Des consommateurs aux - Association Française du Marketing

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Des consommateurs aux « little monsters » :
l’industrie du disque peut-elle mobiliser
les communautés de consommateurs ?
Anthony Galluzzo
Doctorant Contractuel Chargé d’Enseignement
Centre de Recherche en Management (CRM, UMR 5303 CNRS/UT1)
IAE - Université de Toulouse 1 Capitole
2, rue du Doyen Gabriel Marty, 31042 Toulouse Cedex 9
Jean Philippe Galan
Professeur des Universités
Centre de Recherche en Management (CRM, UMR 5303 CNRS/UT1)
IAE Université de Valenciennes et du Hainaut Cambrésis
Les Tertiales, rue des Cent-Têtes, 59313 Valenciennes Cedex 9
jean-philippe.ga[email protected] / +33(0)5.61.63.56.79
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Des consommateurs aux « little monsters » : l’industrie du disque peut-elle mobiliser les
communautés de consommateurs ?
Résumé:
La chute de l’industrie du disque et les tentatives des majors pour lutter contre les copies
illégales ont amené une tension entre les entreprises du secteur et le public. L’industrie est-elle
capable de prendre en compte les nouvelles attentes et pratiques des consommateurs ? A
travers l’étude du cas de Lady Gaga, célébrité la plus suivie sur Twitter et l’une des plus
grandes vendeuses d’albums depuis quatre ans, cet article analyse, via une twetnographie, la
naissance d’un nouveau business model pour l’industrie, reposant sur le community
management, le marketing tribal et la logique dominante de service.
Mots-clés : musique, twetnographie, fan, CCT, communauté.
From consumers to “little monsters”: can Recording Industry mobilize consumers’
communities?
Abstract :
A tension emerged between music companies and consumers because of the aggressive an-
swers given to the recording industry’s collapse problem. Is the music industry still able to
understand consumers’ new expectations and practices? Our article studies the community
management of Lady Gaga, a best-selling music artist that is also Twitter’s most followed per-
son. Our twetnography describes the emergence of a new business model for the industry,
based on community management, tribal marketing and service-dominant logic.
Key-words: music, twetnography, fan, CCT, community.
Des consommateurs aux « little monsters » : l’industrie du disque peut-elle mobiliser les
communautés de consommateurs ?
Introduction
Alors que la consommation musicale semble s’étendre pour accompagner le consommateur en
tout lieu, portée par toujours plus de dispositifs électroniques, le chiffre d’affaires de son in-
dustrie est en perpétuelle baisse, reflétant en cela l’inadéquation des supports physiques (com-
pact discs) et plus largement de son business model (Moyon, 2011) aux nouvelles formes de
consommation. La transition vers le numérique semble être la principale source de la chute
des ventes des musiques enregistrées, chute que rien ne semble pouvoir enrayer, ni l’éclosion
d’une offre de téléchargement légal, ni les tentatives d’encadrement juridique (e.g. le texte
Hadopi en France ou encore le projet de loi SOPA Stop Online Piracy Act aux Etats-Unis).
Durant la première décennie des années 2000, le marché s’est effondré et le nombre de ventes
a quasiment été divipar trois au niveau mondial, passant de $26,9 milliards à $11,9 mil-
liards.
L’industrie du disque, au travers de l’association interprofessionnelle RIAA (Recording In-
dustry Association of America) a pourtant tenté de lutter contre les sites d’échange de fichiers
musicaux (P2P) qui se sont progressivement décentralisés ou délocalisés pour échapper aux
actions judiciaires. Face à une situation juridique complexe quant à ces plateformes, la RIAA
a choisi d’attaquer en parallèle les utilisateurs de services P2P. C’est le modèle qui a servi de
base à l’élaboration de l’Hadopi. Si le midem 2012 a été l’occasion pour les professionnels de
dire qu’en France l’Hadopi est un succès car on peut observer une baisse de fréquentation des
serveurs peer-to-peer (P2P), il n’en demeure pas moins que ces actions dirigées contre les
consommateurs posent l’industrie du disque dans une situation délicate. En effet, d’une part,
l’industrie du disque particulièrement cristallisée à travers l’image des « majors » - passe
d’une image de fournisseur de divertissement à celle d’un groupe d’entreprises tentaculaire
(la plupart des labels sont aujourd’hui des filiales d’un des trois majors que sont Universal
Music Group, Sony Music Entertainment et Warner Music Group) prêtes à envoyer des con-
sommateurs en prison pour préserver leur niveau de bénéfice. D’autre part, ce fonctionnement
prend des aspects politiques et sociétaux et se trouve en discordance avec la consommation
postmoderne caractérisée par des consommateurs actifs, partenaires dans l’élaboration de
l’offre. De ce fait, même si ces démarches coercitives semblent montrer des résultats à court
terme, on peut anticiper une augmentation de la résistance voire de la défiance des consomma-
teurs quant à l’industrie du disque.
Si l’industrie musicale paraît avoir un certain potentiel d’adaptation de son business model
notamment quant au développement de sources de valeur en exploitant les complémentarités
entre les contenus et les contenants (Moyon, 2011), sera-t-elle aussi efficace pour adapter son
rapport au consommateur, qu’elle continue souvent de considérer comme passif ? Cette re-
cherche se propose, à travers une étude de cas, de montrer comment les réseaux sociaux peu-
vent être l’occasion pour les artistes de privilégier des rapports particuliers avec leur public,
rapports pourtant propice à la valorisation commerciale tout en préservant les attentes du con-
sommateur de produits culturel qui même s’il est conscient de l’intention marchande (Cova et
Cova, 2004) préfère qu’elle soit mise au second plan (Bourgeon et alii, 2009).
1. Méthodologie
Sur Twitter, les personnalités les plus suivies sont souvent des stars issues de l’industrie musi-
cale. Si l’on se penche sur le classement des comptes Twitter les plus suivis
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, on constate que
huit des dix premières places sont occupées par des stars de la musique, toutes américaines.
Les stars les plus suivies sont également celles qui vendent le plus d’albums : Lady Gaga, Jus-
tin Bieber, Nicki Minaj, Katy Perry, Rihanna, Britney Spears et Taylor Swift comptent parmi
les stars musicales ayant vendu le plus d’albums ces trois dernières années
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et dépassent tous
les 10 millions de « suiveurs » sur Twitter. Lady Gaga domine les deux catégories : depuis
2009, elle s’est imposée comme l’une des plus grandes vendeuses d’albums dans le monde et
comme la star la plus suivie sur Twitter. Lady Gaga est parvenue au fil des années à générer,
mais également à manager, une jeune communauté de fans, qu’elle appelle ses « little mons-
ters » (petits monstres). Lady Gaga, distribuée par le label Interscope, filiale du groupe Uni-
versal Music Group, constitue un cas intéressant pour le marketeur souhaitant s’interroger sur
les bouleversements de l’industrie musicale, « ex industrie du disque ».
De février 2009 à octobre 2012, Lady Gaga a publié sur son compte Twitter plus de deux
mille messages (ou tweets), que nous avons relevé, lu et archivés selon une catégorisation
émergente (Galan et Vignolles, 2009). Au fil des lectures, quatre grandes catégories de tweets
ont été établies, selon le type d’information qu’ils diffusent :
(1) Promotion : catégorie regroupant les tweets d’informations relatives à des événements
professionnels : concerts, répétitions, enregistrements, promos, etc...
(2) Fandom : des messages d’interaction, directs ou indirects, avec les fans.
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Relevé effectué le 01/11/2012 : 1. Lady Gaga : 31 millions d’abonnés / 2. Justin Bieber : 30 / 3. Katy
Perry : 29 / 4. Rihanna : 26 / 5. Barack Obama : 23 / 6. Britney Spears : 21/ 7. Taylor Swift : 20 / 8.
Shakira : 18 / 9. Kim Kardashian : 16 / 10. Nick Minaj : 15.
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Source : Billboard
1 / 21 100%

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