprioceptive, et continuellement soumise aux traumatismes de la vie courante. Elle se voit dans 10 % des cas de tabès, généralement 10 à 20 ans après ses premiers signes. Sa pathogénie est basée sur deux théories: une théorie trophique en rapport avec une perturbation neurovégétative à l’origine d’anomalies de la trophicité articulaire et de l’hyper-résorption ostéoclastique ; et une théorie mécanique due à l’anesthésie articulaire qui supprime toute protection de l’articulation soumise à des traumatismes répétés. Sur le plan topographique, l’atteinte du rachis figure en troisième rang après celle du genou et de la hanche. Notre patient présente une double localisation de son arthrotabés (genou et rachis) En l’absence de contexte de maladie syphilitique, l’association de déformation articulaire indolore et des images radiologiques de destruction articulaire avec ou sans signes neurologiques doit faire évoquer une arthropathie tabétique et incite à demander une sérologie syphilitique La pénicilline G est la pierre angulaire des thérapies actuellement disponibles. Notre patient avait une allergie à la pénicilline, nécessitant l’ arrêt de celle-ci et la substituer par les céphalosporines de troisième génération. Pour certains auteurs, la pénicilline est indispensable au traitement de la neurosyphilis, notamment chez la femme enceinte, sans aucune alternative thérapeutique satisfaisante. Ainsi, ils recommandent d’envisager une désensibilisation à la pénicilline chez les patients neurosyphilitiques , ayant une allergie à la pénicilline.