Topologie et Ultrafiltre
Résumé
Les filtres généralisent la notion de convergence, et donc sont particu-
lièrement utiles en topologie.
1 Introduction
Les suites sont des notion extrêmement utiles dans les espaces métriques
mais malheureusement insuffisantes en topologie générale. Il existe un espace X
et deux topologies ayant les mêmes suites convergentes, par exemple X=Net
T1la topologie discrète, T2la topologie cofinie. Dans ces deux cas, xnxsi
et seulement si xn=xa partir d’un certain rang.
Les suites ne sont donc pas toujours suffisante pour caractériser la topologie
associé à notre espace. Il existe une notion de suite généralisées qui est aussi
puissante que les filtres : cependant, des subtilités parfois difficiles à voir sont
cachées derrières les indices utilisés sur ces "suites généralisées". Par exemple, il
existe des "sous-suites" de suites généralisés tel que le cardinal de la sous-suite
est strictement plus grand que le cardinal de la suite originel.
L’étude des filtres est assez simple une fois le formalisme de la théorie des
ensembles assimilées, et donne des preuves courtes et élégantes.
2 Qu’est ce qu’un filtre ?
2.1 Premier pas avec les filtres
Soit Eun ensemble. Une topologie Tsur Edéfinit une famille d’ouverts, et
si PE, on peut définir l’ensemble Vdes voisinages d’un point PEcomme
les sous-ensembles Aqui continennent un ouvert U, contenant P.
Vpossède les 4 propriétés suivantes dont la vérification est immédiate :
I) Si AVet ABalors BV(extentionnalité)
II) Si AVet BValors ABV(intersection)
III) EV
IV) /V
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Définition 2.1. Soit Eun ensemble. Un filtre sur Eest une famille FP(E)
qui vérifie les axiomes précédents. De plus, si pour tout filtre Gon a FGF=G
alors Fest appellé un ultrafiltre.
Si FGon dit que Gest plus fin que F. Un ultrafiltre n’admet donc pas de
filtre plus fin que lui.
A partir de maintenant, sauf mention du contraire on supposera que tous les
filtres sont définis sur un ensemble E, et plus tard sur un espace topologique X.
Exemple 2.1. On peut donner plusieurs exemples de filtres et d’ultrafiltres.
Si Eest un ensemble non-vide, à chaque xEon peut associer l’ultrafiltre
Ux={AE|xA}. Cet ultrafiltre est appel ultrafiltre principal, ou ato-
mique.
Si x0R, on peut prendre le filtre F={AR| ∃ε > 0,(x0, x0+ε)A}qui
n’est pas un ultrafiltre (prendre A=Q).
On a le filtre de Fréchet F={AN|Acest fini }. Un ultrafiltre sur Nest
principal si et seulement si il ne contient pas F.
Soit (xn)nNune suite et Fn={xn, xn+1, xn+2, . . .}. Alors, F={AX|
FnApour nN}est un filtre.
Voici une première proposition pour se familiariser avec les ultrafiltres :
Proposition 2.1. On a les équivalences entre les propositions suivantes :
a) Uest un ultrafiltre.
b) Pour tout AE, soit AUsoit AcU.
c) Si ABUalors AUou BU.
Démonstration. a) b) Soit Uun ultrafiltre tel que Ac/U. Alors, pour
tout BU:BA6=. Sinon, on aurait ∅ 6=BAcUet donc par
l’axiome I) AcU. Par conséquent, la famille U∪ {C|ABC, B
U}définit un filtre plus fin que U. Par maximalité, U+=Uet donc
AU.
b) c) Supposons que B /U. Par hypothèse, on a donc BcUet donc
(AB)Bc=AU.
c) a) Supposons que Une soit pas maximal. Alors, soit Fun filtre conte-
nant Uet AF\U. On a A /U, et donc AcU. En effet, EUet
E=AAc. Par conséquent, AcFet AFdonc ∅ ∈ Fet on obtient
une contradiction.
Théorème 2.1. Soit Fun filtre sur un ensemble E. Il existe un ultrafiltre U
tel que FU.
Démonstration. L’ensemble des filtres est partiellement ordonné. Si Cest une
chaîne de filtres, alors G=SFCFest un filtre. En effet, si ∅ ∈ Galors il
existe un FCtel que ∅ ∈ F, ce qui est impossible. Clairement, EG.
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Supposons que A, B G. Alors, A, B appartienent à un filtre en commun, donc
leur intersection appartient audit filtre, lui-même inclus dans G. Enfin, si AG
et AB, alors AFpour un certain FC. Mais alors, BFet donc
FG.
Si on regarde la preuve a)b)on a créé un nouveau filtre F(A)à partir d’un
ancien filtre Fet d’un sous-ensemble AEsous la condition que AB6=si
BF. On peut généraliser cette construction et parler du filtre engendré par
une partie :
Proposition 2.2. Soit SP(E)un ensemble de partie tel que toute inter-
section finie d’éléments de Ssoit non vide. Alors, il existe un plus petit filtre F
qui contienne S, appellé le filtre engendré par Set noté F(S)ou FE(S).
On appelle Sune base de filtre.
Démonstration. Soit F={A| ∃S1, . . . , SnS, n
i=1SiA}. Clairement,
SFet Fdéfinit bien un filtre, minimal par construction.
Dans le cas précédent, on avait S=UA.
2.2 Filtres et suites
Dans le formalisme des filtres, à toute suite on peut associer un filtre, comme
le montre l’exemple 2.1. En fait, on a une définition de points d’accumulation
d’un filtre, de point limite d’un filtre ... Dans le cas d’un filtre provenant d’une
suite, les notions coïncident.
Soit Fun filtre sur un espace topologique X. On dit que xest un point
limite de F, noté Fx, si VxF. On dit que xest un point d’accumulation
de Fsi pour tout voisinage Ude x, pour tout AFon a AU6=.
On peut voir facilement que xest un point d’accumulation de Fsi et seulement
si x∈ ∩AFA.
Proposition 2.3. Tout point limite d’un filtre Fest un point d’accumulation.
La réciproque est vraie si Fest un ultrafiltre.
Démonstration. Soit xtel que Fx. Si VxF,AUFet donc en
particulier non-vide.
Si AUest non-vide pour tout AF, U Vxalors on peut prendre le filtre
Gengendré par Fet Vx, qui existe d’après 2.2. Par définition de GVxGet
FG. Par maximalité G=Fet donc VxF.
Proposition 2.4. Si Xest Hausdorff, alors un filtre n’admet qu’au plus qu’un
point limite.
Démonstration. Un filtre admet plusieurs limites si et seulement si il existe
un filtre Fengendré par Vxet Vy. Mais alors, tout voisinage de xet de y
s’intersectent et donc Xn’est pas Hausdorff.
Proposition 2.5. Soit (xn)nNune suite dans un espace Xet Fle filtre associé
à la suite. Alors Fxxnx
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Démonstration. ) Si Fxalors VxF. En particulier, si Uest un voisi-
nage arbitraire de x,UFpar hypothèse et donc il existe un rang ktel que
(xn)nkU. Ainsi xnx.
Si xnx, soit Uun voisinage arbitraire de x. Alors, il contient un ensemble
de la forme (xn)nket donc VxF.
Il en est de même avec les points d’accumulation : la preuve est similaire. Si x
est un point d’accumulation de Ftout ouvert contenant xintersecte toute partie
contenant un (xn)nkce qui revient à dire que xest un point d’accumulation
de xn.
2.3 Image directe d’un filtre
Définition 2.2. Soit f:XYune application ensembliste, et Fun filtre
sur X. L’image direct de Fpar f, noté fF, est le filtre engendré par les f(A)
pour AF.
Ce filtre est bien défini. En effet, on a f(AB)f(A)f(B). Comme
AB6=l’ensemble S={f(A) : AF}forme bien une base de filtre.
Proposition 2.6. fF={BY|f1(B)F}
Démonstration. Soit BfF. Alors, f(A)Bpour AF. On a alors
f1(f(A)) f1(B). Comme Af1(f(A)) on en déduit que f1(B)F.
Pour la deuxième inclusion, supposons que f1(B)F. Alors, f(f1(B)F
et f(f1(B)B.
En particulier
Proposition 2.7. Si fest surjective alors fF={f(A)|AF}
Démonstration. Il suffit juste de montrer que fF⊂ {f(A)|AF}.Soit
BfFd’après la caractérisation précédente f1(B)F. Comme fest
surjective, f(f1(B)) = B. Par conséquent, en prenant A=f1(B)on a bien
l’inclusion fF⊂ {f(A)|AF}.
Proposition 2.8. Soit f:NXune suite. Alors, fFxsi et seulement
si fnx, où Fest le filtre de fréchet.
Démonstration. Si fFxalors, pour tout voisinage de x f1(V)Fet
donc fnx.
L’autre direction est similaire : si fnx, alors f1(V)N\A, avec A fini, ce
qui montre l’inclusion VxfF.
Proposition 2.9. Soit f:XYune application continue entre espace topo-
logique. Si xest un point d’accumulation de Falors f(x)est un point d’accu-
mulation de fF.
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Démonstration. Soit BfFet Wun voisinage de f(x). Alors, f1(B)F
et donc f1(W)f1(B)6=(car xest un point d’accumulation de F). On a
donc ∅ 6=f(f1(W)f1(B)) BWce qui montre que f(x)est un point
d’accumulation de fF.
Proposition 2.10. Soit f:XYune application ensembliste. Alors, fest
continue en xsi et seulement si FxfFf(x)pour tout filtre F.
Démonstration. Pour la première implication, supposons que fest continue en
x. Soit Fx. On a donc l’inclusion VxF. Soit Vun voisinage de f(x).
f1(V)Fpar hypothèse, mais alors par définition VfFce qui signifie
que Vf(x)fF.
Pour la réciproque il suffit de prendre le cas particulier F=Vx.
Proposition 2.11. Si f:XYest une application ensembliste et Uest un
ultrafiltre, fUest un ultrafiltre.
Démonstration. Soit B /fU. Alors, f1(B)/U. Donc, f1(B)cU. Mais
f(f1(B)c)Bcet donc BcfU.
Proposition 2.12. Soit (Xi)iIune famille d’espaces topologiques, Xleur pro-
duit, et πi:XXila i-ème projection, Fi:= πiF. Alors, si Fest un filtre
sur Xon a équivalence entre Fxet Fixi.
Démonstration. Par la proposition 2.10 le sens direct est immédiat.
Supposons que πiFxipour tout i. Prenons un voisinage Ude x,U=QiUi
Ui=Xipour presque tout les indices i. Par hypothèses, UiπiFet donc
UF, autrement dit Fx.
Proposition 2.13. On a l’équivalence suivante :
a) Xest quasi-compact.
b) Tout filtre sur Xadmet un point d’accumulation.
c) Tout ultrafiltre converge.
Démonstration. a) b) Soit Fun filtre sur X. On sait, par compacité de
X, que x∈ ∩AFAsi et seulement si x∈ ∩n
i=1Aipour AiF, mais la
dernière égalité est trivialement impliquée par la définition d’un filtre.
b) c) C’est clair : b) indique que tout ultrafiltre admet un point d’accu-
mulation, mais d’après la proposition 2.3 c’est équivalent à avoir un point
limite.
c) a) Supposons que tout ultrafiltre converge. Soit E= (Fi)iIune fa-
mille de fermés possédant la propriété d’intersection finie (voir l’appendix
pour plus de détails). Alors, elle définit une base de filtre et par le théorème
de l’ultrafiltre on peut étendre F(E)en un ultrafiltre U. Comme ce der-
nier converge, il existe xtel que x∈ ∩AUAet en particulier x∈ ∩FEF.
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